enlever [ ɑ̃l(ə)ve ] v. tr. <conjug. : 5>
• XIIe; pour en lever
I ♦
1 ♦ Littér. Porter vers le haut. ⇒ hisser, 1. lever, soulever. « Je coupai l'unique corde qui me retenait à la terre, et je m'aperçus que j'étais enlevé avec une inconcevable rapidité » (Baudelaire).
♢ Faire bondir ou partir à toute allure (un cheval). Il « enlève d'un coup de fouet le petit cheval » (Loti). — Pronom. « La voilà qui s'enlève, emportant son cavalier » (Fromentin). Spécialt Se mettre au galop, en parlant d'un trotteur.
2 ♦ (XVIIe) Vieilli ou littér. Ravir, transporter. « Son âme fut comme enlevée par ce bonheur » (Stendhal).
3 ♦ Exécuter parfaitement, avec aisance et rapidité. Enlever un morceau de musique (⇒ enlevé) .
II ♦
1 ♦ (XIIIe) Faire que (une chose) ne soit plus là où elle était. ⇒ ôter, retirer. — (En déplaçant). Enlever qqch. d'un endroit. ⇒ déplacer. Enlever un fauteuil du salon pour le mettre dans la chambre. Enlever les ordures. Enlever les assiettes. ⇒ débarrasser. — Pronom. Housse, décor qui s'enlève. ⇒ amovible. Fam. Enlève-toi de là : va-t'en, pousse-toi.
♢ Spécialt « Elle enleva son chapeau, ses gants » (Green). ⇒ quitter. — Enlever sa montre.
♢ (En séparant). ⇒ 1. détacher, extraire; dé-, é-. On lui a enlevé les amygdales, la rate. Se faire enlever une dent. ⇒ arracher. Enlever une jambe à qqn. ⇒ amputer, couper. Enlever une étiquette qui était collée.
♢ (En supprimant). Faire disparaître. Enlever une tache. ⇒ effacer. Enlever une idée de la tête. « Il faut savoir enlever de son œuvre ce qui souvent nous plaît le plus » (Flaubert). ⇒ éliminer, retrancher. Pronom. (pass.) Cette tache ne peut pas s'enlever.
2 ♦ ENLEVER À. Priver (qqn) de (qqch.). Enlever un poste, un titre à qqn. « Ça ne lui a pas donné le goût des Sciences, mais ça lui a enlevé celui des Lettres » (A. Gide). Vous m'enlevez tout espoir. On lui a enlevé la garde de son enfant. Enlever le pain de la bouche. — NE RIEN ENLEVER À : laisser intact. « L'éclat de ses erreurs n'enlevait rien à l'autorité de ses prophéties » (Maurois).
III ♦ (XVIe)
1 ♦ Prendre avec soi, pour soi. ⇒ emporter. Les déménageurs viennent enlever les meubles.
♢ Spécialt Emporter (une marchandise vendue). Tout ça pour cinquante francs, à enlever ! — Loc. fam. Vieilli Enlevez le bœuf; (mod.) Enlevez, c'est pesé : la chose est prête, vous pouvez l'emporter.
2 ♦ Prendre d'assaut. ⇒ s'emparer. « Il donna l'ordre aux cuirassiers d'enlever le plateau de Mont-Saint-Jean » (Hugo).
3 ♦ Par ext. Obtenir facilement (ce qui fait l'objet d'une compétition). Enlever les suffrages, le concours de qqn. Enlever un contrat, un marché.
4 ♦ Soustraire (qqn) à l'autorité de ceux qui en ont la garde. ⇒ détourner, ravir. Enlever une fille mineure, un enfant par violence, par séduction (⇒ enlèvement, kidnapping, rapt) . Fam. Je vous enlève votre mari cinq minutes.
♢ Emmener dans une fugue amoureuse. « Une belle qui se fait enlever tous les six mois » (A. Daudet).
♢ Faire prisonnier (qqn) de façon illégale. Enlever un diplomate (cf. Prendre en otage).
♢ Littér. Emporter de ce monde. Il a été enlevé à l'affection des siens. « La mort nous l'enlevait » (Bossuet). « Le romancier célèbre qui vient d'être enlevé » (Sainte-Beuve).
⊗ CONTR. Poser. — Laisser; ajouter.
