MOUVEMENT
Certes, la conceptualisation du mouvement ne date pas des débuts de la science moderne. Force est de constater, cependant, que la physique moderne est née à propos de la question du mouvement et en réaction, sur ce point précis, contre la tradition de la science antique et médiévale. L’œuvre de Galilée marque à cet égard plus qu’un renouveau: une manière de commencement. L’importance du concept de mouvement dans la constitution de la science moderne est d’ailleurs telle que, pendant longtemps, on identifiera tout simplement l’étude de la nature (la physique au sens étymologique du mot) à la science du mouvement.
Aussi convient-il, dans une étude portant sur la notion de mouvement, d’établir au préalable ce contre quoi s’est édifiée la forme post-galiléenne du concept. Il ne s’agit évidemment pas, dans un espace aussi restreint, d’effectuer une analyse de la science aristotélicienne du mouvement (et de ses prolongements médiévaux à Paris et Oxford), mais bien plutôt de dégager les traits essentiels d’un mode de conceptualisation que la science galiléenne a rendu caduc en s’y opposant.
Une fois ces jalons posés, il sera possible de décrire en quoi consiste la nouvelle conception, celle qui est encore la nôtre aujourd’hui, à des modifications de détail près. On insistera sur le rôle fondamental que joue dans ce changement le principe de relativité énoncé par Galilée – première occurrence d’un principe d’invariance dans la physique moderne. On montrera comment ce principe, en rendant pensable et possible une description du mouvement en tant que tel (indépendamment de ses causes et des objets matériels qui y sont soumis), est à l’origine de la mathématisation du mouvement . Galilée introduit, entre la géométrie (science de l’espace) et la dynamique (étude des causes du mouvement) de la tradition antique, une «nouvelle science»: la cinématique , qui se donne pour objectif l’étude du mouvement pour lui-même.
Mais la cinématique ne peut constituer à elle seule la science du mouvement, dans la mesure précisément où elle ne tient compte ni des causes qui le produisent ni de ce à quoi il s’applique. La science galiléenne laisse sans réponse la question des rapports entre la matière et le mouvement , qui, par contre, était au cœur de la théorie d’Aristote. On verra comment Newton, par l’introduction d’une dynamique fondée sur les concepts renouvelés de masse et de force, pensera avoir réglé cette question. On constatera que, comme l’ont souligné les auteurs du XIXe siècle, et notamment Mach, Newton n’est pas parvenu à remplir entièrement son programme, dans la mesure où il n’a pas su donner du mouvement de translation uniforme, dit «inertiel», une explication «matérialiste», c’est-à-dire uniquement en termes d’espace, de temps et de matière. On verra comment Einstein, avec la théorie de la relativité générale et l’idée que la structure géométrique de l’espace est déterminée par la distribution des masses qui s’y trouvent, a finalement résolu le problème du lien entre la cinématique et la dynamique.
C’est à dessein qu’il ne sera pas fait état ici de la mécanique classique (cf. voir à ce sujet l’article MÉCANIQUE). On préférera s’attacher à dégager les problèmes que pose la conception moderne du mouvement. On insistera sur le statut ontologique bien particulier dont jouit le mouvement depuis Galilée: ni chose, ni propriété des choses, le mouvement est un état . C’est du moins ce qui est apparu rétrospectivement lorsque, au début du XXe siècle, se sont fait jour les limites de la conceptualisation du mouvement opérée à l’âge classique. Dans la «mécanique quantique» qui s’est alors édifiée, le mot «mouvement» n’a plus cours et est remplacé par celui d’«état», qui, d’une certaine façon, en constitue la généralisation.
1. La conceptualisation du mouvement que ruinera Galilée
Mouvement et changement
L’idée de mouvement est d’abord apparue comme difficile à penser logiquement. Faire du mouvement une chose naturelle, en effet, c’est dire que l’être n’est pas totalement être et qu’il participe donc de son contraire, le non-être. Comme le dit Maurice Clavelin (La Philosophie naturelle de Galilée ), «un des grands mérites de la physique aristotélicienne est précisément d’avoir voulu montrer que l’on pouvait donner un sens au changement sans récuser en rien les exigences de la pensée logique». On sait que c’est par la distinction entre l’être en acte (ensemble des qualités actualisées, réalisées) et l’être en puissance (ensemble des qualités que le sujet par sa nature est capable d’acquérir) qu’Aristote introduit un certain non-être de l’être et, par là-même, résout le paradoxe logique de Parménide.
«Le mouvement, dit Aristote, est l’acte de ce qui est en puissance en tant que tel» (Physique , III). Le mouvement est donc un processus autorisant le passage de l’être en puissance à l’être en acte étant entendu qu’un être peut être à la fois en acte et en puissance; en ce sens, il est ce qui permet à l’être de se réaliser, l’existence en puissance étant, dans cette perspective, conçue comme une privation. Il convient de remarquer (en vue de ce qui sera dit plus loin de la conception post-galiléenne): premièrement, que le mouvement, en tant qu’il est processus de passage, est avant tout transitoire (plus même, il disparaît une fois l’acte accompli); deuxièmement, qu’il est caractérisé par les «termes entre lesquels il se produit, un terminus a quo et un terminus ad quem », selon l’expression de Maurice Clavelin.
On l’aura compris, le mouvement tel que nous le pensons actuellement apparaît chez Aristote comme une catégorie du changement. Aristote, en effet, se fondant sur la distinction entre matière inerte et matière vivante, établit une classification des changements. Il commence par distinguer le changement «selon la substance» (catégorie affectant le vivant, à l’intérieur de laquelle se trouvent rassemblées la génération et la corruption) du changement affectant des substances déjà existantes, inertes en particulier. Cette dernière catégorie est elle-même subdivisée en trois sous-catégories, selon que le changement affecte la qualité, la quantité ou le lieu de la substance considérée. Le changement n’affectant que le lieu de la substance, qu’Aristote appelle phora (souvent traduit par «mouvement local»), correspond grossièrement à ce qu’aujourd’hui nous désignons du nom de mouvement. Grossièrement, car cette correspondance n’est qu’approximative: la phora n’est pas indépendante des autres types de changement; en particulier, les changements selon la qualité supposent toujours un transport local.
Mouvement et repos
Il pourrait sembler, à la suite de ce qui vient d’être dit, que la phora possède une certaine autonomie par rapport aux choses qu’elle affecte. Or il n’en est rien, car Aristote établit une corrélation «naturelle» entre les «lieux» et les choses, corrélation elle-même fondée sur une certaine vision cosmologique du monde (celle-là même que Galilée devra réfuter avant d’entreprendre la constitution d’une «science nouvelle» du mouvement). Le cosmos aristotélicien est un cosmos ordonné. D’abord en ce sens qu’il est muni d’un centre et de directions privilégiées (le haut, le bas, par exemple). Puis aussi en ce sens que le mouvement local peut y revêtir, a priori, trois formes «naturelles»: autour du centre, vers le centre (c’est-à-dire vers le bas) et à partir du centre (vers le haut).
À cet ordre du cosmos répond un ordre des choses qui fait que le lourd et le léger sont des qualités absolues, plus même, des qualités motrices irréductibles dont l’existence est nécessaire pour fonder les mouvements naturels, vers le bas et vers le haut respectivement: «L’acte du léger, c’est le fait d’être en un certain lieu, à savoir en haut» (Physique , VIII, IV, 225, b 11-12). Cette structure supposée du cosmos détermine la distinction entre «mouvements naturels» et «mouvements violents»: un corps possédant la qualité d’être léger effectue un mouvement «naturel» vers le haut; ce même corps léger, s’il est mû vers le bas, subit un mouvement «violent». Une fois parvenu au terme de son ascension (naturelle) vers le haut, le corps entre dans un état de repos (naturel). Ce repos du corps léger arrivé à son terme est bien un état , car, pour un corps léger, être en haut n’a rien de transitoire; une fois en haut, il y reste; plus même, il oppose une certaine résistance à toute tentative qu’on pourrait faire en vue de le déplacer. Cette résistance ne doit pas être identifiée à la moderne inertie: il s’agit de l’emprise qu’exerce le lieu naturel d’un corps sur ce corps, alors que l’inertie de la physique classique est une résistance au changement d’état, indépendamment du lieu où se trouve le mobile.
Si, revenant maintenant à la distinction notée précédemment entre être en acte et être en puissance, on se rappelle que l’acte d’un sujet est de résider en son lieu naturel (en haut, s’il est léger, par exemple), on voit que le repos , parce qu’il est l’acte d’un être actualisé, est nécessairement d’une nature différente de celle du mouvement (ce dernier étant, rappelons-le, l’acte de ce qui est en puissance).
L’acte conjoint d’un mobile et d’un moteur
On sait (et on y reviendra plus loin) que le problème essentiel de la mécanique classique est de comprendre pourquoi un mobile qui est dans un certain état de mouvement ne garde pas cet état indéfiniment. On le voit, le problème de la physique aristotélicienne est inverse: étant donné que le mouvement, contrairement au repos, n’est pas un état mais un processus transitoire, il s’agit de rendre compte du fait qu’à chaque instant de son existence le mouvement se continue. Le mouvement est l’acte d’un être en puissance en tant qu’il est en puissance, selon Aristote. D’où la nécessité d’un moteur indispensable non seulement à sa mise en route, mais aussi à sa conservation. Le mouvement est «l’acte conjoint d’un moteur et d’un mobile». En cela, la conception aristotélicienne s’oppose radicalement à la conception post-galiléenne: d’une part, Galilée affirmera qu’il existe des mouvements sans moteur; d’autre part, le rôle obligé que joue le moteur dans la physique aristotélicienne interdit de penser le mouvement comme un état – l’idée même d’état étant corrélative de celle de conservation intrinsèquement réalisée. Notons enfin, à la suite de Maurice Clavelin, que la conception du mouvement comme acte conjoint d’un moteur et d’un mobile, outre qu’elle interdit toute description spatio-temporelle du mouvement, rend également impossible une caractérisation dynamique intrinsèque de celui-ci: les effets du mouvement sont avant tout ceux du moteur et la dynamique est tout entière réfugiée dans ce dernier. L’idée d’une «quantité de mouvement», caractéristique propre du mouvement, est impensable en physique aristotélicienne. On pourrait même dire, en forçant à peine la note, que, pour un aristotélicien, le mouvement ne peut pas être un objet d’étude mathématique. Réduire la description du mouvement à ses caractéristiques propres, exprimables en termes d’espace et de temps, reviendrait à ignorer ce qui fournit au mouvement l’essentiel de ses caractéristiques physiques: le moteur.
2. Galilée ou la naissance de la cinématique
Galilée marque une rupture dans l’histoire de la science occidentale. Certes, on peut discuter indéfiniment la question de savoir s’il s’agit d’une coupure ou d’une rupture, etc. Ce n’est pas ce qui nous intéresse ici. Nous adoptons le parti naïf de prendre Galilée au sérieux, lorsqu’il énonce (et annonce), au début de la troisième journée du Discours concernant deux sciences nouvelles , alors qu’il s’apprête à traiter du «mouvement local»: «Nous apportons sur le sujet une science absolument nouvelle...»
Une nouvelle définition du mouvement
Le caractère novateur de l’œuvre de Galilée en matière de conceptualisation du mouvement est indissociablement lié (nous y avons déjà fait allusion) au changement de perspective cosmologique opéré par les savants de la Renaissance, notamment Copernic et Kepler. Le cosmos tel que le conçoit Galilée n’est pas ordonné; c’est un cosmos uniforme dont tout «pittoresque» (selon le mot d’Erwin Panofsky) a été banni; tous les lieux y ont même valeur et même statut, a priori. De là découle que le mouvement est un état extérieur aux choses elles-mêmes, qu’il laisse pour ainsi dire invariantes, et indifférent aux «lieux» où elles se trouvent.
«Le mouvement, dit Galilée, est mouvement et opère comme mouvement, en tant qu’il est en relation avec des choses qui en sont privées.» Ainsi donc les choses peuvent être «animées» ou «privées» d’un certain mouvement, mais cela ne change rien du point de vue de leur être; seules changent leurs relations spatiales relatives. Désormais, changement et mouvement ne peuvent plus rien avoir de commun.
Mouvement et repos: le principe de relativité
Il découle de cela que le mouvement n’est plus cette médiation normale entre l’être en acte et l’être en puissance qu’il était dans la conception aristotélicienne. En conséquence, il ne diffère plus radicalement du repos. Ce dernier perd son caractère absolu; ce n’est plus un état auquel parviennent les choses lorsqu’elles ont rejoint leur lieu naturel. Le repos est une absence de modification dans les relations spatiales entre les choses. En cela, il est entièrement relatif. À y regarder de près, le repos est un mouvement qu’une modification de point de vue a annulé: «Ainsi, les marchandises dont un navire est chargé se meuvent en tant que, quittant Venise, elles passent par Corfou, par la Crète, par Chypre, et vont à Alep [...] mais, pour ce qui concerne les balles, caisses et autres colis dont le navire est rempli et chargé, et respectivement au navire lui-même, le mouvement de Venise en Syrie est comme nul et ne modifie en rien la relation qui existe entre eux, cela parce qu’il est commun à eux tous et que tous y participent» (Dialogue concernant les deux plus grands systèmes du monde , 2e journée). Étant en mouvement par rapport à Venise, les caisses sont rendues au repos par le changement de point de vue qui consiste à monter à bord du navire. «Il est donc manifeste, commente Galilée, que le mouvement qui se trouve être commun à plusieurs mobiles est oiseux et comme nul, s’agissant des relations entre ces mobiles, parce que rien ne change entre eux... ».
Ainsi se trouve affirmée l’équivalence entre deux modes de description, deux points de vue: celui de l’armateur resté à quai à Venise et celui du matelot embarqué avec les marchandises. L’un dira que les marchandises bougent, l’autre dira qu’elles sont au repos et ils auront tous les deux raison: leurs points de vue sont équivalents. En fait, cette équivalence demande à être précisée. La définition opératoire de Galilée ne prend tout son sens que si l’on explique ce qu’il faut entendre par ce mouvement qui est «comme nul». Galilée s’y emploie dans le passage suivant: «Enfermez-vous avec un ami dans la plus vaste cabine d’un grand navire et faites en sorte [...] qu’y soit disposé un grand récipient rempli d’eau dans lequel on aura mis des petits poissons [...]. Faites se déplacer le navire [...]. Pourvu que le mouvement soit uniforme [...], les poissons dans leur eau nageront sans plus d’effort vers l’une ou l’autre partie du récipient dans lequel on les aura mis [...] et on ne les verra jamais s’accumuler du côté de la cloison qui fait face à la poupe.» Autrement dit: les mouvements que ne partagent pas deux corps (tels que le mouvement des poissons dans leur bocal, que le navire ne partage pas – alors qu’il partage leur mouvement de Venise à Alep) sont les mêmes que ce qu’ils seraient si le navire était immobile. C’est en cela que le mouvement du navire est (pour les poissons) «comme nul».
