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SOUDAN
SOUDAN

Située dans le nord-est de l’Afrique, la république du Soudan est le plus vaste État de ce continent (2 505 813 km2, soit 1,7 p. 100 de la surface des terres émergées). Tantôt désertique (Nord, Nord-Est et Ouest), tantôt couvert d’une végétation luxuriante (Sud), ou ayant un climat continental tropical (Centre), cet immense pays subit l’influence de ses huit voisins: il partage avec sept d’entre eux des ethnies communes, les Nubiens avec l’Égypte, les Fellata et les Four avec le Tchad et la République centrafricaine, les Zandé avec le Zaïre, les Kakwa avec l’Ouganda, les Topoza avec le Kenya, les Beni Amer avec l’Éthiopie; seuls les confins avec la Libye, pour des raisons climatiques, sont dépourvus de populations frontalières. Ainsi, le pays a-t-il souvent servi de terre d’asile, vocation à laquelle le destinait l’importante route africaine du pèlerinage musulman vers La Mecque.

Indépendant depuis le 1er janvier 1956, l’État soudanais a dû intégrer des ethnies d’origine différente. La généralisation de l’emploi de la langue arabe a permis de les unifier linguistiquement, et, à long terme, culturellement.

Enfin, une rivalité séculaire entre le Nord, de religion musulmane, et le Sud, de tradition chrétienne et animiste et de langues africaines, exacerbée par une guerre civile sanglante (1956-1972), a freiné le développement de l’ensemble du pays. La politique de décentralisation pour le Sud, inaugurée en 1972, s’est étendue à toutes les autres régions (1981).

Le Soudan a connu depuis les dernières années du régime autocratique de Nimeyri une réactivation de la guerre civile, une application sans nuances de la charia islamique, qui a restreint la gestion des affaires locales et défavorisé le développement d’une conscience nationale unitaire, pouvant pallier les diversités ethniques habituelles du continent africain.

1. La lutte pour l’indépendance

À une civilisation connue sous le nom de Kerma, et qui remonte au IIe millénaire avant J.-C., succéderont au VIIIe siècle avant J.-C. le royaume de Napata, dont plusieurs pharaons d’Égypte allaient être issus, puis celui de Méroé (qui prit fin au IVe siècle), célèbre pour ses pyramides encore bien conservées.

L’époque chrétienne dura du VIIIe siècle au début du XVIe siècle. Évangélisés à partir d’Alexandrie et de Constantinople, les Nubiens construisirent un grand nombre d’églises, dont la plus célèbre demeure la cathédrale de Faras, ornée de fresques.

L’islamisation par des marchands a conduit à la formation de royaumes, dont celui de Sennar qui renversa, à la bataille d’Arbaji, en 1505, la dernière principauté chrétienne.

Le royaume Funj, dont les conseillers politico-religieux vinrent d’Arabie, s’établit sur le Nil Bleu. Dès cette époque, l’influence des confréries islamiques devint un facteur déterminant de la politique intérieure soudanaise, plus que dans tout autre État arabe, et même arabo-africain.

1820 marque l’entrée des troupes du khédive Mohammed Ali au Soudan. Après avoir fondé les villes de Wad Medani et Khartoum, entre 1823 et 1830, le régime reconnu internationalement, après acceptation de la Sublime-Porte, n’occupa réellement le Nil Blanc que jusqu’à Malakal.

Un mouvement national d’abord confrérique autour d’un mahdi, Mohammed Ahmed Ibn Abdallah, obtint l’indépendance du pays de 1881 à 1898. Réoccupé par une expédition anglo-égyptienne, destinée à venger le gouverneur Gordon tué à la prise de Khartoum (1885), le Soudan devint un condominium, officiellement anglo-égyptien, mais où les Égyptiens n’occupèrent que les postes subalternes, dans l’armée et dans l’administration, tandis qu’un corps spécialisé recruté exclusivement parmi les Britanniques menait une politique favorable à Londres. Aussi les Égyptiens soutinrent-ils les nationalistes soudanais, tandis que le sud du pays était isolé de toute propagande pro-arabe; l’usage de l’anglais unifia en quelque sorte les provinces méridionales, qu’on songea pendant quelque temps à rattacher à l’Ouganda et au Kenya, tandis que l’arabe agit comme catalyseur, avec naturellement l’islam, de l’indépendance du Soudan.

Le roi Farouq eut beau se proclamer roi d’Égypte et du Soudan, un accord anglo-égyptien de 1953 fixa au 1er janvier 1956 l’accession de l’ensemble du Soudan à l’indépendance.

Mais l’accentuation des différences ethniques, culturelles et religieuses entre le Nord et le Sud allait plonger le pays dans une terrible guerre civile, qui ne s’interrompit qu’une dizaine d’années, entre 1972 et 1982.

2. Des conditions de vie difficiles

Bien qu’unifié en partie par les deux Nils, Bleu et Blanc, qui se rejoignent à Khartoum, mais dont les obstacles naturels assez nombreux gênent le transport fluvial, le Soudan présente d’est en ouest des particularités géographiques qui contribuent à en diversifier les conditions climatiques et l’occupation des sols.

À l’est, la chaîne de montagnes de la mer Rouge, dont l’altitude atteint 2 200 mètres, se dresse tout près de la mer. Puis, vers l’ouest, le désert occupe les terres non irriguées par le Nil jusqu’à la frontière tchadienne. Les conditions climatiques y sont difficiles: une pluviosité insignifiante, de soudaines et violentes tempêtes de sable, et un écart très éprouvant des températures diurnes et nocturnes ne permettent aucune culture.

Aussi, à part le Djebel Marra, quelques oasis et le sud du pays proche de l’équateur (mais où les productions vivrières n’existent pratiquement pas), seules les rives du Nil et la savane qui s’étend entre les deux Nils, la Jezirah, sont cultivées de manière intensive, sans que les rendements atteignent toutefois ceux de l’Égypte. C’est dans cette région que se concentre la population. Le Nil y coule lentement puisque de Khartoum (altitude 376 m) 3 000 kilomètres le séparent de la Méditerranée.

