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GRENADE
GRENADE

Située à l’extrémité des contreforts de la sierra Nevada, au confluent de deux rivières, le Darro et le Genil, dominant une des plus riches vegas de l’Andalousie, Grenade, malgré la valeur de son site, n’a dû sa croissance et ses beaux jours qu’aux jeux de l’histoire. Petite cité romaine, elle ne se développa vraiment qu’au XIe siècle, où elle devint la capitale d’un des royaumes qui se fondèrent dans l’Espagne musulmane à la chute du califat de Cordoue.

Lorsqu’au XIIIe siècle se déclencha la reconquête chrétienne, Grenade devint la capitale du dernier royaume musulman d’Espagne, celui des Nasrides, qui, vassal de la Castille, réussit à le maintenir jusqu’à sa conquête par les Rois Catholiques en 1492. Grenade connut, durant deux siècles et demi, sa grande époque.

Depuis lors, Grenade est restée une capitale provinciale fière de son passé musulman et qui, pendant la seconde moitié du XIXe siècle, a consolidé sa prospérité.

Capitale de l’émirat Ziride (XIe siècle)

Grenade a pour origine une petite ville romaine: Illiberis, qui semble avoir occupé une colline située sur la rive droite du Darro, à peu de distance de son confluent avec le Genil et qui domine la vega . Les quelques vestiges romains retrouvés sur ce site ne permettent pas de penser qu’Illiberis fut une ville importante.

Après la conquête musulmane, le chef-lieu du district fut Madinat Elvira, au pied de la sierra du même nom, où ont été retrouvés des vestiges du Xe siècle portant des décors peints et sculptés. Mais Grenade s’était développée; elle s’entoura alors d’un rempart. Les restes de cette enceinte fortifiée et un minaret témoignent d’une construction menée suivant les procédés que Cordoue diffusait dans toute l’Espagne musulmane: la valeur de ces vestiges montre l’importance et la richesse que Grenade avait dès lors acquises.

Au début du XIe siècle, alors que s’effondrait le califat de Cordoue, Grenade devint la capitale d’un des royaumes les plus importants qui se partagèrent alors l’Espagne musulmane. Des émirs berbères, les Zirides, imposèrent leur domination sur la région et organisèrent la ville. Ils la dotèrent d’une puissante enceinte de béton, munie de portes monumentales à passage coudé, dont une partie subsiste encore. Cette muraille franchissait le Darro par un arc de pierre appelé aujourd’hui le pont du Cadi; elle montait ensuite par les pentes rapides de la colline de la Sabika sur la rive gauche de la rivière, où se trouvaient deux petites forteresses et un faubourg de riches demeures. Du palais des Zirides, où s’accumulèrent de prodigieuses richesses, presque rien n’est resté. Mais un des bains de la ville, le Bañuelo, existe encore. La vie de ce petit royaume andalou commandé par des Berbères est assez bien connue, grâce aux Mémoires laissés par le dernier émir de la dynastie. Il avait été déposé par les Almoravides qui, après être venus au secours de l’Espagne musulmane fléchissant sous la poussée chrétienne, en firent la conquête.

Sous les deux dynasties marocaines, les Almoravides et les Almohades, qui, au XIIe siècle, maintinrent sous leur autorité les terres musulmanes de la péninsule, Grenade resta la grande ville de l’Andalousie orientale et le siège d’un commandement militaire: les troupes concentrées à Grenade se battirent souvent contre les chrétiens, en particulier contre le Cid et l’Aragon. Les défenses de la ville furent complétées.

