arroser [ aroze ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1155; bas lat. arrorare; de ad et lat. class. rorare, de ros, roris « rosée »
1 ♦ Humecter ou plus souvent mouiller en versant un liquide, de l'eau sur. Arroser une terre, des plantes, les fleurs. ⇒ arrosage; arrosoir. Arroser légèrement (de gouttelettes, d'une pluie fine). ⇒ asperger, bassiner, pulvériser, vaporiser. Arroser à grande eau. La pluie « arrosait comme à plaisir cette foule bruyante » (Loti) . ⇒ inonder, mouiller. — Fam. Se faire arroser : se faire mouiller par la pluie. ⇒ doucher, tremper; fam. saucer.
♢ Littér. (Par exagér.) Arroser de larmes. ⇒ inonder, mouiller, tremper.
2 ♦ (1265) Mod. (sujet cours d'eau) Couler à travers. ⇒ traverser. — Spécialt Fertiliser. ⇒ irriguer. Le fleuve « traverse sans l'arroser cette vallée misérable » (Fromentin).
3 ♦ Répandre un liquide sur (un mets) pour en améliorer le goût. Arroser un baba. Arroser le poulet en cours de cuisson, répandre le jus de cuisson sur lui. spécialt Arroser son café, y verser de l'alcool.
4 ♦ Accompagner (un repas, un mets) de boisson alcoolisée. Arroser son repas d'un bon vin. « il avait envie d'huîtres arrosées de vin blanc » (Simenon).
♢ Fam. Fêter (un événement) en buvant et en offrant à boire du vin, de l'alcool. Arroser un succès. On va arroser ça ! Pronom. Ça s'arrose !
5 ♦ (1838) Fig. et fam. Pourvoir (qqn) d'argent, de cadeaux à des fins intéressées. Industriel qui arrose des élus. — Absolt « Les fournisseurs sont obligés d'arroser s'ils veulent vendre » (Le Nouvel Observateur, 1985).
6 ♦ (1922) Arg. milit. Bombarder, mitrailler méthodiquement. Arroser le terrain.
⊗ CONTR. Sécher; assécher, dessécher, drainer.
● arroser verbe transitif (latin populaire arrosare, du latin classique ros, roris, rosée) Mouiller quelque chose, quelqu'un en répandant ou en projetant de l'eau à l'aide d'un instrument : Arroser un trottoir au jet. Mouiller, asperger quelque chose, quelqu'un d'un liquide en le versant sur eux : Arroser le sol contaminé avec un désinfectant. En parlant d'un cours d'eau, irriguer un lieu, y couler : La Seine arrose Paris. Bombarder un lieu, des personnes par une pluie de projectiles : L'aviation a arrosé les lignes ennemies. Accompagner un mets, un repas de tel ou tel vin : Arroser copieusement son déjeuner. Familier. Fêter un événement en offrant à boire : Il faut arroser ce succès. Familier. Corrompre par de l'argent des personnes dont on veut s'assurer l'appui : Il prétendait avoir arrosé des notabilités. Mêler de l'alcool à un café. Répandre du jus, un corps gras ou de la sauce sur une préparation culinaire. ● arroser (expressions) verbe transitif (latin populaire arrosare, du latin classique ros, roris, rosée) Arroser ses créanciers, leur payer de petites sommes, pour les faire patienter. Familier. Se faire arroser, se faire mouiller par la pluie. ● arroser (synonymes) verbe transitif (latin populaire arrosare, du latin classique ros, roris, rosée) Mouiller quelque chose, quelqu'un en répandant ou en projetant de l'eau...
Synonymes :
- asperger
- doucher
- irriguer
- tremper
Contraires :
- assécher
- dessécher
- drainer
- sécher
Mouiller, asperger quelque chose, quelqu'un d'un liquide en le versant sur...
Synonymes :
- asperger
- éclabousser
- inonder
- mouiller
- tremper
Contraires :
- éponger
- essuyer
- étancher
- sécher
En parlant d'un cours d'eau, irriguer un lieu, y couler
Synonymes :
- baigner
- irriguer
Familier. Corrompre par de l'argent des personnes dont on veut s'assurer...
