CHARBONNAGES
Parler de charbonnage, c’est désigner l’exploitation d’une houillère ou la houillère elle-même. Dans la première acception du terme, charbonnage implique l’action de mise en valeur d’un gisement houiller; dans la seconde, les charbonnages s’identifient à l’établissement public institué par les nationalisations anglaise et française d’après guerre. Les charbonnages sont donc principalement les entreprises qui constituent l’industrie houillère. Ces entreprises présentent la caractéristique essentielle d’appartenir au secteur primaire de l’activité économique. De ce fait, leur gestion est forcément influencée par les conditions naturelles des gisements. Pour extraire le charbon et venir à bout des multiples obstacles techniques liés aux contraintes physiques des gisements, ces entreprises ont réuni une main-d’œuvre importante et des capitaux considérables. Le développement des charbonnages a été au centre de toute l’histoire du XIXe siècle et de la révolution industrielle.
En vérité, le développement de nouvelles sources d’énergie (pétrole, gaz naturel, énergie nucléaire) freine aujourd’hui l’expansion de l’industrie charbonnière, mais, pour demeurer compétitive, celle-ci poursuit sa modernisation en rationalisant ses méthodes d’exploitation et en mécanisant sa production. Le recul ne concerne guère que les pays européens où, malgré les efforts réalisés, la reconversion des charbonnages est généralement amorcée; le ralentissement de la production, le licenciement des mineurs et leur reclassement soulèvent de sérieuses difficultés.
1. Géographie de l’exploitation charbonnière
Les gisements, plus ou moins affectés par la tectonique postérieure à la mise en place, peuvent être d’accès facile (veines épaisses, couches régulières) ou, au contraire, d’accès très difficile (failles, dressants). Ces considérations n’ont joué qu’un rôle secondaire, au moins au début de l’exploitation et dans les pays pauvres en énergie. Les besoins de l’industrie ont été et restent les facteurs déterminants de la mise en valeur.
Le charbon a tout d’abord été utilisé et recherché dans les pays à tradition industrielle: Royaume-Uni, Belgique, France, Allemagne et, par contrecoup, aux États-Unis, peuplés par des populations issues de l’Europe de l’Ouest. Ailleurs, les gisements n’étaient pas mis en valeur et, jusqu’en 1913, voire 1929, le commerce maritime anglais suppléait ces carences, au moins pour le charbon de soute. À partir de 1929, l’U.R.S.S. développe sa production. Son exemple devait être suivi, après la Seconde Guerre mondiale, par les autres républiques populaires, dans la mesure où leur sous-sol recélait du charbon: en Pologne, en Tchécoslovaquie – où l’industrie minière a précédé le socialisme –, mais surtout en Chine. Les réserves mondiales potentielles de charbon, estimées à 10 000 milliards de tonnes, ce qui représente près de 30 siècles de consommation au rythme actuel, se trouveraient essentiellement en Asie (2/3), l’Europe, y compris l’U.R.S.S., et l’Amérique du Nord ayant chacune 15 p. 100. L’hémisphère Sud, au contraire, les formations cristallines y dominant, est pauvre en charbon. Les réserves exploitables ne seraient que de 636 milliards de tonnes, soit deux siècles d’exploitation.
On a parlé de la désaffection des industries pour cette source d’énergie, au profit du pétrole, du gaz naturel, de l’énergie hydro-électrique et de l’énergie nucléaire. La production mondiale de pétrole est passée de 54 millions de tonnes en 1913 à 206 millions en 1929, 908 millions en 1958, 1 700 millions en 1967, plus de 3 200 millions en 1979; celle de gaz naturel de 30 milliards de mètres cubes en 1955 à plus de 1 000 milliards en 1970 et plus de 1 500 en 1980; celle d’électricité (toutes sources comprises), de 120 milliards de kWh en 1920 à 1 060 en 1951, 2 250 en 1960, 3 800 en 1967, 7 940 en 1980. La production mondiale de charbon ne cesse de croître: 696 millions de tonnes en 1900, 1 220 en 1913, 1 815 en 1958, 2 250 en 1974, 2 800 en 1979, 3 300 en 1980 avec la perspective de 6 800 en l’an 2000, plus du doublement en vingt ans. Nous assistons à la seconde révolution énergétique due au charbon.
Du point de vue de la géographie économique, on peut distinguer les pays nouvellement venus au charbon: Chine et U.R.S.S.; les vieux pays industriels de l’Europe, les pays d’Asie, les États-Unis, qui constituent un cas particulier, et les nouveaux venus de l’an 2000 (carte 1).
Les grands pays socialistes
La Chine
Avec une production voisine de 663 millions de tonnes en 1979 (24 p. 100) – dans la mesure où les chiffres de référence sont exacts – la Chine vient immédiatement après les États-Unis et loin devant l’U.R.S.S. La reconnaissance des gisements par les Allemands, dès avant la guerre de 1914, dans la région du Shandong, près de la mer, détermina un début de mise en valeur (16 millions de tonnes en 1913). Entre les deux guerres, les Japonais, pour les besoins de leur sidérurgie, exploitèrent le bassin de Fushun, en Mandchourie (31 millions de tonnes en 1938). La nationalisation de l’industrie extractive, les besoins considérables d’une économie dans laquelle les carences énergétiques (pétrole, gaz naturel, électricité) se faisaient sentir ont orienté la Chine vers une exploitation poussée de ses gisements. Ceux-ci se situent, outre la Mandchourie et le Shandong, dans le Hebei, le Shanxi (à 300 ou 500 km de Pékin et de la mer Jaune), ainsi que dans le bassin du fleuve Bleu: Sichuan, Hunan. Dans l’Ouest, il s’agit surtout de charbons d’âge secondaire (Jurassique). La Chine du Sud possède également de nombreux bassins moins importants que ceux du Nord, mais qui se suivent toutefois sur une centaine de kilomètres. Il est regrettable, pour la Chine, que les régimes politiques antérieurs n’aient pas procédé plus tôt à la mise en valeur. La production était de 11 millions de tonnes en 1946, 94 en 1955, 360 en 1970, 663 en 1979.
Certes, les besoins énergétiques sont énormes, mais, jusqu’à présent, le charbon est presque la seule source d’énergie, d’où ce taux de croissance assez insolite et qui dépasse le rythme cependant soutenu de l’U.R.S.S. Il est prévu que la Chine, en l’an 2000, fournira 1,4 milliard de tonnes, soit 21 p. 100 de la production mondiale, essentiellement pour ses besoins personnels puisqu’elle ne participera que pour 30 millions de tonnes au commerce international.
L’U.R.S.S.
L’U.R.S.S. est, en 1979, le troisième producteur mondial: quelque 495 millions de tonnes (18 p. 100). D’année en année, l’extraction progresse et il en sera peut-être encore ainsi pendant une ou deux décennies. Mais l’U.R.S.S. exploite le pétrole et le gaz naturel et ses besoins énergétiques ne peuvent être couverts par le seul charbon. Cela explique le rythme plus lent de la mise en valeur. En 1900, avec 10 millions de tonnes, en 1913 avec 30 millions, la Russie faisait figure de pays sous-exploité en face de l’Europe charbonnière qui s’étendait de la Silésie à la Grande-Bretagne. À partir de 1929 (38 millions de tonnes), la cadence d’extraction s’accroît: 120 millions en 1938, 140 en 1946 – malgré la guerre –, 304 en 1956; le cap des 400 millions est franchi en 1964; celui des 500 millions ne l’a pas encore été en 1980, et l’on est en droit de se demander si les objectifs pour les années à venir (1 088 millions de tonnes pour l’an 2000) peuvent être atteints.
Le principal gisement et le plus anciennement exploité se situe à l’ouest de l’Oural: le Donbass, qui se poursuit vers le sud dans le Caucase septentrional, est relayé au nord par le bassin de Moscou-Toula. Il fournit encore le tiers de la production. Bien qu’assez pauvre, l’Oural fut mis en valeur de bonne heure. Au nord se situe le bassin de la Petchora. Mais les principales réserves sont en Asie russe: Kouzbass, Irkoutsk, connues avant la révolution, Kansk-Achinsk, Toungouska, Lena, Yakoutie du Sud en Sibérie, Karaganda et Ekibastouz au Kazakstan. Ces bassins offrent à la Sibérie de belles perspectives d’industrialisation, dans la mesure où des populations pourraient les valoriser.
L’Europe charbonnière
Tout autre est la situation des pays de l’Europe occidentale car les gisements affleurent pratiquement et sont techniquement aisément exploitables; l’exploitation y est très ancienne. En 1865, le Royaume-Uni extrayait près de 100 millions de tonnes et était, en fait, le seul producteur mondial (20 millions de tonnes alors en Allemagne). En 1900, il en produisait 229 millions, sur un total mondial qui était de 696, mais il avait été dépassé par les États-Unis dès 1897. En 1913, sa production (292 millions de tonnes) représentait encore un quart de celle du monde: ce fut un record. Depuis cette époque, la production n’a fait que décroître, de façon très irrégulière. En 1946, le National Coal Board prit la tête des charbonnages nationalisés.
L’extraction passa de 200 millions de tonnes en 1947 à 227 en 1957. Cette année marque un tournant dans la politique énergétique anglaise. Depuis cette date, d’année en année, la production ne fait que s’amenuiser: 110 millions de tonnes en 1974, le niveau de 1870; en 1979, 45 milliards de tonnes de réserves exploitables. L’épuisement n’est pas la cause de ce marasme. Pétrole, gaz naturel et centrales nucléaires ont permis au Royaume-Uni d’entrer dans une ère nouvelle, celle qui devrait normalement succéder à l’ère du charbon.