C’est sur cette affirmation de l’existence de points de vue équivalents pour ce qui est de la description des mouvements (existence dont ce qui a été dit de la conception antérieure fait bien voir l’irréductible nouveauté) que repose toute la science moderne du mouvement, plus même, toute la physique. Ce principe, puisque c’est bien un principe, une «super-loi» de la nature à laquelle les autres lois sont soumises, porte le nom de principe de relativité . Il s’agit d’un principe d’invariance, invariance des lois de la nature par certains changements de points de vue – qu’il convient précisément de repérer. En ce sens, le principe de relativité est un principe d’ordre: il permet d’établir des classes d’équivalence entre phénomènes apparemment disparates, et donc de s’y retrouver dans l’imbroglio des expériences premières.
À ce stade, il convient d’ajouter une dernière précision. Galilée, qui en cela manifeste qu’il est encore tributaire de la tradition aristotélicienne, identifie le mouvement qui est «comme nul» au mouvement circulaire uniforme; ce dernier est en effet celui des astres dans le ciel; il est à ce titre le plus simple de tous et, par là-même, le plus apte à être «comme nul». Newton, comme on va le voir, rectifiera Galilée sur ce point: le mouvement qui est équivalent au repos est le mouvement de translation rectiligne uniforme .
Les mouvements qui sont «comme nuls» n’ont pas besoin de moteur
Mais, si repos et mouvement sont équivalents, si la différence entre repos et mouvement est entièrement liée au choix du «référentiel» (comme l’on dit aujourd’hui; le référentiel du bateau, dans un cas, Venise et le référentiel du monde méditerranéen, dans l’autre), alors on peut dire, renversant la proposition, que le mouvement uniforme est comme un repos, c’est-à-dire n’a pas besoin de moteur pour perdurer; il se conserve et s’entretient de lui-même. On aboutit ainsi à ce qui, chez Galilée, sert de guide à l’étude du mouvement des projectiles: la conservation du mouvement uniforme. «Il faut remarquer en outre, écrit Galilée, qu’un degré de vitesse une fois communiqué à un mobile s’imprimera de façon indélébile [souligné par nous] du seul fait de sa nature, et pourvu que soient supprimées les causes extérieures d’accélération et de ralentissement.» Cinquante ans plus tard, Newton fera de cet énoncé sa première loi, encore appelée «loi d’inertie»: «Tout corps persévère dans l’état de repos et de mouvement uniforme en ligne droite dans lequel il se trouve, à moins que quelque force n’agisse sur lui et ne le contraigne à changer d’état.» Cette idée est on ne peut plus contraire au sens commun. A-t-on jamais vu un corps auquel on ne touche pas continuer son mouvement indéfiniment? C’est bien parce que cette idée est si peu conforme à notre «entendement» que l’on a mis tant de temps à en reconnaître la force explicative. C’est sur elle que Newton a bâti toute sa dynamique.
Naissance de la cinématique ; la vitesse instantanée
La définition du mouvement comme modification des relations spatiales entre les choses et l’idée, qui en découle, selon laquelle il existe des mouvements sans moteur permettent d’étudier le mouvement pour lui-même, en soi, indépendamment de toute référence à son «moteur» (quel qu’il soit) et aux objets qu’il affecte. En d’autres termes, ce n’est qu’à partir de Galilée que ce que nous appelons aujourd’hui une cinématique devient possible et même nécessaire. Ce dernier installe au centre de la description du mouvement un moment théorique jusqu’alors inexistant, à mi-chemin entre la description géométrique et la description dynamique. Désormais mouvement et force ne sont plus des concepts homogènes. On pourrait même soutenir que le mouvement est une notion essentiellement cinématique. C’est ce que n’est pas loin de vouloir dire Wolfgang Pauli lorsqu’il écrit, dans une lettre à Bohr (12 déc. 1924), à propos précisément des limites de la notion classique de mouvement: «Nous allons devoir faire l’expérience de profondes modifications, non seulement du concept dynamique de force, mais également du concept cinématique de mouvement.»
Le concept fondamental de la description cinématique est celui de vitesse , dont il n’est pas faux de dire qu’il a été entièrement «inventé» par Galilée. Non pas, bien entendu, que le mot «vitesse» ne figure pas dans la physique prégaliléenne; mais la vitesse chez Aristote est une notion dynamique, en rapport avec les causes du mouvement, liée à son moteur. Rien de tel chez Galilée, pour qui la vitesse caractérise le mouvement à chaque instant, indépendamment des causes. Au point même que c’est la considération du mouvement uniforme, celui qui précisément est sans cause, qui permet à Galilée d’introduire le nouveau concept de vitesse: «Définition : Par mouvement régulier ou uniforme, j’entends celui où les espaces parcourus par un mobile en des temps égaux quelconques sont égaux entre eux. Avertissement : À la vieille définition (qui entend simplement par mouvement uniforme celui où en des temps égaux sont franchis des espaces égaux), il a paru bon d’ajouter le terme «quelconques» s’appliquant à tous les intervalles de temps égaux: il peut en effet advenir que, pendant des temps égaux déterminés, un mobile parcoure des espaces égaux, alors que les espaces parcourus pendant des parties plus petites et égales de ces mêmes temps ne seront pas égaux» (trad. M. Clavelin).
Il faut remarquer que cette définition et l’avertissement qui la complète découlent de façon logique de l’énoncé du principe de relativité. Pour le comprendre, revenons aux poissons dans leur bocal, embarqués à bord du navire dont le mouvement uniforme doit, aux termes du principe de relativité, être «comme nul». Si l’on adoptait pour le mouvement uniforme la «vieille définition», celle qui ignore le fait qu’à chaque instant les espaces parcourus pendant des temps égaux doivent être égaux, on pourrait très bien imaginer que la situation dans laquelle le navire va plus lentement à un certain moment puis rattrape son retard est équivalente à celle que décrit la définition du mouvement uniforme. Ce serait une erreur. Certes, les vitesses selon l’ancienne définition sont les mêmes dans les deux cas; mais le mouvement du navire dans la deuxième situation n’est pas «comme nul», car le mouvement des poissons dans leur bocal n’est pas le même que si le navire était immobile . En effet, il ne faut pas oublier qu’à chaque instant les poissons portent en eux, «imprimé de façon indélébile», le mouvement de translation du navire à cet instant. À un certain moment donc, les poissons sont «en avance» sur le navire et, par conséquent, s’accumulent sur la paroi qui est du côté de l’avant du navire; à un autre moment, c’est le contraire et les poissons se regroupent sur la partie du bocal qui est la plus proche de l’arrière du navire. Or, on l’a vu, cela ne se produit pas lorsque le mouvement est «comme nul».
La mathématisation du mouvement
La vitesse chez Galilée est donc une vitesse instantanée définie à chaque instant . Elle se distingue nettement de l’ancienne définition, qui, elle, correspond à ce qu’aujourd’hui nous appelons la vitesse moyenne. Le temps en tant qu’instant, et non plus simplement en tant que durée, vient de faire son entrée dans la théorie du mouvement. Au continuum d’espace vient s’ajouter celui de temps.
Que le temps soit le paramètre de la description du mouvement nous semble aujourd’hui aller de soi. Trois siècles de pratique de la mécanique (et donc l’habitude de considérer les «équations du mouvement» comme des équations où l’espace est la fonction et le temps la variable) nous masquent la difficulté qu’il y eut à identifier le temps, et non l’espace, comme paramètre fondamental de la description du mouvement. On mesurera toutefois l’effort conceptuel que représente cette identification au fait que Galilée lui-même hésita pendant un certain temps sur la question de savoir lequel des deux paramètres était le bon. (Notons que, pour un aristotélicien, auquel manque la notion galiléenne de relativité et pour qui le mouvement se réduit à un simple transport, la question ne se pose même pas: l’espace est à coup sûr le bon paramètre). Trois siècles de pratique de la mécanique (et donc de la considération d’équations différentielles) nous masquent également la difficulté qu’il y eut à penser le temps comme une variable continue et plus encore à faire émerger l’idée de quotient différentiel , c’est-à-dire du rapport de deux grandeurs (un intervalle d’espace et un intervalle de temps) qui toutes les deux tendent vers zéro. Cela prit d’ailleurs près d’un demi-siècle et ce n’est qu’avec Varignon que s’établit une véritable mathématisation du mouvement. Insistons-y encore une fois: c’est la «découverte» du principe de relativité qui rend possibles, et même nécessaires, ces exploits théoriques. Le principe de relativité est au fondement de la mathématisation du mouvement; l’un entraîne l’autre.
On dit souvent (à la suite de Galilée lui-même) que les nouveaux concepts de vitesse et de mouvement sont définis more geometrico . Il faut entendre par là que ces concepts sont définis comme le sont ceux de la géométrie euclidienne: sous forme d’une opération de pensée à effectuer. En ce sens, les concepts galiléens sont susceptibles, à l’instar des concepts de la géométrie, d’être «travaillés», et de produire de nouveaux concepts. Ainsi, c’est en réélaborant la définition du mouvement uniforme que Galilée produit celle du mouvement uniformément accéléré. De même, l’idée de composition des mouvements, sur laquelle Galilée fonde son analyse de la chute des projectiles lancés en l’air, est le résultat d’un travail de pensée opéré sur le concept de mouvement: rien dans l’expérience sensible ne montre la décomposition du mouvement du projectile (ce dernier ne se divise pas en deux); pour «voir» cette décomposition, il faut raisonner sur ces objets mathématiques que sont les mouvements définis par rapport à des référentiels.
3. Newton ou comment fonder une dynamique compatible avec la cinématique
Pour nécessaire qu’elle ait été historiquement, l’introduction de la cinématique n’est qu’une étape dans le développement de la conception moderne du mouvement. Une fois la «nature du mouvement» établie, restait à expliquer les phénomènes correspondants à partir de leurs causes; autrement dit, restait à édifier une dynamique sur les ruines de celle de l’École. À vrai dire, ce n’était pas là la seule possibilité qui s’offrait à la science occidentale; celle-ci s’est trouvée, après Galilée, à la croisée des chemins et la voie empruntée par Newton, qui consiste précisément à identifier les forces comme les causes des changements de mouvement, n’était pas la seule possible: on sait que Descartes s’était, quant à lui, proposé d’éliminer le concept de force de sa physique. Ironie de l’histoire: la solution qui s’est révélée être la «bonne», celle qui s’est imposée de façon contraignante, n’est pas la plus «relativiste». Comme on va le voir, la théorie de Newton marque une forme de recul par rapport au principe, pourtant fondateur, de relativité (alors que Descartes, dans Le Monde , s’est efforcé de conduire ce principe à ses conséquences ultimes). En cela, la théorie de Newton est éminemment problématique – ce qui n’ôte rien à son intérêt épistémologique, bien au contraire.
Le rôle de l’espace absolu chez Newton
Toute l’œuvre de Newton peut se définir comme l’effort d’un homme pour établir une différentiation dynamique entre l’état de repos et les mouvements (de translation uniforme) auxquels il est équivalent en vertu du principe de relativité. Tentative très peu galiléenne, que Newton avait ses raisons (métaphysiques essentiellement) d’entreprendre. De là la fameuse distinction entre mouvements vrais et mouvements apparents, que le développement ultérieur de la physique a rendu caduque, mais sans laquelle rien de la dynamique de Newton ne peut se comprendre – puisque aussi bien c’est sur elle qu’est fondée l’introduction des forces : «Quant aux termes de temps, d’espace, de lieu et de mouvement, ils sont connus de tout le monde; mais il faut remarquer que, pour n’avoir considéré ces quantités que par leurs relations à des choses sensibles, on est tombé dans plusieurs erreurs. Pour les éviter, il faut distinguer le temps, l’espace, le lieu et le mouvement en absolus et relatifs , vrais et apparents , mathématiques et vulgaires . Le mouvement absolu est la translation des corps d’un lieu absolu dans un autre lieu absolu. Le mouvement relatif est la translation des corps d’un lieu relatif en un autre lieu relatif. Les causes par lesquelles on peut distinguer le mouvement vrai du mouvement relatif sont les forces imprimées dans les corps pour leur donner le mouvement» (Principia ).
Et Newton d’ajouter, cette fois-ci en parfaite conformité avec la théorie de Galilée (et plus spécifiquement avec l’idée qu’il existe des mouvements «sans cause»): «Le mouvement vrai d’un corps ne peut être produit ni changé que par les forces imprimées à ce corps même, au lieu que son mouvement relatif peut être produit et changé sans qu’il éprouve l’action d’aucune force.» Ce qui fait dire à H. Weyl (dans Philosophy of Mathematics and Natural Science , 1949) que Newton n’a en définitive qu’à moitié rempli son programme (isoler les caractéristiques du repos vrai); en effet, s’il a réussi à établir ce qui, du point de vue dynamique, distingue les mouvements de translation uniforme des autres, en revanche, il n’est pas arrivé (et pour cause, serions-nous tentés de dire aujourd’hui) à mettre en évidence ce qui, parmi ces mouvements uniformes, singularise le repos absolu. De là vient que, dans la formulation de sa première loi, mouvement uniforme et repos figurent côte à côte, comme s’il s’agissait de deux choses différentes: «Tout corps persévère dans l’état de repos ou (souligné par nous) de mouvement uniforme...» À cette première loi vient s’ajouter, de façon toute naturelle, une deuxième loi (qui, dans l’enseignement français porte, à tort, le nom de «principe fondamental de la dynamique», abrégé en P.F.D.): «Les changements qui arrivent dans le mouvement sont proportionnels à la force motrice et se font dans la ligne droite dans laquelle cette force a été imprimée» (la force motrice ayant elle-même été définie ailleurs comme le produit de la force imprimée par le temps que dure cette «impression»).
Il est intéressant de noter que cet énoncé des lois du mouvement est immédiatement suivi par un corollaire (Corollaire no 1) qui porte sur la composition des mouvements provoqués par deux forces agissant simultanément sur un même corps. Si l’on se rappelle que, chez Galilée, c’est précisément la définition cinématique des mouvements qui permet de penser leur composition, on perçoit bien quel est le sens de l’entreprise de Newton: superposer à la description cinématique de Galilée une description dynamique qui lui soit compatible; autrement dit, annuler le décalage entre les deux descriptions du mouvement. L’entreprise est hérissée de difficultés et le résultat auquel aboutit Newton n’est pas de part en part satisfaisant, en dépit de l’incontestable puissance opératoire de sa dynamique.
Matière et mouvement: inertie et quantité de mouvement
Si l’entreprise est difficile, c’est bien parce que, pour intellectuellement contraignant et satisfaisant qu’il soit, le principe cinématique de relativité est éminemment difficile à traduire en termes de causes. Comment penser correctement, en effet, ces mouvements pour lesquels nulle force n’est requise: les mouvements de translation uniforme, que l’on désigne encore du nom de «mouvements inertiels»?
