HIÉRARCHIE
Observables dans toute société, archaïque ou moderne, totale – la société française, par exemple – ou partielle – le salon de Mme Verdurin –, les phénomènes de hiérarchisation sociale sont familiers et omniprésents. Dans toute société, les agents sociaux se classent les uns par rapport aux autres, se distinguent les uns des autres sous le rapport du prestige, du pouvoir ou de la richesse. Malgré cette familiarité, la théorie sociologique des hiérarchies sociales n’est actuellement qu’à l’état d’ébauche, même si on se concentre sur le cas des sociétés les plus proches de nous, à savoir les sociétés industrielles. Trois modèles théoriques généraux ont été proposés à cet égard: le modèle marxiste, le modèle fonctionnel et le modèle du marché. Il semble que le dernier de ces modèles fournisse le meilleur cadre général pour l’analyse des hiérarchies. Mais il doit être affiné pour prétendre à une véritable utilité. La connaissance des faits relatifs aux phénomènes de hiérarchisation dans les sociétés industrielles est, en outre, très insuffisante. Quelques chapitres sont bien étudiés: celui du rôle des systèmes d’éducation et de l’institution familiale dans la transmission individuelle des rangs sociaux, et celui de la mobilité sociale entre générations. On s’attachera néanmoins ici au cas des hiérarchies dans ce type de sociétés, la sociologie ne disposant pas actuellement, fût-ce à l’état d’ébauche, d’une théorie générale des phénomènes de stratification sociale.
Les modèles d’explication des hiérarchies sociales
Modèle marxiste
Selon le modèle marxiste, c’est l’organisation économique des sociétés qui constitue la cause fondamentale des phénomènes de hiérarchisation. Les classes sociales, concept central dans ce modèle, sont définies à partir des rapports de production. Karl Marx lui-même ne fait que reprendre sur ce point, en les modifiant et en les systématisant, un certain nombre d’idées qui étaient monnaie courante à la fin du XVIIIe siècle. Ainsi, dans son mémoire sur la formation et la distribution des richesses, Turgot introduit une distinction entre trois «classes» (le mot est de lui) sur la base de leur rôle dans le système de production: la classe productrice (des travailleurs agricoles, qui sont ainsi appelés parce qu’ils sont jugés produire plus qu’ils consomment), la classe stipendiée (des travailleurs non agricoles) et la classe disponible de ceux qui possèdent les moyens permettant aux autres de travailler et qui, ainsi, sont rendus disponibles pour fournir certains services essentiels et non rémunérés (c’est le cas, par exemple, de certaines fonctions gouvernementales à la fin du XVIIIe siècle). Avec Marx, la notion de classe est bien entendu conservée. Subsiste aussi l’idée que les classes reflètent l’organisation économique. Mais la révolution industrielle étant survenue entre-temps, les classes de Marx ne sont plus celles de Turgot. Dans le Manifeste , deux classes sont opposées (capitalistes et prolétaires), Marx estimant que le jeu politique du milieu du XIXe siècle reflète principalement les intérêts antagonistes de ces deux classes. Ce couple de classes est hiérarchisé, les capitalistes dominant les prolétaires. Dans Le Capital , livre d’économie, une troisième classe, celle des propriétaires fonciers, tient un rôle important, bien qu’elle soit mal hiérarchisée par rapport aux autres. Dans des œuvres historiques comme Le 18-Brumaire , les classes sont plus nombreuses et partiellement hiérarchisées. C’est qu’ici on n’est pas en présence d’un survol historique comme dans le Manifeste , mais d’une analyse de type journalistique qui accorde une place nécessairement plus grande à la diversité des groupes sociaux définis par l’organisation économique. Les notions qui distinguent le plus nettement Marx de ses prédécesseurs sont, d’une part, celle de la lutte des classes, selon laquelle les rapports entre les principales classes sociales sont essentiellement des rapports d’antagonisme, d’autre part, et complémentairement, celle de la hiérarchisation (partielle) des classes les unes par rapport aux autres.
Le modèle marxiste se retrouve, modernisé, dans certains travaux contemporains où est reprise la double idée selon laquelle l’organisation économique détermine les distinctions sociales essentielles (classes sociales) qui engendrent et expliquent l’ensemble des phénomènes de hiérarchisation sociale, les rapports entre les classes fondamentales étant des rapports d’antagonisme. Ce modèle est, par exemple, observable dans certains travaux de sociologie de l’éducation. Selon ce modèle, la complexité croissante des sociétés industrielles a pour effet de donner un poids déterminant au savoir. De même que le capitaliste du XIXe siècle disposait d’un pouvoir considérable parce qu’il possédait les instruments nécessaires à la production, de même, dans la seconde moitié du XXe siècle, celui qui détient le savoir, savoir de l’économiste, de l’ingénieur ou de l’idéologue par exemple, détiendrait le pouvoir. C’est pourquoi les tenants de ce modèle accordent une grande attention au système scolaire dont ils supposent qu’il joue un rôle essentiel dans la formation et le renouvellement des classes sociales. Dans ces analyses, l’école a pour fonction essentielle de distinguer ceux qui possèdent le savoir de ceux qui ne disposent que des savoir-faire les confinant à des rôles d’exécutants. Dans ce modèle néo-marxiste, on parle de classe dominante et de classe dominée.