Il en est de même en Europe continentale, mais la crise s’est manifestée à des dates différentes. La Belgique , avec 23,5 millions de tonnes en 1900 et 30,4 en 1952 (année record), fut la première touchée. Depuis 1952, les mines ferment les unes après les autres. La production de 1980 dépasse à peine 6 millions de tonnes. Puis l’Allemagne de l’Ouest fut affectée en commençant par ses charbonnages sarrois, dont l’activité culmina en 1955: 17,3 millions. L’Allemagne extrayait 73 millions de tonnes en 1900 (dans le cadre des frontières de l’ancienne république fédérale d’Allemagne), 132 en 1913, 151 en 1938, puis en 1956. Depuis, c’est le déclin: 124 millions en 1967, 87 millions en 1980, soit 3 p. 100 de la production mondiale. Les réserves potentielles restent cependant importantes: 250 milliards de tonnes en 1979, autant que l’Australie. La Haute Autorité, qui avait lutté avec tant de fougue contre les cartels, a permis la création d’une société unique d’exploitation: Ruhr Kohle Bergbau, qui assurera 90 p. 100 de l’extraction des charbons de la Ruhr. La France (33 millions en 1900, 44 en 1913, 54 en 1929), qui avait misé sur le charbon après la Seconde Guerre mondiale, a connu un revirement analogue à partir de 1960 (maximum de 57,7 millions en 1958). Elle n’a extrait que 44,5 millions de tonnes en 1967, 18 en 1980. Les charbonnages du Nord-Pas-de-Calais ont été les plus touchés: 49 p. 100 de la production en 1958, 22,6 p. 100 en 1980. Ceux du Centre-Midi ont comparativement mieux résisté (25,6 p. 100 et 27,6 p. 100) surtout à Blanzy et en Provence (centrales thermiques). Les Houillères du bassin de Lorraine ont mieux supporté la crise. Les Pays-Bas , où l’exploitation débuta, vers 1913, dans le Limbourg, ont extrait 13,5 millions de tonnes en 1938. Ils ont résisté jusqu’en 1961: 12,6 millions de tonnes. Depuis cette date, le recul est particulièrement sensible – moins de 9 millions de tonnes en 1967 –, mais l’État, propriétaire de la majeure partie des mines, s’est préoccupé d’implanter des activités de reconversion. Depuis 1975, le charbon n’est plus extrait.
L’Europe de l’Ouest ferme ses charbonnages, stocke des tonnages sans cesse plus importants, mais elle importe des États-Unis les fines à coke indispensables à son industrie sidérurgique. La déroute du charbon n’est pas le signe d’une faillite: elle accompagne, jusqu’en 1974, un essor économique sans précédent, axé de plus en plus sur les pétroles importés et le gaz naturel de Lacq, de la plaine du Pô, de la mer du Nord et de ses rivages. Le premier choc pétrolier de 1974 a été, plus que la crise charbonnière, le facteur essentiel de la récession et du chômage. La seule chance de renouveau est dans l’emploi massif des charbons importés, plus compétitifs que ceux de l’Europe.
Les pays d’Europe centrale et orientale voient leur production progresser d’année en année, toutefois à un rythme très lent. Le bloc oriental fournit environ 240 millions de tonnes en 1980, mais, dans le cadre de ses frontières actuelles, il en extrayait déjà près de 50 millions en 1900, 80 en 1913, 96 en 1929, 110 en 1952, 160 en 1967. La production de la Bulgarie, de la Hongrie, de la Roumanie, de la Yougoslavie est presque insignifiante. Seul le gisement silésien est prospère; mis en valeur par l’Allemagne jusqu’en 1945, il participait alors de l’économie capitaliste de l’Europe de l’Ouest. De gros progrès ont été réalisés par l’économie socialiste, mais les réserves sont limitées. La Pologne (21 milliards de tonnes de réserves exploitables en 1979: 3 p. 100 du monde) a vu sa production passer de 47 millions de tonnes en 1946 à 140 en 1970 et 201 en 1979: quatrième rang dans le monde avec 7 p. 100 de la production, après l’U.R.S.S. Il faut y ajouter plus de 38 millions de tonnes de lignite. En l’an 2000, il est prévu 340 millions de tonnes (5 p. 100) dont 50 millions seulement iraient à l’exportation. Cependant, la crise des années 1980 a affecté sérieusement cette économie; elle aura sans doute des incidences sur ces perspectives. La Tchécoslovaquie , producteur de longue date, est passée de 14 millions de tonnes en 1946 à 28 en 1970. C’est un maximum, en partie compensé par la croissance des lignites: 19 millions en 1946, 96 en 1979. Le territoire de l’ex-R.D.A. n’a pas de houille, mais il est le premier producteur de lignite et de charbon brun: il produisait 260 millions de tonnes en 1980.
L’Asie
Le Japon produisait 21 millions de tonnes en 1913, près de 49 en 1938. Après la Seconde Guerre mondiale, le développement industriel, sans précédent dans le monde, s’est fait en partie en marge de l’économie charbonnière. L’exploitation est passée par un maximum en 1961-1962: 54,5 millions de tonnes. Depuis, elle régresse: 18 millions en 1979. Le Japon en est arrivé, en 1968, à signer des contrats avec les mines de l’ouest canadien et à financer l’équipement d’une mine dans l’Oklahoma, afin de se procurer les fines à coke destinées à ses usines sidérurgiques littorales. La république démocratique de Corée produit du charbon depuis 1955: 35 millions de tonnes en 1979, tandis que la république de Corée, également à ses débuts, plafonne vers 18 millions.
En Inde , les réserves sont assez élevées et l’extraction, de 6 millions de tonnes en 1900, s’est élevée à 16,5 millions en 1913, 30 en 1946, 74 en 1970, 103 en 1979, ce qui en fait le sixième producteur mondial (4 p. 100, l’équivalent du Royaume-Uni). Elle devrait conserver cette participation en l’an 2000, avec 272 millions de tonnes, destinées surtout à la consommation locale.
Les États-Unis
Le cas des États-Unis est particulier. Les réserves potentielles, en 1979, sont de 2 570 milliards de tonnes (25 p. 100 du total mondial), mais les réserves exploitables, 180 milliards (28 p. 100), sont supérieures à celles de l’U.R.S.S. ou de la Chine. Dès 1918, ils produisaient 615 millions de tonnes, taux retrouvé en 1944 et dépassé en 1947 – 620 millions – afin de pallier les carences européennes. Si les États-Unis avaient poursuivi l’extraction au rythme qui fut celui des années 1870-1918, ils produiraient actuellement quelque 2 milliards de tonnes. Mais la crise de 1929, qui fut sévère, donna un coup d’arrêt à l’expansion, et, actuellement, le charbon ne joue plus qu’un rôle secondaire, il couvre environ 20 p. 100 des besoins énergétiques. Le développement massif de l’économie américaine explique, en partie, que la production se soit maintenue aux environs de 400 millions de tonnes après la Seconde Guerre mondiale, avec des poussées brutales dues aux besoins de l’Europe, et, depuis quelques années, du Japon. En 1979, avec 704 millions de tonnes, ils couvrent 25 p. 100 des besoins mondiaux et l’U.R.S.S. n’est pas sur le point de les rattraper. Les États-Unis entendent participer largement à la deuxième vague charbonnière. Il est prévu qu’ils resteront les premiers producteurs de l’an 2000: 1,9 milliard de tonnes (28 p. 100) dont 350 millions exportées (35 p. 100 du commerce mondial). Les compagnies pétrolières ne s’y sont pas trompées qui, ayant reconnu dans leurs sondages de nombreux gisements, en ont obtenu la concession et commencé l’exploitation. Les conditions de l’extraction, dans les Appalaches, sont particulièrement aisées. Malgré la dispersion de l’exploitation (80 p. 100 du tonnage est produit par 9 000 charbonnages), les prix de revient sont parmi les plus bas du monde et le taux de fret des minéraliers joue un rôle décisif dans le grand commerce maritime. En l’an 2000, ils seront épaulés par les nouveaux venus.
Les nouveaux venus de l’an 2000
Le Canada a peu de réserves exploitables: 9 milliards de tonnes. Sa production, 15 millions en 1946, en baisse ensuite, croît depuis 1974: 31 millions en 1980; elle atteindra les 100 millions de tonnes en l’an 2000, et les exportations porteront sur 70 millions. l’Afrique du Sud produisait 24 millions de tonnes en 1946. L’essor est manifeste depuis la crise pétrolière: 65 millions de tonnes en 1974, 103 en 1979, sans doute 200 à la fin du siècle dont 100 exportées, soit 10 p. 100 du commerce mondial. Le Botswana a des réserves potentielles supérieures à celles de l’Afrique du Sud. Mais, c’est l’Australie qui doit connaître le développement le plus rapide. Les réserves exploitables y sont de 30 milliards de tonnes. Elle produisait 14 millions de tonnes en 1913 et en 1946, 50 en 1970, 84 en 1980, et devrait atteindre 340 millions en l’an 2000 (5 p. 100) pour livrer 200 millions sur le marché mondial (20 p. 100). Elle sera alors le deuxième exportateur après les États-Unis.
