PRÉSOMPTION
PRÉSOMPTION
Conséquence que la loi ou le magistrat tire d’un fait connu à un fait inconnu, la présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe; elle peut également être un véritable procédé de preuve que le juge reste libre d’apprécier souverainement.
La présomption légale la plus connue, en droit français, est la présomption de paternité: «L’enfant conçu pendant le mariage a pour père le mari»; elle vient du droit romain qui avait pour règle pater is est, quem nuptiae demonstrant . Certaines présomptions légales sont dites irréfragables, c’est-à-dire qu’elles ne supportent pas la preuve contraire, ce qui est le cas de l’interposition de personne, par exemple; ainsi, en matière de donation, les père, mère, enfants et descendants et l’époux de la personne incapable de recevoir à titre gratuit sont réputés personnes interposées, et la libéralité ainsi dissimulée est nulle; la plupart des présomptions légales sont simples et peuvent tomber devant la preuve contraire, cette preuve contraire étant parfois délimitée par la loi, comme c’est le cas du désaveu de paternité.
Les présomptions de fait sont des indices permettant au juge de conclure à l’existence du fait à vérifier; il faut que ces indices soient graves, précis et concordants, qu’ils aient un lien avec le fait; ces présomptions ont un caractère de moyens de preuve souverainement appréciés par le juge, au même titre qu’un résultat d’enquête ou d’expertise.
Les juges anglais ainsi que les juges américains ont largement admis des présomptions de négligence (présomptions de l’homme) dans des domaines où la preuve de la faute était particulièrement difficile à apporter: domaine de la responsabilité médicale, de la responsabilité des fabricants et vendeurs de produits défectueux. C’est par l’application de la maxime res ipsa loquitur («la chose parle d’elle-même») que les tribunaux vinrent à l’aide des demandeurs, considérant que ceux-ci sont déchargés de l’obligation de prouver la faute du défendeur s’ils peuvent établir qu’eux-mêmes ne sont pas intervenus comme auteurs ou coauteurs du dommage; la jurisprudence des juridictions américaines regorge de cases (décision judiciaire) souvent assez incroyables, notamment en matière de fabrication de produits défectueux pour lesquels la présomption a été appliquée.
présomption [ prezɔ̃psjɔ̃ ] n. f.
• presumpsion « conjecture » 1180; lat. præsumptio, de præsumere
1 ♦ Opinion fondée seulement sur des signes de vraisemblance (apparences, commencement de preuves). ⇒ conjecture, supposition ; hypothèse. Ce n'est qu'une présomption mais elle est forte. Vous n'avez contre lui que des présomptions mais aucune preuve. La présomption qu'il était informé.
♢ Dr. Induction par laquelle on remonte d'un fait connu à un fait contesté. Présomption de fait, que le juge induit d'un fait sans y être obligé. Présomption légale, établie par la loi et constituant une dispense de preuve. Présomption d'innocence. Présomption de paternité, de maltraitance. « Les présomptions les plus graves pèsent sur vous » (Hugo). Être condamné sur de simples présomptions.
2 ♦ (XIIIe) Opinion trop avantageuse que l'on a de soi-même. ⇒ arrogance, audace, confiance (en soi), outrecuidance, prétention, suffisance; présomptueux. « Intelligence claire et vive, sûre d'elle-même jusqu'à la présomption » (Madelin). « la belle présomption de l'adolescence » (R. Rolland).
⊗ CONTR. Modestie.