● enlever verbe transitif (de lever) Soulever quelque chose, le porter vers le haut : Enlever un poids de cinquante kilos sans effort. Retirer quelque chose de la place qu'il occupait en le portant ailleurs ou en le supprimant : Enlever les placards d'une cuisine. Faire disparaître quelque chose : Enlever une tache avec de la benzine. Retirer (à quelqu'un ou de soi) un vêtement, un objet que l'on porte sur soi : Enlever son manteau à un enfant. Retirer un organe à quelqu'un au cours d'une opération chirurgicale, ou le lui faire perdre en parlant d'un choc : On lui a enlevé les amygdales. Retirer quelque chose à quelqu'un, à quelque chose, le lui faire perdre, l'en priver : On lui a enlevé la garde de son enfant. Priver quelqu'un, un groupe de la présence de quelqu'un d'autre en l'emmenant avec soi pour un temps plus ou moins long : Ne m'enlevez pas mon collaborateur. Soustraire quelqu'un à sa famille, le prendre par force ou par ruse ; kidnapper, ravir : Enlever un enfant. Emmener quelqu'un dans une fugue amoureuse. Littéraire. En parlant d'une puissance supérieure, de la maladie, etc., priver définitivement quelqu'un, une famille de la présence d'un des siens en le faisant mourir : La maladie nous l'a enlevé dans la fleur de l'âge. S'emparer d'une position militaire. Obtenir sans contestation un prix, un record, une affaire en triomphant des concurrents : Enlever la majorité des suffrages. Enlever la victoire. Emporter, prendre livraison d'une marchandise vendue. ● enlever (difficultés) verbe transitif (de lever) Conjugaison Comme lever. Attention à l'alternance e/è : enlever ; j'enlève, il enlève, mais nous enlevons ; il enlèvera ; qu'il enlève mais que nous enlevions ; enlevé. ● enlever (expressions) verbe transitif (de lever) Enlever un public, le transporter d'enthousiasme. Enlever un morceau de musique, une pièce, les jouer avec brio. ● enlever (synonymes) verbe transitif (de lever) Soulever quelque chose, le porter vers le haut
Synonymes :
- élever
- hisser
- monter
Retirer quelque chose de la place qu'il occupait en le portant...
Synonymes :
- déménager
- déplacer
- embarquer (familier)
- emporter
- ôter
Faire disparaître quelque chose
Synonymes :
- effacer
- gommer
- gratter
Retirer (à quelqu'un ou de soi) un vêtement, un objet...
Synonymes :
- ôter
- quitter
- retirer
- se débarrasser de
- se défaire de
Contraires :
- mettre
Retirer un organe à quelqu'un au cours d'une opération chirurgicale...
Synonymes :
- extirper
- extraire
Retirer quelque chose à quelqu'un, à quelque chose, le lui faire perdre...
Synonymes :
- déposséder
- dépouiller
Contraires :
- donner
Soustraire quelqu'un à sa famille, le prendre par force ou...
Synonymes :
S'emparer d'une position militaire.
Synonymes :
- conquérir
- emporter
- prendre
Obtenir sans contestation un prix, un record, une affaire en...
Synonymes :
- décrocher (familier)
- gagner
- rafler (familier)
enlever
v. tr.
rI./r
d1./d Soulever en l'air. Enlever des pierres avec une grue.
d2./d Fig. Ravir, transporter d'admiration.
d3./d Exécuter avec vivacité et brio. Enlever un morceau de musique.
— Pp. adj. Un portrait enlevé.
rII./r
d1./d Déplacer, mettre plus loin. Enlevez cette horreur de ma vue!
|| Retirer, ôter. Enlève tes chaussures!
d2./d Faire disparaître. Enlever une tache.
— v. Pron. Cette tache s'enlève à l'eau chaude.
|| Fig. Soulager de, priver de. Cela n'enlève rien à ses qualités.
rIII/r Prendre.
d1./d Emporter. Enlever des marchandises.
d2./d S'emparer de. Enlever une place, une ville.
— Fig. Enlever un marché.
d3./d Ravir, emmener (qqn) de gré ou de force. Enlever un enfant pour obtenir une rançon.
|| Litt. Faire mourir. Le choléra l'a enlevé.
— Loc. être enlevé (ou ravi) à l'affection des siens: mourir.
⇒ENLEVER, verbe trans.
I.— Soulever de terre.
A.— Porter en soulevant rapidement.
1. [L'obj. désigne un inanimé concr.] Enlever un cerf volant (Ac. 1932). Le ballon enlève la nacelle; les palans enlèvent les fardeaux. La chaloupe elle-même est enlevée et suspendue à la poupe du bâtiment (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 369).
2. [L'obj. désigne un animé] Enlever une femme, un enfant dans ses bras, comme une plume. Il se pencha, la prit, l'enleva, la porta sur son lit (MAUPASS., Contes et nouvelles, t. 1, Martine, 1883, p. 115). Marie (...) fut enlevée au ciel par les anges (CLAUDEL, Processionnal, 1910, p. 297) :
• 1. Je lui sautai au cou [de l'abbé] Il m'enleva et me tint un instant suspendue en l'air, tandis que Madame de Curel (...) nous regardait horrifiée.
GYP, Souvenirs d'une petite fille, 1928, p. 137.
♦ Enlever un cheval. Le faire partir au galop. Elle enleva son petit attelage leun seul coup, avec une incomparable virtuosité (HALÉVY, Abbé Const., 1882, p. 117). P. anal. Enlever une barque (cf. canotier ex.).
— Emploi pronom. réfl. Mlle Spessivtseva et Serge Lifar (...) s'enlèvent et retombent sur le ressort plié de leurs souples jarrets (LEVINSON, Visages danse, 1933, p. 142).
a) [Le suj. désigne un oiseau] Prendre son envol. Elles [les hirondelles] s'enlevaient, serrées et frémissantes, d'un vol plus rapide (BOURGET, Disciple, 1889, p. 179).
