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PORTO RICO
PORTO RICO

Territoire des États-Unis, bien que faisant partie de l’ensemble caraïbe, Porto Rico doit à la géographie et à son histoire les traits d’une personnalité vigoureusement marquée. Située dans la zone tropicale, cette île très montagneuse présente une parenté accusée avec Cuba et avec la république Dominicaine sur le plan de la production agricole. Comme elles, Porto Rico a été fortement marquée par la présence espagnole, qui dura pratiquement du début du XVIe siècle jusqu’à la guerre de 1898; la population y est aussi le résultat d’un métissage poussé entre les natifs, d’anciens esclaves noirs et les colons. Tout oppose donc cette île aux États-Unis continentaux. Pourtant, la présence américaine s’est imposée par ses capitaux, son organisation économique, la promotion récente du tourisme, sans oublier les considérations stratégiques.

Une île dans la mer des Caraïbes

Par sa position, Porto Rico appartient aux Grandes Antilles, dont elle constitue la partie la plus orientale, dans le prolongement de la république Dominicaine.

D’une forme grossièrement rectangulaire, l’île est constituée par une arête centrale, la Cordillera central, prolongée au nord-est par la sierra de Luquillo, au sud-est par la sierra de Cayey. De part et d’autre, vers le nord et le sud, s’étend une zone de collines qui débouchent sur une plaine côtière relativement large au nord, plus étroite au sud. La superficie totale, incluant les îles qui en dépendent, est de 8 800 kilomètres carrés, avec une longueur maximale de 182 kilomètres et une largeur de 66 kilomètres. 27 p. 100 de cette surface consistent en plaines, 37 p. 100 en collines et 36 p. 100 en montagnes.

Située dans la zone tropicale, Porto Rico jouit d’un climat chaud et humide, sans variations très sensibles dans le cours de l’année. La moyenne annuelle est de 24 0C, avec des amplitudes qui, le long de la côte, dépassent rarement 2 ou 3 0C. Les écarts sont plus grands à l’intérieur, à cause de l’altitude, en particulier, mais le gel y est inconnu. La brise de mer exerce une action modératrice sur la température, la nuit. L’humidité est considérable; la moyenne annuelle des précipitations est de 190 centimètres; elles sont réparties inégalement entre une saison humide, de mai à novembre, et une saison plus sèche, correspondant à l’hiver.

Chaleur et humidité expliquent le développement d’une abondante végétation qui, sous sa forme primitive, consiste en une forêt dense avec sous-bois très serré, du type jungle, pratiquement impénétrable. Ce type de forêt persiste encore dans la partie orientale de l’île, sur les pentes de la sierra de Luquillo, où elle a été transformée en réserve. Ailleurs, l’occupation humaine a entraîné un déboisement général, et les espèces végétales primitives ont été remplacées par des cultures de type tropical: canne à sucre, ananas, café, épices, goyaves, avocats; dans les zones un peu plus élevées, on cultive des agrumes. La fertilité des plaines côtières, associée au climat tropical, convient parfaitement à une agriculture de type spéculatif.

Une colonie espagnole (XVIe-XIXe s.)

La population actuelle est le résultat de brassages entre les éléments locaux des Indiens Arawaks, peu nombreux, des Noirs et des Espagnols arrivés après le XVIe siècle. L’île, découverte par Christophe Colomb, en 1493, au cours de son deuxième voyage en Amérique, fut appelée San Juan Bautista et reconnue possession espagnole. En 1508, un ancien compagnon de Colomb, Ponce de León, reçu la permission d’explorer l’île, qu’il aborda par la côte nord, en un excellent mouillage qu’il désigna du nom de Puerto Rico. L’usage s’établit d’appeler ainsi l’île, tandis que son principal port devint San Juan.

