Akademik

SIDA
SIDA

Décrit pour la première fois aux États-Unis en 1981, le sida, syndrome d’immunodéficience humaine (autrement dit S.I.D.A., ou A.I.D.S. pour les Anglo-Saxons) sévit de façon préoccupante dans le monde entier. Cette pandémie est due au virus de l’immunodéficience humaine, ou VIH (HIV en anglais), isolé par l’Institut Pasteur de Paris en 1983. Il fait partie de la famille des rétrovirus, nom tiré d’une enzyme indispensable à leur multiplication: la reverse transcriptase. On distingue deux types principaux de VIH: le VIH1, le plus répandu, et le VIH2. Dans chacun des deux groupes plusieurs variantes existent. Depuis le début de l’épidémie, des recherches très actives ont été menées et ont permis de faire avancer très significativement les connaissances de cette maladie et, récemment, d’aboutir à d’importants progrès dans le domaine de la prise en charge des malades et des problèmes thérapeutiques. Même si elle reste encore mortelle à terme, elle doit de plus en plus être considérée et traitée comme une infection chronique, avec une meilleure espérance de vie et une meilleure qualité de vie pour le malade.

Épidémiologie

Les chiffres officiels ne font état que du nombre des malades atteints de sida, c’est-à-dire les sujets arrivant à un stade évolué de l’infection; le nombre de cas de sujets séropositifs pour le VIH, c’est-à-dire contaminés mais n’exprimant pas encore la maladie, reste en revanche hypothétique. Tous les chiffres fournis sont approximatifs, au-dessous de la réalité, surtout pour ce qui est de l’extension de l’épidémie dans les pays en développement.

Aujourd’hui, l’épidémie se présente sous deux aspects. Tout d’abord, dans les pays en développement, elle est très active et s’étend de façon dramatique: 70 p. 100 des malades du sida sont sur le continent africain, et plus spécifiquement en Afrique subsaharienne où 14 millions d’individus étaient infectés en 1996. Le continent sud-américain est également touché (avec plus de 1 million de séropositifs), et le continent où la maladie se développe le plus rapidement est aujourd’hui l’Asie (Inde, Thaïlande, Vietnam...), pour laquelle il était recensé en 1996 près de 5 millions de personnes atteintes. La transmission y est essentiellement hétérosexuelle, avec un nombre de femmes atteintes presque égal à celui des hommes et par conséquent une transmission infantile élevée. La difficulté de faire des campagnes d’information pour lutter contre la maladie y est grande, la prise en charge thérapeutique, réduite car trop difficile et trop onéreuse.

L’autre aspect concerne les pays développés (États-Unis, Europe, France notamment, Australie), où, après une phase ascendante du nombre des cas, on assiste à une certaine stabilisation, qui semble se confirmer grâce aux mesures de lutte instituées dans ces pays depuis plusieurs années (près de 800 000 séropositifs en Amérique du Nord en 1996 et 470 000 en Europe occidentale, ainsi que 200 000 en Afrique du Nord et au Moyen-Orient). La mise en place des traitements antirétroviraux entraîne même depuis mi-1996 une diminution de la mortalité.

La transmission est différente et concerne toujours des populations ayant des comportements dits à risque: homosexuels ou bisexuels, toxicomanes, mais aussi hétérosexuels à partenaires multiples. Si, en proportion, le nombre d’homosexuels atteints tend à diminuer, celui des toxicomanes et des hétérosexuels continue à croître. La transmission mère-enfant existe mais, grâce au traitement antirétroviral (AZT) utilisé systématiquement depuis 1994, le taux de transmission moyen, qui était de 20 p. 100, est aujourd’hui réduit à 8 p. 100.

Transmission

Pour être transmis d’un sujet à un autre le VIH doit nécessairement être transporté par une cellule. Ce qui explique que les deux grands modes de transmission sont le sang, qui véhicule les lymphocytes contaminés qu’il contient, et les sécrétions sexuelles, sperme, sécrétions génitales féminines. Les modes de contamination sont donc les échanges de seringues souillées chez les usagers de drogue administrée par voie intraveineuse, les transfusions de sang lorsque les contrôles sont insuffisants – ce qui est le cas dans de nombreux pays, mais qui ne concerne plus la France depuis août 1985 –, et, les rapports sexuels non protégés (une simple excoriation muqueuse [ano-rectale ou vaginale], même minimale, sert de porte d’entrée au virus). A contrario, la salive, où peut être détectée une faible quantité de virus, ne comporte pas de cellules et n’est donc pas contaminante. Toutefois, une plaie de la muqueuse buccale peut être une porte d’entrée possible du virus lors de rapports bucco-génitaux.