L’adjectif «inertiel» est (on l’aura compris à travers ce qui a été dit de la nouvelle conception inaugurée par Galilée) à entendre au double sens qu’a le mot inertie dans la langue commune: résistance au mouvement, d’une part, et effet par lequel un mouvement se poursuit «tout seul», d’autre part. L’introduction de l’inertie dans la description du mouvement (inertie que Newton appelle aussi vis insita , c’est-à-dire force qui réside dans la matière) procède du souci d’attribuer une cause, l’inertie justement, aux mouvements de translation uniforme lorsqu’ils sont rapportés à l’espace absolu : les forces inertielles (par exemple, les forces centrifuges que met en évidence l’expérience du seau en rotation, expérience dite «du seau de Newton») sont ce par quoi se manifeste l’emprise de l’espace absolu sur la matière dont sont constituées les choses qui s’y trouvent placées.
Cette conception de l’inertie revient à affirmer:
– que l’espace a une structure non seulement géométrique (structure définie par sa métrique), mais également physique;
– que la «cause ultime» du mouvement (celle qui subsiste en l’absence de force «imprimée») est la matière elle-même. C’est là que se marque tout particulièrement le génie de Newton; car raisonner ainsi c’est introduire dans la physique une idée radicalement nouvelle (et fort peu intuitive) de la connexion entre matière et mouvement . En ce sens, Newton achève l’œuvre de démolition de la physique aristotélicienne entreprise par Galilée. L’exposé des Principia ne laisse subsister aucune ambiguïté sur l’importance de cette découverte, dans la mesure où c’est en tête de ses définitions préalables que Newton place celle de la masse:
«Définition I : La quantité de matière se mesure par la densité et le volume pris ensemble.» Que cette définition soit circulaire ne fait guère de doute (on l’a assez reproché à son auteur); il n’en reste pas moins que Newton est, selon l’expression d’Einstein, l’«inventeur du concept de masse».
L’importance de ce concept dans le développement de la mécanique est bien connue. Ce qui nous intéresse ici, c’est que le concept de masse autorise une quantification du mouvement. En effet, cette première définition est suivie d’une seconde:
«Définition II : La quantité de mouvement est le produit de la masse par la vitesse.» En définissant ainsi la quantité de mouvement, Newton comble le fossé ouvert par l’introduction de la cinématique; désormais, il devient possible d’associer à une grandeur cinématique (la vitesse) une grandeur dynamique (la quantité de mouvement); on pourrait presque dire que Newton procède ici à une «dynamification» de la vitesse. Cette opération est évidemment cohérente avec l’introduction de la notion de force: en effet, une fois définie la quantification du mouvement, la quantification de son changement (induit par une force imprimée, aux termes de la seconde loi) va de soi: le changement de la quantité de mouvement est proportionnel à la force motrice – soit, en termes mathématiques (et avec des notations évidentes):
4. Espace, temps, matière
Comme on l’a déjà suggéré, la solution apportée par Newton au problème de la «cause» du mouvement inertiel – l’emprise de l’espace (absolu) sur les choses – n’est pas, en dépit de tous les succès qu’a connus la théorie newtonienne, celle qui convient. La raison en est que le concept d’espace absolu (tout comme celui de repos absolu) est en contradiction avec le principe de relativité galiléen. Comme l’écrit H. Weyl (op. cit. ), «la ligne de démarcation ne passe pas entre le repos et le mouvement, mais bien entre les mouvements de translation uniforme et les mouvements accélérés». L’inertie ne peut pas être pensée comme un effet de l’espace absolu sur les choses, puisque celui-ci n’est qu’une chimère. Comme l’a souvent fait remarquer Einstein (par exemple dans un texte d’introduction à la traduction anglaise du Dialogue de Galilée), l’espace absolu de Newton n’est pas satisfaisant pour deux raisons:
– il n’est investi d’aucune réalité comparable à celle dont jouit la matière;
– il détermine le comportement des objets réels, mais n’est en aucune façon affecté par ces mêmes objets. C’est là le point crucial: la solution du problème de l’équivalence dynamique des mouvements inertiels et du repos nécessite la reconnaissance préalable du fait que la structure inertielle de l’espace, parce qu’elle est réelle, implique non seulement qu’elle agisse sur les objets, mais aussi qu’elle soit agie, affectée par eux (c’est même en cela et à ce prix là qu’elle est réelle).
Ce n’est pas le lieu ici de raconter comment Einstein, cherchant à expliquer l’égalité constatée entre ce qu’on est convenu d’appeler la «masse inertielle» (définie plus haut) et la «masse gravitationnelle» (laquelle quantifie le rôle de la matière dans l’attraction que subissent deux corps – et n’a aucune raison a priori d’être égale à la masse inertielle), en est venu à la conclusion que l’espace (ou plus exactement l’espace-temps, car, dans l’intervalle, il avait été reconnu que la scène du monde est un espace non à trois dimensions, mais à quatre), loin d’être cette structure rigide et indifférente aux choses que représentait l’espace absolu de Newton, est en réalité déterminé par les masses qui s’y trouvent placées [cf. RELATIVITÉ]. La théorie de la relativité générale, élaborée à partir de cette idée, impose que la métrique, c’est-à-dire la géométrie de l’espace-temps, dépende de la répartition locale de masse. On comprend alors rétrospectivement que l’affirmation selon laquelle le mouvement qui est «comme nul» est celui de translation uniforme n’est pas rigoureusement exacte: certes, en l’absence de masse, la structure géométrique de l’espace-temps est bien celle d’un espace homogène et isotrope dont les géodésiques (lignes de plus grande pente que, selon la relativité générale, suivent les objets) sont des lignes droites. Mais, dès que l’on introduit une masse dans l’espace (et comment étudier autrement le mouvement?), les géodésiques sont déformées et ne sont plus des droites: le mouvement qui est «comme nul» n’est plus rigoureusement rectiligne uniforme.
Ainsi donc Einstein, avec sa théorie de la relativité générale, parachève-t-il l’œuvre de Newton: désormais la cinématique est dynamique de part en part; le fossé creusé par Galilée avec l’introduction de la cinématique est comblé.
mouvement [ muvmɑ̃ ] n. m.
• movement 1190; de mouvoir
I ♦ (Sens pr.) Changement de position dans l'espace en fonction du temps, par rapport à un système de référence.
A ♦ (Matière inorganique)
1 ♦ UN MOUVEMENT. Mouvement d'un corps. ⇒ course, déplacement, trajectoire, trajet. Qui peut effectuer un mouvement. ⇒ mobile; mobilité. Communiquer, imprimer, transmettre un mouvement, le mouvement. ⇒ 1. action, impulsion, lancement, motion, poussée, traction, transmission. Gêner, arrêter, interrompre, suspendre un mouvement. Point animé d'un mouvement. Mouvement rectiligne (translation); courbe, circulaire, giratoire (courbe, révolution, rotation, torsion, tour). Mouvements alternatifs, de balancier, de bascule (balancement, battement, onde, ondulation, oscillation, pulsation, trépidation, va-et-vient, vibration). Mouvements périodiques; ondulatoires (⇒ onde) ; oscillatoires; pendulaires. Mouvement sinusoïdal. Mouvements isochrones, synchrones. — Direction d'un mouvement. Mouvement en avant (⇒ progression; avance) , en arrière (⇒ récession, recul, reflux, retour, rétrogradation, rétrogression) ; mouvement ascendant, montant (⇒ ascension, élévation, montée) , descendant (⇒ baisse, chute, descente) . Mouvements divergents, convergents, rayonnants. — Force, intensité d'un mouvement. ⇒ vitesse. Mouvement uniforme; varié. — Absolt LE MOUVEMENT. Étude du mouvement. ⇒ cinématique, dynamique, mécanique. Quantité de mouvement : produit de la masse du mobile par sa vitesse.
♢ (Mouvements naturels) Sc. Mouvement apparent. Mouvement réel, propre (des astres). Mouvement d'une molécule, d'une particule. Mouvement brownien. Position et mouvement en physique atomique (⇒ incertitude) . — Mouvements de l'écorce terrestre (glissement, plissement, soulèvement). Mouvements sismiques. — Cour. ⇒ agitation, remuement. Mouvements de l'air, des feuillages agités par le vent. Mouvement de l'eau.
♢ (Mouvements artificiels) Production, transmission du mouvement. Utilisation du mouvement d'une machine (⇒ 1. travail) . Mouvement perpétuel.
♢ Cin. Mouvements d'appareil, de caméra (panoramiques, travellings et mouvements à la grue).
2 ♦ Ensemble des déplacements de véhicules. ⇒ circulation, trafic. Mouvement des navires dans un canal, des avions sur un aérodrome. Mouvements d'un port.
♢ Ch. de fer Marche des trains. Le chef du mouvement.
3 ♦ Par anal. Déplacement (des biens, des marchandises). Mouvement de capitaux (⇒ afflux, fuite; entrée, sortie) . Mouvement de caisse (portant sur l'argent liquide). Mouvement de fonds. ⇒ transfert. — Achat ou vente (d'une marchandise). Comptabiliser les mouvements d'un stock.
4 ♦ Mus. Progression des sons vers le grave ou l'aigu. Mouvement direct (les voix, les parties progressant dans le même sens), contraire (en sens inverse), oblique (une des parties est stationnaire).
B ♦ (Matière vivante)
1 ♦ UN MOUVEMENT : changement de position ou de place effectué par un organisme ou une de ses parties. Mouvements du corps ou d'une partie du corps humain. ⇒ 1. geste. Attitudes, positions, postures et mouvements. Les muscles, organes du mouvement. Mouvements simples, effectués par un membre, une partie du corps : abduction, élévation, extension, flexion, inclinaison, pronation, rotation, supination. Mouvements actifs. Mouvements passifs. ⇒ mobilisation (4o). Mouvements complexes, effectués par tout le corps : agenouillement, balancement, bond, cabriole, chute, culbute, élan, gambade, pirouette, plongeon, rétablissement, saut. Mouvements de la locomotion (course, marche, pas). Mouvements vifs, lents, aisés, maladroits. Faire un faux mouvement, mal adapté au but recherché. Mouvements de locomotion des oiseaux (vol), des poissons (nage).
♢ Spécialt (mouvements d'un exercice, d'une manœuvre) Table des mouvements, pour analyser scientifiquement les opérations d'un travail. Mouvements de gymnastique, du crawl. En deux temps, trois mouvements. Par ext. Commander le mouvement, l'exercice. — Mouvements coordonnés. Mouvements inconscients (contraction, convulsion, frémissement, frisson, spasme, sursaut, tremblement, tressaillement). Mouvement automatique (⇒ automatisme) , instinctif, réflexe (⇒ réflexe, n.) . Un mouvement de recul.
2 ♦ LE MOUVEMENT : la capacité (⇒ motilité) ou le fait (⇒ 1. action, activité) de se mouvoir. Aimer le mouvement, être sans cesse en mouvement : être actif, remuant, ne pas tenir en place. Prouver le mouvement en marchant. « Je hais le mouvement qui déplace les lignes » (Baudelaire).
♢ Loc. Se donner, prendre du mouvement. ⇒ exercice.
3 ♦ Déplacement (d'une masse d'hommes agissant, se mouvant en même temps). Mouvement d'une foule, d'un groupe d'hommes. ⇒ agitation, flot, remous. Mouvement de populations. ⇒ émigration, immigration, migration. — Par ext. Remue-ménage, tumulte. Agitation. « Tout à coup, il se fit un grand mouvement » (A. Daudet). — Par méton. ⇒ activité. Quartier où il y a beaucoup de mouvement (⇒ animé, 2. vivant) . « On demeure surpris par le mouvement [...] de cette grande ville » (Maupassant).
4 ♦ Milit. Mouvements de troupes, d'une armée. ⇒ évolution, 1. manœuvre. Surveiller les mouvements de l'ennemi. Faire mouvement vers tel point du front. Guerre de mouvement. Mouvement tournant, de repli, de retraite.
5 ♦ Admin. Déplacement de poste, de fonction. Mouvements de personnel (mutation, déplacement). Mouvement diplomatique.
C ♦ EN MOUVEMENT : qui se déplace, bouge. Corps en mouvement et corps au repos. Mettre un mécanisme en mouvement : faire marcher. — Toute la maison est en mouvement. ⇒ agitation, branle, émoi. Fig. « L'esprit n'est que la bêtise en mouvement » (Valéry).
II ♦ Par ext. Ce qui traduit le mouvement, donne l'impression du mouvement.
1 ♦ (Dans le lang.) Le mouvement de la phrase. ⇒ rapidité, rythme, vie, vivacité. Le mouvement d'un récit.
2 ♦ (Dans les arts plastiques) ⇒ vie. « Ils disent d'une figure en repos qu'elle a du mouvement, c'est-à-dire qu'elle est prête à se mouvoir » (Diderot).
3 ♦ Mus. Degré de rapidité que l'on donne à la mesure, conformément aux intentions du compositeur, au caractère de la pièce. ⇒ mesure, rythme; tempo, temps. Le mouvement d'un morceau est défini par la durée d'une note (noire, croche) battue un nombre déterminé de fois par minute (au métronome). Indication de mouvement (ex. noire = 120). Principaux mouvements : adagio, allegretto, allegro, andante, larghetto, largo, lento, moderato, prestissimo, presto, scherzando, scherzo. Jouer un morceau dans le mouvement. Loc. fig. Presser le mouvement : accélérer l'allure de ce que l'on est en train de faire, se dépêcher. Suivre le mouvement : s'adapter au rythme des autres, se conformer à leur comportement.
♢ Par ext. Partie d'une œuvre musicale devant être exécutée dans tel ou tel mouvement. Les mouvements d'une suite, d'une sonate, d'une symphonie. Le premier mouvement de ce concerto est un allegro.
4 ♦ Ligne, courbe que l'on considère comme l'effet d'un mouvement. Mouvement de terrain, du sol. ⇒ accident, courbe, vallonnement. « Une chaîne de petites montagnes, dernière ondulation des mouvements de terrain du Nivernais » (Balzac). Mouvement gracieux d'un dossier Louis XV.
III ♦ (XVIe) Mécanisme qui produit, entretient un mouvement régulier. Mouvement d'horlogerie. Mouvement à quartz. Il faut changer, réparer le mouvement.
IV ♦ Fig.
A ♦ Changement, modification.
1 ♦ Littér. Mouvements de l'âme, du cœur : les différents états de la vie psychique. ⇒ ardeur, 1. élan, émotion, impulsion, inclination, passion, sentiment. « Les mouvements de son âme étaient dirigés tantôt par les remords, tantôt par la passion » (Stendhal). — Loc. cour. Un bon mouvement, incitant à une action généreuse, désintéressée, ou simplement amicale. Allons, un bon mouvement, aidez-la ! — MOUVEMENT DE... Mouvement d'agacement, d'impatience, d'humeur. Mouvement de joie, de colère. — Loc. Le premier mouvement : la première réaction, la plus spontanée. ⇒ 1. élan, impulsion. Mon premier mouvement a été de lui téléphoner. « Méfiez-vous des premiers mouvements parce qu'ils sont bons » (attribué à Talleyrand).