Synonymes :
- acheter
- graisser la patte (familier)
- payer
- soudoyer
arroser
v. tr.
d1./d Humecter (en répandant de l'eau ou un autre liquide). Arroser son jardin.
|| Fam. Se faire arroser: recevoir une pluie violente.
|| Litt Arroser de ses larmes: mouiller de ses larmes.
d2./d Faire circuler de l'eau dans, irriguer. De nombreux canaux arrosent cette plaine.
— Couler à travers, baigner. La Loire arrose la Touraine.
d3./d Fam. Célébrer en buvant. Arroser sa promotion.
d4./d Fig. Arroser l'ennemi de projectiles, le bombarder violemment.
⇒ARROSER, verbe trans.
I.— Emploi trans.
A.— AGRIC., HORTIC. Humecter quelque chose en y répandant de l'eau de manière que la qualité en soit améliorée.
1. Vieilli. Faire circuler de l'eau dans les terres au moyen d'ouvrages fabriqués. Synon. irriguer :
• 1. Derrière ce lieu sont des jardins plantés de divers légumes, et arrosés au moyen de grandes roues qui élèvent les eaux du Rhône et qui les distribuent dans une multitude de rigoles qui s'entrecroisent.
TOEPFFER, Nouvelles genevoises, 1839, p. 469.
— P. métaph., MÉD. Le sang arrose les organes, les tissus.
— Usuel. [Le suj. désigne un cours d'eau, le compl. une région naturelle] Faire circuler ses eaux, couler entre, traverser. Le pays que ce fleuve arrose (Ac.) :
• 2. On se distrayait par les soins que l'on donnait à Châteaubedeau. Ninon l'avait installé dans une jolie chambre d'où la vue s'étendait sur le parc et, au delà, sur les belles prairies qu'arrosent la Loire et la Vienne, mêlées tout près de là.
BOYLESVE, La Leçon d'amour dans un parc, 1902, p. 168.
2. Répandre de l'eau sur quelque chose au moyen d'un instrument approprié. Arroser les fleurs, le jardin, le sol :
• 3. Ces arrosemens seront faits avec de l'eau douce, l'eau de mer étant nuisible à presque tous les végétaux : on les administrera le matin et le soir dans les latitudes chaudes, et avec l'arrosoir à pomme, en manière de petite pluie, qui lave les feuilles et les tiges avant que d'imbiber la terre. Dans les pays froids, au contraire, il faut n'arroser que dans un besoin pressant, choisir l'heure du jour la plus chaude, et verser l'eau avec l'arrosoir à goulot, seulement au pied des plantes qui en auront besoin.
Voyage de La Pérouse, t. 1, 1797, p. 231.
• 4. Il y avait encore, dans ce jardin qui n'était point un parc, toutes sortes de retraites, de bosquets et de gloriettes, comme dans les vieilles propriétés provinciales. Jérôme y allait méditer pendant les heures les plus tièdes. Il revenait en disant : « J'ai mis la main sur la terre. Il faut arroser les semis d'oignons, ou bien la graine est perdue... Les romaines vont monter... Le basilic est bien parti : sa première feuille est formée et commence à sentir bon... »
G. DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Suzanne et les jeunes hommes, 1941, p. 130.
— P. anal., fam.
♦ La journée a été arrosée. Il a plu :
• 5. (11 h. s.) Levé de bonne heure ce matin, j'ai salué le soleil à l'ancien bastion du pin. Il avait beaucoup plu cette nuit, et la journée elle-même a été arrosée à plusieurs reprises.
AMIEL, Journal intime, 1866, p. 455.
♦ Arroser qqn. Jeter de l'eau sur lui.
B.— [Avec fréquemment un compl. prép. de désignant un liquide autre que l'eau] Mouiller en versant abondamment quelque chose dessus. Arroser un objet d'essence :
• 6. Demachy, à tâtons, s'enveloppa maladroitement dans sa couverture, et le visage enfoui dans son mouchoir arrosé d'eau de Cologne, il ne bougea plus. L'odeur se répandit vite dans l'écurie. Le premier, Vairon s'étonna :
— Mais ça pue. Qu'est-ce que c'est que ça?
