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gorge

gorge [ gɔrʒ ] n. f.
• 1130; lat. pop. °gurga, class. gurges « gouffre »
I
1Parties antérieure et latérale du cou. La gorge et la nuque. Se protéger la gorge avec une écharpe. Gorge nue, découverte. Serrer la gorge de qqn. fam. kiki, sifflet; étrangler. Chien qui saute à la gorge d'un voleur. Couper la gorge à qqn ( égorger; coupe-gorge) . Veines de la gorge. jugulaire. Loc. Prendre qqn à la gorge, le contraindre par la violence, par une pression impitoyable. « le danger est là qui les prend à la gorge » (Taine). Mettre à qqn le couteau, le pistolet sous la gorge, lui imposer sa volonté par la violence et les pires menaces. ⇒ contraindre. Avoir le couteau sous la gorge : être contraint par une menace.
La gorge d'un oiseau, d'un pigeon ( gorge-de-pigeon, rouge-gorge) .
2( XIIIe) Littér. Seins, poitrine (d'une femme). buste. Un pectoral « couvrait la poitrine de la base du col à la naissance de la gorge » (Gautier). Sous-vêtement qui maintient la gorge. soutien-gorge.
II
1Région située au fond de la bouche, à l'entrée du pharynx, correspondant à la partie antéro-latérale supérieure du cou et comprenant le voile du palais, la luette et les deux amygdales. gosier. Avoir la gorge sèche, prise, irritée. Avoir mal à la gorge. Mal de gorge, maux de gorge. amygdalite, angine, laryngite, pharyngite. Pastilles pour la gorge. Avoir un chat, une boule dans la gorge. Gorge serrée par l'angoisse. Sanglot qui monte à la gorge. L'odeur âcre nous prenait à la gorge, nous piquait la gorge. ⇒ suffoquer.
(Considéré comme le centre de production de la voix, avec le larynx, le pharynx.) « Sa gorge contractée laissait passer un son rauque » (Green). Crier, chanter à pleine gorge. Rire à gorge déployée. S'éclaircir, se racler la gorge. Voix de gorge. guttural. Faire rentrer à qqn ses mots dans la gorge, l'obliger à se rétracter, à désavouer ses propos. — Ça m'est resté dans la gorge, en travers de la gorge : je n'ai pu l'admettre ou le dire (cf. Je ne l'ai pas digéré).
2Par méton. (XVIe fauconn.) Vx Ce qui entre dans la gorge, le jabot de l'oiseau de proie, l'aliment qu'on lui donne. — GORGE CHAUDE : chair encore chaude et palpitante qu'on donne à l'oiseau. Mod. Faire des gorges chaudes de qqch., se répandre en plaisanteries malveillantes, s'en régaler. ⇒ se moquer.
♢ RENDRE GORGE, se disait de l'oiseau rendant la viande qu'il avait avalée. Mod. Restituer par force ce qu'on a pris par des moyens illicites. Je vais lui faire rendre gorge.
IIIPar anal. Lieu, objet creux et étroit.
1(1675) Passage étroit, défilé entre deux montagnes; vallée étroite et encaissée. canyon, col, couloir, 1. porte. Les gorges du Tarn. « La gorge étroite qui semblait fermer le vallon » (Balzac).
Fortif. Entrée d'un ouvrage fortifié.
2Partie creuse, cannelure, rainure. « Elle passa le bout de son doigt dans la gorge d'une moulure » (Colette). Marbre à gorge. Creuser une gorge au gorget. Gorge d'une poulie. Gorge d'un étui de cartouche. Techn. Échancrure, entaille. Gorge d'une serrure. Gorge d'une charrue : partie antérieure du versoir. Gorge d'un isolateur électrique : l'échancrure dans laquelle repose le fil.

gorge nom féminin (bas latin gurga, du latin classique gurges, -itis, gouffre) Partie antérieure et latérale du cou d'un être humain, d'un oiseau : Serrer la gorge à quelqu'un. Partie inférieure du cou ; gosier, larynx ou pharynx : Avoir mal à la gorge. Littéraire. Seins, poitrine d'une femme. Vallée encaissée, aux versants raides, creusée dans des roches dures et cohérentes. Architecture et Arts décoratifs Large moulure creuse de profil curviligne. (C'est le contre-profil du tore.) Chaussure Face antérieure d'un talon. Manutention et stockage Évidement semi-circulaire à la périphérie d'une poulie. Mécanique Dans une pièce de révolution, rainure annulaire destinée à recevoir un autre élément (joint torique par exemple) ou à faciliter une opération d'usinage ultérieure (rectification d'une portée par exemple). Menuiserie Moulure concave. Serrurerie Pièce mobile soumise à l'action d'un ressort, qui immobilise le pêne dormant et le libère par action de la clef. Technique Partie d'un éventail constituée par l'ensemble des supports-brins entre la tête et la feuille. ● gorge (difficultés) nom féminin (bas latin gurga, du latin classique gurges, -itis, gouffre) Emploi Mettre le couteau sous ou sur la gorge à qqn : les deux se disent. Sous la gorge est plus courant, sur la gorge plus soutenu. Registre Gorge, au sens de « seins d'une femme », appartient au registre littéraire et n'est usité, dans le registre courant, que dans le composé soutien-gorge. ● gorge (expressions) nom féminin (bas latin gurga, du latin classique gurges, -itis, gouffre) Avoir le couteau sur ou sous la gorge, être forcé à s'exécuter immédiatement, à effectuer un paiement sans délai. Ça m'est resté en travers de la gorge, je ne peux pas l'admettre, l'oublier, ou je n'ai pas pu le dire. Chanter, rire à gorge déployée, à pleine gorge, chanter à tue-tête, gaiement, rire sans retenue, de bon cœur. Chanter de la gorge, chanter en étranglant le son. Faire des gorges chaudes de quelque chose, de quelqu'un, se répandre en mauvaises plaisanteries sur leur compte, s'en régaler. Faire rentrer à quelqu'un ses paroles dans la gorge, le forcer à rétracter ses paroles. Monter à la gorge, en parlant de larmes, venir étrangler la voix. Prendre quelqu'un à la gorge, gêner sa respiration, le faire suffoquer ; le retenir ou le serrer violemment par le cou ; le tenir à sa merci après lui avoir enlevé tout recours (financier, moral). Rendre gorge, restituer sous la contrainte ce qu'on s'était approprié d'une manière illicite. Serrer, nouer la gorge, créer une difficulté à parler, à respirer. Voix de gorge, voix gutturale. Mal de gorge, nom usuel de diverses inflammations (amygdalite, angine, pharyngite, laryngite, etc.). ● gorge (synonymes) nom féminin (bas latin gurga, du latin classique gurges, -itis, gouffre) Partie antérieure et latérale du cou d'un être humain, d'un...
