FILICOPHYTES
Les Filicophytes correspondent aux végétaux désignés communément sous le nom de fougères. Ce sont des plantes sans graines qui possèdent généralement de grandes feuilles ou frondes appelées encore mégaphylles et qui, en cela, s’opposent aux autres Ptéridophytes dépourvues de vraies feuilles (Psilophytes) ou pourvues de petits organes foliaires ou microphylles (Lycophytes et Arthrophytes).
Comme chez les Ptéridophytes, une même espèce passe chez les Filicophytes par deux formes successives, différentes au point de vue morphologique et cytologique: l’une ayant 2 n chromosomes (individu diploïde), lorsqu’il s’agit de la plante feuillée ou sporophyte porteur de sporanges; l’autre n chromosomes (individu haploïde), lorsqu’il s’agit du prothalle ou gamétophyte qui différencie les gamètes (archégones et anthéridies).
Habituellement, les sporanges contenant les spores sont localisés sur la marge ou sur la face abaxiale de feuilles stériles.
L’embranchement des Filicophytes compte 247 genres et plus de 9 000 espèces, répartis sur une vaste partie du globe, dans tous les habitats possibles.
En général, les fougères exigent de l’humidité et de la chaleur; aussi les rencontre-t-on surtout dans les régions humides et tempérées ou chaudes, notamment dans celles à climat océanique. En Europe, leur aire optimale borde l’océan Atlantique (ouest de l’Irlande, sud-ouest de la Norvège, Asturies); en revanche, les steppes continentales de la Hongrie et du sud de la Russie, le centre de l’Espagne leur sont nettement hostiles, ce qui n’exclut pas que des niches à microclimat favorable, un puits par exemple, y puissent héberger de riches colonies de fougères.
1. Cycle de développement de la fougère mâle
La fougère mâle (Dryopteris filix , mas ), commune dans une grande partie de l’Europe, présente des frondes bipennatiséquées de 20 cm à 1 m de long, enroulées en crosse (feuille circinée) à l’état jeune. Certaines portent, à la face intérieure des lobules (fig. 1), les organes reproducteurs disposés sur deux rangs. Ceux-ci contiennent des spores toutes semblables (homosporie) renfermant dans leur noyau 82 chromosomes.
Lorsqu’une spore trouve un terrain propice, elle germe: sa paroi externe, l’épispore, se déchire et laisse sortir un tube de protoplasme entouré par la membrane interne mince. Par suite de divisions cellulaires se développe une petite lame verte en forme de cœur, de 1 cm environ, le prothalle ; appliqué sur le sol, il y est fixé par de fins poils unicellulaires, les rhizoïdes, assurant l’absorption de l’eau et des éléments minéraux.
Le prothalle n’a, en épaisseur, qu’une seule assise de cellules, sauf dans sa partie centrale appelée coussinet. À cet endroit et à la face inférieure se différencient les gamétanges ou organes sexuels, les uns mâles ou anthéridies, les autres femelles ou archégones (fig. 1).
L’anthéridie comporte à l’état jeune une cellule centrale entourée d’une assise de cellules périphériques. La cellule centrale engendre de nombreux gamètes mâles libres, les anthérozoïdes, constitués chacun d’une cellule pourvue d’une touffe de cils permettant à l’anthérozoïde de se déplacer dans l’eau.
Les archégones ont la forme d’une bouteille dont la panse est enfoncée dans le tissu du prothalle, tandis que le long goulot fait saillie à la face inférieure. La panse renferme un gamète femelle unique, l’oosphère.
À maturité, il suffit d’un peu d’eau sous le prothalle pour que les anthéridies et les archégones s’ouvrent. Les anthérozoïdes libérés sont attirés par une substance (acide malique) émise par l’oosphère et pénètrent dans le goulot de l’archégone. Un seul anthérozoïde s’unit à l’oosphère. La fusion des deux noyaux possédant chacun 82 chromosomes, comme la spore originelle et comme toutes les cellules du prothalle, engendre le zygote à 164 chromosomes.
