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chagrin

1. chagrin, ine [ ʃagrɛ̃, in ] adj.
• fin XIVe; p.-ê. de 1. chat et grigner
1Vieilli Qui est rendu triste par un événement fâcheux. affligé, attristé, peiné . J'en suis fort chagrin.
2Littér. Qui est ordinairement d'un caractère triste, morose. bilieux, maussade, 1. morose, sombre. Un esprit chagrin. Par ext. Avoir l'air chagrin. Il est d'humeur chagrine.
⊗ CONTR. Enjoué, gai, jovial, joyeux, réjoui. chagrin 2. chagrin [ ʃagrɛ̃ ] n. m.
• 1450; de 1. chagrin
1Vx (au XVIIe) Irritation (contre qqn, qqch.); humeur maussade, chagrine. « Quel chagrin vous possède ? Quelle mauvaise humeur te tient ? » (Molière).
2Mod. Le chagrin : état moralement douloureux. ⇒ affliction, douleur, 3. mal, peine, souffrance, tristesse. Avoir, ressentir du chagrin, beaucoup de chagrin. « tout abattu de chagrin » (Sand).
3Un chagrin : peine ou déplaisir causé par un événement précis. ⇒ contrariété, déboire, déception, ennui. Éprouver un grand, un terrible chagrin. Chagrin d'amour. Chagrin d'enfant. Un gros chagrin. « à la maison quand j'avais quelques petits chagrins » (Sainte-Beuve).
⊗ CONTR. Gaieté, joie, 1. plaisir. chagrin 3. chagrin [ ʃagrɛ̃ ] n. m.
sagrin 1606; turc sâgri
Cuir grenu, fait de peau de mouton, de chèvre, d'âne, de mulet ou de cheval. Livre relié en plein chagrin. Peau de chagrin.

chagrin nom masculin (de chagrin) État de déplaisir, de peine, d'affliction : Avoir du chagrin.chagrin nom masculin (du turc şağrı, sous l'influence de chagrin) Peau de chèvre de tannage végétal à grain naturel très apparent. Cuir de requin, couvert de denticules abrasifs. ● chagrin (citations) nom masculin (de chagrin) Honoré de Balzac Tours 1799-Paris 1850 Les vieillards sont assez enclins à doter de leurs chagrins l'avenir des jeunes gens. La Femme de trente ans Honoré de Balzac Tours 1799-Paris 1850 Il n'est pas de créature qui n'ait plus de force pour supporter le chagrin que pour résister à l'extrême félicité. Les Secrets de la princesse de Cadignan Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux Paris 1636-Paris 1711 Le chagrin monte en croupe, et galope avec lui. Épîtres Gaston Arman de Caillavet Paris 1869-Essendiéras, Dordogne, 1915 et Robert Pellevé de La Motte-Ango, marquis de Flers Pont-l'Évêque 1872-Vittel 1927 Académie française, 1920 Nos femmes ne se doutent pas combien le chagrin que nous leur faisons peut nous les faire aimer davantage. L'Amour veille Librairie théâtrale Jean-Pierre Claris de Florian Sauve, Gard, 1755-Sceaux 1794 Académie française, 1788 Plaisir d'amour ne dure qu'un moment Chagrin d'amour dure toute la vie. Romance extraite de Célestine (musique de Jean-Paul Martini) Julien Green Paris 1900-Paris 1998 Académie française, 1971 Intempérance affreuse de la jeunesse qui n'a de chagrin qu'elle ne s'en soûle. Minuit Plon Michel Leiris Paris 1901-Saint-Hilaire, Essonne, 1990 Tout le chagrin du monde dans une seule coupe de vin. Fibrilles Gallimard Jean-Baptiste Massillon Hyères 1663-Beauregard-l'Évêque, Puy-de-Dôme, 1742 Académie française, 1719 La source de nos chagrins est d'ordinaire dans nos erreurs. Sermons, Sur le bonheur des justes Marcel Pagnol Aubagne 1895-Paris 1974 Telle est la vie des hommes. Quelques joies, très vite effacées par d'inoubliables chagrins. Il n'est pas nécessaire de le dire aux enfants. Le Château de ma mère Pastorelly Marcel Proust Paris 1871-Paris 1922 Le bonheur