La transmission materno-fœtale, elle, peut se faire soit pendant la grossesse, soit au moment du travail et de l’accouchement, soit enfin lors de l’allaitement. Le risque, imprévisible, dépend en outre de l’état d’immunodépression de la mère, des possibilités de prise en charge thérapeutique ou de surveillance lors de la grossesse. Tout enfant né d’une mère séropositive est porteur des anticorps de sa mère: ils lui sont transmis passivement. S’il n’est pas infecté, il se débarrasse en quelques mois de ces anticorps. S’il est infecté, il développe ses propres anticorps et reste séropositif. Des moyens de détection du virus permettent de déterminer, plus rapidement aujourd’hui, après la naissance, si l’enfant est porteur du VIH.

Physiopathologie

Le virus une fois présent dans l’organisme humain va se fixer, pénétrer et se développer dans certaines cellules capables de le recevoir. Seules les cellules possédant des récepteurs spécifiques au virus sont contaminées. Ce sont essentiellement, mais non exclusivement, les lymphocytes CD4 (T4) qui seront ses victimes, mais il touche aussi les macrophages et certaines cellules du système nerveux. Des progrès récents ont été apportés dans la compréhension de la pénétration du virus à l’intérieur des cellules susceptibles d’être contaminées. L’on savait depuis déjà longtemps que le virus devait s’attacher sur des récepteurs spécifiques nommés CD4, véritables points d’ancrage, grâce à une glycoprotéine du virus appelée gp 120. On supposait qu’une étape essentielle devait ensuite permettre au virus de franchir la membrane cellulaire et de pénétrer à l’intérieur de la cellule. Des travaux viennent de mettre en évidence d’autres récepteurs, appelés corécepteurs et assurant cette fonction. C’est par une glycoprotéine nommée gp 41 que le virus se fixe sur ces récepteurs. Ces derniers sont schématiquement de deux types: le premier, dénommé CCR5 (cysteine-chemokine-receptor 5), concerne plus particulièrement les cellules de type monocyte et macrophage, précocement infectées dans l’histoire naturelle de la maladie. Le second concerne davantage les lymphocytes et intervient plus tardivement dans l’évolution de la maladie: c’est le CXCR4 (appelé antérieurement fusine).

Cette découverte est importante à plusieurs titres. D’abord parce qu’à chacun de ces corécepteurs correspondent des substances inhibitrices, qui sont des chemokines, substances d’origine cellulaire, lymphocytaires notamment. Pour le CCR5 il existe trois chemokines: Rantes, a priori la plus importante, le MIP 1 見 et le MIP 1 廓. Pour le CXCR4, le ligand naturel est le SDF 1. Ensuite, elle est importante parce que ces notions peuvent a priori déboucher sur des possibilités thérapeutiques. On peut imaginer de bloquer les corécepteurs CCR5 ou CXCR4, comme on avait déjà imaginé de bloquer les récepteurs de type CD4. D’ores et déjà, des équipes de recherche ont travaillé sur la chemokine Rantes pour obtenir une substance plus efficace et bien tolérée, bloquant CCR5 et se révélant antagoniste du VIH. Elle pourrait être expérimentée chez l’homme.

Enfin, on sait que certains sujets sont «déficients» en possibilité de synthétiser ces cofacteurs, notamment la CCR5. Certains hétérozygotes ont une déficience partielle, et certains homozygotes n’ont pas de CCR5 du tout et ne sont pas capables d’intégrer le virus dans les cellules. Voilà qui pourrait expliquer une certaine résistance de quelques sujets au VIH, alors même qu’ils sont exposés au risque infectieux. Des études ont confirmé ces données. Dans la population blanche, il y aurait seulement 1 p. 100 d’homozygotes pour cette délétion favorable (supérieure à ce qui serait observé dans les populations africaine ou japonaise), 20 p. 100 seraient hétérozygotes. C’est la première fois qu’est ainsi décrit un polymorphisme génétique humain pouvant influer sur le risque de contamination par le VIH.

Une fois entré dans la cellule, le virus va pouvoir commencer son processus de multiplication. Grâce à son enzyme spécifique, la reverse transcriptase, définissant les rétrovirus, l’acide ribonucléique (ARN) du VIH permet la formation d’un acide désoxyribonucléique (ADN). Celui-ci sera alors capable de s’intégrer dans le capital génétique du noyau de la cellule infectée. À partir de là, il est susceptible de détourner à son profit les étapes nécessaires à la synthétisation des protéines virales pour libérer ainsi de nouvelles particules virales. C’est à ce stade qu’interviennent des protéases susceptibles d’être inhibées par les antiprotéases, aujourd’hui largement utilisées avec succès. À chacune de ces nombreuses étapes de la multiplication virale, on peut imaginer des actions inhibitrices pouvant se compléter entre elles. De cette infection, il résulte par conséquent un combat intense entre le virus, qui se multiplie de façon permanente en divers endroits, dont les ganglions, et les moyens de défense de l’homme, représentés par son système immunitaire. Cette multiplication virale peut être immense (jusqu’à 1 milliard de nouvelles particules produites par jour); elle est en tout cas toujours effective, plus ou moins rapide selon les différentes souches de virus et selon les capacités de défense du sujet contaminé. Ainsi s’expliquent en partie les grandes variations que l’on constate dans l’évolution de la maladie: de plusieurs mois à plusieurs années. Ce combat aboutit à une perte progressive des lymphocytes T4, indispensables à notre immunité, et en particulier à ce que l’on appelle l’immunité cellulaire.