Modèle fonctionnel
Le modèle fonctionnel, associé principalement aux noms de Kingsley Davis et de Wilbert Moore, fait des hiérarchies sociales une conséquence inéluctable de la division du travail.
L’essence de ce modèle peut être résumée par les propositions suivantes. Tout système de division du travail implique, par définition, des tâches diversifiées et une certaine distribution statistique des emplois. Ainsi, dans un système particulier, on observe n types d’emplois (plus ou moins clairement définis par les tâches que sont censés accomplir les détenteurs de ces emplois); on observe, en outre, que le premier, le deuxième..., le énième type d’emplois occupent respectivement x , y , ..., z p. 100 de la population active. Deuxième proposition: les différents types de tâches impliquent, en règle générale, un apprentissage de durée variable. Ainsi, il est plus long d’apprendre à maîtriser l’ensemble des techniques qui permettent de dire de quelqu’un qu’il est un bon chirurgien que d’apprendre à être un bon gardien de square. Troisième proposition: on observe que le degré d’interchangeabilité des exécutants varie avec la nature des tâches. Il est plus facile de remplacer un huissier de ministère qu’un ministre, plus facile de remplacer la secrétaire d’un club de football que le gardien de but d’une équipe nationale. Dans le langage de Davis et Moore, l’importance fonctionnelle des emplois et l’interchangeabilité des détenteurs de ces emplois sont des variables liées: plus il est difficile de pourvoir à un emploi, plus cet emploi est fonctionnellement important. La proposition essentielle de Davis et Moore est que les hiérarchies sociales doivent être considérées comme représentant dans leur essence des mécanismes de régulation permettant le fonctionnement et la régénération constante du système de division du travail en dépit du renouvellement des individus qui, de façon incessante, entrent dans le système et en sortent. Selon le modèle fonctionnel, le prestige considérable et les rémunérations variées dont jouit le grand chirurgien doivent, par exemple, être expliqués par leur fonction sociale. Ces rémunérations symboliques et matérielles ont pour effet de séduire des candidats qui risqueraient autrement d’être rebutés par la longueur du temps d’apprentissage du métier de chirurgien, par les risques auxquels il expose, ou par le caractère dissuasif de l’environnement hospitalier. À l’intérieur même du sous-groupe des chirurgiens, le plus prestigieux et le mieux rémunéré n’est-il d’ailleurs pas celui qui apparaît comme le plus indispensable, c’est-à-dire comme le plus irremplaçable?
Malgré son intérêt, le modèle fonctionnel prête le flanc à la critique: il n’est pas sûr qu’on puisse facilement déterminer l’«importance fonctionnelle» des emplois. En outre, ce modèle a une forte résonance téléologique: pourquoi faut-il que le système de division du travail fasse l’objet d’une régénération constante? Ce modèle a l’inconvénient de concevoir les sociétés comme si elles étaient le produit de l’imagination d’un ingénieur.
Modèle du marché
Le troisième modèle peut être appelé modèle du marché. Selon ce modèle, les différents types d’activités font l’objet d’une offre et d’une demande. Quant aux rémunérations (matérielles ou symboliques) qui s’attachent à ces activités, elles sont simplement une sorte de prix d’équilibre correspondant à l’ajustement de l’offre et de la demande. Ce modèle rappelle par certains côtés celui de Davis et Moore, mais il s’en distingue parce qu’il est dépouillé de toute hypothèse téléologique. La régénération constante du système de division du travail n’est pas posée comme une cause des hiérarchisations, mais comme une conséquence de la multitude de petites causes que sont les comportements des offreurs et demandeurs de tel ou tel type d’activités.
Le modèle de l’explication des hiérarchies sociales par des mécanismes de marché se trouve chez des auteurs très différents. On le rencontre au XVIIIe siècle, il persiste jusqu’à nos jours. Adam Smith est probablement, au XVIIIe siècle, l’auteur qui le présente le plus clairement. On le retrouve, enrichi et complété, chez de nombreux auteurs contemporains (Dahrendorf, Parsons). Les pages où Adam Smith développe sa théorie de la hiérarchisation ou, comme on dit encore, de la stratification sociale méritent toujours d’être lues. Il cherche à y expliquer les différences persistantes entre les types d’activités qu’on pouvait observer de son temps. Pourquoi, se demande-t-il par exemple, les soldats et les marins sont-ils régulièrement sous-payés par rapport aux mineurs? Cette différence de traitement est étonnante, puisque les coûts d’apprentissage de ces différents types d’activités sont à l’évidence similaires, que la difficulté des tâches et que les risques encourus sont comparables. Plus surprenant encore est le fait qu’ils ne soit pas plus difficile de trouver un marin qu’un mineur, bien que les deux types d’emplois offrent des rétributions à première vue différentes pour des contributions comparables. Cela n’indiquet-il pas que les mécanismes du marché sont impuissants à expliquer les hiérarchisations sociales? Mais, remarque Adam Smith, on constate en y regardant de plus près que soldats et mineurs sont en fait payés en plusieurs sortes de monnaies pour les risques qu’ils acceptent de prendre, de sorte que leurs rémunérations globales ne sont peut-être pas aussi contrastées qu’il y paraît. Car si les risques auxquels sont exposés soldats et mineurs sont comparables, la nature des tâches n’est pas la même. En s’exposant au danger, le soldat apporte une contribution positive au salut de la patrie; la mort du mineur est toujours, par contraste, un accident inutile qu’on doit déplorer mais qui n’apporte en soi aucune contribution tangible à la collectivité; c’est pourquoi les risques que le soldat accepte d’encourir peuvent être rémunérés sous la forme du prestige (le prestige de celui qui court le risque de mourir, comme on dit, au champ d’honneur); en revanche, les risques auxquels est exposé le mineur doivent correspondre à une rémunération comptée en une monnaie, non pas symbolique, mais matérielle. C’est pourquoi les mineurs jouissent de salaires plus élevés que les soldats.