Porto Rico demeura sous domination espagnole jusqu’à la guerre hispano-américaine, en 1898. L’espoir de trouver de l’or fut très rapidement déçu, aussi les Espagnols tentèrent-ils, dès le milieu du XVIe siècle, de favoriser les cultures tropicales, dont la canne à sucre. Mais la main-d’œuvre était rare, peu efficace et périodiquement razziée par les Indiens venant d’îles voisines, si bien que, dès cette époque, les Espagnols décidèrent de faire de Porto Rico une base militaire et construisirent la forteresse d’El Morro pour protéger le port de San Juan. Porto Rico fut l’enjeu des convoitises successives des Anglais (Francis Drake chercha à s’emparer de San Juan en 1595, en vain), des Hollandais, qui échouèrent eux aussi, en 1625, et des Français. Toutes ces luttes entravèrent son développement économique: sa population était estimée à moins de 50 000 habitants vers 1765.

À la fin du XVIIIe siècle, des réformes inspirées du despotisme éclairé stimulèrent la culture de la canne à sucre et celle du café. On importa de la main-d’œuvre servile, et des colons vinrent de la métropole ou d’autres îles des Antilles. Les guerres de la Révolution et de l’Empire, marquées par une tentative, avortée, des Anglais pour s’emparer de l’île, eurent, entre autres conséquences, celle d’attirer des colons français de Louisiane et de Haïti. La population tripla entre 1750 et 1800 (155 000 hab.), et la prospérité de l’île en fut accrue.

Contrairement aux autres colonies espagnoles d’Amérique, Porto Rico demeura fidèle aux Bourbons d’Espagne et devint le refuge des loyalistes des colonies révoltées. En reconnaissance, Ferdinand VII lui accorda, en 1815, une large autonomie sur le plan économique et assouplit les liens politiques avec la métropole. Au cours du XIXe siècle, Porto Rico connut des alternances de conservatisme et de libéralisme, ce qui détermina une évolution politique chaotique, marquée d’abord, entre 1837 et 1860, par le refus de l’Espagne d’accorder l’autonomie. En 1868, ce fut l’échec d’une révolte de partisans de l’indépendance, el Grito de larès (le cri de Larès), mais vers la fin du siècle le mouvement autonomiste se renforça et entraîna la création du Parti unioniste de Luis Muñoz Rivera; celui-ci réussit à obtenir en 1897 un Parlement composé de deux Chambres, ayant pouvoir de légiférer, sous le contrôle du gouverneur général. Ce succès trop tardif ne permit pas aux Portoricains d’expérimenter un gouvernement autonome, car le traité de Paris du 10 décembre 1898 cédait la dernière des Antilles espagnoles au gouvernement américain.

Le gouvernement direct des États-Unis (1898-1952)

Le régime de Porto Rico fut organisé par une série de mesures, échelonnées entre 1900 et 1952, dans un sens de plus en plus libéral. Après une courte expérience de gouvernement militaire, la loi Foraker (mai 1900) instaura un gouvernement civil, sous l’autorité du président des États-Unis. La participation des éléments locaux y était fort réduite, ce qui entraîna immédiatement des demandes pressantes pour une libéralisation du régime. Celle-ci s’effectua progressivement, d’abord par la loi Olmsted (15 juill. 1909), qui créait un «département exécutif» chargé des affaires de l’île, puis surtout par la loi Jones (2 mars 1917), qui transformait Porto Rico en un territoire «organisé, mais non incorporé» et conférait la citoyenneté américaine à ses habitants. Ce nouveau régime, fort voisin de celui des territoires continentaux avant leur transformation en «États», était loin de satisfaire la population, car il laissait la nomination du gouverneur et des autorités exécutives entre les mains du président des États-Unis.

En dépit de ces limitations, la vie politique se développa, grâce à la fondation de partis. Au Parti autonomiste s’ajoutèrent un Parti nationaliste, qui réclamait l’indépendance, un Parti républicain, qui demandait la transformation du territoire en État, et un Parti socialiste. Les difficultés économiques, inhérentes à la dépression de 1930 et des années suivantes, entraînèrent de nouveaux reclassements politiques et la fondation du Parti populaire démocratique (P.P.D.), dirigé par Luis Muñoz Marín, le fils de Muñoz Rivera. Son nouveau slogan: «du pain, la terre, la liberté», lui attira les sympathies des classes populaires en même temps que des éléments politiquement avancés de la bourgeoisie locale.