Tant que l’immunité demeure suffisante le sujet infecté reste séropositif sans symptôme (il est dit asymptomatique) ou ne présente que quelques manifestations cliniques passagères. Lorsque l’immunité diminue, des manifestations cliniques apparaissent, des infections essentiellement, et le sujet, devenu malade, entre dans la phase qu’il est convenu d’appeler sida.

Diagnostic de l’infection due au VIH

La détection d’une contamination se fait par la mise en évidence des anticorps dans le sang: c’est la sérologie. Plusieurs techniques très sensibles sont utilisées; les techniques dites Elisa sont systématiquement utilisées. En cas de réponse positive, un second test en Western Blot permet de détecter plusieurs protéines caractéristiques du virus et de confirmer le diagnostic. Les deux tests diagnostiques doivent impérativement être faits avant de déclarer une séropositivité. De possibles fausses détections positives existent avec l’Elisa. Le dépistage de l’infection à VIH doit être encouragé, compte tenu des multiples conséquences de prévention et de prise en charge que cette maladie implique: protection lors des rapports sexuels, surveillance médicale, indications de traitements. Certaines circonstances doivent être l’occasion de dépistage, comme le début d’une grossesse. Les dons de sang doivent être impérativement testés pour éviter le risque de transmission transfusionnelle.

Des moyens plus sophistiqués de mise en évidence du virus ou de ses constituants (culture virale, antigénémie) permettent, de façon fine et fiable, de détecter et de surveiller l’infection. Des techniques, dites de charge virale, permettent d’apprécier l’intensité de l’infection. Elles servent à déterminer l’évolution de la maladie, guident le médecin pour déterminer le moment du traitement et contrôler son efficacité. Ces méthodes sont de plus en plus faciles à mettre en œuvre mais restent encore onéreuses. Aujourd’hui, le but est de réduire le plus possible cette charge virale qui devrait être inférieure à 200 copies/ml (on désigne par copies les éléments viraux produits par les cellules infectées de l’organisme). Dans le futur, il faudra déterminer l’importance de cette charge virale, non plus dans le sang périphérique uniquement, mais dans les zones connues pour être riches en cellules infectées, notamment dans les ganglions. L’on sait déjà qu’il existe un rapport de proportionnalité entre l’importance de la charge viral dans le sang et dans les ganglions. Lorsqu’une baisse de la multiplication virale est constatée dans le sang, à la suite d’un traitement, elle se produit dans les gîtes ganglionnaires. De même faudra-t-il apprécier l’ampleur de cette multiplication du virus dans le système nerveux, car celui-ci est précocement infecté, et les symptômes sont importants. L’action des traitements reste à ce jour incertaine et difficile à apprécier. Il faudra déterminer si les associations thérapeutiques antirétrovirales, poursuivies suffisamment longtemps, pourraient permettre à terme une inhibition prolongée, voire une élimination du virus. Un tel résultat n’est pas impossible, même si on ne peut l’affirmer dans l’immédiat et bien que la prudence doive rester extrême en ce domaine. Cela serait d’autant plus réalisable que le traitement serait précoce, ce qui justifierait une thérapeutique instituée le plus rapidement possible après contamination, au mieux lors de la primo-infection.

Évolution de l’infection à VIH

L’infection due au VIH évolue sur un mode chronique pendant plusieurs années. Dès que le VIH contamine un sujet, il s’intègre dans le génome des cellules, qu’il infecte pour se développer progressivement. La durée totale de ce développement est encore imprécise, puisque certains sujets, rares maintenant, dépistés au début de l’épidémie, ne sont pas encore malades. On distingue plusieurs étapes après la contamination:

– Une période d’incubation silencieuse, d’une quinzaine de jours à deux mois, trois mois au maximum. C’est le délai nécessaire pour que le virus se multiplie suffisamment pour activer le système immunitaire et provoquer la production d’anticorps déterminant la séropositivité. Cette période silencieuse est «dangereuse» pour les autres, car le sujet contaminé est susceptible de transmettre le virus, qui n’est pas décelable à ce moment-là.

