IVOIRE
Les termes qui désignent l’ivoire dans diverses langues européennes se regroupent en deux familles principales. La première dérive du latin ebur , qui a donné ivoire en français, avorio en italien, ivory en anglais et ivoor en néerlandais. Le mot allemand Elfenbein se rattache au grec elephantos (latin: elephantus ); il en va de même du danois et du suédois elfenben . Le terme norvégien fiilsben est à part; le second élément fait songer à l’allemand, le premier au mot espagnol marfil , qui lui-même dérive de l’arabe nab-al-fil .
À l’ivoire, et plus particulièrement à l’ivoire de narval, on attribuait depuis l’Antiquité des propriétés extraordinaires. Ainsi, la pureté de l’ivoire allait de pair avec la pureté de la Mère de Dieu. La défense du narval, qui au Moyen Âge passait pour être la «corne de licorne», joua longtemps un grand rôle. La licorne ne pouvait être attrapée que par une vierge, qui en triomphait par sa pureté.
Les coupes de narval étaient censées rendre le poison inoffensif, cependant que les bâtons de commandement et les sceptres étaient l’expression symbolique du pouvoir.
Plus tard, ces anciennes croyances disparurent, et l’on utilisa le narval en lui laissant son aspect brut, sans en travailler la surface extérieure.
Une matière osseuse
L’ivoire est tiré des défenses de l’éléphant; on en distingue trois sortes: l’ivoire africain, l’ivoire indien et l’ivoire fossile (fourni par les défenses du mammouth). Cependant, par extension, sont également considérées comme ivoire un certain nombre de matières dont la substance est similaire, en particulier les dents du morse, les défenses de l’hippopotame, la défense du narval – l’unicorne légendaire –, les dents du cachalot, le bec du calao, l’os et, dans une moindre mesure, les fanons de baleine ainsi que l’ivoire végétal dit corozo (Phytelephas macrocarpa ). La matière première est exploitée de la façon suivante: la partie pleine de la défense d’éléphant est utilisée pour les figures en ronde bosse tandis que la partie inférieure, qui est creuse, est utilisée pour les travaux en relief.
Les centres commerciaux
Dans l’Antiquité et au Moyen Âge, l’ivoire africain parvenait en Europe surtout par Alexandrie. Au haut Moyen Âge, Venise devint le plus grand centre européen d’importation, mais les ateliers parisiens recevaient leur ivoire par Dieppe et Rouen. Dans le Grand Nord, le Groenland payait ses impôts à la Norvège sous forme de défenses de morse, et cette matière était pour les Norvégiens un article d’exportation très précieux. Alors que la Chine, fournie en ivoire par la Russie, pouvait assurer son importation par terre, les autres pays devaient emprunter la voie maritime. Les Arabes ayant rendu dangereuses les eaux de la Méditerranée, le trafic diminua, et l’ivoire se raréfia à partir du début du IXe siècle, mais au XVIIe siècle, le phénomène inverse se produisit. Grâce à l’accroissement des relations commerciales, la matière première afflua dans les ports; Livourne en Italie, Hambourg en Allemagne, Anvers et Amsterdam aux Pays-Bas devinrent d’importants centres commerciaux. De ces ports, l’ivoire était réparti dans des villes où il était travaillé, Nuremberg par exemple, dont la production était énorme. Ensuite, au XIXe siècle, Londres joua un rôle considérable dans le commerce de l’ivoire.
