réalisme [ realism ] n. m.
• 1801; de réel, d'apr. lat. realis
1 ♦ Hist. philos. Ancienne doctrine platonicienne de la réalité des idées (I), dont les êtres individuels ne sont que le reflet. Réalisme et idéalisme. — Doctrine médiévale de la réalité des Universaux. Le réalisme de saint Thomas.
♢ Philos. mod. (opposé à idéalisme) Doctrine d'après laquelle l'être est indépendant de la connaissance d'un sujet. « L'antique conflit du réalisme et de l'idéalisme » (Bergson).
2 ♦ (1833) Conception de l'art, de la littérature, selon laquelle l'artiste ne doit pas chercher à idéaliser le réel ou à en donner une image épurée (⇒aussi hyperréalisme). Le réalisme français, anglais. Le réalisme de Flaubert, de Zola. ⇒ naturalisme. Le réalisme italien. ⇒ néoréalisme, vérisme. Le réalisme socialiste (de l'U. R. S. S.).— Caractère d'une production qui procède de cette conception. Le réalisme d'un récit, d'une description, d'un personnage. Scène d'un réalisme pénible, sordide. ⇒ crudité.
♢ Hist. littér. École littéraire française qui, vers 1850, préconisa la description minutieuse et objective des faits et des personnages de la réalité banale et quotidienne.
♢ Cour. Recherche d'une ressemblance exacte avec le modèle; cette ressemblance. Réalisme des contours, des couleurs. — Hist. de l'art École de peinture qui, en France, s'est opposée au romantisme et a précédé l'impressionnisme. Le réalisme de Courbet.
3 ♦ Cour. Attitude d'une personne qui tient compte de la réalité, l'apprécie avec justesse (opposé à irréalisme). « Un idéologue, un homme à théories, sans bon sens, sans réalisme » (Madelin). Agir avec réalisme. Réalisme politique. ⇒ realpolitik; pragmatisme. Réalisme cynique, opportuniste.
⊗ CONTR. Idéalisme, immatérialisme; fantastique, irréalisme.
● réalisme nom masculin Attitude qui tient compte de la réalité telle qu'elle est : Faire preuve de réalisme dans un cas difficile. Caractère de ce qui est une description objective de la réalité, qui ne masque rien de ses aspects les plus crus : Ce film est d'un réalisme effrayant. Tendance littéraire et artistique du XIXe s., qui privilégie la représentation exacte, tels qu'ils sont, de la nature, des hommes, de la société. Doctrine qui affirme que la connaissance du réel constitue le réel lui-même, que cette connaissance soit la seule réalité ou qu'à côté d'elle figure une autre réalité, l'objet auquel elle s'applique. ● réalisme (citations) nom masculin Eugène Ionesco Slatina 1912-Paris 1994 Le réalisme, socialiste ou pas, est en deçà de la réalité. Notes et Contre-notes Gallimard ● réalisme (expressions) nom masculin Réalisme magique, courant littéraire allemand — né après 1945, mêlant réalisme et psychologie (H. Kasack et E. Langgässer) — et sud-américain, à caractère politique et social (M. Á. Asturias). Réalisme poétique, courant littéraire allemand humoristique et régionaliste (1850-1885), illustré par G. Freytag, Th. Storm, etc., qui succéda à l'esthétique romantique et à la Jeune-Allemagne. Réalisme socialiste, doctrine esthétique, proclamée en U.R.S.S. en 1934 sous l'influence déterminante de Jdanov, qui condamne les recherches formelles ainsi que l'attitude critique de l'écrivain à l'égard de la société. (L'écrivain doit participer à l'édification de l'État socialiste. L'art doit décrire l'homme dans son travail et son combat social.) ● réalisme (synonymes) nom masculin Attitude qui tient compte de la réalité telle qu'elle est
Synonymes :
Contraires :
- irréalisme
Caractère de ce qui est une description objective de la...