Les élections de 1944, qui donnèrent une solide majorité au Parti populaire, hâtèrent l’indépendance. En 1946, le président Truman désigna, pour la première fois, un Portoricain comme gouverneur, puis l’année suivante un amendement à la loi Jones autorisa l’élection du gouverneur par la population, et en 1948 Luis Muñoz Marín fut élu gouverneur. Avec le Parti populaire et son chef au pouvoir, l’indépendance était en vue. Une «Convention» fut alors élue pour préparer une constitution qui, approuvée d’abord par la population, puis par le Congrès, entra en vigueur le 25 juillet 1952.

La Constitution de 1952

La Constitution de 1952 se présente comme un pacte entre les États-Unis et Porto Rico et ne peut être modifiée que d’un commun accord.

Porto Rico est un État autonome, qui s’intitule «Commonwealth», associé aux États-Unis. L’exécutif est exercé par un gouverneur, élu pour quatre ans au suffrage universel, assisté d’un conseil dont il choisit les membres. Le pouvoir législatif est confié à un Parlement, composé d’un Sénat et d’une Chambre des représentants, élus pour quatre ans. Le sénat se compose de 27 membres, dont 16 élus et 11 désignés. Dans les deux Chambres, les droits des minorités sont garantis par la loi.

Les Portoricains n’élisent aucun délégué auprès du Congrès, à Washington, et ne prennent pas davantage part aux élections américaines, sauf s’ils sont résidents dans un des États. De ce fait, ils ne sont pas soumis aux impôts fédéraux. Les taxes votées par le Congrès portoricain sont moins lourdes que celles des États-Unis, ce qui a incité de nombreuses firmes à transporter leur siège social ou leurs usines à Porto Rico.

De la monoculture du sucre à l’industrialisation

La présence américaine a entraîné des changements fondamentaux dans l’économie du pays. D’une part, de grandes sociétés américaines ont réussi à mettre la main sur l’économie et à la confisquer à leur profit, de l’autre, il s’est produit une véritable explosion démographique qui a provoqué une émigration massive vers les États-Unis.

Avant 1898, l’économie portoricaine était relativement diversifiée, avec deux produits de base, le sucre et le café, et des cultures vivrières pour l’alimentation de la population. Entre 1900 et 1935, la production de sucre, stimulée par l’ouverture du marché américain et des investissements massifs, élimina pratiquement les autres cultures, au point d’obliger les insulaires à importer leur nourriture des États-Unis. Le commerce du sucre fut très durement touché par la crise mondiale, et, en l’absence d’autres ressources, Porto Rico connut une dépression catastrophique. Le président Roosevelt fit voter le Puerto Rican Reconstruction Administration (P.R.R.A.), programme spécial pour la remise en ordre de l’économie insulaire. Les importations de sucre aux États-Unis étaient limitées par des quotas, la superficie des domaines sucriers ne pouvait excéder 500 acres, des subventions favorisaient les cultures de tabac et de café. Ce programme fut violemment combattu par les intérêts sucriers et, loin de favoriser la reconversion économique, accentua la tension politique.

En même temps, la sécurité, le développement de l’hygiène, la création d’œuvres d’assistance eurent pour conséquence une diminution brutale du taux de mortalité et, de ce fait, une augmentation rapide de la population: 950 000 habitants en 1900, 2 200 000 en 1950, 2 350 000 en 1960 et 3 200 000 en 1983, 3 600 000 en 1993. Les quatre cinquièmes étaient formés de Blancs, et le reste de gens de couleur, en majorité Noirs. L’économie locale ne pouvant faire vivre une population aussi nombreuse, la seule solution était l’exode vers les États-Unis, où l’entrée des Portoricains, eu égard à leur statut politique, n’était soumise à aucune restriction. De là, une émigration massive, surtout entre 1935 et 1960, et qui, au début des années 1980, portait à 2 millions le nombre des Portoricains résidant dans les grandes villes de la côte est des États-Unis.

Les effets pervers d’une extrême dépendance

La crise économique, la crise d’identité et la nature des relations à entretenir avec les États-Unis sont les grands problèmes auxquels Porto Rico est confrontée.

