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CONNOTATION
CONNOTATION

CONNOTATI

Si c’est en 1933 seulement que Bloomfield introduisit le terme de connotation parmi les concepts de la linguistique scientifique, l’idée même que véhicule ce mot (emprunté à la logique et à la philosophie, non sans modification de sens) était en fait perçue depuis longtemps. Dans la Logique de Port-Royal, par exemple, il en était déjà question sous la forme d’«idées accessoires»: «Il arrive souvent qu’un mot, outre l’idée principale qu’on regarde comme la signification propre de ce mot, excite plusieurs autres idées qu’on peut appeler accessoires, auxquelles on ne prend pas garde, quoique l’esprit en reçoive l’impression.» Voilà bien, de façon encore intuitive et globale, ce qu’on désigne le plus souvent aujourd’hui par connotation: tous les effets de sens indirects, seconds, périphériques, implicites, additionnels, subjectifs, flous, aléatoires, non distinctifs, que peuvent engendrer les éléments du discours.

Plus scientifiquement, puisqu’elle opère au cœur de la sémantique, on considère que la connotation est un concept servant à nommer tout ce qui, dans la signification, ne relève pas de la dénotation (ces deux notions se partageant exclusivement la totalité du champ de la production du sens). Cette définition négative n’a pas cessé, évidemment, de faire problème: alors que les valeurs dénotatives qui structurent le lexique peuvent être assez strictement cernées grâce à la décomposition en sèmes, toutes les autres valeurs sémantiques délimitent une sorte de catégorie «fourre-tout», regroupant des phénomènes de statut différent, apparemment très hétérogène, ouvrant à l’indéfinissable, etc. Pour élaborer une définition positive de cette problématique, il fallait, abordant de front l’ensemble du phénomène connotatif, dresser un inventaire de ses diverses modalités, qui soit le plus complet et le plus structuré possible. La référence obligée est ainsi devenue l’étude de Catherine Kerbrat-Orecchioni (La Connotation , P.U.L., Lyon, 1977). Cet essai présente la connotation comme une unité bifaciale très autonome, dotée d’un signifiant et d’un signifié spécifiques, c’est-à-dire de supports connotants et de contenus connotés non isomorphes, dont l’auteur propose une typologie.

Une première série de signifiants de connotation peut être liée au matériel phonique et graphique, qu’il s’agisse de «phonostylèmes» (telle façon de rouler le R indique l’origine géographique et/ou sociale du locuteur), qu’il s’agisse d’exploiter la valeur expressive des sons ou encore de certaines dispositions de traits phoniques ou graphiques ayant nom rime, paronomase, anagramme, contrepèterie, etc. Une seconde série est constituée par des faits de nature prosodique: l’intonation, l’accent tonique, la pause, le rythme, le débit, etc. apportent des informations supplémentaires aux contenus dénotatifs. Par ailleurs, la construction syntaxique peut également fonctionner comme indice connotateur (l’antéposition de l’adjectif peut signaler le «discours poétique»). Bien entendu, le signifiant lexical lui-même (mot ou morphème) en est un autre, et non des moindres («godasses» n’est pas «chaussures» même si leur dénoté est identique). On pourrait poursuivre longtemps l’énumération: de cet inventaire ouvert, on conclura non seulement que le signifiant de connotation est extrêmement diversifié, qu’il touche à tous les aspects du langage, mais aussi et surtout qu’il est considérablement autonome, loin d’être isomorphe au signifiant de dénotation.

Pour ce qui est des contenus connotés véhiculés par ces multiples supports, qui ne leur correspondent pas nécessairement terme à terme, on peut les classer grosso modo en quatre grandes catégories: d’abord les connotations stylistiques , qui signalent l’appartenance du message à telle ou telle sous-langue — géographique (variante régionale), sociale (niveaux de langue), historique (variante archaïque ou moderniste), ou de «genre» (poétique, scientifique, publicitaire...). Ensuite les connotations énonciatives , qui apportent des informations non plus sur le message mais sur le locuteur, pouvant illustrer soit son appartenance dialectale (connotations socio-géographiques, en intersection avec les précédentes), soit son affectivité (connotations émotionnelles), soit ses systèmes d’évaluation (connotations axiologiques), soit encore son emprise culturelle (connotations idéologiques). Puis il y a le vaste domaine des connotations associatives , qui regroupe, notamment, tous les tropes et figures de la rhétorique, sur base de rapprochements par homonymie, paronymie, synonymie, antonymie, hyponymie, hypéronymie, etc. (calembour, allitération, rime, métaphore, métonymie, synecdoque, oxymore, allusion, ironie, etc.). Enfin, restent les connotations implicites , qui désignent les présupposés, les inférences et les non-dits des énoncés comme porteurs de significations particulières.

