DON
Donner est une opération des plus familières qui ne semble pas appeler de définition sociologique particulièrement précise: un bien change d’attributaire par la décision de son propriétaire qui manifeste à un tiers une disposition bienveillante puisqu’il n’exige rien en retour. Définition satisfaisante en première approximation, mais partielle, puisqu’elle en reste aux apparences, sinon aux convenances. Il n’est pas besoin, en effet, de chercher bien loin dans nos propres façons de faire pour convenir qu’il y a quelque obligation non seulement à donner mais aussi à recevoir et, surtout, à rendre la pareille.
Le don est devenu un concept scientifique, une institution dûment repérée par l’ethnologie avec la parution, en 1924, de l’«Essai sur le don»: dans ce texte, devenu un classique, Mauss montrait, à partir d’une colossale documentation empruntée aux époques et aux cultures les plus diverses, que cette institution présentait un caractère doublement ambivalent. D’abord, que le don libéral et gracieux est régulièrement suivi d’un contre-don tout aussi unilatéral et arbitraire mais tacitement perçu comme la réponse adéquate à la première prestation. Sur ce point, la pratique et même la contrainte sociale implicite apparaissent formelles. Il faut rendre, et bien rendre, selon un code précisément établi: ni trop ni trop peu, ni trop vite ni trop tard. Aussi le don est-il indiscutablement l’amorce d’une relation réciproque, un échange différé.
Mais le concept de don contient un autre paradoxe, plus difficile à admettre: l’action de donner, qui semble matérialiser une relation de sympathie, revêt en fait une dimension agressive. Car le cadeau crée une dette. En obligeant son partenaire, le donateur acquiert sur lui de l’ascendant, sinon du pouvoir. Il le contraint à l’obligation, éventuellement coûteuse, de rendre et d’être pris, peut-être malgré lui, dans une escalade embarrassante, dans une partie risquée où sont en jeu nom, réputation, rang, fonction ou simplement fortune.
Le caractère «agonistique» des échanges de cadeaux reste perceptible dans nos sociétés modernes et développées, qui ont le sentiment de sauvegarder par là des formes archaïques de sociabilité pour contrebalancer une morale de l’intérêt individuel et de l’efficacité comptable. Mais les rapports festifs – fussent-ils l’objet d’immenses mobilisations collectives orientées vers une consommation massive de produits, comme à l’occasion de Noël ou dans certains carnavals contemporains – paraissent peu de chose face aux dissipations d’un luxe inouï que s’offrent les sociétés primitives.
Il est une institution, entre autres, qui a, par son intensité tragique, excité la curiosité des observateurs: c’est le potlatch des indiens Kwakiutl de la côte nord-ouest de l’Amérique. L’intérêt que lui ont porté les ethnologues depuis les travaux de Franz Boas, l’importance des analyses qui lui ont été consacrées, en France notamment par Georges Bataille ou par Claude Lévi-Strauss, ont fait du potlatch , au-delà des discussions théoriques qu’il a soulevées, un paradigme sociologique et presque un nom commun. La fascination qu’il exerce tient à ce qu’il réfléchit des questions qui sont au cœur de nos civilisations. En témoignent les très curieux rapprochements sémantiques que permet l’étymologie de nos langues indo-européennes: la racine germanique gift signifie «cadeau» en anglais, et en allemand «poison»; de même, le radical du mot «don» se retrouve dans «dose» ... de poison!
Le texte de Mauss
On ne doit pas limiter l’«Essai sur le don» à ces quelques idées simples, car il n’a cessé d’inspirer de nouvelles lectures. Et non pas seulement parce qu’on y trouve quelques propositions majeures comme la formulation de la théorie des faits sociaux totaux ou les conclusions de «sociologie générale et de morale» auxquelles Mauss tenait tant. Plus admirables que ces axes théoriques aux résonances étonnamment actuelles sont les mille aperçus tirés de l’érudition accumulée sur l’ensemble de la documentation disponible: entre autres, l’œuvre majeure de Bronislaw Malinowski (Argonauts of the Western Pacific , 1922), dont il parle à chaud, et le corpus kwakiutl constitué par Boas.
Comment Mauss traite-t-il cette immense matière? Il faut reconnaître que ses prémisses semblent aujourd’hui bien surannées. Le mélange de juridisme et d’évolutionnisme qui sert de fil conducteur à sa recherche des «formes archaïques du contrat» importe peu cependant si l’on considère la conclusion: les économies primitives sont régies par des principes propres et ne sont pas réductibles à une économie marchande simplifiée et raréfiée, ni à une économie de subsistance orientée vers la satisfaction des besoins élémentaires.
Analyser la «forme de l’échange dans les sociétés archaïques», c’est marquer une rupture critique, bien dans la ligne de Marx, avec le formalisme économique. À une conception imaginaire de l’origine des rapports marchands selon laquelle monnaie et marché auraient été préfigurés par le troc entre producteurs, aux «robinsonnades» qui fleurissent dans la science de ce temps, Mauss apporte le démenti des faits: «Dans les économies [...] qui ont précédé les nôtres, on ne constate pour ainsi dire jamais de simples échanges de [...] produits au cours d’un marché passé entre individus.» Car: 1o ce ne sont pas des individus qui échangent, mais des groupes «qui s’obligent mutuellement»; 2o on n’échange pas seulement des biens mais aussi «des politesses, des festins, des rites, des services militaires, des femmes, des enfants, des danses, des fêtes, des foires dont le marché n’est qu’un des moments»; 30 enfin, ces échanges prennent la forme de prestations «plutôt volontaires», c’est-à-dire de cadeaux donnés et reçus sans contrepartie immédiate ni même convenue. Ce que Mauss englobe ainsi sous l’appellation générale de «systèmes de prestations totales», ce sont, outre les dons échangés, toutes sortes de prestations liées aux organismes sociaux: les compensations matrimoniales, les sacrifices religieux et les transferts de biens associés généralement au pouvoir. C’est là que, le plus clairement, Mauss analyse l’échange par dons comme un moment de l’histoire des systèmes économiques, une phase intermédiaire entre les systèmes de prestations totales, c’est-à-dire de groupe à groupe, et les contrats individuels où règne la loi du marché.