Comme tout pays dépendant, Porto Rico a durement subi les effets de la récession mondiale intervenue à partir du début des années 1970. La politique d’industrialisation fondée sur les exemptions d’impôts, menée à partir du début des années 1950, avait contribué à l’implantation d’industries légères qui pouvaient compter sur une main-d’œuvre à bon marché mais devaient importer leurs matières premières des États-Unis. Parallèlement, l’extension des zones sucrières et l’attrait des emplois en milieu urbain provoquaient la réduction massive des surfaces consacrées aux cultures vivrières, entraînant à leur tour l’importation de denrées alimentaires des États-Unis. Ces industries légères, que les revendications d’augmentation de salaires d’un prolétariat en voie d’organisation rendirent progressivement moins rentables, préférèrent pour beaucoup émigrer vers d’autres sites de la Caraïbe, et elles furent remplacées, à partir de 1965, par les gigantesques investissements des industries pharmaceutiques et pétrochimiques, et par les raffineries de pétrole. Ces industries avaient pour caractéristiques d’être largement automatisées, donc de créer peu d’emplois, et d’être extrêmement polluantes. Porto Rico se trouvait dans la situation d’un pays qui ne consomme pas ce qu’il produit et ne produit pas ce qu’il consomme. À partir de 1975, on assiste à un reflux des industries pétrochimiques, ce qui aggrave la situation de l’emploi et contraint le gouvernement fédéral à introduire les coupons d’alimentation visant à subventionner le chômage et le sous-emploi, et donc à acheter – à un prix élevé pour le contribuable nord-américain – la paix sociale et politique à Porto Rico. On estimait, en 1987, à 8,7 milliards de dollars le montant des transferts de fonds fédéraux.

En 1984 et en 1985, l’Initiative pour le bassin des Caraïbes (Caribbean Basin Initiative, C.B.I.) et les efforts du président Reagan pour tenter d’équilibrer le budget firent planer la menace d’une importante réduction des fonds fédéraux destinés à Porto Rico. L’administration du P.P.D., dirigée par le gouverneur Rafael Hernández Colón, réussit, dans l’immédiat, à écarter ce danger en associant le gouvernement et le secteur privé de l’île à la C.B.I., sous la forme d’usines jumelées (twin plants ) et en expliquant au Congrès et aux dirigeants politiques de Washington que Porto Rico occupait une position exceptionnelle dans les plans stratégiques des États-Unis pour la région caraïbe.

Par ailleurs, la possibilité d’utiliser une partie des 6,8 milliards de dollars déposés dans les banques de Porto Rico, et résultant des exonérations fiscales consenties aux sociétés américaines au titre de la section 936 du Code des impôts des États-Unis, constituait un motif supplémentaire pour que l’île jouât un rôle important dans les projets du président Reagan. L’intention première de l’Administration républicaine avait cependant été d’abroger la section 936, afin de transférer directement aux États-Unis une partie des fonds déposés à Porto Rico, et de contribuer ainsi au rééquilibrage du budget fédéral. Les démarches entreprises par le gouvernement du P.P.D., et appuyées par ses alliés démocrates du Congrès, firent capoter ce projet qui aurait bouleversé l’économie insulaire.

Le P.P.D. resta sans difficulté au pouvoir de 1948 à 1968, date à laquelle des divisions internes lui firent perdre les élections, qui virent la victoire du Nouveau Parti progressiste (P.N.P.), d’orientation annexionniste, et dirigé à l’époque par le gouverneur Luis A. Ferré.

Le P.P.D. revint aux affaires en 1973, pour perdre à nouveau le pouvoir au profit du P.N.P. en 1976, lorsque fut élu gouverneur l’ancien maire de San Juan, Carlos Romero Barcelo. Le gouvernement de Romero Barcelo dura officiellement jusqu’en 1984, mais sa légitimité fut sérieusement entamée à partir des élections de 1980 lorsque, devant des résultats provisoires qui le mettaient en minorité, il ordonna un nouveau décompte et se proclama ensuite vainqueur, d’une courte tête, bien que son parti perdît le contrôle des deux chambres et de la majeure partie des municipalités. Une commission du Sénat – contrôlée par le P.P.D. – conduisit un procès politique de l’administration de Romero Barcelo, dans le style du Watergate, après l’assassinat de deux étudiants indépendantistes par la police. Cette affaire, connue comme celle du Cerro Maravilla, contribua de manière décisive à la défaite du P.N.P. aux élections de 1984, remportées par le candidat du P.P.D. au poste de gouverneur, Rafael Hernández Colón. Celui-ci fut réélu en novembre 1988 et son parti conserva la majorité dans les deux Chambres.