♦ P. anal., à sens passif :
• 2. Souvent, il allait voir partir les ballons qui, tous les deux jours, s'enlevaient de la gare du Nord, emportant des pigeons voyageurs et des dépêches.
ZOLA, La Débâcle, 1892, p. 576.
b) [Le suj. désigne un cheval] Se dresser en levant les jambes de devant et partir au galop. Les chevaux s'enlèvent et sautent, à la manière souple et ramassée des félins (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 99).
♦ [En parlant d'un trotteur] Prendre le galop. Là, patatras! sa jument s'enleva une seconde fois, perdant un terrain tel que ce n'était plus la peine de lutter (ZITRONE, Courses, 1962, p. 454).
B.— Au fig.
1. Transporter, soulever d'enthousiasme. Cet orateur enlève son auditoire (Ac. 1878-1932). Cette péroraison enleva l'auditoire. Tout le monde en fut charmé, excepté moi (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 226).
— Emploi abs. L'air du matin, l'entrain de la besogne, la vision de la justice, cela enlève. La fureur d'une chanson le jetait de l'avant. Et il commençait de chanter (POURRAT, Gaspard, 1930, p. 90).
2. LITT., MUS. Composer ou exécuter une œuvre avec rapidité ou puissance et justesse de ton, à la manière d'un virtuose, et de façon à susciter l'enthousiasme. Enlever un morceau de piano. C'est ainsi que le travail du Dictionnaire dit « de Richelet » fut enlevé en quinze ou seize mois (SAINTE-BEUVE, Causeries lundi, t. 5, 1851-62, p. 290) :
• 3. J'écris avec toutes sortes de lenteurs la dernière scène dont le mouvement est extrêmement rapide. Je me suis toujours méfié de ce qui était « enlevé ».
GREEN, Journal, 1935, p. 45.
3. B.-A. Exécuter avec rapidité et d'un seul jet. Esquisses enlevées au pastel :
• 4. ... il esquissait sur une vieille toile, en deux heures, son tableau : « il n'y a que les choses qu'on enlève comme cela qui sont bonnes ».
GONCOURT, Journal, 1875, p. 1090.
— Emploi pronom. à sens passif. Se détacher sur le fond du tableau. Ce dernier [tableau] est d'un effet de lumière extraordinaire (...) au second [plan] il y a des personnages qui s'enlèvent sur un fond de tapisserie (MÉRIMÉE, Lettres à Mme de la Rochejacquelein, 1870, p. 283).
♦ P. métaph. C'est assurément parce que sa vie s'enlève sur un fond de révolte impuissante que la femme a tant de facilité à pleurer (BEAUVOIR, Deux. sexe, 1949, p. 434).
II.— Déplacer un objet en le sortant de l'endroit qu'il occupait.
A.— [En le mettant ailleurs] Enlever le bouchon du réservoir, le couvercle d'une casserole, un échafaudage, la poussière avec un balai; enlever les assiettes, le couvert. Fréq. [L'obj. désigne ce qu'on porte sur soi] Enlever son chapeau, la cigarette de sa bouche, sa cravate, un vêtement. On ne sait comment se vêtir et, vingt fois le jour, j'enlève ou remets mon sweater (GIDE, Journal, 1943, p. 192) :
• 5. Au lit ils enlevaient leurs lunettes d'abord et leurs râteliers ensuite dans un verre et plaçaient le tout en évidence. Ils n'avaient pas l'air de se parler entre eux, entre sexes, tout à fait comme dans la rue.
CÉLINE, Voyage au bout de la nuit, 1932, p. 250.
♦ Emploi pronom. à sens passif. Cette robe s'enlève facilement (cf. MICHAUX, Plume, 1930, p. 147).
— Spécialement
1. Au fig. et fam. Enlever un poids de sur le cœur, de derrière le cœur. Soulager. Cf. FLAUB., Corresp., 1871, p. 245.
2. Enlever un corps. L'emporter à l'église, au cimetière. La justice a enlevé le corps. Elle s'est saisie du cadavre d'une personne décédée par mort violente (Ac. 1798-1878). Les vingt-quatre grenadiers sans armes enlevèrent le corps [de Napoléon] et eurent l'honneur de le porter sur leurs épaules jusqu'à la sépulture (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 668).
3. Enlever un corps d'armée, une division, le/la déplacer sur/vers le front. Cf. JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 172.
4. CHASSE. Enlever les chiens. Déplacer les chiens pour les remettre par un plus court chemin à l'endroit où on a vu le cerf. Enlever la meute (Ac. 1798-1932). Cf. JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 174.
5. COMM. Enlever des marchandises. Les acheter et les emporter rapidement. C'était le triomphe : dix mille exemplaires enlevés en deux jours (SARTRE, Mots, 1964, p. 157). P. ext. Débarrasser rapidement de quelque chose. Enlever un paquet [à la gare].
♦ Pop. Enlevez le bœuf. C'est prêt, vous pouvez emporter (attesté ds ROB. et CARABELLI).
♦ Emploi pronom. à sens passif. Marchandise qui s'enlève facilement, bien. La vente des ouvrages qu'a laissés Girodet en mourant se fait en ce moment. Tout s'enlève à des prix extravagants (DELÉCLUZE, Journal, 1825, p. 180). Fam. S'enlever comme des petits pains. Être vendu très rapidement.