L’apport de l’ethnographie
Mauss s’appuie donc sur quelques-uns des grands dossiers de l’ethnographie, qu’il reprend dans sa perspective. Le premier, celui du hau maori, lui permet de répondre à sa question de départ: «Quelle est la règle de droit qui [...] fait que le présent reçu est obligatoirement rendu? Quelle force y a-t-il dans la chose qu’on donne qui fait que le donataire la rend?» On peut, dans ce cas, trouver la raison de cette contrainte, ailleurs systématiquement occultée. Elle est présentée significativement sous une forme ésotérique par un «sage» maori. À la chose donnée serait attachée une essence spirituelle, le hau , émanation de la personne du donateur. Conserver le cadeau sans rendre une contrepartie exposerait le donataire à un danger mortel. Cette explication par la contrainte magique que Mauss impute à l’indigène «imprégné d’esprit théologique» est surtout caractéristique de l’animisme qui régnait alors en ethnologie. Elle a été récusée depuis lors sur la base d’un examen plus précis des faits. D’abord par R. Firth dans sa thèse sur l’économie maori: très prosaïquement, la non-restitution d’un présent est sanctionnée par la rupture d’une relation économiquement fructueuse, ou par la perte de prestige aux yeux du groupe. Marshall Sahlins, plus récemment (Stone Age Economics , 1972), a montré que Mauss avait commis un contresens sur le terme de hau , qui connoterait très largement la fertilité, soit, dans le procès d’échange, le bénéfice acquis, le profit.
Sans doute l’analyse de Mauss est-elle fautive, mais l’intuition qui l’inspire est juste: le donateur acquiert bien un pouvoir sur le donataire; et celui-ci n’a, pour s’en libérer, d’autre choix que de rendre. Ni mystique ni économique, ce pouvoir est fondamentalement politique. L’examen du cas des Trobriand et de celui des Kwakiutl permet à Mauss de le mettre en lumière.
C’est dans le grand livre de Malinowski qu’il puise tous les éléments pour illustrer sa thèse du don comme fait social total: les grandes expéditions maritimes qui, de proche en proche, impliquent l’archipel tout entier ne semblent avoir d’autre but que ces cérémonies où des parures étaient unilatéralement offertes. Mauss a bien observé dans la kula un «commerce noble» qui engageait le statut des partenaires. Il ne lui a pas échappé que cette circulation des biens de prestige était doublée d’un réseau d’échanges plus utilitaire et réglé suivant d’autres procédures. Mais, en considérant les parures comme des «sortes de monnaies», Mauss a manqué la notion de «sphères d’échange» autonomes et relativement étanches, hiérarchisées entre elles et liées à la hiérarchie sociale, de sorte que les biens de luxe ne puissent circuler qu’entre partenaires de rang supérieur. C’est ainsi le rapport même entre sphères d’échange et stratification sociale, entre biens de luxe et pouvoir que Mauss ne parvient pas à élucider dans sa lecture de Malinowski.
Ces corrélations, cependant, il peut les établir à partir des matériaux de Boas. Chez les Kwakiutl, toute cérémonie domestique, tout rassemblement politique est l’occasion de festivités marquées par des distributions de biens. Ces potlatch sont proportionnels en grandeur et en splendeur au rang et au statut qui sont par là publiquement sanctionnés. Les cadeaux ont parfois une valeur utile (les couvertures, par exemple), mais ils sont prodigués en des quantités telles que celle-ci ne peut apparaître que symbolique. Les grandes accumulations de biens concernent, d’ailleurs, des produits de traite à caractère ornemental (phonographes à pavillon, machines à coudre, pendules) ou des sortes d’écus de cuivre qui symbolisent les fonctions de commandement. Ici, la finalité de l’institution est explicite: manifester les changements de statut, briguer des fonctions et, surtout, s’en montrer digne. Pour cela, il importe d’être généreux, de rendre plus que l’on a reçu. Ainsi la générosité a-t-elle directement une sanction politique. Et la «concurrence» acharnée qui se déploie produit ces «taux d’intérêt» impressionnants relevés par Boas. La magnificence a ici le caractère d’un défi qu’on lance en donnant beaucoup, ou que l’on relève en rendant plus encore. Donner peu, être incapable de rendre, c’est être non seulement ruiné mais surtout humilié et déchu.
Mauss lit bien dans le potlatch l’étiquette des joutes que se livrent les nobles pour l’accession aux statuts supérieurs. Le caractère somptueux et agressif des distributions de biens répond à un code de l’honneur propre aux aristocraties, où la grandeur est fonction de la libéralité. Mauss n’ignore pas la dimension agonistique d’un «combat par la propriété» qui conduit aux manifestations paradoxales de l’institution: les destructions de richesses auxquelles elle donne lieu. C’est à propos du potlatch qu’il produit ses analyses les plus pertinentes au regard des développements de l’ethnologie.
Mais, s’il corrige, sur certains points, la relation des faits opérée par Boas (qui considère le potlatch comme un système de placement de bourse), il ne peut en pallier les défauts les plus criants et, notamment, l’absence de l’histoire, puisque les Kwakiutl avaient connu des mutations radicales, dont le potlatch , tel qu’il fut observé, pourrait bien être une conséquence.
L’imposition du pouvoir blanc, au cours du XIXe siècle, eut ses effets habituels: décimation de la population à la suite d’épidémies, interdiction des guerres et, surtout, développement de l’économie de traite (H. Codere, Fighting with Property , 1950). De ces mutations sociales décisives résulte un dérèglement des procédures d’accès aux statuts prééminents, à quoi la société réagit par des potlatch toujours plus dispendieux. Loin d’être un pur témoin, un conservatoire de traditionalisme, le potlatch tel que l’observe Boas serait une réponse aux lésions mortelles que connaît le système social. Il semble que l’on ait ici, comme le propose Claude Meillassoux (Terrains et théories , 1977), un processus de stérilisation d’un surplus que la société ne saurait transformer en biens de production sans remettre en cause radicalement les règles de son fonctionnement.