Synonymes :
- gosier
- quiqui (populaire)
- sifflet (populaire)
Littéraire. Seins, poitrine d'une femme.
Synonymes :
- buste
- poitrine
Vallée encaissée, aux versants raides, creusée dans des roches dures...
Synonymes :
- couloir
- défilé
- porte

gorge
n. f.
d1./d Partie antérieure du cou. Serrer la gorge de qqn. Couper la gorge à qqn.
Loc. fig. Tenir, mettre le couteau sur la gorge à qqn, chercher à obtenir de lui qqch par la menace. Avoir le couteau sur (sous) la gorge.
d2./d Gosier, cavité située en arrière de la bouche. Avoir mal à la gorge. Syn. (Afr. subsah., Proche-Orient) cou, (France rég.) gargamelle, gargoulette.
|| Loc. Avoir la gorge sèche: avoir soif, être altéré. Rire à gorge déployée, très fort. Prendre à la gorge: produire une sensation d'étouffement. Fumée qui prend à la gorge.
Fig. Faire rentrer à qqn ses paroles (ses mots) dans la gorge, l'obliger à se taire ou à se rétracter.
d3./d Loc. fig. Rendre gorge: restituer sous la contrainte ce qui avait été pris injustement.
Faire des gorges chaudes de qqch, s'en moquer ostensiblement.
d4./d Par euph. Partie supérieure de la poitrine, seins d'une femme. Découvrir sa gorge.
d5./d GEOMORPH Vallée étroite et très profonde. Les gorges du Verdon.
d6./d ARCHI Moulure concave.
d7./d TECH Orifice ou cannelure.

⇒GORGE, subst. fém.
I. A. — 1. Partie antérieure du cou de l'homme. Le juge d'instruction voulut bien nous confier que la blessure à la gorge était telle que l'on pouvait affirmer, de l'avis même des médecins, que, si l'assassin avait serré cette gorge quelques secondes de plus, Mlle Stangerson mourait étranglée (G. LEROUX, Myst. ch. jaune, 1907, p. 15). Jusserand se prit à tousser et sortit un lourd foulard dont il s'enveloppa la gorge (DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 56) :
1. ... ils s'arrêtèrent épuisés, chancelèrent et roulèrent ensemble sur le sol; mais l'un d'eux se releva parvint à se dégager de l'étreinte de son adversaire et le frappa d'un dernier coup qui l'atteignit dans la gorge.
PONSON DU TERR., Rocambole, t. 1, 1859, p. 55.
P. anal. [Chez l'animal] Gorge d'un oiseau, d'un pigeon. Il [un serpent] faisait bruire ses anneaux sur les dalles, gonflait sa gorge, dardait sa langue fourchue (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 323). La substitution du collier d'épaules au collier de gorge entraînait une modification complète du harnais (P. ROUSSEAU, Hist. transp., 1961, p. 88).
2. Loc. verb.
a) Couper la gorge de (qqn), à (qqn). Synon. de égorger. Le second bourreau, armé d'un couteau, coupe la gorge du malheureux renversé et foule au pied sa poitrine pour faire sortir le sang avec plus d'abondance (DELÉCLUZE, Journal, 1826, p. 315).
P. ext.
Emploi pronom. réciproque. S'entretuer. Les combats où Français et Anglais se coupaient la gorge avec « des hurlements de joie » (MORAND, Londres, 1933, p. 324).
Vieilli. Se couper la gorge avec (qqn). Se battre en duel avec (quelqu'un). Mon cher monsieur, je consens à me couper la gorge avec vous, (...) je sors les épées du fourreau, ou les pistolets de la boîte, à votre choix (DUMAS père, Comte Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 294).
Rem. La docum. atteste un emploi réciproque avec le même sens. Là là, faites la paix, messieurs. Vous vous couperez galamment la gorge demain matin (HUGO, L. Borgia, 1833, III, 1, p. 155).
Emploi pronom. réfl. Déclarer sa fortune à sa fille, inventorier l'universalité de ses biens meubles et immeubles pour les liciter?... — Ce serait se couper la gorge (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 213).
b) Sauter à la gorge de (qqn). Saisir violemment (quelqu'un) en le prenant à la partie antérieure du cou. M. Litois sauta à la gorge d'Eugène, et, le prenant au collet, s'écria : — Vous n'irez pas, vous n'irez pas! (SOULIÉ, Mém. diable, t. 2, 1837, p. 68).
P. ext. Synon. de en venir aux mains avec (qqn). C'était à peine si la présence du chef de l'État le contenait dans les bornes des bienséances, et, comme il n'osait pas sauter à la gorge de son rival, il accablait d'invectives (...) le chef respecté de l'armée (A. FRANCE, Île ping., 1908, p. 371).
Emploi pronom. réciproque. Les deux hommes, cessant la comédie, livides et le visage crevant de haine, s'étaient sauté à la gorge. Ils se roulaient par terre, derrière un portant, en se traitant de maquereau (ZOLA, Nana, 1880, p. 1216).
c) Prendre (qqn) à la gorge. Saisir (quelqu'un) en le prenant au cou. Le fou le prit à la gorge, l'entoura de ses jambes, et tous deux se débattirent avec d'épouvantables convulsions (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 29).
Au fig. Exercer sur (quelqu'un) une grande violence ou une pression impitoyable. L'Empereur ému, dicta : « Ces calomnies contre un homme qu'on opprime avec une telle barbarie, et qu'on prend à la gorge pour l'empêcher de parler, seront repoussées par toutes personnes bien nées et capables de sentir... » (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 141) :
2. Ainsi, cet homme [Louis Bonaparte] a pris à la gorge la Constitution, la République, la loi, la France; il a donné à l'avenir un coup de poignard par derrière : il a foulé aux pieds le droit, le bon sens, la justice...
HUGO, Nap. le Pt, 1852, p. 131.