Synonymes :
- vérisme
réalisme
n. m.
d1./d PHILO Doctrine platonicienne selon laquelle les apparences sensibles et les êtres individuels ne sont que le reflet des véritables réalités, les Idées. (V. idéalisme.)
|| Doctrine médiévale d'après laquelle les universaux (notions générales) sont réels, ont une existence propre (par oppos. à conceptualisme, à nominalisme). Le réalisme de saint Thomas.
|| Doctrine selon laquelle le monde extérieur a une existence indépendante du sujet qui le perçoit (par oppos. à idéalisme).
d2./d LITTER, BX-A Volonté de représenter le monde, les hommes tels qu'ils sont, et non tels que peuvent les concevoir ou les styliser l'imagination et l'intelligence de l'auteur ou de l'artiste.
d3./d Cour. Aptitude à tenir compte de la réalité, à apprécier les données d'une situation avant de prendre une décision, d'agir. Faire preuve de réalisme.
Encycl. Le terme de réaliste s'appliqua aux écrivains qui, à partir de 1850, réagirent contre le sentimentalisme romantique en s'inspirant des méthodes de la science pour s'en tenir à l'étude et à la description des faits. Dans le Réalisme (1857), le Français Jules Husson, dit Champfleury (1821 - 1889), théorisa cette tendance. Il y eut autant de réalismes que de réalistes: Flaubert, A. Daudet, Maupassant, les frères Goncourt, Zola (cf. naturalisme). Parmi les peintres que l'on a qualifiés de réalistes, il faut citer Courbet, Daumier et Millet. - Le réalisme socialiste, qui, de façon autoritaire, plaçait la littérature et l'art au service du socialisme soviétique, eut pour principal théoricien Jdanov.
⇒RÉALISME, subst. masc.
A. — PHILOSOPHIE
1. a) Doctrine platonicienne selon laquelle existent des idées, des essences indépendantes, dont les êtres individuels et les choses sensibles ne sont que le reflet, l'image:
• 1. Ce que l'on nomme l'idéalisme platonicien ne fait qu'un avec ce que l'on nommait réalisme au Moyen Âge et ce que l'on nommait réalisme au Moyen Âge est de même origine que ce que nous nommons idéalisme aujourd'hui. Ayant commencé par discréditer la réalité sensible, jusqu'à en faire un presque non-être, Platon et Plotin ont dû attribuer à autre chose la réalité qu'ils lui refusaient. L'irréalisme du monde réel s'est donc doublé chez eux d'un réalisme du monde irréel.
E. GILSON, Réalisme thomiste, 1942, pp. 229-230 ds FOULQ.-ST-JEAN 1962, s.v. réel.
b) Doctrine médiévale, issue du platonisme et du néoplatonisme, affirmant l'existence d'essences indépendantes des choses dans lesquelles elles se manifestent (s'oppose simultanément au conceptualisme et au nominalisme). V. nominalisme ex. de Cousin.
2. Doctrine qui affirme qu'il existe une réalité extérieure indépendante, distincte de la pensée. Anton. idéalisme. L'on voit (...) que l'existence des êtres insensibles est très-réelle et distincte de celle de l'être qui les sent, (...) il n'y a rien de plus absurde et de plus vide de sens que toutes ces grandes disputes sur l'idéalisme et le réalisme (DESTUTT DE TR., Idéol. 3, 1805, p. 299).
— En partic. [Chez Kant] Doctrine suivant laquelle le monde extérieur est connu tel qu'il apparaît à travers les phénomènes (v. ce mot I B 3), et non tel qu'il est en soi. Cette doctrine [le naturalisme] a pour elle, au tribunal du bon sens, l'avantage de laisser la réalité la plus absolue à tous les objets qui nous affectent, et d'établir un réalisme si bien d'accord avec notre sentiment (Ch. DE VILLERS, Philos. de Kant, 1801, p. 81 ds QUEM. DDL t. 20).
3. Attitude épistémologique affirmant, par delà la description phénoménale d'un processus, l'existence d'une réalité physique, matérielle. [L'une des prémisses d'Einstein] est le réalisme, c'est-à-dire la doctrine selon laquelle les régularités observées dans les phénomènes ont leur origine dans une réalité physique dont l'existence est indépendante des observateurs humains (A. CASTIEL ds Le Monde quantique, 1984, p. 122).