La cellule du zygote se cloisonne et donne naissance à un embryon qui grandit et devient une plantule munie d’une radicule, d’une tigelle et d’une première feuille; elle vit un certain temps aux dépens du prothalle, dont elle tire sa nourriture au moyen d’un organe absorbant, le pied. Lorsque la radicule s’enfonce dans le sol, le prothalle, devenu inutile, meurt. Le développement ultérieur engendre une plante diploïde possédant racines, rhizome, frondes.
Adulte, la plante forme des spores sur la face intérieure de certaines de ses frondes. Les spores naissent à l’intérieur des sporanges, petits organes groupés eux-mêmes en massifs arrondis, les sores, recouverts chacun d’une écaille appelée indusie.
Chaque sporange se développe à la surface à partir d’une seule cellule épidermique et comporte un mince pédicelle terminé par une capsule qui, à maturité, a la forme d’une lentille biconvexe. Cette capsule comporte, de l’extérieur à l’intérieur, deux assises cellulaires: l’une, externe, constitue la paroi; l’autre, plus interne, le tapis, servira de nourriture aux spores; au centre une seule cellule, l’archéspore, donne par la suite 12 cellules mères de spores dont les noyaux, toujours diploïdes, subissent la méiose. Chaque sporange renferme finalement 48 spores haploïdes (82 chromosomes).
Quelques cellules de la paroi du sporange ont leurs membranes internes et radiales qui présentent des épaississements en forme de U. Elles constituent l’anneau de déhiscence, interrompu de part et d’autre du pédicelle par un groupe de cellules à parois minces formant le stomium (fig. 2).
La déshydratation des cellules de l’anneau entraîne une contraction du protoplasme; la membrane périphérique, mince et élastique, devient concave; les parois radiales épaissies rapprochent un peu leurs extrémités. Ce petit mouvement, multiplié par les 14 à 16 cellules que comporte l’anneau, inverse la courbure, déchirant la paroi du sporange au niveau du stomium. Les spores sont alors dispersées. Le cycle de développement de la fougère mâle est terminé.
2. Variations du cycle chez les fougères
Sporophyte et gamétophyte
L’alternance sporophyte-gamétophyte décrite chez la fougère mâle se retrouve dans l’ensemble des fougères (fig. 3).
Le sporophyte présente une grande variation morphologique: frondes entières (Asplenium nidus , Scolopendrium vulgare , Camptosorus ), lobées ou diversement découpées (Polypodium vulgare , Pteridium aquilinum , Osmunda regalis , Botrychium virginianum ), parfois très finement (Trichomanes longisetum ); dimorphes (Platycerium ); flottantes et entières chez Salvinia natans ; à quatre folioles chez Marsilea .
Le sporophyte est habituellement vivace; les frondes sont portées le plus souvent par une tige très courte ou un rhizome (nombreuses Filicales), exceptionnellement par un tronc (fougères arborescentes: Cyathéacées); il est rarement annuel (Anogramma ). Cependant, les frondes sont quelquefois annuelles (Dryopteris filix mas , Pteridium aquilinum ).
Le gamétophyte est en général épigé, chlorophyllien, persistant longtemps (Marattiales, Osmondales) ou éphémère (Filicales); chez les Ophioglosses, il est souterrain et incolore. Les fougères aquatiques ont des gamétophytes très réduits, se développant dans les spores, et unisexués (hétéroprothallie). Les spores submergés sont enfermés dans des organes clos, les sporocarpes, constitués par un lobule foliaire (Marsilea ) ou par l’indusie (Salvinia ). L’hétéroprothallie engendre l’hétérosporie avec macro- et microspores.
Les cellules des gamétophytes ou des racines des sporophytes de diverses fougères renferment des champignons symbiotiques, les rhizomycètes, qui jouent un rôle dans leur nutrition (mycotrophie). Cette symbiose est de règle pour des familles entières telles qu’Ophioglossacées, Marattiacées et Gleichéniacées. Elle est facultative chez de nombreuses fougères selon les circonstances ou limitée à un stade du développement (sporophytes mycotrophes des Osmondacées). À cet égard, il faut remarquer que les groupes de fougères les plus primitifs sont aussi ceux où la mycotrophie est de règle.