Rem. On trouve avec le même sens et les mêmes emplois : saisir, serrer, tenir (qqn) à la gorge.
d) Mettre le couteau, le poignard, le pistolet sur (plus rarement sous) la gorge à (qqn). Menacer (quelqu'un de cette arme). Il s'approcha tout à coup de l'amoureux, lui tira par surprise l'épée du baudrier, et, lui mettant le pistolet sur la gorge, dit au laquais : « Ôtez les éperons à ce traître (...) » (NERVAL, Fille feu, Angélique, 1854, p. 531).
Au fig. Placer (quelqu'un) dans une situation de contrainte. Un nouveau caprice de Nathalie vint mettre le couteau sur la gorge à son père (SOULIÉ, Mém. diable, t. 2, 1837, p. 248). Vous nous mettez le pistolet sous la gorge avec votre faillite (ZOLA, Curée, 1872, p. 526) :
3. Vous êtes peut-être gênées en ce moment, dites-le-moi, je ne viens pas vous mettre le couteau sur la gorge. Que Mme Vigneron me fasse un effet de deux mille francs, à trois mois; sa signature, pour moi, c'est de l'argent comptant.
BECQUE, Corbeaux, 1882, IV, 10, p. 243.
Tenir le pied sur la gorge à (qqn). La triste nécessité qui m'a toujours tenu le pied sur la gorge, m'a forcé de vendre mes mémoires (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 7).
e) Avoir le couteau sur la gorge (au fig.). Subir une contrainte, une pression impitoyable. J'ai été forcé moi-même, j'avais le couteau sur la gorge (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 137). Il n'y a que lui pour dire qu'il ne faut jamais se rendre, jamais accepter de conditions, même honorables, eût-on sur la gorge mille couteaux (BLOY, Journal, 1900, p. 219).
f) Tendre la gorge à (qqn) (au fig.). Se laisser tuer, accabler par (quelqu'un) sans lui opposer de résistance. Quatre mille vétérans (...) pleins de force, et ayant à la main la pique et l'épée, tendirent, comme des agneaux paisibles, la gorge aux bourreaux (CHATEAUBR., Martyrs, t. 2, 1810, p. 10). Tolstoï (...) veut que nous tendions au fer des massacreurs une gorge innocente (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 396).
B. — 1. Cavité intérieure du cou à partir de l'arrière-bouche. Synon. gosier. Il [le son] résulte de l'émission d'une certaine quantité d'air qui sort de la gorge, pendant que le système entier de l'organe vocal est disposé d'une certaine manière (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p. 322). Ces bonnes petites faînes huileuses qui grattent la gorge et font tousser (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 10). La chaleur du thé me descendit dans la gorge sans me soulager le cœur (DUHAMEL, Terre promise, 1934, p. 63) :
4. Le premier tintement de gong, qui annonçait l'approche du déjeuner, le fit se lever. Il alluma l'applique du lavabo pour éclairer le fond de sa gorge. Avant de se mettre à table il prenait généralement la précaution de se faire quelques instillations, afin d'atténuer la difficulté de la déglutition...
MARTIN DU G., Thib., Épil., 1940, p. 771.
Mal de gorge. Inflammation des muqueuses du pharynx et/ou du larynx. C'est un état assez pénible que la suite d'une fièvre inflammatoire. Les maux de gorge, les évanouissements durent, je crois, toute la vie (STAËL, Lettres L. de Narbonne, 1793, p. 127).
Expr. Avoir mal à la gorge, avoir la gorge prise, irritée. J'avais un petit accès de fièvre, mal à la gorge et une sensation générale de grippe (DU BOS, Journal, 1928, p. 104).
2. En partic.
a) Siège de diverses sensations, correspondant à la région du cou. Synon. gosier.
) [Sensation de soif] Avoir la gorge sèche, en feu, altérée. Éprouver une forte sensation de soif. Sa gorge sèche et qui avait soif. Son gosier sec. Son gosier qui avait soif (PÉGUY, Myst. charité, 1910, p. 78). Henri a commandé du champagne; j'avais la gorge sèche de soif, de fatigue, d'émotion et je vidai d'un trait deux coupes (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 188).
Loc. (fam.). Se rincer la gorge. Boire (en général une boisson alcoolisée). J'avais hâte de filer pour aller me rincer la gorge au bistro du coin (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 319).
Loc. adv. (Boire) à pleine gorge. (Boire) d'un trait, goulûment. Synon. à plein gosier. Saisissant sur la table une haute bouteille en terre poreuse où l'eau se conservait glacée, il la souleva des deux mains et but à pleine gorge, un long moment (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 235).
) [Sensation d'ordre respiratoire] Prendre à la gorge. Faire suffoquer. La limaille prenait à la gorge. Il y avait du fer dans la température, les hommes étaient couverts de fer, tout puait le fer (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 242). La soupe des chiens exhale une vapeur fétide qui vous prend à la gorge et vous fait tousser... c'est à vomir!... (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 34).
Au fig. Synon. de couper le souffle. Comment! s'écria Luizzi, pris à la gorge par l'outrecuidance de la position (SOULIÉ, Mém. diable, t. 2, 1837, p. 297). L' In Paradisum de Fauré, musique admirable (...). Les voix d'enfants prenaient à la gorge (GREEN, Journal, 1949, p. 297).
) [Sensation d'ordre psychosomatique, gén. l'angoisse] Gorge angoissée, contractée, crispée, nouée; avoir le cœur dans la gorge. Ma gorge sèche de désir quand je prononce les noms d'Asie... (BARRÈS, Cahiers, t. 1, 1897, p. 202). Raboliot, de nouveau, sent comme une boule se gonfler dans sa gorge (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 233).
Serrer (qqn) à la gorge, serrer la gorge de (qqn), à (qqn). Angoisser, oppresser (quelqu'un). Ces souvenirs serrèrent Madeleine à la gorge (ZOLA, M. Férat, 1868, p. 281). L'humiliation et la peine lui serraient la gorge. Il lui semblait que le bonheur de sa vie dépendait de cet instant (ARLAND, Ordre, 1929, p. 86) :
5. ... une grande émotion, une attente anxieuse, les approches de l'ineffable mystère, étreignaient le cœur des enfants, serraient la gorge de leurs mères. Le prêtre (...) remonta vers l'autel, et, tête nue, couvert de ses cheveux d'argent, avec des gestes tremblants, il approchait de l'acte surnaturel.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Mais. Tellier, 1881, p. 1194.
