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FLEUVES
FLEUVES

Les fleuves ont toujours tenu une grande place dans la vie des hommes et leurs préoccupations. Les civilisations anciennes, désarmées devant leur puissance de destruction et ne pouvant ni expliquer ni prévoir leur comportement, les ont divinisés et implorés. L’homme moderne a entrepris de les étudier (potamologie), de comprendre les lois de leur écoulement (hydrologie fluviale), celles de leur travail (dynamique fluviale), pour mieux les dompter.

La quantité d’eau charriée par les fleuves est de 36 380 km3/an, soit, si l’on rapporte ce volume à la surface drainée des continents, une tranche écoulée de 305 mm; elle ne représente qu’une petite partie (7 p. 100) des pluies tombées à la surface du globe (520 000 km3/an, soit une tranche précipitée de 1 020 mm). Mais ces eaux courantes ont une importance capitale dans le déroulement des processus naturels et pour le développement même de la vie des êtres vivants. L’eau des fleuves exerce une érosion, sert de milieu de vie à des organismes végétaux et animaux; elle est utilisée pour l’alimentation humaine et animale, pour l’irrigation des plantes cultivées, pour la navigation intérieure, la production d’énergie, la réalisation de nombreux processus industriels.

Si la plupart des utilisateurs industriels, en particulier les producteurs d’énergie hydraulique, restituent aux fleuves, après usage et non sans avoir souvent altéré ses qualités premières (pollution), l’eau qu’ils ont empruntée, d’autres la consomment. Les prélèvements d’eau non suivis de restitution sont de l’ordre de 1 000 à 1 200 km3/an, ce qui correspond à 3 p. 100 des quantités écoulées par l’ensemble des fleuves. En dépit de l’augmentation régulière des besoins, la nature est donc à même de répondre, dans l’avenir, aux exigences des sociétés industrielles. Cependant, des pénuries déjà sensibles à l’échelle locale invitent à utiliser l’eau courante de manière prudente et rationnelle.

Géographie physique

L’eau infiltrée dans le sol leur faisant retour par l’intermédiaire des sources, les fleuves rassemblent et conduisent à l’océan l’eau précipitée qui échappe à l’évaporation.

Les facteurs de l’écoulement fluvial

Le mode d’écoulement des eaux continentales dépend donc, au premier chef, de facteurs climatiques. Le déficit d’écoulement, fraction de l’eau précipitée qui ne parvient pas aux fleuves, augmente, en valeur absolue, avec les quantités précipitées et la température, jusqu’à une valeur plafond qui correspond au pouvoir évaporant de l’atmosphère, lequel est une fonction croissante de la température. Ainsi la carte de l’écoulement moyen annuel diffère-t-elle sensiblement de celle des précipitations moyennes annuelles (fig. 1). Le déficit d’écoulement est particulièrement important dans les régions les moins arrosées, ainsi que dans les zones climatiques les plus chaudes. Dans ces dernières, toutefois, l’écoulement devient considérable dès que les précipitations excèdent la valeur du déficit plafond, laquelle est voisine de 2 000 mm pour des températures moyennes mensuelles de 30 0C. Lorsqu’une partie notable des précipitations tombe sous forme de neige, dans les montagnes de la zone tempérée ou dans les plaines boréales à hiver froid, le déficit d’écoulement se trouve fortement réduit et le débit est réglé au long de l’année par l’évolution de la température moyenne, tout autant que par le rythme saisonnier des précipitations. Dans le cas où les conditions climatiques ont amené la formation d’un glacier, en très haute montagne ou à des latitudes élevées, l’écoulement de la rivière alimentée par la fonte du glacier est déterminé par la seule évolution de la température.

De son côté, le relief joue un rôle en modifiant les facteurs climatiques: il augmente les précipitations et, en abaissant la température, provoque l’accumulation d’une fraction croissante des pluies sous forme de neige, puis de glace. De plus, il amplifie l’écoulement par suite de la baisse des températures et d’une circulation des eaux plus rapide.