♢ Au plur. Expression collective d'une opinion, d'une émotion, par le geste ou la parole. Son discours a suscité des mouvements dans l'auditoire.
2 ♦ Changement dans l'ordre social. ⇒ évolution. Le mouvement de l'histoire, de la société. Le mouvement des réformes. — Parti du mouvement (opposé à conservateur). ⇒ progrès. Loc. fam. Être dans le mouvement : suivre les idées en vogue, être au fait de l'actualité, des nouveautés (cf. Dans le vent, dans le coup).
♢ UN MOUVEMENT : action collective (spontanée ou dirigée) tendant à produire un changement d'idées, d'opinions ou d'organisation sociale. Mouvement révolutionnaire, insurrectionnel. Mouvement de grève. — Par ext. Organisation, parti qui dirige ou organise un mouvement social. Mouvement syndical. Mouvements de jeunesse. Mouvement de libération des femmes (M. L. F.). Prendre la tête du mouvement. — Tendance évolutive (en littérature, en arts); personnes qui la représentent. Mouvement littéraire, artistique, pictural. Le mouvement romantique, symboliste, dada, surréaliste.
3 ♦ Changement quantitatif. ⇒ fluctuation, variation. Mouvements de la population (⇒ démographie) . Mouvements des prix. Mouvement de hausse, de baisse, à la Bourse.
B ♦ Philos. Tout changement en fonction du temps; évolution, devenir. Une philosophie du mouvement.
⊗ CONTR. Arrêt, immobilité, inaction, repos. 1. Calme.
● Mouvement ensemble des pièces d'un appareil horaire assemblées pour en assurer le fonctionnement.
mouvement
n. m.
rI./r
d1./d Changement de place, de position d'un corps. Le mouvement des vagues, d'un bateau amarré.
|| ASTRO Mouvement diurne.
— Mouvement propre: déplacement angulaire d'une étoile par rapport à l'ensemble des étoiles voisines.
|| PHYS Quantité de mouvement: produit de la masse par la vitesse.
d2./d Déplacement d'un organisme vivant ou de l'une de ses parties; action, manière de mouvoir son corps. Mouvements de danse.
— Loc. En deux temps, trois mouvements: très rapidement.
|| Prendre, se donner du mouvement: faire de l'exercice.
d3./d évolution, déplacement d'un groupe de personnes.
d4./d Animation, passage. Il y a du mouvement dans la rue.
d5./d Fig. Série de changements, de mutations dans un corps militaire ou civil. Mouvement préfectoral.
d6./d Circulation des biens, de la monnaie. Mouvement de fonds.
|| Opération de débit ou de crédit sur un compte bancaire.
d7./d Variation en quantité. Mouvement des prix.
d8./d Ce qui évoque le mouvement. Le mouvement d'un drapé sur une statue.
|| Mouvement de terrain: accident de terrain.
|| LITTER Mouvement oratoire.
d9./d MUS Degré de vitesse ou de lenteur à donner à la mesure. (Principaux mouvements: largo, lento, adagio, andante, allegro, presto.)
|| Partie d'une oeuvre musicale qui doit être jouée dans un mouvement donné. Le premier mouvement d'une symphonie.
rII./r
d1./d Passage d'un état affectif à un autre. Un mouvement de colère. Agir de son propre mouvement, de sa propre initiative.
d2./d évolution sociale. Le mouvement des idées, des moeurs.
— être dans le mouvement: suivre la mode, le progrès.
d3./d Action collective qui tend à produire un changement dans l'ordre social. Mouvement séditieux, populaire.
d4./d Groupe humain qui s'est formé pour accomplir une action déterminée. Mouvement surréaliste, anarchiste.
— Association, groupement. Mouvements de jeunesse.
rIII/r Mécanisme produisant un mouvement régulier et servant en général à la mesure du temps. Le mouvement d'une montre. Mouvement d'horlogerie commandant un contact électrique. Mouvement perpétuel.
⇒MOUVEMENT, subst. masc.
I.— [Le mouvement considéré dans ses manifestations] Déplacement (d'un corps) par rapport à un point fixe de l'espace et à un moment déterminé.
A.— [Le mouvement est celui de corps matériels]
1. [Le mouvement est perçu dans sa généralité] Il n'y a point dans la nature de mouvement aveugle ou de turbulences; tout mouvement a un but (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersbourg, t. 2, 1821, p. 359). Tout est en mouvement dans l'Univers, ou plutôt tout est mouvement (A. FRANCE, Vie littér., 1890, p. 97) :
• 1. Sous leur influence [des contraintes cachées], un point matériel se meut suivant le principe de moindre contrainte : le mouvement effectif étant celui qui diffère le moins possible d'un mouvement rectiligne et uniforme.
Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 166.
— PHYSIQUE
♦ Mouvement absolu. Mouvement d'un corps considéré par rapport à des repères fixes. Il semble que cette impossibilité de démontrer le mouvement absolu soit une loi générale de la nature (H. POINCARÉ, Mécan. nouv., 1905, p. 77).
♦ Mouvement uniformément accéléré.
♦ Mouvement circulaire uniforme. ,,Mouvement d'un point matériel qui décrit un cercle avec une vitesse constante`` (LAITIER 1969). Les forces d'inertie sont susceptibles de communiquer à un corps d'épreuve une accélération indépendante de ce corps d'épreuve (y = w2 r dans le mouvement circulaire uniforme) (Hist. gén. sc. t. 3, vol. 2, 1964, p. 166).
♦ Mouvement perpétuel.
♦ Mouvement relatif (p. oppos. à absolu). Mouvement d'un corps considéré par rapport à des repères qui ne sont pas nécessairement fixes. On pourrait imaginer, par exemple, que c'est l'éther qui se modifie quand il se trouve en mouvement relatif par rapport au milieu matériel qui le pénètre, que, quand il est ainsi modifié, il ne transmet plus les perturbations avec la même vitesse dans tous les sens (H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p. 202).
♦ Mouvement vibratoire. Mouvement d'un corps effectué de part et d'autre de sa position d'équilibre. On voit que le calcul des phénomènes de diffraction (...) conduit à faire la somme de vibrations qui se superposent au point M. Il n'y a plus seulement ici, comme dans le cas des interférences, la superposition de deux mouvements vibratoires mais celle d'une infinité de mouvements vibratoires (PRAT, Opt., 1962, p. 80).
♦ Mouvement de translation, de rotation.
♦ Quantité de mouvement. Produit de la masse d'un corps par sa vitesse. Laplace généralise encore le théorème des quantités de mouvement, la loi des aires, le principe de la moindre action (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 1, 1961, p. 96).
SYNT. a) [Exprimant la direction du mouvement] Mouvement en arrière, en avant; mouvement ascendant, ascensionnel, centrifuge, centripète, concentrique, convergent, descendant, divergent, horizontal, oblique, rayonnant, vertical; sens d'un mouvement; diriger, orienter un mouvement. b) [Exprimant l'intensité, la rapidité du mouvement] Force, violence d'un mouvement; mouvement accéléré, intensif, lent, rapide, vif, violent; arrêter, brusquer, gêner, hâter, interrompre, suspendre un mouvement; reprise d'un mouvement; résistance au mouvement. c) [Exprimant la forme du mouvement] Mouvement circulaire, composé, direct, elliptique, giratoire, ondulatoire, oscillatoire, régulier, simple, sinusoïdal, varié. d) [Exprimant la durée et la périodicité du mouvement] Mouvement alternatif, continu, discontinu, périodique, saccadé.
2. [Le mouvement est perçu à travers des phénomènes naturels]
a) [Dans la vie courante] Mouvement de l'air, du vent; mouvement de la mer; mouvement des étoiles. [La rivière] coule toujours sans bruit, et ce mouvement éternel de l'eau qui coule est plus effrayant pour moi que les hautes vagues de l'Océan (MAUPASS., Sur l'eau, 1888, p. 86).
• 2. La mer était belle, grise, un peu houleuse, une faible brise d'ouest emportait d'un mouvement lent une caravane de nuages roulés et gris; tout promettait une belle journée.
PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 63.
— MAR. Mouvement de roulis, de tangage.
b) Dans le domaine sc.
— ASTRON. Mouvement apparent, diurne, propre, réel; mouvement des astres, des corps célestes; lois, théories du mouvement; mouvement de rotation (de la terre). Le mouvement du soleil est déduit, lui, des travaux de Newcomb (DECAUX, Mesure temps, 1959, p. 14) :
• 3. Supposons-nous dans le soleil, au centre du mouvement des planètes. Non seulement nous les verrions tourner autour de nous dans leurs périgées, c'est-à-dire quand elles sont du côté de la terre; mais encore dans leurs apogées, c'est-à-dire au-delà du soleil, parceque cet astre tourne sur lui-même en vingt-cinq jours et demi.
BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 348.
— GÉOL. Mouvement négatif, positif. ,,Déplacement relatif des terres et du niveau marin, dans le sens d'une submersion (mouvement négatif) ou d'une émersion (mouvement positif)`` (Lar. encyclop.).
— GÉOPHYS., OCÉANOGR. Mouvements des sols, des terrains; mouvements sismiques; mouvements de flux et de reflux (de l'océan); mouvements des eaux. D'ailleurs, même dans les années ordinaires, les mouvements des glaces sont déconcertants dans le Scoresby-Sund et ses dépendances (CHARCOT, Rapp. prélim. camp. « Pourquoi-Pas? », 1934, p. 23).
— PHYS. Mouvement des atomes, des électrons, d'une particule; mouvement des fluides; mouvement moléculaire. Un observateur qui ne tiendrait compte que des mouvements de la matière, c'est-à-dire des électrons (H. POINCARÉ, Valeur sc., 1905, p. 191).
3. [Le mouvement est un phénomène produit, provoqué, artificiel]
a) Déplacement régulier, contrôlé ou dirigé (d'un organe mécanique, d'un appareil, d'une machine, d'un projectile, etc.).
— BALIST. Mouvement d'une balle, d'un obus, d'une fusée, d'un projectile. Prolongez la direction du mouvement imprimé tout d'abord au boulet jusqu'à la rencontre de la muraille verticale que ce boulet vient frapper; puis mesurez la distance qui sépare le point obtenu du point situé plus bas, où la muraille a été frappée par le boulet (FLAMMARION, Astron. pop., 1880, p. 118).
— CIN. Mouvements de la caméra, du chariot; mouvement de bascule, de décentrement. Le découpage du film ne compte pas dix mouvements d'appareils et (...) la caméra se borne la plupart du temps à être plantée sans bouger devant les acteurs (A. BAZIN ds La R. du cin., t. 2, févr. 1948, n° 10, p. 39).
— TECHNOL. Production, transmission, utilisation du mouvement; mouvement de va-et-vient; mouvement rotatif; mettre en mouvement; déclencher, régler, contrôler un mouvement; mouvement d'un véhicule, d'un engin :
• 4. Le sciage des roches tendres peut se faire (...) à l'aide de plusieurs lames portées par un chassis suspendu actionné (...) par une machine transmettant le mouvement par manivelle et bielle ou simplement bielle.
J. CAHEN, BRUET, Carrières, 1926, pp. 160-161.
b) Ensemble des déplacements (de véhicules). Mouvement des bateaux dans un port, des avions sur un aérodrome, des trains dans une gare. Au sing. Activité, trafic. Mouvement d'un port, d'un aérodrome. Mouvement des marchandises. Entrées et sorties des marchandises.
— CH. DE FER. Le service du mouvement; le chef du mouvement :
• 5. ... la sécurité du mouvement des trains dépend en grande partie de l'exécution des mesures dont les gares sont chargées...
BRICKA, Cours ch. de fer, t. 2, 1894, p. 572.
— P. anal., FIN.
♦ Mouvement des capitaux : mouvement de fonds; mouvements comptables. Transfert d'espèces et spéc. ,,Opération ayant pour but d'alimenter les caisses des différents comptables du Trésor, de manière à assurer à chacun les moyens de paiement dont il a besoin`` (CAP. 1936) :
• 6. Dès ce jour, il suivit le mouvement des fonds et des affaires publiques avec des anxiétés secrètes qui le faisaient palpiter au récit des revers ou des succès qui marquèrent cette période de notre histoire.
BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 34.
♦ Mouvements créditeurs, débiteurs. Ensemble des opérations enregistrées au crédit et au débit d'un compte bancaire.
c) P. méton. Mécanisme destiné à produire, à entretenir, à transmettre un mouvement (notamment en horlogerie). Mouvement d'horlogerie. Accélération, ralentissement, réparation d'un mouvement. Je n'avais pas d'autre distraction dans votre salon jaune que de démontrer le mouvement de la pendule (A. FRANCE, Orme, 1897, p. 206).
B.— [Le mouvement affecte la matière vivante]
1. BOT. Mouvements des végétaux; mouvements de nutation; mouvements diurnes et nocturnes; mouvements liés à la fécondation; mouvements dûs à la lumière. Ils connurent la marche des astres et des planètes; le concours de leurs phases et de leurs retours avec les productions de la terre, et le mouvement de la végétation (VOLNEY, Ruines, 1791, p. 247).
2. PHYSIOL. ANIM. Mouvements du cœur, des muscles, du sang; mouvement circulatoire, respiratoire, de la locomotion. Ces ganglions sont les masses médullaires principales; et quoiqu'ils communiquent entre eux par des filets, la séparation de ces foyers ne permet pas l'exécution de l'effet général nécessaire pour constituer la sensation, mais elle ne s'oppose pas à l'excitation du mouvement musculaire (LAMARCK, Philos. zool., t. 2, 1809, p. 217).
C.— [Le mouvement anime des êtres vivants]
1. [Le mouvement concerne un individu]
a) Fait de déplacer dans l'espace son corps ou certaines parties de son corps.
) [Mouvement propre à l'homme] :
• 7. Il n'est pas de mouvement de ces yeux qui rencontre une région d'invisibilité; il n'en est point qui n'engendre des effets colorés; et par le groupe de ces mouvements qui s'enchaînent entre eux, qui se prolongent, qui s'absorbent ou se correspondent l'un l'autre, je suis comme enfermé dans ma propriété de percevoir.
VALÉRY, Variété [I], 1924, p. 141.
SYNT. Mouvement du corps, d'une partie du corps, liberté de mouvement; mouvement volontaire, brusque, cadencé, désordonné, gracieux, lent, prompt, répété, souple, vif, violent; mouvement involontaire, automatique, inconscient, instinctif, nerveux, réflexe; agilité, aisance, ampleur, grâce, légèreté, lourdeur, vivacité des mouvements; ébaucher, esquisser, exécuter, faire, réprimer des mouvements; mouvements de bras, de cou, d'épaule, de lèvres, de main, de tête; mouvement des yeux, des paupières, du menton.
Au fig. Fausse manœuvre. Il paraît que ceci va être le roman par lettres, dit-il en relevant celle-ci. L'ennemi fait un faux mouvement, moi je vais faire donner la froideur et la vertu (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 330).