Le commerce du charbon, en 1979, s’élevait à 230 millions de tonnes: États-Unis, 26 p.100, Australie, 18 p. 100, Pologne, 18 p. 100, U.R.S.S., 10 p. 100, Afrique du Sud, 10 p. 100, etc. En l’an 2000, les exportations porteront sur 1 milliard de tonnes et seront assurées par les États-Unis, 35 p. 100, l’Australie, 20 p. 100, l’Afrique du Sud, 10 p. 100, le Canada, 7 p. 100, la Pologne, 5 p. 100, la Chine, 3 p. 100, etc. Les vraquiers en construction approcheront sans doute les 200 000 tonnes en poids lourd (tpl). Les ports européens ou japonais sont capables de les recevoir, mais on aménage des terminaux à New York, Hampton Roads, la Nouvelle-Orléans, Vancouver, Hay Point en Australie, Richards Bay en Afrique du Sud, ainsi qu’en Chine.
2. Industrie charbonnière
Occupant une situation quasi monopolistique dans le bilan énergétique du début du siècle, le charbon a vite subi la concurrence de l’hydroélectricité, d’abord, et des hydrocarbures, ensuite. Il n’en couvre pas moins encore, au moment où il revient sur le devant de la scène à la suite des chocs pétroliers, 30 p. 100 du bilan énergétique mondial. En dépit de la régression en Europe, vers les années 1960, la production charbonnière a continué à progresser dans le reste du monde, et notamment dans les pays communistes, avant la relance qui a marqué les années 1970-1980, période durant laquelle on voit émerger à côté des puissances charbonnières traditionnelles de nouveaux pays, situés principalement dans le Tiers Monde et qui interviennent à la fois comme sources d’approvisionnement (Afrique australe, Colombie, Indonésie) et comme marchés de consommation (Asie du Sud-Est).
Son poids dans l’économie industrielle, dont il va constituer un élément essentiel plus qu’aucune autre source énergétique, dépasse sa part apparente dans la production industrielle mondiale, de l’ordre de 2 à 3 p. 100. Il importe de souligner que cette industrie qui, dès aujourd’hui, occupe en ordre de grandeur de 2 à 3 p. 100 de la main-d’œuvre industrielle, soit 5 millions de personnes, pourrait, selon l’Organisation internationale du travail, employer de 9 à 10 millions de personnes à la fin du siècle pour une production située entre 6 et 7 milliards de tonnes (Gt) et cela en tenant compte de la progression du rendement dans les mines. C’est assez dire la source de création d’emplois que représente l’industrie charbonnière si l’on y ajoute les emplois indirects dans les industries satellites de l’industrie charbonnière.
Structure
L’évolution structurelle de l’industrie charbonnière a été marquée depuis la Seconde Guerre mondiale par deux grandes tendances à la concentration.
D’abord, il y a la concentration des sièges de production, en vue d’introduire dans l’industrie souterraine traditionnelle les méthodes d’exploitation modernes susceptibles de favoriser la progression des rendements qui, dans la plupart des pays, ont doublé, parfois triplé, depuis la dernière guerre, en Europe comme aux États-Unis; mais aussi, il y a concentration naturelle dans les exploitations en découvertes dont la part ne cesse d’augmenter, conférant à l’industrie charbonnière un caractère de plus en plus capitalistique.
Ensuite, la tendance s’est manifestée sur le plan même de l’organisation charbonnière. En effet, alors qu’en Europe occidentale l’idéologie d’abord, au lendemain de la Première Guerre mondiale, mais aussi, plus tard, le mouvement de régression portent à la nationalisation pure et simple ou à la mise sous contrôle de l’État de l’industrie charbonnière, on observait à l’échelle mondiale et tout spécialement aux États-Unis la prédominance d’une industrie charbonnière privée, elle-même soumise à un mouvement de concentration. Mais, depuis la crise de 1973, le fait marquant est le contrôle que cherchent à exercer les grands groupes pétroliers et miniers sur le marché charbonnier mondial et plus généralement sur toute la chaîne internationale du charbon. Cette démarche des grands opérateurs est sans doute le signe le plus évident du rôle primordial qu’est appelé à jouer le charbon dans l’équilibre énergétique mondial des prochaines décennies.
États-Unis
Vieux pays charbonnier, les États-Unis présentent une structure contrastée avec d’une part un nombre important de petites sociétés dispersées dans l’est et fortement soumises aux aléas de la conjoncture et d’autre part de grands groupes, certains charbonniers mais aujourd’hui à vocation plus large (sidérurgistes ou électriciens qui vont assurer 20 p. 100 de leurs approvisionnements sur leur propre charbon contre 6 p. 100 en 1965 et 15 p. 100 en 1978), et d’autres, ceux qui sont nés de la crise ou qui l’ont anticipée, les pétroliers en particulier, mais aussi les miniers, qui, partis les derniers, concentrent leurs efforts sur les meilleures unités de production, c’est-à-dire les très grandes mines, à l’est déjà mais plus encore à l’ouest. C’est le cas d’Amax qui assure près de la moitié de sa production (18 Mt sur 40 Mt) à partir de la mine de Bel Ayr dans le Wyoming et prévoit dans son développement une nouvelle unité de même capacité. Cette tendance sera d’autant plus marquée que la production va se déplacer vers les grandes concessions de l’Ouest américain, où plus des cinq sixièmes de la production se feront en découvertes. En 1982, quatorze grands groupes (parmi lesquels les pétroliers occupent une place prépondérante) détiennent de 40 à 50 p. 100 des réserves non fédérales et 90 p. 100 des concessions fédérales avec une position dominante dans l’ouest, contrôlent de 35 à 40 p. 100 de la production (de 50 à 60 p. 100 à l’horizon de 1990) et un tiers des exportations (deux tiers en 1990) et prennent une part active au développement portuaire.
Australie
On retrouve en Australie la même juxtaposition de petits producteurs et de grandes sociétés australiennes (Electricity Commission of New South Wales, Broken Hill Propietary ou Colonial Sugar Refining qui fournissent 35 p. 100 de la production) et surtout étrangères ou multinationales (Utah de General Electric, C.R.A. Ltd. du groupe britannique Rio-Tinto Zinc Corp., sociétés japonaises fortement implantées du fait de la vocation importatrice de ce pays). L’obligation de réserver 50 p. 100 d’une société à des intérêts australiens a toutefois conduit à développer l’exploitation en consortiums formés de sociétés d’origines diverses.
Sociétés multinationales
On a vu dans ces deux exemples le poids de plus en plus important que prennent les sociétés multinationales dont la volonté déterminée de participer très activement au développement du marché mondial les conduit à s’implanter tout au long de la chaîne charbonnière, depuis la production (dans les pays traditionnellement producteurs et exportateurs comme dans les nouveaux pays charbonniers tels que la Colombie, l’Indonésie ou l’Afrique australe...) jusqu’à la consommation (utilisation de leur réseau commercial déjà en place dans les pays consommateurs) et aux utilisations nouvelles (nombreux projets de gazéification et liquéfaction) en passant par les transports (ports et vracquiers). Parmi ces groupes, dont les sept «Majors», qui détiennent plus de 60 Gt de réserves de par le monde et produisent environ 200 Mt de charbon (500 Mt à l’horizon de 1985-1990), on peut citer les exemples de BP (14 Mt actuellement aux États-Unis, au Canada, en Afrique du Sud et en Australie et 30 Mt en 1985-1990), d’Exxon (dont la production passera de 12 Mt à 70 Mt par an), de General Electric (27 Mt à 51 Mt) ou d’Amax (40 Mt à 77 Mt).
Europe
En Europe, la situation est quelque peu différente bien que soumise aux mêmes évolutions techniques et économiques. Certes, la plupart des industries charbonnières européennes ont été, comme on l’a vu, nationalisées et contrôlées par les pouvoirs publics. Mais à la faveur de la crise pétrolière, si l’emprise de l’État reste forte sur cette industrie charbonnière, on assiste dans bien des cas, et tout spécialement dans les pays importateurs, à la naissance de structures d’importation qui, publiques ou privées, ont pour vocation d’investir à l’étranger et d’être présentes sur le marché international du charbon pour garantir les approvisionnements de leurs pays respectifs.
Allemagne
Le mouvement de concentration de l’industrie charbonnière, commencé à la fin du XIXe siècle avec le Rheinische Westphaliche Kohlensyndikat jusqu’à la création de grands groupes charbonniers plus ou moins dépendants de la sidérurgie, est enrayé par la politique de décartellisation qui a sévi au lendemain de la Seconde Guerre mondiale; mais, peu à peu, comme si l’évolution tenait à la nature des choses, on a assisté à la reconstitution des grands groupes charbonniers jusqu’au moment où, dans les années 1960, sous l’effet de facteurs divers (récession, déséquilibre économique des charbonnages...) a été créée, avec le concours des sidérurgistes, du pétrolier Veba et sous l’influence du gouvernement, la Ruhrkohle A.G. qui regroupe l’essentiel des exploitations et produit actuellement 80 p. 100 du charbon allemand.
À ses côtés, la Saarbergwerke A.G. (contrôlée à 74 p. 100 par le gouvernement fédéral et à 26 p. 100 par le Land sarrois) participe à la production houillère pour quelque 10 Mt à partir du bassin sarrois. Comme la majorité des sociétés de pays importateurs, ces deux groupes sont présents à l’étranger (États-Unis, Canada, Australie) pour sécuriser l’approvisionnement de l’Allemagne.