— Ça sent le coiffeur.
DORGELÈS, Les Croix de bois, 1919, p. 20.
1. [Avec une idée d'amélioration de l'obj. arrosé]
a) GASTR. Arroser une viande, un rôti. Répandre le jus de cuisson sur la viande pour éviter qu'elle se dessèche.
♦ Arroser un gâteau de caramel, de liqueur :
• 7. Jamais ses filles [de Vatard] n'avaient été dans un état semblable. L'aînée, qui avait découché, l'avant-veille, et qui, pour se reposer des ébats de ses jambes, avait travaillé des bras, pendant toute la nuit, arrosait le rôti d'une main tremblante, versait la sauce à côté du plat, s'aspergeait de graisse depuis le col jusqu'aux bottines.
HUYSMANS, Les Sœurs Vatard, 1879, p. 36.
b) En partic.; fam. [Le liquide est un alcool]
— [L'obj. désigne une consommation]
♦ Arroser un café. Y verser un alcool :
• 8. Au Piche-Hère ils vont manger et boire jusqu'à l'aube. Et d'abord le foie de l'animal grillé, un poulet sauté aux oignons, une cuisse d'oie et sa salade frisée; et puis des crêpes, et du café arrosé d'armagnac versé dans la tasse.
PESQUIDOUX, Chez nous, t. 2, 1923, p. 11.
♦ Arroser un repas [d'une boisson]. L'accompagner d'un bon vin ou de toute autre boisson :
• 9. ... j'avais été atrocement malade; il me semblait que rien ne serait assez bon pour me guérir. J'ai choisi la meilleure chambre dans le meilleur hôtel; me suis fait monter un repas que j'arrosai de champagne.
GIDE, Journal, 1929, p. 910.
— P. ext. [L'obj. dir. désigne un événement heureux] (Le) fêter en offrant à boire. Arroser des galons, une naissance, une promotion (cf. infra emploi pronom.).
— Arg. [L'obj. désigne un aspect de la pers. suj.] Arroser l'avaloir, sa soif. Se désaltérer, boire :
• 10. Mais les autres, Boche, Gaudron, Bibi-la-Grillade, surtout Mes-Bottes, très allumés tous les quatre, ricanèrent, la langue épaissie, ayant une sacrée coquine de soif, qu'il fallait pourtant arroser.
ZOLA, L'Assommoir, 1877, p. 457.
2. [Avec une idée de peine phys. ou mor.] Arroser un objet de pleurs, de sang :
• 11. Je vis Célanire se lever, me tendre les bras, et retomber sur le banc... Je m'élançai vers elle, je me prosternai à ses pieds, je saisis ses mains tremblantes et glacées, je les arrosai de mes pleurs; l'état de saisissement où je la voyois me pénétroit d'un remords si déchirant, qu'il m'élevoit au-dessus de moi-même...
Mme DE GENLIS, Les Chevaliers du Cygne, t. 1, 1795, p. 154.
— Loc. fig. Arroser son pain de ses larmes. Vivre dans la misère et la douleur (Ac. 1835-1932).
— P. métaph. Arroser un travail de sa sueur :
• 12. Telle est l'histoire du blé. La seule qui soit intimement liée aux annales de l'humanité. Toute race est tributaire de l'humble grain, et l'épi ne mûrit qu'arrosé de sueur. Nos paysans portent un amour attendri au blé immortel, contemporain de toutes les générations, et l'appellent « lou praou blat », le pauvre blé, dans le sens du fidèle et du doux fruit.
PESQUIDOUX, Chez nous, t. 1, 1921, p. 146.
C.— [Avec, explicite ou implicite, un compl. prép. de désignant un obj. non liquide] Pourvoir abondamment quelque chose ou quelqu'un.
1. P. métaph. :
• 13. ... et c'était lui le criminel. De nouveau appuyé à un portant, dans l'ombre, il dévisageait ses juges, et il pensait avec stupeur : « Voilà ce que j'ai fait! C'est moi! » Un an avait passé; le soleil d'août écrasait encore le village squelette mais des croix avaient poussé sur les fosses, on les arrosait de discours, ...