est salutaire pour les corps, mais c'est le chagrin qui développe les forces de l'esprit. À la recherche du temps perdu, le Temps retrouvé Gallimard Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Du chagrin le plus noir elle écarte les ombres, Et fait des jours sereins de mes jours les plus sombres. Esther, II, 7, Assuérus Henri Beyle, dit Stendhal Grenoble 1783-Paris 1842 On ne se console pas des chagrins, on s'en distrait. Armance al-Amoli mort en 1626 Toutes les bouches ne savent pas savourer le chagrin. William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Chagrins qui chantent faux sont pires Que prêtres et temples menteurs. For notes of sorrow out of tune are worse Than priests and fanes that lie. Cymbeline, IV, 2, Guiderius William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Le chagrin, ce ver rongeur de la beauté. Grief — that's beauty's canker. La Tempête, I, 2, Prospero chagrin (synonymes) nom masculin (de chagrin) État de déplaisir, de peine, d'affliction
Synonymes :
- déplaisir
- désolation
- douleur
- peine
- tourment
- tristesse
Contraires :
- allégresse
- bonheur
- contentement
- joie
- plaisir
- satisfaction
chagrin (expressions) nom masculin (du turc şağrı, sous l'influence de chagrin) Peau de chagrin, qui se réduit, rétrécit de plus en plus. ● chagrin, chagrine adjectif (de chagriner) Littéraire Qui éprouve du déplaisir, de la tristesse ; qui manifeste ce sentiment : Il paraissait tout chagrin. Visage chagrin. Qui est porté au mécontentement, à la mélancolie : Des esprits chagrins.chagrin, chagrine (synonymes) adjectif (de chagriner) Littéraire Qui éprouve du déplaisir, de la tristesse ; qui manifeste ce...
Synonymes :
- affecté
- affligé
- attristé
- chagriné
- contrarié
- dépité
- désolé
- ennuyé
- maussade
- morne
- morose
- navré
- peiné
- terne
- triste
Contraires :
- clair
- content
- enchanté
- gai
- heureux
- radieux
- ravi
- rayonnant
- satisfait
Qui est porté au mécontentement, à la mélancolie
Synonymes :
- bilieux
- bougon
- grincheux
- grognon (familier)
- revêche
- sombre
Contraires :
- allègre
- enthousiaste
- gai
- guilleret
- jovial
- optimiste

chagrin, ine
adj. Litt. Qui est porté à la tristesse; qui manifeste de la tristesse. Humeur chagrine.
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chagrin
n. m.
d1./d Cuir à surface grenue, préparé à partir de peaux de chèvre ou de mouton, utilisé pour les reliures.
d2./d Loc. Peau de chagrin: se dit d'une chose qui se réduit, se rétrécit régulièrement, par allus. au roman de Balzac, la Peau de chagrin (1831).
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chagrin
n. m.
d1./d Peine morale, affliction. Il a du chagrin.
d2./d Peine due à une cause précise. Chagrin d'amour.

I.
⇒CHAGRIN1, subst. masc.
PEAUSSERIE
A.— Espèce de cuir grenu, préparé avec la peau de la croupe du mulet, de l'âne ou du cheval et utilisé en reliure et en maroquinerie de luxe. Peau de chagrin; étui, gaine de chagrin; livre relié en plein chagrin, en demi-chagrin. Sur ses genoux [du sous-préfet] repose une grande serviette en chagrin gaufré (A. DAUDET, Lettres de mon moulin, 1869, p. 131). Des cahiers reliés en toile blanche, en chagrin noir, en maroquin Lavallière et dorés sur tranche (A. FRANCE, La Vie en fleur, 1922, p. 402).
Fam., péj. Une peau de chagrin. Une peau rêche. Les joues de Ragotte, de la vraie peau de chagrin. Elle a tant pleuré! (RENARD, Journal, 1907, p. 1126).
