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réserver

réserver [ rezɛrve ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1190; lat. reservare
1Dr. Mettre à part, dans un contrat, (un droit qu'on pourra invoquer plus tard).
Attribuer par avance à qqn. Clause réservant au donateur la faculté de révocation.
2Cour. Attribuer, destiner exclusivement ou spécialement à qqn. On vous a réservé ce bureau, cette place. « Il se réservait [...] une pièce large et haute où il pouvait recevoir les visiteurs » (Chardonne). Se réserver le droit, la faculté, la possibilité de...
3S'abstenir d'utiliser immédiatement (ce qu'on veut garder pour une meilleure occasion). économiser, épargner. « Il regardait son père fixement, ayant réservé ce coup pour la fin » (Zola). Réserver le meilleur pour la fin (cf. Garder pour la bonne bouche). Pronom. Se réserver de : conserver pour l'avenir la possibilité de (faire qqch.). Ils « recueillaient la sentence, se réservant de la méditer à loisir » (Romains).
Par ext. Réserver l'avenir : garder sa liberté d'action pour l'avenir (cf. Ménager l'avenir).
4Mettre à part, mettre de côté pour qqn. Pouvez-vous me réserver deux mètres de cette étoffe ? L'agence de voyages réservera votre billet ( 2. réservation) . Spécialt Faire mettre à part (ce qu'on veut trouver disponible). Réserver des places dans un train. Réserver une table dans un restaurant. retenir.
5(Abstrait) Destiner (qqch. à qqn). Le sort qui nous est réservé. aussi prédestiner. « Mais les dieux [...] nous réservaient à d'autres dangers » (Fénelon). Il lui était réservé de mourir jeune.
(Sujet chose) Être destiné à procurer, à donner; faire que (qqch.) arrive à qqn. « Cette soirée, où j'avais quinze ans, me réservait des surprises infinies » (F. Mauriac). « Ce pays, par endroits, me réservait donc la surprise de ressembler au mien » (Loti). Les peines que la loi réserve aux criminels. (Emploi critiqué) Réserver un bon accueil à qqn. 1. ménager.
6Laisser en blanc, intactes (certaines parties d'une œuvre graphique). réserve (IV, 4o). Réserver les lumières dans une aquarelle.
7 ♦ SE RÉSERVER v. pron. (réfl.) Ne pas s'engager, afin de rester disponible (pour autre chose). Je n'ai pas accepté ces offres, je préfère me réserver pour une meilleure occasion. attendre. Vieilli Rester vierge. Elle se réserve pour son époux. Ne pas employer toutes ses forces dès le début d'une compétition sportive.
Spécialt Ne pas manger ou manger peu pour garder de l'appétit (pour un plat, un repas). On voulait « se réserver pour le dîner, qui fut commandé magnifique » (Maupassant).
⊗ CONTR. Dépenser.

réserver verbe transitif (latin reservare) Accorder quelque chose à quelqu'un, le lui destiner de façon exclusive ou particulière : Réserver ses éloges à ceux qui en sont dignes. Faire la réservation de quelque chose : Réserver ses places d'avion. Affecter spécialement quelque chose à telle destination : On réserve ce local aux réunions. Garder quelque chose en vue d'un usage particulier, précis, mieux adapté : Il réserve ses révélations pour plus tard. Prévoir, dans un contrat, une disposition pour l'avenir : L'Administration réserve le droit des tiers. Être la cause, la raison par laquelle telle chose advient à quelqu'un : Cette affaire a réservé plus d'une surprise.réserver (expressions) verbe transitif (latin reservare) Ménager une réserve, une zone non travaillée d'un dessin, d'une gravure, etc. Réserver l'avenir, conserver sa liberté d'action pour plus tard. Réserver tel accueil à quelqu'un, l'accueillir, le recevoir d'une certaine manière. Réserver son opinion, sa réponse, s'abstenir, dans l'immédiat, de faire savoir ce qu'on pense de quelque chose. Réserver son pronostic, en parlant d'un médecin, ne pas vouloir se prononcer sur l'évolution d'une maladie, ce qui sous-entend souvent la possibilité d'une issue mortelle. ● réserver (synonymes) verbe transitif (latin reservare) Accorder quelque chose à quelqu'un, le lui destiner de façon exclusive...