S. DE BEAUVOIR, Les Mandarins, 1954, p. 363.
2. Par euphémisme; fam.
a) [Ce dont on pourvoit est une somme d'argent]
— JEUX. Arroser le tapis. ,,Lorsque la règle du jeu l'exige, verser de l'argent à chacun des autres joueurs.`` (FRANCE 1907).
Rem. Attesté dès Ac. 1798.
— Arroser qqn. Lui donner une somme d'argent dans un but intéressé. Arroser ses créanciers. Synon. acheter, graisser la patte :
• 14. Le marché des jeux, basé sur la tolérance policière, était le champ ouvert aux compensations faciles. En attendant, il ne fallait donner aucune occasion à la police d'intervenir. Arroser la brigade des jeux. Se tenir coi. Et puis voir : peut-être pouvait-on avoir sur quelques personnalités importantes des renseignements précieux.
ARAGON, Les Beaux quartiers, 1936, p. 424.
— Absol., FIN. [Le suj. désigne un actionnaire, une pers. intéressée dans une entreprise] Subvenir à une dépense imprévue en la finançant. Il nous en a coûté autant pour arroser que pour la première mise (Ac. 1835-1932).
b) ARM. [L'obj. dir. désigne un endroit, un rassemblement de pers., etc.] Bombarder, mitrailler d'une façon intense et continue :
• 15. — Ils ont l'air d'avoir un peu allongé le tir. Ils arrosent du côté de Champneuville et de la Wavrille, du côté de votre P. C. justement.
J. ROMAINS, Les Hommes de bonne volonté, Verdun, 1938, p. 53.
II.— Emploi pronom.
A.— Emploi pronom. à valeur passive. Être arrosé. Les fleurs doivent s'arroser :
• 16. ... Aux pieds de son époux elle avait déposé
Ce fruit tombé du cœur et de pleurs arrosé.
« Tiens, avait-elle dit, cache-les; l'heure presse :
La mort les cueillerait jusque sous ma caresse,
Pour leurs lèvres déjà tout mon sang blanc coulait;
Mais il faut que le roc s'arrose de mon lait,
Et que de ton troupeau la plus douce gazelle,
Écartant son petit, leur laisse sa mamelle ».
LAMARTINE, La Chute d'un ange, 1838, p. 890.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe s., de BESCH. 1845 à Nouv. Lar. ill.
— Fam. [Avec une idée d'obligation mor.] Cela s'arrose. Cet (heureux) événement doit être fêté en offrant à boire :
• 17. — (...) je t'ai attendu pour fêter ça... Oui, ils me l'ont tout de même donnée, ma ficelle... Deux mois peut-être avant de me fendre l'oreille, mais ça s'arrose tout de même!
Cela s'arrosa le soir, dans la salle d'école que ses mitrailleurs, avec amour, avaient décorée de guirlandes et de petits drapeaux de papier. Ils y avaient même traîné un piano.
VERCEL, Capitaine Conan, 1934, p. 143.
B.— Emploi réfl.
1. Réfl. indir., arg. S'arroser la dalle [= « le gosier »]. Boire (cf. A. DELVAU, Dict. de la lang. verte, 1866).
2. Réfl. dir. Se faire arroser. Se faire mouiller par la pluie.
PRONONC. ET ORTH. — 1. Forme phon. :[], j'arrose []. BARBEAU-RODHE 1930 note une durée mi-longue pour la 2e syllabe de l'inf.; GATTEL 1841 une durée longue pour la 1re syllabe. 2. Forme graph. :FÉR. 1768 note que le mot ,,s'écrit avec deux rr [mais] se prononce avec une seule``. FÉR. Crit. t. 1 1787 propose la graph. aroser avec un seul r. FÉR. Crit. t. 1 1787 ainsi que GATTEL 1841 ajoutent que r se prononce ,,forte``.