— En partic. Mouvement particulier à l'exercice de certains métiers, de certaines disciplines. Mouvement régulier du semeur, du faucheur; mouvement de gymnastique, d'haltérophilie, de natation. Dans le domaine de l'arm. Mouvement du maniement des armes. Commander le mouvement. Lancer et diriger l'exercice. [Le capitaine] — Brrr! je gage que ce formidable général [Han] ne sait seulement pas armer un mousquet en quatre mouvements (HUGO, Han d'Isl., 1823. p. 355).
♦ Expr., fam. En deux temps, trois mouvements. De façon rapide et expéditive. L'Audierne (...) m'expliqua que son affaire avait été expédiée en deux temps trois mouvements, ce dont je me montrai ravi (COURTELINE, Boubouroche, Madelon, 1890, IV, p. 230).
) [Mouvement propre à l'animal] Mouvement des ailes, des nageoires; mouvement de reptation :
• 8. [Les poissons] avaient des mouvements drôles de la bouche, des élans brusques et rapides, une allure étrange de petits monstres...
MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p. 350.
b) Au sing. Le mouvement. La faculté de se mouvoir; l'usage que l'on fait de cette faculté. Activité et mouvement; aimer le mouvement; être, se mettre (sans cesse) en mouvement. Au Palais-Royal, vu Varcollier, en sortant du Conseil. Il est installé admirablement. L'occupation et le mouvement lui rendent de la santé (DELACROIX, Journal, 1853, p. 69) :
• 9. Pierre n'est plus reconnaissable, dit ma mère, son caractère est devenu inégal, bizarre. Il passe brusquement et sans cause de la joie à la tristesse. — Il a besoin de grand air et de mouvement, dit mon père.
A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 405.
— Loc. verb. Se donner, prendre du mouvement. Se dépenser en activité physique. Synon. se donner, prendre de l'exercice. Pendant des jours, pendant des nuits, on reste mouillé, et on tâche de se donner du mouvement, en attendant le soleil (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 23).
♦ Au fig., vieilli. Se donner du mouvement pour. S'employer fortement à. De ces officieux qui, comme Phrosine, marieraient la république de Venise avec le Grand Turc, s'étaient donné beaucoup de mouvement pour régler les affaires d'intérêt (MÉRIMÉE, Double mépr., 1833, p. 4).
2. [Le mouvement concerne une collectivité]
a) Déplacement en groupe de personnes ou d'animaux ayant adopté un même comportement sous l'effet de causes diverses. Mouvement de foule; mouvements de migration de certaines espèces animales :
• 10. On peut estimer que les progrès démographiques de la république de Géorgie sont largement dus à la natalité des autres nationalités; et que le poids croissant des Géorgiens dans la république est davantage l'effet de mouvements migratoires que celui d'un progrès de la natalité.
H. CARRÈRE D'ENCAUSSE, L'Empire éclaté, Paris, France Loisirs, 1979 [1978], p. 66.
— P. ext. Animation, remue-ménage, agitation :
• 11. La famille royale se dispersera dans le mois prochain, ainsi qu'une partie du corps diplomatique, et du mouvement le plus rapide nous allons passer au repos le plus complet.
CHATEAUBR., Corresp., t. 2, 1821, p. 234.
b) Animation due au va-et-vient incessant d'un grand nombre de personnes ou de véhicules en un même lieu. Mouvement de la rue, du métro, de la ville; beaucoup de mouvement. Où allons-nous dîner, mon cher? J'ai bien besoin de me dégourdir, moi, d'entendre du bruit et de voir du mouvement (MAUPASS., Fort comme la mort, 1889, p. 178).
— Domaines partic.
♦ ADMIN. Mouvement diplomatique, préfectoral; mouvements de personnels (mutations, déplacements).
♦ Dans le domaine milit. Déplacement d'unités militaires. Mouvement de troupes; observer, surveiller les mouvements de l'ennemi; mouvement tournant; mouvement de concentration, de repli, de retraite :
• 12. Le talent d'un général (...) consiste, non-seulement à bien observer les mouvements de l'ennemi, mais encore à deviner ses intentions par ses mouvements...
BALZAC, Rabouill., 1842, p. 523.
Faire mouvement, se mettre en mouvement. Le général français donna des ordres pour que son armée se mît en mouvement. Il voulait surprendre l'ennemi dès le début de la campagne, et l'étourdir par des succès éclatants et décisifs (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 347).
Guerre de mouvement (p. oppos. à guerre de position). Guerre où sont mises en action essentiellement des unités mécanisées se déplaçant rapidement.
II.— [Le mouvement saisi dans ses représentations]
A.— [Mouvement perçu] Irrégularité du relief du sol, sinuosité des lignes du paysage perçues comme l'effet d'un mouvement. Et selon les mouvements de la vallée, tour à tour visible ou fuyante, la cime du Mont-Blanc au-dessus des nuées (A. DAUDET, Tartarin Alpes, 1885, p. 222). On regarde la plaine, ses mouvements puissants et paisibles, les ombres de velours que mettent les collines sur les terres labourées, le riche tapis des cultures aux couleurs variées (BARRÈS, Colline insp., 1913, p. 245) :
• 13. ... les Russes avaient en batterie une formidable artillerie dont (...) nous ne voyions pas les ravages, parce que nous étions abrités par un coude de la rivière et par un mouvement de terrain.
MALOT, R. Kalbris, 1869, p. 46.
B.— [Mouvement conçu]
1. ARCHIT. Ce qui, dans la configuration d'un édifice, concourt à animer, à varier ses lignes dominantes. Synon. rythme. Mouvement élancé. Ses murs sont lépreux, ils gardent du moins de beaux mouvements et se renflent comme des poitrines ou des boucliers (BARRÈS, Serv. All., 1905, p. 11).
2. ARTS PLASTIQUES. Ce qui donne à une composition sa vie, son animation. Le mouvement de la statuaire antique; le mouvement d'une scène de bataille, de chasse; le mouvement d'une tempête; le mouvement des plis d'un vêtement. Le groupe de « La Danse » de Carpeaux est remarquable par son mouvement (Lar. encyclop.) :
• 14. Le mouvement des draperies, accusé en général assez correctement, et souvent très gracieux, suffirait seul à prouver des réminiscences de l'antique [sur les fresques de Saint-Savin].
MÉRIMÉE, Ét. arts Moy.-Âge, 1870, p. 164.
3. LANG. et LITT. Qualité de vivacité, d'animation, de chaleur qui soutient l'expression d'une langue écrite ou parlée. Mouvement du style, d'un récit; mouvement dramatique, oratoire :
• 15. [Chateaubriand] a été le dernier des classiques, tant l'agonie des belles périodes et des périphrases nobles se mêle chez lui aux balbutiements des audaces de la couleur et du mouvement passionné de la phrase.
ZOLA, Doc. littér., Chateaubriand, 1881, p. 30.
4. MUSIQUE
a) Degré de rapidité que l'on doit observer dans l'exécution d'un morceau de musique. Synon. tempo. Indication du mouvement; élargir, accélérer, presser, ralentir le mouvement; jouer le mouvement. La première fois que j'entendis la Gazza ladra à Louvoie, je fus scandalisé. Le chef d'orchestre (...) a changé la plupart des mouvements de Rossini (STENDHAL, Rossini, 1823, p. 40).
b) Chacun des morceaux composant certaines œuvres musicales. Les mouvements d'une sonate, d'une symphonie. Le premier mouvement [du quatuor en ré] avec ses gammes, ses enlacements, ses mouvements contrariés, rend par moments un son nouveau (GHÉON, Promenades Mozart, 1932, p. 123).
— P. anal. Les divers moments d'une action dramatique. Premier, second mouvement. Voir CLAUDEL, Jet de Pierre, 1949, p. 1298.
c) ,,Progression ascendante ou descendante d'une voix par rapport à une autre voix qui évolue simultanément`` (Lar. encyclop.). Mouvement parallèle, oblique; mouvement mélodique. Il y a, au point de vue musical, une très grande différence entre le mouvement contraire et le rétrograde. Celui-ci, le plus souvent, ne rappelle point le thème donné; celui-là, parfois, l'évoque en variant l'unité sans disparate (KOECHLIN, Écrit. fugue, 1933, p. 9).
III.— Au fig. [Le mouvement vécu comme modification ou évolution]
A.— [Mouvement comme signe de vie]
1. [Le mouvement concerne un individu] Réaction émotionnelle, affective, intellectuelle, élan d'ordre spirituel à l'origine du comportement des individus. Mouvement de l'âme, de la conscience, de l'esprit. Elle lui a mis dans la main une grosse pomme et le pousse vers la porte, en grognant. Elle ne s'expliquera jamais ce brusque mouvement de pitié, peut-être de tendresse, et lui ne se l'explique pas non plus (BERNANOS, Crime, 1935, p. 757) :
• 16. Or, le jour où elle apprend que l'homme qu'elle aimait doit épouser une autre femme, subitement, dans un féroce mouvement de dépit vaniteux, elle offre sa main à un bourgeois qu'elle n'aime pas, qu'elle a jusque-là dédaigné et à qui elle a résolu de ne point appartenir : tout cela n'est assurément ni loyal ni fier.
LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 348.
♦ Un beau, un bon mouvement. Un mouvement de générosité. Les bons mouvements ne sont rien, s'ils ne deviennent de bonnes actions (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 193).
♦ Le premier mouvement. La réaction immédiate, spontanée. Ce précepte si juste de M. de Montrond, qui commandait de se garder des premiers mouvements, parce qu'ils sont presque toujours honnêtes (MÉRIMÉE, Lettres ctesse de Montijo, t. 1, 1852, p. 350). D'un premier mouvement. D'un seul jet, sans hésitation, sans réflexion appesantie. Votre lettre est (...) toute de premier mouvement; c'est pour cela que je l'aime tant (MÉRIMÉE, Lettres à une inconnue, t. 1, 1843, p. 140).
♦ De son propre mouvement. De sa propre initiative. La croix de la Libération sera décernée, par voie de décret, par le chef des Français libres après avis du Conseil de l'ordre, soit de son propre mouvement, soit sur les propositions qui auront été faites par les hauts-commissaires (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 342).
— Emploi abs. :
• 17. On assume son corps, son passé, sa situation présente : mais l'amour est mouvement vers un autre, vers une existence séparée de la sienne, une fin, un avenir...
BEAUVOIR, Deux. sexe, t. 2, 1949, p. 274.
SYNT. Mouvement d'abattement, d'agacement, d'amour, d'attention, de bonté, de cœur, de colère, de dégoût, d'enthousiasme, de fureur, d'horreur, d'humeur, d'impatience, d'indignation, d'inquiétude, de joie, de passion, de peur, de rage, de révolte, de sensibilité, de surprise, de terreur, de vanité; mouvements intérieurs; mouvement généreux, machinal, naturel, noble, passionné, soudain, spontané, violent.
2. [Le mouvement concerne une collectivité]
a) Réaction collective, comportement de groupe. Mouvements dans l'assistance; mouvements d'indignation, de réprobation générale; mouvement de solidarité. Lévêque, le papetier d'à côté. Une bonne dame qui tient aussi un cabinet de lecture. C'est très commode, car enfin il faut suivre le mouvement littéraire (A. DAUDET, Jack, t. 2, 1876, p. 241).
♦ Mouvements divers.
b) Courant de pensée qui marque un changement des idées dans le domaine artistique, intellectuel, littéraire, etc. Mouvement d'idées, d'opinion; le mouvement romantique, dada, surréaliste. V. dada2 ex. 1 et littéraire ex. 2.
♦ (Être) dans le mouvement. (Être) au fait de l'actualité, des nouveautés. Synon. récent (être) dans le vent. Je ne vous demande pas, monsieur, si un homme dans le mouvement comme vous, a vu (...) le portrait de Machard qui fait courir tout Paris (PROUST, Swann, 1913, p. 374).
♦ Lancer le mouvement. Prendre l'initiative de.
c) Changement dans le domaine social, dans le régime politique d'une société. Le mouvement de l'histoire; le mouvement du progrès; parti du mouvement (p. oppos. au parti conservateur).
— En partic. Parti du mouvement. ,,Tendance politique qui, au début de la monarchie de Juillet, s'opposa au parti de la résistance`` (Lar. encyclop.).
d) Action collective qui vise à infléchir une situation sociale ou politique. Mouvement de grève; mouvement d'insurrection. Au Cameroun, en particulier, le mouvement d'opposition à l'armistice s'étendait à tous les milieux (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 91).
— Absol. Les mouvements. Les désordres sociaux :
• 18. [Le gouvernement britannique] redoute, probablement, que ma présence à Tripoli ou au Tchad ne provoque des mouvements en Afrique du Nord française ou des incidents avec Giraud.
DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 451.
e) Groupement, parti, organisation qui animent des actions visant au changement politique ou social. Mouvement politique, syndicaliste; mouvement de résistance, de libération; mouvement fasciste, réformateur; mouvement de libération de la femme. Tantôt la bourgeoisie révolutionnaire a sombré, entraînant avec elle le prolétariat. Tantôt la bourgeoisie révolutionnaire victorieuse a eu la force de contenir, de refouler le mouvement prolétarien (JAURÈS, Ét. soc., 1901, p. XXXI) :
• 19. ... il ne savait rien, il n'osait causer de ces choses qui le passionnaient, l'égalité de tous les hommes, l'équité qui voulait un partage entre eux des biens de la terre (...). Maintenant, il était en correspondance régulière avec Pluchart, plus instruit, très lancé dans le mouvement socialiste. Il se fit envoyer des livres, dont la lecture mal digérée acheva de l'exalter...
ZOLA, Germinal, 1885, p. 1274.
B.— [Mouvement en tant que quantité variable] Variation quantitative d'un phénomène mesurable au cours d'une période déterminée. Mouvements de la population, des prix; mouvement de hausse, de baisse; les mouvements de la Bourse :
• 20. ... il devient possible de construire les coûts comparatifs, les rapports de l'échange, les gains de l'échange, les tendances au rétablissement de l'équilibre de la balance des paiements par les mouvements des prix.
PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 277.
IV.— PHILOS. [Le mouvement défini dans son principe]
A.— [Le mouvement dans une perspective phénoménologique] Mouvement absolu, relatif. C'est bien le mouvement en lui-même que nie Zénon, le mouvement sous toutes ses formes, le mouvement des phénomènes élémentaires aussi bien que le mouvement de l'Univers pris dans son ensemble (V. BROCHARD, Ét. de philos. anc. et de philos. mod., Paris, J. Vrin, 1926, p. 16) :
• 21. On dit le plus souvent qu'un mouvement a lieu dans l'espace, et quand on déclare le mouvement homogène et divisible, c'est à l'espace parcouru que l'on pense, comme si on pouvait le confondre avec le mouvement lui-même. Or, en y réfléchissant davantage, on verra que les positions successives du mobile occupent bien en effet de l'espace, mais que l'opération par laquelle il passe d'une position à l'autre, opération qui occupe de la durée et qui n'a de réalité que pour un spectateur conscient, échappe à l'espace. Nous n'avons point affaire ici à une chose, mais à un progrès :le mouvement, en tant que passage d'un point à un autre, est une synthèse mentale, un processus psychique et par suite inétendu.