Les Azolla hébergent dans des cavités de leurs feuilles des algues bleues symbiotiques, Anabaena azollae , et des bactéries fixatrices d’azote des genres Pseudomonas et Azotobacter .
Sporange
L’origine et la structure du sporange sont, du point de vue systématique, importantes, et permettent de diviser les fougères en trois classes:
– le sporange provient de plusieurs cellules épidermiques et se développe à l’intérieur des tissus foliaires; il renferme un certain nombre d’archéspores; sa paroi comporte plusieurs assises cellulaires et ne présente pas d’anneau de déhiscence; ces caractères définissent la classe des fougères eusporangiées, ou Eusporangiopsida ;
– au contraire, chez les fougères leptosporangiées, ou Leptosporangiopsida , le sporange est issu d’une unique cellule superficielle et se développe à la surface du limbe; il contient une seule archéspore donnant un nombre fixe de spores; sa paroi est constituée d’une seule assise cellulaire et s’ouvre par un anneau de déhiscence;
– enfin, quelques fougères, les Protoleptosporangiopsida , présentent des caractères de l’une et de l’autre des deux classes précédentes: les sporanges proviennent d’une ou de plusieurs cellules; la paroi comporte une seule assise cellulaire; l’anneau de déhiscence est réduit à un groupe de cellules à parois épaissies (sporanges protoleptosporangiés).
Multiplication et prorogation
Le vent disperse les spores, très légères, de la grande majorité des fougères (plantes anémochores), à l’exception des Hydroptéridales, dont les spores flottent sur l’eau et peuvent être transportées par des oiseaux aquatiques. Ainsi, l’aire européenne de Salvinia natans coïncide avec celle des voies de migration de nombreux oiseaux. À côté de leur reproduction par spores, les fougères se multiplient aussi par voie végétative, mode qui favorise surtout la multiplication sur place et la formation de colonies.
On connaît chez les fougères des cas de multiplication végétative aussi bien pour les gamétophytes (par exemple chez Anogramma leptophylla ) que pour les sporophytes. Ces derniers se multiplient par ramification et fragmentation des rhizomes (Pteridium ), par formation de bourgeons adventifs sur les racines (Ophioglossum ), de drageons (Matteuccia ) ou de stolons (Nephrolepis ), ou par bourgeonnement de plantules (bulbilles) sur le rachis ou le limbe des feuilles, en particulier chez les fougères tropicales (Camptosorus , Asplenium viviparum , Dryopteris prolifera , etc.).
Le sporophyte peut se développer sans fécondation directement sur le gamétophyte: il y a apogamie. Lorsqu’un sporophyte forme des gamétophytes, non pas à partir de spores mais à partir de cellules foliaires ou même d’ébauches sporangiales, il y a aposporie; les gamétophytes sont alors diploïdes. Si une même espèce présente à la fois apogamie et aposporie, son cycle vital ne montre aucun changement de nombre chromosomique.
Enfin, l’hybridation est fréquente entre espèces d’un même genre (Asplenium , Dryopteris , Polystichum ). Les sporophytes hybrides ont des caractères morphologiques intermédiaires par rapport aux types parentaux. Généralement, ils ne forment pas de spores viables.
3. Exigences écologiques
Humidité
Les fougères exigent en général une assez grande quantité d’eau. Trop forte, la sécheresse tue les gamétophytes des Filicales, les sporophytes entiers des fougères aquatiques Hydroptéridales (Marsilea , Pilularia , Salvinia , Azolla ) et de Cratopteris (Filicales). Certaines fougères telles que les osmondes habitent les marais (hélophytes).
En revanche, les sporocarpes des Hydroptéridales, les spores de la plupart des fougères, les rhizomes de maintes espèces, et même parfois d’espèces très hygrophiles (Adiantum capillus-veneris ), et les gamétophytes de beaucoup d’Ophioglossales supportent relativement longtemps la sécheresse.
La plupart des fougères sont mésophiles et ne présentent donc pas de caractères adaptatifs particuliers.