B.— [En le séparant] Enlever les bavures des bords d'une pièce au burin, la peau [d'un poisson], la pelure [d'un fruit]; le vent enlève les feuilles des arbres :
• 6. Le vieillard présenta son stylet à l'inconnu, qui le prit et tenta d'entamer la peau à l'endroit où les paroles se trouvaient écrites; mais, quand il eut enlevé une légère couche de cuir, les lettres y reparurent...
BALZAC, La Peau de chagrin, 1831, p. 35.
— Emploi pronom. à sens passif. La peau [des larves] qui s'enlève par couche, dans le temps de la mue (CUVIER, Anat. comp., t. 2, 1805, p. 560).
— Spécialement
1. [Avec l'idée de violence] Synon. de emporter. Un boulet lui enleva la cuisse (cf. MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 106).
♦ Fréq. [L'obj. désigne une partie du corps, une grosseur] Enlever l'appendice, l'estomac, un kyste, une verrue; se faire enlever les amygdales. Synon. opérer. Je me suis fait enlever trois dents de la mâchoire (FLAUB., Corresp., 1845, p. 159).
2. Au fig. et fam.
a) Enlever le pain de la bouche. Priver une personne de son entourage du nécessaire par sa faute. Cf. ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 556.
b) Fam. Enlever la peau des fesses. Enlever la peau du derrière (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1205). Donner un coup de pied au derrière, battre quelqu'un.
♦ Pop. Enlever le ballon. ,,Donner un coup de pied au derrière`` (LARCH. 1880). Cf. GYP, Souv. fille, 1928, p. 332 et v. aussi ballon ex. 14. Se faire enlever le ballon (cf. ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 358).
C.— [En l'effaçant, en le supprimant] Enlever un nom d'une liste, une phrase, un paragraphe dans un texte; médicament qui enlève la douleur; savon, produit qui enlève les taches. Elles [les femmes du monde] commentent, elles amplifient, elles querellent, et finissent par enlever leurs torts comme on enlève une tache par un petit savonnage (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 459). Il faut enlever deux dimanches et quatre jours de chômage : donc, ça vous fait neuf jours de travail (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1289) :
• 7. Croyant rendre un service important à la géographie, si je parvenais à enlever des cartes ces noms oiseux qui désignent des îles qui n'existent pas (...) je voulus, (...) prolonger ma route...
Voyage de La Pérouse, t. 2, 1797, p. 110.
♦ Enlever une pièce de l'affiche. Ne plus la jouer. Cf. L. SCHNEIDER, Maîtres opérette fr., Lecocq, 1924, p. 226.
D.— Au fig. Priver quelqu'un d'une valeur morale, d'une qualité naturelle. Enlever [à qqn] son courage, l'envie de recommencer, l'espérance, ses illusions, la possibilité de ses prérogatives :
• 8. Il faut bien le dire, la peste avait enlevé à tous le pouvoir de l'amour et même de l'amitié. Car l'amour demande un peu d'avenir, et il n'y avait plus pour nous que des instants.
CAMUS, La Peste, 1947, p. 1365.
♦ Ne rien enlever à qqn, à qqc. Laisser intact. L'ironie n'enlève rien au pathétique; elle l'outre au contraire (FLAUB., Corresp., 1852, p. 43).
♦ Rien ne m'enlèvera de l'idée que. Je suis sûr(e) que; je ne démordrai pas. Enlever une idée de la tête. Cf. PROUST, Temps rétr., 1922, p. 765.
III.— Obtenir, gagner par la force, la ruse (ce qui ne vous appartient pas).
A.— [L'obj. désigne un inanimé]
1. S'emparer de quelque chose. Des voleurs ont enlevé sa voiture. Il (...) se contente de faire restituer aux Veïens les terres que les Romains leur avaient enlevées (MICHELET, Hist. romaine, t. 1, 1831, p. 83).
— Spéc. [une position milit.] Enlever un fort, une redoute, une tranchée; d'assaut, à la baïonnette. Drapeaux enlevés à l'ennemi. Il n'y a pas eu d'assaut donné au fort de Douaumont, enlevé par surprise (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 38) :
• 9. ... toute l'armée, après avoir enlevé si vaillamment les meilleures positions de l'ennemi, les lui abandonna avec autant d'empressement qu'elle avait mis d'ardeur à les conquérir.
Recueil textes hist., 1820, p. 180.
♦ Enlever [un vaisseau]. S'en rendre maître par la force. La situation extérieure, en 1652, devient tragique : Cromwell fait enlever les vaisseaux français (BRASILLACH, Corneille, 1938, p. 268).
2. Au fig. Obtenir, gagner ce qui fait l'objet d'une lutte, d'une compétition. Enlever de haute lutte, à la pointe de l'épée, par surprise qqc.; enlever une adhésion, une affaire, un contrat, un poste avantageux. Il me dit que je devais enlever, si je voulais, le premier prix d'histoire et de géographie à la fin de l'année (RENARD, Poil carotte, 1894, p. 168).