Grande-Bretagne
Encore très morcelée à la veille de la Seconde Guerre mondiale malgré les tentatives de rationalisation (Coal Mines Act de 1930), l’industrie britannique a entrepris sa réelle refonte en 1947, dans le cadre de la nationalisation des industries de base avec la création du National Coal Board (N.C.B.). Chargé, après les records de production (plus de 220 Mt en 1953-1954), de gérer la récession, le N.C.B., qui produit aujourd’hui 120 Mt, entrevoit à présent l’avenir avec plus de clarté et met en œuvre un important programme d’investissement qui repose notamment sur la mise en exploitation de deux grands gisements (Selby dans l’est du Yorkshire et Belvoir dans les Midlands) et pourrait porter sa production à quelque 150 Mt.
France
C’est au XIXe siècle que l’industrie houillère française commence à s’organiser sous le régime des concessions instauré par la loi de 1810, concessions accordées jusqu’en 1892 à titre perpétuel. C’est alors la grande entreprise qui prévaut, mais sans la concentration verticale intégrant la sidérurgie qui caractérise la R.F.A., en raison d’une localisation différente des mines de houille (Nord-Pas-de-Calais, Centre-Midi) et de fer (Lorraine où l’exploitation houillère ne s’est développée réellement qu’au lendemain de la Seconde Guerre mondiale).
En 1938, les onze principales sociétés privées produisent près de 65 p. 100 du charbon français, mais la crise économique puis la guerre se font lourdement sentir sur l’industrie charbonnière qui souffre, outre des destructions dues à la guerre, de l’inadaptation des structures et d’un défaut d’équipement.
Par la loi du 17 mai 1946 les exploitations de combustibles minéraux ont été nationalisées. À cet effet, ont été créés des établissements publics: il s’agit des Charbonnages de France, établissement central, et de trois Houillères de bassin, qui sont des établissements publics «nationaux à caractère industriel et commercial» dotés de la personnalité civile et de l’autonomie financière.
Les Charbonnages de France assurent la direction d’ensemble, le contrôle et la coordination des activités des Houillères de bassin sans préjudice de leur autonomie juridique.
Le contrôle de l’État sur l’ensemble de ces entreprises publiques s’exerce de deux façons:
– D’une part, en vertu de leurs textes statutaires, l’emprise de l’État se traduit par la présence de représentants de celui-ci au sein des conseils d’administration, qui comprennent par ailleurs des membres désignés en raison de leur compétence en matière industrielle et financière, ainsi que des représentants des consommateurs et du personnel. L’ensemble des administrateurs, les présidents des conseils d’administration et les directeurs généraux sont nommés par décret.
– D’autre part, en vertu de textes plus généraux relatifs au contrôle de l’État sur les entreprises publiques, les Charbonnages de France et les Houillères de bassin doivent soumettre à l’approbation préalable de la tutelle (ministre de l’Industrie et ministre de l’Économie et des Finances) toute décision importante: prévision de recettes et de dépenses, cessions, prises de participations, etc. De plus, des contrôleurs d’État siègent dans chaque conseil d’administration sans droit de veto.
Les rapports entre l’État et les Charbonnages de France sont déterminés dans un cadre contractuel consacrant l’autonomie de gestion de l’entreprise et fixant, par ailleurs, la contribution forfaitaire à la thermie produite correspondant à une préférence accordée, pour des raisons d’indépendance énergétique, à la production nationale.
Enfin, il convient de noter que les Charbonnages de France et les Houillères de bassin sont soumis au contrôle de la Cour des comptes.
Exploitation et équipements
La gestion des mines de charbon a pour principal but d’améliorer les prix de revient, mais également, comme pour toute entreprise employant une main-d’œuvre importante, elle vise en même temps à améliorer les conditions de travail, d’hygiène et de sécurité du personnel; aussi, la nature des gisements et les conditions techniques d’exploitation qui sont intimement liées influencent-elles fortement les résultats.
Les caractéristiques des gisements
Les facteurs naturels qui caractérisent un gisement sont multiples. Il faut citer parmi les plus importants:
– la profondeur;
– le type de gisement (monocouche ou multicouche);
– les caractéristiques géométriques des couches de charbon (la puissance ou l’épaisseur, le pendage – pente des couches –, et la régularité);
– la nature des terrains situés à la partie inférieure de la couche (le mur) et à la partie supérieure (le toit);
– les caractéristiques spécifiquement minières de la couche: dureté, présence de grisou, susceptibilité à l’auto-oxydation, possibilité de dégagements instantanés, risques liés aux poussières inflammables ou nocives...
Tous ces facteurs interviennent dans le choix de la méthode d’exploitation et par voie de conséquence dans celui du matériel. Le premier, cependant, est déterminant quant au type même d’exploitation: mine à ciel ouvert (découverte) ou mine souterraine.
Les exploitations par découvertes
Lorsque les couches de charbon ou de lignite se trouvent près de la surface, ce qui est un cas très favorable, l’exploitation est conduite par découverte, d’une manière qui s’apparente à une succession de travaux de terrassement.
Suivant sa consistance, la couche de stériles (morts-terrains) recouvrant le charbon est dégagée soit par foration et par tir à l’explosif, soit par des excavateurs: pelles, roues-pelles, draglines; le charbon est ensuite récupéré par d’autres engins du type pelles et roues-pelles; il est enfin transporté soit par rails, camions ou convoyeurs à bande.
Lorsque la couche de charbon est épaisse et la hauteur des morts-terrains réduite, des exploitations très mécanisées par excavateurs géants – comme celles des lignites d’Aix-la-Chapelle en R.F.A. (couches de 20 à 100 m sous 200 à 400 m de morts-terrains) ou comme celles d’Ekibastuz en U.R.S.S. dans le Kazakhstan (couche de 100 à 180 m sous 0 à 100 m de morts-terrains) ou encore celles de Latrobe en Australie (couche de 113 m sous 13 m de recouvrement) – donnent des concentrations et des productivités remarquables. Les engins utilisés sont des roues-pelles dont chaque godet a un volume pouvant atteindre 8 m3 et qui extraient jusqu’à 200 000 m3 par jour.
Dans les sites moins favorables, on utilise des pelles dont les godets sont de plus en plus importants (10 à 20 m3) si bien que l’exploitation ressemble à une carrière.
Le rapport (t /c ) qui caractérise ce type d’exploitation est le nombre de m3 de morts-terrains déplacés par rapport aux tonnes de charbon extraites. Il est considéré comme normal lorsque sa valeur est voisine de 10 à 12 m3. Ce chiffre est cependant d’ores et déjà dépassé dans le cas de gisement de charbon de qualité ou de gisement suffisamment important pour justifier des équipements de grande dimension.
L’exploitation en découverte, si elle est peu importante en France (localisée dans le bassin du Centre et du Midi), est très développée dans d’autres pays charbonniers comme la R.F.A., l’U.R.S.S., l’Australie et les États-Unis. Dans ce dernier pays, 57 p. 100 de l’accroissement prévu de production au cours des prochaines années doit provenir de découvertes. En U.R.S.S., à moyen terme, près de la moitié de la production proviendra des découvertes dont 56 millions de tonnes par an à Ekibastuz.
Les exploitations souterraines
L’exploitation souterraine reste cependant, tout au moins en Europe, la forme la plus typique et la plus répandue de l’extraction minière.
Les grandes infrastructures
Les installations de surface d’une mine souterraine sont regroupées sur un vaste espace appelé «carreau» et comprennent:
– la ou les machines d’extraction qui doivent assurer la liaison permanente fond-jour;
– le chevalement du puits de mine, qui a longtemps symbolisé la mine et qui supporte à son faîte deux molettes (poulies) dont le but est de renvoyer vers le puits les câbles qui relient la machine aux cages. De plus en plus souvent, dans les mines modernes, ces chevalements sont remplacés par des tours en béton, au sommet desquelles sont situées les machines d’extraction;
– la recette du jour située à l’orifice du puits qui comprend l’ensemble des dispositifs nécessaires aux manœuvres d’encagement et aux manœuvres inverses (décagement);
– une station électrique, une station génératrice d’air comprimé;
– les ventilateurs principaux;
– les vestiaires, douches, lampisterie, magasins;
– un atelier de préparation mécanique des charbons par criblage et lavage avec, si possible à proximité, l’aire de décharge des résidus stériles (le terril).
La liaison entre le fond et le jour est assurée par l’intermédiaire de puits ou de plans inclinés (fendues). Deux accès sont nécessaires pour établir un circuit d’aérage.
Dans les puits dont le diamètre peut atteindre 10 m circulent les cages ou les skips, vastes silos métalliques chargés au fond et vidés au jour grâce à une trappe à ouverture automatique placée à la base.
Les infrastructures générales du fond sont constituées par de grandes galeries horizontales partant de chacun des puits ou fendues, soit parallèlement aux couches de charbon – il s’agit alors de «bowettes» –, soit perpendiculairement – on parle alors de «travers-bancs».
Ces grandes artères sont situées à des niveaux différents (250 m par exemple) et reliées entre elles. La partie du gisement comprise entre les deux plans horizontaux qui passent par ces galeries délimite un étage d’exploitation.
L’exploitation
Des quartiers d’exploitation sont créés par le traçage de voies dans le rocher et dans le charbon à partir de chacun des travers-bancs.