Synonymes :
- destiner
- garder
- laisser
Faire la réservation de quelque chose
Synonymes :
- louer
Affecter spécialement quelque chose à telle destination
Synonymes :
- attribuer
Garder quelque chose en vue d'un usage particulier, précis, mieux adapté
Synonymes :
- conserver
- économiser
- épargner
- mettre de côté
Prévoir, dans un contrat, une disposition pour l'avenir
Synonymes :
- prévoir
Être la cause, la raison par laquelle telle chose advient...
Synonymes :
- ménager
Ménager une réserve
Synonymes :
- épargner

réserver
v.
rI./r v. tr.
d1./d Mettre (qqch) de côté dans l'attente d'une meilleure occasion pour l'utiliser, ou à l'intention de qqn. Nous vous avons réservé votre part. Réserver son jugement, le suspendre jusqu'à plus ample informé.
d2./d Retenir à l'avance (une place, une chambre, etc.).
d3./d Destiner (qqch) à une personne en particulier, à l'exclusion de toute autre. Je vous ai réservé cette tâche.
d4./d Destiner. Ce voyage me réservait bien des déceptions.
rII./r v. Pron.
d1./d Mettre de côté pour soi. Se réserver les meilleurs morceaux.
d2./d Se réserver (+ inf.): attendre le moment opportun pour (faire qqch). Je me réserve d'intervenir ultérieurement.

⇒RÉSERVER, verbe trans.
A. — Qqn réserve qqc. (à qqn), qqn se réserve qqc.
1. DR. Qqn (se) réserve un droit. Mettre de côté dans un contrat une clause à faire valoir ultérieurement. La remise ou décharge conventionnelle au profit de l'un des codébiteurs solidaires, libère tous les autres, à moins que le créancier n'ait expressément réservé ses droits contre ces derniers (Code civil, 1804, art. 1285, p. 231). Part. passé en empl. adj. Tous droits réservés. Toute prétention réservée. Tous dépens réservés (Ac. 1835-1935). Biens réservés. Partie d'une succession qui revient de droit aux héritiers légitimes. (Dict. XIXe et XXe s.).
Empl. pronom. réfl. indir. S'attribuer à l'avance quelque chose par une clause; mettre de côté pour soi un droit. La France n'a pas respecté le droit qu'elle s'était réservé par ce traité! (DUMAS père, Fille du régent, 1846, III, 4, p. 215). Je me réserve le droit de traduction. Si on voulait me l'acheter également, le prix total serait 300 000 francs (HUGO, Corresp., 1861, p. 359). Qqn se réserve (le droit) de + inf. Conserver le droit de. L'administrateur (...) se réserve le droit de dissoudre la Commission (BARRÈS, Cahiers, t. 12, 1919, p. 140).
2. P. ext. Destiner quelque chose à l'usage exclusif ou particulier de quelqu'un.
a) Réserver (qqc.) à qqn. Réserver à l'aristocratie, à la famille, aux dames, aux étrangers, aux officiels; réserver un banc, une place, une salle à; réserver un accueil cordial, chaleureux, froid à qqn. Le président, qui était son ami, lui réservait certaines besognes aisées et brillantes, pour le mettre en vue (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 94). [Des chefs social-démocrates] tourneraient aussitôt contre leur gouvernement la violence des attaques qu'ils avaient jusqu'alors réservées au gouvernement de Vienne (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p. 440).