♦ Enlever le morceau (cf. CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 349). Synon. de emporter le morceau.
B.— [L'obj. désigne une pers.] Se rendre maître d'une personne et la prendre avec soi. Enlever le duc d'Enghien sur la terre étrangère qui devait lui servir d'asile (STAËL, Consid. Révol. fr., t. 2, 1817, p. 106).
1. [En parlant d'une femme, consentante ou non, enlevée à sa famille, à son mari] Romulus a enlevé les Sabines; femme séduite et enlevée; jeune fille enlevée et séquestrée. Si! si! tu me seras fidèle! partons, veux-tu? je t'enlève! partons! (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, II, 9, p. 52) :
• 10. Laurent voulait Thérèse; il la voulait à lui tout seul, toujours à portée de sa main. S'il ne faisait pas disparaître le mari, la femme lui échappait. Elle l'avait dit : elle ne pouvait revenir. Il l'aurait bien enlevée, emportée quelque part.
ZOLA, Thérèse Raquin, 1867, p. 54.
2. Spécialement
a) Enlever un mineur, un enfant. Quiconque aura, par fraude ou violence, enlevé ou fait enlever des mineurs, ou les aura entraînés, détournés ou déplacés, ou les aura fait entraîner, détourner ou déplacer des lieux où ils étaient mis par ceux à l'autorité ou à la direction desquels ils étaient soumis ou confiés, subira la peine de la réclusion criminelle à temps de cinq à dix ans (Code pénal, Paris, Dalloz, 1969-70, art. 354, p. 194).
b) Fam. Soustraire quelqu'un pour un temps à son entourage :
• 11. Oh! messieurs, vous permettez, j'enlève M. Mouret pour une minute. C'est bien le moins, puisqu'il m'a vendu un manteau affreux, qu'il me prête ses lumières.
ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, p. 691.
— P. ext. Emmener à l'improviste. Enlever la bande en voiture (COCTEAU, Enf. terr., 1929, p. 118).
c) Littér. La mort (soudaine), la maladie enlève quelqu'un (à l'affection des siens). Synon. emporter. Un second catarrhe s'est déclaré, en cinq jours il l'a enlevée malgré deux bons médecins (LAMART., Corresp., 1832, p. 322). Souvent au passif. L'ange céleste qui fut le nôtre vient de nous être enlevé en cinq jours de maladie de poitrine (LAMART., Corresp., 1832 p. 322).
Rem. On relève ds la docum. a) Qq. emplois adj. du part. prés. au sens I B 1. Prédicateur, qui prêche avec un enthousiasme enlevant (E. DE GUÉRIN, Lettres, 1838, p. 221). b) Enlevée, subst. fém. (Correspond à enlever II B 2) signifiant « réprimande », chez L. Daudet : sous l'enlevée [de Marie-Antoinette], Manuel, éperdu baissait la tête (Lys sangl., 1938, p. 239). Cf. ci-dessus enlever le ballon.
Prononc. et Orth. :[], (j')enlève []. Enq. : // (il) enlève. Ds Ac. 1694-1932. Conjug. Devant syll. muette, change [] muet du rad. en [] ouvert. Étymol. et Hist. A. 1. [1130-60 « lever, élever (d'une position où on était) » (Couronnement de Louis, éd. E. Langlois, 997 : Tu l'en levas)]; 1260 enlevé « en relief » (E. BOILEAU, Métiers, 209 ds T.-L. : Toute euvre enlevee) — 1660, OUDIN ds FEW t. 5, p. 277a, s.v. levare; 2. 1671 fig. « ravir, enthousiasmer » (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, éd. A. Régnier, t. 2, p. 376 : Un plaisir qui m'enlève); 1838 part. passé adj., art, mus. « bien exécuté » (Ac. Compl. 1842). B. 1. [Ca 1215 « emporter avec soi » (R. DE HOUDENC, Eles, 395 ds T.-L., s.v. lever, 368, 41 : S'uns autres un bial don en lieve)]; 1611 « id. » (COTGR.); 2. 1538 « ravir, détourner (quelqu'un) » (EST.); 3. 1573 « prendre d'assaut » (GARNIER, Hippolyte, 688 : Je ne puis [...] luy enlever la place). C. XIIIe s. [ms.] « ôter, déplacer » (Merlin, BN fr. 747, f° 74 ds LITTRÉ). Dér. de lever; préf. en-. Fréq. abs. littér. Enlever : 4 359. Enlevant : 235. Fréq. rel. littér. Enlever : XIXe s. : a) 6 204, b) 6 668; XXe s. : a) 6 424, b) 5 807. Enlevant : XIXe s. : a) 299, b) 460; XXe s. : a) 501, b) 195. Bbg. GOHIN 1903, p. 254 (s.v. enlevée). — LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 133, 277. — QUEM. Fichier. — REPINA (T.-A.). L'Emploi des prép. servant de compl. aux verbes. . Leningradskij gosudarstvennyj institut. 1961, t. 299, pp. 172-176.
enlever [ɑ̃lve] v. tr. [CONJUG. lever.]
ÉTYM. XIIe; pour en lever, de en, adv. de lieu, et lever.