La répartition actuelle, en Europe, du personnel dans les différentes activités du fond est de l’ordre de 30 p. 100 dans les chantiers d’exploitation au sens strict, 20 p. 100 dans les creusements de galeries, 50 p. 100 dans les services: installations et déséquipements, transport du charbon et du matériel, entretien des ouvrages et du matériel, sécurité et divers.
Nous examinerons ici l’exploitation dite classique des veines peu pentées, d’ouverture moyenne allant de 1 à 3 m, qui représentent actuellement dans le monde la plus grande partie, non pas des gisements existants, mais des gisements en cours d’exploitation.
Dans le cas de gisements plus particuliers: veines très minces ou très épaisses, veines pentées, que l’on trouve souvent en France, des méthodes originales ont été mises au point. Ces méthodes commencent à intéresser les ingénieurs des pays étrangers. Signalons: pour les dressants, outre la méthode classique en France fondée sur le remblayage hydraulique (dans laquelle l’abattage du charbon est effectué par une machine inventée par des ingénieurs des Charbonnages de France), les premiers essais en vraie grandeur de longue taille au pendange avec remblayage au sable traité, travaillant dans une pente à 63o; pour les couches puissantes et spécialement irrégulières, une méthode fondée sur le soutirage du charbon laissé au toit à partir d’un chantier, taille ou galerie, situé sur le mur de la couche.
Dans le domaine classique, les deux principaux modes d’exploitation d’une veine sont les «chambres et piliers» et la longue taille.
La méthode des chambres et piliers est la plus répandue: aux États-Unis, où elle représente 90 p. 100 de l’extraction du fond, et dans tous les pays à gisement peu profond (jusqu’à 300 m de profondeur), régulier et à bonnes conditions de toit, comme l’Afrique du Sud, l’Australie, le Canada... Elle consiste à creuser deux systèmes de galeries parallèles dans la veine, ou chambres, découpant le massif de charbon en quadrilatères appelés piliers. Une fois les chambres creusées dans un secteur, on conduit l’exploitation en récupérant les piliers. Cette méthode très souple, après avoir utilisé pour les creusements de galeries les méthodes conventionnelles par foration et tir, développe l’utilisation de machines de creusement ou mineurs continus qui deviennent de plus en plus puissantes et seront dans un proche avenir télécommandées.
Lorsque les conditions de toit l’exigent, on procède à un ancrage des terrains par boulonnage, souvent après avoir effectué un purgeage du toit, grâce à une machine appropriée. Pour l’évacuation du charbon, on se dirige de plus en plus vers des tracto-chargeurs Diesel sur pneus, tout en envisageant l’emploi d’un réseau mobile de convoyeurs à bande télécommandés situés derrière les mineurs continus.
Des unités dotées d’un mineur continu, de deux ou trois chargeuses ou d’un train de convoyeurs à bande, éventuellement d’une boulonneuse et d’une purgeuse, sont capables de produire 1 000 t nettes par jour dans une veine de 2 m d’ouverture.
La longue taille peut être schématiquement définie comme une galerie en couche, d’une longueur de 100 à 250 m en général, qui se déplace parallèlement à elle-même dans la veine, en étant constamment reliée à deux autres galeries ou «voies» qui lui sont perpendiculaires. Ces voies servent à toutes les communications entre la taille et l’ensemble de l’exploitation: arrivée d’air et du matériel, circulation du personnel, évacuation du charbon produit.
Au cours du déplacement de la taille, le charbon est abattu par une machine puis évacué vers la voie de desserte grâce à un convoyeur à raclettes; un soutènement déplaçable protège l’espace ouvert contre les éboulements. Enfin, le vide à l’arrière de la taille est traité.
La taille est donc un chantier complexe, siège de trois opérations:
– L’abattage du charbon. Cette opération est réalisée soit à l’aide d’un rabot, soit à l’aide d’une haveuse à tambour.
– Le transport du charbon dans le chantier. Dès qu’il est abattu, le charbon doit quitter la taille, généralement poussé par les raclettes d’un convoyeur blindé vers la voie de desserte, ce convoyeur devant, par ailleurs, servir de guidage au rabot ou de support à la machine d’abattage tout en assurant des débits instantanés pouvant atteindre 1 500 t/h; les têtes motrices transmettent des puissances allant jusqu’à 600 kW.
– Le traitement du toit. Un premier traitement temporaire destiné à protéger l’espace nécessaire au travail dans le chantier est réalisé par le soutènement du toit; jadis réalisé par du bois, puis par des éléments mécaniques, ce soutènement est de plus en plus réalisé grâce à des éléments de soutènement marchant (ou piles), ensemble mécanohydraulique dans lequel de puissants vérins, travaillant à des pressions comprises entre 30 et 50 MPa assurent un serrage vigoureux du toit et le déplacement des piles pour suivre l’avancement de la taille. Le type de pile actuellement le plus répandu est le soutènement « bouclier ».
Le traitement définitif du toit après passage de la taille est assuré soit par un remblayage hydraulique ou pneumatique qui remplit les vides créés par le départ du charbon puis libéré par le soutènement, soit par foudroyage: les terres viennent occuper les vides de l’arrière-taille après rupture naturelle du toit en arrière du soutènement. Cette dernière méthode est de loin la plus répandue et la plus économique.
De tels chantiers peuvent atteindre des productions unitaires importantes. C’est ainsi que, en octobre 1981, une taille de 250 m de longueur en service au siège de La Houve des Houillères du bassin de Lorraine a établi un record mondial en produisant en moyenne 6 411 t nettes par jour en avançant de 140 m.
Le creusement des galeries. Pour situer le problème, signalons que pour une production souterraine annuelle de 16,76 Mt, 149 km de galeries ont été creusées en 1982 dans les Charbonnages de France.
En ce qui concerne les galeries au charbon, les engins utilisés sont du même type que ceux qui sont employés en chambres et piliers, le soutènement pouvant être plus complexe et nécessitant de recourir parfois à un soutènement métallique associé ou non à un boulonnage.
En ce qui concerne les galeries au rocher, elles sont le plus souvent exécutées par forage, par un engin mobile (jumbo), par tir à l’explosif et chargement avec tracto-chargeurs sur pneus ou à chenille; signalons que l’on commence en ce domaine à employer la technique des «tunneliers» déjà utilisée en travaux publics et à explorer les techniques de découpage de galeries par jets d’eau à haute pression (de 100 à 300 MPa).
Les services. Il faut citer, dans ce domaine qui comprend les opérations s’effectuant hors des fronts de taille ou de creusement:
– le transport du charbon qui est assuré le plus souvent d’abord par convoyeur à bande pouvant atteindre des débits de 2 000 t/h, puis quelquefois par berlines;
– le transport du matériel qui revêt de multiples aspects (soit par fer, soit par locotracteurs Diesel suspendus, soit par engins sur pneus...).
– le transport du personnel qui est très varié (monorail, télésièges, remonte-pentes, trains, camions...).
– l’entretien des ouvrages et du matériel confié soit, pour le premier, à des mineurs veillant au maintien de la section des galeries, soit, pour le second, à des électromécaniciens;
– les problèmes de sécurité ou d’hygiène qui incluent, entre autres, la lutte contre les poussières nocives et inflammables par arrosage, infusion d’eau, épandage de sels cryoscopiques, schistification; la lutte contre les dégagements de grisou grâce à des installations de détections (grisoumétrie) et de captage (signalons, en particulier, le traitement par ordinateur de télégrisoumétrie réalisé au siège 19 de Lens dans le Nord – Pas-de-Calais); les problèmes climatiques liés à l’approfondissement et à l’accroissement de la production et des puissances installées; les problèmes des feux spontanés et des incendies et les problèmes de transmission des informations (télévigiles), de la parole et de télécommande; télécommande utilisant les techniques les plus modernes telles qu’automates programmables, ordinateurs, fibres optiques, etc.
En ce qui concerne les découvertes, il est prévisible que ce genre d’exploitation, déjà très mécanisée, ne pourra exister que dans des régions à faible densité de population, car elles posent d’énormes problèmes d’environnement: la reconstitution et le respect de certains sites imposant des limites sévères. Quant à l’exploitation de la mine souterraine, on voit se dessiner pour le futur une mine capable d’une production journalière supérieure à 30 000 t nettes (certains parlent de quatre ou cinq fois plus), faisant de plus en plus appel aux techniques de recherche opérationnelle pour la planification, l’étude des structures, les découpages et la stratégie d’exploitation, et aux ordinateurs pour le télécontrôle et la télécommande des installations du fond.
La gestion
L’exploitation des mines de charbon est en fait dominée par les contraintes de gestion, la solution à rechercher étant l’« optimum économique», compte tenu de conditions sociales souvent complexes. S’il s’agit de prendre une décision concernant une mine existante, modernisation, développement ou régression, on devra étudier les effets de la mesure face aux possibilités d’écoulement (quantité, qualité, prix). Ces renseignements conduiront à un calcul de rentabilité et, entre plusieurs solutions envisagées, on décidera en fonction des rentabilités des différentes solutions. Pour l’ouverture de mine profonde, il faut de très gros capitaux. Les durées d’ouverture sont le plus souvent de huit à dix ans. C’est seulement après cette période que commence l’amortissement du capital investi qui se fait sur vingt ou trente ans. Les estimations à faire se rapportent donc à de longues périodes, telles qu’il est difficile de prévoir tous les éléments.