Préhistoire et Antiquité
La chasse apportait à l’homme préhistorique les moyens de subsistance, ce qui restait du butin était consacré à l’art. Du début du Paléolithique, dont une certaine période a été qualifiée d’éburnéenne ou éléphantine, on connaît des gravures sur os ainsi que des sculptures en ivoire purement plastiques. Parmi les découvertes les plus importantes, il y eut celles de la grotte du Pape à Brassempouy (Landes), dont les pièces remarquables se trouvent au musée des Antiquités nationales à Saint-Germain-en-Laye. Les thèmes figurés sont tantôt réalistes, tantôt symboliques. On peut donc dire que l’art de l’ivoire et de l’os remonte aux premières manifestations artistiques de l’homme. L’art de l’ivoire fut très développé dans les pays de civilisation méditerranéenne; et, au sud de la Méditerranée, l’Égypte se manifeste brillamment dès l’Ancien Empire. Représentations d’animaux, figures humaines, objets utilitaires se retrouvent également dans les civilisations voisines de la Méditerranée orientale et en Mésopotamie. En Crète, on a découvert l’Acrobate de Cnossos (musée de Candie). La sculpture chryséléphantine apparut, en Grèce, comme la production la plus importante dans le domaine de l’ivoire. Les statues des dieux étaient au départ des figures de bois plus grandes que nature: les parties du corps découvertes étaient en ivoire, le reste était en or, en bronze et en bois doré. Les plus grands sculpteurs de la Grèce antique, Phidias et Polyclète, sont considérés comme des maîtres dans cet art. Des influences venues du bassin oriental de la Méditerranée provoquèrent le développement de l’ivoirerie étrusque qui se manifesta par des meubles décorés, des petits bas-reliefs très caractéristiques. Les Étrusques, vaincus par les Romains, semblent avoir transmis à leurs nouveaux maîtres l’usage du diptyque, formé de tablettes en ivoire sculptées sur leur face extérieure et recouvertes de cire à l’intérieur. Les consuls offraient ces diptyques à l’empereur lors de leur entrée en fonctions. Produits sans interruption de 406 à 541, ces diptyques «consulaires» constituent une source sûre pour l’étude de l’évolution de la sculpture. Outre les diptyques, il y avait un assez grand nombre de pyxides. Ces coffrets à bijoux, à encens, etc., étaient décorés extérieurement, et ils ont souvent été conservés dans les trésors des églises. L’ivoire étant une matière précieuse, on grattait parfois les motifs qui ornaient déjà les ivoires pour les remplacer par des sujets nouveaux, ou encore on ornait l’envers de la tablette, qui était vierge, selon l’inspiration du moment. Après la séparation entre l’Empire romain d’Occident et l’Empire romain d’Orient (Byzance), la sculpture sur ivoire subit une éclipse.
Du Moyen Âge au XXe siècle
En Occident, la période carolingienne apporte un nouvel épanouissement; la sculpture sur ivoire est alors utilisée dans un but religieux pour orner les reliures des manuscrits. On peut citer comme exemple une série d’ivoires appelés le groupe Ada : les miniatures donnent leur style à la sculpture sur ivoire. Cette action de la miniature, montrant la voie aux chefs-d’œuvre de l’ivoirerie, sera longtemps caractéristique. On la retrouve aussi bien dans les ivoires anglais, qui apparurent en l’an mille (miniatures de Winchester), que dans les ouvrages exécutés en Espagne du Nord et qui dérivent très certainement de la miniature catalane. L’Espagne du Sud islamisée produisit de nombreux coffrets et étuis ornés de décors floraux et animaliers. Il faut mentionner, en particulier, le coffre de la cathédrale de Pampelune, daté de 1005. Les pièces siculo-arabes, pyxides et coffrets exécutés à Palerme au XIIe siècle, témoignent aussi d’un contact étroit avec la civilisation islamique.
Avec le gothique apparaît un type nouveau, la sculpture d’inspiration personnelle, qui n’existait pratiquement pas dans les ivoires romans. La petite sculpture libre s’inspire de la grande sculpture des églises (Couronnement de la Vierge , Annonciation , au Louvre). À côté des nombreuses statuettes et petits autels (diptyques, triptyques), l’art profane commence lui aussi à s’affirmer nettement dans l’art de l’ivoire. Ce sont des valves (boîtes) de miroirs, des coffrets destinés à la «dame», des reliefs représentant Tristan et Iseut, les joutes de troubadours, etc. Les ivoires religieux se limitent à un petit nombre de prototypes, alors que les thèmes de l’art profane sont tirés de la littérature chevaleresque.