Les sporophytes des fougères xérophiles résistent bien à la sécheresse. Certains offrent des caractères morphologiques xéromorphes: présence d’un recouvrement dense de paillettes et de poils glanduleux (Ceterach , Cheilanthes , Notholaena ), découpure du limbe en lobes fins diminuant la surface de transpiration, racines profondes (Cheilanthes ), pétioles et rachis luisants et foncés (Pellaea ), épiderme foliaire épais, etc. D’autres montrent des adaptations de types différents, tel Polypodium serratum qui modifie son cycle annuel: les feuilles se forment à la fin de l’automne; les spores mûrissent au printemps; les feuilles sèchent au début de l’été sec des pays méditerranéens; le rhizome entre alors en repos.
Des espèces, dites reviviscentes, semblent mortes par grande sécheresse, mais reprennent ensuite si elles reçoivent de l’eau. Tel est le cas de Ceterach officinarum , petite fougère des rochers et des murs de l’Europe méridionale. Par forte sécheresse, ses feuilles peuvent perdre plus de 98 p. 100 de leur eau de saturation, ce qui provoque leur enroulement vers le haut, mettant ainsi à l’abri la face supérieure verte et nue, et ne laissant exposée que la face intérieure couverte de paillettes. Elles suspendent presque totalement leurs activités, notamment leur respiration; les vacuoles de leurs cellules se solidifient; mais, dès que les tissus foliaires peuvent absorber l’eau sous forme de pluie ou de vapeur condensée, les feuilles se déroulent, les vacuoles se réhydratent, la vie reprend.
L’eau joue un rôle essentiel dans le cycle de développement des fougères: un certain degré hygrométrique de l’air est nécessaire à l’ouverture des sporanges; une humidité suffisante du sol à la germination des spores; la présence d’eau à la fécondation. On comprend que les précipitations atmosphériques soient un des principaux facteurs qui déterminent la répartition géographique des fougères.
Chaleur
Dans l’ensemble, les fougères sont des plantes de pays chauds. Mais l’effet de la température reste lié au taux d’humidité. Les contrées d’Europe les plus riches en fougères ne sont pas les plus chaudes, car le climat y est trop sec.
Dans des conditions locales favorables, on rencontre des fougères arborescentes jusqu’à 2 500 m sur les pentes du Kilimandjaro, jusqu’à 2 700 m à Célèbes, jusqu’à 3 420 m en Équateur, et vers le sud jusqu’au Cap, en Tasmanie, etc. Le genre tropical Hymenophyllum s’étend jusqu’aux Féroé, au sud de la Norvège, à Sakhaline, à la Géorgie du sud, aux îles Campbell, Chatham et Kerguelen, et certaines de ses espèces s’élèvent jusqu’à 3 600 m d’altitude sous l’équateur.
À l’approche des pôles, les fougères se raréfient puis disparaissent: seules Cystopteris dickieana et Woodsia glabella se trouvent à l’extrême nord du Groenland (810 47 de latitude nord); certains Hymenophyllum , Polypodium australe , Polystichum mohrioides , Blechnum tabulare et B. penna-marina atteignent la Terre de Feu, les îles Campbell, soit 550 de latitude sud.
Dans les Alpes, des fougères croissent au-dessus de 3 000 mètres: Cystopteris fragilis (3 125 m), Botrychium lunaria (3 105 m), Asplenium viride (3 075 m), Cryptogramma crispa et Cystopteris regia (3 000 m).
Éclairement
Même les gamétophytes des fougères de plein soleil demandent une lumière atténuée, ou l’obscurité dans le cas des gamétophytes souterrains.
Les sporophytes des fougères xérophiles et hygrophiles sont généralement photophiles. Ceux des fougères mésophiles sont sciaphiles (d’ombre), mais sans toujours nécessiter un éclairement déterminé; en effet, beaucoup de fougères d’ombre peuvent vivre en pleine lumière si le substrat est assez humide. Parfois, les nuages (fréquents) ou l’humidité atmosphérique permettent à des espèces d’ombre d’abandonner les forêts pour des sites découverts.