– La primo-infection, qui dure de quelques jours à quelques semaines, n’est manifeste que chez certains sujets: elle correspond à la phase de séroconversion, passage de la séronégativité à la séropositivité. Les signes cliniques sont principalement de la fièvre, des ganglions, parfois une méningite, une angine, une atteinte hépatique. Des anomalies biologiques peuvent accompagner les signes cliniques: modification des éléments du sang, diminution des globules blancs, des plaquettes, et surtout baisse transitoire des lymphocytes T4. L’intensité de l’expression de cette primo-infection laisse a priori préjuger d’une évolutivité ultérieure plus rapide de la maladie. Après régression de la primo-infection, le sujet va entrer dans une période asymptomatique.

– La période asymptomatique est de durée variable, souvent longue de plusieurs années. Aucun trouble précis n’existe en dehors de périodes de fatigue, et de la constatation de la présence de ganglions dans le cou ou aux aisselles (cervicaux ou axillaires). Durant cette phase, le processus infectieux se développe néanmoins, ce qui justifie une surveillance adaptée régulière.

– La période symptomatique s’exprime d’abord par quelques signes précurseurs du sida: une fatigue croissante, l’apparition d’épisodes de diarrhée, la survenue d’infections comme un zona, des infections respiratoires récidivantes (à pneumocoques, par exemple.), des troubles cutanés. Le sida se définit au sens strict par l’apparition d’infections opportunistes et/ou le développement d’une prolifération tumorale. Il correspond à une dépression immunitaire exprimée par un nombre de lymphocytes T4 inférieurs à 200/mm3 de sang.

Les infections opportunistes sont les plus fréquentes, parfois révélatrices et dues au développement d’agents infectieux (bactéries, virus, parasites ou champignons) présents dans notre organisme mais qui normalement ne se développent pas chez tout individu protégé par une immunité normale. C’est la déficience immunitaire, en cas de sida, qui permet leur développement, d’où le terme d’opportunisme infectieux. Selon les zones géographiques, la fréquence de ces infections est variable. On observe principalement la pneumocytose pulmonaire, due à Pneumocystis carinii (parasite), la toxoplasmose cérébrale, due à Toxoplasma gondii (parasite), les candidoses buccales et digestives, dues à Candida albicans (champignon), la méningite à cryptocoque, due à Cryptococcus neoformans (champignon), les infections à mycobactéries (soit la tuberculose due au bacille de Koch, soit des mycobactéries dites atypiques dont la plus fréquente est Mycobacterium avium intracellulare ) et enfin les infections herpétiques. On trouve aussi les infections dues au virus varicelle-zona, les infections oculaires, digestives ou neurologiques dues au cytomégalovirus (CMV), d’autres encore comme les infections à cryptosporidies, microsporidies, à Isospora belli , parasites responsables de diarrhée, les leishmanioses viscérales (parasite), les histoplasmoses (champignons) plus fréquentes en Amérique, les salmonelloses (bactéries), le virus papova, responsable de la leuco-encéphalo-myélite multifocale progressive. Cette liste non exhaustive permet de mesurer cependant la gravité de la plupart de ces infections.

Les tumeurs sont représentées par le sarcome de Kaposi, tumeur d’origine endothéliale à développement lent, surtout cutanée mais aussi muqueuse et viscérale. Il est observé principalement chez les malades contaminés par voie homosexuelle et pourrait être dû à un virus du groupe herpès: HHV8. Les lymphomes à cellules B, de haute malignité, proliférant soit aux dépens des systèmes lymphoïdes thoraco-abdominaux soit dans le cerveau, sont également fréquents.

Cet ensemble de manifestations rend compte des nombreuses expressions cliniques qui peuvent conduire ces malades à des investigations, nombreuses et répétées: respiratoires, digestives, neurologiques, cutanées, hématologiques. Le développement successif des infections ou des tumeurs oblige à des consultations ou à des séjours hospitaliers répétés, des traitements nombreux et itératifs. La dénutrition est souvent la conséquence progressive de ces troubles, aboutissant à un état cachectique majeur conduisant à la mort.

Le virus lui-même est à l’origine de désordres multiples: atteintes cérébrales conduisant à une détérioration des fonctions supérieures (encéphalite), hématologiques, etc. C’est dire que les causes de décès sont multiples chez ces malades éprouvés physiquement et moralement.

Prise en charge thérapeutique

Elle comporte plusieurs aspects complémentaires.

Le traitement des infections opportunistes et des tumeurs

Les infections opportunistes une fois diagnostiquées doivent être traitées selon les possibilités antibiotiques, antivirales, antiparasitaires ou antimycosiques dont on dispose. Certaines de ces pathologies opportunistes sont curables, d’autres insuffisamment ou pas du tout. Le plus souvent, chaque infection opportuniste traitée ne peut être complètement soignée en l’absence d’immunité. Aussi est-il nécessaire d’instituer un traitement dit d’entretien, à dose plus faible, pour la plupart des infections. Ceci alourdit donc les traitements en termes de quantité mais aussi de tolérance.