Si dans l’ivoirerie gothique la place de la France est prépondérante, l’influence d’artistes allemands et néerlandais l’emporte ensuite. Les modèles de la sculpture sur ivoire sont souvent des petits bronzes, puis des gravures sur cuivre dont l’ivoirerie reprend les thèmes, Les Métamorphoses d’Ovide en particulier. Le XVIe siècle est pauvre en ivoires, les XVIIe et XVIIIe siècles en revanche seront un apogée. Cette époque prestigieuse se termine avec l’apparition progressive de la porcelaine qui prend la place de l’ivoire, mais emprunte à la sculpture sur ivoire son inspiration et ses modèles. C’est ainsi, par exemple, que les Saisons de Permoser furent imitées sur porcelaine. En ce qui concerne la part de l’ivoirerie dans l’histoire générale de la petite sculpture, on peut recenser plus de mille artistes ayant créé des œuvres d’art en ivoire. Les thèmes dominants du baroque exubérant sont des sujets profanes, mais les artistes continuent de sculpter bon nombre de crucifix. La pièce maîtresse est le hanap somptueusement décoré qui n’a plus comme fonction essentielle que d’être une pièce curieuse. Au XIXe siècle, période de déclin, la meilleure production est le portrait, mais elle sera ruinée par l’avènement de la daguerréotypie. Le métier d’art sera détrôné par les formes de représentation du siècle industrialisé.
La tabletterie
Dans l’ivoirerie, la tabletterie apparaît au cours de la seconde moitié du XVIe siècle, et elle se maintient jusqu’au début du XIXe siècle. Ces objets, considérés aujourd’hui comme des pièces curieuses, étaient alors très prisés et beaucoup plus rares que les objets taillés. Il ne faut pas juger ces pièces selon une optique moderne et ne voir en ellet que des produits de série faits à la machine. Elles ne l’étaient en aucun cas, on les fabriquait avec un tour, instrument rare et coûteux, qui fut souvent manié par des princes. La création de ces objets en ivoire, fabriqués mécaniquement, coïncide avec la publication, dans la seconde moitié du XVIe siècle, de recueils de planches présentant des modèles en perspective. Les tourneurs ne fabriquaient pas seulement des objets de pure curiosité, mais aussi des reliefs, portraits, paysages, armoiries, devises. Pour réaliser ces travaux, il fallait un patron qui guidait le tour. Ces patrons étaient en bois dur, en cuivre ou en acier. Les bas-reliefs ainsi créés sont reconnaissables à leurs stries. Ces objets étaient donc produits mécaniquement, mais il était très rare de voir plus de deux reliefs identiques. Dans la tabletterie d’art, l’Allemagne eut une place prépondérante, le centre le plus renommé étant Nuremberg avec la famille Zick, puis Dresde et aussi Ratisbonne avec la famille Teuber. La France s’intéressa également à la tabletterie, le cabinet du baron Grollier de Servière le prouve; quelques pièces de sa collection furent reproduites dans des publications en 1719, à Lyon. Les ouvrages les plus connus d’auteurs baroques, ouvrages illustrés, sont L’Art de tourner , de C. Plumier (Lyon, 1701), Historische Nachricht , de J. G. Doppelmayr (Nuremberg, 1730), ainsi que Vollständiger Unterricht , de J. M. Teuber (Ratisbonne, 1740).
L’éducation princière avait pour principe que les héritiers mâles devaient apprendre un métier manuel, et le choix se portait souvent sur celui de tourneur d’art. La tabletterie fut donc indirectement à l’origine de certaines grandes collections d’ivoires. De nombreux princes et de grands aristocrates ont manipulé un tour, et ce fut pour eux une première raison de s’intéresser à l’ivoire. Les plus importantes et les plus anciennes collections d’ivoires se trouvent donc dans des villes où résidaient les familles royales: Vienne (les Habsbourg), Dresde (les princes saxons), Florence (les Médicis), Copenhague (le château Rosenborg, musée de la famille royale du Danemark).