B.— [P. allus. à La Peau de chagrin, roman de Balzac] Se rétrécir, diminuer comme une peau de chagrin. Progressivement et jusqu'à disparition complète. Il m'apparut à cet instant que ma liberté s'était rétrécie d'un coup comme cette peau de chagrin dont j'avais lu l'histoire (P. VIALAR, La Mort est un commencement, Le Petit jour, 1947, p. 96).
Au fig. C'est une peau de chagrin, cela fait peau de chagrin. Cela rétrécit de plus en plus :
1. On voit que le contour de notre domaine de liberté est fort changeant. J'ai grand peur que son aire n'ait fait que se rétrécir depuis un demi-siècle. C'est une peau de chagrin.
VALÉRY, Regards sur le monde actuel, 1931, p. 73.
2. Pourtant cette maison a perdu (...) ce vicinal empire de chemins et de sentiers qui se ramifiaient sur cent journaux de terre. Le domaine de jadis (...) a fait peau de chagrin.
H. BAZIN, Qui j'ose aimer, 1956, p. 18.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Fin du XVIe s. peau de sagrin (J. PALERNE, Pérégrinations, Lyon, 1606, p. 315 cité par König ds Fr. mod., t. 9, 1941, p. 134), forme isolée; 1648 peau de chagrain (B. DE MONCONYS, J. des voyages de Monsieur B. de Monconys, Lyon, 1666, t. 1, p. 359, cité par König, ibid.); 1655 chagrin (P. BOREL, Trésor de recherches et antiquitez gauloises et françoises, Paris, 1655, s.v. chagrain). Graphies concurrentes chagrain et chagrin aux XVIIe et XVIIIe s. Empr. au turc « croupe d'un animal, la peau qu'on en prépare » (FEW t. 19, p. 149a, LOK n° 1760). L'altération de s en ch est prob. due à l'infl. de chagrin2.
DÉR. Chagriner, verbe trans. dir. Préparer une peau d'âne, de chèvre ou de mulet pour la rendre grenue, la transformer en chagrin. Chagriner une peau. Ces livres à fermoirs, dont le carton est de bois, dont le maroquin est chagriné (BALZAC, Œuvres diverses, t. 2, 1850, p. 23). []; (je) chagrine []. 1res attest. a) 1692 adj. chagriné (TOURNEFORT, Mém. de l'Ac. des Sc., p. 124 cité par Delb. ds QUEM.); b) 1784 verbe chagriner (BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Ét. de la nature, Paris, Beaujouan, t. 2, p. 12); a de chagrin1, suff. ; b de chagrin1, dés. -er. Rem. On rencontre ds la docum. le part. passé, adj. chagriné, ée, p. anal. Grenu comme le chagrin. Papier chagriné. Qui a l'aspect grenu du chagrin (cf. MOREAU-VAUTHIER, La Peint., 1933, p. 109). Touffes de germandrée au feuillage chagriné (G. SAND, Impressions et souvenirs, 1873, p. 358). De ces volumes que l'on ne se figure reliés qu'en basane racine ou en basane chagrinée, noire (HUYSMANS, Là-bas, t. 1, 1891, p. 167). La peau chagrinée de nos tantes (S. DE BEAUVOIR, Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958, p. 162). Emploi subst. rare. Et là-dessus [sur le bronze] une dorure mate imitant le chagriné de la feuille (E. DE GONCOURT, La Maison d'un artiste, 1881, p. 17). Fréq. abs. littér : 4.
BBG. — BARBIER (P.). Noms de poissons. Notes étymol. et lexicogr. 7. R. Lang. rom. 1915, t. 58, pp. 293-294. — GOHIN 1903, p. 377. — LE BRETON GRANDMAISON. Comment parlent les relieurs. Vie Lang. 1961, pp. 433-437.
II.
⇒CHAGRIN2, INE, adj.
A.— Vieilli. Qui éprouve du chagrin, de la peine, qui est rendu triste pour une cause précise. Synon. affligé, attristé, contrarié, désolé, peiné, triste. Anton. gai, content, joyeux :
1. ... le bon vieux Robin mourut. Quand la nouvelle en vint dans le village, Zoé en fut aussi chagrine que si elle eût perdu son père. Elle s'enferma plus de deux mois pour le pleurer tout à son aise.