La gorge (de qqn) se serre. Quand je la vois, ma gorge se serre et j'étouffe, comme si mon cœur se soulevait jusqu'à mes lèvres (MUSSET, Caprices Mar., 1834, I, 1, p. 130).
b) Siège, organe de la voix. Avoir un chat dans la gorge. Elle ouvrit la bouche comme pour parler, un râle sortit du fond de sa gorge (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 354). La voix de Morhange s'était étranglée dans sa gorge (BENOIT, Atlant., 191, p. 126).
Vieilli, VÉN. [En parlant d'un chien] Avoir une bonne, belle gorge. Avoir une forte voix. Si vous êtes chasseur et que vous vouliez faire une surprise à grand orchestre, mettez de l'autre côté du rez de chaussée trois ou quatre chiens ouvrants ayant une belle gorge (GRESSENT, Créat. parcs et jardins, 1891, p. 437).
Loc. verb.
) [Le suj. désigne une production langagière] Rester dans la gorge. Ne pouvoir être exprimé. Il leva la tête, et s'apprêta à redire son bon mot. Son regard rencontra le visage de Gottfried (...). Sa phrase lui resta dans la gorge (ROLLAND, J.-Chr., Aube, 1904, p. 90). Une interrogation inquiète restait au fond de sa gorge : avais-je le droit de plaquer les copains? ai-je le droit de mourir pour rien? (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 174).
Rem. La docum. atteste la constr. vieillie : rester à la gorge. J'entonne encore bien quelquefois un petit cantique, dit Luther, et Le remercie un peu. Pour moi, je ne puis. Cela me reste à la gorge. Cette année surtout, je suis sec (MICHELET, Journal, 1840, p. 353).
Monter, venir à la gorge. Être sur le point d'être exprimé; venir à l'expression. Le cri de la douleur et de la colère montait à sa gorge, et, ne pouvant éclater, l'étouffait, car son visage s'empourpra et ses lèvres devinrent bleues (DUMAS père, Comte Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 5). Il trembla doucement, et des sanglots lui vinrent à la gorge. Il les ravala (ADAM, Enf. Aust., 1902, p. 214) :
6. Le mot mort remonta du fond de son cœur dans sa gorge. Mort, mort, tué... voilà : tué. Pourquoi? les gens... quelles gens? qui pouvait vouloir tuer Justin?
ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 158.
) [Le suj. désigne une pers.]
Se racler la gorge. Éclaircir sa voix. Le typo jette un regard anxieux à Dewrouckère, se racle la gorge et dit à Brunet : « On voudrait te causer » (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 251).
(Faire) rentrer des paroles dans la gorge à (qqn), de (qqn). Obliger (quelqu'un) à se taire, à désavouer ses propos. Tu vas te taire, à la fin, ou je ferai rentrer les mots dans ta gorge (SARTRE, Mouches, 1943, II, 1er tabl., 3, p. 51) :
7. — (...) peut-être que madame sera contente de savoir où va monsieur, de quatre à six, deux et trois fois par semaine, quand il est sûr de trouver la personne seule... Elle était devenue brusquement très pâle, tout son sang refluait à son cœur. D'un geste violent, elle tenta de lui rentrer dans la gorge ce renseignement qu'elle évitait d'apprendre depuis deux mois.
ZOLA, Argent, 1891, p. 223.
Renfoncer dans sa gorge. Taire, retenir. Il (...) renfonçait dans sa gorge une colère près de jaillir. Et, ne pouvant se contenir davantage, il renvoya la jeune fille d'un mot. — Va jouer un instant, ma chérie (ZOLA, Terre, 1887, p. 186). Comment ai-je pu dire tout cela, sans pouffer?... Comment ai-je pu renfoncer dans ma gorge le rire qui y sonnait, à pleins grelots?... En vérité, je n'en sais rien... (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 84).
Vieilli. (En) mentir par la gorge. Mentir de façon éhontée. Vous mentez par la gorge! comme disent les nobles (SAND, Mauprat, 1837, p. 171).
Loc. adv.
(Chanter, parler, rire, etc.) de la gorge. En contractant la gorge, en étranglant le son. Entendre sa jolie voix, qui ne connaissait pas les roueries du métier et chantait un peu de la gorge, à la façon d'une petite fille, mais qui avait un je ne sais quoi de fragile et de touchant (ROLLAND, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 470).
(Chanter, parler, rire, etc.) à gorge déployée, à pleine gorge. Bruyamment, sans retenue. Son barde (...) se prit à improviser à l'ordre du prince, et chanta, en récitatif et à gorge déployée, des vers arabes (LAMART., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 70). Je cours après elle et la rattrape dans le corridor, pendant que les élèves rient à pleine gorge, crient de joie et grimpent debout sur leurs bancs (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 123).
Rem. La docum. atteste avec le même sens : à toute gorge (DU CAMP, Nil, 1854, p. 30); à plaisir de gorge (POURRAT, Gaspard, 1925, p. 243).
Loc. adj. (Voix, rire, bruit, etc.) de gorge. Guttural. Il fit, en mangeant la première bouchée de l'entremets, un bruit de gorge comique et glouton, et un mouvement du cou pareil à celui des canards qui avalent un morceau trop gros (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Fam., 1886, p. 563). Le plus souvent le mauvais chanteur n'atteint pas le maximum de fermeture [de l'isthme du gosier] alors il produit un son sourd, écrasé, guttural : c'est la voix de gorge (ARGER, Init. art chant, 1924, p 55).
C. — P. méton.
1. Vieilli. Gorge chaude. Animal vivant ou cadavre encore chaud donné en pâture à un oiseau de proie. La gorge chaude est la proie encore pantelante, encore tiède, qu'on donne au faucon, pour le récompenser de sa chasse (A. FRANCE, Gén. lat., 1909, p. 86).
Rendre gorge. Vomir. Notre vie (...) s'empiffre, jusqu'à ce que, comme un chien qui vomit des vers et des morceaux de viande, le ventre bourré se révolte et qu'on rende gorge sur la table! (CLAUDEL, Tête d'Or, 1901, 1re part., p. 180).