L’ivoirerie dans le monde
Ivoires esquimaux
Les Esquimaux du Groenland ont sculpté un grand nombre d’objets en ivoire. La matière provient en premier lieu des régions polaires; ce sont donc des dents de cachalot, de narval, de morse, et aussi des bois de renne, de l’os et de l’ivoire d’importation. La sculpture esquimaude est exclusivement de la petite sculpture et comporte beaucoup de masques. Les objets les plus anciens datent du Ier siècle de notre ère, l’époque moderne commence en 1920. Autrefois, il y avait nettement deux inspirations: à l’ouest, celle des thèmes réalistes, à l’est, dans la colonie de Angmagssalik qui ne fut découverte qu’en 1884, avant tout celle des légendes tupilak. Actuellement, on ne peut plus faire de distinction selon les régions; la décoration d’objets utilitaires en bois (seaux, lunettes) se pratique dans tout le pays.
Japon
Les netsuke constituent la majeure partie des ivoires japonais de grande qualité. Le costume japonais ne comportant pas de poches, les objets étaient passés sous la ceinture, et le netsuke , retenu par une cordelière, servait à les maintenir. Le netsuke est donc une cheville qui, la plupart du temps, est sculptée. Les objets ainsi fixés sont des bourses, du matériel pour écrire, des pipes. Il y a parmi les sculpteurs de netsuke de très grands artistes, tel Yoshinaga, au XVIIIe siècle, et souvent leurs descendants ont exercé cet art pendant des générations. Les netsuke ne sont pas toujours signés, la signature n’est pas une garantie de qualité. Les avis divergent sur l’époque à laquelle apparurent les premiers netsuke , mais on peut dater certains objets du début du XVIIe siècle. D’autres créations spécifiques de l’ivoirerie japonaise qui remonte au VIIIe siècle sont les fourreaux d’épées, les paravents, les tables, les boîtes, les instruments de musique ornés de compositions de fleurs ou d’oiseaux incrustées ou plaquées.
Chine
L’ivoirerie chinoise est très ancienne (1300 av. J.-C. env.). Les «ivoires médicaux» représentant une femme couchée sont spécifiquement chinois. Sur ces petites figurines à diagnostic était marqué ou indiqué le siège de la maladie, car, dans les grandes familles, le médecin ne pouvait toucher le corps d’une dame. On connaît peu de pièces anciennes, alors que les ivoires des temps modernes (à partir de la dynastie Yuan) sont largement représentés. Les figurations de Guanyin et Lohan sont très fréquentes. La Chine a énormément travaillé pour l’exportation à partir du XVIIIe siècle, c’est pourquoi certaines pièces ont pris le nom du port de Canton, telles ces balles concentriques, appelées aussi balles chinoises. Leurs modèles semblent avoir été les boules s’imbriquant les unes dans les autres fabriquées par les Européens, et qui sont beaucoup plus rares. La matière première fournie d’abord par les éléphants qui vivaient encore en Chine sera ensuite importée de Russie, d’Asie et d’Afrique.
Goa
Bien que Goa, colonie portugaise fondée en 1510, se trouve en Asie, sa production artistique est généralement rattachée au courant européen. Les thèmes de l’ivoirerie, les images de saints, notamment, constituaient un des moyens utilisés par les missionnaires pour christianiser le pays. Une partie de ces ouvrages doit être classée parmi les produits de série grossiers. Par souci d’économie, ils sont taillés dans la pointe de la défense, relativement sans valeur.
Inde
Au cours de la période védique, on tire de l’ivoire des objets utilitaires (peignes, etc.), mais beaucoup plus tard, au Ier siècle de notre ère, furent créées des œuvres d’une indéniable valeur artistique. On citera les nombreux objets en ivoire et en os provenant des fouilles de Begr m (telle la plaque d’un coffret d’ivoire conservée au musée Guimet à Paris). L’art gupta a laissé quelques figurines d’ivoire. Cependant, en ce qui concerne l’Asie, il faut souligner en général que le nombre des œuvres anciennes conservées est peu élevé en comparaison des ivoires européens.
Ceylan
Le trésor de la Résidence à Munich possède deux coffres en ivoire ainsi que trois peignes d’environ 1540, qui donnent un exemple de l’ivoirerie cinghalaise. Les coffres sont ornés d’or et de pierres précieuses, et furent probablement offerts au Portugal par des envoyés de Ceylan, les scènes représentées le font penser. Ces quelques pièces donnent au moins une idée de la valeur des travaux sur ivoire dans l’ancien Ceylan.