Mme DE GENLIS, Les Chevaliers du Cygne, t. 1, 1795, p. 93.
2. Le mercredi matin, Sara se montra plus chagrine que jamais : son âme était navrée de douleur, son cœur gonflé d'indignation contre sa mère et contre moi.
RESTIF DE LA BRETONNE, M. Nicolas, 1796, p. 164.
B.— Littéraire
1. [En parlant du caractère, du tempérament, du genre de vie] Qui est enclin à la mauvaise humeur, à la morosité. Un esprit chagrin; une humeur chagrine; une vieillesse chagrine. Synon. bougon, bourru, maussade, mélancolique, morose, pessimiste. Les bourrasques et les sautes d'humeur d'un caractère inquiet, mécontent, chagrin (E. et J. DE GONCOURT, Charles Demailly, 1860, p. 13). Alceste est un personnage comique, un esprit chagrin dont la maussaderie est exagérée pour provoquer le rire (ZOLA, Nos auteurs dramatiques, 1881, p. 12).
Emploi subst., rare. Les Caustiques, les Chagrins sont des malades d'esprit, disait-il souvent (RESTIF DE LA BRETONNE, La Vie de mon père, 1779, p. 265).
P. méton. Dont les principes procèdent d'une telle humeur. Un philosophe chagrin; une morale chagrine.
2. P. anal. et/ou au sens factitif. Qui rend triste ou maussade, qui engendre la mélancolie, l'ennui. Un ciel chagrin; une couleur chagrine. Anton. gai, riant, clair. Ô ciel chagrin! arbres, terre! ombre, soirée pluvieuse (CLAUDEL, Tête d'Or, 2e version, 1901, 1re part., p. 172). Elle [Alice] ... offrait à la lumière chagrine et douce ses cheveux lisses qui miraient le ciel cotonneux (COLETTE, Duo, 1934, p. 151).
Rem. Qq. dict. (BESCH. 1845, Lar. 19e, Lar. 20e, LITTRÉ et GUÉRIN 1892) enregistrent l'adv. chagrinement, ,,d'une manière chagrine`` et notent que le mot est vx ou inusité.
Prononc. et Orth. :[], fém. [-in]. Ds Ac. 1694-1932.
III.
⇒CHAGRIN3, subst. masc.
A.— Souffrance morale, déplaisir dont la cause est un événement précis. Chagrin d'amour; un gros chagrin; éprouver un chagrin. Synon. affliction, douleur, peine. Anton. bonheur, félicité, joie, plaisir. Petits chagrins d'argent (BALZAC, Les Illusions perdues, 1843, p. 600) :
1. Quel chagrin pèse donc sur ta tête abattue?
À quel puits de douleur tes yeux puisent-ils l'eau?
T. GAUTIER, Poésies, 1872, p. 216.
2. ... elle l'avait vu [M. Rambaud] entrer un soir, les yeux rouges, brisé par un grand chagrin : son frère, l'abbé Jouve, était mort. À son tour, elle l'avait consolé.
ZOLA, Une Page d'amour, 1878, p. 1088.
3. Les flammes ont dévoré
La maison où je suis né
Pour distraire mon chagrin
J'ai pris ma barque de bois peint
J'ai pris ma flûte sculptée
Alors la lune attristée
D'un nuage s'est voilée...
CLAUDEL, Poésies diverses, La Maison dans le cœur (chinois), 1952, p. 913.
P. méton. Manifestation de cette souffrance, souvent au pluriel :
4. Sa poitrine se gonfla, ses yeux se mouillèrent, et elle éclata en sanglots. C'était un de ces chagrins naïfs et désordonnés comme en ont les enfants, un orage de larmes qui menaçait de ne plus s'arrêter.
THEURIET, Le Mariage de Gérard, 1875, p. 214.