La nature des terrains drainés a aussi son importance. Les terrains perméables, au moins lorsque les pentes ne sont pas trop fortes, en agissant tout comme les lacs à la manière d’une éponge, retardent la date des manifestations hydrologiques extrêmes, diminuent les écarts du débit, harmonisant ainsi le régime. Au contraire, les formations imperméables favorisent le ruissellement immédiat des eaux précipitées, engendrant des cours d’eau à régime contrasté et aux manifestations hydrologiques brutales. La présence d’une forêt sur ces terrains atténue les étiages estivaux et réduit l’écoulement hivernal, pondérant quelque peu ces régimes excessifs.

Caractères hydrologiques

Les fleuves qui naissent dans des bassins aussi variés se distinguent les uns des autres, d’abord par leur abondance moyenne, le module , exprimée en mètres cubes par seconde. Le module dépend, avant tout, de l’étendue du bassin, c’est-à-dire d’une donnée de la structure régionale. Ainsi parmi les seize fleuves du monde qui écoulent plus de 10 000 m3/s, dix sont situés dans les vastes cuvettes équatoriales et tropicales et quatre coulent à la surface des grandes plaines ou des vastes plateaux de Sibérie et du Canada. Aucun ne se rencontre en Europe, trop morcelée pour donner naissance à des organismes fluviaux aussi considérables.

L’importance variable de l’alimentation et de l’évaporation interviennent aussi dans la formation du débit : la plupart des très grands fleuves ont des modules spécifiques (débit moyen par kilomètre carré de bassin) élevés. Malgré une évaporation active, le débit spécifique des grands fleuves tropicaux est toujours supérieur à 15 l/s/km2, en raison de l’abondance des précipitations, tandis que pour les fleuves sibériens, il est de l’ordre de 6 l/s/km2, ce qui est beaucoup pour des régions à précipitations assez faibles, mais l’évaporation y est médiocre.

Le débit ne cesse de varier dans le temps, et la plupart des fleuves connaissent, durant une partie de l’année, des basses eaux, l’étiage , dont les observateurs relèvent avec soin la fréquence en raison des effets qu’elles ont sur l’utilisation des fleuves. Les étiages sont l’aboutissement d’un lent tarissement de l’alimentation des fleuves et ne peuvent donc survenir de manière brutale. Exprimés en coefficient de débit (rapport du débit mensuel d’étiage au module), les étiages se traduisent par des chiffres peu inférieurs à l’unité (de 0,6 à 0,7) dans le cas de bassins formés de roches perméables; ils peuvent encore avoisiner 0,5 lorsqu’il y a pondération par des lacs importants; ils sont, à l’opposé, de l’ordre de 0 à 0,1 pour les cours d’eau méditerranéens, de 0,04 à 0,15 pour les torrents glaciaires, et nuls pour les oueds du désert ou les fleuves entièrement pris par les glaces en hiver.

Plus que les étiages, les crues , caractérisées par une montée soudaine du niveau des eaux et le débordement dans le lit majeur du fleuve, sont des phénomènes exceptionnels que les techniciens s’efforcent de prévoir et en fonction desquels doivent être calculés et construits tous les ouvrages destinés à la protection des riverains. La plupart des crues se traduisent par le passage d’une seule intumescence et ont une origine simple: rupture d’un barrage naturel ou artificiel, pluies prolongées, fonte brutale de la neige accompagnant une pluie. Sur des fleuves à affluents multiples qui drainent un bassin étendu, ou partagé entre des régions climatiques différentes, les crues ont une origine composite. Tantôt des averses répétées mais de même origine provoquent, par suite de la disposition des affluents, des rencontres ou des successions de flux élémentaires sur le tronc principal du fleuve, tantôt des pluies répétées mais de type différent affectent l’ensemble des régions climatiques du bassin.

Types de fleuves

En définitive, le climat intervient, avant tout autre facteur, pour déterminer des types de régime hydrologique selon le mode d’alimentation prédominant et la répartition saisonnière du maximum d’écoulement (fig. 2).