Dans son article classique sur l’origine des inégalités, Dahrendorf reprend le même modèle du marché. Tout phénomène de hiérarchisation sociale, dit-il, s’explique par des mécanismes d’offre et de demande. Ainsi, dans un État idéologique, la demande de productions intellectuelles de type idéologique est forte: les idéologues y jouissent par conséquent de rémunérations symboliques et matérielles élevées. Ou bien considérons un groupe de femmes âgées se rencontrant à l’heure du thé: ce groupe, de par sa structure, présente une forte demande de ragots. Le prestige des membres du groupe a donc de fortes chances d’y être défini en fonction de leur capacité à alimenter la conversation en potins.
Il est vraisemblable (mais la réflexion des sciences sociales est insuffisamment poussée sur ce point à l’heure actuelle) que le modèle du marché représente le meilleur paradigme général pour l’explication des phénomènes de hiérarchisation sociale dans les sociétés industrielles. La théorie de la circulation des élites de Pareto peut être facilement raccordée à ce modèle: les organisations sociales particulières adressent à leur environnement des demandes. La structure de cette demande, mise en rapport avec celle de l’offre correspondante, explique la constitution et la transformation dans le temps des élites au sens de Pareto. Si une organisation donnée rencontre des difficultés à réaliser un de ses objectifs et si un individu parvient à imaginer le détour permettant de l’atteindre, il sera immédiatement gratifié d’un prestige considérable et peut-être d’autres rémunérations. De façon générale, les rémunérations sociales en prestige, revenu et pouvoir tendent à aller à ceux dont la contribution est estimée particulièrement importante par rapport aux objectifs que se donnent les organisations. Il en résulte, comme l’affirmait déjà Pareto, qu’il y a non pas une élite, mais des élites. La distribution des élites est liée à la distribution des organisations. On distingue par exemple une élite sportive, une élite intellectuelle, une élite syndicale, une élite politique. Bien entendu, certaines organisations sont plus centrales que d’autres. En outre, les organisations sont plus ou moins liées entre elles. Il en résulte que certaines élites sont plus centrales et plus visibles que d’autres (c’est pourquoi on peut parler au singulier d’une élite dirigeante ). Les fluctuations de la demande contribuent pour leur part à modifier l’importance relative des élites. Ainsi, l’élite intellectuelle est davantage consultée et interrogée et, partant, plus prestigieuse dans les périodes donnant l’impression d’être traversées par une «crise de valeurs».
Le modèle marxiste peut également dans une certaine mesure être réinterprété à l’aide du modèle du marché: dans le cas où les deux groupes ou catégories sociales sont en situation d’antagonisme, ils tendent à produire des élites qui les représentent et qui, partant, sont elles-mêmes en situation de compétition et d’antagonisme entre elles.
Ainsi, le modèle du marché paraît pouvoir contenir les autres modèles (la réciproque n’étant pas vraie) et expliquer commodément les manifestations complexes et diverses des processus de hiérarchisation. Il est toutefois important de donner à ce modèle une forme nuancée. Comme l’ont indiqué Max Weber et Lenski, mais aussi Adam Smith, il est important de considérer le caractère multidimensionnel des hiérarchies sociales. Prestige, pouvoir et revenu, rémunérations matérielles et rémunérations symboliques sont les dimensions principales de la hiérarchisation. Elles peuvent être corrélées. Elles ne s’additionnent pas. Elles peuvent être cumulatives. Mais elles sont souvent complémentaires. En second lieu, il est important de considérer que des processus de hiérarchisation se développent sur des marchés définis par les organisations sociales au sens large du terme, qui sont multiples, plus ou moins disjoints et plus ou moins centraux, ou au contraire périphériques. En troisième lieu, il faut tenir compte des délais d’ajustement entre offre et demande dans les mécanismes responsables des phénomènes de hiérarchisation.
L’observation des inégalités et des hiérarchies
Dans les dernières décennies, la théorie des processus de hiérarchisation a été développée par les différentes sciences sociales parallèlement à l’observation empirique plutôt qu’en liaison étroite avec elle.