❖
———
1 (XIIIe). Déplacer, porter vers le haut. ⇒ Soulever. || Un plateau de la balance enlève l'autre. || Enlever des fardeaux avec une grue. ⇒ Hisser, lever. || Le vent enlève la poussière. || L'avion nous enlève à huit mille mètres. || Il enleva l'enfant dans ses bras. — (1903). Sports. || Enlever un poids, le soulever (haltères).
1 L'oiseau de Jupiter enlevant un mouton,
Un corbeau, témoin de l'affaire,
Et plus faible de reins, mais non pas moins glouton,
En voulut sur l'heure autant faire.
La Fontaine, Fables, II, 16.
2 Fortes tresses, soyez la houle qui m'enlève !
Baudelaire, Spleen et idéal, « La chevelure ».
♦ (1759). || Enlever un cheval, le faire bondir, partir à toute allure. Spécialt. Se dit du trotteur qui se met au galop.
3 Alors Raymond, seul au monde à présent, enlève d'un coup de fouet le petit cheval montagnard, qui file avec son bruit léger de clochettes (…)
Loti, Ramuntcho, II, XIII, p. 324.
♦ Par ext. || Enlever des troupes, les stimuler, les envoyer contre l'ennemi. ⇒ Entraîner.
2 Fig. a (1878; au p. p., 1845). Exécuter parfaitement, avec aisance et rapidité. || Enlever un morceau de musique.
b (1858, in Petiot). Sports. || Enlever la nage, accélérer la cadence des coups d'aviron. ⇒ Enlevage, B. — (1869). || Enlever une côte, l'escalader à vive allure (croisement avec le sens III, 2).
3 (XVIIe). Compl. n. de personne. Ravir, transporter. ⇒ Charmer, emballer, enthousiasmer. || Son discours enlève l'auditoire. — Absolt. || Éloquence qui enlève.
4 Il en parla (…) avec (…) une éloquence qui entraîne, ou qui enlève, comme vous voudrez.
Mme de Sévigné, 1020, 25 avr. 1687.
5 Il y a de certains biens (…) dont l'idée seule nous enlève et nous transporte (…)
La Bruyère, les Caractères, XI, 29.
6 Son âme fut comme enlevée par ce bonheur charmant qui depuis quinze jours l'étonnait plus encore qu'il ne la séduisait.
Stendhal, le Rouge et le Noir, XI, p. 66.
4 (1684). Obtenir vite et facilement (ce qui fait l'objet d'une compétition). ⇒ Emporter, obtenir. || Son programme a enlevé tous les suffrages, a enlevé l'adhésion.
7 (…) prétendre, en écrivant (…) échapper à toute sorte de critique, et enlever les suffrages de tous ses lecteurs.
La Bruyère, Disc. sur Théophraste.
8 (…) le brave Lefèbvre, commandant les forces de Paris, dont Bonaparte se charge d'enlever, au dernier moment, le concours.
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, L'ascension de Bonaparte, XXIV, p. 336.
5 Fig. et fam. (Vx). || Enlever qqn, lui faire des réprimandes, de violents reproches. ⇒ Attraper, engueuler. || S'il arrive en retard, il va se faire enlever.
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II (XIIIe). Modifier la situation de (une chose) dans l'espace; faire qu'une chose ne soit plus là où elle était. ⇒ Ôter, retirer.
1 (En déplaçant). ⇒ Déplacer. || Enlever qqch. de… (un lieu). || Enlever les meubles pour les mettre ailleurs. || Enlever les rideaux d'une fenêtre. || Enlever le couvert. || Enlever les ordures, la poussière avec un balai. || Enlever son chapeau pour saluer. ⇒ Découvrir (se). — (Déb. XXe). Spécialt (un vêtement). || Enlever ses habits. ⇒ Déshabiller (se), quitter. — Enlever qqch. d'un endroit fermé (⇒ Sortir), de ce qui retient, encombre, gêne (⇒ Débarrasser, dégager, extirper, extraire, tirer).
9 (…) une vaste cheminée Renaissance dont on avait enlevé les chenets.
Courteline, Messieurs les ronds-de-cuir, 6e tableau, III, p. 260 (→ Chenet, cit. 1).
10 Je ne pouvais pourtant pas lui demander d'enlever sa rosette, de venir en chapeau mou, et de se taire.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXII, p. 180.
11 Elle enleva son chapeau, ses gants que la pluie collait à ses mains et les posa sur le guéridon.
J. Green, Adrienne Mesurat, XII, p. 101.
♦ Fam. Faire sortir (une personne). || Allez, enlevez-le ! ⇒ Sortir, vider.
2 (En séparant). || Enlever qqch.; enlever qqch. à qqch., à qqn. ⇒ Séparer (de); et préf. é-, de. || Enlever une partie d'un corps. || On lui a enlevé les amygdales. ⇒ Arracher, couper, détacher, prélever. || Enlever un membre à qqn. ⇒ Amputer. || Enlever les parties superficielles de qqch. ⇒ Gratter, peler, racler, ratisser. || Enlever ce qui enduit, recouvre. || Enlever ce qui tenait artificiellement à qqch. ⇒ Décoller, déclouer, décrocher, desceller, désemmancher, dévisser; défaire. — Enlever une personne à son milieu.