Loc. Réserver pour qqn. Réservez vos foudroyants anathèmes pour ces hommes vils, monsieur, et tous les gens de cœur applaudiront aux coups de fouet de votre Némésis vengeresse (BALZAC, Corresp., 1831, p. 519).
b) Au passif
Qqc. est réservé à qqn. D'un côté étaient les fauteuils réservés aux dames, derrière le trône du roi et de la reine; de l'autre étaient les chaises destinées au sexe laid (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 288). Ce restaurant qui doit s'ouvrir en octobre sera réservé aux étudiants et à quelques personnes du dehors. La formule en est toute nouvelle. On se sert soi-même (GREEN, Moïra, 1950, p. 70).
Part. passé en empl. adj. Place réservée aux invalides, aux mutilés, aux vieillards; domaine réservé (à). C'était une vaste demeure avec l'aile réservée aux femmes et le jardin secret où chantait le jet d'eau (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 518).
DR. CANON. Cas réservés. Péchés qui, en raison de leur gravité, ne peuvent être absous que par le pape ou un évêque. Le Grand-Pénitencier va dans une des basiliques de Rome, pour y entendre la confession des cas réservés (STENDHAL, Rome, Naples et Flor., t. 2, 1817, pp. 372-373).
Chasse, pêche réservée. Chasse, pêche dont la pratique sur un domaine est soumise à autorisation. Partout, partout, des poteaux avec l'inscription: « Chasse réservée » (RENARD, Journal, 1895, p. 298).
Quartier réservé. Quartier où sont situées les maisons de prostitution dans certaines villes. Car ne crois pas, quand tu te saisis de la bien-aimée au soir des noces qu'il soit [l'amour] d'abord pour toi simple conquête d'un corps, duquel tu eusses pu hériter dans le quartier réservé de la ville où sont des filles semblables d'apparence (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 745).
Qqc. est réservé à qqc. Être attribué particulièrement à un usage. Françoise était d'un temps où « dépens » n'était pas réservé au style judiciaire et signifiait seulement dépense (PROUST, Guermantes 1, 1920, p. 26).
c) Empl. pronom. réfl. indir. Qqn se réserve qqc. Garder pour soi quelque chose à son usage exclusif ou comme prérogative. La température était délicieuse. L... s'était réservé à l'ombre d'ormes séculaires un lieu de repos où nous nous installâmes en attendant de nous mettre à table (BILLY, Introïbo, 1939, p. 8).
Qqn se réserve de/à (vx) + inf. Conserver pour l'avenir la possibilité de (faire quelque chose). Synon. se proposer de. Je me réserve à parler quand j'aurai entendu vos raisons (Ac. 1798-1878). Sois tranquille! je suis muet; mais je me réserve de te gronder plus tard (BAYARD, Mari camp., 1844, II, 7, p. 473).
B. — Qqn réserve qqc. (à/pour qqn), qqn réserve qqc. (à/pour qqc.)
1. Qqn réserve qqc. (à/pour qqn). Retenir quelque chose à l'avance pour quelqu'un.
a) [Le suj. désigne la pers. qui effectue la réservation] Tenir en réserve; retenir quelque chose pour quelqu'un de telle sorte qu'il puisse en disposer. Labordette descendait d'une calèche où Gaga, Clarisse et Blanche de Sivry lui avaient réservé une place (ZOLA, Nana, 1880, p. 1379). Élisabeth lui réserva un petit appartement, au-dessus du sien (COCTEAU, Enfants, 1929, p. 123).
b) [Le suj. désigne la pers. qui fait faire la réservation] Louer ou faire retenir pour quelqu'un, quelque chose. Réserver une place dans un avion, un train, au restaurant, au théâtre. (Dict. XXe s.).
Part. passé en empl. adj. Il y avait (...) les billets de concerts (...) les cartes de toutes couleurs, « estrade, premières, places réservées » (A. DAUDET, Nabab, 1877, p. 141).