● présomption nom féminin (latin praesumptio, de praesumere, prendre d'avance) Jugement fondé non sur des preuves, mais sur des indices, des apparences, sur ce qui est probable sans être certain : Condamner un accusé sur de simples présomptions. Action de présumer de ses forces, de surestimer ses capacités : Il arriva au concours plein de présomption. Conséquence que la loi ou le tribunal tirent d'un fait connu à un fait non connu. ● présomption (citations) nom féminin (latin praesumptio, de praesumere, prendre d'avance) Prosper Jolyot de Crais-Billon, dit Crébillon fils Paris 1707-Paris 1777 Une profonde ignorance avec beaucoup de modestie serait à la vérité fort incommode, mais, avec une extrême présomption, je puis vous assurer qu'elle n'a rien de gênant. Les Égarements du cœur et de l'esprit ● présomption (expressions) nom féminin (latin praesumptio, de praesumere, prendre d'avance) Présomption absolue ou irréfragable, présomption légale qui, exceptionnellement, ne peut être détruite par aucune preuve contraire. Présomption de fait ou de l'homme, présomption que le juge induit librement d'un fait pour former sa conviction. Présomption d'imputabilité, en matière d'accident du travail, présomption simple impliquant que l'accident est lié au travail et que la lésion résulte de l'accident. Présomption d'origine, disposition dispensant les militaires et anciens militaires de prouver l'imputabilité au service des blessures reçues ou des maladies contractées. Présomption simple, présomption légale qui peut être détruite par la preuve du contraire. ● présomption (synonymes) nom féminin (latin praesumptio, de praesumere, prendre d'avance) Jugement fondé non sur des preuves, mais sur des indices...
Synonymes :
- hypothèse
- indice
Contraires :
- preuve
Action de présumer de ses forces, de surestimer ses capacités
Synonymes :
- fatuité
- orgueil
- outrecuidance (littéraire)
- prétention
- vanité
Contraires :
- humilité
- modestie
Conséquence que la loi ou le tribunal tirent d'un fait...
Synonymes :
- charge
présomption
n. f.
d1./d Conjecture, opinion fondée sur des indices et non sur des preuves. Il y a seulement présomption de culpabilité.
d2./d Prétention, suffisance.
⇒PRÉSOMPTION, subst. fém.
A. —1. Opinion fondée seulement sur des indices, des apparences, des commencements de preuves. Synon. conjecture, supposition. L'historien doit a priori se défier de toute affirmation d'un auteur, car il ignore si elle n'est pas mensongère ou erronée. Elle ne peut être pour lui qu'une présomption. La prendre à son compte et la répéter en son nom, c'est déclarer implicitement qu'il la considère comme une vérité scientifique (LANGLOIS, SEIGNOBOS, Introd. ét. hist., 1898, p.132). V. délaisseur rem. s.v. délaisser ex. de Proust:
• 1. ... nous formulons d'abord une interprétation de l'acte manqué d'après des principes généraux. Ce que nous obtenons ainsi n'est qu'une présomption, un projet d'interprétation dont nous cherchons la confirmation dans l'examen de la situation psychique.
FREUD, Introd. psychanal., trad. par S. Jankélévitch, 1959 [1922], p.62.
2. DROIT
a) DR. CIVIL. ,,Conséquence que la loi ou la magistrature tire d'un fait connu à un fait inconnu (C. civ. art. 1349)`` (CAP. 1936).
♦Présomption légale. Présomption que tire le législateur lui-même. La présomption légale dispense de toute preuve celui au profit duquel elle existe (Code civil, 1804, art. 1352, p.245).
♦Présomption absolue ou irréfragable. Présomption qui ne peut être renversée (d'apr. Jur. 1981).
♦Présomption de fait. Présomption que le juge induit librement d'un fait pour former sa conviction, sans y être obligé par la loi (d'apr. CAP. 1936). L'excès (...) est arbitré par les juges, d'après les circonstances, les probabilités des chances et les présomptions de fait, de manière à concilier les droits vraisemblables du créancier avec l'intérêt du crédit raisonnable à conserver au débiteur (Code civil, 1804, art. 2164, p.393).