Dans le cadre des accords soudano-égyptiens de 1929 et de 1959 sur le partage des eaux des deux Nils, venant d’Éthiopie et d’Ouganda, le creusement d’un canal reliant Malakal à Bor avait été entrepris sur 270 kilomètres, mais la guerre civile qui a repris en 1982 en a interrompu les travaux. Il devait améliorer les transports fluviaux entre Juba et Khartoum et irriguer plus régulièrement des terres cultivables.

Avec un taux de croissance particulièrement élevé (31 p. 1 000 par an), la population s’est élevée, en 1994, à près de 25,7 millions d’habitants. Néanmoins, cette population est implantée surtout le long de la vallée du Nil et de ses affluents, le Nil Blanc et le Nil Bleu. Le reste du pays est peu peuplé, particulièrement les régions nord-ouest et est (montagnes de la mer Rouge). L’ensemble du Soudan a une densité de 10,3 habitants au kilomètre carré.

La sécheresse et la désertification qui se sont étendues depuis 1967 sur l’ouest du Soudan, à un rythme incontrôlable, ont provoqué un exode de la population vers les capitales régionales, contribuant à l’aggravation de la concentration urbaine.

Les villes s’accroissent d’une manière gigantesque – d’où le problème des communications et des services –, car les habitants des provinces ont tendance à reconstituer des villages analogues à ceux qu’ils ont quittés (maisons de terre entourées de cours) autour des grandes villes.

La capitale, siège du gouvernement central, est constituée de trois villes qui ont fini par se rejoindre (Khartoum, Khartoum-Nord, ou Bahri, et Omdurman). Elle dépassait, en 1983, 1,3 million d’habitants. Six autres villes comptaient plus de 100 000 habitants: à l’ouest, El-Obeyd, capitale du Kordofan (140 024 hab.) et El-Facher, capitale du Darfour (150 000 hab.); au sud, Juba, capitale administrative et siège du gouvernement régional (116 000 hab.); à l’est, Port-Soudan, seul port du pays, de construction récente (1906), mais où l’afflux de réfugiés érythréens a gonflé la population (206 727 hab.); au nord, Atbara abrite 73 009 habitants; enfin, la capitale de la région centrale (la fertile Jezirah), Wad Medani, compte près de 142 000 habitants.

La réforme de décentralisation régionale (1981) a découpé le pays en six régions, qui disposent d’une certaine autonomie et permettent aux ethnies multiples de se regrouper. Si le Sud est surtout peuplé de Bantous et de Nilotiques, l’Est est habité par les Hadendawa, les Bija et les Beni Amer (parlant une langue issue de l’ancienne langue égypto-pharaonique). À l’ouest se trouvent les Four (Darfour, pays des Four) et des éléments islamisés, nomades ou sédentaires (Kordofan). Les Nubiens sont dans le Nord, et la région centrale, comme Khartoum, est peuplée de représentants de toutes les ethnies soudanaises. Malgré cette diversité, les cinq régions septentrionales sont unifiées par la religion (l’islam) et la langue (l’arabe), par opposition à la région sud, où chrétiens, musulmans et animistes créent une mosaïque de croyances.

De grands efforts ont été accomplis dans le domaine de l’enseignement. Près de 50 p. 100 des moins de quinze ans ont pu fréquenter l’école, gouvernementale dans les zones rurales et parfois privée (confessionnelle) dans les villes.

C’est au niveau universitaire qu’apparaissent les résultats de cette scolarisation. Ainsi, l’université de Khartoum accueille-t-elle 10 000 étudiants, l’université islamique d’Omdurman 5 000 et la filiale de l’université du Caire 14 000. En province, l’université de Wad Medani compte 2 000 étudiants, et celle de Juba à peu près autant. Les gouvernements régionaux essaient d’obtenir une aide étrangère pour ouvrir de nouvelles universités. Chaque année, en effet, 80 000 candidats sont reçus à l’examen de fin d’études secondaires, mais l’ensemble des institutions d’enseignement supérieur ne peut en absorber que 4 000. Beaucoup de jeunes Soudanais poursuivent donc leurs études à l’étranger (25 000 pour la seule Égypte, d’autres en Arabie Saoudite, en Grande-Bretagne, aux États-Unis, en France et en Syrie).

S’il existe environ deux cents langues locales, l’arabe est largement répandu et sert de principale langue de communication dans l’ensemble du pays. Cela constitue un excellent atout en Afrique, où peu d’États bénéficient de cet avantage.

L’amendement de la Constitution dans un sens libéral permettrait aux provinces du Sud d’utiliser l’anglais comme langue d’unification administrative, à la place d’un créole arabe de Juba, peu efficace en dehors de contacts quotidiens réduits.

3. Les transformations économiques

Les ressources potentielles du Soudan sont très importantes; hydrauliques, d’abord, très insuffisamment exploitées, tant pour la production d’énergie que pour l’irrigation; et pétrolières: les importantes découvertes des compagnies américaine Chevron et française Total ont été interrompues, en 1982, par la reprise de la rébellion sudiste. Les minéraux rares (or depuis les mines des «pharaons», tungstène) abondent, ainsi que le chrome, le cuivre, le fer, mais l’exploitation dans la région des montagnes de la mer Rouge est difficile et gênée par le manque de réseau routier. Une industrie de transformation a été mise en place, comme les textiles, avec la coopération chinoise, les tanneries, avec la coopération française, mais les complexes sucriers comme celui de Kenana n’ont pas réussi en raison de leur disproportion et de leur désorganisation.

