PROTÉINES
Les macromolécules jouent un rôle fondamental dans les processus biologiques. Les plus importantes d’entre elles sont les protéines, molécules fonctionnelles, et les acides nucléiques, molécules informationnelles.
La complexité et la labilité des protéines ont constitué pendant longtemps un obstacle à leur étude. C’est principalement l’application des méthodes chimiques et physiques qui a fait progresser d’une manière décisive ce domaine de la biochimie.
L’«avènement de l’ère cristallographique», qui a permis de déterminer avec un haut degré de résolution la structure tridimensionnelle de protéines importantes, a été marqué par des résultats très spectaculaires.
On connaît actuellement la structure tridimensionnelle de plus d’un millier de protéines à résolution atomique. Ainsi est-il apparu que, malgré la grande diversité des protéines étudiées, on ne rencontre qu’un nombre limité de motifs structuraux.
La formation de la structure des protéines dépend pour une part de l’enchaînement des éléments constitutifs, les acides aminés, en une séquence polypeptidique. Elle dépend d’autre part de l’environnement cellulaire; les conditions locales qui existent à l’intérieur des compartiments cellulaires, solvant, pH, force ionique, viscosité, température, conditionnent les propriétés conformationnelles d’une protéine. Le rôle du solvant est d’une grande importance. Ainsi le rôle de l’eau est fondamental pour la stabilisation des protéines solubles dans le cytosol cellulaire. Leur caractère globulaire traduit la forme compacte qu’adoptent les protéines en solution aqueuse. Ce caractère compact se retrouve aussi dans certaines parties, ou même dans la molécule entière, de protéines membranaires.
Les protéines globulaires sont généralement le support d’une activité biologique: on trouve parmi elles des hormones, les enzymes, les anticorps. Parmi les protéines membranaires, on trouve des enzymes, de nombreux récepteurs, des transporteurs, etc.
Les enzymes, catalyseurs hautement spécifiques, interviennent dans toutes les réactions du métabolisme dont dépend la vie des organismes. Quoique leur existence soit connue depuis près de deux siècles, leur nature protéique n’est pas apparue immédiatement; ce n’est qu’à partir de 1926, lors de la cristallisation de l’uréase par Sumner, qu’elle a été définitivement établie. Les propriétés fonctionnelles d’une protéine donnée dépendent étroitement de la structure spatiale de la molécule; toute variation de celle-ci peut entraîner d’importantes variations de sa fonction.
1. Définitions et caractéristiques générales
Selon leur localisation cellulaire, on peut distinguer plusieurs types de protéines: les protéines globulaires cytosoliques solubles dans les solvants aqueux et les protéines membranaires . Parmi ces dernières, certaines dites extrinsèques sont en interaction faible avec une face de la membrane cellulaire dont elles sont aisément dissociables. Les protéines intrinsèques traversent la bicouche lipidique de la membrane de part en part. Les protéines intrinsèques sont insolubles dans les solvants aqueux et ne peuvent être extraites qu’à l’aide de détergents. Il existe enfin des protéines fibreuses , insolubles dans les solvants aqueux, telles les kératines des cheveux et de la peau.
Lors de la biosynthèse protéique, l’information contenue dans l’ADN (acide désoxyribonucléique) est traduite en une chaîne polypeptidique. Certaines protéines subissent en outre des modifications covalentes, soit au cours de la biosynthèse (événements cotraductionnels), soit après terminaison de la chaîne (événements post-traductionnels). Ces modifications covalentes, variables selon les protéines, incluent des protéolyses limitées, la formation de ponts disulfures, la glycosylation, l’hydroxylation de résidus proline et lysine, la phosphorylation, la carboxylation de résidus glutamyle en résidus 塚-carboxy-glutamyle, la méthylation, l’acétylation, l’ADP-ribosylation, l’addition d’acides gras (N-myristylation et S-palmitoylation). Ainsi, les glycoprotéines contiennent une partie glucidique (hexosamine, galactose, mannose, acide sialique, N-acétylglucosamine, acide N-acétyl muramique). La plupart des protéines membranaires sont glycosylées. Les lipoprotéines contiennent une partie lipidique.
En dehors de ces modifications, certaines protéines comportent une partie non protéique ou groupement prosthétique ; c’est le cas des hémoprotéines, telle l’hémoglobine [cf. HÉMOGLOBINE], qui possède sur chaque sous-unité une protoporphyrine chélatant un atome de fer. Il existe des métalloprotéines qui possèdent un métal (Fe, Cu, Zn) fortement chélaté à la protéine.
Comme on l’a indiqué plus haut, la plupart des protéines globulaires sont solubles dans les solvants aqueux. Soumises à une centrifugation à grande vitesse, les molécules protéiques sont capables de sédimenter. L’ultracentrifugation est une méthode analytique qui permet de déterminer leur constante de sédimentation. Cela permet de calculer leur poids moléculaire. Il existe d’autres méthodes de détermination du poids moléculaire, telles la diffusion de la lumière, la chromatographie sur tamis moléculaire, l’analyse chimique du contenu en acides aminés. Les poids moléculaires bien définis sont très variables d’une protéine à l’autre (tabl. 1).
En solution, les protéines ne dialysent pas, ce qui veut dire qu’elles ne traversent pas les membranes cellulaires, dites semi-perméables, dont les pores sont trop fins pour laisser passer les molécules protéiques, qui sont relativement volumineuses. Elles augmentent la viscosité du milieu. Elles ont un caractère polyionique dû à la charge des chaînes latérales des acides aminés qui les constituent. Ainsi migrent-elles dans un champ électrique: l’électrophorèse est donc une méthode qui permet de séparer des protéines de charges différentes. La charge électrique des molécules permet aussi de les séparer sur échangeurs d’ions par la méthode chromatographique.