b) DR. PÉNAL
) Le plus souvent au plur. Fait connu, indice matériel supposé vrai jusqu'à preuve du contraire. Présomption de culpabilité, de paternité; condamner qqn sur des présomptions; graves présomptions contre qqn; apporter, recueillir des présomptions; présomptions qui pèsent sur qqn. Si grandes que soient les charges qui pèsent sur Robert Greslou, elles reposent sur des hypothèses. Il y a contre lui des présomptions terribles, il n'y a pas une certitude absolue (BOURGET, Disciple, 1889, p.39). Vous ne possédez aucune charge contre moi. Des présomptions peut-être, sur lesquelles aucun jury ne condamnerait un homme dans ma position (SIMENON, Vac. Maigret, 1948, p.172).
) Présomption d'innocence. ,,Principe selon lequel, en matière pénale, toute personne poursuivie est considérée comme innocente des faits qui lui sont reprochés, tant qu'elle n'a pas été déclarée coupable par la juridiction compétente`` (Jur. 1981). J'ai dit au juge militaire: Il y a contre celui que vous avez condamné une accumulation de présomptions d'innocence. Le juge militaire m'a répondu: J'ai des preuves de culpabilité (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p.402).
B. —Opinion très favorable que l'on a de ses propres facultés physiques ou intellectuelles; grande confiance en soi. Synon. fatuité, outrecuidance, prétention, suffisance. Je ne prétends pas avoir tout dit, tout prévu; je n'ai point la présomption de donner mon système comme le meilleur; je sais qu'il y a dans les affaires humaines quelque chose de mystérieux, d'insaisissable (CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.460):
• 2. N'empêche que la radio anglaise chante victoire un peu trop vite. Il y a là présomption imprudente et que les faits pourraient bien ne pas accompagner de si tôt. Cette jactance, si non suivie de victoire, ou si seulement celle-ci tarde trop, pourra paraître assez ridicule.
GIDE, Journal, 1943, p.193.
REM. Présomptivement, adv. Par présomption, par supposition. Hériter présomptivement. Si (...) on injecte de l'hormone mâle dans un embryon présomptivement femelle, celui-ci forme des testicules (J. ROSTAND, La Vie et ses probl., 1939, p.50).
Prononc. et Orth.:[]. FÉR. 1768: ,,On ne prononce pas le second p`` (=[-]). Mais FÉR. Crit. t.3 1788: ,,Prézon'p-cion et non pas prézoncion``. Même rem. pour présomptif, présomptueux, -tueusement. Ac. 1694, 1718: pre-; dep. 1740: pré-. Étymol. et Hist.1. Ca 1170 «action présomptueuse» (GUILLAUME DE ST-PAIR, Mont Saint-Michel, éd. P. Redlich, 2622: Fait aveit grant presumpcion); fin du XIIes. «opinion trop avantageuse que l'on a de soi-même» (Sermons S. Grégoire sur Ezéchiel, 11, 22 ds T.-L.); 2. ca 1200 «opinion fondée seulement sur des apparences» (Dialogues Grégoire, 175, 7, ibid.); 1283 dr. (PHILIPPE DE BEAUMANOIR, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, § 304). Empr. au lat. praesumptio «prise, conception anticipée», «idée antérieure à toute expérience», en b. lat. «hardiesse, assurance», dér. de praesumere (v. présumer). Fréq. abs. littér.:399. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 897, b) 412; XXes.: a) 621, b) 336.
présomption [pʀezɔ̃psjɔ̃] n. f.
ÉTYM. XIIe; presumpsion, 1180, « conjecture »; lat. præsumptio, dér. de præsumere. → Présumer.
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1 Opinion, jugement, qui n'est fondé que sur des signes de vraisemblance (apparences, commencements de preuves). ⇒ Conjecture, supposition; et aussi hypothèse. || Présomptions faibles, gratuites, sérieuses, graves, terribles (→ Certitude, cit. 1). || N'avoir que des présomptions (→ Fonder, cit. 16). || La présomption que… (→ Noblesse, cit. 13).