2. Loc. verb.
Faire gorge chaude de (qqn, qqc.) (vieilli); faire des gorges chaudes de (qqn, qqc.), sur (qqn, qqc.). Se moquer de (quelqu'un, quelque chose) par des plaisanteries plus ou moins malveillantes. Il y avait à Paris (...) deux procureurs au Châtelet, appelés, l'un Gorbeau, l'autre Renard (...). L'occasion était trop belle pour que la basoche n'en fît point gorge chaude (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 518). Les gens de Villotte faisaient des gorges-chaudes sur les habitudes parcimonieuses des deux frères (THEURIET, Mais. deux barbeaux, 1879, p. 11) :
8. Le malheur voulut que Labounoff me surprît un soir, à Sainte-Marie du-Salut, baisant humblement la poussière de la dalle. Mon tendre secret fut divulgué; toute la ville en fit des gorges chaudes. Je regardai les rieurs et me pris à rire plus fort qu'eux. Quoi de plus divertissant, en effet, que le spectacle d'une pierre pénétrée d'amour, et d'un sot moqué par le polisson d'Arouët!
MILOSZ, Amour. initiation, 1910, p. 76.
Rem. La docum. atteste l'emploi de gorges-chaudes au sens de « moquerie ». Après avoir recueilli les gorges-chaudes du Tout-Paris de l'Exposition, en étalant ses fastueuses pauvretés au Salon de Mars, le voici [Signol] qui exhibe, cette fois, une Psyché et un Abel (HUYSMANS, Art. mod., 1883, p. 90).
Faire rendre gorge à qqn. Obliger (quelqu'un) à restituer ce qu'il a acquis par des moyens illicites. Le peuple (...) fera rendre gorge à ses spoliateurs (MARAT, Pamphlets, Infernal projet des ennemis de la Révol., 1790, p. 200). Les peuples sont charmés de voir leurs gouverneurs rendre gorge : les gouverneurs passent leur vie à s'enrichir, et, finalement, ils meurent pauvres (GOBINEAU, Nouv. asiat., 1876, p. 154).
D. — Vieilli. Poitrine, seins de la femme. Je (...) fus complètement fasciné par une gorge chastement couverte d'une gaze, mais dont les globes azurés et d'une rondeur parfaite étaient douillettement couchés dans des flots de dentelle (BALZAC, Lys, 1836, p. 25). Elles [les femmes en Égypte] (...) se découvrent ce qu'on est convenu d'appeler la gorge, c'est-à-dire l'espace compris depuis le menton jusqu'au nombril. Ah! j'en ai t'y vu de ces tetons! (FLAUB., Corresp., 1849, p. 136) :
9. Je ne sacrifiais que mon épaule nue
À la lumière; et sur cette gorge de miel,
Dont la tendre naissance accomplissait le ciel,
Se venait assoupir la figure du monde.
VALÉRY, J. Parque, 1917, p. 16.
En partic., emploi partitif. Avoir de la gorge. Mon Dieu, que j'ai peu de gorge! (à l'école, ça s'appelle des nichons et Mélie dit des tétés) (COLETTE, Cl. Paris, 1901, p. 53). Madame de La Vallée-Chourie (...) qui était petite, avait la peau brune et n'avait presque pas plus de gorge qu'un garçon (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 21).
SYNT. Gorge bien faite, blanche, délicate, ferme, opulente, plantureuse, plate, ronde, épanouie, naissante, frémissante.
II. A. Au sing. ou plur. Vallée étroite et encaissée. Gorge profonde, étroite, sauvage; les gorges du Tarn. Les rivières (...) se précipitent par une série alternante de gorges et de bassins (VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 358) :
10. Au quitter de Masyaf, on gravit une petite croupe, on longe un ravin, on le traverse (...). On suit la vallée à droite pendant un certain temps et on arrive sur un petit plateau boisé de broussailles, on descend à l'ouest et on traverse un petit ruisseau qui coule du sud au nord. Après, on pénètre dans une petite gorge, et on la gravit pendant deux heures, dans les rochers et les broussailles...
BARRÈS, Cahiers Orient, 1914, p. 6.
B. — Entrée d'un ouvrage fortifié. Allons, monsieur, me dit-il, vous commandez en chef; faites promptement fortifier la gorge de la redoute avec ces chariots (MÉRIMÉE, Mosaïque, 1833, p. 44).
III. Emplois spéciaux
A. — ANAT. Sillon d'une trochlée. Gorge de la trochlée humérale. La trochlée fémorale présente une gorge et deux joues (GÉRARD, Anat. hum., 1912, p. 181).
B. — ARCHITECTURE
1. Moulure creuse à profil curviligne (généralement dans un encadrement). Les tapisseries encadrées dans des cadres de chênes à gorges et à moulures (BALZAC, Rabouilleuse, 1842, p. 443). Une large moulure à la gorge profondément évidée, et d'un profil saillant, terminait la muraille (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 193).
2. Synon. de gueule. Un égout (...) tombait d'une gorge de pierre, usée et souillée, à gros bruit (ZOLA, Rome, 1896, p. 244).
C. — BOT. ,,Entrée du tube du calice dans les fleurs monosépales ou de la corolle dans les fleurs monopétales`` (R. BLAIS, Flore pratique, Paris, P.U.F., 1945, p. 25). J'avais emporté un rameau de glaïeul dont les gorges étaient d'un rose d'abricot (JAMMES, Rom. du lièvre, 1903, p. 321).
D. — TECHNOLOGIE
1. Partie évidée, étroite et allongée dans une pièce métallique. Synon. cannelure, rainure. Gorge d'écoulement. On peut cataloguer les jantes, d'après leur profil, en deux séries bien distinctes. Les jantes creuses, demi creuses, ou à gorge excentrée et les jantes plates (CHAPELAIN, Techn. automob., 1956, p. 208). On imagina des rails avec une gorge où s'encastraient les roues, puis des rails à bourrelets sur lesquels adhéraient les roues (LESOURD, GÉRARD, Hist. écon., 1968, p. 206).
En partic. Gorge d'une poulie. Partie évidée placée à la circonférence d'une poulie où passe la corde (cf. NOSBAN, Manuel menuisier, 1857, p. 237).
2. Partie évidée ou entaillée dans une pièce. L'outillage lithique comprend (...) la hache éclatée, la hache marteau percée, la massue à gorge ou percée (S. BLANC, Init. préhist., 1932, p. 69). La gorge [des doigts de la faucheuse] est un évidement ménagé pour laisser passer la tringle et les têtes de rivet fixant les sections sur cette dernière (BALLU, Mach. agric., 1933, p. 295).
En partic. Gorge d'une serrure. Pièce mobile qui immobilise ou libère le pêne dans une serrure. La serrure à gorges a le panneton de ses clefs découpé, chaque cran correspondant à l'épaisseur d'une gorge (ROBINOT, Vérif. métré et prat. trav. bât., t. 3, 1928, p. 95).