SYNT. Faire, causer, donner du chagrin; consoler un chagrin; ravaler, confier son chagrin; apprendre avec chagrin; se consumer, mourir de chagrin; un amer, immense, profond, vif, grand chagrin; un chagrin cuisant, mortel, secret, violent; un chagrin d'enfant; de longs, de petits chagrins; chagrins domestiques, de fortune; les chagrins de la vie; accablé, malade, fou de chagrin; rongé par le chagrin; le cœur gonflé de chagrin.
Loc. vieillie. Faire chagrin. Faire du chagrin, de la peine. Anton. faire plaisir. Les quitter [les livres] me fait chagrin, les emporter est difficile; ne pas les quitter est le mieux (E. DE GUÉRIN, Journal, 1835, p. 69).
Loc. fam. Noyer son chagrin. S'enivrer. Ils ont éventré les barriques Ils ont noyé leur chagrin dans le vin (PRÉVERT, Paroles, La Batteuse, 1946, p. 204).
B.— Littér. État de tristesse profonde. Est-ce donc vrai qu'il y a des gens qui meurent de chagrin? (DRUON, Les Grandes familles, t. 2, 1948, p. 123) :
5. Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l'existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d'une aile vigoureuse
S'élancer vers les champs lumineux et sereins!
BAUDELAIRE, Les Fleurs du Mal, Élévation, 1857-61, p. 16.
6. Il ne lui restait plus [à Jeanne] qu'une mélancolie attendrie, comme un voile de chagrin jeté sur sa vie.
MAUPASSANT, Une Vie, 1883, p. 183.
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Adj. 1389 chagrine paresce (JEAN PETIT, Livre du champ d'or, 1197, Le Verdier cité par Delboulle ds R. Hist. litt. Fr., t. 4, p. 301); 2. subst. 1450 « peine, affliction » (Mist. Viel Testament, XIX, 11866, II, 130 ds IGLF : J'ay un grant chagrin en la teste); 1534 « personne à l'esprit chagrin » (RABELAIS, Gargantua, éd. Marty-Laveaux, t. 1, p. 7). Malgré le léger hiatus chronol., prob. déverbal de chagriner.
STAT. — Chagrin 1, 2 et 3. Fréq. abs. littér. :4 928. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 9 009, b) 8 089; XXe s. : a) 7 124, b) 4 645.
BBG. — COLIN (C. S. R.). Fr. chagrin « ledsen »; colère « ond ». In : [Mél. Vising (J.)]. Paris, 1925, pp. 55-60. — GOUG. Mots t. 2, 1966, pp. 31-32. — SAIN. Sources t. 3, 1972 [1930], p. 110, 399.

1. chagrin, ine [ʃagʀɛ̃, in] adj.
ÉTYM. 1389; p.-ê. de 1. chagriner en dépit de l'attestation postérieure du verbe.
1 Vieilli. Qui est rendu triste par un événement fâcheux. Affligé, attristé, triste. || Il est tout chagrin depuis cette aventure.
1 (…) les pauvres sont chagrins de ce que tout leur manque (…)
La Bruyère, les Caractères, VI, 48.
2 Ils (les marchands) sont devenus chagrins depuis quelque temps.
Mme de Sévigné, 268, 24 avr. 1672.
3 (…) ce rougeot (…) qui était en colère tout le lundi, chagrin le mardi (…)
G. Sand, François le Champi, II, p. 33.
2 Littér. Qui est ordinairement d'une humeur, d'un caractère triste, morose. Atrabilaire, bilieux, bourru, colère, grimaud (vx), hypocondriaque, inquiet, maussade, mélancolique, misanthrope, morose, sombre. || Un rabat-joie toujours chagrin. || N'en déplaise aux esprits chagrins…
4 Un esprit né chagrin plaît par son chagrin même.
Boileau, Épîtres, IX.
5 Tel a vécu pendant toute sa vie chagrin, emporté (…) qui était né gai, paisible (…)
La Bruyère, les Caractères, XI, 18.
(Choses, actions…). Qui manifeste cette humeur. Aigre, contrit, dolent, lugubre, mortifié. || Discours chagrin. || Vieillesse chagrine. || Visage chagrin. || Mine chagrine. || Avoir l'air chagrin. Triste (faire triste mine). || Avoir qqch. de chagrin dans la mine. → Méprisant, cit. 1.