Au vu de ce rapide balayage, on voit combien le concept de connotation est central pour la sémantique: il est, entre autres, le lieu d’inscription privilégié tout à la fois du poétique, du rhétorique, du symbolique, du mythique, de l’idéologique, du sociologique, du pragmatique, etc. En même temps, on constate que la connotation, par la diversité de ses modalités, déjoue nombre des clivages qui voudraient la réduire: la dichotomie dénotation/connotation ne se superpose pas précisément aux oppositions langue/parole, sens objectif/subjectif, collectif/individuel, codé/non codé, distinctif/non distinctif, etc. La connotation, à des degrés divers, joue par-delà ces découpages. Si elle présuppose, certes, la dénotation, elle ne lui est pas pour autant subordonnée: elle est seconde sans être secondaire.

connotation [ kɔ(n)nɔtasjɔ̃ ] n. f.
• 1660; de connoter
1Philos. (opposé à dénotation) Propriété d'un terme de désigner en même temps que l'objet certains de ses attributs. Ensemble des caractères de l'objet désigné par un terme. compréhension.
2Ling. Sens particulier d'un mot, d'un énoncé qui vient s'ajouter au sens ordinaire selon la situation ou le contexte. Connotation méliorative, péjorative. Connotation et dénotation. Connotation autonymique : sens d'un mot qui contient la forme du mot.

connotation nom féminin (latin scolastique connotatio, -onis, avec l'influence de l'anglais connotation) Ensemble de significations secondes provoquées par l'utilisation d'un matériau linguistique particulier et qui viennent s'ajouter au sens conceptuel, fondamental et stable, qui constitue la dénotation. (Ainsi, cheval, destrier, canasson ont la même dénotation, mais ils diffèrent par leurs connotations : destrier a une connotation poétique, canasson une connotation familière.) Dans la logique aristotélicienne, définition en compréhension (par opposition à dénotation). Valeur que prend quelque chose en plus de sa signification première : Ce texte a des connotations morales.connotation (difficultés) nom féminin (latin scolastique connotatio, -onis, avec l'influence de l'anglais connotation) Orthographe Avec deux n.

connotation
n. f.
d1./d LOG Sens appliqué à un terme, plus général que celui qui lui est propre (par oppos. à dénotation).
d2./d LING Sens particulier que prend un mot ou un énoncé dans une situation ou un contexte donnés.
|| Cour. Résonance affective (d'un mot). Les connotations du mot "liberté".