Sur ce chapitre, il faut d’abord mentionner les études descriptives innombrables qui se sont attachées soit à déterminer la manière dont les hiérarchies sociales sont perçues et ressenties (Warner, Goldthorpe), soit à mesurer l’évolution des inégalités sociales.
Éducation et inégalités
L’aspect qui a sans doute le plus retenu l’attention des chercheurs est celui de la relation entre certaines institutions, notamment les institutions scolaires, et les processus de hiérarchisation. Plus rarement, on s’est interrogé sur le rôle d’autres institutions, par exemple les institutions politiques ou syndicales. Pourtant, il est évident que ces institutions jouent, parallèlement au système scolaire et au système professionnel, un rôle considérable dans la mobilité des individus. Une carrière peu prometteuse peut bifurquer vers des responsabilités politiques ou syndicales importantes. Malheureusement, on ne dispose pas aujourd’hui, dans un pays comme la France, d’une vue d’ensemble de l’effet des institutions sociales sur les processus de hiérarchisation et sur la mobilité des individus à travers les hiérarchies.
En France, depuis les travaux d’Alain Girard et de ses collaborateurs, le rôle des institutions scolaires est beaucoup mieux connu. Ces travaux permettent également de mieux comprendre l’interaction entre institutions familiales et scolaires dans la génération et le renouvellement des inégalités et hiérarchisations. Deux résultats méritent d’être cités à cet égard. En fonction de son rang social, la famille fournit à l’enfant un équipement cognitif et culturel qui lui permet de s’adapter plus ou moins facilement au milieu scolaire et d’acquérir plus ou moins rapidement les techniques que l’école exige de lui. D’un autre côté, tout se passe comme si les familles considéraient l’éducation comme un investissement. Les interventions successives des familles dans les processus d’orientation scolaire peuvent donc être assimilées à des décisions d’investissement. Mais ces décisions sont affectées par le rang social de la famille. On peut, à cet égard, introduire les hypothèses suivantes: en moyenne les coûts de l’éducation tendent à être perçus comme d’autant plus élevés que le rang social de la famille est plus bas; les bénéfices tendent, pour leur part, à être perçus comme d’autant plus bas que le rang social de la famille est plus bas: un supplément d’éducation peut permettre à un élève de classe supérieure de ne pas déroger par rapport à sa famille d’origine; le même supplément pourra être perçu par un élève de classe inférieure, ayant déjà atteint un certain niveau scolaire et ayant par conséquent une quasi-certitude de s’être élevé socialement par rapport à sa famille, comme un luxe trop coûteux. Ce double effet du rang social de la famille sur l’orientation scolaire est d’autant plus important qu’il joue de manière répétitive: la même logique et les mêmes différences réapparaissent à chaque étape de la carrière scolaire des adolescents. Cela explique que les efforts considérables faits dans la quasi-totalité des sociétés industrielles pour atténuer l’«inégalité des chances» scolaires n’aient pas eu des effets aussi grands que souhaité. Bien entendu, cette résistance de l’inégalité des chances scolaires a des conséquences sur la transmission du rang social d’une génération à la suivante.
Mobilité sociale
Sur ce dernier point, auquel on associe fréquemment la notion de mobilité sociale, des travaux nombreux se sont accumulés au cours des deux dernières décennies. Ils montrent que la mobilité sociale entre générations est beaucoup plus élevée dans les sociétés industrielles que dans les sociétés traditionnelles. Ils montrent aussi que les différences entre nations sont relativement faibles. Ainsi, contrairement à ce qu’on a longtemps cru, la mobilité sociale n’est pas plus grande aux États-Unis qu’en Europe. D’un autre côté, depuis plusieurs décennies, la mobilité paraît évoluer faiblement en dépit des changements considérables qui caractérisent les sociétés industrielles du point de vue économique et technique comme du point de vue du développement de l’éducation. Enfin, ces recherches montrent que, en dépit de la consommation de plus en plus grande de savoir qui accompagne la complexification des sociétés industrielles, en dépit aussi de leur caractère méritocratique, c’est-à-dire de l’importance accordée aux certificats de compétence et d’aptitude délivrés par le système scolaire, l’itinéraire des individus dans le système des hiérarchies sociales n’est que partiellement dépendant du niveau scolaire. En termes techniques, seule une partie modérée de la variance du statut socioprofessionnel dépend du niveau d’instruction. Sur tous ces points, les enquêtes sont convergentes, qu’elles portent sur l’Allemagne, la France, la Suisse, la Suède ou les États-Unis.