Les seules ressources proviennent de l’agriculture et de l’élevage; mais à part le coton, dont la culture a été organisée dès le condominium dans d’immenses domaines étatiques comme en Jezirah (750 000 ha) ou, sous Nimeyri comme à Rahad (240 000 ha), et la gomme arabique (en 1982, 80 p. 100 de la production mondiale), qui a beaucoup souffert de la sécheresse dans l’Ouest, la production est consommée sur place; les potentialités de l’agriculture sont pourtant considérables: 90 p. 100 du sol cultivable est encore en friche, alors qu’il représente 40 p. 100 des terres arables de tout le monde arabe.

Le financement par les pays arabes pétroliers avait été envisagé en 1976 (2 milliards de dollars) pour promouvoir l’agro-industrie et l’élevage. Mais l’inefficacité et la corruption du gouvernement de l’époque, la méfiance envers les provinces du Sud à population non arabe, non musulmane, l’indigence des réseaux routier et ferroviaire, qui auraient exigé des investissements de base, ont fait reculer les financiers du Golfe.

À tous ces problèmes structurels s’est ajoutée la terrible sécheresse des années 1980, qui atteignit des proportions telles que la moitié de la population de l’Ouest et du Sud souffrit de la famine. Cette catastrophe naturelle provoqua d’importants déplacements de population vers le Nil, alors que des centaines de milliers de réfugiés entraient au Soudan pour fuir les zones de combat d’Érythrée et d’Ouganda.

Le Soudan reste donc l’un des pays les moins industrialisés du monde et il compte au nombre des vingt nations les plus défavorisées.

Les ventes de coton à l’étranger (de 50 à 60 p. 100 du total des exportations) sont sujettes aux fluctuations des cours mondiaux, bien que des efforts aient permis de conserver la qualité des fibres longues très appréciées.

Les échanges se font principalement avec les pays de la C.E.E., l’Inde, la Chine, le Japon, les pays d’Europe de l’Est (surtout la Roumanie). Les exportations, en 1987, se sont élevées à 600 millions de dollars: coton, gomme arabique, arachides, bétail (chameaux pour l’Égypte et l’Arabie, bovidés et chèvres). En 1987, les importations ont atteint 2 milliards de dollars, consistant en biens de consommation et machines-outils, produits alimentaires dont thé et café. Les échanges avec les pays arabes, sauf avec l’Égypte, sont peu développés, de même qu’avec les pays voisins et avec ceux de la Corne de l’Afrique.

Plusieurs plans quinquennaux ont été mal exécutés; mauvaise gestion et conséquences de la sécheresse et de la famine auraient été fatales, sans une aide étrangère qui ne s’obtient plus si facilement.

La poursuite de la guerre dans le Sud et la croissance de la population ne permettent pas d’envisager le remboursement, même à moyen terme, d’une dette extérieure qui atteindrait 14 milliards de dollars en 1988.

4. L’instabilité des régimes libéraux (1956-1969)

Dès le XVIIIe siècle, les principautés soudanaises ont fait appel à des cheikhs religieux du Hidjaz pour créer leur administration et instituer des relations diplomatiques; l’un d’eux, Hassan al-Mirghani, s’est rendu au Soudan et a fondé la confrérie des Khatmiyya en 1818. Déjà, les confréries Chazliyya au XVe siècle, Qadiriyya au XVIIe siècle, Sammaniyya vers 1800 s’étaient introduites au pays des deux Nils. Le rôle de ces cheikhs fut économique (peuplement, fondation de villages), socioculturel (éducation et santé), et devint, à la fin du XIXe siècle, politique, puisque l’un d’entre eux issu de la confrérie Sammaniyya, Sayyed Mohamed Ahmed el-Mahdi, fonda les Ansars, qui chassèrent les troupes égyptiennes en 1885. Lors de l’indépendance, les Khatmiyya durent s’exiler en Égypte. En 1988, leurs descendants sont devenus le président du Conseil de souveraineté pour les Khatmiyya, et le Premier ministre pour les Ansars.

Déjà avant l’indépendance, le père du premier et le grand-père du second, chefs religieux, avaient créé des partis politiques, financés par les contributions des fidèles, et qui monopolisèrent les sièges des premiers parlements. Dans celui de 1953, 73 sièges sur 97 étaient tenus par des représentants de ces deux formations confessionnelles, dans celui de 1968, 167 sur 218. Seuls les communistes et les représentants des partis du Sud leur échappèrent; tout autre homme politique, non. Ainsi, le futur président du Conseil de souveraineté, Ismaïl al-Azhari, fonda, en 1944, le Parti unioniste démocratique, se glissant entre les Ansars et les Khatmiyya, et rassemblant quelques éléments indépendants parmi les fonctionnaires de la capitale, mais ses électeurs de province appartenaient à une confrérie, créée par son grand-oncle dans le Kordofan, à Bara, appelée Ismaïliyya. Vingt ans plus tard, il devait rentrer dans le giron du Parti démocratique du peuple, expression politique des Khatmiyya.

En politique extérieure, Sayid Abderrahmane al-Mahdi, pour les Ansars, prôna une indépendance politique complète de l’Égypte, et son petit-fils Sadeq el-Mahdi fut très lié avec la Libye, tandis que «Maoulana» (monseigneur à titre religieux) Ali al-Mirghani, pour les Khatmiyya, soutint toujours un rapprochement avec le voisin du Nord.

Dans ce contexte politico-religieux, un régime parlementaire fut institué par la Constitution (provisoire) de 1955. Il ne dura que jusqu’en novembre 1958, où, par un premier coup d’État militaire, le général Ibrahim Abboud devint chef de l’État, dissolvant le Parlement et supprimant l’alternance des partis à la présidence du Conseil. Ce premier régime militaire fut renversé en douceur par des manifestations populaires en octobre 1964. Il avait été marqué par l’extension de la guerre civile fratricide avec le Sud, due à des mesures discriminatoires pour l’éducation, puis à une extermination des élites religieuses et civiles, ce qui entraîna la constitution de guérillas (Anya-Nya) dans les trois provinces du Bahr el-Ghazal, du Haut-Nil et de l’Equatoria.