Capitale du dernier royaume de l’Espagne musulmane (XIIIe-XVe siècle)

En 1212, les Almohades subirent à Las Navas de Tolosa, devant une coalition chrétienne, une irrémédiable défaite, et la reconquête de la plus grande partie de l’Espagne musulmane commença peu après. Seul subsista le petit royaume de Grenade où la dynastie nasride, en se faisant la vassale et l’alliée de la Castille dans la conquête chrétienne d’une partie de l’Andalousie, avait réussi à s’installer et à consolider son pouvoir. Cette politique allait permettre à l’émirat grenadin de se maintenir jusqu’à la fin du XVe siècle. Ainsi la civilisation musulmane d’Espagne put se conserver intégralement dans une petite partie de ce qui avait été son domaine ibérique.

Caractères du royaume nasride

De ses origines, le royaume de Grenade garda ses caractères essentiels: de faible étendue, il comprenait tous les massifs montagneux du sud de l’Andalousie – la sierra Nevada comprise – et quelques plaines fertiles. Les deux grandes villes du royaume, après la capitale, étaient Málaga et Almería.

Les Nasrides restèrent les vassaux des rois de Castille auxquels ils devaient payer un tribut annuel. Lorsqu’ils se dérobaient à cette obligation, les armées chrétiennes faisaient des incursions en pays grenadin. Mais la capitale, à l’abri de ses murailles, restait inviolée.

Bien des musulmans qui, après la grande reconquête du XIIIe siècle, n’avaient pas voulu rester sous la domination chrétienne, s’étaient réfugiés dans le royaume nasride, dont il avait fallu exploiter à fond les assez minces ressources agricoles. Dans les grandes villes, surtout à Grenade, un artisanat de haute valeur exportait ses productions d’art dans le monde musulman comme dans les pays chrétiens d’Occident.

Malgré un fort courant antichrétien, nourri notamment par l’influence des réfugiés et de certains religieux rigides, le royaume ne se fermait pas aux influences chrétiennes, et des commerçants des divers pays chrétiens s’y affairaient avec succès.

Les apports chrétiens à l’art nasride sont évidents, mais ils n’ont pas pu le renouveler; ainsi les peintures murales de la salle des Rois, dans le palais des Lions de l’Alhambra, ont été conçues et exécutées par des peintres chrétiens, mais cet engouement pour certaines formes d’art chrétien se limita à l’importation d’éléments secondaires. Le charme et la qualité de la civilisation nasride ne doivent pas faire oublier qu’elle était, à ses origines, tournée vers le passé et, dès le XVe siècle, vouée à la sclérose.

La Grenade nasride: la ville et l’Alhambra

Dès l’installation à Grenade du fondateur de la dynastie nasride, Mohammed al-Ahmar, la ville se modifia et prit la forme qu’elle conserva jusqu’à sa conquête par les Rois Catholiques, en 1492.

Afin d’accueillir les réfugiés, l’enceinte fut agrandie à l’ouest pour couvrir l’actuel quartier de l’Albaicín. La ville continuait de dominer la vallée du Genil, avec la vega d’où elle tirait, avec le meilleur de sa subsistance quotidienne, une partie de sa richesse.

Mais Mohammed al-Ahmar voulut suivre l’exemple qui avait été donné à Madinat az-Zahra par les califes de Cordoue, à Marrakech par les Almohades, et avoir à son tour une cité de gouvernement bien distincte de la ville commerçante. Il choisit pour la fonder l’étroit plateau allongé qui couronne la colline de la Sabika, où s’étaient déjà élevées de petites forteresses.

L’Alhambra formait une cité à part, dominant la ville proprement dite. C’était d’abord une vaste forteresse: un rempart flanqué de hauts bastions l’entourait; à l’ouest s’élevait un puissant réduit: l’Alcazaba. Au nord s’étendaient les palais royaux: de leurs parties hautes on découvrait l’admirable panorama de la ville et de la vega . On accédait à l’Alhambra par des portes monumentales qui abritaient des passages à coudes multiples.

Alors que presque partout dans le monde musulman les palais anciens ont disparu ou ne sont plus que des ruines, l’Alhambra possède encore deux groupes de palais du XIVe siècle. Les demeures bâties par les premiers souverains de la dynastie ont disparu dès l’époque musulmane et, au XVe siècle, les rois de Grenade n’ont pas eu – fort heureusement – les ressources nécessaires pour remplacer les palais que l’on admire aujourd’hui.