Malgré le caractère familier et omniprésent des phénomènes de hiérarchisation sociale et malgré l’intérêt continu que leur portent les sociologues, il n’est pas exagéré de dire que ces phénomènes ne sont connus que de façon très lacunaire, même si on se limite au cas des sociétés industrielles. La prégnance de modèles théoriques trop simples (et particulièrement des modèles faisant des hiérarchies l’effet direct de l’organisation économique des sociétés) contribue à expliquer cet état de choses. Elle explique aussi l’écartèlement qui caractérise les sciences sociales entre la réflexion théorique sur les hiérarchies et inégalités et l’observation empirique. Malgré ces difficultés, le chemin parcouru par la sociologie est considérable depuis le moment où Rousseau, dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes , fonda la sociologie des hiérarchies sociales en montrant qu’elles sont incompréhensibles si elles sont conçues comme le simple reflet de différences naturelles.
hiérarchie [ 'jerarʃi ] n. f.
• 1611; gerarchie 1332; lat. ecclés. hierarchia, du gr.
1 ♦ Relig. Ordre et subordination (des chœurs des anges). Les trois hiérarchies d'anges.
♢ Ordre et subordination des degrés de l'état ecclésiastique. Hiérarchies de l'Église catholique : hiérarchie d'ordre (évêques, prêtres, ministres; diacres, etc.); hiérarchie de juridiction (pape, évêques, curés).
2 ♦ Cour. Organisation sociale dans laquelle chacun se trouve dans une série ascendante de pouvoirs ou de situation. ⇒ ordre , subordination. Occuper telle place dans la hiérarchie. « Toute époque a son armature, une hiérarchie, des classes, des administrations » (Maurois). Hiérarchie administrative, politique. Hiérarchie du personnel dans une entreprise. ⇒ organigramme. Les degrés, les échelons de la hiérarchie. Être au sommet de la hiérarchie. La hiérarchie militaire (⇒ 1. grade) .
♢ Ensemble des personnes qui occupent les échelons supérieurs de la hiérarchie. Informer sa hiérarchie.
3 ♦ (XVIIIe) Organisation d'un ensemble en une série où chaque terme est supérieur au terme suivant, par un caractère de nature normative. ⇒ classement, classification, gamme, ordre . Hiérarchie des valeurs. La hiérarchie des sciences. Hiérarchie morale, intellectuelle. Régler, organiser selon une hiérarchie. ⇒ hiérarchiser. « il y a une hiérarchie jusque dans l'infamie » (Barbey).
♢ Inform. Hiérarchie des opérateurs : ordre dans lequel doivent être pris en compte les opérateurs pour l'évaluation des expressions numériques.
⊗ CONTR. Anarchie, désordre. Égalité.
hiérarchie
n. f.
d1./d Organisation d'un groupe, d'un corps social, telle que chacun de ses éléments se trouve subordonné à celui qu'il suit. La hiérarchie militaire.
— être en haut, en bas de la hiérarchie.
d2./d Répartition des éléments d'une série selon une gradation établie en fonction de normes déterminées. Hiérarchie des valeurs sociales, morales.
⇒HIÉRARCHIE, subst. fém.
Organisation fondée sur un ordre de priorité entre les éléments d'un ensemble ou sur des rapports de subordination entre les membres d'un groupe.
A. — RELIG. CHRÉT.
1. Ordre et subordination des neuf chœurs des anges, selon la Bible et la liturgie. Synon. ordre. La hiérarchie céleste; les trois hiérarchies d'anges. Les divines hiérarchies (...) tant de séraphins, de trônes, d'ardeurs, de dominations, d'anges et d'archanges (CHATEAUBR., Génie, t. 1, 1803, p. 31). Cet ange [de la Vierge aux rochers], à coup sûr, occupe un haut grade dans la hiérarchie du ciel; ce doit être un trône, une domination, une principauté tout au moins (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p. 65) :
• 1. ... trois hiérarchies, dont chacune se subdivise en trois ordres. À chaque hiérarchie est attribuée la contemplation spéciale de l'une des trois personnes de la sainte Trinité (...). À ces attributions contemplatives correspond un ministère actif.
OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 191.
SYNT. La première hiérarchie d'anges (séraphins, chérubins, trônes); la seconde hiérarchie (dominations, puissances, principautés); la troisième hiérarchie (vertus, archanges, anges).
2. Ordre et subordination des différents degrés de l'état ecclésiastique. Hiérarchies de l'Église catholique; hiérarchie ecclésiastique; hiérarchie d'ordre (évêques, prêtres, ministres, diacres, etc.); hiérarchie de juridiction (pape, évêques, curés); hiérarchie de droit divin. C'est un point de doctrine catholique, que la hiérarchie, en remontant des ordres inférieurs, par les évêques, jusqu'au souverain pontife, est d'institution divine, et par conséquent immuable (LAMENNAIS ds L'Avenir, 1831, p. 346). C'est donc avec crainte et tremblement que tu dois monter jusqu'à ce haut degré de la hiérarchie sainte [la prêtrise] (BILLY, Introïbo, 1939, p. 142).
— Emploi abs. La hiérarchie (p. ell. de hiérarchie ecclésiastique). Membres de la hiérarchie. Ce prêtre, digne d'être élevé aux plus hauts degrés de la hiérarchie (A. FRANCE, Orme, 1897, p. 84) :
• 2. Le Christ est avec nous. Il ne cesse pas d'être présent à son Église, comme docteur par le pape et la hiérarchie, comme médecin par le sacrement de pénitence, comme nourriture par l'Eucharistie.
RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p. 197.
B. — Usuel. Organisation sociale établissant des rapports de subordination et des degrés gradués de pouvoirs, de situation et de responsabilités. Synon. ordre, subordination, échelle, filière. Hiérarchie politique; degrés, échelons de la hiérarchie. La base de la société chinoise est la famille. Une hiérarchie rigoureuse en relie les membres, unis par le culte commun des ancêtres (VIDAL DE LA BL., Princ. géogr. hum., 1921, p. 204). Au sommet de cette hiérarchie domestique se tenait mon père. Et puis venaient son régisseur, présent partout, et dans chaque centre un maître-valet (PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, p. 166) :
• 3. ... son service de renseignements (...) était en effet remarquable, bien qu'il eût l'étrange défaut d'être composé d'agents trop haut placés dans la hiérarchie sociale car, si l'on voulait avoir quelques détails sur la vie d'un caporal, Tante Cora ne pouvait les demander qu'au Ministre de la Guerre ou, sur un médecin de quartier de Limoges, qu'à un chirurgien des hôpitaux de Paris.
MAUROIS, Climats, 1928, p. 40.
SYNT. La hiérarchie d'un parti, d'une société; hiérarchie de groupes, de classes, de milieux, de personnes; hiérarchie d'emplois, de fonctions; hiérarchie professionnelle; du haut en bas de la hiérarchie; établir une hiérarchie; être inférieur, supérieur à qqn dans une hiérarchie; occuper tel rang dans une hiérarchie; s'élever dans la hiérarchie; passer par tous les degrés de la hiérarchie.
— Hiérarchie militaire (subdivisée en grades selon le rang et le commandement). Instances supérieures, membres de la hiérarchie militaire. La hiérarchie militaire anglaise ne permettant de citer dans un rapport aucun héros au-dessous du grade d'officier (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 419). L'homme le plus haut placé dans la hiérarchie militaire, le ministre qui a la garde des secrets de l'armée (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 71).
♦ Emploi abs. La hiérarchie. Avoir le sens, le sentiment, le respect de la hiérarchie; gravir les échelons les plus élevés de la hiérarchie. Le commandant, en dépit de la hiérarchie, mit le jeune Napoléon à la tête du polygone, de préférence à d'autres d'un rang supérieur (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, 1823, p. 86). D'un bout à l'autre de la hiérarchie, écrit-il [de Lattre], particulièrement chez les officiers, l'impression générale est que la nation les ignore et les abandonne (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 140) :
• 4. Ce que je voulais dire de l'organisation militaire, c'est qu'elle a dû avoir sa raison d'être aux temps héroïques de l'Empire (...). Mais maintenant qu'en haut il n'y a plus que des bureaux et des députés, la hiérarchie devient risible. Cette immense pyramide de gens qui observent minutieusement leurs distances, c'est pour supporter un monsieur, qui écrit dans un fauteuil vert et qui ne voit pas plus loin que ceux qui sont en bas.
RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1906, p. 151.
— Hiérarchie administrative (subdivisée en échelons selon le rang et la fonction); hiérarchie universitaire. Avoir telle place dans la hiérarchie; s'élever dans la hiérarchie; le respect de la hiérarchie. Où classer dans la hiérarchie administrative la fonction de secrétaire général qui a des attributions si nombreuses et si diverses? (BARADAT, Organ. préfect., 1907, p. 181). « Ces Messieurs » représentaient la partie des hiérarchies administratives françaises qui constituait au-dessus de Monsieur Boudet une sorte de cylindre fait de rondelles successives et superposées (MALÈGUE, Augustin, t. 2, 1933, p. 319).
C. — Au fig. Classification, de gradation croissante ou décroissante selon une échelle de valeur, de grandeur ou d'importance. Synon. classement, classification, éventail, gamme, échelle, série, succession. Ceux qui ont su établir entre leurs passions une hiérarchie intelligente, et qui ont préféré la gloire politique aux affaires les plus fructueuses (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 93). Traversant le bourdonnement des mouches et les crissements des cigales, plus hauts qu'eux sur la hiérarchie des bruits, des meuglements de bestiaux (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 219) :
• 5. On sait la hiérarchie admise par la science dans l'évolution du langage : au degré le plus bas le langage actif, au-dessus le langage émotif, au sommet le langage intellectuel.
BENDA, Fr. byz., 1945, p. 54.
SYNT. Hiérarchie des salaires, des revenus, des catégories, des genres, des espèces, des sciences, des normes; hiérarchie de valeurs, de devoirs; hiérarchie savante, établie, déterminée, fonctionnelle, intellectuelle, morale, organique, positive, spirituelle, théorique, traditionnelle, verticale.