ÉTYMOL. ET HIST. — 1. Début XIIe s. « humecter, asperger d'un liquide » (Psaumes, éd. Fr. Michel ds Bartsch, La lang. et la litt. fr. dep. le IXe jusqu'au XIVe s., 1887, col. 57, 26); 2. 1265 « baigner, traverser » (en parlant d'un fleuve) (BRUNET LATIN, Trésor, éd. Chabaille, 153 ds T.-L. : un flum qui arouse et baigne toute la terre de Egypte); 3. a) 1719 part. passé adj. « accompagné de vin ou d'alcools » (SAINT-SIMON, Mémoires ds Dict. hist. Ac. fr. : La grossesse [de la duchesse de Berry] vint à terme, et ce terme mal préparé par les soupers continuels, fort arrosés de vins et de liqueurs les plus fortes, devint orageux et promptement dangereux); b) 1828 fam. « fêter en buvant » (Mém. de Vidocq ds ESN. : [ce 21 octobre 1792, pour] arroser mes galons [de caporal]).
Empr. au lat. vulg. arrosare (EWFS2; FEW t. 1, 147b) de adrorare (avec réfection sur le nomin. du subst. ros, roris « rosée » dont il est dérivé) attesté au sens 1 (MARCELLUS EMPIRICUS, Med. 34, 71 ds TLL s.v., 655, 50).
STAT. — Fréq. abs. littér. :1182. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 2480, b) 1832; XXe s. : a) 1 412, b) 1 079.
BBG. — ESN. 1966. — FRANCE 1907. — LARCH. 1880. — NOTER-LÉC. 1912. — PLAIS.-CAILL. 1958. — SANDRY-CARR. 1963.
arroser [aʀoze] v. tr.
ÉTYM. 1155, « humecter »; du bas lat. arrorare, de ad, et lat. class., rorare originellement « répandre en rosée » (ros, roris).
❖
A Répandre un liquide sur…
1 Vx. Humecter, asperger (les végétaux, la terre) d'un liquide en fines gouttelettes (comme le fait la rosée).
1 Comme on voit sur la branche au mois de mai la rose (…)
Quand l'aube de ses pleurs au point du jour l'arrose (…)
Ronsard, les Amours de Marie, II, 4.
REM. Ce sens est aujourd'hui inclus dans le sens 3, mais les exemples des XVIe-XVIIe s. ne sont plus compris dans leur valeur originelle. Il en va de même pour les emplois métaphoriques, qui jouent de manière ambiguë sur les sens 1 et 2, l'élément de sens commun étant « fertiliser ».
2 Ce champ si glorieux où vous aspirez tous,
Si mon sang ne l'arrose, est stérile pour vous.
Racine, Iphigénie, V, 2.
2 (1265). Mod. (Le sujet désigne un cours d'eau). Faire couler ses eaux, de manière à fertiliser. || Ce fleuve arrose un vaste bassin. || Les prairies qu'arrose la rivière.
3 (Tircis) Chantait un jour le long des bords
D'une onde arrosant des prairies (…)
La Fontaine, Fables, X, 10.
3.1 Ce dernier fleuve, dans un cours de plus de mille lieues, arrose une délicieuse contrée que les habitants des États-Unis appellent le nouvel Eden, et à laquelle les Français ont laissé le doux nom de Louisiane.
Chateaubriand, Atala, Prologue.
♦ Spécialt. Fertiliser (en parlant des eaux). ⇒ Irriguer.
4 (le fleuve) traverse sans l'arroser cette vallée misérable et dévorée de soif.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, p. 40.
♦ Par anal. Vieilli. (Sujet n. de personne). Irriguer, faire circuler de l'eau dans (les terres) pour fertiliser (Töpffer, in T. L. F.).
3 Mod et cour. Répandre de l'eau sur (la terre, les végétaux) de manière à améliorer la pousse. || Arroser des arbres, des arbustes, des plantes en pot, des fleurs. ⇒ Arrosage. || Il faut arroser le jardin, le potager. || Arroser des fleurs avec un arrosoir. || Arroser les parterres à la lance, au jet. || Arroser une plante légèrement (→ ci-dessus, 1.). — Absolt. || Il faut arroser tous les jours. || Il ne faut pas arroser en plein soleil. || Tu as oublié d'arroser : tout est grillé !