Dans les régions polaires, l’alimentation des fleuves résulte de la fonte des glaces et des neiges durant le bref été de l’hémisphère, l’écoulement s’interrompant la plus grande partie de l’année. La fonte des neiges, qui s’ajoute à la reprise des précipitations au début de l’été, rend compte des hautes eaux estivales des fleuves de la zone subarctique, dont même les plus importants sont entièrement pris par les glaces en hiver.

À l’intérieur du domaine climatique tempéré, il existe des régimes hydrologiques très variés, qui peuvent être groupés en quatre sous-types: alimentation nivo-pluviale et maximum estival au nord-est des masses continentales boréales; alimentation pluvio-nivale, avec maximum d’écoulement au printemps, au centre des continents; prédominance de l’alimentation pluviale d’hiver sur les façades occidentales des continents, de l’alimentation fluviale d’été sur leur façade orientale.

La zone chaude présente une répartition des régimes hydrologiques mieux ordonnée. Tandis qu’aux latitudes subtropicales prévaut l’alimentation pluviale de saison froide, les fleuves des latitudes tropicales sont marqués par la prépondérance de l’alimentation pluviale d’été. Cette dernière engendre, en dépit d’une très forte évaporation, un accroissement considérable des débits. Dans les régions équatoriales, l’alimentation pluviale, abondante tout au long de l’année, atteint son maximum au moment de l’automne de l’hémisphère.

Dans les différentes zones climatiques, les districts montagnards donnent naissance à des régimes hydrologiques abondants et fortement marqués par l’influence de la rétention nivale et glaciaire. Ces régimes conservent longtemps des caractères propres à la traversée des piémonts et des plaines qui entourent ces montagnes.

Les fleuves et l’érosion

Le climat et le relief n’ont pas seulement pour effet de déterminer le régime de l’écoulement, ils conditionnent aussi le volume et la nature de la charge que les versants fournissent aux fleuves et que ceux-ci évacuent, le plus souvent jusqu’à la mer.

Le volume ou la masse des matériaux franchissant l’embouchure d’un fleuve au cours d’une année définissent la charge annuelle de celui-ci; la charge spécifique s’obtient en divisant la charge annuelle par le volume des eaux écoulées dans l’année. La charge annuelle rapportée à la surface du bassin-versant mesure la dégradation spécifique du bassin, c’est-à-dire le volume, ou la masse, des matériaux évacués pour un kilomètre carré de bassin-versant. La charge comprend des substances dissoutes organiques ou minérales (contenu ionique des eaux courantes), des troubles maintenus en suspension par les tourbillons qui agitent l’eau en mouvement (la turbidité spécifique s’exprime en kilogramme par mètre cube), des éléments de fond (sables, galets, blocs) que les eaux courantes traînent, roulent ou déplacent par sauts successifs (saltation).

La compétence définit l’aptitude d’un cours d’eau à transporter, en un point donné, des blocs d’une certaine taille; elle s’exprime en unité de volume des blocs les plus gros charriés en ce point. La compétence varie avec le débit et, surtout, avec la vitesse (comme la sixième puissance de celle-ci) et elle est donc très changeante dans le temps et dans l’espace. Ainsi la compétence maximale est-elle atteinte, sur chaque fleuve, pendant les crues, période au cours de laquelle les eaux courantes modifient leur lit. Pendant le reste de l’année, les eaux circulent sur un revêtement alluvial dont les éléments excèdent leur compétence et qu’elles ne déplacent pas: c’est le «pavage» qui est, parfois, celui des crues millénaires ou plurimillénaires.

Le dépôt d’une partie de la charge intervient à mesure que la compétence diminue. Ainsi, la réduction de la vitesse moyenne d’écoulement accompagnant, d’amont en aval, celle de la pente moyenne provoque un dépôt des alluvions par ordre de diamètre décroissant et un tri des matériaux. L’alluvionnement intervient fatalement au terminus de l’écoulement, dans l’océan mondial pour les fleuves exoréiques, dans une mer intérieure ou une plaine d’épandage pour les cours d’eau endoréiques, donnant naissance à des deltas émergés ou sous-marins, ainsi qu’à des plaines de niveau de base.