3 (1690). (En supprimant). || Enlever une tache, la faire disparaître. ⇒ Détacher, effacer, laver. || Savon, produit qui enlève les taches. || Enlever un nom d'une liste. ⇒ Éliminer, excepter. || Enlever une somme d'un compte. ⇒ Déduire, défalquer, soustraire. || Enlever une partie d'un texte; une phrase, un mot d'une lettre. ⇒ Retrancher, supprimer.
12 (…) il faut savoir enlever de son œuvre, une fois qu'elle est finie ce qui, souvent, nous plaît le plus.
Flaubert, Correspondance, III, p. 378.
4 (1655). Fig. || Enlever qqch à… : priver de (qqch.). || Enlever un poste, un titre, un avantage à qqn. || Enlever le courage, l'énergie à qqn (→ Casser bras et jambes). || Cette expérience lui a enlevé le goût, l'envie de recommencer. ⇒ Passer (faire). → Donner, cit. 44.
13 Lorsqu'un rival s'éloigne, un autre plus funeste
S'en vient nous enlever tout l'espoir qui nous reste.
Molière, l'Étourdi, IV, 7.
14 L'ignorance du clergé, son manque d'éducation, son inintelligence des milieux, son mépris de la mystique, son incompréhension de l'art, lui ont enlevé toute influence sur le patriciat des âmes.
Huysmans, En route, p. 186.
♦ Ne rien enlever à qqch. : laisser intact, ne pas modifier. || Il est coléreux, mais cela n'enlève rien à sa bonté foncière. — Péj. || Toutes ces parures n'enlèvent rien à sa laideur.
15 Cette préparation minutieuse assure la solidité du travail, mais ne lui enlève rien de sa spontanéité.
R. Rolland, Vie de Tolstoï, p. 68.
16 L'éclat de ses erreurs n'enlevait rien à l'autorité de ses prophéties.
A. Maurois, Bernard Quesnay, I.
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III (XVIe). Prendre avec soi, pour soi. ⇒ Emporter, prendre.
1 Emporter (qqch.). || La rivière a enlevé le pont. ⇒ Arracher. || Les déménageurs viennent enlever les meubles. || Il y a un colis à enlever à la gare. — (1651). Le compl. désigne un corps inanimé. || Enlever un mort. — ☑ Loc. fam. Enlevez le bœuf : la chose est prête, vous pouvez l'emporter.
17 Si quelqu'un se hasarde de lui emprunter quelques vases, il les lui refuse souvent; ou s'il les accorde, il ne les laisse pas enlever qu'ils ne soient pesés.
La Bruyère, les Caractères de Théophraste, « De la défiance ».
18 Diagnostiquer la fièvre épidémique revenait à faire enlever rapidement le malade.
Camus, la Peste, p. 104.
♦ Spécialt. Emporter (une marchandise qui se vend facilement et rapidement). || Le tout pour mille francs, à enlever !, à prendre tout de suite.
19 Deux cents exemplaires furent enlevés en l'espace de douze heures.
2 (1690). Le sujet désigne une force militaire. || Enlever une place, un poste, prendre d'assaut. ⇒ Emparer (s'). || Enlever du butin.
20 Celui-ci (Ney) enleva, le 16, les hauteurs de Michelsberg (…)
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, L'avènement de l'Empire, XXII, p. 278.
3 (1534). Spécialt (sujet n. de personne). Priver de (qqch.) en prenant avec soi. ⇒ Prendre, voler. || Enlever à qqn ce qui lui appartient. ⇒ Déposséder, dépouiller, priver. || Enlever un pion à son adversaire au jeu (⇒ Souffler). || On lui a enlevé les phares de sa voiture; ils ont enlevé tous les objets de valeur. ⇒ Confisquer, dérober, rafler, ravir.
21 Le malheureux cultivateur (…) qui se voit encore enlever le dixième de sa récolte par son curé, ne le regarde plus comme son pasteur (…)
Voltaire, l'Homme aux 40 écus, Les impôts payés à l'étranger.
♦ (1684). Par ext. S'assurer de. || Enlever les suffrages, le concours de qqn. || Enlever une course, la gagner.
4 (1640). Fam. Soustraire (une personne) pour un temps (à son entourage, son occupation). || Je vous enlève votre fils pour la soirée. ⇒ Accaparer, arracher, emmener. — Ravir, par la force ou par la ruse. || On lui a enlevé sa fille pour la mettre dans une maison de santé. || Enlever à qqn sa maîtresse, le cœur de sa maîtresse. ⇒ Souffler (→ Approprier, cit. 8).
22 (…) vouloir d'un autre enlever la conquête (…)
Molière, les Femmes savantes, I, 1.
23 Tantôt il vous quitte brusquement pour joindre un seigneur ou un premier commis; et tantôt, s'il les trouve avec vous en conversation, il vous coupe et vous les enlève.
La Bruyère, les Caractères, IX, 50.