Indonésie
En Indonésie on trouve de nombreuses poignées de criss (arme d’apparat) en ivoire, en défense de morse et en os. Ces sculptures peuvent être classées selon les régions. On citera parmi les objets les plus intéressants les poignées des épées des coupeurs de têtes des Dayak (mandau), qui sont des pièces en os.
Il faut mentionner aussi les objets sculptés dans des fanons de baleine, et même des os humains dans les îles de l’Océanie (spatule à bétel sculptée dans un os humain, art du Sepik, Nouvelle-Guinée, Museum für Völkerkunde, Bâle).
Afrique
Les œuvres les plus remarquables de l’ivoirerie africaine proviennent du Congo et du Bénin. Dès le XVe siècle, des collectionneurs s’intéressèrent à cette production, mais l’Europe entière ne la découvrit qu’en 1897. À cette date, une expédition punitive envoyée par les Anglais rapporta comme butin des sculptures sur ivoire. Ces objets comprennent des coffrets, des trompes, des bijoux, des ornements, des sceptres, etc.
ivoire [ ivwar ] n. m.
1 ♦ Matière fine, résistante, d'un blanc laiteux, qui constitue les défenses de l'éléphant. ⇒ 1. morfil. Statuette, manche, billes d'ivoire, en ivoire. ⇒ éburné. Peigne d'ivoire. Sculpter l'ivoire. — Par méton. Objet d'art en ivoire (⇒ ivoirerie). Une collection de vieux ivoires.
♢ Poét. D'ivoire : d'une blancheur comparable à celle de l'ivoire. ⇒ éburnéen. — Tour d'ivoire.
2 ♦ Matière des dents et défenses de certains autres animaux (rhinocéros, morse, etc.). ⇒ rohart. — Anat. Partie dure des dents, revêtue d'émail à la couronne et de cément à la racine. ⇒ dentine.
3 ♦ Techn. Ivoire végétal. ⇒ corozo. — Noir d'ivoire : poudre noire très fine employée en peinture, faite d'ivoire et d'os calcinés.
4 ♦ Adj. inv. (1894) D'une couleur analogue à celle de l'ivoire. Des dentelles ivoire.
● ivoire nom masculin (latin populaire eboreum, du latin classique eboreus, d'ivoire, de ebur, -oris) Synonyme de dentine. Substance osseuse, particulièrement dure, qui constitue les dents (ou défenses) de l'éléphant et de quelques autres animaux : Un peigne en ivoire. Objet fabriqué avec de l'ivoire ; objet sculpté en ivoire. ● ivoire (difficultés) nom masculin (latin populaire eboreum, du latin classique eboreus, d'ivoire, de ebur, -oris) Orthographe Masculin : un très bel ivoire. Accord Ivoire, employé comme adjectif de couleur, ne prend pas de s au pluriel : des écharpes ivoire.Voir grammaire : noms de couleur. ● ivoire (expressions) nom masculin (latin populaire eboreum, du latin classique eboreus, d'ivoire, de ebur, -oris) Littéraire. D'ivoire, d'une blancheur ou d'un aspect comparables à ceux de l'ivoire. Ivoire végétal, synonyme de corozo. ● ivoire (synonymes) nom masculin (latin populaire eboreum, du latin classique eboreus, d'ivoire, de ebur, -oris) Ivoire végétal
Synonymes :
- corozo
ivoire
n. m. (et adj. inv.)
d1./d Matière dure d'une blancheur laiteuse très fortement minéralisée (sels de calcium, notam.) constituant les défenses de l'éléphant. Objets sculptés en ivoire, ou, ellipt., des ivoires. Bracelet en ivoire.
|| Poét. D'ivoire: d'une blancheur comparable à celle de l'ivoire. Un cou d'ivoire.
— adj. inv. Des tissus ivoire.
d2./d Matière des dents et défenses de certains animaux autres que l'éléphant (hippopotame, narval, etc.).
d3./d ANAT Partie dure des dents. (V. dent.)
d4./d TECH Noir d'ivoire: poudre noire utilisée en peinture, faite d'ivoire et d'os calcinés; couleur noire préparée avec cette poudre.
|| Ivoire végétal: V. corozo.