En tout état de cause, les calculs économiques sont complexes et supposent une parfaite définition et une parfaite connaissance des hypothèses de départ. Ces réserves faites sur les hypothèses de travail, il faut encore attacher beaucoup de prudence à l’interprétation des calculs et de leurs résultats.
Politique charbonnière et prospective
La nécessité d’un recours massif au charbon: une prise de conscience mondiale
Il est reconnu aujourd’hui par les experts de l’Organisation de coopération et de développement économiques (O.C.D.E.) et de l’Agence internationale de l’énergie (A.I.E.) que le choix se situe entre un recours massif au charbon et la récession économique, avec ses implications sociales. On vient de prendre conscience que les hausses cumulées du pétrole depuis 1973 hypothèquent ou confisquent l’essentiel des possibilités de croissance du P.N.B.: «sans la hausse cumulée des prix du pétrole, la croissance aurait pu atteindre en 1981 5 à 6 p. 100 au lieu de 1 p. 100» (O.C.D.E.).
De là, l’avis unanime que seules des mutations structurelles du bilan énergétique – qui, paradoxalement, sept ans après la crise, reste assujetti aux hydrocarbures dans de fortes proprotions dans tous les espaces géographiques – permettront de sortir de l’impasse. Sans relance des énergies de remplacement, «la reprise économique pourrait se trouver compromise dans la première moitié de la décennie de 1980» et plus encore au-delà (A.I.E.).
Les économies d’énergie ont également un rôle à jouer. Mais, pour l’heure, elles sont globalement imputables à la crise économique autant qu’à une utilisation plus efficace et plus rationnelle de l’énergie. Elles n’en demeurent pas moins un gisement important pour l’avenir. Grâce à elles, on pourrait même réduire de quelque 20 p. 100 les accroissements de consommation d’énergie prévus d’ici à la fin du siècle, ce qui porterait le niveau absolu des besoins en l’an 2000 à quelque 16 milliards de tonnes équivalent charbon (Gtec) ou 11 milliards de tonnes équivalent pétrole (Gtep).
La figure 1 situe la place du charbon dans le bilan énergétique mondial et permet pour l’avenir de mesurer la contribution décisive que seul – compte tenu des apports limités, sinon marginaux, des énergies nouvelles et de l’énergie nucléaire – il peut apporter à son équilibre en y réduisant la part des hydrocarbures.
Sur ces points, il faut évoquer un certain nombre de déclarations concordantes qui marquent une véritable prise de conscience mondiale.
Pour l’étude «World Coal Study» menée sous l’égide du Massachusetts Institute of Technology (M.I.T.) et présentée en France le 12 mai 1980: «Le charbon peut fournir la plus grande partie des besoins d’énergie des deux prochaines décennies et jouer de ce fait le même rôle que le pétrole dans les vingt années qui ont précédé la crise».
Le Conseil ministériel de l’Agence internationale de l’énergie du 22 mai 1980 invite le Conseil consultatif de l’industrie charbonnière, créé en son sein, à «présenter les recommandations concrètes sur les mesures nécessaires pour doubler la production et l’utilisation du charbon d’ici à 1990». Ces recommandations ont montré l’ampleur des marchés, du potentiel de production et du commerce mondial.
Le sommet des pays occidentaux de Venise (22 et 23 juin 1980) déclare: «nous comptons doubler la production et l’utilisation du charbon d’ici à 1990», c’est-à-dire la porter de 1 à 2 Gtec, accroissement qui représenterait une part déterminante des «possibilités d’accroître l’offre et l’utilisation de sources d’énergie autres que le pétrole», estimées pour les dix prochaines années entre 1 et 1,5 Gtec. Ces déclarations ont été confirmées dans leur esprit au sommet d’Ottawa en juin 1981. Les États-Unis, première puissance industrielle de l’Occident, ont donné à cette option charbonnière une dimension exemplaire.
La Conférence mondiale de l’énergie, tenue à Munich du 8 au 12 septembre 1980, souligne l’effort à accomplir pour atteindre cet objectif.
L’enjeu est capital, puisque, selon les estimations, le charbon devrait couvrir entre la moitié et les deux tiers des accroissements de consommation énergétique d’ici à l’an 2000 (3 à 4 Gtec/6 Gtec), ce qui suppose un rythme de développement d’ici à la fin du siècle compris entre le doublement et le triplement pour les productions et les consommations, et de l’ordre du quintuplement pour le commerce mondial.
L’enjeu est d’une singulière importance pour l’Europe communautaire dont la dépendance vis-à-vis du pétrole et du gaz est restée presqu’au même niveau qu’en 1973, malgré la stratégie de riposte imaginée à l’époque. Quand on considére le bilan énergétique de cet ensemble en l’an 2000, on prend conscience que, selon les hypothèses de consommation, le charbon devrait couvrir entre 50 et 60 p. 100 de l’accroissement des besoins énergétiques – et électriques – si l’on veut plafonner les consommations pétrolières à leur niveau présent. Là aussi, c’est la seule voie pour retrouver une relative maîtrise des approvisionnements.
Les trois atouts du charbon ou les trois fondements de la stratégie charbonnière
Pour réaliser cette stratégie ambitieuse, qui suppose bien entendu une détermination politique et industrielle, le charbon dispose de trois atouts essentiels, et il est la seule source d’énergie à disposer de ces trois atouts à la fois:
– un vaste marché potentiel;
– des ressources exceptionnelles qui ont une situation géopolitique relativement favorable;
– un niveau de compétitivité attrayant pour un investissement relativement modéré.
Autant dire qu’il a les moyens de son ambition et que les avantages l’emportent sur les obstacles à son développement, pourvu que les stratégies appropriées soient résolument mises en œuvre.
Un vaste marché potentiel . Rappelons que, après plus de vingt ans de déclin, le charbon assure encore, à l’échelle mondiale, plus de 40 p. 100 de la production d’électricité, l’essentiel de l’approvisionnement de la sidérurgie et une part non négligeable des besoins énergétiques de l’industrie, plus large et significative il est vrai dans les pays communistes que dans le monde occidental.
Pour l’avenir, en dépit de l’extension du procédé de réduction directe, le charbon à coke restera la base de l’approvisionnement de la sidérurgie. Certes, la progression de ce débouché spécifique ne sera pas aussi brillante que dans les vingt années qui ont précédé 1974. Il faudra compter désormais avec un tassement de l’activité dans le monde industrialisé, où la concurrence redouble, et avec une percée déjà amorcée des sidérurgies du Tiers Monde, deux tendances qui, en première approximation, conduisent à estimer la production mondiale d’acier entre 1 500 et 1 600 millions de tonnes (Mt) en l’an 2000. Sur cette base, les besoins en charbon à coke mondiaux, qui plafonnent actuellement autour de 450 Mtec, pourraient augmenter à 900 Mtec, les quatre cinquièmes de l’accroissement étant le fait des pays communistes et des pays en voie de développement.
Dans l’électricité, la place du charbon ne peut être que croissante, car il a vocation pour se substituer au pétrole et au gaz qu’il convient plus que jamais de réserver à des emplois plus nobles, et naturellement il occupera le champ laissé libre par le ralentissement acquis des programmes nucléaires. Il est vraisemblable que, dans un contexte de développement modéré, la consommation d’électricité se situera, à la fin du siècle, autour de 20 000 milliards de kilowattheures (ou térawattheures, TWh) contre 8 000 TWh actuellement. Compte tenu des apports attendus de l’énergie nucléaire (4 000 à 5 000 TWh) et de l’énergie hydraulique (4 000 TWh), c’est au charbon qu’il faudra recourir pour garantir au moins la moitié de la production d’électricité. Il y correspondrait une consommation située entre 3 et 3,6 Gtec. Dans ce cas, le marché du charbon serait assuré par le débouché électrique à concurrence de 50 p. 100 à l’échelle mondiale et de 60 p. 100 pour la zone O.C.D.E..
En outre, les technologies maîtrisées ou à l’étude permettent d’envisager ce développement dans des conditions de rendement satisfaisantes, assorties d’une réduction des frais d’investissement et des frais d’exploitation. Citons la technique du lit fluidisé, mais surtout les cycles combinés de production d’électricité comprenant gazogène, turbines à gaz, turbines à vapeur, nettement plus efficaces que les cycles actuels.
Dernier marché qu’il convient de reconquérir: l’industrie et les chauffages collectifs. C’est là que la percée du charbon sera la plus significative. Pour mener une stratégie dissuasive, il conviendrait, à l’échelle mondiale, d’y presque tripler d’ici à l’an 2000 les consommations de charbon qui atteindraient alors 2,5 Gtec, soit près de 40 p. 100 du marché charbonnier (26 p. 100 pour la zone O.C.D.E.). L’effort le plus important est à accomplir dans les pays de l’O.C.D.E., où la part du charbon dans ces débouchés serait à porter de 13 p. 100 actuellement à 26 p. 100 en l’an 2000. La figure 2 montre ce redéploiement.
La reconquête dans l’industrie se fera vraisemblablement en deux étapes.
Pendant une dizaine d’années, c’est la consommation sous chaudières qui prévaudra, et son développement devrait être facilité par la mise en œuvre des technologies nouvelles que constituent les mélanges possibles en suspension de charbon et de fuel, l’emploi du charbon pulvérisé traité comme un fluide, la combustion en lit fluidisé.