L’hypothèse structuraliste
En somme, les corrections et critiques apportées aux analyses de Mauss consisteraient à réinsérer dans la structure et l’histoire propre des groupes des institutions qui en ont été artificiellement isolées et qui s’inscrivent, en fait, dans des procès sociaux d’échange. Une mise en perspective de toutes ces critiques pourrait être l’importante préface de Lévi-Strauss à l’«Essai sur le don», où, saluant en Mauss un précurseur du structuralisme, il lui reprochait de n’être pas allé au terme de ses intuitions. Mauss n’aurait vu que des transferts plus ou moins aléatoires et ne serait pas parvenu à élucider la structure d’échange qui, au-delà de ses manifestations fragmentaires – donner, recevoir, rendre –, organise au fond les processus sociaux.
Mais cette tentative de rendre compte de l’universalité du code des dons échangés par un principe de réciprocité conduit à restreindre le champ de l’analyse aux relations paritaires. Car Lévi-Strauss pense avant tout à l’échange des femmes, un «bien» d’un type très particulier en ce qu’il est, quoi qu’on pense par ailleurs, parfaitement interchangeable. Privilégiant les échanges à l’identique et les simples permutations où la relation prime le contenu, écartant les dimensions agressives ou inégalitaires des phénomènes, il conclut, dans une envolée: «L’échange des fiancées n’est que le terme d’un processus ininterrompu de dons réciproques, qui accomplit le passage de l’hostilité à l’alliance, de l’angoisse à la confiance, de la peur à l’amitié» (Les Structures élémentaires de la parenté , p. 79, 1967).
Il n’est pas surprenant que Mauss ait inspiré, à peu près à la même époque, une lecture symétrique et inverse, mais tout aussi fondée en bonne métaphysique: celle de Georges Bataille, qui invoque Sade et non plus Rousseau et qui voit, dans les affrontements et les dissipations de biens des Kwakiutl, le symbole de cette «part maudite», centre de son économie politique où l’excédent rejoint l’excès.
Ainsi, à vouloir une explication unifiée, on doit se résoudre à en trouver deux, impeccablement antinomiques. D’où une aporie bien propre à l’anthropologie philosophique: l’homme est-il bon (ou méchant)? Question sérieuse, en effet, mais qui ne saurait faire l’objet d’une investigation scientifique et moins encore d’une argumentation décisoire.
Vers une interprétation d’ensemble
Si le texte de Mauss a aujourd’hui quelque validité dans le champ ethnologique, c’est, une fois dissipées les inexactitudes et les confusions conceptuelles, au prix de quelques spécifications. Il est sûr que l’on ne considérerait plus désormais comme dons réciproques des procès aussi institutionnalisés que les prestations matrimoniales, non plus que les tributs de clientèle qui sont l’objet de redistribution partielle. Il s’agit là de rapports trop réglementés entre des partenaires dont la position respective est trop strictement assignée pour faire l’objet d’un jeu négocié. En revanche, il est des espaces sociaux où priment les relations électives et où le type de rapport qui s’instaure entre individus est davantage le fait de la confrontation. C’est là qu’agit, dans toute son efficace, la diplomatie des dons échangés. Curieusement, leur registre se situe aux deux pôles extrêmes de la sociabilité, celui de l’«échange généralisé» – selon l’expression de Sahlins – et celui de la «réciprocité négative».
En premier lieu, dans la parenté proche, la cohabitation et le voisinage prolongé, s’impose un réseau d’échanges trop dense et trop multiforme pour être aisément comptabilisé. D’ailleurs, les sociétés n’aiment pas voir s’y instaurer des rapports marchands, dont elles craignent l’action corrosive sur une réciprocité informelle qui a la vertu d’enrober les plus froids calculs d’intérêt.
Il est significatif que c’est ce registre qui fournit de précieuses analogies à un tout autre type de relations, celui des alliances où des chefs de groupes lignagers différents, des partenaires commerciaux issus d’ethnies lointaines, de simples amis de rencontre se désignent, avec force manifestations extérieures, comme des frères. Il s’agit là de rapports entre pairs, relativement intransitifs et pouvant connaître des destinées variables: les joutes amicales où l’on rivalise de générosité peuvent alterner avec de spectaculaires ruptures. La diplomatie raffinée des dons échangés est bien là pour exprimer ces divers registres.
Reste à poser deux questions redoutables: d’une part, la relative universalité du code des dons échangés, de l’autre, la systématique occultation de l’obligation de rendre. La première surgit si l’on récuse la théorie échangiste. Pourquoi n’y aurait-il pas de sociétés qui valorisent l’avarice et l’accumulation protectionniste de biens, comme d’autres pratiquent l’endogamie? Il y en a sans doute – c’est le cas de nos sociétés, celles de l’homme aux écus et de l’éthique protestante – où, chaque chose ayant son juste prix, les partenaires se séparent au terme de la transaction, libres de tout lien. Au contraire, le code de la réciprocité aléatoire est effectivement un code de communication qui est tourné vers l’extérieur et qui, à ce titre, doit avoir quelque chose de général. Cela ne met pas à l’abri des déconvenues auxquelles s’exposent les sociétés traditionnelles au contact des Occidentaux, commerçants, conquérants ou touristes enchantés par les prodigalités indigènes. Mais la grande récurrence du code de générosité tient au fait que, relevant moins de l’économique que du politique, il met en jeu la confrontation des hommes plus que la consommation des choses. Il s’agit de comparer ce dont on peut disposer au point de s’en défaire et, à la limite, de le détruire. L’ostentation obéit aux mêmes règles que le combat de force: il n’y a pas de «qui perd gagne».