La fin des querelles internes: un vrai défi

Le 9 février 1989, peu de jours après être entré à la Maison-Blanche, le président George Bush se déclara personnellement favorable à ce que Porto Rico devînt le cinquante et unième État de l’Union. Il proposa d’organiser un référendum afin que les 3,5 millions d’habitants puissent «déterminer leur propre futur».

Le gouvernement alors en place riposta en réaffirmant les racines culturelles hispaniques de l’île. Le 5 avril 1991 fut abolie la loi de 1902 qui, promulguée en pleine période coloniale américaine, établissait l’anglais et l’espagnol comme les deux langues du pays.

Lors d’une cérémonie solennelle, le gouvernement Rafael Hernández Colón, qui avait milité au cours de son second mandat pour intensifier les relations avec les pays d’Amérique latine et l’Europe, proclama l’espagnol seule langue officielle. Cette mesure valut à Porto Rico le prix Prince-des-Asturies des lettres, l’un des plus prestigieux d’Espagne. On pouvait voir là l’aboutissement des efforts pour le maintien du patrimoine culturel qu’avait multipliés l’Institut de culture portoricaine, fondé en 1955 par Ricardo Alegría. De cette institution plus puissante qu’un ministère dépendent les Archives nationales, l’École des arts plastiques, la Bibliothèque générale, divers services d’architecture, les Zones historiques et les Monuments, d’importantes publications, et quatre-vingt-quatre centres culturels répartis à travers l’île.

Si les personnes cultivées parlent un excellent castillan, les couches les plus défavorisées de la population ont recours à un idiome plus mélangé, truffé de termes bizarres, tels que troces , formé sur trucks , pour désigner des camions. C’est cette majorité-là – seuls 15 p. 100 des gens utilisent, lisent et écrivent l’anglais, bien qu’il soit enseigné à l’école – qui prit peur devant les hardiesses du P.P.D. Un sérieux revers fut infligé à ce dernier lorsque, à l’occasion du référendum organisé en décembre 1991, 52 p. 100 des votants (contre 45 p. 100) se prononcèrent en faveur d’un renforcement des liens avec les États-Unis. Qu’est-ce qui expliquait le non à une proposition visant à amender la Constitution dans le sens d’une plus grande autonomie? Sans aucun doute la crainte de voir se tarir les aides fédérales qui «bénéficient» – tout en entretenant une mentalité d’assistés – à plus de 60 p. 100 des habitants. Cette même crainte pousse à accorder une ample victoire aux annexionnistes du Parti néo-progressiste lors des élections générales de novembre 1992. Ceux-ci remportent une majorité dans les deux Chambres. Médecin pédiatre de quarante-sept ans, formé à l’université Yale, descendant d’une famille de Majorque, Pedro Roselló devient gouverneur pour quatre ans. Doté d’un physique avantageux, enclin à l’arrogance, l’homme n’a pas d’expérience politique mais une seule ambition: intégrer Porto Rico à l’Union américaine le plus vite possible. De fait, à peine prend-il son poste, en janvier 1993, que les deux Chambres, où il détient la majorité, votent une loi rétablissant l’anglais comme langue officielle. Maladroit, le texte déclenche une énorme protestation. Le 24 janvier, intellectuels, artistes, hommes politiques, syndicats, organisations sociales, membres de l’Église catholique, professeurs et étudiants, sportifs, simples citoyens accourent dans les rues de San Juan à l’appel, notamment, du petit Parti indépendantiste portoricain (P.I.P.), dirigé par le sénateur Rubén Berríos, pour la défense de la lengua patria . Parmi les dix mille manifestants se trouvent un assez grand nombre de sympathisants du P.N.P... Difficile pour ce dernier d’ignorer le fort sentiment national qui persiste dans un pays déchiré entre son attachement au confort et sa volonté de conserver son identité. Ce déchirement explique en bonne partie le résultat d’un nouveau référendum (14 nov. 1993) en lequel les annexionnistes plaçaient tous leurs espoirs; 48,4 p. 100 des votants (contre 46,2 p. 100) choisissent de maintenir la formule de l’État libre associé en vigueur depuis 1952: c’est une sorte de match nul, arbitré par le P.I.P. (4,4 p. 100 des voix).