Au-delà, les débouchés pourraient être considérablement élargis par la mise en œuvre à grande échelle des techniques de conversion (gazéification et liquéfaction), voire de gazéification in situ . Il faut souligner que, par le biais de la gazéification, le charbon peut être aussi à l’origine de la plupart des matières de base utilisées par la chimie. Ces nouvelles techniques, qui font l’objet de multiples expérimentations dans le monde industriel, sont susceptibles de mobiliser des centaines de millions de tonnes.
Il importe donc que l’effort de recherche en cours soit amplifié pour faciliter tous les usages du charbon. Vu l’enjeu technologique, aucun pays industriel ne devrait s’en désintéresser.
Le tableau 1 synthétise les différentes perspectives charbonnières, notamment pour la zone de l’O.C.D.E., telles qu’elles résultent des derniers travaux de l’A.I.E..
Des réserves exceptionnelles permettant un grand développement charbonnier. Il suffit d’interroger la géologie et la géopolitique. La carte suivante montre l’extraordinaire abondance et la situation géopolitique favorable des ressources et des réserves de charbon, cette dernière notion recouvrant la part exploitable des ressources avec les techniques actuelles. Il peut en résulter un développement considérable des productions et un commerce international de grande ampleur.
L’élévation incessante des prix de l’énergie depuis 1974 conduit à situer entre 1 500 et 3 000 Gtec le potentiel exploitable dans des conditions qui ne différeraient pas beaucoup de celles que nous connaissons aujourd’hui. De nombreux experts, selon l’A.I.E., considèrent que les évaluations de la Conférence mondiale de l’énergie, tenue en 1977 (600 Gtec) sont très conservatoires puisque, en dépit de la crise et du relèvement consécutif des prix de l’énergie, les chiffres des précédentes conférences n’ont été que fort peu réévalués. Il en va de même pour les estimations de la dernière conférence mondiale tenue à Munich en 1980 qui n’a procédé qu’à de modestes réévaluations.
Il est unanimement reconnu que les réserves charbonnières sont un multiple des autres réserves énergétiques réunies (cinq à six fois) y compris les réserves d’uranium telles qu’elles sont utilisées à travers les filières actuelles. Chacune des autres sources recèle un potentiel de quelque 200 à 300 Gtec. On peut dire qu’en ordre de grandeur les réserves de charbon se comparent en valeur calorifique aux réserves d’uranium telles qu’elles seront réappréciées grâce à leur utilisation dans les surrégénérateurs. Pour fixer les idées, alors qu’on parle d’un épuisement des réserves de pétrole, de gaz, voire d’uranium, à travers les filières actuelles, d’ici à vingt ou trente ans, pour le charbon, la durée de vie, sans être illimitée, est d’un autre ordre de grandeur: 500 à 1 000 ans au niveau des présentes consommations et 150 à 300 ans de la consommation d’énergie actuelle. Même en tenant compte de la progression des besoins, qui ne sera en aucune façon aussi rapide qu’on l’avait prévu avant la crise, les réserves de charbon seront de très loin les dernières épuisées parmi les réserves de combustibles traditionnels.
Ces réserves pourraient de surcroît être fortement accrues si la technologie de la combustion in situ devait déboucher dans les prochaines années. L’enjeu serait particulièrement important pour l’Europe qui détient relativement peu de ressources énergétiques car, au-delà de 1 000 m, elle dispose de centaines de milliards de tonnes supplémentaires qui pourraient devenir ainsi utilisables.
La carte fait apparaître également une bonne répartition de ces réserves, beaucoup plus satisfaisantes et sécurisantes d’un point de vue géopolitique que celle des ressources pétrolières et même gazières. L’accès à ces réserves risque de poser d’autant moins de problèmes que la plupart des grands exportateurs sont dotés de régimes politiques plutôt libéraux, et semblent disposés à jouer le jeu de l’économie de marché.
Malgré une forte concentration dans les trois grandes puissances que sont les États-Unis, l’U.R.S.S. et la Chine, on peut mesurer l’importance du disponible dans les autres régions du monde: il se compare avantageusement avec les réserves de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (O.P.E.P.). C’est en dizaines de milliards, sinon en centaines de milliards de tec, que l’on peut comptabiliser le capital «réserves» des grands pourvoyeurs du marché mondial que resteront l’Australie, le Canada, l’Afrique du Sud et la Pologne et, pour l’avenir, les gisements encore mal reconnus d’Afrique australe et d’Amérique latine, qui recèlent un potentiel considérable et constituent d’intéressants pôles de diversification, d’autant que, dans beaucoup de ces pays, le charbon constituerait un élément décisif de développement et d’équilibre économique et social, gages de stabilité.
Il apparaît ainsi que les sources du commerce mondial sont suffisamment diversifiées et géographiquement variées pour éviter une pesée trop excessive des «trois grands» sur le marché mondial.
En définitive, ce modèle charbonnier est l’inverse du modèle de l’O.P.E.P., géographiquement concentré, politiquement perturbé dans les zones de production essentielles, et sans nécessité économique pour les pays riches en pétrole et peu peuplés. Autant dire que l’essor charbonnier a peu de chances de générer des excédents monétaires comparables à ceux de l’O.P.E.P., qui ont rompu l’équilibre du système monétaire international.
Un autre avantage du charbon qui est mal perçu est l’importance des gisements exploitables à ciel ouvert qui, en ordre de grandeur, représentent de 20 à 30 p. 100 des réserves mondiales selon les espaces géographiques. Le proclamer, c’est lever une des grandes objections faites à l’industrie houillère: industrie de main-d’œuvre à coût croissant.
On constate que, depuis dix ans, la part des exploitations à ciel ouvert dans la production ne cesse d’augmenter pour atteindre 20 p. 100 en Afrique du Sud, 35 p. 100 en U.R.S.S., 50 p. 100 en Australie, 60 p. 100 aux États-Unis et 85 p. 100 au Canada. Précisons que les développements en projet sont prévus, pour les deux tiers, à partir de mines à ciel ouvert. C’est un fait capital, car dans cette mesure l’industrie houillère se transforme progressivement en industrie capitalistique au même titre que les autres industries énergétiques, et sa position dans la compétition ne peut qu’en être renforcée.
C’est le lieu de souligner que, quelle que soit l’ampleur du mouvement de consommation, on pourrait en tout état de cause s’appuyer sur le charbon pour compenser toute défaillance éventuelle des autres sources d’énergie et ainsi garantir l’avenir économique. Il est remarquable que les cibles de production définies pour l’horizon de l’an 2000 n’ont cessé d’être réévaluées depuis la crise dans la plupart des pays charbonniers en fonction de leurs besoins propres, mais aussi en fonction de l’appréciation portée sur l’évolution du commerce mondial. À titre indicatif: 1,8 Gtec contre 1,4 Gtec aux États-Unis, de 150 à 200 Mtec contre 100 Mtec au Canada, 400 Mtec contre 280 Mtec en Australie, 280 Mtec contre 200 Mtec en Afrique du Sud.
Le tableau 2 esquisse un bilan charbonnier mondial pour les vingt prochaines années qui synthétise, sur la base des hypothèses moyennes, les programmes ou intentions des pays concernés. On y voit le poids relatif des grands ensembles ou des pays les plus significatifs dans la consommation, la production et le commerce mondial de charbon.
On se borne à en dégager quelques réflexions axées principalement sur le commerce mondial qui constitue le grand pôle d’intérêt du point de vue des pays importateurs.
On constate dans ce tableau les rythmes de développement, déjà évoqués, concernant la production, la consommation et le volume du commerce mondial. Précisons que ce dernier sera de plus en plus axé sur le charbon vapeur dont les échanges pourraient se multiplier par huit ou neuf d’ici à la fin du siècle. À ce niveau d’échanges, c’est 15 p. 100 de la production qui seraient importés contre 8 p. 100 en 1980, soit un rapport beaucoup plus satisfaisant que celui qui caractérise le marché pétrolier avec, rappelons-le, des possibilités de diversification nettement plus importantes, donc un marché plus restreint et plus diversifié.
Le tableau 3 montre:
– du côté des importations, trois ensembles principaux: l’Europe très largement en tête qui, avec 10 p. 100 de la consommation et 5 p. 100 de la production, continuera de revendiquer près de la moitié des importations. Le reste ira, à parts à peu près égales, au Japon, encore plus démuni en ressources propres, et à certains pays d’Amérique latine et de l’Asie du Sud-Est qui ont déjà fait leur entrée sur la scène mondiale;
– en face, les grands pourvoyeurs du marché mondial semblent devoir être, comme aujourd’hui et dans des proportions à peu près équivalentes, l’ensemble constitué par les trois grandes puissances où probablement les États-Unis joueront un rôle prépondérant, les stratégies de l’U.R.S.S. et de la Chine restant aléatoires sinon imprévisibles, et le groupe de pays déjà exportateurs composé par l’Australie, l’Afrique du Sud, le Canada et la Pologne.
La diversification pourrait aller plus loin avec l’émergence sur le marché mondial de la Colombie, sinon de l’Inde et de l’Indonésie, et, plus tard sans doute, car leur développement comporte un enjeu stratégique pour le monde industriel et notamment pour les pays importateurs de ce monde, les pays d’Afrique australe que sont le Botswana, le Zimbabwe, le Swaziland et le Mozambique, tous pays dotés d’un potentiel de réserves considérable.