2 (1549). Dr. Induction par laquelle on remonte d'un fait connu (⇒ Indice, cit. 10) à un fait contesté. — (XXe). || Présomption de fait (ou de l'homme), que le juge induit d'un fait sans y être obligé. — (1748). || Présomption légale, établie par la loi et constituant une dispense de preuve (simple, pouvant être combattue; ou absolue, irréfragable, juris et de jure). → Aveu, cit. 26. || Présomption de faute (→ Gardien, cit. 2), d'innocence (→ Inculpé, cit. 2). || Lourdes présomptions de culpabilité. ⇒ Charge(s). || Présomption d'innocence : principe juridique qui consiste à considérer comme innocente toute personne mise en cause par la justice, tant que sa culpabilité n'est pas établie. || Présomption de paternité. ⇒ Père (cit. 10).
1 En fait de présomption, celle de la loi vaut mieux que celle de l'homme. La loi française (du 18 nov. 1702) regarde comme frauduleux tous les actes faits par un marchand dans les dix jours qui ont précédé sa banqueroute : c'est la présomption de la loi. La loi romaine infligeait des peines au mari qui gardait sa femme après l'adultère, à moins qu'il n'y fût déterminé par la crainte de l'événement d'un procès, ou par la négligence de sa propre honte; et c'est la présomption de l'homme (…) Lorsque le juge présume, les jugements deviennent arbitraires, lorsque la loi présume, elle donne au juge une règle fixe.
Montesquieu, l'Esprit des lois, XXIX, XVI.
2 En de pareilles dispositions, un magistrat prend facilement de simples présomptions pour des preuves évidentes.
Balzac, Une ténébreuse affaire, Pl., t. VII, p. 574.
3 Les présomptions les plus graves pèsent sur vous et peuvent entraîner des conséquences capitales.
Hugo, les Misérables, I, VII, X.
3 (V. 1220). Opinion trop avantageuse, trop favorable qu'une personne a de ses capacités, de ses possibilités, de sa valeur. ⇒ Arrogance, audace, confiance (en soi), fierté, orgueil (cit. 5), outrecuidance (cit. 2), prétention, suffisance, superbe (n. f.). → Différence, cit. 10; entier, cit. 7; hardiesse, cit. 8; pédant, cit. 10. || Impertinente présomption. ⇒ Vanterie (→ Épaule, cit. 23). || Sûr de soi jusqu'à la présomption (→ Audacieux, cit. 6). || Par présomption et légèreté (→ Frustrer, cit. 6). || Agir inconsidérément, affronter le danger par présomption. ⇒ Témérité. || Ambitieuse présomption. ⇒ Ambition (→ Gourmand, cit. 9).
4 de la présomption. Il y a une autre sorte de gloire, qui est une trop bonne opinion que nous concevons de notre valeur. C'est une affection inconsidérée, de quoi nous nous chérissons, qui nous représente à nous-mêmes autres que nous sommes (…)
Montaigne, Essais, II, XVII (→ aussi Maladie, cit. 11).
5 (…) il (saint Ambroise) conclut que le grand principe sur lequel roule l'ambition de la plupart des hommes est communément la présomption ou l'idée secrète qu'ils se forment de leur capacité (…) L'ambitieux aspire à tout et prétend à tout : donc il se croit capable de tout.
Bourdaloue, Carême, Sermon sur l'ambition, II (→ aussi Ambition, cit. 8).
6 Elle était près de croire, avec la belle présomption de l'adolescence, que ce qu'on désire de tout son être finit par s'accomplir.
R. Rolland, Jean-Christophe, L'adolescent, I, p. 260.
7 Sa présomption (de la jeunesse) et son insolence ne sont pourtant que les expressions à peine différentes d'une timidité profonde car elle craint le ridicule plus que la mort (…)
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 231.
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CONTR. Humilité, modestie.
Encyclopédie Universelle. 2012.