Avant leur dépôt, les éléments grossiers de la charge servent d’outil aux eaux courantes pour le creusement de leur lit. Le gros du travail érosif sur les roches résistantes du lit et des berges se fait par le frottement, le martellement des galets que l’eau déplace: l’eau pure ne peut éroder qu’un lit formé de matériaux meubles (appelé lit mobile). L’érosion verticale approfondit le lit que l’érosion latérale élargit, donnant naissance au chenal d’écoulement. En section transversale, ce chenal se décompose en une section toujours mouillée (ou chenal d’étiage) et un lit mineur occupé par les eaux moyennes et les hautes eaux. Au-delà des berges qui limitent ce dernier s’étend un lit d’inondation (ou lit majeur, ou plaine alluviale d’inondation), utilisé par les eaux en période de crue et recouvert par les limons de débordement, facteurs de fertilité.

Les eaux courantes dotées d’une charge grossière et disposant d’un excédent de puissance (puissance nette) arrondissent, conformément aux lois de l’hydrodynamique, les sinuosités que décrit le lit, engendrant des boucles (ou méandres) plus ou moins encaissées, qui migrent lentement vers l’aval. Elles modifient aussi, par érosion ou alluvionnement, le profil en long du cours d’eau. Les matériaux grossiers progressent sur les secteurs en pente forte qui s’abaissent par érosion et s’accumulent sur les portions en pente faible, ce qui régularise le profil en fonction de la charge du cours d’eau, le profil d’équilibre étant celui qui permet l’évacuation de la totalité de la charge fournie par les versants.

Formes traditionnelles et modernes d’utilisation

Les hommes ont, de tout temps, cherché à utiliser les fleuves pour se déplacer ou transporter leurs marchandises, pour irriguer leurs champs ou pour produire de l’énergie. Dépourvues de moyens techniques efficaces, les civilisations traditionnelles ont dû s’adapter aux particularités des fleuves qu’elles utilisaient. Le plus souvent, les fleuves indomptés représentaient, lors des crues, une menace devant laquelle les habitants des vallées devaient fuir, faute de savoir se prémunir contre elle. Avec l’acquisition des techniques industrielles, l’homme a conquis la maîtrise des eaux courantes. Luttant contre l’eau nuisible, il a endigué les cours d’eau, puis aménagé les fleuves pour l’irrigation, la navigation, la production d’électricité, le ravitaillement en eau des collectivités humaines ou les loisirs des citadins. Par cette mobilisation progressive de l’eau utile, l’homme a substitué aux interventions fragmentaires du passé un aménagement global des bassins fluviaux, faisant de la domestication de l’eau un des fondements majeurs de la politique de l’espace.

Irrigation

L’agriculture a toujours été le principal consommateur d’eau fluviale dans les régions sèches, chaque fois que la présence d’un fleuve allogène permettait le recours à l’irrigation; ainsi le Nil, dont les eaux, venues de l’Afrique équatoriale, abondantes en été, traversent le désert égyptien qu’elles fécondent. Dès la plus haute antiquité, les cultivateurs se sont ingéniés à conduire vers leurs champs les eaux montantes du fleuve qu’ils élevaient encore, au moyen de rudimentaires vis d’Archimède ou de seaux suspendus à un balancier (chadouf ).