♦ (Sujet n. du liquide : eau, pluie, etc.). || La pluie, l'orage n'a pas suffisamment arrosé.
4 Par ext. Répandre un liquide sur (qqch.) de manière à mouiller. || Arroser qqch., qqn. || Arroser qqch. à grande eau (⇒ Baigner, doucher, inonder, laver, tremper), légèrement, de gouttelettes. ⇒ Asperger, bassiner, pulvériser, seringuer, vaporiser. || Arroser les voies publiques. ⇒ Arroseur. || Arroser (qqch., qqn) d'eau bouillante. ⇒ Ébouillanter. — Arroser qqch. de (un liquide autre que l'eau). || Arroser d'huile (⇒ Huiler), de vin, d'urine (⇒ Compisser), etc. || Arroser un objet d'essence et y mettre le feu. || Arroser son mouchoir d'eau de Cologne.
4.1 Quand elle se présenta, la servante ne vit que son dos. Il était enfoui dans la cheminée, un foulard noué autour de la tête.
— Je vas arroser avec un peu d'eau, dit-elle.
— De l'eau ? Pourquoi faire ? On arrose avec ça !
Et, sans se détourner, il jeta en éventail, derrière lui, sur le sol battu, ce qu'il avait pissé dans son pot de chambre.
J. Renard, Journal, 25 janv. 1893.
♦ (Avec un compl. abstrait).
4.2 C'est incroyable !… on se donne la peine d'élever une fleur… pour soi tout seul… on la cultive, on la protège, on l'arrose de petits soins… de gants à vingt-neuf sous, de robes à huit francs le mètre… on lui apprend l'anglais, à cette fleur (…)
E. Labiche, Mon Isménie, 2.
♦ Spécialt. || Arroser qqn, jeter de l'eau sur lui. || Les gosses arrosent les passants avec des bombes à eau. || Arrête de nous arroser !
♦ (Sujet n. du liquide). Mouiller en se répandant. — Spécialt. || La pluie, l'orage, l'ondée va nous arroser copieusement. ⇒ Mouiller, tremper. || On a failli se faire arroser (par la pluie). ⇒ Doucher, saucer (fam.).
5 La pluie tombait fine, froide (…) elle arrosait comme à plaisir cette foule bruyante du dimanche (…)
Loti, Mon frère Yves, III.
5 Par métaphore. (Selon la référence de la figure aux sens originels 1 et 2, les exemples classiques évoquent un écoulement léger ou abondant). Vx ou littér. Répandre (un liquide naturel : larmes, sueurs, sang) de manière pénible, douloureuse. a Arroser (qqn, son visage, ses yeux, qqch.) de larmes, de pleurs. ⇒ Inonder, mouiller, tremper. || Arroser son pain de larmes : vivre dans la misère et la peine.
6 Prosternée aux pieds de Jésus-Christ, elle les arrosa de ses larmes, elle les essuya de ses cheveux (…)
Bourdaloue, Respect humain, 2e avent.
7 De larmes tous les jours ses yeux sont arrosés (…)
Racine, Iphigénie, III, 4.
8 J'arrosai son visage d'un torrent de larmes (…)
Fénelon, Télémaque, IV.
9 J'avais beau vouloir faire bon visage au réveillon, tout ce que je mangeais s'arrêtait à ma gorge et malgré mes efforts pour être calme, j'arrosais mon pâté de larmes silencieuses.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, p. 357.
b (Avec l'idée de fertilisation; → aussi ci-dessus, cit. 2). || Arroser de sang. ⇒ Verser (son sang). || Arroser l'autel du sang de la victime qu'on immole.
10 (Je le vois) Du sang des Africains arroser ses lauriers.
Corneille, le Cid, II, 5.
♦ Vx. || Arroser (le sol, la terre…) de sa sueur : travailler la terre, faire pousser des végétaux par un travail pénible.