BERGSON, Évol. créatr., 1907, pp. 91-92.
B.— [Le mouvement dans une perspective ontologique] En organisant la matière, Dieu lui donne le mouvement (BOUCHER DE PERTHES, Création, t. 1, 1838-41, p. 149) :
• 22. Il n'y a donc point et il ne peut y avoir de causes physiques proprement dites, parce qu'il n'y a point et qu'il ne peut y avoir de mouvement sans un moteur primitif, et que tout moteur primitif est immatériel; partout, ce qui meut précède ce qui est mu, ce qui mène précède ce qui est mené...
J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t. 1, 1821, p. 365.
Prononc. et Orth. :[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. A. 1. a) ) Fin du XIIe s. « capacité, faculté de se mouvoir » (Sermons de Saint Bernard, éd. W. Foerster, p. 21, 22 : C'est il ki ... done ... lo movement a toz les menbres); ) ca 1200 « action ou manière de se mouvoir ou de mouvoir une partie de son corps » (Dialogues Grégoire, 138, 9 ds T.-L. : nïent de crüelteit ne mostreved en ses movemenz); b) 1676 [éd.] « marche, évolution d'une troupe, d'une armée » (BOUHOURS, Remarques nouvelles sur la langue française, p. 474); c) 1772 « ensemble de déplacements de véhicules,... » (RAYNAL, Histoire philosophique des Indes, V, p. 437 ds BRUNOT t. 6, p. 351 : mouvement des navires); d) 1796 « remue-ménage, agitation » (RESTIF DE LA BRET., Hist. de Sara, p. 116); 2. a) 1247 « tremblement de terre » (Image du monde, éd. O. H. Prior, p. 145); b) 1377 les mouvemens du ciel (NICOLE ORESME, Livre du ciel et du monde, éd. A. D. Menut, p. 284, 188); c) 1691 mus. « marche des sons du grave à l'aigu et de l'aigu au grave, entre des parties qui concertent ensemble » (OZANAM, p. 657); d) ) 1807 mouvement d'argent (DESTUTT DE TR., Comment. Esprit des lois, p. 313); ) 1832 mouvement de fonds (SAY, Écon. pol., p. 544); ) 1840 mouvement des capitaux (PROUDHON, Propriété, p. 274). B. 1574 [éd.] « mécanisme qui produit, entretient un mouvement » (SAINT-GELAIS, Œuvres poétiques, p. 177 : mouvement... d'une monstre). C. 1. a) 1639 beaux-arts (POUSSIN, Lettre du 28 avril ds LITTRÉ); b) 1831 mouvement de l'architecture (MICHELET, Journal, p. 94); 2. a) 1669 « animation, vivacité dans une composition littéraire » (LA FONTAINE, Les amours de Psyché et de Cupidon ds Œuvres, éd. H. Régnier, t. 8, p. 106 : mouvement du discours); b) 1824 mouvement de la phrase (JOUBERT, Pensées, t. 2, p. 62); 3. a) 1690 mus. « degré de rapidité de la mesure qu'il convient d'observer dans l'exécution d'un morceau de musique » (FUR.); b) 1897-1900 « partie d'une œuvre musicale, morceau » (D'INDY, Compos. mus., t. 2, p. 95); 4. 1798 « ligne courbe que l'on considère comme l'effet d'un mouvement » (Ac.). II. A. 1. a) Ca 1280 « impulsion qui pousse à agir d'une certaine façon » (Clef d'amour, 518 ds T.-L.); b) 1690 bon mouvement (FUR.); 2. a) 2e moitié du XIIIe s. « émeute, révolte » (Lég. Girart de Roussillon, 73 ds T.-L.); b) 1657 « réaction collective d'un groupe de personnes, se traduisant dans le comportement » (PASCAL, Provinciales, XVIII ds Œuvres, éd. L. Lafuma, 1963, p. 468b); 3. a) 1784 « évolution, changement dans le domaine social » (NECKER, Administration des Finances, t. 5, p. 342 ds BRUNOT t. 6, p. 107 : mouvement de la Société); b) 1881 être dans le mouvement (RIGAUD, Dict. arg. mod., p. 263); 4. a) 1790 « action collective, violente ou non qui vise à produire un changement de caractère social ou politique » (MARAT, Pamphlets, On nous endort, p. 222 : mouvement populaire); b) 1819 mouvement d'idées (MAINE DE BIRAN, Journal, p. 229); c) 1825 mouvement littéraire (HUGO, Corresp., p. 427); 5. 1835 « variation, fluctuation d'ordre numérique » (Ac. : mouvement des prix); 6. philos. a) 1647 [éd.] (DESCARTES, Principes de la philos., p. 93 : il n'y en a point d'autre que Dieu qui de sa Toute-puissance a créé la matière avec le mouvement et le repos); b) 1907 [éd.] phénoménol. (BERGSON, op. cit., p. 271). Dér. de mouvoir; suff. -(e)ment1. Fréq. abs. littér. :22 821. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 37 170, b) 23 553; XXe s. : a) 29 169, b) 35 174. Bbg. DUB. Pol. 1962, p. 348. — GOHIN 1903, p. 355. — MATORÉ (G.). Le Mouvement et la communication ds le vocab. contemp. J. de psychol. 1959, t. 56, pp. 275-302. — QUEM. DDL t. 11. — Sculpt. 1978, pp. 690-691.
mouvement [muvmɑ̃] n. m.
ÉTYM. XIVe; movement, 1190; de mouvoir.
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I (Au sens propre). Changement de position dans l'espace (⇒ Déplacement) en fonction du temps, par rapport à un système de référence.
A (En parlant d'êtres inanimés, ou d'êtres animés assimilés à des objets physiques).
1 Sc. et cour. a Un mouvement. || Mouvement d'un corps, d'un objet. ⇒ Cours, course, trajectoire, trajet. || Qui peut effectuer un mouvement. ⇒ Mobile, mobilité; ambulant, ambulatoire, amovible, mouvant. || Début (⇒ Départ, impulsion), cessation (⇒ Arrêt) d'un mouvement. — Communiquer, imprimer (cit. 13 à 19), transmettre un mouvement. ⇒ Action, impulsion, motion (vx); actionner, animer, déplacer, ébranler, émouvoir (vx); jet, jeter; lancer; poussée, pousser; tirer, traction; transmission (→ page suivante les verbes de mouvement). — Brusquer, hâter un mouvement. || Gêner, arrêter, interrompre, suspendre un mouvement. ⇒ Arrêt. || Reprise d'un mouvement. — Mouvement de deux corps en contact (⇒ Frottement, glissement). || Mouvement doux, continu; discontinu, interrompu, saccadé, violent (⇒ À-coup, cahot, choc, commotion, coup, ébranlement, saccade, saillie, saut, secousse, soubresaut). || Mouvement irrésistible. ⇒ Torrent, tourbillon, trombe (fig.). || Formes de mouvements. || Mouvement simple, composé. || Composantes d'un mouvement. || Mouvement direct, rectiligne (⇒ Translation). || Mouvement courbe, curviligne, circulaire (cit. 1), giratoire (cit. 1 et 2), rotatoire… ⇒ Circonvolution, circumduction, courbe, détour, évolution, giration, révolution, rotation, roulement, torsion, tour, tourbillon. || Mouvement autour d'un axe. || Mouvement elliptique, hélicoïdal… || Mouvement d'une boule (cit. 11) qui roule. || Mouvements alternatifs, répétés de balancier, de bascule. ⇒ Balancement (cit. 1), ballant (n. m.); ballottement, battement, branle, branlement, brimbalement, cadence, cahotement, chavirement, flottement, fluctuation, frémissement, frétillement, frisson, houle, navette, onde, ondoiement, ondulation, oscillation, pulsation, roulis, tangage, tremblement, trépidation, vacillation, va-et-vient, vague, vibration. — (Dans le langage scientifique). || Mouvements périodiques; ondulatoires (⇒ Onde); oscillatoires; pendulaires (⇒ Pendule). ⇒ Amplitude, fréquence, période, phase; interférence, etc. || Mouvement sinusoïdal. || Mouvements isochrones, synchrones… — Direction d'un mouvement (⇒ Destination, direction, orientation, sens, tendance). || Mouvement en avant (⇒ Progrès, progression; avance, pénétration); en arrière (⇒ Récession, recul, reflux, retour, rétrogradation, rétrogression…), mouvement ascendant, ascensionnel, montant (⇒ Ascension, élévation, montant [II.], montée, soulèvement), descendant, vers le bas (⇒ Affaissement, baisse, chute, décroissement, descente, inflexion…), mouvement horizontal, vertical, oblique. || Mouvements divergents, convergents (⇒ Convergence, divergence), rayonnants (⇒ Irradiation, rayonnement), centripètes, concentriques; centrifuges. || Mouvements tangents en un instant donné… || Mouvement réversible. || Changement de direction, de sens d'un mouvement. ⇒ Crochet, déviation, renversement, ricochet, tournant, virage, zigzag. || Diriger, orienter un mouvement. — Force, violence, intensité d'un mouvement. ⇒ Vitesse; célérité, rapidité, vélocité… || Mouvement vif, rapide, lent, insensible (cit. 17). || Mouvement uniforme; régulier; uniformément varié. || Mouvement accéléré, retardé, décéléré (⇒ Accélération, activation); uniformément accéléré, retardé. || Mouvement dégressif, expirant (cit. 5). ⇒ Ralentissement. || Mouvement à accélération centrale. || Mouvement d'entraînement. — Mouvement relatif : mouvement défini par rapport à un système de référence (⇒ Référentiel, repère) considéré comme mobile par rapport à un système de référence considéré comme fixe (s'oppose à mouvement absolu : mouvement défini par rapport à un système de référence considéré comme fixe). — Mouvement perpétuel : mouvement d'un mécanisme qui fournirait autant d'énergie qu'il lui en faudrait pour fonctionner (ou plus). || Le mouvement perpétuel, dont la conception même est contraire aux principes fondamentaux de la thermodynamique, est irréalisable. — (Mouvement au sens III). Un tel mécanisme. || Bricoleur naïf qui travaille sur un modèle de mouvement perpétuel.
b Absolt. || Le mouvement. || Étude du mouvement. ⇒ Mécanique; cinématique, dynamique (et ses comp.). || Qui a le mouvement pour principe. ⇒ Cinétique. || Énergie, puissance, force (cit. 63) et mouvement. || Résistance au mouvement. ⇒ Frottement. || Analyse du mouvement par la photo (⇒ Chronophotographie), le cinéma (→ aussi Image, cit. 13). || Appareil donnant l'illusion du mouvement. ⇒ Kinétoscope. — Phys. || Quantité de mouvement : produit de la masse du mobile par sa vitesse.
1 (…) le mouvement (…) n'est autre chose que l'action par laquelle un corps passe d'un lieu à un autre.
Descartes, Principes philosophiques, II, §24 (cf. aussi les §25, 26 : Qu'il n'est pas requis plus d'action pour le mouvement que pour le repos; 27 à 33).
2 (…) le mouvement d'une boule n'est que la boule changeant de place (…)
Voltaire, Dialogues, XXIV, IIe entretien.
3 On croit dire quelque chose par ces mots vagues de force universelle, de mouvement nécessaire, et l'on ne dit rien du tout. L'idée du mouvement n'est autre chose que l'idée du transport d'un lieu à un autre : il n'y a point de mouvement sans quelque direction (…)
Rousseau, Émile, IV.
4 Le savant (…) n'aura plus à se demander « d'où vient le mouvement de la nature », le jour où il posera en principe que le mouvement est un état naturel des corps au même titre que le repos, ce que signifie notre principe d'inertie.
R. Lenoble, in Encycl. Pl., Hist. de la science, p. 464.
2 (En parlant des mouvements naturels). Sc. || Mouvement des astres. ⇒ Astre (cours, course, marche des astres). || Mouvement apparent. || Mouvement réel, propre. || Mouvement des étoiles (→ Cadran, cit. 3), des corps célestes (→ Harmonie, cit. 8). || Mouvement de rotation de la terre (→ Aplatir, cit. 2). — Lois du mouvement. ⇒ Attraction, gravitation, graviter. || Concevoir le monde comme soumis à des mouvements réglés (→ Mécanique, cit. 5). — Mouvement d'expansion de l'univers.
♦ Mouvement d'une molécule, d'une particule… (⇒ Comportement). || Mouvements browniens. || Mouvement des électrons (→ Magnétique, cit. 1; matière, cit. 5). || Position et mouvement en physique atomique. ⇒ Incertitude (cit. 6). — Mouvement des fluides (⇒ Hydrodynamique).
♦ Mouvements de l'écorce terrestre. ⇒ Glissement (cit. 6), plissement, soulèvement; orogénie. || Mouvements sismiques. — Mouvement journalier de la mer. ⇒ Marée (cit. 1); flux, reflux. — Mouvement des perturbations atmosphériques, des nuages… (→ Front, cit. 36).
♦ (Dans le lang. courant). ⇒ Agitation, remuement. || Mouvements de l'air (→ Alternatif, cit. 4), des feuillages agités par le vent. || Le doux mouvement de la brise (⇒ Caresse, souffle). || Mouvements de l'eau. ⇒ 2. Courant (1.), écoulement, flot, flux; clapotis, houle, remous; couler, écouler (s'); jaillir, jaillissement, rejaillissement…
5 Elles furent bientôt distraites par le mouvement du bord de l'eau qu'elles distinguaient dans les branches des grands arbres et qui les divertissait fort.
Hugo, les Misérables, I, III, IX.
3 (Mouvements artificiels). || Production du mouvement. ⇒ Moteur, propulsion. || Qui produit son propre mouvement. ⇒ Automoteur; automate. || Transmission du mouvement (⇒ Machine, cit. 3; mécanisme, cit. 2) par des organes appropriés. ⇒ Bielle, came, communicateur, courroie, engrenage, excentrique, friction (cônes… de friction), propulseur… || Régler un mouvement (⇒ Régulateur). || Déclencher ou régler un mouvement en manœuvrant une commande (⇒ Déclic; commande, manœuvre…). || Utilisation du mouvement d'une machine (⇒ Travail). || Mouvement rectiligne alternatif d'un piston (⇒ Course, II., 7.). || Compteur à mouvement rotatif. || Mouvement aspiratoire d'une pompe.
♦ Mouvement des projectiles. ⇒ Balistique (cit. 2).
♦ (1772). Spécialt. || Mouvement d'un véhicule. || Le mouvement d'une automobile, d'un avion… || Assurer le mouvement et la direction. ⇒ Conduire (2.), diriger, guider, 1. mener (II., 1.).