— LING. [P. oppos. à formalisme] À l'opposé des formalistes — qui rejettent la prise en considération des substances et considèrent l'analyse des formes comme indépendante —, le réalisme pose que la substance phonique du langage ne peut pas être éliminée du champ de l'investigation parce que la substance vocale détermine en partie les propriétés des formes linguistiques, de leur fonctionnement et de leur évolution (MOUNIN 1974).
B. — 1. Vieilli. État d'esprit caractérisé par l'absence d'idéal. Synon. matérialisme; anton. idéalisme, spiritualisme. On me croit épris du réel, tandis que je l'exècre; car c'est en haine du réalisme que j'ai entrepris ce roman [Mme Bovary]. Mais je n'en déteste pas moins la fausse idéalité dont nous sommes bernés par le temps qui court (FLAUB., Corresp., 1856, p. 134):
• 2. ... qu'un assez grand nombre d'esprits, dégoûtés par le grossier réalisme du monde moderne et se révoltant à la fin contre leur propre raison (...) aient été pris d'un besoin éperdu d'idéal et de foi et soient revenus d'eux-mêmes et librement à la religion de Jésus, à la sublime morale et à ses fortifiantes pratiques, c'est là un fait qui n'est plus niable.
COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p. 161.
— En partic. Aptitude politique à agir en s'adaptant aux circonstances, sans s'embarrasser de principes. Le réalisme de Bismarck. Il n'est pas permis aux démocraties de ruser avec leurs devoirs. Il ne serait pas tolérable que le soi-disant réalisme qui, de Munich en Munich, a conduit la liberté jusqu'au bord même de l'abîme continuât à tromper les ardeurs et à trahir les sacrifices (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 533).
2. Vieilli. Sens des réalités. Synon. pragmatisme; anton. irréalisme. J'aimais surtout sa droiture, son bon sens, son dévouement pour l'oncle, et le réalisme de ses préoccupations domestiques, qui me faisaient descendre de mes nuages et se présentait à moi avec un charme très-pur et très-bienfaisant (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 340). Madame de Kermadec revenait au réalisme de la vie (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 1, 1859, p. 441).
C. — HIST. DES IDÉES ESTHÉT.
1. Conception esthétique selon laquelle le créateur décrit la réalité sans l'idéaliser. Je le déclare sincèrement, plus le mot réalisme gagnera en popularité, moins il aura de chance de durée. Si je l'inscris aujourd'hui en tête d'un volume, c'est qu'étant adopté par les philosophes, les critiques, les magistrats, les prédicateurs, je m'exposerai à ne pas être compris en parlant de réalité (CHAMPFL., Le Réalisme, 1857, pp. 2-3):
• 3. Qu'entend-on par réalisme [it. ds le texte]? Est-ce le sentiment du vrai dans les personnes et dans les choses, dans la peinture des caractères et du monde extérieur? Est-ce une bonne et franche haine contre la convention, la manière, la sensibilité factice, l'artificiel et le guindé? Alors nous ne pouvons qu'applaudir. Est-ce cet art qui prend l'humanité et la nature par les bas-côtés, qui s'attache à peindre à la loupe ou à tailler à l'emporte-pièce toutes les laideurs morales et physiques, qui, dans l'éternelle lutte entre l'âme et la matière, se déclare pour celle-ci, qui ouvre sa porte aux passions viles, sensuelles, fangeuses, qui la ferme aux clartés du ciel, à l'air pur, aux brises alpestres? Est-ce, en un mot, le contraire du spiritualisme, de l'idéal, de l'infini? Alors nous lui déclarons une guerre acharnée.