Ce commerce mondial pourrait prendre un nouvel essor si les pays en voie de développement devaient accroître davantage que prévu leur consommation de charbon.
Il va de soi que des efforts considérables sont à accomplir pour assurer le succès de cette stratégie charbonnière, mais ils ne paraissent pas hors de portée quand on les compare aux contraintes et aux exigences des autres chaînes énergétiques.
Quelques faits significatifs montrent d’ailleurs que le redéploiement charbonnier est déjà à l’œuvre dans la réalité et s’inscrit dans les lignes de tendance définies.
Depuis 1973, la production de charbon croît plus vite que la production d’énergie et à un rythme correspondant à l’objectif pour l’an 2000. Les accroissements dépassent même cette cadence dans la plupart des grands pays charbonniers exportateurs.
De même, la consommation de charbon dans les centrales thermiques a augmenté, en taux annuel moyen, plus rapidement que la production d’électricité elle-même, aux États-Unis, au Canada et dans la Communauté européenne. Un recensement des projets de centrales à charbon, dans les pays à économie de marché, fait apparaître un doublement possible des consommations de charbon d’ici à 1990.
Le mouvement de conversion au charbon est amorcé dans l’industrie et presque achevé dans les cimenteries.
Le plus spectaculaire est l’essor des échanges mondiaux de charbon, et notamment de charbon vapeur – quadruplement depuis 1974 –, qui évoluent à un rythme nettement supérieur à celui que requiert leur quintuplement d’ici à l’an 2000.
Certes il existe encore des points de blocage dans la progression de ce commerce mondial, et notamment les ports. Mais là aussi le recensement provisoire et non exhaustif des capacités portuaires en service, en construction et en projet, dans les grands pays exportateurs et importateurs de charbon laisse prévoir un doublement des capacités actuelles dans les dix prochaines années, ce qui les porterait à plus de 500 millions de tonnes.
Les prix les plus bas du marché de l’énergie et un investissement relativement modéré. Le charbon a une position favorable par rapport à ses concurrents tant en ce qui concerne le prix d’approvisionnement (6 centimes la thermie contre 11 à 12 pour le gaz et le pétrole) que la charge d’investissement à la tonne de capacité au port de réception (175 dollars de 1980 par tonne de capacité annuelle, contre de 350 à plus de 1 000 pour ses concurrents).
Le prix du charbon se situe entre le tiers et la moitié des prix du pétrole, si bien que la substitution d’une tonne de pétrole par son équivalent en charbon économiserait 170 dollars en devises, de quoi rétablir les équilibres de paiement dans les pays industriels et, par là-même, contribuer à un mouvement de relance économique.
On notera que l’écart entre les prix du charbon et ceux du pétrole n’a cessé de se creuser depuis 1973, date à partir de laquelle les premiers ont augmenté, en francs constants, de 10 p. 100 et les seconds de 22 p. 100 par an (3 p. 100 par an et 14 p. 100 par an si l’on fait l’économie du premier choc pétrolier).
Pour l’avenir, sans dissimuler les chefs de hausse des coûts liés à l’exploitation, aux transports et aux surinvestissements impliqués par l’utilisation du charbon, il semble qu’ils puissent être pour une large part contrebalancés par l’effet des progrès technologiques et économiques envisageables: généralisation des «longues tailles» dans les mines souterraines, substitution d’une industrie capitalistique à une industrie de main-d’œuvre par la part croissante des mines à ciel ouvert dans la production, recours massif aux trains complets, aux slurries et aux gros minéraliers assouplissant les contraintes et réduisant les charges de transport beaucoup plus élevées que pour le pétrole puisqu’elles représentent entre la moitié et les deux tiers du prix de revient, perfectionnement de techniques antipollution dont le poids ne devrait pas dépasser 10 à 15 p. 100 du coût de l’énergie finale, perfectionnement des techniques classiques d’utilisation (pulvérisé, lit fluidisé, mélange fuel-charbon, gazogène) et maîtrise de techniques nouvelles (cycles combinés-turbines à gaz, turbines à vapeur-gazéification, liquéfaction).
En matière d’investissement charbonnier, les dépenses requises pour que le charbon couvre la moitié, sinon les deux tiers, des besoins énergétiques nouveaux d’ici à la fin du siècle, et à ce moment-là assure 35 à 40 p. 100 de l’approvisionnement mondial, ne représenteraient que 15 à 20 p. 100 de l’investissement énergétique total, estimé autour de 10 000 milliards de dollars lors de la dernière Conférence mondiale de l’énergie.
La stratégie des grands acteurs et l’équilibre du marché charbonnier
Saisir cet enjeu, c’est assurément, pour les grandes puissances industrielles, retrouver une relative maîtrise de leurs approvisionnements dans des conditions favorables à la restauration des grands équilibres économiques et monétaires. Faut-il encore le vouloir et mettre en œuvre les stratégies d’investissement appropriées, ce qui implique la détermination conjointe des pouvoirs publics et des industriels.
Ces stratégies sont indispensables pour opérer, dans un cadre concurrentiel, la véritable mutation qui conférera à l’industrie charbonnière, jusque-là cantonnée pour l’essentiel aux marchés intérieurs (charbon à coke mis à part), la dimension internationale de plus en plus large que requiert le développement du commerce mondial.
Les grands groupes internationaux pétroliers et miniers ont été parmi les premiers à percevoir les enjeux et à reconnaître les implications de cette nouvelle stratégie. Les positions importantes qu’ils ont prises tout au long de la chaîne charbonnière, en tant qu’industriels rompus à la maîtrise des marchés internationaux, constituent sans doute la réponse la meilleure et la plus concrète aux doutes émis ici ou là quant à la possibilité de mettre en œuvre une riposte charbonnière de grande ampleur. Une vingtaine de groupes internationaux ou locaux ont pris en quelques années le contrôle de réserves charbonnières équivalentes aux réserves pétrolières du Moyen-Orient et annoncent des projets de développement qui sont de nature à leur donner un rôle de premier plan dans le commerce mondial à l’horizon de 1985-1990.
Pour se prémunir contre les risques d’une telle évolution, le Japon cherche de son côté à s’assurer la maîtrise directe des approvisionnements qui lui sont nécessaires. Transposant la stratégie qu’il a mise en œuvre dans le domaine du charbon à coke, il a d’ores et déjà défini et lancé une politique appropriée en matière de charbon vapeur qui, sous l’égide du Ministry of International Trade and Industry (M.I.T.I.), réunit tous les acteurs intéressés en vue du triple contrôle par des opérateurs japonais de la ressource, de la flotte minéralière et des technologies de combustion et de conversion. Sur le point clé de l’approvisionnement, dont on cherche à diversifier les sources, de nouvelles structures sont mises en place pour coordonner le dialogue avec les pays exportateurs, l’objectif étant de stabiliser les courants d’échanges et les prix à la satisfaction des utilisateurs et des fournisseurs.
Comme l’a écrit le M.I.T.I.: «Dans un contexte de regain général d’intérêt pour la houille, il sera de plus en plus difficile pour le Japon de participer aux projets miniers les plus rentables, ne serait-ce qu’en raison de la politique de redéploiement des investissements des «Majors» de l’industrie pétrolière. Cela justifie d’autant plus la recherche intensive d’informations sur les gisements exploitables et sur les projets miniers; mais la stratégie de participation devra aussi innover une politique audacieuse d’achat ou de rachat de droits miniers, tant par les sociétés privées que par le gouvernement japonais lui-même.»
Nous voilà au nœud du problème. C’est en effet en recherchant et en trouvant un équilibre entre les intérêts des grands acteurs: pays exportateurs, pays importateurs et sociétés intermédiaires, qu’on peut espérer un approvisionnement charbonnier relativement stable à des prix satisfaisants. Hors de ce modèle, on ne peut que voir resurgir les positions dominantes de tel ou tel groupe d’opérateurs qui ont conduit à l’impasse pétrolière. Il importe que, dans chaque grand pays industriel, tous les intéressés rassemblent leurs compétences et leurs forces pour être présents tout au long de la chaîne charbonnière et en contrôler chaque maillon à la mesure de leurs besoins. C’est à ce prix que pourront s’ajuster la demande et l’offre en évitant les soubresauts qui ont agité la scène pétrolière. C’est, en bref, la condition de la sécurité et du meilleur approvisionnement. C’est, enfin, le moyen pour le pays concerné de saisir les retombées industrielles et commerciales multiples attachées à une chaîne énergétique qui a toutes chances de devenir dominante. Aucun grand pays industriel ne peut manquer cet enjeu sans dommage pour son économie.
Pour relever le défi et sortir de l’impasse, il n’est pas trop de la contribution de toutes les énergies et de toutes les sources mobilisables. Dans la mutation qui s’impose, le charbon doit occuper une place privilégiée car il est le seul combustible qui, dans les vingt années qui viennent, puisse tenir un rôle équivalent à celui qu’a joué le pétrole dans les vingt années qui ont précédé la crise, et sans doute sera-t-il en mesure de le tenir, compte tenu de son marché, de ses ressources et de son prix, dans des conditions telles que puissent être garantis une meilleure sécurité d’approvisionnement et un équilibre de développement plus harmonieux.
● charbonnages nom masculin pluriel Ensemble de mines de charbon en exploitation (houillères) dans une zone géographique donnée.
Encyclopédie Universelle. 2012.