Comme toutes les grandes demeures hispano-mauresques, ceux-ci s’ordonnent autour de patios: l’élément premier n’est pas le corps de bâtiment, mais la cour, plus ou moins vaste. Les palais forment deux masses groupées autour de deux cours allongées dont les grands axes sont perpendiculaires. Le premier groupe, le cuarto de Comares, précédé d’un vestibule, d’un méchouar et d’un petit patio, est dû à Yusuf Ier (1332-1354); le second, le cuarto de los Leones, à Mohammed V (1354-1358 et 1368-1392). Une mosquée et des bains plus anciens raccordent ces deux ensembles. Les deux grands patios sont entourés de portiques ou de bâtisses sur leurs quatre côtés. Les salles de réception sont toujours au rez-de-chaussée, les pièces d’habitation, de dimensions beaucoup plus réduites, à l’étage. Ainsi, chacun de ces quartiers forme un petit monde fermé. Mais les parties hautes, situées loin des regards indiscrets, s’ajourent de baies et même de galeries ouvertes sur l’extérieur.

Au patio de Comares, appelé aussi de la Alberca ou des Myrtes, on saisit les procédés de composition des architectes grenadins: le centre de la cour est occupé par un grand bassin allongé que soulignent deux massifs de myrtes. Les bâtiments qui entourent ce patio s’ordonnent sur trois rythmes différents, dans un ensemble paradoxal qui oppose les pleins aux vides, les murs lisses aux colonnades, qui recherche la variété plus que l’unité, mais qui reste, dans son apparent déséquilibre, d’une science consommée.

La cour des Lions était, dans son état primitif, un jardin dont les axes étaient marqués par deux allées se coupant à angle droit avec, à leur croisée, la fontaine des Lions. Quatre kiosques saillants, reliés par des portiques, occupent le milieu des côtés. Pavillons et galeries sont faits de minces colonnettes disposées suivant des rythmes changeants et subtils. La cour des Lions est flanquée de quatre salles de dimensions et de formes inégales, mais dont les masses s’équilibrent avec bonheur. Ce sont des enfilades d’arcs qui marquent les axes de la composition.

Ainsi, à l’Alhambra, l’ordonnance et les thèmes classiques du palais musulman ont été traités avec une véritable originalité. Les architectes nasrides n’ont pas recherché les effets de masse, mais ont usé, avec une virtuosité et une variété sans pareilles, à la fois des contrastes et des nuances.

L’Alhambra est surtout célèbre par la richesse et la beauté du décor qui revêt ses salles. Sur le sol et en lambris au bas des murs règnent des mosaïques de faïence. Les murs sont couverts de plâtres sculptés, tandis que le bois ouvragé ou sculpté et peint compose les plafonds et les dômes artesonados . Certaines salles sont surmontées de dômes à stalactites d’une hallucinante complexité. Le décor couvrant est de règle à l’intérieur des salles d’apparat. Les mosaïques de faïence sont décorées de thèmes géométriques, souvent à base d’étoiles polygonales. Dans le plâtre sculpté triomphent les décors épigraphiques et surtout floraux. Géométrie, flore et épigraphie sont sans cesse associées pour composer des motifs complexes. Ces divers éléments s’ordonnent en frises et en panneaux. La composition d’ensemble est toujours équilibrée, et le détail de l’ornement est d’une parfaite élégance.

L’art nasride a laissé la grande œuvre de son âge classique, le témoignage majeur de son art monumental. Aussi est-il normal que l’Alhambra soit un lieu de pèlerinage pour tous ceux qui veulent connaître les arts de l’islam espagnol dans leur ultime floraison.