A. DE PONTMARTIN ds R. contemp., juin 1855, p. 259.
— ARTS PLAST. Conception caractérisée notamment par la volonté de représenter la nature telle qu'elle est perçue et de choisir des sujets dans la vie quotidienne, la réalité sociale contemporaine. Anton. académisme, idéalisme, idéalisation. La vérité dans l'art et la couleur locale en ont égaré beaucoup d'autres. Le réalisme avait existé longtemps avant cette grande bataille (...). Le romantisme n'est précisément ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir (BAUDEL., Salon, 1846, p. 103):
• 4. [Manet] a, parmi les impressionnistes, puissamment aidé au mouvement actuel, apportant au réalisme que Courbet implantait par le choix des sujets surtout, une révélation nouvelle, l'essai du plein air.
HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 177.
— LITT. Conception caractérisée par la volonté de décrire la vie dans toutes ses manifestations, sans a priori ni censure morale. Attendu qu'il n'est pas permis, sous prétexte de peinture de caractère ou de couleur locale, de reproduire dans leurs écarts les faits, dits et gestes des personnages qu'un écrivain s'est donné mission de peindre; qu'un pareil système appliqué aux œuvres de l'esprit aussi bien qu'aux productions des beaux-arts, conduirait à un réalisme qui serait la négation du beau et du bon (Jugement du procès intenté à G. Flaubert ds Gazette des Tribunaux, 9 févr. 1857 ds FLAUB., Mme Bovary, Paris, Garnier, 1962, p. 399). Je me moque du réalisme, en ce sens que ce mot ne représente rien de bien précis pour moi (...). Seulement, voici ce qu'il arrive en nos temps d'analyse psychologique et physiologique. Le vent est à la science; nous sommes poussés malgré nous vers l'étude exacte des faits et des choses (ZOLA, Les Réalistes du Salon ds Mon Salon, Manet, Garnier/Flammarion, 1970 [1866], p. 73).
Rem. À partir de 1875, les débats liés à l'action de Zola et de son groupe, font de naturalisme et de naturaliste, jusque-là plutôt cantonnés dans le domaine de la critique d'art, des concurrents de réalisme et de réaliste, souvent considérés comme équivalents. On trouve témoignage de cette concurrence dans Nouv. Lar. ill. et Lar. 20e.
— Spécialement
♦ Réalisme socialiste. Doctrine élaborée en 1934 par Boukharine, Gorki et Radek, et devenue doctrine officielle de l'art dans les pays socialistes. Le réalisme socialiste, méthode de base de la littérature soviétique et de la critique littéraire, exige de l'écrivain sincère une présentation historiquement concrète de la réalité dans son développement révolutionnaire (Ier Congrès de l'Union des Écrivains soviétiques, 1934 ds La Nouv. Crit., févr. 1975, n ° 81, p. 63).
♦ Nouveau réalisme. Mouvement artistique des années 1960 créé en réaction contre la peinture abstraite et incluant des objets réels dans l'œuvre non figurative (v. pop'art). J'avais donc lancé le terme de nouveau réalisme. Il eut un pouvoir coagulateur immédiat. Le 27 octobre 1960, le groupe des nouveaux réalistes était officiellement fondé au domicile d'Yves Klein (P. RESTANY, Les Nouveaux réalistes, Paris, éd. Planète, 1968, p. 210).
♦ CIN. Réalisme poétique. Pour la France, l'expression de « réalisme poétique » a été proposée par les Anglais comme dénominateur commun entre des esprits aussi divers et divergents que René Clair, Jacques Feyder, Marcel Carné, Jean Vigo, Jean Renoir, Jacques Becker, Robert Bresson (SADOUL ds Hist. spect., 1965, p. 1680).
♦ Néo-réalisme.
2. Expression fidèle et franche de la réalité.
— [Dans une œuvre plastique] Le précieux, le fini, le réalisme menu de ce cavalier-cadavre (GONCOURT, Journal, 1872, p. 916). La pierre dont il est sculpté est coloriée avec un réalisme qui lui met du rouge sur les joues et du noir aux ongles (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p. 200).
— [Dans une œuvre littér.] C'est un tableau fort exact, quoi qu'on dise. Connaissez-vous les romans de Dickens? Vous les trouverez peut-être d'un réalisme un peu vulgaire; mais c'est plein de talent (FLAUB., Corresp., 1859, p. 321).