6 Dans quelque attitude qu'elle soit jetée, avec quelque allure qu'elle soit lancée, une voiture, comme un vaisseau, emprunte au mouvement une grâce mystérieuse et complexe (…)
Baudelaire, Curiosités esthétiques, XIII.
♦ Cin. || Mouvements d'appareil, de caméra (panoramiques, travellings, et mouvements à la grue).
4 Techn. Ensemble des mouvements, des déplacements de véhicules. ⇒ Circulation, trafic. || Mouvement des navires dans un canal, des avions sur un aérodrome. Mar. || Mouvements d'un port. || La direction des mouvements a envoyé un remorqueur et un pilote à ce paquebot. — Ch. de fer. Marche des trains. || Le chef du mouvement.
♦ Aviat. Décollage ou atterrissage (sur un aérodrome). || Cet aérodrome permet 100 mouvements par heure.
5 Déplacement (des biens, des marchandises). || Mouvement de capitaux (⇒ Afflux, fuite; entrée, sortie). || Mouvements de fonds. || Mouvements de caisse (portant sur l'argent liquide). || Mouvement des fonds, se dit spécialt de l'« opération ayant pour but d'alimenter les caisses des différents comptables du Trésor » (Capitant). || Direction du mouvement général des fonds au ministère des Finances.
♦ Spécialt. Achat ou vente (d'une marchandise). || Comptabiliser les mouvements d'un stock (⇒ Mouvementé, II.).
6 Mus. Progression des sons vers le grave ou l'aigu. || Mouvement mélodique, harmonique (constitué par plusieurs mouvements mélodiques simultanés). || Mouvement direct, parallèle (les voix, les parties progressant dans le même sens), contraire (en sens inverse), oblique (où l'une des parties est stationnaire).
7 Absolt. Philos. || Le mouvement, considéré en tant qu'attribut (cit. 2) de la divinité (Platon), de l'esprit, ou de la matière (→ aussi ci-dessous, IV., B.). || Le souffle qui donne le mouvement, anime, vivifie le monde (⇒ Âme, cit. 2, Voltaire).
B (En parlant d'êtres animés ou de représentations d'êtres animés).
1 (Un, des mouvements). Changement de position ou de place effectué par un organisme ou une de ses parties (⇒ Acte, action).
a (1314). En parlant de l'homme. || Mouvements du corps (cit. 23) ou d'une partie du corps humain. ⇒ Agitation (supra cit. 2), allure (1.), geste (1.), gesticulation (→ Animal, cit. 17, Descartes; face, cit. 6; gymnastique, cit. 7). || Attitudes (cit. 3, 5, 8 et 9), positions, postures et mouvements. || Les muscles, organes du mouvement. || Articulations, charnières permettant les mouvements des membres. || Mouvements simples, effectués par un membre, une partie du corps. ⇒ Abduction, coup (II.), élévation, extension, flexion, haussement, inclinaison, moulinet, pronation, rotation, supination. || Mouvements actifs (effectués volontairement). ⇒ Mobilisation. || Mouvements associés, qui accompagnent les efforts volontaires sans que le sujet en ait conscience. || Mouvements passifs (imprimés par autrui). || Mouvements complexes, effectués par tout le corps. ⇒ Agenouillement, balancement, bond, cabriole, chute, courbette, culbute, demi-tour, écart, élan, gambade, glissade, pirouette, pivotement, plongeon, redressement, renversement, rétablissement, saut, sautillement, tortillement, trémoussement, trépignement, virevolte… || Mouvements de la locomotion. ⇒ Appui, avancement, allée, course, dandinement, démarche, déplacement, galop, marche, pas, recul, reptation, train, trot, venue (allées et venues).
7 Les mouvements d'ensemble du corps humain sont la résultante de déplacements, les uns par rapport aux autres, des différents segments dont il se compose et qui, par opposition, sont désignés sous le nom de mouvements partiels.
P. Richer, Nouvelle anatomie artistique…, t. III, p. 82.
8 J'ai montré dans Science et Hypothèse le rôle prépondérant joué par les mouvements de notre corps dans la genèse de la notion d'espace (…) Les mouvements que nous imprimons à nos membres ont pour effet de faire varier les impressions produites sur nos sens par les objets extérieurs (…)
H. Poincaré, la Valeur de la science, I, III, 5.
♦ Mouvements volontaires. || Avoir des mouvements libres; liberté de mouvements. ⇒ Aise (I.), jeu. || Prendre du champ, pour avoir sa liberté de mouvement. — Mouvements brusques (→ Envelopper, cit. 3), impétueux, prompts, vifs, violents… ⇒ Brusquerie, précipitation, violence. || Mouvements lents, endormis… || Mouvements feutrés (cit. 8), gracieux, moelleux, souples, veloutés… (→ Jaguar, cit. 2). || Mouvements réguliers, répétés, cadencés (cit. 4). — Harmonie (cit. 47 et 48); agilité, aisance, ampleur (cit. 1), grâce, légèreté, souplesse, vivacité… des mouvements (⇒ Agile, leste). || Lourdeur des mouvements (⇒ Lourd; → Indécision, cit. 2). || Esquisser (cit. 6), exécuter un mouvement. || Hâter, précipiter le mouvement : se presser. || Elle n'osait faire (cit. 40) un mouvement (→ N'oser bouger, ciller…). || Malade incapable de faire un mouvement (⇒ Paralysé). || Lenteur anormale des mouvements. ⇒ Bradycinésie. || Faire exécuter un mouvement à un malade. ⇒ Mobiliser (II., 3.), rééduquer.
9 N'ai-je pas tous les mouvements de mon corps aussi bons que jamais, et voit-on que j'aie besoin de carrosse ou de chaise pour cheminer ?
Molière, le Mariage forcé, 1.
10 Elle se tenait devant lui; au mouvement imperceptible qu'elle esquissa, comme pour mieux croiser sur elle les deux côtés de son peignoir, il comprit qu'elle hésitait à sortir parce qu'elle était à demi-nue (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 144.
11 Il tournait dans la chambre, il était prisonnier, il faisait les gestes d'un homme étreint, enchaîné. Il s'abandonnait à des mouvements violents qu'il aurait trouvés ridicules, démesurés s'il les avait vus, s'il les avait lus dans un récit. Il y a des hommes que la douleur paralyse, d'autres qu'elle soulève.
P. Nizan, le Cheval de Troie, II, VIII.
♦ Spécialt. (En parlant des mouvements d'un exercice, d'une manœuvre…). || Table des mouvements, pour analyser scientifiquement les opérations d'un travail. || Mouvements du masseur : les manœuvres de massage. || Mouvements rythmiques du faucheur, du forgeron… (→ Faucher, cit. 2; fléau, cit. 1).
♦ (1874). || Mouvements de gymnastique (→ Haltère, cit. 1). || Mouvements de nage (brassée, etc.). — Mouvements de danse. ⇒ Danse (infra cit. 10). || Compter les mouvements d'un exercice de gymnastique, du maniement d'armes. ⇒ Temps (→ École, cit. 11). — ☑ Loc. En deux temps, trois mouvements.
♦ Par ext. || Commander le mouvement, l'exercice.
12 (…) La Guillaumette commandait le mouvement… Coude à coude avec Croquebol, le nez à deux pouces d'un mur nu, lequel faisait réflecteur, leur emplissait les yeux d'une blancheur aveuglante, il commandait : — Portez… arme ! Un temps, trois mouvements !… Un !
Courteline, le Train de 8 h 47, III, III.
♦ Mouvements involontaires; inconscients (cit. 4 et 6), convulsifs, péristaltiques… ⇒ Contraction, convulsion (cit. 2), frémissement, frisson (cit. 1), soubresaut, spasme, sursaut, tremblement, trémulation, trépidation, tressaillement. || Mouvement automatique (⇒ Automatisme), instinctif, réflexe (⇒ Réflexe, n.). || Mouvement de recul (→ Approche, cit. 7). || Trahir son impatience par un mouvement. ⇒ Broncher.
♦ (En parlant d'une partie du corps). || Mouvement du bras, de la main, du poignet. || Mouvement d'épaules. || Mouvement des hanches (cit. 5). || Mouvements de la tête (→ Assentiment, cit. 6), du menton (→ Échanger, cit. 12). — Mouvements du visage, de physionomie, mouvements expressifs de quelque partie du visage (→ Garder, cit. 58; larme, cit. 10). || Mouvement des paupières, des yeux… (→ Artificiel, cit. 8). || Mouvements de la cage thoracique, mouvements respiratoires. ⇒ Respiration.
b (En parlant des animaux, des organes, des végétaux).
♦ (Animaux). || Mouvements prestes, prompts de la fouine (cit. 1), de l'écureuil (→ Grimper, cit. 3). || Mouvements brusques d'un taureau (→ Joug, cit. 2). — Mouvements des oiseaux, mouvements du vol. || Mouvements des poissons dans la nage. — Mouvements de reptation d'un ver, d'un serpent. — Spécialt. || Mouvements du cheval, d'une bête de somme; mouvements de manège. ⇒ Cheval (allures, mouvements du cheval); train… || Mouvements trides. || Mouvements de la matière vivante. || Mouvements protoplasmiques…
♦ (Organes). || Mouvements d'un organe. || Mouvements des muscles, des fibres musculaires. || Mouvements du cœur (⇒ Battement, palpitation; → Curare, cit.). || Mouvements péristaltiques. — Mouvement du sang (⇒ Circulation).
♦ (Végétaux). || Mouvements des végétaux, mouvements de croissance, mouvements provoqués par la lumière (contractions nocturnes…), les contacts. ⇒ Tropisme.
13 L'étude des mouvements végétaux (…) présente un indéniable intérêt … (elle permet) de reprendre les aspects essentiels de la vie des plantes; les mouvements de nutation qui président à la construction de l'organisme, les mouvements internes qui en facilitent les échanges, les mouvements diurnes et nocturnes (…) les mouvements liés à la fécondation qui assurent (…) la pérennité de l'espèce.
P.-E. Pilet, les Mouvements des végétaux, p. 123.
2 Le mouvement : la capacité (⇒ Motilité) ou le fait (⇒ Action, activité) de se mouvoir. || Le mouvement, propriété de la vie. || Les esprits animaux (cit. 1), principe du mouvement des êtres vivants (chez Descartes). || Redonner le mouvement à un organisme inanimé. ⇒ Ranimer.
♦ (En parlant de l'homme). Fait d'être en action, en activité (⇒ Agir, I., A.). || Aimer le mouvement, être sans cesse en mouvement : être actif, remuant, ne pas tenir en place (⇒ Pétulance, turbulence, vivacité). || S'enivrer (→ Étourdir, cit. 20), être ivre de mouvement (→ Exprimer, cit. 40). || Avoir besoin de mouvement (→ Éminemment, cit. 1). || Rester sans mouvement, immobile, comme paralysé. — Prouver le mouvement en marchant (→ ci-dessous, cit. 16, Rousseau). — Être, se mettre en mouvement. ⇒ Animer (s'), mouvoir (se). → ci-dessous, C.
14 Notre nature est dans le mouvement; le repos entier est la mort.
Pascal, Pensées, II, 129.
15 Ce n'est que par le mouvement que nous apprenons qu'il y a des choses qui ne sont pas nous; et ce n'est que par notre propre mouvement que nous acquérons l'idée de l'étendue.
Rousseau, Émile, I.
16 (…) combien de fois la philosophie (…) n'est-elle pas forcée de recourir à ce jugement interne qu'elle affecte de mépriser ? N'était-ce pas lui seul qui faisait marcher Diogène pour toute réponse devant Zénon, qui niait le mouvement ?
Rousseau, Correspondance, 15 janv. 1769.
17 (…) je restai sans voix et sans mouvement, regardant et écoutant de toute la puissance de mon esprit.
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, III, V.
18 Talma a des défauts, comme d'être toujours en mouvement et en exclamation; mais ces défauts donnent des regrets sans exciter le moindre mépris (…)
Stendhal, Journal, p. 83.
19 Pendant les heures où je suis seule, eh bien ! cette petite bête me tient société. C'est du mouvement, c'est de la vie, quelque chose qui, quand même, nous ressemble, si peu que ce soit.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, I, XII.
♦ ☑ (XIXe). Loc. Se donner, prendre du mouvement. ⇒ Exercice. || Se donner peu de mouvement (→ Lymphatique, cit. 2).
♦ Expression (cit. 24) du mouvement dans les arts plastiques (→ Futurisme, cit.), en littérature (→ ci-dessous, II.).
♦ Allusion littéraire :
20 Je hais le mouvement qui déplace les lignes
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.
Baudelaire, les Fleurs du mal, XVII.
3 (1772). Déplacement (d'une masse de personnes agissant, se mouvant ensemble ou en même temps). || Mouvement d'une foule, d'un groupe d'hommes. ⇒ Agitation, animation (3.); flot, remous (→ Jouer, cit. 41). || Mouvement d'ensemble.
21 Toute cette cavalerie, sabres levés, étendards et trompettes au vent, formée en colonne par division, descendit; d'un même mouvement et comme un seul homme, avec la précision d'un bélier de bronze qui ouvre une brèche, la colline de la Belle-Alliance (…)
Hugo, les Misérables, II, I, IX.
22 (…) il y avait des gens qui remontaient vers les Boulevards, d'autres qui descendaient vers la Seine et d'autres qui restaient collés par le nez aux vitrines, ça faisait des remous locaux, mais pas de mouvements d'ensemble (…)
Sartre, le Sursis, p. 14.
♦ Remue-ménage, tumulte.
23 Tout à coup, de l'autre côté de la route, il se fit un grand mouvement. La diligence s'ébranlait dans la poussière. On entendait des coups de fouet, les fanfares du postillon, les filles accourues sur la porte qui criaient : « Adiousias !… »
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Les deux auberges ».
♦ (1830). Par métonymie. || Mouvement de la rue (→ Grouiller, cit. 8), d'une ville. || Quartier où il y a beaucoup de mouvement. ⇒ Vivant.
24 (…) le lendemain (le 1er janvier 1901), en sortant, je regardais avec curiosité, la rue et son mouvement pour voir ce qu'il y avait de changé.
André Siegfried, l'Âme des peuples, p. 9.
25 On demeure surpris, en quittant le bateau, par le mouvement et la gaieté de cette grande ville de 250 000 habitants, pleine de boutiques et de bruit, moins agitée que Naples, bien que tout aussi vivante.
Maupassant, la Vie errante, « La Sicile ».
♦ (1680). || Mouvements de troupes, d'une armée. ⇒ Évolution, marche; manœuvre. || Mouvements et haltes (cit. 3). || Mouvements d'un assiégeant, d'un attaquant. || Surveiller les mouvements de l'ennemi. — ☑ Loc. Faire mouvement vers tel point du front. || Guerre de mouvement (→ Déferler, cit. 4; grignoter, cit. 5). — Mouvement de concentration, convergent, débordant (⇒ Déborder), excentrique, tournant (⇒ Entourer, 3.). || Mouvement rétrograde (→ Avant, cit. 62), de repli, de retraite.