De tous les jardins qui avoisinaient l’Alhambra ou qui parsemaient la vega , seul le Generalife a conservé les grandes lignes de son ordonnance primitive. Il reste un parfait exemple de ces petits mondes d’architecture, de verdures et d’eaux vives dont s’enchantaient les musulmans d’Espagne.

La ville même de Grenade n’a presque rien gardé de ses monuments nasrides. Des nombreuses mosquées ne subsistent que de minces vestiges et un minaret; un fondouk, le corral del Carbón, montre que les édifices utilitaires n’étaient pas sans beauté. Cinq belles demeures, plus ou moins remaniées, sont encore debout; on y retrouve, avec la même qualité, les mêmes compositions architecturales et la même décoration qu’à l’Alhambra.

Grenade aux temps modernes

Les Rois Catholiques Ferdinand et Isabelle prirent Grenade en 1492 et mirent ainsi fin à l’islam espagnol. Mais ils restèrent très attachés à Grenade, où ils voulurent reposer. La ville vit ainsi s’élever rapidement, dans le style de la Renaissance, de grands monuments chrétiens, surtout des églises et des couvents. Grenade resta, sous des aspects nouveaux, une ville d’art.
Les Rois Catholiques et leurs descendants directs, les souverains de la maison d’Autriche, aimèrent l’Alhambra, qu’ils défendirent de la ruine; c’est à ces rois chrétiens que l’on doit la survie des palais musulmans. Plus tard, les Bourbons n’eurent pas le même souci: les palais nasrides, presque abandonnés, durent faire l’objet, au XIXe et au XXe siècle, de nombreux travaux de restauration pour retrouver leur aspect primitif.

Les descriptions des voyageurs, les tableaux et les gravures montrent que Grenade conserva longtemps la physionomie qu’elle avait au lendemain de la Reconquête. Mais, au XIXe siècle, les cultures irriguées de la vega enrichirent les grandes familles grenadines et donnèrent à tout le pays une prospérité nouvelle. Les quartiers bas de la ville se transformèrent et s’agrandirent en perdant tout leur pittoresque.

Toutefois, l’Albaicín conserve dans ses rues et ses demeures tout son charme andalou, tandis que l’Alhambra restitue l’apogée médiéval de Grenade. La vie présente et l’histoire se juxtaposent plus qu’elles ne se mêlent dans un paysage admirable auquel la montagne neigeuse, toute proche, donne une harmonieuse grandeur.

grenade [ grənad ] n. f.
• v. 1314; pume (pomme) grenate XIIe; lat. granatum « (fruit) à grains »
IFruit du grenadier, baie ronde de la grosseur d'une orange, à saveur aigrelette, renfermant de nombreux pépins entourés d'une pulpe rouge. Sirop de grenade. 2. grenadine. IIPar anal. de forme
1(1520) Projectile lancé à courte distance, formé d'une charge d'explosif enveloppée de métal et muni d'un détonateur pour régler l'explosion. Grenade à main, à fusil. Grenade fumigène, incendiaire. Grenade défensive, offensive. Grenade lacrymogène. « une sorte de grenade explosive, [...] un engin à retardement » (Robbe-Grillet). Dégoupiller une grenade. Grenade sous-marine, contre les submersibles.
2Ornement de l'uniforme des soldats du génie, des sapeurs-pompiers.

grenade nom féminin (ancien français pome grenate, à grains, du latin granatus, grenu) Fruit comestible du grenadier, rond, à enveloppe coriace contenant de très nombreuses graines exalbuminées à tégument charnu, de couleur rose. (Certains cultivars donnent des fruits sucrés consommés frais, d'autres des fruits acides.) Synonyme de grenadine. ● grenade (synonymes) nom féminin (ancien français pome grenate, à grains, du latin granatus, grenu)
Synonymes :
- grenadine
grenade nom féminin (de grenade, par analogie de forme) Projectile léger qui peut être lancé à courte distance soit à la main, soit à l'aide d'un fusil. Ornement représentant une grenade allumée, et placé sur les écussons de nombreux uniformes militaires. ● grenade (expressions) nom féminin (de grenade, par analogie de forme) Grenade d'exercice, grenade inerte utilisée à l'instruction. Grenade sous-marine, engin explosif conçu pour l'attaque des sous-marins en plongée.