Loc. Réserver un sort, une surprise à qqn. Lui destiner dans un avenir plus ou moins proche un sort ou une surprise. Il s'en va à Orsenna pour quelques jours. À son retour, je lui réserve une surprise (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 139).
2. Qqn réserve qqc. (à/pour qqc.)
a) Mettre de côté quelque chose pour plus tard en vue d'une utilisation précise. Réserver de l'argent, ses forces; réserver pour les grandes circonstances, pour les imprévus; réserver un sujet pour. Ma grand'mère Rondeaux, de même, avait réservé pour la fin le meilleur de ce qu'elle avait à dire, les suprêmes instructions et recommandations qu'elle souhaitait faire à ses enfants (GIDE, Journal, 1927, p. 854):
Comme le besoin était pressant, je pris l'avis de ma femme, et, de son consentement, je m'empressai d'envoyer à M. de La Rivière une somme de deux cents francs que j'avais disponible et que je réservais pour m'acheter une montre...
HUGO, Corresp., 1825, p. 425.
♦ [P. méton.] Si (...) je réservais Mérimée pour plus tard, il faudrait liquider les notes courtes et les flanquer elles aussi de grandes études nouvelles (DU BOS, Journal, 1923, p. 261).
b) [Sans compl. second, mais souvent avec compl. indiquant le motif de la réserve]
Vx. Mettre à part, conserver. (Ds ROB.).
Locutions
Réserver l'avenir. Faire en sorte de garder toute latitude, toutes ses chances dans l'avenir. Ce même désir de trouver un mode nouveau d'expression m'incline à réserver l'avenir pour ce qui touche au cinéma (MAURIAC, Journal 3, 1940, p. 258).
Réserver son avis, son jugement, son opinion. S'abstenir de donner son avis. Je vous trouve extrêmement optimiste, Courtel. Pour moi, je réserve mon opinion jusqu'à plus ample informé (ARNOUX, Crimes innoc., 1952, p. 274).
C. — Qqn réserve qqn à/pour qqc., qqc. réserve qqc. à qqn
1. Qqn réserve qqn à/pour qqc.
a) Destiner quelqu'un à une fonction, un rôle. Réserver qqn à de hautes fonctions, pour une mission.
Empl. passif. J'étais réservé à autre chose (NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 85).
b) Avoir quelqu'un à sa disposition pour. Elle voulait avoir, à une heure du matin, une explication avec lui, et elle voulait me réserver pour, après cette explication, une conversation sur des choses que nous avons traitées cent fois (CONSTANT, Journaux, 1804, p. 103).
2. Qqc. réserve qqc. (à qqn). Être destiné à faire survenir. Qui sait ce que réservait l'avenir? (VERNE, Île myst., 1874, p. 549). Ce sont les chiens sanitaires. Oh la prochaine guerre nous réserve des surprises! Les chiens qui vont soigner des hommes... Voilà qui est beau, qui mérite d'être médité (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 491).
Empl. passif. Je suis réservé à l'isolement et à une vie fragmentée de toutes manières (BARB. D'AUREV., Mémor. 1, 1837, p. 182).
3. Empl. impers. Il était réservé à qqn/qqc. de + inf. Il appartient à (quelqu'un, quelque chose) de. Il était réservé à notre époque d'acquérir de cette vérité une démonstration aussi merveilleuse qu'inattendue (LACORD., Conf. N.-D., 1848, p. 148). Il était réservé à un Bonaparte d'aller étouffer une république naissante par une intervention dont la France libre ne se fût jamais rendue coupable (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p. 89).
D. — Qqn réserve qqc., qqn se réserve. Garder intact.
1. Préserver quelque chose. Réserver son intimité; réserver l'avenir. Tu peux réserver tes ambitions pour ton fils aîné, qui sera trois fois plus riche que tu ne l'es (BALZAC, Béatrix, 1839, p. 117). Pas de susceptibilité ni d'ironie, Frie. Réserve-les pour une autre heure (ARNOUX, Roi, 1956, p. 66).