Bien sûr, le gouverneur n’a pas manqué de souligner l’étroitesse de sa défaite, et sa détermination à continuer de lutter pour atteindre son objectif d’assimilation complète. Mais, en plus du fait qu’une moitié du pays s’oppose à ce projet, le dernier mot en ce domaine appartient au Congrès de Washington. Or une grande partie de ses membres est hostile, pour de multiples raisons, à ce que la petite île fasse partie intégrante de l’Union. Le message a été exprimé de façon subtile mais claire par le président Bill Clinton. Les États-Unis, dont la politique extérieure paraît se dessiner par réaction face à des crises aiguës (Haïti, Cuba, pour s’en tenir à la zone caraïbe), ne considèrent pas l’île comme une priorité, même si elle garde une valeur stratégique. La guerre froide a beau avoir pris fin, les bases militaires servent toujours à contrôler les routes maritimes stratégiques par lesquelles passent le pétrole et bien d’autres marchandises. Devant l’immobilisme des Nord-Américains, qui ignorent royalement les prises de position du Comité de décolonisation de l’O.N.U. réitérant chaque année «le droit inaliénable de Porto Rico à l’autodétermination et à l’indépendance», le temps n’est-il pas venu, pour les Portoricains, de mettre fin à leurs ruineuses querelles internes?

Cela leur permettrait de dégager un consensus pour mieux dialoguer avec leur «associé» et, surtout, pour faire face aux graves problèmes internes: montée de la violence et du trafic de drogue (en dépit de l’opération Main dure contre le crime menée par le P.N.P.), avenir économique plus qu’incertain du fait des révisions de la section 936 et de la mise en place, le 1er janvier 1994, de l’Accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

C’est à un évêque, Mgr Enrique Hernández, qu’est revenue l’initiative de formuler, à Noël 1993, une invitation à un «dialogue de réconciliation nationale». Ce dernier aura beaucoup de mal à se mettre en place mais, dans le nouveau paysage international, peut-être n’est-il plus aussi impossible qu’il le paraissait autrefois.

Porto Rico ou Puerto Rico
la plus orientale des Grandes Antilles, formant, avec ses dépendances (Mona, Culebra, Vieques), un état libre associé aux È.-U.; 8 897 km²; env. 3 400 000 hab. (Portoricains); cap. San Juan. Langue off.: angl.; langue usuelle: esp. Monnaie: dollar U.S. Pop.: Blancs (80 %), Noirs. Relig.: cathol. (85 %).
Une chaîne montagneuse (1 341 m au Cerro de Punta) traverse l'île d'O. en E., délimitant une zone tropicale humide au N., une zone tropicale sèche au S. L'île est souvent touchée par les typhons. Le surpeuplement entraîne l'émigration (plus de 2 millions de Portoricains résident aux È.-U.); le taux de natalité demeure très élevé. Princ. ressources: tourisme, sucre, tabac, café, agrumes, cacao. Les capitaux des È.-U., pays avec lequel se font les trois quarts du commerce portoricain, ont permis le développement de l'industrie (alim., text., chim.).
Découverte par C. Colomb (1493), l'île, aussitôt colonisée par les Espagnols, leur fut disputée aux XVIe et XVIIe s. par les Anglais et les Hollandais. L'Espagne la céda aux È.-U. en 1898 (guerre hispano-américaine). La Constitution de 1952 a fait du pays un état libre associé aux È.-U. Ce statut est contesté par les partisans d'une intégration complète aux È.-U. et par les indépendantistes. En 1992 et 1993, deux référendums ont confirmé le statut actuel.

Encyclopédie Universelle. 2012.