Les fougères sciaphiles présentent dans l’ensemble les caractéristiques des plantes d’ombre: feuilles grandes et non ou peu découpées, limbe souvent plus mince et plus délicat, épiderme moins épais, tissu chlorophyllien moins développé. Beaucoup d’Hyménophyllacées ont un limbe qui ne compte qu’une seule assise de cellules.
Quelques fougères sont capables, à des degrés divers, de se développer et de s’adapter à la faible lumière des grottes (Asplenium viride , A. scolopendrium et Anogramma leptophylla ); dans les grottet et les puits, Asplenium trichomanes arrive à former ses prothalles et ses premières feuilles avec une lumière réduite à 1/1380 de la lumière externe; Adiantum capillus-veneris , avec une réduction à 1/1700. En revanche, Ceterach officinarum , Cheilanthes fragans , Pteridium aquilinum , etc., demandent beaucoup de lumière.
Fréquemment, la production des sporanges diminue avec l’éclairement: les individus venus dans une ombre trop épaisse sont stériles; par contre, les accomodats photophiles des fougères sciaphiles offrent une plus grande densité des sores que leurs formes typiques.
Rappelons enfin que, sous l’action de la lumière, Botrychium lunaria dispose ses feuilles en direction nord-sud: c’est une «plante boussole».
Substrat
La majorité des fougères sont euryioniques, avec un pH optimal compris entre 5 et 6. Quelques-unes sont sténoioniques. Parmi elles, il y a des acidophiles (les Schizéacées, les Hyménophyllacées, Anogramma leptophylla , Blechnum spicant , Cryptogramma crispa ), des neutrophiles (certaines Ophioglossacées, certains Asplenium , Cystopteris fragilis ) et des basiphiles. Dans un même genre, Asplenium par exemple, des espèces sont acidophiles (A. septentrionale ), d’autres neutrophiles (A. adiantum-nigrum ), d’autres encore basiphiles (A. ruta-muraria , A. viride et A. fissum ).
Des fougères neutrophiles, Asplenium adulterinum et A. cuneifolium en Europe, Cheilanthes siliquosa en Amérique du Nord, sont caractéristiques des sols riches en serpentine (pH 6 à 7,8). Elles exigent une forte proportion de composés magnésiques dans le sol; un rapport Mg/Ca supérieur à 1; l’absence de chlorures.
Un certain nombre d’espèces de fougères sont des épiphytes stricts ou facultatifs. Dans les pays tempérés, il est fréquent que des fougères terricoles ou rupicoles soient arboricoles.
Les fougères épiphytes strictes caractérisent surtout les forêts ombrophiles équatoriales. Leur approvisionnement en eau et en nourriture étant déficient, elles présentent souvent des caractères xéromorphes: rhizome charnu, protégé par un épiderme cireux épais (Goniophlebium , Phymatodes ). Les Platycerium différencient des feuilles reproductrices dressées et des feuilles collectrices d’humus appliquées contre l’arbre support, fixant toutes les particules qui tombent ou que le vent apporte.
4. Évolution et phylogénie
L’embranchement des Filicophytes est un ensemble buissonnant de rameaux évolutifs datant du Dévonien, contenant des espèces qui se sont ultérieurement diversifiées avec les mêmes tendances évolutives et selon des modalités morphologiques de détail extrêmement variées.
Dans ses grandes lignes, l’évolution se traduit par un passage de l’homosporie à l’hétérosporie, de l’homoxylie à l’hétéroxylie, des types eusporangiés aux types leptosporangiés. Les Filicophytes actuelles sont homosporées, mis à part certaines Leptosporangiopsida de l’ordre des Hydroptéridales, et homoxylées, sauf de rares espèces hétéroxylées (Pteridium aquilinum , Marsilea ).
La classification permet de passer de formes primitives à des formes nettement plus évoluées (cf. tableau).
La souche de l’embranchement est difficile à préciser; mais il faut noter que, dans une espèce très primitive comme le Protopteridium minutum du Dévonien moyen de Belgique et de Chine, on rencontre de nombreux traits morphologiques archaïques qui caractérisent les Psilophytes du Dévonien inférieur: les sporanges terminaux et les feuilles rudimentaires divisées dichotomiquement attestent qu’il s’agit d’une forme primitive.