24 (…) jamais je ne me suis plainte d'avoir été enlevée à mes enfants, à mes amis, à mon travail, à mes affections et à mes devoirs (…)
G. Sand, Lettres à Musset, p. 80.
♦ (1538). Spécialt. || Enlever une femme, partir avec elle contre le gré de la famille.
25 Enlever Marthe ! Comme elle n'appartient à personne, qu'à moi, ce serait me l'enlever, puisqu'on nous séparerait.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 77.
REM. Le mot avait une connotation sociale précise.
26 Enlever, vous me faites rire (…) ce mot ne peut s'appliquer à une petite créature de cet état (…) on enlève une fille de qualité, mais on emmène une paysanne (…)
5 (1538). Emmener (qqn) avec soi en séparant de qqn. — Dr. Soustraire (une personne) à l'autorité de ceux qui en ont la garde. ⇒ Détourner, ravir; enlèvement (3.). || Enlever un mineur. || Enlever une jeune fille par violence ou séduction. || Se faire enlever par son amant. || Enlever un enfant pour exiger une rançon. ⇒ Kidnapper. Fam. || Ne vous aventurez pas seule par là, vous allez vous faire enlever ! — Emmener dans une fugue amoureuse (→ Chercher, cit. 37).
27 Quiconque aura, par fraude ou violence, enlevé ou fait enlever des mineurs, ou les aura entraînés, détournés ou déplacés, ou les aura fait entraîner, détourner ou déplacer des lieux où ils étaient mis par ceux à l'autorité ou à la direction desquels ils étaient soumis ou confiés, subira la peine de réclusion.
Code pénal, art. 354.
28 Une belle qui se fait enlever tous les six mois, elle a toujours quelque chose à vous raconter quand elle revient (…)
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « La diligence de Beaucaire ».
29 (…) qu'un petit musicien qui débute à peine, comme Liszt, enlève avec éclat une grande dame, comme la comtesse d'Agoult (…)
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 328.
♦ (1635). Littér. (Le sujet désigne un mal, la mort.) Emporter à jamais de ce monde; faire mourir. || La mort nous l'a enlevé à la fleur de l'âge. || Une pneumonie l'enleva en quelques jours.
30 La princesse leur échappait parmi des embrassements si tendres, et la mort, plus puissante, nous l'enlevait entre ces royales mains. Quoi donc, elle devait périr si tôt !
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Anne d'Angleterre.
31 (Madame) ne tourna jamais son esprit du côté de la vie, jamais un mot de réflexion sur la cruauté de sa destinée, qui l'enlevait dans le plus beau de son âge.
32 Une véritable étude sur le romancier célèbre qui vient d'être enlevé, et dont la perte soudaine a excité l'intérêt universel, serait tout un ouvrage à écrire (…)
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. II, M. de Balzac, 2 sept. 1850.
➪ tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
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s'enlever v. pron.
1 (1835). Monter en l'air. ⇒ Élever (s'). || Hélicoptère qui s'enlève avec son passager. || Oiseau qui s'enlève. ⇒ Envoler (s'). — Cheval qui s'enlève sur ses pattes de derrière. ⇒ Dresser (se).
33 (…) son cou se renverse en arrière et se renfle en un pli superbe, puis la voilà qui s'enlève, emportant son cavalier avec ses grands mouvements de corps qu'on donne aux statues équestres des Césars victorieux.
E. Fromentin, Un été dans le Sahara, I, p. 80.
34 Vous savez que les perdreaux vont par bandes et nichent ensemble aux creux des sillons, pour s'enlever à la moindre alerte, éparpillés dans la volée comme une poignée de grains qu'on sème.
Alphonse Daudet, Contes du lundi, « Émotions d'un perdreau rouge », p. 288.
2 Se déplacer, se retirer. || Meuble, décor qui s'enlève. ⇒ Amovible. — Fam. (Personnes). || Enlève-toi de là ! ⇒ Ôter. — Se détacher. || Écorce qui s'enlève aisément.
3 (1864). Disparaître. || Les taches d'huile s'enlèvent mal. ⇒ Partir.
4 (1771). Spécialt. Se vendre vite. || Marchandise qui s'enlève bien. ☑ Fam. Cela s'enlève comme des petits pains : cela trouve de nombreux acquéreurs.
34.1 Ces peintures, quoique médiocres, sont une excellente leçon, que je lui appliquais à l'instant même, de ce principe, qui veut qu'un objet, même très clair, s'enlève presque toujours en brun sur un objet plus brun.
E. Delacroix, Journal, 20 juin 1847.
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enlevé, ée p. p. adj.
1 (Voir les emplois du verbe, ci-dessus).
2 (→ ci-dessus I., 2.). Exécuté largement, avec facilité, brio. || Morceau de piano bien enlevé.
35 (Elle) commença à sautiller avec tant d'orgueil et de prestesse, que jamais bourrée ne fut mieux marquée ni mieux enlevée.
G. Sand, la Petite Fadette, XIV, p. 105.
36 (…) profils enlevés à la pointe d'un crayon effilé (…)
Émile Faguet, Études littéraires, XVIIe s., p. 491.
b Hipp. Action du trotteur qui prend le galop.
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DÉR. Enlevage, enlèvement, enleveur, enlevure.
Encyclopédie Universelle. 2012.