MUS. ,,Partie de la table et du fond du violon se trouvant près des bords et présentant un léger creux`` (Lar. encyclop. 1962). Cf. GRILLET, Ancêtres violon, t. 2, 1901, p. 203.
3. CÉRAM. Gorge d'un vase. Partie du vase comprise entre l'extrémité supérieure et le corps. Un vase à large et haute gorge circulaire au-dessus de l'orifice de laquelle viennent s'enrouler les fortes volutes de deux anses qui descendent presque droites se planter au bord de l'épaulement (P. ROUAIX, Dict. des arts décoratifs, Paris, Montgredien et Cie, t. 1, [1885, 1886], p. 944).
REM. 1. Gorgette, subst. fém. a) Dimin. de gorge (supra I D). Que vous êtes bien gentille, ravissante, avec une gorgette à faire pâmer toute une classe d'écoliers (FLAUB., Smarh, 1839, p. 13). b) Région. (Canada). Synon. de gorgerette (cf. ce mot B). Cf. DUNN 1880). 2. Gorget, subst. masc. a) Rabot servant à faire les moulures appelées « gorge » (supra III B). (Dict. XIXe et XXe s.). b) Moulure concave plus petite que la gorge. (Dict. XIXe et XXe s.).
Prononc. et Orth. : []. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. 1. a) Début XIIe s. « partie intérieure du cou » (St Brendan, 1145 ds T.-L.); 1585 (chanter) à gorge déployée (N. DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 297); b) 1228 « seins d'une femme » (J. RENART, G. de Dole, éd. F. Lecoy, 4373); 2. a) ca 1200 « repas d'un oiseau de chasse » (Mort Gorin, 124 ds T.-L. : faire gorje à « donner à manger à »; b) 1376 « jabot (d'un oiseau) » (Modus et Ratio, 92, 44, ibid.); c) ) 1535 rendre sa gorge « vomir » (Cl. MAROT, « Épigrammes, éd. C.A. Mayer, 78, 42); ) 1598 rendre gorge « restituer par force » (Lettres missives de Henri IV, t. IV, p. 914 ds GDF. Compl.); 3. 1690 en faire une gorge chaude « railler, moquer » (FUR.). II. 1. 1269-78 « ouverture rétrécie de certains objets » (J. DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 13950); 2. 1675 « passage étroit entre deux montagnes » (Widerhold d'apr. FEW, t. 4, p. 332 b). Empr. au lat. pop. gurga, lat. class. gurges « tourbillon d'eau, gouffre, abîme ». Fréq. abs. littér. : 3 896. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 3 019, b) 7 120; XXe s. : a) 8 099, b) 5 305. Bbg. Archit. 1972, p. 128, 212. - ESNAULT (G.). Lois de l'arg. R. Philol. fr. 1925, t. 37, pp. 19-20. - HASSELROT 20e s. 1972, p. 8 (s.v. gorgette). - LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 359. - REY (A.). Struct. sém. des loc. fr. In : Congrès Internat. de Ling. et Philol. Rom., 13. 1971. Québec. Québec, 1976, t. 1, p. 834.

gorge [gɔʀʒ] n. f.
ÉTYM. V. 1130, sens I, 1.; lat. pop. gorga, var. du bas lat. gurga, du lat. class. gurges « gouffre, tourbillon ». → ci-dessous, III.
———
I
1 Partie antérieure (ou latérale) du cou. || De la gorge. Jugulaire. || Se couvrir, se protéger la gorge d'un foulard, d'une écharpe. || Gorge nue, découverte.Dans le contexte de l'agression, très courant (syntagmes plus ou moins figés). || Prendre qqn à la gorge (→ Arracher, cit. 41). || Étrangler (cit. 8) qqn en le saisissant à la gorge (→ Égratignure, cit. 1). || Chien qui saute à la gorge d'un intrus.Serrer la gorge de qqn. fam. Kiki, sifflet. || Couper la gorge à qqn. Égorger (→ Coudre, cit. 6). || Se tuer en se tranchant la gorge. || Ces furieux vont se couper la gorge, s'entre-tuer. || Blessure à la gorge.
1 Et comme une victime aux marches de l'autel,
Il semblait présenter sa gorge au coup mortel (…)
Corneille, Horace, IV, 2.
2 Une griffe en jaillit, avide de sa proie, Saisit l'homme à la gorge irrésistiblement (…)
Leconte de Lisle, Poèmes tragiques, Lévrier de Magnus, IV.
Tendre la gorge (au couteau du sacrifice) : se laisser égorger; fig. (vx) : se laisser tuer, accabler sans résistance.
3 Mais, cependant, ô ciel ! ô mère infortunée !
De festons odieux ma fille couronnée
Tend la gorge aux couteaux par son père apprêtés.
Racine, Iphigénie, V, 4.
Loc. fig. (1664). Vx. Se couper la gorge : se tuer, et, par ext., se battre à l'arme blanche (en duel, notamment). → Bon, cit. 113. || S'entrecouper (cit. 5) la gorge. — ☑ (Fin XVIe). Prendre qqn à la gorge, le contraindre par la violence, par une pression impitoyable. || S'il n'a point d'argent pour vous payer, le prendrez-vous à la gorge ? (Académie).Tenir qqn à la gorge, le réduire à un état où il ne peut plus opposer de résistance.
(Sujet n. de chose). || Prendre, saisir, tenir qqn à la gorge. || Les misères qui nous tiennent à la gorge (→ Élever, cit. 22, Pascal).
4 Il faut agir cependant, car le danger est là qui les prend à la gorge.
Taine, les Origines de la France contemporaine, I, t. I, p. 260.
Mettre, tenir à qqn le pied (vx), le couteau, le poignard, le pistolet sur la gorge, lui imposer sa volonté par la violence et les pires menaces. — ☑ (1866). Avoir le couteau sur la gorge : être l'objet de cette violence et de ces menaces, être violemment contraint. || Le poignard sur la gorge, il a dû céder.Plus cour. (même sens). || Avoir le couteau sous la gorge. || Mettre à qqn le couteau sous la gorge.
Spécialt. En parlant des animaux. || Il étouffe (cit. 3) les loups d'une seule étreinte à la gorge. || Gorge d'un oiseau, d'un pigeon (→ Chai, cit.; duvet, cit. 1; foncé, cit. 7). || Oiseaux désignés par la couleur de leur gorge (gorge-blanche, gorge-bleue, gorge-de-pigeon, rouge-gorge).