⇒IVOIRE, subst. masc.
A. — Matière fine, résistante, d'un blanc laiteux, fournie par les défenses de l'éléphant, réputée pour son poli et employée dans la fabrication d'objets sculptés ou tournés et en marqueterie. Cet enfant d'Euterpe revint donc à Paris, vers 1810, collectionneur féroce, chargé de tableaux, de statuettes, de cadres, de sculptures en ivoire, en bois (BALZAC, Cous. Pons, 1847, p. 7). À quelques pas du chemin, que les processions et les théories ont suivi de toute éternité, des monnaies, des plats en bronze, des fibules, des agrafes, des épingles d'os et d'ivoire (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 286). V. argent ex. 2 :
• 1. De l'ivoire [it. ds le texte]. Par ce mot, on entend spécialement la matière osseuse qui forme les défenses de l'éléphant; on le donne cependant aussi aux défenses de l'hippopotame, des vaches marines et autres amphibies. L'ivoire est grené d'une manière très-apparente à l'œil, ce qui le fait distinguer des os proprement dits.
NOSBAN, Manuel menuisier, 1857, p. 137.
SYNT. Ivoire incrusté, jauni, marqueté, patiné, poli; archet, bâton, bibelot, boîte, boule, bouton, cassette, chaîne, chaise, chapelet, crosse, manche, marteau, peigne, quenouille, squelette, touche, trône d'ivoire; ciseler, travailler, sculpter l'ivoire.
♦ En partic. Ivoire vert. Ivoire pris sur l'éléphant vivant ou mort depuis peu de temps. Sa chair précieuse, semblable à de l'ivoire vert, se laissait deviner comme sous une eau agitée et profonde (TOULET, Mar. Don Quichotte, 1902, p. 34).
— P. métaph. Voici l'heure du soir qu'aima P. J. Toulet. Voici l'horizon qui me défait — un grand nuage d'ivoire au couchant et, du zénith au sol, le ciel crépusculaire, la solitude immense, déjà glacée, — plein d'un silence liquide (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 59).
— P. méton. Objet d'ivoire et plus spécialement sculpture miniature en ivoire. Synon. ivoirerie. Un ivoire; des ivoires; un vieil ivoire; des ivoires de collection; les ivoires du Louvre :
• 2. Cette fois, Mme Desforges elle-même, malgré sa rancune qui lui avait fait jurer de ne rien acheter, succomba devant un ivoire d'une finesse charmante.
ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 789.
— (Couleur) d'ivoire.
a) [En parlant de pers. et notamment de leur teint] Cou, crâne, épaule, front, main, sein d'ivoire. Le Ver : À moi tes bras d'ivoire, à moi ta gorge blanche, À moi tes flancs polis avec ta belle hanche À l'ondoyant contour (GAUTIER, Comédie mort, 1838, p. 16). Le teint d'ivoire des chairs, le gris argenté du costume empruntent à la décoration aux lambris, une tonalité glauque de nymphée (BLANCHE, Modèles, 1928, p. 189).
b) Plus rare. [En parlant de la nature ou d'un animal] Sur la pelouse, des vaches (...) faisaient éclater leurs taches d'ivoire et de pain chaud (LA VARENDE, Dern. fête, 1953, p. 328).
— Emploi adj. inv. De la couleur de l'ivoire. Marat fut surpris qu'elle ait changé sa blouse ivoire pour un pull-over au col roulé qui lui donnait une allure sportive (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 149).
B. — P. anal.
1. ANAT. ,,Partie dure de la dent, partie qui est revêtue, mais à la couronne seulement, d'une autre partie dite émail`` (LITTRÉ). Synon. dentine. Dans les caries de l'ivoire, l'attitude à suivre est à peu près identique (QUILLET Méd. 1965, p. 178).
2. BOT. Ivoire végétal. ,,Substance provenant des graines du phytelepha macrocarpe [arbre de l'Amérique tropicale], dont l'endosperme bleu, opaque et très dur, se polit comme l'ivoire`` (LITTRÉ). Synon. corozo.