Classe des Coenopteridopsida
Ce groupe, parfois désigné sous les noms de Palæoptéridales, Primofilices, Renaultifilicales, est entièrement fossile, s’étendant du Dévonien au Permien avec son apogée au Carbonifère supérieur. Ses représentants, particulièrement primitifs, sont sans liens directs avec les genres des fougères actuelles. Les axes sont ramifiés dans les trois dimensions de l’espace, et certaines familles (Zygoptéridacées) montrent un organe nouveau sans équivalent chez les autres plantes vasculaires, le phyllophore, organe qui s’intercale entre la tige et le pétiole; sa symétrie est axiale comme celle de la tige, mais les faisceaux ont une structure toute particulière.
Classe des Cladoxylopsida
Ces fougères primitives apparaissent au Dévonien moyen pour s’éteindre au Carbonifère. De nombreuses formes ont été signalées. Le genre Cladoxylon , le plus complètement décrit, est connu depuis les travaux de Unger en 1856. La tige contient un appareil conducteur typique en forme de bretelles avec «boutonnières» subterminales qu’on ne retrouve dans aucune autre Filicophyte. Ces formations lignifiées en boutonnière donnent naissance à des faisceaux dits «en clepsydre», comparables aux formations ligneuses de certaines Coenopteridopsida (Clepsydropsis ).
Classe des Eusporangiopsida
Les Ophioglossacées renferment deux genres bien connus et abondamment représentés: Ophioglossum (43 espèces actuelles), exclusivement réparti dans l’hémisphère Nord, et Botrychium (34 espèces actuelles), signalé en Europe, en Australie et en Amérique du Sud.
Leur sporophyte est constitué d’un axe relativement court à structure siphonostélique; les feuilles ont une nervation qui n’est pas circinée. Chaque fronde fertile possède deux segments: l’un fertile (c’est l’épi porteur de sporanges), l’autre stérile.
Les Marattiales sont représentées dans la flore actuelle par le genre Marattia et par des restes fossiles que l’on classe dans les genres de forme Pecopteris (feuilles) ou Psarionus (stipe), abondants dans le Carbonifère, où ils ont participé pour une bonne part à la formation de la houille.
La tige adulte d’une Marattiacée fossile (Psaronius ) possède, à la base, une structure primitive de siphonostèle, mais, dans la partie haute, elle se complique en formant une dictyostèle, c’est-à-dire un cyclindre central extrêmement complexe. Cela suggère le caractère plus évolué de ces plantes arborescentes par rapport aux Ophioglossacées herbacées pourvues de façon constante d’une siphonostèle.
Classe des Protoleptosporangiopsida
Cette classe est représentée par deux genres vivants, le genre Osmunda et le genre Todea d’Afrique du Sud et d’Australie.
Les Protoleptosporangiopsida occupent, de par la structure de leur sporange, une position intermédiaire entre les Eusporangiopsida et les Leptosporangiopsida .
Les sporanges sont fixés le long des marges des derniers segments foliaires et ne sont pas groupés en sores.
On a retrouvé dans le Permien une Osmundacée typique, Thamnopteris schechtendalii , et de nombreux fossiles rappelant les osmondes et appelés Osmundites existent dans le Secondaire.
Classe des Leptosporangiopsida
Homoxylie et hétéroxylie
Les Leptosporangiopsida sont presque toujours homoxylées, c’est-à-dire que leur bois est constitué par des trachéides ponctuées, mais imperforées.
Parmi les Filicales, le Pteridium aquilinum , encore appelé fougère aigle ou fougère impériale, présente un intérêt particulier; c’est une plante qui atteint deux mètres de haut, ou même plus, et qui abonde à l’ombre des sous-bois dans les landes, sur les terrains siliceux; sa répartition est presque mondiale.
L’appareil conducteur du rhizome, comme celui du pétiole, comprend deux cercles de faisceaux libéro-ligneux indépendants, entourés chacun par un endoderme; l’ensemble forme deux cercles de méristèles.