2. En partic. Garder intact (son appétit) pour. Mangez de cette hure froide de sanglier, mais réservez votre appétit, on vous a fait un petit chapelet de grives qui sont ici, pourrait-on dire, notre gibier national (GIONO, Angelo, 1958, p. 213).
3. Empl. pronom. réfl. dir.
a) S'abstenir de; rester sur la réserve.
Absol. Quoique à l'âge où l'on se livre aisément, Vauvenargues ne disait pas tout sur lui-même; il se réservait (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 14, 1857, p. 18). Barrès, malgré l'apparence absolument contraire, se livre beaucoup plus que ne faisait Coppée. Celui-ci, comme tout poète, se réservait, donnait beaucoup le change (JAMMES, Mém., 1922, p. 219).
b) Conserver des possibilités, des arguments pour les utiliser au moment propice. Je travaille beaucoup, mais je ne prendrai pas votre question cette année. On me dit que la Chambre n'aime pas qu'on parle souvent en commençant; je me réserve pour cinq ou six grandes occasions, auxquelles je suis préparé (LAMART., Corresp., 1834, p. 13).
4. Au passif, loc. verb., vieilli. Être réservé à + inf. Montrer de la réticence à faire quelque chose; faire preuve de circonspection. On ne saurait être trop réservé à parler de soi, à critiquer les autres (Ac.).
5. ARTS GRAPH., BEAUX-ARTS. Laisser un blanc; épargner le fond d'une peinture ou d'une gravure. Avant lui, le peintre en émail n'avait pas de blanc susceptible de se mêler aux autres couleurs (...) il était donc contraint d'épargner le blanc du fond, de le réserver, comme on dit (Ch. BLANC, Gramm. arts dessin, 1876, p. 589).
Prononc. et Orth.:[], (il) réserve [-]. Ac. 1694-1740: reserver; dep. 1762: ré-. Étymol. et Hist. 1. a) Fin XIIe s. « destiner, attribuer à quelqu'un » (Sermons St Bernard, éd. W. Foerster, p. 120, l. 14); 1533 [date éd. Tesoro] spéc. réserver à soi (BRUNET LATIN, Trésor, éd. P. Chabaille, p. 72, additif selon divers mss et éd. 1533); 1553 se réserver « garder pour soi » (Bible Gérard, Rom XIa4 [et non 2a4 d'apr. FEW t. 10, p. 295a]); b) 1651 part. passé adj. réservé (CORNEILLE, Nicomède, I, 2); c) 1738 être réservé (à qqn) « être le lot, le sort, le destin de, ce que quelqu'un fera » (ROLLIN, Hist. anc., t. 5, p. 816); d) 1788 réserver (à qqn) « préparer (pour l'avenir de quelqu'un), mettre dans la destinée (de quelqu'un) » (LOAISEL DE TREOGATE, Passions, t. 1, p. 198); 2. a) 1337 « soumettre à un régime spécial ou à une restriction, restreindre (p. ex. un droit ou un pouvoir) en attribuant spécialement à quelqu'un ou à soi-même » (Doc. ds Livre Roisin, éd. Brun Lavainne, p. 352); b) 1349 réservé que « excepté que » (ibid., p. 167); c) fin XIVe s. réservé se hauteur et sen honneur « sa grandeur et son honneur étant saufs » (FROISSART, Chron., éd. S. Luce et G. Raynaud, t. 9, p. 223); 1409 réservé « à l'exception de » (Trésor des Chartes de Rethel, II, 621, 30 ds RUNK., p. 158); d) fin XIVe s. reserver l'iretage (FROISSART, op. cit., t. 10, p. 173); ca 1485 biens [...] réservez « biens dont un testataire ne pourrait disposer à sa guise » (Mistère Viel Testament, 1855, éd. J. de Rothschild, t. 3, p. 45); e) 1612 cas réservés « péchés dont l'absolution ne peut être donnée que par certaines autorités ecclésiastiques ou un prêtre ayant reçu un