La connaissance de la fréquence de certaines infections opportunistes peut, à partir d’un certain seuil d’immunodépression, faire envisager une thérapeutique prophylactique pour les prévenir. Actuellement, la pneumocystose, la toxoplasmose, les salmonelloses et l’isosporose sont enrayées grâce à la prise de cotrimoxazole (BactrimR) de façon permanente. Cette prévention existe également pour les mycobactéries atypiques, et est envisagée pour d’autres infections. Les traitements curatifs ou prophylactiques ont amélioré considérablement la survie et la qualité de vie des malades sidéens:

Le traitement des tumeurs se révèle d’une efficacité encore insuffisante:

– le sarcome de Kaposi peut être traité par radiothérapie locale lorsqu’il est limité. Sinon, on recourt à la chimiothérapie, dont l’importance varie avec l’intensité des localisations et leur évolutivité;

– les lymphomes relèvent d’une chimiothérapie comparable à celle de tout lymphome pour les localisations extracrâniennes. Les lymphomes primitifs du cerveau sont traités par corticoïdes et radiothérapie, et plus récemment par chimiothérapie.

La prise en charge symptomatique de toutes les manifestations observées

Il s’agit du traitement des infections non opportunistes émaillant l’évolution de l’infection: manifestations neurologiques et psychiatriques, diarrhées ne cédant pas au traitement de l’agent infectieux responsable, manifestations dermatologiques, etc.

Une prise en charge nutritionnelle, si possible précoce, est essentielle; elle est nécessaire pour éviter une perte de poids aggravant un équilibre toujours précaire: conseils diététiques, apports nutritifs, vitaminiques.

La douleur doit également être prise en charge, surtout lors de la période terminale, au moyen d’antalgiques majeurs, morphiniques en particulier.

La prise en charge psychologique est fondamentale chez ces sujets inquiets, souvent culpabilisés, découragés, accumulant les problèmes matériels, relationnels, personnels. Le maintien d’une volonté de se battre contre la maladie est tout au long de l’infection un élément primordial de succès.

La thérapeutique antirétrovirale

Elle est évidemment le moyen logique, majeur, qui s’impose pour les traitements futurs. Les possibilités théoriques de lutte contre le virus sont multiples puisqu’à chaque étape de son développement on peut imaginer des moyens de le combattre: inhibition de sa fixation sur les cellules cibles, inhibition de pénétration, inhibition de la reverse transcriptase, inhibition de la synthèse des protéines nécessaires à refaire de nouvelles particules de virus, etc.

Ce domaine est celui où l’on a fait et où l’on continue de faire le plus de progrès. Parmi de nombreuses substances potentiellement actives, seules certaines se sont avérée efficaces tout en étant bien tolérées. Les antireverses transcriptases sont les plus utilisées. L’azidothymidine (AZT) a été la première. Elle a été suivie par d’autres: la didesoxyinosine DDI, la didesoxycytidine DDC, la stavudine D4T et la thiacydine 3TC. Depuis, sont nées les antiprotéases: saquinavir, ritonavir, indinavir. D’autres substances sont déjà testées ou en cours d’études: nouvelles antireverses transcriptases, nouvelles antiprotéases à action plus puissante encore (nelfinavir, par exemple) inhibiteurs d’attachement aux récepteurs, substances antisens agissant directement sur la synthèse de l’acide nucléique du virus.

Plusieurs points sont à souligner à propos de ces traitements:

– Le but du traitement est d’obtenir une inhibition complète et définitive de la multiplication du virus. On n’y parvient pas encore malgré des progrès certains. Une des difficultés réside dans le fait que le virus est capable de devenir résistant aux substances qui lui sont présentées: résistance à l’AZT au bout de quelques mois de traitement, entraînant une rechute. C’est pour répondre à ces insuffisances qu’après les essais de la monothérapie (AZT seule, DDI seule, etc.), on a pratiqué des associations médicamenteuses qui se sont montrées très efficaces: bithérapie AZT+DDI; AZT+DDC; AZT+3TC... et, maintenant, trithérapie (AZT+DDI+antiprotéase, AZT+2 antiprotéases, etc.), en attendant éventuellement la quadrithérapie voire davantage si nécessaire. Seuls des essais rigoureusement menés peuvent montrer à la fois l’efficacité antivirale, la protection contre l’apparition du virus résistant et une tolérance satisfaisante, pour le malade, de ces associations actuelles ou futures.