Prononc. et Orth. : [] init. asp. Att. ds Ac. dep. 1694. Ac. 1694 : ,,Quelques'uns prononcent comme s'ils écrivaient gérarchie``. Étymol. et Hist. 1. a) Début XIVe s. gerarchie théol. « ordre et subordination des différents chœurs des anges » (Vie de Saint Denis, Ms Londres Brit. Mus. add. 15606, f° 133c ds GDF. Compl.); 1521 ierarchiez celestes (G. BRIÇONNET, Corresp. G. Briçonnet - M. d'Angoulême, éd. C. Martineau et M. Veissière, p. 118); 1545 Hiérarchie céleste (CALVIN, Instit. de la relig. chrét., IV, 6, 10, éd. J. D. Benoit, t. 4, p. 115); b) ca 1389 gerarchie « ordre et subordination des divers degrés de l'état ecclésiastique » (PH. DE MÉZIÈRES, Songe du vieil pelerin, éd. G.W. Coopland, chap. 83); 1545 Hiérarchie (CALVIN, op. cit., IV, 4, 4, t. 4, p. 76); 2. ca 1389 gerarchie p. ext. « ordre et subordination des rangs, des pouvoirs, etc., dans une société » (PH. DE MÉZIÈRES, loc. cit.); 3. 1784 hiérarchie « organisation d'un ensemble selon la valeur de ses éléments » (RIVAROL, Universalité de la langue fr., p. 33 ds ROB.). Empr. au lat. médiév. eccl. hierarchia (IXe s., 1006, s. réf. ds LATHAM; 1161-62 ds Mittellat. W. II, 28, 59, s.v. caelestis), lui-même du gr. eccl. , aux sens 1 a et b (fin Ve s.-début VIe s., Pseudo-Denys, et [textes trad. en lat. au mil. du IXe s. par Jean Scot Erigène], v. Théol. cath. I, 1192, s.v. ange, IV, 429-430, s.v. Denys l'Aréopagite; Encyclop. brit. VII, 465, s.v. Dionysius the Areopagite). Cf. aussi gr. de basse époque « dignité de hiérarque, dans les provinces grecques de l'Empire romain » (LIDDELL-SCOTT Suppl.), dér. de « (hiérarque); suff. - (-ie). Fréq. abs. littér. : 755. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 672, b) 817; XXe s. : a) 1 088, b) 1 544. Bbg. DUB. Pol. 1962, p. 315. - RICHARD (W.) 1959, pp. 90-91. - VARDAR (B.). Struct. fondamentale du vocab soc. et pol. en France, de 1815 à 1830. Istambul, 1973, p. 245.
hiérarchie ['jeʀaʀʃi] n. f.
ÉTYM. 1611; gerarchie, 1332; lat. ecclés. hierarchia, du grec hieros « sacré », et arkhia « commandement ».
❖
1 Didact. (relig.). a (1521). Ordre et subordination des différents chœurs des anges. || La hiérarchie céleste, la hiérarchie des anges. || Les trois hiérarchies d'anges. ⇒ Ordre.
1 (…) les anges, que Dieu a divisés en leurs ordres et hiérarchies (…)
Bossuet, 1er sermon du premier dimanche de Carême, Sur les démons, 1er point.
2 (…) la sainte subordination des puissances ecclésiastiques, image des célestes hiérarchies (…)
Bossuet, Oraison funèbre de Michel Le Tellier.
b Ordre et subordination des divers degrés de l'état ecclésiastique. || Hiérarchies de l'Église catholique : hiérarchie d'ordre (évêques, prêtres, ministres : diacres, etc.); hiérarchie de juridiction (pape, évêques, curés…). || Hiérarchie du sous-diaconat (clercs inférieurs); des évêques. — Absolt. || Membre de la hiérarchie (ecclésiastique). → Casuiste, cit. 1. — La hiérarchie religieuse musulmane.
3 Elle (la mère Angélique) avait toujours eu au fond de son cœur un fort grand amour pour la hiérarchie ecclésiastique (…)
Racine, Port-Royal, I.
4 Ainsi (par les lois de l'Assemblée constituante, en 1790-1791) la hiérarchie catholique est brisée, le supérieur ecclésiastique a la main forcée (…) du curé à l'évêque, la subordination cesse, comme elle a cessé de l'évêque au pape (…)
Taine, les Origines de la France contemporaine, III, t. I, p. 280.
2 (V. 1398, gerarchie). Cour. Organisation sociale dans laquelle les personnes sont réparties en séries, de telle façon que chaque personne « soit supérieure à la précédente par l'étendue de son pouvoir ou par l'élévation de son rang social » (Lalande). ⇒ Ordre, subordination. || Les degrés, les échelons d'une hiérarchie. || Rang dans une hiérarchie. || Être au sommet de la hiérarchie : être le chef; avoir le commandement. || Être supérieur, inférieur, subordonné à qqn dans une hiérarchie (→ Venir avant, après). || Du haut en bas de la hiérarchie. || Passer par tous les degrés d'une hiérarchie. || La hiérarchie sociale. || Pouvoir et hiérarchie dans les systèmes politiques. ⇒ le suff. -cratie. || La hiérarchie administrative, politique. || La hiérarchie d'un parti, d'une société secrète (→ Concile, cit. 2; franc-maçonnerie, cit. 2). || Éléments supérieurs d'une hiérarchie. ⇒ Élite, notabilité. — Le respect de la hiérarchie. || Hiérarchie établie, stable. || Révolution qui bouleverse la hiérarchie sociale.