5 (…) ces mystérieux oiseaux (…) qu'on nomme exactement colombes poignardées, à cause de la tache de sang qu'elles portent au milieu de leur gorge blanche.
Léon Bloy, le Désespéré, p. 163.
2 (1228). Littér. ou vieilli. Seins, poitrine (d'une femme adulte). Buste (cit. 4), poitrine, sein (→ Appât, cit. 13; embonpoint, cit. 4; équipage, cit. 14). || Robe qui comprime (cit. 2) la gorge. || Une collerette couvrait sa gorge (→ Forme, cit. 25). Gorgerette, gorgerin. || Gorge voilée. || Décolleté (cit. 3) découvrant la naissance de la gorge. || Gorge abondante (cit. 4), opulente, rebondie (→ Effronté, cit. 4), énorme (cit. 9).pop. Il y a du monde au balcon. || Gorge plate. || Elle a peu, trop de gorge. || Gorge naissante, virginale. || Gorge formée, épanouie. || Gorge gonflée par le lait. || Gorge ferme (cit. 1), bien taillée. || Gorge aux belles formes (cit. 25). || Blancheur d'une gorge. || « Les trésors de sa gorge d'albâtre (cit. 4) » (La Fontaine). || Gorge d'un ambre (cit. 3) fin. || Gorge frémissante (→ Frisson, cit. 17). || Tour de gorge : tour de poitrine (→ Fil, cit. 2). || Vêtement pour maintenir la gorge. Soutien-gorge (mod. et cour.).
6 Une gorge faite au tour qu'on ne voit point du tout; mais je gage qu'il n'y a rien là qui la relève, et que cela se soutient tout seul.
Diderot, Salons, Greuze.
7 Elle était fort maigre, fort blanche, de la gorge comme sur ma main. Ce défaut seul eût suffi pour me glacer : jamais mon cœur ni mes sens n'ont su voir une femme dans quelqu'un qui n'eût pas des tétons (…)
Rousseau, les Confessions, IX.
8 Je me haussai tout palpitant pour voir le corsage et fus complètement fasciné par une gorge chastement couverte d'une gaze, mais dont les globes azurés et d'une rondeur parfaite étaient douillettement couchés dans des flots de dentelle.
Balzac, le Lys dans la vallée, Pl., t. VIII, p. 785.
9 Que tu me plais dans cette robe Qui te déshabille si bien, Faisant jaillir ta gorge en globe, Montrant tout nu ton bras païen !
Th. Gautier, Émaux et Camées, À une robe rose.
10 (…) une gorge très blanche, encore peu formée, mais qui faisait les plus admirables promesses, et tenait déjà beaucoup; une gorge ronde, polie, ivoirine, pour parler comme les ronsardisant(s), délicieuse à voir, plus délicieuse à baiser.
Th. Gautier, Mlle de Maupin, VII.
11 (…) en sorte que le corsage s'ouvrit et que les deux blancs trésors apparurent dans toute leur splendeur (…) sur cette gorge étincelante et claire comme de l'argent s'épanouissaient les deux belles roses du paradis.
Th. Gautier, Mlle de Maupin, VII.
12 Un large pectoral (…) couvrait la poitrine de la base du col à la naissance de la gorge (…)
Th. Gautier, le Roman de la momie, I.
13 Ta gorge qui s'avance et qui pousse la moire (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, Spleen et idéal, « Beau navire ».
14 Ronde et fraîche comme la lune, Vive ta gorge aux bouts de fraise !
Verlaine, Chair, Chanson pour elles.
———
II
1 (V. 1130). Anat. et cour. Région située au fond de la bouche, à l'entrée du pharynx, correspondant à la partie antéro-latérale supérieure du cou, et comprenant le voile du palais, la luette et les deux amygdales. Gosier, et fam., dalle, gargamelle, gargue, gavion, kiki (et quiqui). || Gorge irritée par le tabac (→ Brûler, cit. 25), brûlée par l'alcool (→ Flamber, cit. 4). || Gorge sèche, altérée (cit. 15). || Avoir mal à la gorge. || Mal de gorge, maux de gorge. Amygdalite, angine, laryngite, pharyngite, trachéite; → Baume, cit. 6. || Soins de la gorge (badigeonnage, collutoire, gargarisme…).Avoir des gargouillements, des picotements, un chat, une boule dans la gorge. || Introduire qqch. dans la gorge de qqn. Ingurgiter. || Bouchées qui restent au fond de la gorge (→ Arrêter, cit. 60; étouffer, cit. 10). || Gorge serrée par l'angoisse (cit. 3). || Sanglot qui monte à la gorge, qui noue la gorge. || Nœud (cit. 5) qui serre la gorge. || Avoir un nœud (cit. 4) à la gorge. || L'odeur âcre nous prenait à la gorge (→ Essence, cit. 20). Suffoquer (du lat. fauces « gorge »). || Avoir une arête dans la gorge.
15 Et jamais la soif véhémente
Qui l'été les gorges tourmente
Du pauvre peuple et des grands
Rois Ne te tourmente; car tu bois (…)
Ronsard, Pièces retranchées, La grenouille.
16 (…) les yeux devenaient troubles comme sous un voile et, à la gorge, quelque chose s'étranglait.
Loti, Matelot, LI.
17 La certitude qu'elle allait disparaître lui infligea ce serrement de la gorge, ce spasme de la poitrine qui décèlent le désarroi produit dans notre système nerveux par un choc trop intense.
Paul Bourget, Un divorce, III.
18 Affreusement tristes, tristes à ne pouvoir les supporter, à nouer la gorge et tarir la salive (…)
Colette, la Naissance du jour, p. 147.
19 Un sanglot, qu'il n'avait su ni prévoir ni étouffer, lui laboura la gorge.
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 161.
20 Il semblait alors dans l'impossibilité d'extirper du fond de sa gorge des tampons d'ouate qui l'eussent étouffé.
Camus, la Peste, p. 251.
Loc. (la gorge étant considérée comme le centre de production de la voix). Gosier, 2. Crier, chanter à pleine gorge (→ Courroux, cit. 4). || Cri, rire qui vient du fond de la gorge (→ Éructer, cit. 3; fond, cit. 24). — ☑ Loc. (1585). Rire à gorge déployée (cit. 19). || Appui (cit. 6) de la voix en gorge. || Chanter de la gorge, en resserrant la gorge, en étranglant le son. || Voix de gorge. Guttural. || S'éclaircir (cit. 1), se racler la gorge (→ Couvrir, cit. 22). — ☑ Fig. Faire rentrer à qqn des mots dans la gorge, l'obliger à se rétracter, à désavouer ses propos.