Du point de vue international et malgré une méfiance active envers les communistes et les syndicalistes, le Soudan s’ouvrit vers les pays de l’Est à la suite de la réorientation de la politique extérieure égyptienne.

Pour la deuxième fois depuis l’indépendance, le régime parlementaire est rétabli, et donc l’alternance des Premiers ministres issus des deux partis confessionnels, l’Oumma (Ansars) et le Parti national unioniste, dont le président Ismaïl al-Azhari devient chef de l’État. La pression des élites du Sud s’exerce par l’intermédiaire du Parti communiste à Khartoum; le Premier ministre Sadeq el-Mahdi finit par l’interdire. Et, à la suite d’une série de crises ministérielles, l’Assemblée est dissoute. De nouvelles élections ne résolvent pas la crise économique, issue en grande partie de la poursuite de la guerre civile; un deuxième putsch militaire conduit par le général Mohamed Jaafar al-Nimeyri balaie, le 25 mai 1969, un régime civil auquel on reproche la concussion et l’incompétence. Le régime militaire de mai va durer seize ans.

5. Le régime présidentiel de Nimeyri (1969-1985)

Commencé comme un putsch de jeunes officiers de gauche, à la manière nassérienne, le régime de Nimeyri devait passer par des étapes politiques peu prévisibles à ses débuts. En effet, les membres du nouveau Conseil de la révolution, purs et durs, suspendent la Constitution, dissolvent l’Assemblée, mais ils créent un ministère de politiciens civils, qui associe les communistes, sous la présidence de Babiker Aoudallah, d’obédience khatmiyya.

Cette orientation déplaît aux Ansars, dont le leader de l’époque, Sayed el-Hadi el-Mahdi, prend la tête d’un mouvement de contestation, à partir de son fief de l’île d’Aba, centre traditionnel des disciples du Mahdi, à 50 kilomètres au sud de Kosti. Cette rébellion est écrasée (1970) par l’aviation, mais le nouveau régime se recentre, et à cause de nouveaux troubles qui ont lieu dans le Sud, et dont on leur impute la responsabilité, fait démissionner les ministres communistes le 12 février 1971. Une réaction de l’extrême gauche se produit le 19 juillet de la même année et renverse durant trois jours le général Nimeyri. Le 22, la situation est rétablie grâce à la Libye qui livre des officiers rebelles arrêtés au cours d’un détournement d’avion.

Après de sanglantes exécutions, réprouvées dans le monde entier, le régime crée un parti unique, à la mode égyptienne, l’Union socialiste soudanaise (U.S.S.), tandis qu’un référendum plébiscite par 99 p. 100 des voix le général Nimeyri comme président de la République pour six ans.

Ainsi, après un rapprochement avec l’Égypte de Nasser et la Libye en 1969, concrétisé par un Front révolutionnaire destiné à unifier la coopération militaire, économique et de politique étrangère, le Soudan, à partir de 1971, va-t-il suivre la politique égyptienne de Sadate, s’ouvrant vers les États-Unis et l’Europe occidentale, ainsi que vers la Chine, poussé par sa méfiance à l’égard de l’U.R.S.S.

Cette réorientation de la politique extérieure permettra des pourparlers avec l’Éthiopie du Négus, qui aboutissent à l’arrêt de la guerre civile par les accords d’Addis-Abeba (27 mars 1972). Ces accords vont faire bénéficier le général Nimeyri d’une popularité urbi et orbi ; il réussit assez longtemps à maintenir la cohésion nationale en s’appuyant sur les anciens chefs rebelles anya-nya, dont le général Joseph Lagu, qui alterne à la vice-présidence avec l’avocat Abel Alier; «l’homme providentiel des accords d’Addis-Abeba» demeure le seul homme d’État, sur le continent africain, capable de ressouder l’unité du pays, et de réintégrer pacifiquement des provinces en sécession.

L’usure du pouvoir allait malheureusement infirmer ces jugements trop favorables.

La situation politique intérieure s’est traditionnellement inscrite dans le cadre des confréries religieuses; les hommes politiques de l’Oumma (d’obédience ansar) ou du Parti démocratique du peuple (d’obédience khatmiyya) ayant joué un rôle au cours du deuxième régime parlementaire (1964-1969) se rallièrent plus ou moins au président Nimeyri, élevé à la dignité de maréchal (1981): ceux du Parti national unioniste, naguère fondé par Ismaïl al-Azhari (lui-même lié aux Khatmiyya) les avaient imités, à la manière des anciens politiciens du parti Wafd, revenus servir au côté du président Sadate en Égypte.

À l’exception d’une tentative de coup d’État en juillet 1975 dirigée par des personnalités exilées en Libye, le gouvernement soudanais jouit d’une relative paix politique, que lui enviaient nombre de ses voisins.

De plus, il mit en place un système de décentralisation permettant, aux yeux de la population, de contrebalancer la lourdeur d’un régime d’homme fort, appelé à intervenir dans tous les rouages de la vie politique. Cette réforme, populaire auprès des élus régionaux ayant ainsi eu accès aux responsabilités et aux honneurs de leurs nouvelles charges, ne pourra plus être modifiée par la suite. Il s’est agi, en fait, d’étendre aux autres régions (Centre, Nord, Est, Kordofan, Darfour) le processus de décentralisation administrative consenti au Sud après les accords d’Addis-Abeba.