Le plus souvent, ce sont les eaux descendues des montagnes voisines, plus arrosées et plus froides, qui sont mises à contribution. Quand la montagne est de faible altitude, les eaux tarissent vite, après la période des pluies, et les paysans pratiquent des cultures précaires dans le lit même du fleuve sur la masse des alluvions. Mais, lorsque le massif montagneux est suffisamment élevé pour se couvrir, sur ses plus hauts sommets, de neiges éternelles et de glaciers, alors les fleuves qui en descendent, dont le débit est à son maximum durant la saison chaude, se prêtent admirablement au développement des irrigations à la surface des piémonts. Le monde méditerranéen, le Moyen-Orient, l’Asie centrale et l’Asie des moussons offrent des exemples multiples de riches civilisations rurales, où l’on entretient avec beaucoup de soin les barrages et les canaux répartissant entre les champs l’eau descendue de la montagne.

Dans le monde contemporain, la pratique de l’irrigation ne cesse de se répandre: l’eau sert à lutter non seulement contre la sécheresse, mais aussi contre les effets du gel; elle est en outre utilisée pour l’épandage des engrais. Les cultivateurs des régions à pluviométrie forte mais irrégulière l’adoptent, à leur tour, pour accroître et régulariser les rendements de leurs cultures.

La technique moderne permet de créer dans les vallées montagnardes, à l’arrière de barrages hydrauliques, des réserves d’eau pouvant emmagasiner plusieurs kilomètres cubes, dont le remplissage et la vidange durent plusieurs mois. Dès lors, chaque fois que le site s’y prête, il devient possible d’utiliser pour l’irrigation l’eau de tous les fleuves bien alimentés, quel que soit leur régime d’écoulement. L’eau stockée est restituée aux cultures, au fur et à mesure des besoins, pendant la saison chaude, par l’intermédiaire d’un réseau de canaux bétonnés, ou même de conduites enterrées qui, en limitant les pertes par filtration, accroissent le coefficient d’utilisation de la retenue. Le recours systématique au refoulement des eaux par pompage permet de gagner à l’irrigation des terres nouvelles, situées au-dessus du niveau des fleuves ou des canaux.

Navigation

Il est bien rare que les travaux hydrauliques entrepris pour développer les irrigations ne contribuent pas à rendre plus navigables les fleuves qui en sont l’objet.

Toutes les régions et toutes les époques ont connu le transport de marchandises par voie d’eau, au moyen du flottage ou de la batellerie. Il exigeait une profondeur suffisante du chenal et, à la remontée du courant, le recours à un mode de halage utilisant la force des animaux ou celle de l’homme. Mais la diminution de la profondeur utile lors de l’étiage, l’augmentation de la vitesse du courant en période de hautes eaux rendaient la navigation intérieure incertaine, tandis que le cloisonnement des différents bassins hydrographiques, en imposant de coûteux portages pour le franchissement des seuils qui les séparent, limitait l’essor du trafic.

L’homme a cherché très tôt à améliorer les conditions d’exploitation de la voie d’eau. Pour ralentir le courant et augmenter la profondeur du chenal, il a contraint le fleuve à creuser son lit ou construit, en travers de son cours, des portes marinières, simples barrages pourvus d’une brèche, puis des écluses à sas qui découpent le profil en long en une série de biefs navigables. Parfois, le choix des techniciens s’est porté sur la construction d’une voie d’eau artificielle le long du fleuve, tel le canal Juliana, doublant la partie non navigable de la Meuse, ou encore le grand canal d’Alsace. Mais les canaux latéraux sont bien moins nombreux que les canaux de jonction qui, en unissant les uns aux autres différents bassins fluviaux, ont permis l’expansion du trafic des voies navigables qu’ils relient.

En raison de la lenteur des convois circulant sur les fleuves et, surtout, sur les canaux, la voie d’eau ne sert plus guère au transport des voyageurs. Parmi les pays industrialisés seuls les États de l’ex-U.R.S.S. utilisent largement ses voies fluviales pour le transport des personnes. Ailleurs, sur le Rhin ou le Danube, il ne subsiste pratiquement que des services touristiques. Par contre, la navigation fluviale convient toujours au transport lent des marchandises pondéreuses, l’énergie ainsi dépensée étant des dizaines de fois plus faible que pour la traction de charges équivalentes sur terre. Les produits le plus souvent transportés sont les matériaux de construction, les minerais, les combustibles solides, les hydrocarbures. Ainsi le trafic fluvial est-il particulièrement intense dans les régions d’industrie lourde: sur le Rhin, au débouché de la Ruhr, au long de la Volga ou de l’Ohio. Les grands travaux entrepris pour rendre navigables ces fleuves ne sont rentables que dans la mesure où la production d’énergie électrique s’ajoute aux avantages obtenus pour la navigation.