– Le traitement antiviral doit être à l’évidence précoce, avant que la multiplication du virus n’ait entraîné trop de dégâts irréversibles. Mais comme ce traitement devra être nécessairement très long, il est indispensable d’avoir suffisamment de substances, afin de pouvoir mettre en œuvre des combinaisons médicamenteuses actives et bien supportées. C’est pourquoi, seuls les malades déjà immunodéprimés étaient traités (moins de 20 lymphocytes T4). Progressivement les traitements ont été proposés aux sujets moins affectés (entre 200 et 500 lymphocytes T4). Aujourd’hui, une charge virale élevée, même modérément (face=F0019 礪 10 000 copies/ml), est une indication pour entreprendre une bi- ou trithérapie. On constate que les effets de ces associations se manifestent par une nette amélioration clinique des malades traités, par une diminution de leur charge virale dans la majorité des cas, et pour une grande partie d’entre eux, par une remontée de leurs lymphocytes CD4. Une récupération de leur capacité immunitaire peut même être envisagée.

D’autres approches thérapeutiques peuvent consolider cette amélioration. Ce sont des traitements immunostimulants visant à maintenir les capacités immunitaires du patient, inhibiteurs de réactions néfastes développées par le sujet infecté dans le conflit immunitaire qui l’oppose au virus: utilisation de cytokines, par exemple (interleukine 2).

Le vaccin

Il reste à surmonter encore de nombreuses difficultés avant l’obtention d’une préparation vaccinale. La multiplicité des aspects du virus, sa grande variabilité, par exemple, rendent difficile la mise au point d’un constituant antigénique commun dénominateur efficace. Toutefois des progrès en ce domaine sont constatés régulièrement, avec, déjà, des substances «candidats vaccins» apportant des éléments de protection contre le virus.

La prise en charge socioéconomique

Les multiples aspects thérapeutiques de cette prise en charge se doublent d’une prise en charge sociale et économique importante. Pour maintenir au mieux et le plus longtemps possible dans une vie sociale active les malades du sida, de nombreuses solutions ont dû être envisagées: hospitalisation de jour, organisation de l’hospitalisation à domicile, création d’associations, etc.

Ces actions importantes expriment aussi les difficultés politiques, économiques, éthiques que soulève cette maladie, la nécessité d’aider les familles et les personnels soignants soumis à une épreuve psychologique importante. Cette prise en charge est collective, continue et diversifiée.

Protection

Le VIH est fragile, sensible à la chaleur et à l’action de divers antiseptiques; le plus puissant est l’eau de Javel. Le risque de transmission du virus est nul dans les conditions de vie usuelles avec un sujet séropositif.

Les précautions concernent surtout les relations sexuelles et tout risque de contamination par du sang souillé. L’emploi des préservatifs est l’élément le plus sûr pour les sujets à partenaires multiples, à la condition d’une bonne utilisation, sans emploi de substances qui pourraient en altérer la qualité (lubrifiants). Le risque de contamination lors d’un rapport sexuel non protégé est très élevé. Dans les pays développés, la lutte contre la toxicomanie est un élément fondamental pour combattre l’infection à VIH. Le contrôle des produits sanguins doit être au plus vite développé dans tous les pays où cela n’est pas encore réalisé.

La contamination dans les milieux professionnels de santé, même si elle reste faible, existe et justifie des précautions dans toutes les manipulations qui comportent un risque de piqûre ou de contact avec le sang. Le port de gants est à cet égard impératif. Toute piqûre accidentelle nécessite immédiatement et conjointement une déclaration administrative, une désinfection soigneuse avec un antiseptique, voire une médication antirétrovirale.

La lutte contre la contamination repose enfin sur une bonne information de toutes les populations. Les campagnes organisées à cet effet doivent être adaptées rigoureusement aux cibles que l’on souhaite atteindre.

La conjonction des efforts de lutte contre le sida, d’investissement dans la recherche fondamentale et clinique, dans la prévention et la protection des populations reste un objectif majeur au niveau mondial. Cet ensemble de mesures déjà très coûteux continuera à l’être pour les années à venir. La solidarité internationale, morale et matérielle doit présider à la prise en charge de ce fléau. Ceci sous-entend de devoir imaginer des solutions multiples, originales et efficaces, et ce, dans un avenir proche, pour que les pays développés ne soient pas les seuls à bénéficier des progrès de la recherche.

sida [ sida ] n. m.
• 1982; acronyme de Syndrome d'Immunodéficience Acquise
Très grave maladie virale transmissible par voie sexuelle et sanguine, caractérisée par une chute brutale des défenses immunitaires de l'organisme (aussi 2. arc). « le sida n'est pas vraiment une maladie, [...] c'est un état de faiblesse et d'abandon qui ouvre la cage de la bête qu'on avait en soi [...] , à qui je laisse faire sur mon corps vivant ce qu'elle s'apprêtait à faire sur mon cadavre » (H. Guibert). Virus du sida. HIV(anglic.), LAV, V. I. H. Malade atteint du sida. sidatique, sidéen; aussi 2. arc, séropositif. Médecin spécialiste du sida. sidologue. Prévention du sida. antisida.