3. Caractère cru, libre ou vulgaire de la représentation du réel. Les danseuses exécutent un pas éblouissant de délire et de « réalisme » (BANVILLE, Odes funamb., 1859, p. 147). Passons sur le caractère licencieux de certains fabliaux et la grossièreté du réalisme qui s'y étale comme une provocation (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 132).
REM. Hyperréalisme, subst. masc. V. hyper- B 5 e.
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist. A. 1. 1801 philos. kantienne (CH. DE VILLERS, loc. cit.); 2. 1829 philos. scolast., p. oppos. à nominalisme (COUSIN, Hist. philos. XVIIIe s., t. 2, p. 309); 3. 1875 philos. platonicienne (Lar. 19e). B. 1. a) 1826 litt. (Mercure fr. du XIXe s., t. 13, p. 6 ds E. B. O. BORGERHOFF, « Réalisme » and kindred words in P.M.L.A. t. 53, 1938, p. 839: cette doctrine littéraire [...] qui conduirait à une fidèle imitation non pas des chefs-d'œuvre de l'art mais des originaux que nous offre la nature, pourrait fort bien s'appeler le réalisme); 1833 (G. PLANCHE, art. sur Lucrèce Borgia ds R. des Deux Mondes, 2e série, t. 1, p. 397 ds R. Philol. fr. t. 45, p. 35: si le réalisme qui domine aujourd'hui dans la poésie, obtenait gain de cause, [...] il faudrait ne plus croire à Dieu ni à l'âme); 1852 (NERVAL, Illuminés, p. 248: le réalisme littéraire); 1857 (CHAMPFL., Le Réalisme); b) 1889 litt. réalisme socialiste (A. DAVID-SAUVAGEOT, Le Réalisme et le naturalisme dans la litt. et dans l'art, p. 182: cet Antony qui contient en germe l'œuvre du réalisme socialiste, comme Adolphe celle du réalisme indifférent), attest. isolée; 1932 litt. et art réalisme socialiste (J. FRÉVILLE ds L'Humanité, 11 oct. cité par W. KLEIN ds Beitr. rom. Philol. t. 21, p. 116: le réalisme de Gorki est dialectique, révolutionnaire, socialiste); 1933 (KIRPOTINE, in La Litt. internat. 1, p. 125 ds QUEM. DDL t. 12: le réalisme socialiste); 2. a) 1843 art (GAUTIER, Tra los montes, p. 49: l'amour du réalisme et de la vérité dans l'art); 1851 (CHAMPFL. ds Le Messager de l'Assemblée, 26 févr., p. 2 [à propos de tableaux de G. Courbet]: le réalisme apparaît sérieux et convaincu, ironique et brutal); 1855 (G. PLANCHE, Ét. sur l'école fr. (1831-1852), t. 2, p. 295 [chap. sur le Salon de 1852]: le réalisme tant vanté des Casseurs de cailloux [de Courbet]); 1855 (G. COURBET, Le Réalisme — G. Courbet — Exhibition de 40 tableaux de son œuvre [enseigne d'un pavillon lors de l'Exposition universelle de 1855 d'apr. Lar. 19e, s.v. Courbet]); b) 1960 nouveau réalisme (Premier manifeste du Nouveau Réalisme, 16 avr., Milan ds P. RESTANY, Les Nouveaux réalistes, 1968, p. 205: un nouveau réalisme de la pure sensibilité); 3. 1855 « sens de la réalité, pragmatisme » (supra ex. 4); 4. 1857 « tendance à dépeindre, représenter les aspects grossiers, vulgaires du réel » (BAUDEL., Crit. littér., Mme Bovary ds Œuvres compl., éd. Y. G. Le Dantec et Cl. Pichois, 1961, p. 651). Dér. sav. de réel, d'apr. le lat. médiév. realis; suff. -isme. Cf. l'all. Realismus en philos. (1781, KANT, Kritik der reinen Vernunft, éd. Leipzig, 1971, pp. 451-453, 470 d'apr. une lettre de W. Klein; 1790, ID., Kritik der Urteilskraft, 222, 276 d'apr. WEIGAND 1968 [1910]) et en litt. (1798, SCHILLER, Lettre à Goethe, 27 avr. ds BORGERHOFF, op. cit., p. 841, note). Fréq. abs. littér.:601. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 44, b) 341; XXe s.: a) 551, b) 2 003. Bbg. BORGERHOFF (E. B. O.). Réalisme and kindred words. P.M.L.A. 1938, t. 53, pp. 837-843. — CROUZET (M.). Un Méconnu du réalisme: Duranty. Paris, 1964, pp. 49-75. — FAYOLLE (R.). La Notion de réalisme ds l'hist. de l'enseign. de la litt. Philol. prag. 1980, t. 23, n ° 2, pp. 74-79. — KLEIN (W.). Réalisme socialiste. Sur l'hist. du terme ds les années trente. Beitr. rom. Philol. 1982, t. 21, pp. 113-119.