⇒CONNOTATION, subst. fém.
A.— PHILOS., LOG.
1. LOG. SCOLAST. Propriété d'un terme de faire connaître en même temps que son objet certains attributs du sujet.
Rem. Ce sens qui est celui du mot chez les grammairiens et logiciens du XVIIe s., est auj. réservé à l'hist. des sciences.
2. [Stuart Mill] Ensemble des caractères par lesquels un terme renvoie à un ensemble d'êtres qu'il fait connaître par certaines propriétés dont on se sert pour le définir à un moment donné. Synon. compréhension; anton. dénotation :
1. La notion de connotation, telle qu'elle se présente chez les logiciens anglais, suppose en définitive qu'un concept se réduit à ce que nous pensons actuellement et explicitement des quelques notes ou caractères dont nous nous servons pour le définir.
MARITAIN, Petite logique, Paris, éd. P. Tequi, 1966, p. 36.
B.— LINGUISTIQUE
1. Signification affective d'un terme qui n'est pas commune à tous les communicants et s'ajoute aux éléments permanents du sens d'un mot (dénotation) :
2. Les connotations, où le pluriel s'oppose au singulier de « dénotation », seraient, dans ce cas, tout ce [qu'un] terme peut évoquer, suggérer, exciter, impliquer de façon nette ou vague, chez chacun des usagers individuellement.
A. MARTINET, Connotations, poésie et culture ds [Mél. Jakobson (R.)], The Hague-Paris, Mouton, t. 2, 1967, p. 1290.
P. ext. Tout ce qu'évoque un mot, une expression, indépendamment de sa signification.
2. Système de connotation [Chez Hjelmslev et ses disciples]. Système signifiant dont le plan d'expression (signifiant) est constitué par le plan de contenu d'un autre système signifiant (langage de dénotation). Plan, signifiant de connotation :
3. Les phénomènes de connotation n'ont pas encore été étudiés systématiquement (on trouvera quelques indications dans les Prolegomena de Hjelmslev). (...) l'avenir est sans doute à une linguistique de la connotation, car la société développe sans cesse, à partir du système premier que lui fournit le langage humain, des systèmes de sens seconds...
R. BARTHES, Éléments de sémiologie ds Communications, Paris, éd. du Seuil, 1964, n° 4, p. 131.
Prononc. :[(n)]. [n] simple ds Lar. Lang. fr., Pt Lar. 1968 et DUB.; [n] ou [nn] ds Pt ROB.; [nn] double ds LITTRÉ, BESCH. 1845 et LAND. 1834. Étymol. et Hist. 1. 1660 (ARNAULD, LANCELOT, Grammaire gén. et raisonnée ou La Grammaire de Port-Royal, éd. H. E. Brekle, fac-similé, éd. 1676, 2e part., chap. 2 : Or ce qui fait qu'un nom ne peut subsister par soy-mesme, est quand outre sa signification distincte, il y en a encore une confuse, qu'on peut appeler connotation d'une chose, à laquelle convient ce qui est marqué par la signification distincte); 2. 1866 logique (Trad. de J. S. MILL, Système de logique déductive et inductive par Louis Peisse, t. 1, p. 100 ds MACK. t. 1, p. 229); 3. 1954 ling. (L. HJELMSLEV, La Stratification du langage ds Essais linguistiques, Travaux du cercle linguistique de Copenhague, Copenhague, 1959, vol. XII, p. 43). Empr. au lat. scolastique connotatio « indication seconde, signification seconde » (attesté dans le domaine angl. dep. ca 1200 ds LATHAM). En tant que terme de logique, connotation a été utilisé par certains logiciens angl., notamment James et J. Stuart Mill (NED), pour désigner les traits de signification intrinsèques d'un mot qui renvoient à des attributs seconds, p. oppos. aux traits principaux; plus récemment, le terme a été repris par les linguistes américains pour désigner des traits de signification qui relèvent uniquement du contexte particulier de l'emploi d'un mot (cf. L. BLOOMFIELD, Language, 1933, éd. de 1961, Holt, Rinehard et Winston, pp. 151-157) puis par L. Hjelmslev qui, partant du même emploi du terme, fait cependant de la connotation un objet d'étude pouvant révéler des systèmes de signification. Fréq. abs. littér. :2. Bbg. COQUET (J.-C.). Sémiotiques. Langages. Paris. 1973, t. 8, n° 31, p. 10. — GIRAUD (J.), PAMART (P.), RIVERAIN (J.). Mots dans le vent. Vie Lang. 1970, p. 49. — WANDRUSZKA (M.). Le Mot : connotations et indices socio-culturels. In : [Mél. Imbs (P.)]. Strasbourg, 1973, pp. 56-60.

connotation [kɔnɔtɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1660, Grammaire de Port-Royal; de connoter.
1 Philos., log. (opposé à dénotation). Propriété d'un terme de désigner en même temps que l'objet certains de ses attributs.Ensemble des caractères de l'objet désigné par un terme. Compréhension.
2 Ling. Sens particulier ou effet de sens d'un énoncé ou d'un élément linguistique que lui confère le contexte situationnel.
1 C'est pourquoi la métaphore de l'apocalypse convient non seulement pour sa connotation de déchirement du voile, de destruction des idoles, de débusquage du fantasme, mais aussi pour sa résonance plus familière de peur d'être détruit, de peur de la fin du monde.
Didier Anzieu, le Moment de l'apocalypse, in la Nef, no 31, p. 132.
2 La sagesse est inséparable de la taille et de l'âge. C'est en ce sens qu'elle comporte toujours une connotation enfantine et justifie l'usage français de parler d'enfants sages ou de recommander aux enfants d'être bien sages.
M. Tournier, le Vent Paraclet, p. 282.

Encyclopédie Universelle. 2012.