sida nom masculin Malvacée des régions tropicales, d'usage textile. ● sida nom masculin (abréviation de syndrome immuno-déficitaire acquis) Maladie infectieuse contagieuse, transmissible par voie sexuelle ou sanguine et caractérisée par l'effondrement ou la disparition des réactions immunitaires de l'organisme.Maladie infectieuse contagieuse, transmissible par voie sexuelle ou sanguine, représentant la phase terminale de l'infection par le VIH. ● sida (difficultés) nom masculin (abréviation de syndrome immuno-déficitaire acquis) Orthographe Ce sigle de syndrome immunodéficitaire acquis est devenu un nom commun masculin : la prévention du sida.

sida
n. m. MED (Acronyme pour syndrome d'immunodéficience acquise.) Syndrome constitué par une ou plusieurs maladies révélant un déficit immunitaire de l'organisme, qui est dû à un agent viral transmissible.
Encycl. S'attaquant à certains leucocytes dont il utilise des fragments d'A.D.N. pour se reproduire, le virus du sida (V.I.H.) provoque un effondrement des défenses immunitaires qui rend l'organisme incapable de se défendre contre les infections. Il est transmissible soit au cours de rapports sexuels par les personnes qui en sont porteuses (d'où l'intérêt de l'emploi des préservatifs), soit par voie sanguine: lors d'une transfusion si le sang transfusé en contient, ou du fait de l'usage d'une seringue infectée (toxicomanes, notam.). On connaît deux types de virus du sida: le V.I.H. 1, découvert en 1983, responsable d'une pandémie, et le V.I.H. 2, prédominant en Afrique de l'Ouest et également décrit en Inde. Il existe de nombreux autres mutants du V.I.H., encore mal connus, mais tous sont activement étudiés. On distingue deux groupes de sujets porteurs de V.I.H.: les séropositifs, portant le virus et des anti-corps anti-V.I.H., qui ne sont pas malades mais qui sont contagieux; les sidéens, porteurs du V.I.H., qui sont malades et contagieux. L'efficacité du V.I.H. dépend de la résistance du système immunitaire du sujet qu'il rencontre. Cette résistance provient des conditions d'hygiène et d'alimentation ayant encadré ou encadrant la vie humaine depuis la période intra-utérine. (V. tuberculose.)

⇒SIDA, subst. masc.
MÉD. Maladie infectieuse, due à un virus transmis par voie sexuelle ou sanguine (en particulier placentaire) et provoquant un affaiblissement du système immunitaire, pouvant se manifester d'abord par des signes généraux (fièvre, asthénie, amaigrissement, diarrhée, gonflement ganglionnaire, etc.) et qui se caractérise essentiellement par la multiplication d'infections diverses (cutanées, intestinales, pulmonaires, cérébrales) et par des cancers, entraînant la mort (dans l'état actuel de la science). Le Sida n'est que l'une des mani-festations de l'infection causée par un virus, appelé HIV. (...) la majorité des gens infectés par ce virus (...) restent en bonne santé, bien que contagieux. Un quart d'entre eux développent un certain nombre d'affections, qui ne débouchent pas nécessairement sur un Sida (L'Express aujourd'hui, 20 févr.-19 mars 1987, p. 22, col. 1). Le SIDA (syndrome d'immuno déficience [déficience immunitaire] acquise) (...) regroupe un ensemble de manifestations cliniques qui expriment un déficit profond de l'immunité à médiation cellulaire (Ph. CANTON ds Médecins de Lorraine, t. 8, 1987, n ° 2, pp. 3-4).
REM. 1. Sidatique, subst. et adj. a) Méd., subst. et adj. (Individu) qui est atteint du sida par infection virale. Le fait que le Sida nous laisse sans système immunitaire rend le problème de la contagion doublement complexe: les sidatiques eux aussi doivent se méfier des prétendus bien portants (Rolling Stone, 9 mars-11 avril 1988, p. 27, col. 1). b) Adj. Relatif au sida. Un médium affirme m'avoir guéri du Sida (...), nettoyant (...) par un procédé de physique quantique (...) mes ondes sidatiques (Rolling Stone, 9 mars-11 avril 1988, p. 27, col. 1). 2. Sidéen, subst. masc., méd. Individu atteint du sida. Synon. sidatique (supra rem. 1 a). De 1981 au 31 décembre dernier, 3.073 cas de SIDA+ avérés ont été recensés en France. Quarante-cinq pour cent de ces malades — qu'il faut appeler « sidéens » selon les recommandations du haut commissariat de la langue française — sont décédés (L'Est Républicain, 21 janv. 1988, p. 423, col. 4-5). À noter que: a) Sidéen, de par sa constr., semblerait mieux convenir à tout malade atteint d'un syndrome immuno-déficitaire, quelle que soit son origine (virale ou non), tandis que sidatique conviendrait mieux aux malades atteints de syndrome immuno-déficitaire acquis d'origine virale, c'est-à-dire du sida; b) la forme sidaïque a été condamnée: Le préservatif plutôt que les mots qui tuent: sidaïque et sidatorium [établissement médical où seraient soignés en exclusivité les sidéens]. Il avait, en effet, suffi de ces deux expressions pour anéantir tous les efforts du petit César de la Trinité-sur-Mer (J.-M. Le Pen) pour acquérir une vraie respectabilité (L'Événement du Jeudi, 29 juill. 1987, p. 12). 3. Sidologue, sidénologue, subst. Spécialiste du sida. Au congrès qui a réuni fin juin à Paris plus de 2 000 sidologues (...), le ton n'a pas été à l'optimisme béat (...). Le SIDA est un casse-tête (L'Est Républicain, 31 juill. 1986, p. 32, col. 2). La transmission hétérosexuelle du SIDA est maintenant parfaitement démontrée malgré les combats d'arrière-garde de certains sidénologues (Le Journal internat. de méd., juill. 1988, n ° 116, p. 5, col. 1).
Prononc.:[sida]. Étymol. et Hist. 1982 (La R. du Praticien, 5 nov., t. 32, n ° 50, p. 3213: SIDA: syndrome d'immunodépression acquise). Sigle trad. l'angl. acquired immune deficiency syndrome (AIDS) (Science, 1983, 220, 868 ds La R. du Praticien, 11 avr. 1986, t. 36, n ° 21, p. 1155).