pouvoir spécial » (REGNIER, Satyre XIII, 25, Œuvres compl., éd. G. Raibaud, p. 172); 1718 id. « chose dont on fait mystère » (LEROUX, p. 451); f) 1833 « retenir à l'avance, faire que quelqu'un ou soi-même disposera de, faire garder, faire attribuer » (BALZAC, Corresp., p. 359); 1839 places réservées (SAND, Lélia, p. 448); 3. fin XIVe s. « garder à part, ne pas laisser voir ou connaître » (FROISSART, op. cit., t. 6, p. 83); 4. ca 1485 « mettre à part pour préserver, sauver » (Mistère Viel Testament, 46824 et 46834, éd. J. de Rothschild, t. 6, p. 113); 5. a) 1558 se réserver à « se garder pour plus tard la possibilité de, attendre pour (faire quelque chose) » (BONAVENTURE DES PÉRIERS, Nouvelles récréations et joyeux devis, éd. Krystyna Kasprzyk, p. 17); b) av. 1660 se réserver de « id. » (PATRU, 3e Plaidoyer, p. 32); 6. 1559 se réserver à « se garder, se préserver en vue de » (AMYOT, Hommes illustres, Fabius Maximus, éd. L. Clément, p. 92); 1671 (POMEY: Je me suis réservé pour d'autres temps); 7. a) 1559 réservé « qui se contient, discret » (ID., ibid., Péricles, p. 13); b) 1665 empl. subst. faire le réservé (LA FONTAINE, Contes, I, II, 96, Œuvres, Gds écrivains de la France, t. 4, p. 71); 8. 1579 « garder (quelqu'un ou quelque chose) en vue d'un état, d'une fonction ou d'un usage déterminé » (GARNIER, La Troade, 2657, Tragédies, éd. W. Foerster, t. 2, p. 168 ds IGLF). Empr. au lat. reservare « mettre de côté, garder en vue de quelque chose, conserver, sauver ». Fréq. abs. littér.:1 758. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 2 236, b) 1 944; XXe s.: a) 2 416, b) 3 067.
DÉR. Réservement, subst. masc., hapax. On ne nourrissait pas les sources et les grâces comme un réservement pour les sept vaches maigres (PÉGUY, Ève, 1913, p. 772). []. 1res attest. ca 1155 (WACE, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, p. 116), attest. isolée, 1913 (PÉGUY, loc. cit.); de réserver, suff. -(e)ment2.

réserver [ʀezɛʀve] v. tr.
ÉTYM. 1190; du lat. reservare.
1 Dr. || Réserver (qqch.) à (qqn) : mettre à part, dans un contrat, une convention, etc. (un droit qu'on ne veut pas exercer immédiatement, mais qu'on pourra invoquer et exercer plus tard).Attribuer par avance (qqch., une part à qqn). || Clause réservant au donateur la faculté de révocation (→ Donner, cit. 15).
2 Cour. Attribuer, destiner (2.) exclusivement ou spécialement (qqch. à une personne, à un groupe). || On vous a réservé ce bureau, cette place. || On réserve cet honneur au lauréat.Passif et p. p. || Les places qui sont réservées à, pour qqn. || Avoir sa place (cit. 16) réservée à l'église. || Places réservées aux mutilés, aux invalides, dans les transports publics.
1 (…) ce petit crevé de sous-préfet s'était obstiné à monter avec son chien dans une voiture de première, lorsqu'il y avait une voiture de seconde, réservée pour les chasseurs et leurs bêtes (…)
Zola, la Bête humaine, I.
2 (…) les noirs (…) attendent dehors, parfois sur des bancs, ordinairement debout, que la race supérieure se soit installée dans le bus : quatre ou huit places leur sont réservées sur la banquette du fond (…)
S. de Beauvoir, l'Amérique au jour le jour, p. 214.
Consacré, destiné particulièrement (à un usage). || Salle réservée aux réunions.