Il faut enfin tenter de comprendre pourquoi l’obligation de rendre est systématiquement occultée par les partenaires, qui ne sont dupes à aucun moment de ce à quoi ils se trouvent engagés. Il y a là un résultat d’une fâcheuse tendance de l’ethnologie à confondre la théorie et la pratique. Pour les intéressés, la syntaxe des dons réciproques est sans doute plus complexe que ce qu’en a retenu la théorie sociologique. Si les indigènes affirment hautement qu’ils ne se doivent rien, c’est peut-être que l’opération est, pour eux, effectivement aléatoire. Mais le temps, les convenances, l’opinion sont des éléments essentiels d’une partie où, d’ailleurs, n’interviennent pas que les échanges matériels. Car donner, c’est dominer, et, parmi les profits de l’opération, il y a les statuts respectifs et relatifs des partenaires. La relation elle-même est en jeu, et elle a son prix: il n’est pas sûr que l’humiliation publique de celui qui ne sait pas rendre ne soit pas une excellente affaire pour le donateur.
1. don [ dɔ̃ ] n. m.
• 1080; lat. donum
♦ Action de donner; la chose donnée. ⇒ donation.
1 ♦ Action d'abandonner gratuitement et volontairement à qqn la propriété ou la jouissance de qqch. Faire un don à qqn (⇒ donateur) . Faire don de qqch. à qqn. ⇒ donner, léguer. Faire don de son corps à la science. Don du sang, de sperme, d'organe. — Fig. Le don de soi, de sa personne : l'action de se dévouer entièrement à qqn ou à qqch. ⇒ dévouement, sacrifice.
2 ♦ Ce qu'on abandonne à qqn sans rien recevoir de lui en retour. ⇒ cadeau, générosité, legs, libéralité, 2. présent, secours, subside, subvention. Don fait par charité. ⇒ aumône, bienfait. Don fait à l'occasion du jour de l'an. ⇒ étrenne, gratification. Don pour s'acquérir les faveurs de qqn. ⇒ bakchich, pot-de-vin, pourboire (cf. Donner la pièce, graisser la patte). Un don d'argent. Un don en nature, en espèces. Don anonyme. Recevoir un don.
3 ♦ Avantage naturel (considéré comme reçu de Dieu, de la Fortune, de la nature). ⇒ bénédiction, bienfait, faveur, grâce. « La foi est un don de Dieu » (Pascal). ⇒ charisme. Don des langues (⇒ glossolalie) , de prophétie. — Poét. Les dons de la terre : ses productions.
4 ♦ Disposition innée pour qqch. ⇒ aptitude, art, capacité, disposition, facilité, génie, habileté, qualité, talent. Don oratoire, littéraire. Avoir le don de la parole, de l'éloquence, de l'à-propos : être doué pour. Avoir un don pour les maths, les langues, le commerce. ⇒ bosse. Avoir des dons de poète. Elle a tous les dons.
♢ Avoir le don de (et l'inf.) :réussir particulièrement à. Cette actrice a le don d'émouvoir le public. — Iron. Il a le don de m'agacer (cf. Le chic pour). « un faux air amical dont l'expression bien connue a le don de faire intérieurement pester un homme » (Balzac).
⊗ HOM. Dom, donc, dont.
don 2. don [ dɔ̃ ] n. m.
• déb. XVIe; mot esp., du lat. dominus
♦ Titre d'honneur particulier aux nobles d'Espagne et qui se place ordinairement devant le prénom. ⇒ dom. « Don Juan », opéra de Mozart. Don Quichotte.
● don nom masculin (latin donum) Action de donner, de céder quelque chose que l'on possède et, en particulier, action de donner de l'argent à quelqu'un, à une institution, une œuvre ; chose ou somme ainsi donnée, cadeau : Un don de mille francs. Littéraire. Bienfait, faveur : Ces fruits magnifiques sont un don de la nature. Talent, disposition, qualité de quelqu'un, que l'on considère comme innés, naturels : Avoir un don pour la musique. Droit Donation à une personne morale. Traditions populaires Pouvoir extraordinaire accordé par une fée à un enfant qui vient de naître. ● don (citations) nom masculin (latin donum) Jean-Paul Sartre Paris 1905-Paris 1980 Le geste du don nous sépare des hommes ; il n'engendre pas de réciprocité […]. Saint Genet, comédien et martyr Gallimard Platon Athènes vers 427-Athènes vers 348 ou 347 avant J.-C. La vertu n'est pas un don de nature. Ménon, 89a (traduction Croiset et Bodin) Bible Car les dons et l'appel de Dieu sont sans repentance. Saint Paul, Épître aux Romains, XI, 29 sainte Catherine de Sienne [Caterina Benincasa] Sienne 1347-Rome 1380 Les imparfaits […] regardent plus au don qu'à Moi, le donateur. Questi imperfetti […] più raguardano al dono che a me donatore. Dialogo della Divina Provvidenza, VI ceux qui n'ont pas atteint le dernier degré de l'union avec la Trinité ● don (expressions) nom masculin (latin donum) Avoir le don de, réussir tout particulièrement à quelque chose, avoir l'art de faire quelque chose (souvent ironique) : Cet enfant a le don de m'exaspérer. Don de soi, de sa personne, dévouement total, abnégation. Faire don de quelque chose à quelqu'un, le lui donner. Don manuel, donation, faite de la main à la main, d'un meuble corporel. Don gratuit, sous l'Ancien Régime, contribution financière accordée au roi par les assemblées générales du clergé de France et par les états provinciaux. Don du sang, action d'offrir son sang en vue d'une utilisation médicale. Don des langues, manifestation de glossolalie. Saints dons, dans l'Église orthodoxe, le pain et le vin, soit avant, soit après leur consécration. Dons du Saint-Esprit, dispositions mises par Dieu en l'homme pour lui permettre de vivre pleinement la vie chrétienne (la sagesse, l'intelligence, la science, le conseil, la force, la piété, la crainte de Dieu). ● don (homonymes) nom masculin (latin donum) dom nom masculin d'on pronom personnel donc conjonction dont pronom relatif ● don (synonymes) nom masculin (latin donum) Action de donner, de céder quelque chose que l'on possède et...
Synonymes :
- cadeau
- offrande
- présent
Littéraire. Bienfait, faveur
Synonymes :
- faveur
- grâce
Talent, disposition, qualité de quelqu'un, que l'on considère comme innés...