Chaque région est placée sous l’autorité d’un gouverneur (hakem ), censé posséder dans sa circonscription les pouvoirs du président. Il est élu par un collège électoral désigné par le président (1982). Il nomme les ministres, responsables devant lui. Les députés régionaux, tous membres du parti unique (U.S.S.), sont élus au suffrage universel. Cette réforme est populaire puisqu’elle encourage les responsables à travailler pour leur propre province. En ce qui concerne le gouvernement du Sud, le pouvoir central a su mener une politique de balancier. Il a fait d’abord élire Abel Alier, de la tribu des Dinka, dont il allait essayer de promouvoir les membres à tous les postes importants; puis Joseph Lagu, naguère chef des troupes rebelles anya-nya. L’appartenance de Lagu à une tribu minoritaire (Mandeli) le rend plus apte à pratiquer une politique de décentralisation accrue dans le Sud même.

Le gouvernement central eut également le souci de promouvoir la réconciliation et l’unité nationales. Les anciens opposants furent admis au parti U.S.S. et de ce fait candidats aux sièges du Parlement central. Ainsi, Sadeq el-Mahdi, naguère Premier ministre, devint membre du comité central du parti, tandis que son beau-frère Hassan el-Tourabi, leader des Frères musulmans, était ministre de la Justice. Cet équilibre politique restera néanmoins précaire tant que l’économie sera déficiente.

Le Soudan est pratiquement dépourvu de routes carrossables. Port-Soudan, relié à la capitale par une route asphaltée de 1 200 kilomètres et une ligne de chemin de fer en mauvais état, est constamment congestionné et ne peut suffire à ventiler le matériel nécessaire aux entreprises nouvelles. Mais le pays n’est pourtant pas aussi enclavé que certains de ses voisins, et seuls les conflits extérieurs ferment les frontières.

Au nord, les produits de consommation et de luxe viennent de Libye (malgré la tension) jusqu’à Mellit, à 60 kilomètres d’El-Facher où les marchands d’Omdurman vont les acquérir. Vers l’ouest, les troupeaux de bovins gagnent à pied, par le Tchad et la République centrafricaine, les lointains marchés du Cameroun et du Nigeria. Au sud, Juba est ravitaillée en carburant comme en produits de première nécessité – à prix d’or étant donné l’insécurité qui règne en Ouganda – à partir de Mombasa, au Kenya; enfin, à l’est, le cabotage traditionnel achemine en contrebande les marchandises provenant d’Arabie Saoudite et conduit les pèlerins vers Jeddah.

En fait, comme beaucoup de pays en voie de développement, le Soudan est victime de la construction, préconisée par des experts internationaux, d’entreprises de taille démesurée: sucrerie géante de Kenana, près du Nil Blanc, ou brasserie à Wau, dans le Sud, ou encore usines de textiles implantées loin des champs de coton. Le manque d’infrastructure routière ou de carburant empêche d’acheminer les matériaux de construction, puis les pièces de rechange vers ces usines.

Néanmoins, un accord original tripartite a été signé, en juillet 1982, entre le Soudan, l’Arabie Saoudite et la France. Il s’agit d’exploiter les métaux rares (tungstène), découverts par le B.R.G.M. (Bureau de recherches géologiques et minières) le long des côtes de la mer Rouge sur le versant des montagnes qui dominent la mer. Leur commercialisation, à moyen terme, devrait fournir au Soudan une partie des devises qui lui font défaut.

L’économie a été maintenue artificiellement par des subventions et des prêts des pays arabes riches (Arabie Saoudite, Koweït, Qatar, Émirats arabes unis), de la C.E.E., de l’Europe septentrionale et des États-Unis.

Le Fonds monétaire international a contraint la Banque du Soudan à dévaluer la livre soudanaise à plusieurs reprises depuis 1978. Ces mesures sont durement ressenties par les classes pauvres. Même si le revenu annuel par habitant est passé, en une décennie, de 175 à 330 dollars, le Soudan se trouve toujours parmi les vingt pays au revenu le moins élevé.

Pays essentiellement agricole, le Soudan, avec ses grandes fermes d’État (Jezirah, Rahad), espérait, à la fin des années 1970, recevoir de substantiels investissements des pays arabes, soucieux d’assurer le suivi de leurs importations alimentaires. Mais les organismes publics ont subi des retards dans leurs projets, soit à cause d’une gestion peu efficace, soit par manque de main-d’œuvre. Au contraire de l’Égypte qui dispose d’une importante paysannerie compétente, 40 p. 100 de la population soudanaise se consacre à l’élevage et au nomadisme. Par ailleurs, l’utilisation de machines agricoles trop sophistiquées (donc d’entretien difficile), peu appropriées à des sols fragiles menacés par l’érosion, et la désertification qui s’étend à l’ouest de façon tragique (Darfour et Kordofan) entravent le développement de l’agriculture. En revanche, dans les monts Nouba (Kordofan méridional), une initiation des cultivateurs à la traction animale semble donner des résultats satisfaisants. Il reste néanmoins que les produits agricoles des régions favorisées ne peuvent être acheminés faute de routes et de camions frigorifiques.

À l’occasion d’un colloque qui s’est tenu à Khartoum en février 1978, la France s’est montrée disposée à participer à un certain nombre de projets agricoles. Le percement du canal de Jonglei, entrepris en 1976 par des sociétés françaises de Malakal à Bor (350 km), devrait par ailleurs réduire les coûts, les temps et les distances des communications Nord-Sud. Malheureusement, malgré l’apport d’eau ainsi récupérée, les terres avoisinantes ne semblent pas propres à une culture extensive.

Toutes ces conditions font que l’endettement du Soudan devient de plus en plus considérable. Depuis 1980, le service de la dette publique absorbe la moitié du revenu des exportations. Aussi les découvertes de pétrole dans le Sud (depuis 1980) sont-elles suivies avec intérêt. Elles interviennent cependant à un moment où la conjoncture internationale est moins favorable à la rentabilité de la commercialisation de ce produit. À moins que la construction d’une raffinerie, envisagée à Kosti, ne permette au pays de ne plus être dépendant de l’importation, toujours aléatoire parce que très chère, des hydrocarbures.