grenade
n. f. Fruit du grenadier, comestible, globuleux et coriace, renfermant de nombreux grains à pulpe rouge, aigrelets et sucrés.
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grenade
n. f. Projectile explosif, incendiaire, fumigène ou lacrymogène, lancé à la main ou avec un fusil muni d'un tube lance-grenades. Grenade offensive. Grenade défensive.
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grenade
(Nouvelle-) nom de la Colombie de 1538 à 1819.
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grenade
(en esp. Granada) v. d'Espagne (Andalousie), sur le Genil; 268 670 hab.; ch.-l. de la prov. du m. nom. Centre agric. et industr. Tourisme.
Université. Cath. baroque (XVIe et XVIIIe s.) renfermant les tombeaux des Rois Catholiques. églises du XVIIIe s. (baroques). Palais de Charles Quint (XVIe-XVIIe s.); palais mauresque de l'Alhambra (XIIIe-XIVe s.) et jardins du Generalife.
La ville fut la cap. (1235-1492) d'un royaume arabe fondé au XIe s. Sa conquête par les Rois Catholiques, en 1492, marqua la fin de la Reconquista.
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grenade
(la) état des Petites Antilles, membre du Commonwealth; il comprend l'île de Grenade et quelques Grenadines mérid.; 344 km²; 115 000 hab.; cap. Saint George's. Nature de l'état: rép. Langue off.: anglais. Monnaie: dollar des Caraïbes orient. Pop.: Noirs, métis. Relig.: protestantisme, cathol. Cult. tropicales, pêche et tourisme sont les seules ressources.
Découverte par Christophe Colomb (1498), qui la baptisa Concepción, l'île de Grenade fut française (1650) puis brit. (1783). Indépendante en 1974, elle a connu, de 1979 à 1983, une expérience de type castriste, interrompue par une intervention militaire des États-Unis.