3. TECHNOLOGIE
♦ Noir d'ivoire. Nous ferons remarquer que la plus grande partie du noir vendu dans le commerce sous le nom de noir d'ivoire, n'est autre chose que du noir d'os de première qualité (Manuel du fabricant de couleurs, t. 2, 1884, p. 202).
♦ Ivoire artificiel. Composition obtenue à partir de bois ou d'os imprégnés de chlorure de chaux ou d'alun. (Dict. XIXe et XXe s.).
4. ZOOL. Matière des dents de certains pachydermes (autres que les éléphants) ou cétacés.
— En partic. Ivoire mort ou bleu. Ivoire provenant des défenses des mammouths fossiles (d'apr. ROB.).
C. — Au fig. C'est peut-être parce que Vigny a transposé dans le lyrisme français, avec la substance et l'ivoire de ses vers, le cor enchanté du romantisme allemand, que, mille ans après la bataille de Roncevaux, Victor Hugo l'a fait sonner dans la bataille d'Hernani (THIBAUDET, Hist. litt. fr., 1936, p. 139).
— Expressions
♦ Porte d'ivoire (p. réf. à L'Énéide, ch. VI) :
• 3. Et, lorsque le tombeau m'ouvrira ton empire,
De silence et d'oubli n'accuse point ma lyre,
Comme au sage Thébain, divin chantre des dieux.
Mon ombre, pour venir, en songe harmonieux,
Dicter des vers tardifs consacrés à ta gloire,
N'aura point à sortir de la porte d'ivoire.
CHÉNIER, Bucoliques, 1794, p. 22.
♦ Tour d'ivoire.
REM. Ivoréen, -éenne, adj., hapax. Qui a l'aspect de l'ivoire. Dans l'étude que j'ai faite des faïences de Satzuma (...) je suis arrivé à croire que les Satzuma relativement anciens sont reconnaissables (...) à un emploi discret de l'or (...) et enfin surtout à un traité presque imperceptible dans une pâte ivoréenne (E. DE GONCOURT, Mais. artiste, t. 2, 1881, p. 275).
Prononc. et Orth. : []. MARTINET-WALTER 1973 [-a-] ou [--] (13/4). Ac. 1694, 1718 y-, puis i-. Étymol. et Hist. 1. Ca 1140 (Pèlerinage de Charlemagne, 353 ds T.-L. : un corn d'ivoire blanc); ca 1165 allus. à la blancheur de l'ivoire (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 5410, ibid. : ... les denz Plus blans qu'ivoires ne argent); 2. a) ca 1200 p. méton. « éléphant » (Renart, éd. J. Martin, XI, 1769), seulement en a. fr.; b) 1683 « objet en ivoire [ici peigne] » (BOILEAU, Lutrin, V, éd. F. Escal, p. 212); 3. 1778 p. anal. ivoire de morse (BUFFON, Époq. nat. ds Œuvres, t. XII, p. 29 ds LITTRÉ). Empr. au lat. vulg. eboreum, substantivation du neutre de l'adj. eboreus « d'ivoire », dér. du class. ebur, eboris « ivoire; objet en ivoire; éléphant ». Fréq. abs. littér. : 997. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 1 345, b) 2 191; XXe s. : a) 1 413, b) 1 067.
DÉR. Ivoiré, -ée, adj. Qui a la couleur, la consistance ou l'apparence de l'ivoire. Synon. ivoirin, éburnéen. La faïence de Niderviller est faite d'une terre qui transparaît en rose dans les parties où la couche d'émail est plus mince, émail légèrement bleuté ou ivoiré (G. FONTAINE, Céram. fr., 1965, p. 60). — []. — 1re attes t.1857 (DELACROIX, Journal, t. 3, p. 34); de ivoire, suff. -é.
BBG. — QUEM. DDL t. 16.
ivoire [ivwaʀ] n. m.
ÉTYM. V. 1130-1140; a désigné l'éléphant (v. 1200); du lat. eboreus « d'ivoire », adj. substantivé au neutre, de ebur, eboris « ivoire ».