Enfin, l’établissement de liens privilégiés avec l’Égypte – dont le personnel en coopération joue un rôle important dans les domaines de l’enseignement (à tous les niveaux), de l’irrigation et de la défense nationale – paraissait demeurer une des constantes les plus manifestes de la politique extérieure du Soudan.

Puis la situation se tend à nouveau sur le plan de la cohésion intérieure dans les années 1982-1983; l’élite sudiste ne peut plus supporter les interventions désordonnées du président Nimeyri dans l’administration des provinces du Sud, le changement constant et abusif de gouverneurs, et surtout l’éclatement de l’unité du Sud redistribué en trois provinces, afin de casser la rébellion. Apparaît alors dans l’arène politique le colonel John Garang, Dinka, ayant obtenu un doctorat de philosophie aux États-Unis pour une étude critique du canal de Jonglei, et qui, contrairement à ses prédécesseurs sudistes, prétend œuvrer pour l’unité du pays dans un combat social, socialiste, mené dans l’intérêt du Sud comme du Nord.

Confronté à cette situation dans le Sud, perdant peu à peu ses alliés politiques lassés des scandales financiers trop voyants de son entourage, le maréchal-président va rechercher à tout prix de nouveaux supports. L’appel aux Frères musulmans de Hassan el-Tourabi, alors que son beau-frère Sadeq el-Mahdi est emprisonné, ne se fait pas sans contrepartie. L’imposition de la charia (lois de septembre 1983) et de peines corporelles outrageantes, comme prix de l’alliance du mouvement islamiste, amène la plus grande partie des citoyens soudanais à manifester un mécontentement de plus en plus vif, que l’appareil sophistiqué de la police politique ne parvient plus à juguler. Lorsqu’en janvier 1985 est exécuté Mahmoud Taha, dirigeant respecté, âgé de soixante-seize ans, d’une association pacifiste et libérale, les Frères républicains, la réprobation est unanime. Il ne reste plus au président Nimeyri qu’à quitter le pays à l’occasion d’un voyage officiel pour être renversé. Les premiers jours d’avril 1985, une immense manifestation, dans le calme et la liesse, comme en 1964, met à bas le régime, dans lequel seize ans plus tôt le Soudanais moyen, respectueux de la vie et des coutumes d’autrui, avait placé tant d’espoirs.

6. Vers un gouvernement islamique (1985-1989)

Le commandant en chef des forces armées, le général Swar al-Mahab, dont le père fut un grand dignitaire Khatmiyya, suspend alors la Constitution, engage des pourparlers avec les forces de gauche qui vont se rassembler en un mouvement Tajamouh de personnalités syndicales et politiques démocratiques. Le Tajamouh exige des négociations immédiates avec John Garang. Deux conseils provisoires, l’un militaire, l’autre civil, se donnent un an pour clarifier la situation et appeler aux urnes. Tant bien que mal, Al-Jazouli Dafallah, président de l’Ordre des médecins et Premier ministre, et son adjoint, le sudiste Samuel Aru Bol, Dinka très connu, emprisonné sous Nimeyri, vont composer avec les officiers. Les tensions, qui durent jusqu’en avril 1986, ne facilitent ni le règlement de la guerre civile au Sud, ni celui de l’économie chancelante. Néanmoins, une liberté de parole et d’opinion inconnue depuis le 25 mai 1969, et dans les pays avoisinants, permet l’établissement d’un état de grâce, où tous les Soudanais retrouvent liberté et dignité.

Les élections au Parlement se déroulent entre le 1er et le 12 avril 1986, du moins dans les zones où ne règne pas la guerre civile (227 circonscriptions électorales sur 264), de manière très satisfaisante. Trente partis ont présenté des candidats de toutes les nuances politiques, des islamistes aux communistes, mais les partis confessionnels traditionnels retrouvent leur influence, limitée par la percée du Front national islamique, le F.N.I. (51 sièges), avec un succès plus assuré pour l’Oumma des mahdistes (99 sièges) que pour le Parti unioniste démocratique des Khatmiyya, le P.U.D. (63 sièges). La leçon à tirer de ces élections libres est un succès, encore modeste, pour les partis régionalistes (28 sièges).

La cohabitation va donc présider aux rapports des deux grands partis vainqueurs, ignorant dans un premier temps les députés Frères musulmans. L’exécutif leur échoit de la manière suivante: le Conseil de souveraineté de cinq membres, qui joue le rôle de présidence collégiale de la République, est constitué de deux Oumma, deux P.U.D. et une personnalité sudiste. Il est présidé par le propre frère de «Maoulana» Sayid Mohammed Ali Mirghani, grand leader des Khatmiyya, Ahmed Mirghani, tandis que Sadeq el-Mahdi devient Premier ministre. Son gouvernement dose avec un très grand soin les responsabilités ministérielles, et ce continuel marchandage ne permet pas non plus de régler le problème crucial de la guerre civile dans le Sud par des pourparlers indirects avec John Garang, dont les partisans veulent l’abrogation des lois «scélérates» islamiques de septembre 1983. Par ailleurs, le redressement de l’économie, sévèrement touchée par la sécheresse, la guerre civile, les troubles qui s’étendent également dans l’Ouest exigent un gouvernement fort.

Mais, après la rupture en août 1987 entre le parti Oumma et le P.U.D., la vie politique est paralysée, nonobstant un accord sur le partage du pouvoir au Conseil de souveraineté, dont les membres sont réduits à trois, et dont le président reconduit représente le P.U.D., avec deux partenaires, l’un Oumma, l’autre sudiste.

Une lueur d’espoir apparaît en janvier 1988, avec la signature par les deux partis confessionnels et les petits partis sudistes d’une Charte provisoire du Soudan, définissant: 1) l’islam comme religion de la majorité, tandis que le christianisme est la croyance d’un grand nombre de Soudanais; 2) l’arabe comme langue officielle du Soudan, tandis que l’anglais sera langue de travail dans le Sud; 3) l’identité soudanaise comme procédant également d’un fonds arabe et africain.