Production d’énergie

L’eau courante est susceptible de libérer une énergie que les hommes savent utiliser depuis longtemps: les Arabes élevaient l’eau d’irrigation jusqu’au niveau des canaux au moyen de norias mues par le courant des fleuves. Au Moyen Âge, on a fait un large usage de la roue à aubes, mise en mouvement par l’eau au terme d’une chute artificielle et, le long de bien des rivières d’Europe, subsistent les bâtiments de moulins, de scieries, d’ateliers qui témoignent de cette forme ancienne d’utilisation des fleuves.

Depuis le début du XXe siècle, l’énergie des eaux courantes est transformée en électricité avant d’être livrée aux utilisateurs. Recherchant les meilleures formes d’utilisation de cette énergie nouvelle, les hommes ont, d’abord, mobilisé de petites quantités d’eau sur de grandes hauteurs de chute. Ainsi, de nombreuses rivières de montagne, jadis inutiles ou dangereuses, déversent maintenant leur eau, par l’intermédiaire de conduites forcées, vers des usines hydro-électriques situées en contrebas dans les vallées. Le plus souvent, des lacs de retenue, aménagés à l’amont de contre-pentes glaciaires au niveau desquelles ont été édifiés des barrages-voûtes ou des barrages-poids en béton armé, régularisent le débit de la conduite forcée. Ces installations coûteuses, dont la construction suppose la maîtrise de techniques complexes, ont transformé les vallées de la haute montagne en régions industrielles spécialisées dans les fabrications électrochimiques ou électrométallurgiques.

Plus tard, lorsque les techniques de construction des barrages hydrauliques furent assez développées pour s’appliquer à de grands organismes fluviaux, les hommes ont aménagé de basses chutes en plaine, pour lesquelles la faible dénivellation est compensée par les très forts débits.

L’aménagement global des bassins fluviaux

La mise en service des usines de basse chute sur les grands fleuves améliore considérablement la navigation et l’irrigation, soulignant tout l’intérêt d’une conception globale de l’aménagement des bassins fluviaux. Chacune des usines hydrauliques édifiées au long du grand canal d’Alsace ou du Rhône moyen représente le même souci d’associer à la navigation l’hydro-électricité et l’irrigation. Dans les bassins fluviaux de petite dimension, l’aménagement global vise, avant tout, à freiner les crues et à permettre l’utilisation des versants.

Dans un cas comme dans l’autre, les barrages interdépendants qui sont construits visent à tirer du fleuve tous les services que celui-ci peut rendre. À une époque où le risque de pénurie d’eau devient partout inquiétant devant la croissance impétueuse de la demande, les spécialistes doivent se préoccuper de lutter contre les méfaits de la pollution des eaux par les entreprises industrielles. Les déchets rejetés dans les fleuves et provenant des cokeries, de certaines industries métallurgiques et de la plupart des usines chimiques altèrent gravement la qualité des eaux courantes. Les détergents, les films de mazout, qui ne sont pas biodégradables et empêchent le contact de l’air et de l’eau nécessaire à la vie aquatique, exercent les pires méfaits.

Il est d’autant plus nécessaire d’imposer aux utilisateurs industriels le recyclage de l’eau que les villes font de plus en plus appel à l’eau courante des fleuves pour subvenir aux besoins de la consommation domestique ou pour organiser les loisirs de leurs habitants. Le moment approche où l’eau courante, devenue rare, deviendra, au même titre que la répartition de la population par exemple, une des données de base de la politique spatiale.

Encyclopédie Universelle. 2012.