21 (…) avec des gémissements très doux, avec une sorte de roucoulement de gorge (…)
Huysmans, Là-bas, X.
22 Buteau, d'ailleurs, la regardait à la tuer, à lui renfoncer le oui dans la gorge.
Zola, la Terre, III, VI, p. 278.
23 Soudain les fenêtres du couvent s'ouvrirent, et les religieuses apparurent, riant et chantant à gorge déployée.
M. Barrès, la Colline inspirée, VIII.
24 Elle avait la sensualité naturelle et joueuse d'un animal jeune, et son rire de gorge, lorsqu'il ne faisait pas penser à un fou rire d'enfant, ressemblait à un roucoulement amoureux.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 192.
25 Sa gorge contractée laissait passer un son rauque.
J. Green, Léviathan, I, XIII.
26 Sa voix, qui s'était élevée, puis affaissée de nouveau, par moment raclait sa gorge, comme un râle.
H. Bosco, le Sanglier, II, p. 68.
2 (1200, « repas d'un faucon »). Vx. Ce qui entre dans la gorge, le jabot de l'oiseau de proie, l'aliment qu'on lui donne.
Loc. || Gorge chaude.
a Vx. Chair encore chaude et palpitante qu'on donne à l'oiseau. || La grenouille veut faire « gorge chaude et curée » du rat (La Fontaine, IV, 11), en faire son repas, s'en régaler.
b (1690). Fig. Faire gorge chaude de qqn (vx), se régaler de plaisanteries sur son compte et à ses dépens.Mod. Faire des gorges chaudes de qqch., se répandre en plaisanteries plus ou moins malveillantes, exercer sa malignité à propos de cette chose. Moquer (se). || Leur liaison était connue, on en faisait partout des gorges chaudes.
27 Et qui refusait de passer par cette épée infaillible, était le lendemain matin proclamé, moqué au quartier, un sujet de passe-temps et de gorge chaude.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., IV, III.
28 (…) si j'avais eu la folie de m'intéresser un peu à lui et de lui parler avec confiance, il serait allé rapporter ça tout bouillant à Mathieu et ils en auraient fait des gorges chaudes.
Sartre, l'Âge de raison, p. 155.
(1538). Rendre gorge. a Vx. Se disait de l'oiseau rendant la viande qu'il avait avalée, puis, par ext., pour « vomir ».
b (1598). Mod. (Fig.). Restituer par force ce qu'on a pris par des moyens illicites. || Faire rendre gorge à un trafiquant malhonnête.
29 Le contrôleur général (…) dit tout bas à un maître des requêtes (…) Il faudra bien faire rendre gorge à ces sangsues sacrées et à ces sangsues profanes : il est temps de soulager le peuple qui, sans nos soins et notre équité, n'aurait jamais de quoi vivre que dans l'autre monde.
Voltaire, l'Homme aux quarante écus, IV.
———
III (1269, « ouverture rétrécie »; le sens correspond à celui du lat. class. gurges). Lieu, objet creux et étroit.
1 (1675). Passage étroit, défilé entre deux montagnes; vallée étroite et encaissée. Cañon, col, couloir, porte. || Gorge de montagne (→ Battement, cit. 3). || Gorges en terrain calcaire (→ Causse, cit. 1). || Gorges profondes, sauvages (→ Épouser, cit. 16). || Déboucher (cit. 2) d'une gorge. || Les gorges du Tyrol, du Frioul, du Tarn, du Verdon. || Gorges de Franchard dans la forêt de Fontainebleau.
30 Le Saint-Gothard est taillé à pic du côté de l'Italie; le chemin qui se plonge dans la Val-Tremola fait honneur à l'ingénieur forcé de le dessiner dans la gorge la plus étroite.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 389.
31 Farrabesche montra la gorge étroite qui semblait fermer ce vallon au-dessous de sa maison (…)
Balzac, le Curé de village, Pl., t. VIII, p. 673.
32 Les voilà, ces sapins à la sombre verdure, Cette gorge profonde aux nonchalants détours.
A. de Musset, Poésies nouvelles, Souvenir.
33 Il est situé très loin, dans une ombreuse région, au tournant d'une gorge profonde, au pied de très hautes cimes.
Loti, Ramuntcho, I, XV, p. 131.
Géogr. || Gorge de raccordement, creusée par un torrent dans un gradin de confluence.
Fortif. Entrée d'un ouvrage fortifié. || La gorge d'un bastion, d'un redan, d'une redoute.
Techn. Étranglement à l'orifice d'une fusée.
2 Techn. Partie creuse, cannelure où s'enroule une corde. || La gorge d'une poulie. || Gorge de cosse, gorge de réa.Artill. Cavité, rainure ménagée autour d'un cylindre, d'un cône. || La gorge d'un étui de cartouche.
(1680). Cannelure (d'une moulure concave).
34 Elle passa le bout de son doigt dans la gorge d'une moulure de son fauteuil (…)
Colette, la Fin de Chéri, p. 87.
Techn. Échancrure, entaille longitudinale. || Gorge d'une serrure, partie du ressort à laquelle répond la barbe du pêne. || Gorge d'amaigrissement : entaille à angle aigu dans une pièce de charpente. || Gorge d'un éventail, la partie où les brins sont réunis et retenus par un clou. || Gorge d'une écritoire, la partie destinée à recevoir les crayons, canifs, etc.Gorge d'un isolateur électrique, l'échancrure dans laquelle repose le fil.
Gorge d'une charrue, partie antérieure du versoir.
3 Par métonymie. a Moulure concave.
b Large baguette de bois taillée où l'on fixe l'extrémité d'une estampe, d'une carte, et sur laquelle on les enroule.
c Morceau de bois échancré auquel les porteurs d'eau suspendent leurs seaux.
DÉR. Gorgée, gorgeon, gorger, gorgerette, gorgerin, gorget.
COMP. Arrière-gorge, coupe-gorge, gorge-de-pigeon, maintien-gorge, rouge-gorge, sous-gorge, soutien-gorge. — Dégorger, égorger, engorger, regorger, rengorger.

Encyclopédie Universelle. 2012.