Synonymes :
- bosse (familier)
- facilité
- génie
- talent
Contraires :
● don
nom masculin
(espagnol don, du latin dominus, maître)
En Espagne, titre d'honneur donné à tous les hommes. (Employé uniquement devant le prénom et signifiant monsieur, il était réservé au Moyen Âge aux nobles. Le mot portugais correspondant est dom.)
● don (difficultés)
nom masculin
(espagnol don, du latin dominus, maître)
Prononciation
[&ph88;̃], comme un don.
Orthographe et emploi
Aucun de ces deux mots ne prend la majuscule.
1. Dom = titre donné à certains religieux (bénédictins, chartreux, notamment) : dom Prosper Guéranger, dom François Bédos de Celles. - Titre de courtoisie, au Portugal : dom Manoel.
2. Don n.m., doña n.f. = titre espagnol de courtoisie, qui ne s'emploie que devant le prénom : don Juan, doña Prouhèze.
Remarque Ces deux mots sont issus du latin dominus, domina = maître, maîtresse.
● don (homonymes)
nom masculin
(espagnol don, du latin dominus, maître)
dom
nom masculin
d'on
pronom personnel
donc
conjonction
dont
pronom relatif
Don
n. m.
d1./d Action de donner. Faire un don.
— Don du sang, d'organe.
— Faire (le) don de soi, de sa vie: se dévouer entièrement, se sacrifier.
d2./d Chose donnée. Don en nature, en espèces.
d3./d Fig. Avantage naturel (considéré comme donné par la providence, par le sort, etc.). La beauté est un don. Cet enfant a tous les dons.
|| Par ext. Aptitude innée à (qqch). Le don des langues.
— (En mauv. part.) Vous avez le don de me mettre en colère.
————————
Don
n. m., doña n. f.
d1./d n. (Placé devant le nom de baptême.) En Espagne, titre d'honneur des nobles, qui s'applique auj. à toutes les personnes d'un certain rang. Don Quichotte. Doña Isabel. (En fr. class. dom: "Dom Juan", de Molière.)
d2./d n. m. En Italie, titre d'honneur donné aux abbés.
————————
Don
(le) fl. de Russie; 1 870 km; naît au S. de Moscou et se jette dans la mer d'Azov. Relié par un canal à la Volga, c'est un grand axe commercial.
I.
⇒DON1, subst. masc.
I.— A. Action de donner, de céder gratuitement et volontairement la propriété d'une chose :
• 1. En 1953 j'avais fait remarquer que la vente ou le don du sang, lors des transfusions sanguines, constituait une transaction sur des biens aliénables...
DAVID, La Cybernétique et l'humain, 1965, p. 138.
♦ Loc. verbale. Faire don. On lui faisait don de ce manoir qu'elle habiterait toujours lorsqu'elle serait mariée (MAUPASS., Une vie, 1883, p. 6).
— DR. Synon. de donation. Don mutuel entre époux, entre vifs; don manuel; don testamentaire. Un arrêté du préfet autorise l'acceptation des dons et legs (BARADAT, Organ. préfect., 1907, p. 273).
B.— P. ext. Action d'offrir quelque chose. Un don sans amour ne vaut guère mieux qu'un refus (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p. 99) :
• 2. ... je m'entremets entre la finalité sans fin qui paraît dans les spectacles naturels et le regard des autres hommes; je la leur transmets; par cette transmission, elle devient humaine; l'art est ici une cérémonie du don et le seul don opère une métamorphose...
SARTRE, Situations II, 1948, p. 103.
— Loc. verbale. Faire don. Je te ferai don du seul rosier qui te puisse augmenter car j'en exigerai la rose (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 893). À l'occasion des étrennes Auguste faisait don de pièces rares ou belles à son entourage (Hist. et ses méth., 1961, p. 373).
C.— Au fig.
1. Action de (s')abandonner, de (se) remettre aux soins de quelqu'un, en se fiant à lui. Je crois qu'à vrai dire il n'y a pas de conversion s'il n'y a pas de don total (GREEN, Journal, 1955-58, p. 5) :
• 3. Son grand charme, (...) était sa naïveté de vierge, comme si son attente ignorée de l'amour lui avait fait réserver le don de son être, son anéantissement dans l'homme qu'elle aimerait.
ZOLA, Le Docteur Pascal, 1893, p. 174.
♦ Spéc. Le don de son cœur; le don de sa main. Elle eût aimé à récompenser par le don de sa main celui qui la lui avait demandée quand elle était méprisée et pauvre (GAUTIER, Fracasse, 1863, p. 452) :
• 4. ... je suis au désespoir que Dieu n'ait pas inventé pour la femme une autre façon de confirmer le don de son cœur que d'y ajouter celui de sa personne.
BALZAC, La Duchesse de Langeais, 1834, p. 278.
— Loc. verbale. [Le suj. désigne une femme] Faire don. Faire don de soi, de sa personne. Accorder ses dernières faveurs (cf. supra ex. 4). Elles [les anecdotes] incommodaient Ortensia, devenue prude depuis qu'elle avait appris l'amour, et le don de soi-même (ARNOUX, Rossignol napol., 1937, p. 155).
2. Action de renoncer à quelque chose (en faveur de quelqu'un ou quelque chose) :
• 5. ... Il avait cru trouver une belle cause à laquelle faire le don de sa vie, qui ne l'intéressait plus que pour la sacrifier; ...
ROLLAND, Jean-Christophe, Les Amies, 1910, p. 1248.
— Spéc. Don de soi, de sa personne
a) Action de se sacrifier; renoncement, abnégation. L'erreur vécue en toute bonne foi, héroïquement et jusqu'au don de soi-même, participe à la vérité (MAURIAC, Journal 3, 1940, p. 216).
♦ Loc. verbale. Faire don de sa personne à la France (MAURIAC, Bâillon dén., 1945, p. 389).
b) Action de se dévouer entièrement à une personne ou à une cause. Il professait le socialisme avec une foi ardente, ayant fait le don de sa personne entière à l'idée d'une prochaine rénovation sociale (ZOLA, Argent, 1891, p. 39) :
• 6. Pour Claire, l'amour n'est qu'un commencement, un prétexte, une lumière; c'est le don de soi, constant et multiple, qui lui est nécessaire...