3 Réserver à, pour… : s'abstenir d'utiliser, de dépenser immédiatement (ce qu'on veut garder à sa disposition en vue d'une occasion plus favorable). Garder (III.); → Mettre en réserve (III.). || « Il est bon de réserver quelque argent pour les besoins imprévus » (Académie). Économiser, épargner.Réserver le meilleur pour la fin (→ Garder pour la bonne bouche).(Plus rarement). || Réserver à… || « Vous pouviez réserver cet avis à un autre temps » (Pascal, les Provinciales, VI).
3 Le bien n'est bien qu'en tant que l'on s'en peut défaire.
Sans cela c'est un mal. Veux-tu le réserver
Pour un âge et des temps qui n'en ont plus que faire ?
La Fontaine, Fables, X, 4.
4 Si vous avez de l'argent, n'est-ce pas ? vous n'allez pas bien sûr accepter le nôtre.
Il regardait son père fixement, ayant réservé ce coup pour la fin.
Zola, la Terre, I, II.
Vx. (Sans complément de destination). Mettre à part; conserver, sauver. aussi Excepter (cf. Corneille, Héraclius, I, 1).
5 (…) défaites-vous de vos meubles, vendez tout, ne réservez pas même vos robes, si vous en avez de voyantes : cela ne cadrerait point à mes vues.
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 606.
Par ext.Réserver l'avenir : faire en sorte de garder sa liberté d'action, de conserver pour l'avenir toutes ses possibilités (→ Ménager l'avenir).
4 (1893). Mettre à part pour qqn, mettre de côté (une marchandise, une place) pour la tenir à la disposition de qqn. || Pouvez-vous me réserver deux mètres de cette étoffe ? || Une agence réserve les places pour les voyageurs ( Réservation).
(XXe). Spécialt. Faire mettre à part (ce qu'on veut trouver disponible). || Étant donné l'affluence, il est prudent de réserver ses places dans le train. Louer. || Réserver une place d'avion. || Avez-vous pensé à réserver une table au restaurant ? Retenir.
5 (1829; abstrait). Destiner à (qqn). || Le sort qui nous est réservé. Attendre.(V. 1587). Avec un nom de personne pour complément direct. aussi Prédestiner (2.). || Mais les dieux nous réservaient à d'autres dangers (→ Jouer, cit. 51).
6 Ney (…) s'offrait à tous les coups dans cette tourmente (…) Mais en vain; il ne mourut pas (…) — Tu étais réservé à des balles françaises, infortuné !
Hugo, les Misérables, II, I, XII.
(V. 1742). || Il lui était réservé de… (suivi d'un inf.) : son destin, son lot était de… (→ Inconséquence, cit. 11). || Il lui était réservé de mourir jeune.
(Sujet n. de chose). Être destiné à procurer, à donner; faire que (une chose) arrive à qqn. Préparer (supra cit. 6); → Inavouable, cit. 2; 2. offensif, cit.Cette soirée me réservait des surprises infinies (→ Posséder, cit. 35).Les châtiments que la loi réserve aux criminels. Prévoir (2.).
7 Ce pays, par endroits, me réservait donc la surprise de ressembler au mien, de me rendre, en plein hiver, le charme de nos fins d'été (…)
Loti, l'Inde (sans les Anglais), III, I.
(Emploi critiqué). || Réserver un bon accueil à qqn. Ménager (supra cit. 17).
6 (XXe). Épargner (II., 6.) certaines parties du fond d'une aquarelle ou d'une planche gravée. Réserve (IV., C.). || Réserver les lumières dans une aquarelle.
——————
se réserver v. pron.