I.
⇒GRENADE1, subst. fém.
Fruit du grenadier, de la forme et de la grosseur d'une pomme, à enveloppe coriace, dont l'intérieur est divisé en loges par des cloisons membraneuses renfermant des grains rouges entourés d'une pulpe transparente, comestible, de saveur aigrelette et rafraîchissante. Grenade sure, mûre; fleur, couleur, saveur, jus, sirop de grenade; rouge des grenades; sucer des grenades. Grenade douce, aigre (Ac.). C'est l'heure où le soleil blanchit les vastes cieux Et fend l'écorce d'or des grenades vermeilles (LECONTE DE LISLE, Poèmes trag., 1886, p. 42). La cosse qui éclate magnifiquement de la grenade entr'ouverte qui répand son jus de toutes parts (DU BOS, Journal, 1923, p. 236) :
1. Dures grenades entr'ouvertes
Cédant à l'excès de vos grains,
Je crois voir des fronts souverains
Éclatés de leurs découvertes!
Si les soleils par vous subis,
Ô grenades entre-bâillées,
Vous ont fait d'orgueil travaillées
Craquer les cloisons de rubis...
VALÉRY, Alb. vers anc., 1900, p. 146.
P. métaph. et poét. Joues de grenade; bouche de grenade. Ta bouche de grenade où luit le feu vermeil Que dans le sang du More alluma le soleil? (GAUTIER, Prem. poés., 1830-45, p.278).
Par symbolisation
[Dans la mythologie gréco-romaine : les pépins de la grenade symbolisent les « douceurs maléfiques », les fautes qui vouent aux enfers (cf. Symboles 1969)] :
2. D'où les deux états : d'abord l'état de lutte; le monde est tentation; il ne faut pas céder aux choses. Puis l'état supérieur, où n'atteignit pas Proserpine qui se souvint toujours d'avoir pris les grains de grenade...
GIDE, Journal, 1893, p. 43.
[Dans la mystique chrétienne : ,,Saint Jean-de-la-Croix fait des pépins de la grenade le symbole des perfections divines dans leurs effets innombrables`` (Symboles 1969)] :
3. Le grain de grenade. On ne s'engage pas à aimer Dieu, on consent à l'engagement qui a été opéré en soi-même sans soi-même. Faire seulement, en fait d'actes de vertu, ceux dont on ne peut pas s'empêcher, ceux qu'on ne peut pas ne pas faire, mais augmenter sans cesse par l'attention bien dirigée la quantité de ceux qu'on ne peut pas ne pas faire.
S. WEIL, Pesanteur, 1943, p. 52.
Prononc. et Orth. : []. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1165 pume grenate (CHR. DE TROYES, G. d'Angleterre, éd. M. Wilmotte, 1356); ca 1314 grenate (H. DE MONDEVILLE, Chirurgie, 1838 ds T.-L.). Prob. empr. aux dial. de l'Italie du Nord : piém. pum graná, lomb. pom granat, istr. pom graná, pomo remplaça melo « pomme » dans l'expr. melo granato « grenade », du lat. malum granatum « id. » (d'où sont issues, souvent avec des altérations p. étymol. pop., les formes des autres lang. rom.), propr. « pomme à grains » (v. FEW t. 4, p. 239b). Bbg. HOPE 1971, p. 41. - QUEM. DDL t. 1.
II.
⇒GRENADE2, subst. fém.
ARM. Projectile léger, composé d'une enveloppe métallique contenant une charge et d'un dispositif de mise à feu, et qui se lance à la main ou au fusil contre des hommes ou un char. Une explosion intense retentit (...) la fumée s'écarta. Le mur était constellé de sang et de chair. (...) tous deux étaient tombés sur leurs propres grenades, dont la cuiller était dégagée (MALRAUX, Cond. hum., 1933, p. 254) :
1. La section technique du génie (...) établit deux types de grenades, l'un à temps, à allumeur semblable à celui de la grenade anglaise, modèle 1915 FL, l'autre analogue à la grenade plate allemande et doté d'un système d'amorçage à percussion, modèle dit 1915 PL.
JOFFRE, Mém., t. 2, 1931, p. 38.
SYNT. Grenade à main, à fusil, défensive, offensive, antipersonnel, antichar; grenade explosive, incendiaire, fumigène, lacrymogène, suffocante; grenade fusante, percutante; grenade à cuiller, à disque; cuiller, soupape, valve de grenade; éclats de grenade; porteur/lanceur de grenades, engin pour grenades; combattre, attaquer à la grenade; nettoyer, reprendre (un lieu) à la grenade; armer, amorcer, dégoupiller une grenade; balancer, lancer, jeter une grenade; grenade qui éclate, pète, explose.
Pêche à la grenade. Procédé de braconnage pratiqué en petits fonds, qui consiste à utiliser contre le poisson l'onde de choc provoquée par l'explosion d'une grenade sous l'eau (d'apr. Lar. encyclop.). Cf. grenadé, -ée en rem. sous grenader.
P. méton. Grenade de képi, d'écusson. Représentation ornementale brodée ou métallique d'une grenade à main surmontée d'une flamme, portée comme insigne dans l'infanterie, le génie, les sapeurs-pompiers, la gendarmerie. Grenade à sept branches. Insigne traditionnel de la Légion étrangère. (Dict. XIXe et XXe s.).
P. ext. Grenade sous-marine ou anti-sous-marine. Engin explosif puissant conçu pour la guerre sous-marine, qui se règle pour exploser à la profondeur voulue ou pourvu d'une tête magnétique qu'attire la coque des sous-marins (cf. LE MASSON, Mar., 1951, p. 30). Grenade atomique. L'utilisation de torpilles, d'engins autopropulsés et de grenades atomiques lancées par hélicoptères ont complètement bouleversé les formes de la guerre navale (BILLOTTE, Consid. strat., 1957, p. 4201).
Prononc. et Orth. Cf. grenade1. Étymol. et Hist. 1558 (PHILIPPE DE CLÈVES, Traité de la guerre, p. 122 ds GAY). Issu de grenade1 p. métaph. due à l'anal. de forme.
STAT. Grenade1 et 2. Fréq. abs. littér. : 478. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 239, b) 365; XXe s. : a) 607, b) 1 267.