6 (…) tout ce qu'on prévoit, tout ce qu'on s'imagine,
Forme un nouveau poison pour une âme chagrine.
Corneille, Suréna, I, 1.
7 (…) je vous vois l'esprit tout chagrin (…)
Molière, les Amants magnifiques, IV, 5.
3 Par anal. (choses). Littér. Qui attriste, rend mélancolique. || Un ciel maussade et chagrin. || Couleur, teinte chagrine.
8 (…) le ciel est terne; des couleurs chagrines ont défiguré ce beau pays (…)
E. Fromentin, Une année dans le Sahel, p. 107.
CONTR. Aise, content, enjoué, épanoui, gai, gaillard, hilare, jovial, joyeux, radieux, ravi, rayonnant, réjoui, satisfait.
HOM. 2. et 3. Chagrin.
————————
2. chagrin [ʃagʀɛ̃] n. m.
ÉTYM. 1450; probablt de 1. chagrin.
1 (Le chagrin). État moralement douloureux. Affliction (cit. 5), déchirement, déplaisir, désespoir, désolation, douleur, ennui, mal, malheur, misère, peine, souci, souffrance, tourment, tristesse. || L'amertume, la consternation, la mélancolie, causées par un chagrin. || Chagrin amer, cuisant, cruel, douloureux, mortel. || Grand, immense, noir, profond, sombre, violent chagrin. || Le chagrin de qqn, son chagrin. || Soulager, bercer, apaiser, calmer le chagrin de qqn.
Absolt. || Le chagrin : la douleur morale (→ ci-dessous cit. 7, 10, 14 et 15). || Avoir, ressentir, vivre dans le chagrin. || Se ronger le cœur de chagrin. || Avoir le cœur plein, le cœur gros, gonflé de chagrin. || Être abattu, accablé, déchiré, écrasé, ruiné, oppressé par le chagrin. || Se consumer de chagrin (→ fam. Sécher sur pied). || Mourir de chagrin.
(Un, des chagrins). Peine ou déplaisir causé par un événement précis. Angoisse, contrariété, déboire, déception, dégoût, dépit, désagrément, désappointement, deuil, inquiétude, mécontentement, regret, remords, tracasserie. || Un long chagrin. || De petits chagrins passagers. || Chagrins domestiques. || Chagrin d'amour (→ Amour, cit. 27; monocle, cit. 1). || Éprouver un grand, un terrible chagrin. || Un gros chagrin (enfantin). || Causer, donner du chagrin, causer un grand chagrin à qqn ( Tuer, fig.).
REM. Le mot avait un sens assez fort dans l'usage classique (→ Peine, tourment; et, par ex., les cit. 3 et 5 ci-dessous). De nos jours, chagrin s'emploie surtout pour parler des peines amoureuses et des peines enfantines (→ cit. 6 à 15); dans ce dernier contexte, le mot est usuel, même dans la langue parlée familière : alors, c'est fini, ce gros chagrin ?
1 (…) cela me causera des chagrins, je souffrirai un temps (…)
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 10.
2 (…) tout le chagrin que me donnait le mauvais succès de notre entreprise.
Molière, Dom Juan, II, 2.
3 Laissons, laissons parler mon chagrin et le vôtre,
Et de nos cœurs l'un à l'autre
Exhalons le cuisant dépit.
Molière, Psyché, I, 1.
4 Le chagrin monte en croupe, et galope avec lui.
Boileau, Épîtres, V, À Mme de Guilleragues.
5 Enfin depuis deux jours, la superbe Athalie
Dans un sombre chagrin paraît ensevelie.
Racine, Athalie, I, 1.
6 (…) ces chagrins d'enfance qui laissent dans l'homme une teinte de sauvagerie difficile à effacer durant le reste de sa vie.