26 Puis nous avons fait mouvement, vu Vitry-le-François, remonté vers le front de Champagne.
G. Duhamel, la Pesée des âmes, VII.
♦ Mouvements migratoires. ⇒ Migration.
4 (1772). Déplacement de poste, de fonction. || Mouvements de personnel (mutations, déplacements…). || Mouvement diplomatique. || Tableau de mouvement.
27 (…) l'Empereur tenant, nous le savons, la continuité pour un élément essentiel d'administration et étant, par conséquent, hostile, en principe, aux mouvements préfectoraux trop fréquents.
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, « Vers Empire Occident », VI.
C ☑ Loc. adj. En mouvement : qui se déplace, qui bouge. || Corps en mouvement (⇒ Mobile, II.), et corps au repos. || Passage d'un corps en mouvement à un point donné. || Être, être mis, se mettre en mouvement. || Mettre le monde en mouvement (→ Chiquenaude, cit. 4). — Mettre un mécanisme en mouvement. ⇒ Fonctionnement, marche; actionner, embrayer, enclencher, engrener; aussi branle (mettre en branle). || Toute la maison est en mouvement. ⇒ Agitation, branle, émoi.
27.1 Madame de Rênal voulut absolument lui donner à souper. Elle mit toute sa maison en mouvement (…)
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XXIII.
➪ tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
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II Ce qui traduit le mouvement, donne l'impression du mouvement.
1 (XVIIe; en parlant du langage). || Le mouvement de la phrase (→ Anastomoser, cit. 1). || Mouvement et rythme, et expression. ⇒ Rapidité, vie, vivacité (→ Assonance, cit. 2; consonne, cit. 3). || Donner au style le mouvement de la pensée (→ Coupe, cit. 5). || Le mouvement d'un récit (⇒ Mouvementé). || Mouvement dramatique. || Mouvement véhément, hardi. ⇒ Fougue. || Style sans mouvement, sans nerf. || Conversation pleine de mouvement. ⇒ Animation, entrain.
2 (1639). Image ou évocation du mouvement (dans les arts plastiques). ⇒ Vie. || Harmonie, eurythmie et mouvement. || Mouvement et couleur d'une scène pittoresque (→ Enlumineur, cit.). || Mouvement des figures d'un groupe (cit. 2). || Personnages sans mouvement (→ 1. Froid, cit. 27).
28 Ils disent d'une figure en repos qu'elle a du mouvement, c'est-à-dire qu'elle est prête à se mouvoir (…)
3 (1690). Mus. et cour. Degré de rapidité que l'on donne à la mesure, conformément aux intentions du compositeur, au caractère de la pièce. ⇒ Mesure, rythme; tempo, temps. || Le mouvement d'un morceau est défini par la durée d'une note (noire, croche…) battue un nombre déterminé de fois par minute (au métronome). || Indication de mouvement (ex. : noire = 120). || Principaux mouvements. ⇒ Adagio, allegretto, allegro, andante, andantino, largo, larghetto, lento, moderato, presto, prestissimo, scherzando, scherzo. || Modifications des mouvements. ⇒ Agitato, amoroso, animato, brioso, cantabile, furioso, gracioso, maestoso, subito, vivace. → aussi Allargando, calando, mosso, pomposo, religioso, risoluto, ritardando, ritenuto, slargando, sostenuto, stretto, vivo; con brio, con fuoco, con motto, con spirito; non troppo, poco (a poco). || Mouvement ad libitum, a piacere… || Presser (⇒ Accelerando), ralentir (⇒ Rallentendo), élargir le mouvement. || Le rubato modifie momentanément le mouvement. || Revenir au mouvement (⇒ A tempo). || Jouer un morceau dans le mouvement (cf. Tempo giusto). || Chef d'orchestre qui conduit dans le mouvement.
29 (…) il y a cinq principales modifications de mouvement qui, dans l'ordre du lent au vite, s'expriment par les mots largo, adagio, andante, allégro, presto; et ces mots se rendent en français par les suivants, lent, modéré, gracieux, gai, vite. Il faut cependant observer que, le mouvement ayant toujours beaucoup moins de précision dans la musique française, les mots qui le désignent y ont un sens beaucoup plus vague que dans la musique italienne.
Rousseau, Dict. de musique.
♦ (Déb. XXe). Partie d'une œuvre musicale devant être exécutée dans tel ou tel mouvement. ⇒ Morceau. || Les mouvements d'une suite, d'une sonate, d'une symphonie. || Le premier mouvement de ce concerto est un allegro.
4 Ligne, courbe (considérée comme l'effet d'un mouvement). || Mouvement de terrain, du sol. ⇒ Accident; colline (cit. 2), courbe, vallonnement. || Mouvement harmonieux de la plaine (→ Coteau, cit. 1). || Mouvement serpentin d'une rivière (→ Imprimer, cit. 12).
30 Sancerre, occupe le point culminant d'une chaîne de petites montagnes, dernière ondulation des mouvements de terrain du Nivernais.
Balzac, la Muse du département, Pl., t. IV, p. 48.
♦ Le mouvement des draperies (en peinture), leurs plis, leurs sinuosités. || Mouvement gracieux d'un dossier Louis XV.
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III (XVIe). Mécanisme destiné à produire, à entretenir un mouvement régulier. || Mouvement d'un appareil. — (XIVe). Spécialt. || Mouvement d'horlogerie. ⇒ Horloge, montre. || Le mouvement de cette montre est excellent. || Accélération (⇒ Avance), ralentissement (⇒ Retard) d'un mouvement d'horlogerie. || Il faut changer, réparer le mouvement.
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IV Fig.
A Changement, modification.
1 (1280). Littér. (En parlant des émotions, des tendances). || Mouvements de l'âme, du cœur… ⇒ Ardeur, bouillon (vx), bouillonnement, caprice, chaleur, 2. courant, cri, désir, effervescence, émotion (cit. 18), élan, impulsion, inclination, passion, sentiment, tendance, vocation (→ Foudre, cit. 14; 1. geste, cit. 1; horloge, cit. 9). || Âme en proie à des mouvements contraires. ⇒ Combat (fig.). || Être agité (cit. 23) de mouvements. || Mouvement de conscience (→ La voix de la conscience). || Mouvements de la passion (→ Céder, cit. 8), de l'instinct (cit. 17). || Mouvements intérieurs (→ Envelopper, cit. 30). || Mouvement soudain (→ Approche, cit. 9), subit (⇒ Bouffée), violent, bouillant (→ Emportement, cit. 2; émulation, cit. 1). ⇒ Déchaînement, véhémence. || Noble (→ Aspirer, cit. 8), généreux mouvement.
31 Ces appétits, ou ces répugnances et aversions sont appelés mouvements de l'âme, non qu'elle change de place ou qu'elle se transporte d'un lieu à un autre; mais c'est que, comme le corps s'approche ou s'éloigne en se mouvant, ainsi l'âme par ses appétits ou aversions, s'unit avec les objets ou s'en sépare.
Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même…, I, VI.
32 (…) les mouvements de son âme étaient dirigés tantôt par les remords, tantôt par la passion.
Stendhal, la Chartreuse de Parme, II, XXVII.
33 Le style n'est que le mouvement de l'âme.
Michelet, Journal, 4 juil. 1820.
♦ ☑ Loc. cour. Un bon mouvement (pour inciter à une action généreuse, désintéressée, ou simplement amicale, aimable…). || Allons, un bon mouvement, secourez ce pauvre homme ! || Un bon mouvement, venez avec nous !
34 Je vous demandais un service, mais je ne vous prenais pas en traître. Salavin, je vous remercie, vous avez eu un bon mouvement.
G. Duhamel, Salavin, V, XVI.
♦ Mouvement de… || Mouvement d'agacement (cit. 3), d'impatience, d'humeur… ⇒ Crispation. || Mouvement de joie (→ Frétiller, cit. 2), d'enthousiasme. || Mouvement de colère, de fureur (→ Causer, cit. 38). || Mouvement d'abattement (cit. 6); d'inquiétude, d'horreur (cit. 7), de peur. || Un mouvement d'indignation (cit. 4) générale. ⇒ Cri.
35 Lorsqu'elle vit, en descendant, que l'escalier était obscur, et qu'elle était, pour ainsi dire, seule dans la maison, un mouvement de frayeur, naturel à son âge, la saisit. Elle avait traversé un long corridor qui menait à sa chambre; elle s'arrêta, n'osant revenir sur ses pas.
A. de Musset, Nouvelles, « Margot », V.
♦ ☑ Loc. Le premier mouvement : la première réaction, la plus spontanée (→ Conséquence, cit. 2; emporter, cit. 49; impression, cit. 10). || Qui agit du premier mouvement. ⇒ Primesautier; instinct (agir d'instinct). || Impétuosité du premier mouvement. — || « Méfiez-vous des premiers mouvements parce qu'ils sont bons » : mot attribué à Talleyrand « mais qui serait de Montrond » (Guerlac).
36 En ce moment, seul avec lui-même, le poète pouvait s'abandonner au torrent de pensées que fait jaillir ce second mouvement, si vanté par le prince de Talleyrand. Le premier mouvement est la voix de la Nature, et le second est celle de la Société.
Balzac, Modeste Mignon, Pl., t. I, p. 486.
37 Que vos résolutions soient lentes, mais fermes. Ne vous laissez aller ni à un premier, ni à un second mouvement.
Lamennais, Paroles d'un croyant, XII.
♦ Absolt. ☑ Agir de son propre mouvement, de sa propre initiative (→ Motu proprio).
38 S'il s'attache à me voir, et me veut quelque bien,
C'est de son mouvement : je ne l'y force en rien.
Molière, Mélicerte, II, 4.
♦ (1657). Au plur. Expression collective d'une opinion, d'une émotion par le geste ou par la parole. || Son discours a suscité des mouvements dans l'auditoire. || Mouvements divers.
♦ Spécialt. Impulsion spirituelle. || Les mouvements de grâce (Pascal, Pensées, 507). || Mouvement de l'âme vers Dieu. ⇒ Aspiration, élancement (3.), élévation (III., 2.), envolée, essor.
♦ Par ext. Littér. Animation du style par laquelle on exprime un mouvement de l'âme, une émotion. || Mouvement oratoire. || Mouvement inspiré (→ Épithalame, cit. 2; et aussi ci-dessus, II., 1.).
2 Le mouvement de l'esprit : l'activité pensante, et, spécialt, la « suite de représentations dans la pensée » (Lalande). — En mouvement. || Intelligence (→ Aigu, cit. 15), esprit (→ Fixer, cit. 16) en mouvement. Par plais. || « L'esprit (cit. 154) n'est que la bêtise en mouvement » (Valéry). — Le mouvement des esprits. ⇒ Fermentation. || Mouvements d'opinion.
3 (1853). Changement dans l'ordre social.
♦ Le mouvement. || Le mouvement de l'histoire (→ 1. Mère, cit. 22), de la société. || Le mouvement des réformes (→ Hâter, cit. 6). || Le mouvement du progrès (⇒ Progression). — Absolt. Le changement, la nouveauté. || Les gens avides de scandale et de mouvement (→ Existentialiste, cit. 1).
39 Ne prenons (…) pas pour mesure du mouvement chez ces races étranges (les Égyptiens) l'échelle de progression à laquelle nous ont habitués les histoires qui nous sont le plus familières. L'Égypte fut de tous les pays le plus conservateur.
Renan, Mélanges d'histoire et de voyage, « Anc. Égypte », Œ. compl., t. II, p. 359.
♦ (1842). || Parti du mouvement (par oppos. à conservateur). ⇒ Progrès.
♦ ☑ (1844, in D. D. L.). Loc. fam. Être dans le mouvement : suivre les idées en vogue, être au fait de l'actualité, des nouveautés.
♦ (XIIIe). || Un, des mouvements. Action collective (spontanée ou dirigée) tendant à produire un changement d'idées, d'opinions ou d'organisation sociale. || Les grands mouvements de l'histoire (cit. 8). || La Réforme, mouvement individualiste (cit. 1). || Le mouvement humaniste (cit. 6). || Mouvement populaire, social (→ Balayer, cit. 16; hésitation, cit. 2). || Mouvement syndical (→ Extrême, cit. 2). — Mouvement de grève. || Mouvement de révolte (→ Fort, cit. 31). — (1793). || Mouvement révolutionnaire (→ Écrasement, cit. 4). || Mouvement insurrectionnel (cit. 1). ⇒ Émeute, insurrection. || Meneur (cit. 2) d'un mouvement. || Cet homme fut l'âme du mouvement. ⇒ Promoteur.
40 Un mouvement populaire trancherait-il la difficulté ? Cela ne pouvait avoir lieu qu'autant qu'il serait vraiment le mouvement du peuple, spontané, vaste, unanime, comme fut le 14 Juillet.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., II, VII.
♦ (1934). Organisation, parti qui déclenche, dirige ou organise un mouvement social. || Le mouvement fasciste (cit. 3 et 4), hitlérien (cit. 2). — Un mouvement ouvrier, syndical. || Mouvements de jeunesse. || Mouvement des Radicaux de gauche. || Mouvement de libération nationale (« Ces termes supposent que l'action prime la théorie », A. Thérive, Clinique du langage, p. 310).
♦ (Déb. XIXe). Tendance évolutive (en littér., en art); personnes qui la représentent. || Mouvement littéraire, artistique. || Le mouvement romantique, symboliste, dada, surréaliste.
41 À partir de cette date (1830), il serait plus exact de parler d'un mouvement romantique (…)
(En note : J'appelle mouvement, dans l'ordre intellectuel et artistique, une tendance inorganisée, de caractère révolutionnaire. Le mouvement peut s'étendre à toute une génération).
Brunot, Hist. de la langue franç., t. XIII, p. 198 et note 2.
4 (1868). Changement quantitatif. ⇒ Variation; augmentation, décroissance, diminution. || Mouvements de la population. || Mouvements des prix. || Mouvement de hausse, de baisse, à la Bourse.
B Philos. (au sens du grec kinêsis). La réalité en devenir (dont le mouvement spatial proprement dit n'est qu'un aspect), chez Aristote. — (Dans les philos. du devenir). Tout changement en fonction du temps. ⇒ Devenir, dynamisme, évolution. || Doctrines vitaliste (→ Essentiel, cit. 19, Bergson; homme, cit. 10), spiritualiste, matérialiste du mouvement. || Mouvements de la matière et de l'esprit (→ Matérialisme, cit. 3). || Une philosophie du mouvement. ⇒ Mouvant (I., 2.).
42 En réalité la vie est un mouvement, la matérialité est le mouvement inverse, et chacun de ces deux mouvements est simple (…)
H. Bergson, l'Évolution créatrice, p. 250.
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CONTR. Arrêt, immobilité, inaction, inertie, inhibition, repos, station. — Ankylose, ataxie, atonie, catalepsie, paralysie. — Calme; langueur.
DÉR. Mouvementé, mouvementer.
Encyclopédie Universelle. 2012.