À cet accord les Frères musulmans ne participèrent pas, et en mai 1988, cédant à leur pression, Sadeq el-Mahdi, dans une refonte de son gouvernement, leur offre cinq postes ministériels sur vingt-sept (10 à l’Oumma, 6 au P.U.D.). Cette reconnaissance officielle des thèses de Hassan el-Tourabi, devenu ministre de la Justice (il le fut sous Nimeyri pendant plusieurs années), disant que la charia appartient désormais irréversiblement au patrimoine politique et culturel du peuple soudanais a choqué beaucoup de Soudanais du Nord et, bien sûr, du Sud: mesures impopulaires qui pourraient bien, une nouvelle fois, entraîner l’interruption de cet exemple de démocratie civile, comme en 1958 et comme en 1969.

En effet, à ce regain d’intolérance envers les populations du Sud, méprisées parce que non musulmanes et privées des secours internationaux acheminés au Soudan après les inondations catastrophiques de juillet-août 1988, s’ajoutent les conséquences dramatiques du point de vue économique de la guerre civile et des invasions de criquets qui ont dévasté l’ensemble de la Corne de l’Afrique. Année noire que cette année 1988, dont le pays ne pourra se remettre que par un accord des belligérants du Nord et du Sud à la manière de celui de 1972.

7. Une dictature islamique

La population supporte de moins en moins la désastreuse gestion économique du Premier ministre Sadeq el-Mahdi: de graves émeutes de la faim éclatent en décembre 1988. L’armée, enlisée dans le Sud, est en plein désarroi; un cessez-le-feu intervient pourtant le 1er mai 1989 avec le Mouvement populaire de libération du Soudan (M.P.L.S.). Le général Omar Hassan Ahmed el-Bechir s’empare alors du pouvoir lors du putsch du 30 juin 1989.

Rapidement, derrière le nouveau régime se profile l’ombre des islamistes, avec le F.N.I. d’Hassan el-Tourabi: les accords déjà ratifiés avec le M.P.L.S. sont rejetés, l’application de la charia est maintenue et les accords de défense avec l’Égypte et la Libye conservés. On envisage, selon les souhaits du F.N.I., une séparation administrative entre le Nord et le Sud, voire un abandon des régions méridionales. Les négociations avec le M.P.L.S., reprises en août 1989, sont suspendues et la guerre se ravive. Elle a déjà fait des centaines de milliers de victimes, provoqué l’exode de millions de réfugiés et coûte un million de dollars par jour, représentant le tiers du déficit budgétaire du pays.

Pendant la guerre du Golfe en 1990-1991, Omar el-Bechir prend fait et cause pour l’Irak qui lui fournissait son armement et, par le fait même, il se prive des prêts financiers occidentaux. Peu à peu, le pouvoir soudanais s’isole sur le plan international, hormis ses relations demeurées bonnes avec l’Irak et l’Iran.

Des négociations sont engagées en mai et juin 1992 entre le gouvernement militaro-islamique de Khartoum et l’Armée populaire de libération du Soudan (A.P.L.S.) maintenant affaiblie par une scission; mais ces pourparlers n’aboutissent pas et l’offensive de l’armée gouvernementale se poursuit avec efficacité dans le Sud. Le quartier général de John Garang à Torit tombe en juillet 1992 et l’A.P.L.S. échoue dans une bataille meurtrière autour de Juba, capitale du Sud-Soudan. Pendant ce temps, la famine fait des ravages dans le pays.

Sur le plan politique, l’opposition divisée se regroupe dans l’Alliance nationale démocratique à Nairobi en avril 1993, et nombreux sont les Soudanais qui, en face des militaires, voudraient un retour à des structures civiles qui permettraient à leur pays de rompre l’isolement international.

soudan [ sudɑ̃ ] n. m.
XVe; de l'ar. soltân
Vx Sultan. ⊗ HOM. Soudant.