A. de Vigny, Journal d'un poète, p. 236.
7 — Ne te fâche pas comme cela, Landry, dit Sylvinet tout abattu de chagrin (…)
G. Sand, la Petite Fadette, XXVIII, p. 190.
8 (…) chagrin d'enfant et rosée du matin n'ont pas de durée (…)
G. Sand, François le Champi, IX, p. 82.
9 (…) à la maison, quand j'avais quelques petits chagrins, je les déposais dans le sein de mes bons parents (…)
Sainte-Beuve, Correspondance, 2, 11 janv. 1819.
10 Prenez garde à la tristesse. C'est un vice, on prend plaisir à être chagrin et, quand le chagrin est passé, comme on y a usé des forces précieuses, on en reste abruti.
Flaubert, Correspondance, t. IV, p. 303.
11 Maintenant, voici qu'il était là, devant elle, et dévoré, déchiré par ce chagrin.
Paul Bourget, Un divorce, IV, p. 113.
12 Ne réveillez pas le chagrin qui dort.
J. Renard, Journal, 12 sept. 1901.
13 (…) dans la profondeur de son chagrin, elle vit la réalité de son amour.
Proust, les Plaisirs et les Jours, III, p. 118.
14 Il y a dans ce monde où tout s'use, où tout périt, une chose qui tombe en ruines, qui se détruit encore plus complètement, en laissant encore moins de vestiges que la Beauté : c'est le chagrin.
Proust, Albertine disparue, p. 365 (éd. La Gerbe).
15 Le chagrin n'est nullement une conclusion pessimiste librement tirée d'un ensemble de circonstances funestes, mais la reviviscence intermittente et involontaire d'une impression spécifique, venue du dehors, et que nous n'avons pas choisie.
Proust, Albertine disparue, p. 23 (éd. La Gerbe).
Loc. Vx ou littér. Faire chagrin : faire de la peine. || « Quitter les livres me fait chagrin » (E. de Guérin, in T. L. F.).
Mod. Faire du chagrin à qqn, lui causer de la peine. 1. Chagriner.
Loc. fam. Noyer son chagrin dans l'alcool.
2 Vx (au XVIIe). Irritation (contre qqn, qqch.); humeur maussade, chagrine. Bile (cit. 7), hypocondrie, mélancolie, morosité; cafard, spleen; humeur (mauvaise humeur, humeur noire).
16 J'entre en une humeur noire, en un chagrin profond.
Molière, le Misanthrope, I, 1.
17 Quel chagrin vous possède ?
— Quelle mauvaise humeur te tient ?
Molière, le Bourgeois gentilhomme, III, 10.
18 L'âge la fit déchoir : adieu tous les amants
Un an se passe, et deux, avec inquiétude;
Le chagrin vient ensuite (…)
La Fontaine, Fables, VII, 5.
3 Argot. Aller, revenir, retourner au chagrin, au travail. → Au charbon.
CONTR. Allégresse, contentement, enchantement, enjouement, gaieté, hilarité, ivresse, joie, jovialité, jubilation, plaisir, ravissement, satisfaction. — Consolation.
HOM. 1. et 3. Chagrin.
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3. chagrin [ʃagʀɛ̃] n. m.
ÉTYM. XVIe, sagrin; du turc sâgri.
Techn. Cuir grenu, fait de peau de mouton, de chèvre ou encore d'âne, de mulet, de cheval. || Étui, boîte en chagrin. || Livre relié en plein chagrin.
0 Le jeune homme (…) témoigna quelque surprise en apercevant au-dessus du siège où il s'était assis un morceau de chagrin accroché sur le mur (…) les grains noirs du chagrin étaient si soigneusement polis et si bien brunis, les rayures capricieuses en étaient si propres et si nettes, que, pareilles à des facettes de grenat, les aspérités de ce noir oriental formaient autant de petits foyers qui réfléchissaient vivement la lumière (…)
Balzac, la Peau de chagrin, « Le talisman », p. 37-38 (éd. 1839).
Loc. fig. C'est une peau de chagrin : cela ne cesse de se rétrécir (par allus. au roman de Balzac, la Peau de chagrin).
DÉR. 2. Chagriner.
HOM. 1. et 2. Chagrin.

Encyclopédie Universelle. 2012.