11 C'est qu'ils aiment ce sol arrosé de leurs sueurs, c'est que le vrai paysan meurt de nostalgie sous le harnais du soldat loin du champ qui l'a vu naître.
G. Sand, la Mare au diable, II, p. 24.
6 Répandre un liquide sur (un mets, une chose comestible) pour en améliorer le goût. — Spécialt. Répandre le jus de cuisson sur (une viande).
12 L'aînée, qui avait découché (…) arrosait le rôti d'une main tremblante, versait la sauce à côté du plat, s'aspergeait de graisse (…)
Huysmans, les Sœurs Vatard, p. 36.
B Spécialt (le liquide étant l'alcool).
1 Fam. Verser de l'alcool dans (une boisson chaude). || Arroser son café. → Arrosé, ci-dessous (4.).
12.1 Pierrot fit un brin de toilette et descendit boire son café qu'il fit arroser : une habitude qu'il avait prise.
R. Queneau, Pierrot mon ami, p. 173.
2 Fig. Accompagner (un mets, un plat, un repas) de boisson alcoolisée (notamment, de vin).
13 Il arrosa le tout d'une bouteille de vin et d'une carafe d'eau, après quoi il se reposa.
A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût.
13.1 (…) un insuffisant petit poulet, arrosé de pinard sur une table vite dressée (…)
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 718.
♦ Vieilli. || Arroser sa soif, l'éteindre en buvant de l'alcool.
3 Fig. et fam. Fêter (un événement, une occasion) en buvant et en offrant à boire du vin, de l'alcool. || Arroser ses galons : boire à l'occasion d'une promotion militaire. || On va arroser ça !
14 — Eh bien, Kermadec, dit-il, on va les arroser, ces galons ? (…) Ce n'était pas de l'eau du ciel que voulait parler ce vieux maître; car, sous ce rapport-là, l'arrosage était assuré. Non, en marine, arroser des galons signifie se griser pour leur faire honneur le premier jour où on les porte.
Loti, Mon frère Yves, III, p. 16.
♦ Par ext. || Ça s'arrose !, se dit d'une manière plaisante pour inviter à fêter un succès. ⇒ Arrosage (B.).
15 Dis donc, Soubeyrac, dit Pauphilet, mes félicitations ! Je ne t'ai pas encore vu depuis que t'es officier d'état-major.
— Ta gueule, dit Soubeyrac, tendrement.
— En tout cas, t'es officier monté. Ça s'arrose !
Armand Lanoux, le Commandant Watrin, p. 131.
C Fig.
1 (1838). Pourvoir abondamment (qqn) d'argent (en général de manière illicite, pour obtenir un avantage anormal…). || Arroser qqn. — Absolt. || Ce candidat a dû beaucoup arroser pour se faire élire. ⇒ Distribuer, verser (de l'argent).
♦ (Sans péjoration). Subvenir à une dépense imprévue. ⇒ Financer. || « Il nous en a coûté autant pour arroser que pour la première mise » (Académie).
2 (1922). Argot milit. puis fam. Bombarder, mitrailler méthodiquement. || Arroser le terrain. ⇒ Arrosage (C., 2.), arrosoir (B., 2.).
16 Et puis, plus tard, quand les Allemands ont commencé à se débiner, les Anglais sont venus arroser toute la ligne de chemin de fer.
Jean Ferniot, Pierrot et Aline, p. 154.
17 Aussitôt, notre tir se calme. Il n'y a que nos mitrailleuses (…) qui continuent d'arroser le terrain.
Drieu La Rochelle, la Comédie de Charleroi, p. 217.
——————
arrosé, ée p. p. adj.
ÉTYM. (V. 1350).
1 Mouillé par l'arrosage. ☑ L'arroseur arrosé.
2 Géogr. Qui reçoit des précipitations. — À travers quoi coule un cours d'eau. || Des régions bien arrosées.
3 Un repas bien arrosé, au cours duquel on a beaucoup bu d'alcool.
❖
CONTR. Assécher, dessécher, drainer, sécher.
DÉR. Arrosable, arrosage, arrosement, arroseur, arrosoir.
Encyclopédie Universelle. 2012.