sida [sida] n. m.
ÉTYM. 1982; sigle de Syndrome Immuno-Déficitaire (→ Immuno-) Acquis; cf. angl. AIDS.
1 Syndrome grave, souvent mortel, caractérisé par une chute brutale des défenses immunitaires, et dû à un virus (rétrovirus). || Le sida est transmissible par voie sexuelle et sanguine, et a été surtout observé chez les homosexuels, les hémophiles, certains toxicomanes. || Virus du sida. H. i. v. (anglic.), LAV (anglic.), V. I. H. || Une trithérapie employée contre le sida. || Médecin spécialiste du sida (→ Sidologue). || Prévention du sida ( Antisida). || Malades atteints du sida. Sidéen. On dit aussi malade du sida et sida (→ ci-dessous, 2.). || Il est séropositif, mais il n'est pas malade du sida.
1 (…) le sida n'est pas vraiment une maladie, ça simplifie les choses de dire que c'en est une, c'est un état de faiblesse et d'abandon qui ouvre la cage de la bête qu'on avait en soi, à qui je suis contraint de donner pleins pouvoirs pour qu'elle me dévore, à qui je laisse faire sur mon corps vivant ce qu'elle s'apprêtait à faire sur mon cadavre pour le désintégrer.
Hervé Guibert, À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie (1990), p. 17.
2 Jules, à un moment où il ne croyait pas que nous étions infectés, m'avait dit que le sida est une maladie merveilleuse. Et c'est vrai que je découvrais quelque chose de suave et d'ébloui dans son atrocité, c'était certes une maladie inexorable, mais elle n'était pas foudroyante, c'était une maladie à paliers, un très long escalier qui menait assurément à la mort mais dont chaque marche représentait un apprentissage sans pareil, c'était une maladie qui donnait le temps de mourir, et qui donnait à la mort le temps de vivre, le temps de découvrir le temps et de découvrir enfin la vie, c'était en quelque sorte une géniale invention moderne que nous avaient transmis ces singes verts d'Afrique.
Hervé Guibert, À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie (1990), p. 181.
3 (…) dans les années quatre-vingt de notre siècle, le monde fut frappé par l'épidémie d'une maladie nommée sida, qui se transmettait pendant le contact amoureux et, au début, sévissait surtout parmi les homosexuels.
Milan Kundera, la Lenteur (1995), pp.24-25.
Le mot, d'abord écrit S. I. D. A. et SIDA, s'est rapidement intégré au système graphique sous la forme sida (voir ci-dessus).
4 La voiture appartenait à un dentiste méticuleux et célibataire qui ne quittait plus ses gants depuis la grande terreur du SIDA. Comme les deux tueurs étaient aussi consciencieux que lui, cette voiture était la seule de Paris à ne porter la trace d'aucune empreinte digitale.
D. Pennac, la Fée carabine (1987), pp. 100-101.
tableau Principales maladies et affections.
2 Malade du sida (employé pour pallier les dérivés, inusités ou peu employés. → Sidéen).
DÉR. Sidéen.
COMP. Antisida, sidologue.

Encyclopédie Universelle. 2012.