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1 Matière fine, résistante, d'un blanc laiteux, qui constitue les défenses de l'éléphant (→ Éburnéen, cit.; éventrer, cit. 3). — ☑ Loc. (techn.). Ivoire vert (1837), pris sur l'animal vivant ou récemment abattu. ☑ Ivoire mort (1902), ou bleu, provenant des défenses de mammouths fossiles. — Travailler, sculpter, ciseler l'ivoire (→ Ciseleur, cit. 1; génération, cit. 10; grille, cit. 9). || Statue d'or et d'ivoire. ⇒ Chryséléphantin. || Statuette, crucifix, manche, marteau, fiche, fichet, billes, navettes, peignes, brosses d'ivoire, en ivoire (→ Bordereau, cit.; caramboler, cit. 1; cretonne, cit. 1; 1. feuillure, cit.; frivolité, cit. 9; guitare, cit. 5; 1. harpe, cit. 1). || Qui est de la nature de l'ivoire, qui rappelle l'ivoire. ⇒ Éburné (ou éburnéen). || L'ivoire du clavier, du piano. || Touches d'ivoire.
1 Adieu ! Ta blanche main sur le clavier d'ivoire
Durant les nuits d'été ne voltigera plus (…)
A. de Musset, Premières poésies, « Le saule », VII.
1.1 Je passerais ma vie touchant mon piano
En écoutant l'ivoire ordonner l'harmonie
Cet ivoire que choque parfois mon anneau
L'harmonie des beaux airs de France et d'Italie.
Apollinaire, Poèmes divers, Pl., p. 581.
♦ (V. 1165). Par compar. et métaphore (littér.). || Chair dont le grain (cit. 22) rappelle l'ivoire. || Blanc comme l'ivoire, plus blanc que l'ivoire. || D'ivoire : d'une blancheur comparable à celle de l'ivoire. || Bras, cou, front, mains d'ivoire (→ Apprivoiser, cit. 12; arrondir, cit. 6; branle, cit. 2; effaroucher, cit. 10). — L'ivoire de son sein, de son cou (cit. 5), la blancheur incomparable de… (→ Albâtre).
2 Et d'abord, sous la moire,
Avec ce bras d'ivoire
Enfermons ce beau sein (…)
A. de Musset, Premières poésies, « Le lever ».
3 Je massacrai l'albâtre, et la neige, et l'ivoire,
Je retirai le jais de la prunelle noire,
Et j'osai dire au bras : Sois blanc, tout simplement.
Hugo, les Contemplations, I, VII.
♦ ☑ Loc. Tour d'ivoire. ⇒ Tour. — Porte d'ivoire (d'après l'Énéide).
♦ (1671). || Un ivoire, des ivoires : objets (d'art) en ivoire. || Collection d'ivoires. || « Un ivoire d'une finesse charmante » (Zola, Au bonheur des dames).
2 (1778, Buffon). Matière des dents et défenses de certains autres animaux (hippopotame, narval, morse, cachalot, etc.). ⇒ Rohart.
4 La victoire avait été facile. Les cinq amphibies (il s'agit de morses) étaient de grande taille. L'ivoire de leurs défenses, quoique un peu grenu, paraissait être de première qualité.
J. Verne, le Pays des fourrures, t. I, p. 203.
♦ (1867). Anat. Partie dure des dents, revêtue d'émail à la couronne et de cément à la racine (⇒ Dentine; éburné).
3 Techn. || Ivoire végétal. ⇒ Corozo. — Ivoire artificiel : composition à base de bois ou d'os imprégnés de chlorure de chaux ou d'alun. — (1562). || Noir d'ivoire : poudre noire très fine employée en peinture, faite d'ivoires et d'os calcinés.
4 Adj. (1900, in D. D. L.). D'une couleur jaune très pâle analogue à celle de l'ivoire. ⇒ Ivoiré, ivoirin. || « Des rubans (…) ivoire et coquelicot » (Colette, Claudine à l'école). || Une peinture ivoire. — N. m. || Préférez-vous le blanc cassé ou l'ivoire ?
➪ tableau Désignations de couleurs.
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DÉR. Ivoiré, ivoirerie, ivoirier, ivoirin, ivorine.
Encyclopédie Universelle. 2012.