CHARDONNE, Claire, 1931, p. 137.
II.— P. méton.
A.— Ce qu'on donne sans rien recevoir en retour. Faire, recevoir un don; combler qqn de dons. Le soir, en dînant, on cause des dons au clergé, de la main à la main, et qui échappent à la justice (GONCOURT, Journal, 1863, p. 1244). On trouva, au milieu de modestes offrandes, un don anonyme de deux cent mille florins (MICHELET, Chemins Europe, 1874, p. 320) :
• 7. L'avenir départagera l'Allemagne et la France... il fera à toutes deux ce don magnifique, l'Europe...
HUGO, Actes et paroles 3, 1876, p. 348.
♦ En don. Une aide annuelle d'environ 140 millions de dollars en dons et prêts bilatéraux (Univ. écon. et soc., 1960, p. 3802).
— HIST. Don gratuit. ,,Don que les assemblées du clergé, ou les états des provinces, faisaient au roi, pour subvenir aux besoins de l'État`` (Ac. 1835, 1878). Le clergé, en France, ne consentait au prince qu'un don gratuit et le percevait lui-même (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 49).
B.— P. ext.
1. Bienfait, faveur. Chaque jour est un don de Dieu. La beauté est-elle un piège? Je ne puis le croire. Qui oserait dire qu'elle n'est pas un don de Dieu? (GREEN, Journal, 1950-54, p. 178) :
• 8. Mais, quelques mois après, dans un riche équipage,
Entouré de valets, d'esclaves, de flatteurs,
Comblé de dons et de faveurs,
Il vient de sa fortune au vieillard faire hommage : ...
FLORIAN, Fables, Le Renard déguisé, 1792, p. 127.
♦ Don gratuit. Don totalement désintéressé. Ce que tu auras de vie est un don gratuit; mille qui valaient mieux que toi ont été écrasés dès leur naissance (TAINE, Notes Paris, 1867, p. 265).
— Littér. Les dons de la terre; les dons de Bacchus, de Cérès, de Flore, de Pomone. Les dons de la Fortune. Les richesses.
2. En partic. Qualité ou faveur extraordinaire, avantage venant de Dieu ou de la nature. La foi est un don de Dieu (Ac.). La continence est un don (SAINTE-BEUVE, Volupté, t. 2, 1834, p. 42). Vous avez ce grand don de l'écrivain : rendre le lecteur pensif (HUGO, Corresp., 1870, p. 261). La sincérité est un don rare dans l'art (ROLLAND, Beeth., t. 2, 1937, p. 381) :
• 9. L'esprit [selon Helvétius] doit être considéré non comme un don de la nature mais comme un effet de l'éducation.
COUSIN, Philos., 1857, p. 174.
• 10. Je songe aux quatorze belles vierges qui, au porche nord de la cathédrale de Chartres, représentent les quatorze dons sublimes de l'âme et du corps, les quatorze béatitudes qui fleuriront quand le monde aura été jugé et renouvelé, ...
BARRÈS, Cahiers, t. 14, 1922-23, p. 14.
SYNT. Le don de prophétie, d'ubiquité, de voyance, de seconde vue; le don d'autoscopie des somnambules; le don des langues, des miracles, de la divination; les sept dons du Saint-Esprit.
a) Qualité, disposition innée, inclination naturelle (pour quelque chose). Chez lui, comme chez Bossuet, les dons oratoires éclipsent les autres (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 592). Les financiers, (...) ne sont clairvoyants qu'en finances. C'est un don, une bosse; pour le reste, des idiots (MORAND, Lewis, 1924, p. 92). Suzanne admirait beaucoup de si grands dons de comédien (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 225) :
• 11. J'ai souvent pensé, monsieur, qu'il y avait en moi, du fait non de mes faibles dons, mais de circonstances que vous apprendrez peut-être un jour, un trésor d'expérience, ...
PROUST, Le Côté de Guermantes 1, 1920, p. 287.
♦ P. iron. C'est un don. Les Sescourt sont malheureux dans toutes leurs entreprises (FRANCE Pt bonh., 1898, 1, p. 53).
— Avoir le don de + subst. Avoir le don de l'arithmétique, de la musique, des dates, de l'imitation.
b) Faculté, pouvoir.
— Avoir le don de + inf. Mon attitude eut le don de calmer le ministre (JOFFRE, Mém., t. 1, 1914, p. 207). Vous avez le don de plaire. Respectez cette vertu qui a été mise en vous (BARRÈS, Cahiers, t. 14, 1922-23, p. 105) :
• 12. Le sujet était du petit nombre des faits historiques qui, dès lors, avaient par exception le don de m'émouvoir beaucoup.
FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 56.
En mauvaise part ou p. iron. Deschartres qui avait le don de rendre ennuyeuses des choses plus intéressantes (SAND, Hist. vie, t. 1, 1855, p. 62). Vous avez le don de me porter sur les nerfs (COURTELINE, Ronds-de-cuir, 1893, 2e tabl., 1, p. 59). Nos excellents camarades et amis révolutionnaires ont le don de m'agacer (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1898, p. 308).
♦ Le don des larmes. La faculté de pleurer. Je n'ai jamais eu de sensibilité, j'ai toujours ignoré le don des larmes (LORRAIN, Phocas, 1901, p. 287).
— Spéc. [Dans les contes de fées] Faculté le plus souvent merveilleuse accordée par une fée à un enfant. La fée décida de distribuer ses dons à la fille et au garçon (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1950, p. 155).
Prononc. et Orth. :[]. Ds Ac. dep. 1694. Homon. dom, donc (en cas d'élision), dont. Étymol. et Hist. 1. 2e moitié Xe s. faire don (Passion, éd. d'A. S. Avalle, 302); 2. ca 1100 « ce qui est donné » (Roland, éd. J. Bédier, 3210); 3. a) ca 1130 « sort, lot, destin (malheureux) » (Couronnement Louis, 707 ds T.-L.); plus souvent 1370-72 « bénédiction, grâce, faveur du ciel » don de Dieu (ORESMES, Trad. Ethiques d'Aristote, éd. A. D. Menut, I, 14, p. 129); b) XVIe s. « faculté innée » don de prophétie (AMYOT, Agis et Cléom., 11 ds LITTRÉ). Du lat. class. donum « action de donner, présent ».