1 (Réfl. dir.). S'abstenir d'agir, de prendre parti, de s'engager de manière à conserver des possibilités pour plus tard. || Se réserver pour un plus grand dessein. Consacrer (se). || Je n'ai pas accepté ces offres, je préfère me réserver pour une meilleure occasion. Attendre.Absolt. || L'avenir est trop incertain pour prendre une décision, il vaut mieux se réserver.
Sports. Ne pas se livrer, ne pas employer toutes ses forces dès le début d'une compétition.
Cour. Ne pas manger, manger peu afin de garder son appétit pour un autre plat, un autre repas. || Se réserver pour le rôti.
8 On mangea peu, pour éviter l'afflux de sang à la tête quand on aurait les pieds dans l'eau. On voulait d'ailleurs se réserver pour le dîner, qui fut commandé magnifique (…)
Maupassant, Pierre et Jean, VI.
8.1 — Je me réserve pour le poulet. — Y a pas de poulet. Y a du bœuf miroton.
R. Queneau, le Dimanche de la vie, p. 133.
2 (1553; réfl. indir.). Réserver à soi-même, pour soi-même (qqch.). || Se réserver la jouissance, l'usufruit d'un bien (→ Enter, cit. 2). || Se réserver le droit, la faculté, la possibilité de…Se réserver une poire pour la soif. || Se réserver une besogne (→ Liage, cit.), la tâche de… || Se réserver une pièce dans une habitation (→ Large, cit. 2).
9 Paraître encore l'ami d'un homme dont on a cessé de l'être, c'est se réserver des moyens de lui nuire, en surprenant les honnêtes gens.
Rousseau, les Confessions, X.
10 Antoine voulut protester une dernière fois de sa gratitude. Mais Jalicourt semblait se réserver comme un monopole toute manifestation de politesse. Il coupa court, allongea le bras et tendit cavalièrement sa main grande ouverte (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 285.
(V. 1534). || Se réserver à (vx)…, de… (suivi de l'inf.) : conserver pour l'avenir le droit ou la possibilité de (faire qqch.), remettre à plus tard (→ Identité, cit. 13; intime, cit. 8).S'attribuer exclusivement le droit ou la charge de faire qqch. (→ Dictatorial, cit.; peur, cit. 37).
11 Elles gardaient de même leur demi-arpent de potager, que l'aînée se réservait d'entretenir, tandis que la cadette prenait soin des bêtes.
Zola, la Terre, II, III.
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réservé, ée p. p. adj.
ÉTYM. (1559; prép. « excepté », 1409; réservé que « sous la réserve que », v. 1290).
A (Choses).
1 Dr. Qui a été réservé, mis à part, dans un contrat.Qui a été attribué à qqn exclusivement.Cour. || Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays ( Copyright).Biens réservés. Réserve (I., 2.). || Ouvrages réservés, qui ne sont pas à mettre entre toutes les mains.
(1870). Dr. canon. || Cas réservés : péchés que seul l'évêque, le pape ou un prêtre qui a reçu des pouvoirs spéciaux peut absoudre.
2 (1651). Cour. Dont l'usage ou l'accès est réservé (à une personne déterminée, à un groupe).REM. Pour les emplois verbaux ou participiaux, voir sens 2 du transitif. Emplois adjectifs :
Chasse réservée. → Chasse gardée (1923). || Emplois réservés.Fig. || Domaine réservé (au chef de l'État).
Quartier réservé, où sont les maisons de prostitution, dans certains pays.
3 (1894). Que l'on a retenu, que l'on a fait mettre de côté. || Avoir une place réservée dans le train, une table réservée au restaurant.
12 Il montra un compartiment de première classe, où était attachée une pancarte, portant : M. l'abbé Judaine, réservé.
Zola, Lourdes, 1re journée, III.
B (Personnes). 2. Réservé.
CONTR. Libérer; garder, laisser (libre).(Du p. p.) Commun. — Libre.
DÉR. Réservoir.

Encyclopédie Universelle. 2012.