réalisme [ʀealism] n. m.
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1 Philos. Doctrine platonicienne de la réalité des idées (I.), dont les êtres individuels ne sont que le reflet (⇒ Idéalisme). — Doctrine médiévale de la réalité des Universaux, des idées générales (opposé à conceptualisme d'une part, et à nominalisme d'autre part). || Le réalisme de saint Anselme, de saint Thomas.
♦ Théorie qui pose que l'être est indépendant de la connaissance d'un sujet. || Réalisme rationaliste. || Réalisme matérialiste. || Réalisme et idéalisme (cit. 1). — « Indépendance de l'être à l'égard de la nécessité logique » (Lachelier, in Lalande). || L'empirisme est un réalisme, dans ce sens.
♦ Philos., sc. Doctrine d'après laquelle les formes mathématiques existent en dehors de nous (opposé à formalisme).
2 (1833). Conception de l'art, de la littérature, selon laquelle l'artiste ne doit pas chercher à idéaliser, à modifier le réel ou à en donner une image volontairement incomplète. — REM. Le mot peut être soit péj. (reproduction morne et plate du réel, faite sans choix), soit laudatif (fidélité à la richesse du monde extérieur, opposée aux conventions et au formalisme; dévoilement du réel).
♦ (En littérature). || Le réalisme d'un récit, d'une description, d'un personnage. || Réalisme psychologique, social. || Réalisme et vérité, réalisme et vraisemblance. || Le réalisme de Flaubert. — Spécialt. (Hist. littér.). École littéraire française (Champfleury, Duranty, les Goncourt…) qui, vers 1850, préconisa (surtout dans le roman) la description minutieuse et objective de faits et de personnages tirés du réel, la mise en œuvre d'une réalité banale et quotidienne (→ ci-dessous, cit. 1, Valéry). || Réalisme et naturalisme (cit. 2, Goncourt). → aussi Mission, cit. 10. — (En parlant d'autres écoles et tendances). || Le réalisme naturaliste. ⇒ Naturalisme. || Le réalisme italien (⇒ Vérisme), anglais, russe, du XIXe siècle. || Réalisme critique, populiste.
1 Cette opposition entre le dogme même du réalisme — l'attention au banal — et la volonté d'exister en tant qu'exception et personnalité précieuse eut pour effet d'exciter les réalistes au soin et aux recherches du style. Ils créèrent le style artiste. Ils employèrent à décrire les objets les plus ordinaires, parfois les plus vils, des raffinements, des égards, un travail, une vertu assez admirables; mais sans s'apercevoir qu'ils entreprenaient par là hors de leur principe, et qu'ils inventaient un autre « vrai », une vérité de leur fabrication, toute fantastique.
Valéry, Variété, Œ., Pl., t. I, p. 614.
2 Le vrai réalisme consiste à montrer les choses surprenantes que l'habitude cache sous une housse et nous empêche de voir.
Cocteau, Essai de critique indirecte, p. 56.