STAT. — Don1 et 2. Fréq. abs. littér. :5 428. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 8 337, b) 11 701; XXe s. : a) 5 081, b) 6 645.
BBG. — Don et ses dér. Actual. terminol. 1974, t. 7, n° 3, p. 4.
II.
⇒DON2, subst. masc.; DOÑA, subst. fém.
Au masc. Don. Seigneur, sire; titre d'honneur précédant le prénom des nobles d'Espagne et du Portugal. Le roi don Carlos répugne aux trahisons (HUGO, Hernani, 1830, I, 3, p. 29).
— Au fém. Doña. Dame :
• ... avec dix chevaliers d'un sang très noble issus, Don Fadrique s'en vient de Coïmbre à Séville. Le jeune Maître, né de Doña Léonor, sur sa mule à grelots précède l'équipée, ...
LECONTE DE LISLE, Poèmes tragiques, La Romance de Don Fadrique, 1886, p. 159.
♦ P. plaisant. Doña Paca est accueillante. Elle est un peu (...) maquerelle (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1963, p. 112).
Prononc. et Orth. : don []. Ds Ac. dep. 1762. Doña []. Le tilde peut faire défaut, cf. LITTRÉ, DG. Étymol. et Hist. I. XVe s. doint (ms. fr. B.N. 2002, f° 1 ds DG : Doint Alfont, roy d'Aragon); 1501-40 don (A. DE LALAING, Voyage de Philippe le Beau en Espagne ds Collections des Voyages des souverains des Pays-Bas, Bruxelles 1876, p. 127 d'apr. REINH., p. 361). II. 1. ca 1280 done (ADENET LE ROI, Cléomades, éd. A. Henry, 104 : Mais bien sai que a celui tans Ot en Espaigne une pucele Qui avoit non done Ynabele); 2. apr. 1506 donna, dona (Deuxième voyage de Philippe le Beau en Espagne en 1506 ds Collections des voyages des souverains des Pays-Bas, Bruxelles 1876, p. 413 et 414 d'apr. REINH., p. 358); 1517-25 donne (L. VITAL, Relation du 1er voyage de Charles-Quint en Espagne, p. 142, ibid., d'apr. REINH., loc. cit.); 1621-46 doña (F. DE BASSOMPIERRE, Mémoires, Cologne 1665, t. I, p. 545 d'apr. REINH., loc. cit.). I mot esp. attesté dep. 950 (Glosas Emilianenses d'apr. COR.), forme abrégée tirée du lat. dom(i)nus (cf. dom). La forme attestée supra XVe s. représente un essai éphémère de francisation. Il mot esp. attesté dep. 924 (d'apr. COR.), forme abrégée tirée du lat. dom(i)na, fém. de dom(i)nus. 1 représente un 1er empr. isolé (cf. a. fr. done « dame » ds T.-L. issu directement du latin).
STAT. — Don2, sous don1. Doña : Fréq. abs. littér. :347. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 832, b) 539; XXe s. : a) 296, b) 297.
1. don [dɔ̃] n. m.
ÉTYM. Xe, faire don; lat. donum.
❖
1 Action d'abandonner gratuitement à qqn la propriété ou la jouissance de (qqch.). || Le don de qqch. à qqn (par qqn). || Faire un don à qqn. || Faire don de qqch. à qqn.
1 D'un souverain pouvoir, il brise les liens
Du contrat qui lui fait un don de tous vos biens (…)
Molière, Tartuffe, V, 7.
♦ Dr. || Don manuel, mode de donation.
2 Le don manuel est une donation qui a pour objet, et ne peut avoir pour objet que des choses susceptibles d'une remise matérielle faite de la main à la main, c'est-à-dire des meubles corporels ou des titres au porteur, et qui se réalise au moment où le donateur remet ces choses au donataire.
A. Colin et H. Capitant, Cours élémentaire de droit civil, t. III, p. 837.
♦ Fig. || Le don de son cœur, de sa main, de son corps.
3 En outre, il parut soudain renoncer à exiger de Claire, presque chaque soir, le don de sa personne, restée si curieusement étrangère aux plaisirs dont elle était la dispensatrice.
A. Maurois, Terre promise, p. 200.
♦ Le don de soi : l'action de se dévouer entièrement à qqn ou à qqch. ⇒ Dévouement, sacrifice. || Toute noblesse (cit. 4) vient du don de soi-même. || Faire don de sa personne (à une cause, un pays).
4 On ne fait rien sans cette impulsion qui, au delà de l'égoïsme et des nécessités, affirme la personne humaine dans le don de soi. Il ne suffit d'ailleurs pas que ce soit un désir, une velléité. La charité est la plus exigeante des vertus.
Daniel-Rops, Ce qui meurt et ce qui naît, p. 195.
♦ Absolt. || Le don. || Essai sur le don, œuvre de Marcel Mauss.
♦ Par ext. Action de consentir qqch. de son libre mouvement, d'y adhérer, d'y participer de soi-même.
5 Il y a, dans l'obéissance, quand elle est libre et enthousiaste, une sorte d'ivresse, d'élan, de don.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, IV, III, p. 271.
2 Ce qu'on abandonne à qqn sans rien recevoir de lui en retour. ⇒ Cadeau, distribution, générosité, legs, libéralité, présent, secours, subside, subvention. || Don fait par charité. ⇒ Aumône, bienfait. || Don fait à l'occasion du jour de l'an. ⇒ Étrenne, gratification. || Don pour s'acquérir les faveurs de qqn. ⇒ Bakchich, épices, pot-de-vin, pourboire (→ Donner la pièce, graisser la patte à qqn). || Don des patriciens romains à leurs clients. ⇒ Sportule. || Don fait à Dieu. ⇒ Oblation, offrande. || Un don d'argent, en argent, en espèces. || Don en nature. || Accorder, offrir, remettre, répartir, distribuer des dons. || Recevoir un don. — Donner qqch. en pur don. || Accepter ceci en don, à titre de don. — Don anonyme. || Don respectueux. || Don de l'auteur. ⇒ Hommage.