Soudan
(république démocratique du) (Al-Jumhûrîya ad-Dîmûqrâtîya as-Sûdânîya), état de l'Afrique orientale ayant une ouverture sur la mer Rouge, situé entre le Tchad, la Libye, l'égypte, l'érythrée, l'éthiopie, le Kenya, l'Ouganda, la rép. dém. du Congo et la Rép. centrafricaine; 2 505 813 km² (le plus vaste état d'Afrique); env. 25 millions d'hab., croissance démographique: 12,8 % par an; cap. Khartoum. Nature de l'état: rép. Langue off.: arabe. Monnaie: dinar soudanais. Pop.: Arabes (49 %); plus de 500 ethnies composent la pop. noire. Relig.: islam sunnite (73 %); dans le S., religions traditionnelles (17 %) et christianisme (10 %). Géogr. phys. et hum. - Un ensemble de plateaux (300 à 1 200 m), drainé par le haut Nil et ses affluents, est encadré de quelques massifs périphériques: à l'ouest, dans le Darfour (3 088 m), au N.-E., en bordure de la mer Rouge, et au S., aux confins de l'Ouganda (3 187 m). Le climat tropical fait se succéder le désert au N., la steppe sahélienne au centre et la savane au S. La population, rurale à 70 %, se concentre surtout dans la zone de confluence du Nil Blanc et du Nil Bleu. Les nombreuses ethnies du Sud, fidèles au christianisme ou aux religions traditionnelles, résistent à la politique d'assimilation des populations arabo-musulmanes du Nord. écon. - L'économie du pays repose essentiellement sur l'agriculture, qui occupe 70 % des actifs. Pourtant, 5 % des terres seulement sont cultivées, mais elles sont menacées par une exploitation trop intensive qui fait progresser la désertification; fertilisées par l'irrigation, elles portent les traditionnelles cultures vivrières (mil, sorgho, patates douces, manioc) et celles, en essor, du coton (princ. produit d'exportation), de l'arachide et de la canne à sucre. L'élevage (chameaux, chèvres, moutons dans le N., boeufs dans le S., au total plus de 50 millions de têtes) est extensif et ses produits mal utilisés. Mais, globalement, la balance agricole est largement excédentaire. Les ressources minières (cuivre, fer, manganèse) sont faibles et peu exploitées; le Sud possède d'importants gisements de pétrole. Les rares industries, implantées à Khartoum et à Port-Soudan, qui sont les princ. centres urbains, traitent les produits agric. Le pays souffre de l'insuffisance des communications; en outre, un conflit armé ravage le Sud et provoque la famine. On compte par centaines de milliers les réfugiés, soudanais en éthiopie et éthiopiens au Soudan. La dette extérieure est énorme (deux fois le P.N.B.). Hist. - La partie nord du pays (anc. Nubie), conquise par les égyptiens (XXe s. av. J.-C.) qui la nommèrent pays de Koush, devint, dès le Ier millénaire av. J.-C., un royaume indépendant (cap. Napata, puis Méroé) qui domina un moment l'égypte (XXVe dynastie, dite "éthiopienne", de 750 à 663 av. J.-C.). Christianisée au VIe s., la Nubie fut lentement occupée par les Arabes. Partiellement islamisée au XVIe s. et divisée en plusieurs états (royaume du Darfour et royaume du Kordofan, notam.) qui vivaient essentiellement du trafic des esclaves, elle fut conquise par les égyptiens (1820 et 1821), qui maîtrisèrent avec l'aide des Britanniques la révolte (1881-1898) du Mahdi (V. Muhammad Ahmad ibn Abdallah), dont les forces furent écrasées (1898) par l'armée de Kitchener près de Khartoum. Cette armée poursuivit sa marche vers le S. jusqu'à Fachoda, où se trouvait la mission française de Marchand; les Français durent évacuer la place. Le condominium anglo-égyptien établi en 1899 sur le Soudan fut rompu en 1951 par l'égypte, dont le roi, Farouk Ier, fut également proclamé roi du Soudan. Avec l'accord de Néguib et de Nasser, le pays choisit l'indépendance (1956). à la dictature militaire du maréchal Abbud (1958-1964) succéda celle du général Nemeyri. En 1973, ce dernier promulgua une Constitution qui instaurait le régime du parti unique et accordait l'autonomie aux prov. révoltées du Sud (cap. Juba). Mais, en 1983, la décision de diviser le Sud en trois régions et la proclamation de la loi islamique déclenchèrent une nouvelle insurrection, tandis que le marasme écon. faisait perdre au régime ses principaux appuis. Renversé en 1985, Nemeyri fut remplacé par un comité militaire. La guerre civile dans le Sud n'en continue pas moins. En juin 1989, après l'échec, face à la guérilla, du gouvernement civil de Sadik al-Mahdi, l'armée a repris le pouvoir, en la personne du général Omar Hassan el-Bechir. La mise en application de la loi islamique en 1991 a confirmé que les militaires putschistes cherchent une légitimité dans l'islam (alliance avec le Front national islamique soutenu par moins de 25 % des électeurs aux élections de 1986). Privé de son tuteur irakien depuis la guerre du Golfe, le pouvoir soudanais s'est appuyé sur la Libye et sur l'Iran pour lancer, en 1992, une puissante offensive contre la guérilla sudiste. En 1996, les élections ont vu le succès du président el-Bechir (candidat unique). En 1997, un accord de paix entre le gouvernement et une partie des rebelles du Sud n'a pas réglé le conflit, alors que l'Alliance nationale démocratique, qui regroupe neuf organisations anti-islamistes, accroît son pouvoir et bénéficie de l'appui des voisins du Soudan.
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Soudan
nom donné autref. à la région naturelle située au S. de l'égypte et du Sahara. Cette région semi-désertique s'étend de la mer Rouge (désert de Nubie), à l'E., jusqu'à la Guinée, à l'O. Auj., la seule partie orientale porte le nom de Soudan (rép. du Soudan). à l'autre extrémité de cette "bande" se trouvait le Soudan français (la rép. du Mali actuelle).
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Soudan
n. m. HIST Lieutenant général d'un calife.
|| Sultan (s'appliquait surtout au souverain égyptien).

⇒SOUDAN, subst. masc.
Vx. Synon. de sultan. Le soudan d'Égypte; le soudan de Babylone. Mais, eussiez-vous le trésor moins précaire Du prince de Bagdad ou du soudan du Caire, En y puisant (...) Vous en verriez le fond (DUMAS père, Alchimiste, 1839, III, p. 242).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1762. Étymol. et Hist. Av. 1188 soltans, sodans (Partonopeu de Blois, éd. J. Gildea, 4581: li grans soltans de Perse [var. fin XIIe s.: sodant]; p. 446, 637: li sodans); fin XIIe s. soldain (Syracon, éd. E. Stengel ds Rom. Studien, t. 1, p. 402: jusqu'el regne au Soldain); ca 1200 soudanz (JEAN BODEL, Saxons, éd. F. Menzel et E. Stengel, 125: Car XXX rois i ot et XIIII soudanz); ca 1200 soudans, soutain (Godefroy de Bouillon, éd. C. Hippeau, 4102: li soudans; 4108: le soutain). Empr. à l'ar. « pouvoir, domination, autorité; sultan (« le plus haut titre auquel un prince musulman pouvait aspirer » S. SGUAITAMATTI-BASSI, Les Empr. dir. faits par le fr. à l'ar. jusqu'à la fin du XIIIe s., Zurich 1974, p. 90) », cf. sultan. Fréq. abs. littér.:27.

soudan [sudɑ̃] n. m.
ÉTYM. V. 1196; → Sultan.
Vx. Sultan.
HOM. Soudant.

Encyclopédie Universelle. 2012.