Si on suit la succession des structures à partir du point végétatif, on constate que ces méristèles, qui constituent une dictyostèle dicyclique, sont issues de la fragmentation d’une siphonostèle primitive au cours du vieillissement. Bien que distincte, cette évolution s’effectue parallèlement à celles des Eusporangiopsida .
Le xylème est composé par des éléments conducteurs dont l’ornementation est successivement annelée, spiralée, ponctuée. Puis, et ceci uniquement dans le Pteridium aquilinum , à ces trachéides succèdent de grands éléments ponctués latéralement de façon scalariforme et perforés sur les cloisons terminales. Ce sont donc de vrais vaisseaux: le xylème est hétéroxylé.
Cette constatation exceptionnelle chez une Filicophyte atteste le caractère évolué de cette espèce et la situe à une extrémité de phylum par rapport à des espèces voisines, mais homoxylées.
Le tronc de certaines Leptosporangiopsida arborescentes atteint 20 à 25 mètres. Une coupe transversale de ce tronc montre l’existence d’une dictyostèle souvent très compliquée, mais toujours homoxylée.
Homosporie et hétérosporie
Alors que, chez les Filicales, on passe de l’homoxylie à l’hétéroxylie (l’homosporie étant maintenue), un autre rameau évolutif, celui des Hydroptéridales, permet d’observer le passage de l’homosporie à l’hétérosporie (l’homoxylie étant cette fois conservée, sauf chez Marsilea ).
L’habitat aquatique des Hydroptéridales justifie le caractère souvent peu évolué de l’appareil conducteur, alors que l’appareil reproducteur a atteint des stades très différenciés; il comporte notamment des organes particuliers, les sporocarpes, qui protègent les sporanges et dont l’origine morphologique est diverse.
On en déduit qu’il s’agit d’une convergence d’organes attestant un polyphylétisme au sein même de l’ordre des Hydroptéridales. Le sporocarpe et son contenu constituent en réalité une formation préovulaire, qui diffère cependant de l’ovule des Ptéridospermes; en effet, les sporocarpes protègent aussi bien les mégasporanges que les microsporanges. Chez les Azollacées, ils renferment également les indusies. Dans cette même famille, les mégaspores sont également adaptées à l’habitat aquatique: elles possèdent à la partie supérieure un dispositif comportant plusieurs «flotteurs», qui leur permet de se maintenir à la surface de l’eau.
L’évolution dans la famille des Azollacées se traduit par une réduction du nombre de ces flotteurs, passant de neuf (section des Rhizosperma vivants ou fossiles) à trois (section des Euazolla vivants ou fossiles); dans le genre Azollopsis , fossile du Crétacé supérieur américain, ils sont encore beaucoup plus nombreux.
Les Hydroptéridales fossiles les plus anciennes datent du Crétacé supérieur; elles abondent dans le Tertiaire et sont encore largement représentées dans la flore actuelle. Leur intérêt est essentiellement d’ordre phylogénétique; elles montrent que les Leptosporangiopsida contiennent plusieurs rameaux ayant subi une évolution distincte, celui des Filicales et celui des Hydroptéridales.
Classe des Progymnospermopsida
On connaît depuis longtemps, dans le Dévonien supérieur, des feuilles filicoïdes du genre Archaeopteris que leur appareil reproducteur sporangié fait classer parmi les Filicophytes.
Ces couches dévoniennes ont livré d’autre part des bois secondaires homoxylés comme ceux des Conifères. Ces bois, bien connus, décrits sous le nom de genre Callixylon , montraient des ponctuations aréolées opposées, placées sur les trachéides par groupes denses séparés par des parties lisses non ponctuées.
Les travaux de Beck ont établi de façon indiscutable la connexion de ces feuillages avec de tels bois secondaires, et défini la classe des Progymnospermopsida , qui devient extrêmement importante; en effet, tout en appartenant aux Filicophytes, elle annonce les Gymnospermes, comblant ainsi une lacune longtemps énigmatique de l’évolution des plantes vasculaires.
Encyclopédie Universelle. 2012.