6 (…) il est bien moins content du don que de la manière dont il lui a été fait.
La Bruyère, les Caractères, VIII, 45.
7 Sans doute, il est des dons vils qu'un honnête homme ne peut accepter; mais apprenez qu'ils ne déshonorent pas moins la main qui les offre, et qu'un don honnête à faire est toujours honnête à recevoir (…)
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, Lettre XVII.
♦ Anc. dr. || Don gratuit : contribution que le clergé, financièrement autonome, consentait au roi dans ses assemblées.
3 Avantage naturel (considéré comme reçu de Dieu, de la Fortune, de la nature…). ⇒ Bénédiction, bienfait, faveur, grâce. || Le ciel l'a comblé de ses dons. || « Manne du ciel, céleste don » (→ Manne, cit. 4, Villon). || Les dons que le ciel lui a départis (cit. 1, 3, 4), qu'il a reçus en partage. — Poét. || Les dons de la terre, ses productions. ☑ Les dons de Bacchus, de Cérès, de Flore, de Pomone : la vendange, les moissons, les fleurs, les fruits. ☑ Les dons de la Fortune : les richesses.
4 (XVIe). Disposition innée pour qqch. (considérée comme donnée par la Fortune, par Dieu…). ⇒ Aptitude, art, capacité, facilité, génie, habileté, qualité, talent; douer (être doué pour). || La délicatesse, don de la nature (→ Art, cit. 28, 38). || Heureux don. || Avoir le don de la parole, de l'éloquence, de l'à-propos, être doué pour… || Don oratoire. || Un don pour les sciences, les langues, le commerce. ⇒ Bosse. || Cultiver ses dons. || Avoir le don d'ubiquité (→ Dédoubler, cit. 2). || C'est un don qui lui est propre. ⇒ Apanage, privilège. || Faire appel aux dons de qqn (→ Appel, cit. 12). || L'esprit, don de s'exprimer rapidement et finement. || Les dons de l'esprit (→ Cassant, cit. 3).
8 J'aimais fort l'éloquence et j'étais amoureux de la poésie; mais je pensais que l'une et l'autre étaient des dons de l'esprit plutôt que des fruits de l'étude.
Descartes, Disc. de la méthode, I.
9 Sans répit, chez nous, la province produit des hommes favorisés par les dons, par le talent, parfois par le génie.
G. Duhamel, le Temps de la recherche, VII, p. 88.
10 Nous avons tous une faculté particulière — un don, si vous voulez, — par lequel nous resterons toujours absolument distincts des autres êtres. C'est ce don-là qu'il faut arriver à trouver en soi et à exalter, à l'exclusion du reste.
Martin du Gard, Jean Barois, II, Le semeur, III.
♦ Fam. || Il a le don de vous plaire. Iron. || Il a le don de l'agacer. || Il a le don de parler pour ne rien dire (→ Beaucoup, cit. 1). ☑ Il, elle a le don des larmes : il, elle pleure facilement.
11 Il a le don, comme vous dites, de rendre mauvaises les meilleures choses.
Mme de Sévigné, 832, 17 juil. 1680.
12 (…) Caroline prend un faux air amical dont l'expression bien connue a le don de faire intérieurement pester un homme (…)
Balzac, Petites Misères de la vie conjugale, Pl., t. X, p. 950.
♦ Relig. Faveur, avantage que l'on tient de la grâce, de la bonté divine. ⇒ Charisme. || Don du Saint-Esprit (→ Confirmation, cit. 5). || Le don de prophétie (→ Avenir, cit. 15). || Le don des langues : faculté conférée aux apôtres de parler toutes les langues. || La foi, don de Dieu.
13 Puisque nous avons des dons différents, selon la grâce qui nous a été accordée, que celui qui a le don de prophétie l'exerce (…) que celui qui est appelé au ministère s'attache à son ministère; que celui qui enseigne s'attache à son enseignement, et celui qui exhorte à l'exhortation.
Bible (Segond), Épître aux Romains, XII, 6-7.
14 La foi est un don de Dieu; ne croyez pas que nous disions que c'est un don de raisonnement.
Pascal, Pensées, IV, 279.
15 Il y a des hommes que Dieu a marqués au front, au sourire, aux paupières, d'un signe et comme d'une huile agréable; qu'il a investis du don d'être aimés !
Sainte-Beuve, Volupté, XXI, p. 222.
♦ Absolument :
16 Moi, dit Justin solennellement, je crois au don, je crois à la grâce, je crois au signe sur le front.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, IV, VIII, p. 324.
♦ Dans les contes de fées, Faculté extraordinaire accordée à un enfant.
17 C'était grande assemblée des Fées, pour procéder à la répartition des dons parmi tous les nouveau-nés, arrivés à la vie depuis vingt-quatre heures.
Baudelaire, le Spleen de Paris, « Les dons des fées. »
❖
CONTR. Réclamation, reprise, revendication, vol. — Défaut, manque.
DÉR. Donner.
COMP. Surdon.
HOM. Dom, 2. don, dont.
————————
2. don [dɔ̃] n. m.
ÉTYM. V. 1501; mot esp., du lat. dominus. → Dom.
❖
♦ Titre d'honneur particulier aux nobles d'Espagne et qui se place ordinairement devant le prénom. || Don Carlos (⇒ Carlisme). || Don Juan. || Don Quichotte.
0 J'ajoutai le don à mon nom, imitant en cela bien des Espagnols roturiers qui prennent sans façon ce titre d'honneur hors de leur pays.
A. R. Lesage, Gil Blas, V, I, p. 316.
REM. Don s'est écrit dom au XVIIe siècle. On écrit : le Dom Juan de Molière, mais le Don Juan de Mozart (ital. Don Giovanni).
❖
HOM. Dom, 1. don, dont.
Encyclopédie Universelle. 2012.