2.1 Au sens où tout réalisme pictural naît contre une idéalisation, le réalisme littéraire, le naturalisme plus encore, étaient nés contre le personnage théâtral. Pas seulement romantique ou classique; au cœur de l'homme, l'appel de tout réalisme était destructeur de celui du théâtre, aboutissait au roman. D'où le constant échec de ces réalismes au théâtre, à commencer par celui de Balzac et continuer par celui de Flaubert; alors que celui de Tchekhov, dépendance de la poésie, y réussit à merveille. Le théâtre contraignait à son réel le réalisme, qui vivait de son propre imaginaire.
Malraux, l'Homme précaire et la Littérature, p. 125-126.
♦ (En arts). Recherche d'une ressemblance entre l'œuvre plastique et l'apparence du modèle qu'elle entend représenter; cette ressemblance (→ Hyperréalisme). || Réalisme des contours, des couleurs, de la représentation spatiale (perspective). || Le réalisme opposé à l'idéalisation, au formalisme (cit. 3), à l'abstraction (…) à l'expressionnisme. — Spécialt. École de peinture qui, en France, s'est opposée au romantisme et a précédé l'impressionnisme. || Le réalisme de Courbet (→ Réaliste, cit. 1, Courbet). — Le réalisme au cinéma. || Le réalisme dans le cinéma français (réalisme poétique des années trente), dans le cinéma italien (⇒ Néo-réalisme)…
3 (…) les traits bien connus du ministre de Louis XIII, mais avec une intensité de vie, une affirmation de vérité, et, comme on dirait aujourd'hui, un réalisme bien rare dans les portraits de grands personnages, dont on reproduit plutôt le type officiel que l'expression intime.
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre, Collection d'Espagnac.
4 Il semble que tout art commence par la lutte contre le chaos, par l'abstrait ou le divin, jamais par la représentation de l'individuel; or tout réalisme conséquent se fonde sur l'individuel, et sa relation avec l'art qui le précède n'est pas équivoque : en tant qu'art, tout réalisme est une rectification.
Malraux, les Voix du silence, p. 299.
♦ (1933). || Réalisme socialiste : doctrine artistique faisant de l'art un instrument d'éducation et de propagande, fondé sur des normes de représentation « fidèle » de la réalité et (notamment en peinture) sur des techniques académiques. || « En vérité, nous ne connaissons pas d'exemple historique de réussite artistique — je veux dire de chef-d'œuvre — née du seul impératif politique. Le réalisme socialiste soviétique est le dernier exemple de l'échec patent de la formule » (Arts, juil. 1981).
♦ (1960, P. Restany). || Nouveau réalisme : mouvement artistique, influencé par les positions dadaïstes, qui préconise la manifestation de la réalité moderne par des moyens transposés — assemblages d'objets (⇒ Pop'art); art cinétique — et sans revenir à la représentation figurative.
3 Tendance à dépeindre, à représenter les aspects grossiers, vulgaires… du réel. ⇒ Crudité. || Un réalisme brutal (⇒ Brutalisme).
4 (1902). Attitude de celui qui tient compte de la réalité, l'apprécie avec justesse (opposé à irréalisme). ⇒ Réaliste (4.). || Un homme à théories, sans bon sens, sans réalisme (→ Croire, cit. 71). || Il a réagi avec réalisme, avec un certain réalisme. || Réalisme politique. ⇒ Realpolitik (→ Condamner, cit. 13). || Réalisme cynique, opportuniste (opposé aux attitudes morales). ⇒ aussi Pragmatisme.
5 D'abord organiser, pour être une force (…) Chez nous, il n'y a pas seulement idéologie, il y a réalisme. Et c'est le meilleur ! (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 74.
6 Le mot réalisme est la plupart du temps une traduction polie du mot lâcheté. Nul doute que, pour les « réalistes », des actions comme celle qui coûta la vie au chevalier d'Assas soient des modèles de sottise. Dans le meilleur des cas, le réalisme conduit à la médiocrité; dans le pire (c'est le plus fréquent), il mène à la tombe (…) À peu près rien de ce qu'ont fait les grands hommes n'est réaliste. C'est par réalisme — par manque d'imagination — que les hommes acceptent l'esclavage.
J. Dutourd, les Taxis de la Marne, II, IV.
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Encyclopédie Universelle. 2012.