5 (…) j'oserai le dire, la « hiérarchie » politique établie par l'Assemblée Nationale (…) je me sers ici de ce mot de « hiérarchie », quoique d'après son étymologie il soit uniquement applicable à l'ordre sacré, mais je me soumets à l'extension que l'usage vient de lui donner.
Necker, Administration financière, VI, p. 221 (1791), in F. Brunot, Hist. de la langue franç., t. VI, p. 446.
6 Ne pas voir le Receveur-Général et agréer un simple Directeur des Contributions, ce renversement de la hiérarchie parut inconcevable aux autorités dédaignées.
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 503.
7 La hiérarchie, c'est-à-dire la subordination des fonctionnaires les uns aux autres.
Fustel de Coulanges, Leçons à l'Impératrice, p. 131.
8 Ma grand-mère (…) gardait un vif sentiment des hiérarchies.
Gide, Si le grain ne meurt, I, I.
9 À cette heure où toutes les valeurs humaines semblent remises en question, est-il possible d'imaginer un monde sans hiérarchie ? Est-il possible d'imaginer une société qui ne comporterait pas une échelle formée d'un certain nombre de degrés, à chaque degré se trouvant attachés des devoirs et des droits, peut-être même des privilèges ?
G. Duhamel, Manuel du protestataire, II, p. 55.
10 La civilisation de notre XVIIe siècle avait imposé sa forme à l'Europe parce qu'elle apportait une des hiérarchies les plus puissantes que le monde ait connues, ordonnait en architecture la confusion exaltée de la Renaissance; mais cet ordre convergeait vers Dieu.
Malraux, les Voix du silence, p. 479.
♦ (Mil. XIXe). || La hiérarchie militaire. ⇒ Grade (→ Ex-æquo, cit., Sainte-Beuve). || « Les membres de la hiérarchie militaire, à quelque degré qu'ils soient placés, doivent traiter leurs subordonnés avec bonté (…) et leur témoigner tous les égards dus à des compagnons d'arme » (Règlement prov. de manœuvre de l'infant., p. 42). || Passer par tous les degrés de la hiérarchie. ⇒ Hiérarchique (voie).
♦ Par anal. Organisation hiérarchique dans les sociétés animales. || Hiérarchie linéaire.
♦ Par métonymie. Ensemble des personnes occupant les échelons supérieurs de la hiérarchie. || Informer sa hiérarchie, ses supérieurs hiérarchiques. || La hiérarchie et la base.
3 (1784). Organisation d'un ensemble en une série où chaque terme est supérieur au terme suivant, par un caractère de nature normative. ⇒ Classement, classification (cit. 4), ordre, subordination. || La hiérarchie des valeurs, des devoirs, des droits. || Une hiérarchie morale, intellectuelle. || Tenir son rang dans une hiérarchie (→ Éclabousser, cit. 3). || La hiérarchie des classes sociales, des métiers. ⇒ Éventail (→ Armature, cit. 2; fileur, cit. 2; aristocratie, cit. 9). || Hiérarchie artistique (→ Édifice, cit. 4). || La hiérarchie des sciences (→ Généralité, cit. 2). || La hiérarchie des formes de l'énergie. || Régler, organiser selon une hiérarchie. ⇒ Hiérarchiser.
11 Les styles sont classés dans notre langue, comme les sujets dans notre monarchie. Deux expressions qui conviennent à la même chose ne conviennent pas au même ordre de choses; et c'est à travers cette hiérarchie des styles que le bon goût sait marcher.
Rivarol, De l'universalité de la langue française, p. 33.
12 Certes je ne veux pas me traîner de degrés en degrés; prendre place dans la société; avoir des supérieurs, avoués pour tels, afin d'avoir des inférieurs à mépriser. Rien n'est burlesque comme cette hiérarchie des mépris qui descend selon des proportions très exactement nuancées, et embrasse tout l'état (…)
É. de Senancour, Oberman, XLIII.
13 (…) les sentiments ont leur hiérarchie secrète.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Dessous de cartes… ».
14 Elle n'était plus qu'une prostituée, et encore de la prostitution la plus basse, car il y a une hiérarchie jusque dans l'infamie (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, Vengeance d'une femme.
15 Seul, parmi les êtres vivants, l'homme a le sentiment des hiérarchies morales : il connaît le bien et le mal; il sait qu'il existe des intérêts supérieurs auxquels son intérêt personnel doit céder le pas, des réalités supérieures auxquelles il peut participer et que, de cette participation, procède sa vraie grandeur.
Daniel-Rops, Ce qui meurt et ce qui naît, V, p. 165.
4 Sc. a Inform. || Hiérarchie de (des) mémoires : classement des mémoires d'un ordinateur selon un critère de capacité et de performance. b Organisation d'un ensemble complexe en groupes ou partitions successives.
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CONTR. Anarchie, désordre. — Égalité.
DÉR. Hiérarchiser.
Encyclopédie Universelle. 2012.