grenade [gʀənad] n. f.
ÉTYM. V. 1314; pume (pomme) grenate, v. 1165; du lat. granatum « fruit à grains » par l'intermédiaire d'un dial. ital. du Nord.
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I Fruit du grenadier, baie ronde de la grosseur d'une orange, renfermant de nombreux pépins entourés d'une pulpe rouge. || Grenade sauvage. Balauste. || Grains de grenade. || Saveur aigrelette des grenades. || Sirop de grenade. 2. Grenadine; → Bézoard, cit. 1.
1 La grenade entr'ouverte au fond de ses réseaux Nous laisse voir l'éclat de ses rubis nouveaux.
André Chénier, Bucoliques, Damalis.
2 Tu sais, ma passion, que, pourpre et déjà mûre, Chaque grenade éclate et d'abeilles murmure (…)
Mallarmé, Après-midi d'un faune.
3 Nathanaël, te parlerai-je des grenades ? On les vendait pour quelques sous, à cette foire orientale, Sur des claies de roseaux où elles s'étaient éboulées (…) Leur jus est aigrelet comme celui des framboises pas mûres.
Gide, les Nourritures terrestres, IV, III, Ronde de la grenade.
4 Si les soleils par vous subis, Ô grenades entre-bâillées, Vous ont fait d'orgueil travaillées Craquer les cloisons de rubis, Et que si l'or sec de l'écorce À la demande d'une force Crève en gemmes rouges de jus (…)
Valéry, Charmes, « Les grenades ».
tableau Noms de fruits.
Figuré :
5 (…) une bouche de grenade, qui en s'entr'ouvrant laissait voir une double file de perles d'Orient (…)
Th. Gautier, la Mille et Deuxième Nuit, in Fortunio, p. 287.
Loc. Grain de grenade : symbole des fautes, des plaisirs qui vouent à l'enfer, dans la mythologie antique; symbole mystique des perfections divines.
———
II Par anal. de forme.
1 (1558). Projectile formé d'une charge d'explosif enveloppée de métal, muni d'un détonateur pour en régler l'explosion. || Grenade à main, à fusil. || Grenade fusante, percutante. || Grenade fumigène, lacrymogène, suffocante, incendiaire.Dégoupiller une grenade avant de la lancer. || Être blessé, tué par un éclat (cit. 2) de grenade.Grenade sous-marine, contre les submersibles.
6 (…) j'y fus blessé à la jambe d'un coup de grenade (…)
Molière, les Précieuses ridicules, 11.
7 (…) il balance pendant plusieurs secondes une grenade. Elle va éclater (…) Elle disparaît dans le trou. L'engin a explosé aussitôt arrivé, et un horrible écho humain lui a répondu dans les entrailles de la terre.
H. Barbusse, le Feu, XX.
2 Ornement de l'uniforme des soldats du génie, des sapeurs-pompiers. || Grenade de képi, d'écusson.
DÉR. et COMP. (Du sens I.) 1. Grenadier, 2. grenadin, 3. grenadin. V. 2. Grenadine, et aussi grenadille. — (Du sens II., 1.) Grenader, 2. grenadier, grenadière. Lance-grenades. V. Grenadage.

Encyclopédie Universelle. 2012.