Enfin, les protéines sont labiles, ce qui a constitué une grande difficulté pour leur étude. Sous l’influence de la chaleur ou des pH extrêmes (acides ou basiques), elles perdent leur conformation fonctionnelle; on dit qu’elles se «dénaturent». Les conditions de stabilité diffèrent d’une protéine à l’autre. Il convient donc de prendre les précautions nécessaires au cours de la purification. On ne peut mener d’études structurales que sur des protéines hautement purifiées. L’obtention de cristaux convenables est une condition nécessaire à l’étude de la structure tridimensionnelle d’une protéine par diffraction des rayons X.
2. Purification et critères de pureté
L’extraction d’une protéine contenue dans un tissu ou dans des cellules bactériennes commence par la destruction de l’organisation cellulaire par broyage, ultrasons, lyse des parois, par exemple. Les débris cellulaires sont séparés par centrifugation; le matériel soluble est recueilli et dialysé pour éliminer les petites molécules. Diverses méthodes sont ensuite utilisées.
Purification des protéines
Précipitations fractionnées
Il existe plusieurs techniques de fractionnement. Elles reposent sur les variations de solubilité des protéines en fonction de la force ionique, de la constante diélectrique ou du pH. Le relargage (en anglais, salting out ) des protéines à force ionique élevée varie suivant les protéines. Il est donc possible, par un accroissement progressif de la concentration saline (sulfate d’ammonium ou de sodium), d’obtenir une précipitation fractionnée des diverses protéines. En fait, par ce procédé, on obtient presque toujours des mélanges de protéines.
Les protéines ont une solubilité minimale au point isoélectrique (valeur du pH pour lequel la charge nette est nulle). Utilisant cette propriété et les variations de solubilité en fonction de la force ionique, on peut séparer des protéines de point isoélectrique différent.
Le fractionnement par les solvants organiques (alcool ou acétone) repose sur la variation de solubilité des protéines en fonction de la constante diélectrique.
Méthodes d’ultrafiltration
Il est possible de séparer des protéines suivant leurs dimensions par des méthodes d’ultrafiltration utilisant des membranes de porosité définies. Ce procédé s’utilise couramment dans des préparations de protéines à l’échelle industrielle.
Méthodes chromatographiques
La purification des protéines a beaucoup progressé par l’introduction des méthodes chromatographiques sélectives qui conduisent à des séparations très fines, mais ne permettent pas de traiter des quantités importantes; un fractionnement préalable est donc nécessaire sur des volumes restreints.
La filtration sur tamis moléculaire (sephadex) sépare des protéines de même solubilité, mais de poids moléculaires différents.
La chromatographie sur résines échangeuses d’ions a pour principe la propriété des protéines de s’associer aux groupes chargés fixés sur les résines (carboxyméthyl cellulose, diéthyl-aminoéthyl cellulose). Plus la protéine est chargée, c’est-à-dire éloignée de son point isoélectrique, plus fortement elle se fixe. On obtient l’élution en augmentant progressivement la force ionique.
Plus récente, la chromatographie d’affinité est encore plus sélective. Elle consiste à fixer par liaison covalente, sur un support solide (cellulose ou sépharose, par exemple), une molécule qui s’associe spécifiquement à la protéine que l’on veut isoler. On peut rapprocher de la chromatographie d’affinité la chromatographie sur immunoadsorbant. Elle est basée sur les propriétés antigéniques des protéines et la très haute spécificité de reconnaissance de l’antigène par l’anticorps. Elle consiste à fixer par liaison covalente sur un support solide l’anticorps spécifique de la protéine que l’on veut isoler. Compte tenu de la grande affinité de l’anticorps pour l’antigène, l’élution peut nécessiter l’emploi d’agents dénaturants.
La chromatographie liquide à haute performance (HPLC) est une méthode encore plus nouvelle. L’évolution technologique a permis de réaliser des résines sphériques de taille allant jusqu’à 5 micromètres, ce qui leur donne des propriétés mécaniques telles qu’elles supportent de forts débits ainsi que la haute contre-pression qui en résulte. On réalise ainsi des séparations beaucoup plus rapides avec une meilleure résolution.
Méthode d’électrofocalisation
La méthode d’électrofocalisation, fondée sur les propriétés électriques des protéines, est une méthode préparative et analytique. Elle consiste à utiliser des ampholines de différents pH; la protéine est retenue par celle qui correspond à son point isoélectrique.
Critères de pureté
Divers critères de pureté peuvent être utilisés; ils reposent sur les propriétés physico-chimiques des macromolécules protéiques. Si la protéine est pure, l’ultracentrifugation ne doit montrer qu’un seul pic symétrique. L’électrophorèse sur support (gel d’amidon, de polyacrylamide) ne doit présenter qu’une seule bande après révélation. La chromatographie ne doit révéler qu’un seul constituant élué, d’activité spécifique constante (s’il s’agit d’une enzyme).
Fondées sur les propriétés antigéniques des protéines, les méthodes immunochimiques sont d’une haute spécificité et d’une très grande sensibilité. Elles constituent donc des critères de pureté extrêmement fins et peuvent être appliquées à de très petites quantités. Elles consistent à utiliser les anticorps spécifiques de la protéine dont on veut déterminer le degré de pureté. L’immunoélectrophorèse ne donne qu’une seule ligne de précipitation lorsque la protéine est pure car, en ce cas, elle n’a déterminé, chez l’animal inoculé, que la formation d’une seule population d’anticorps. On utilise aussi de simples méthodes d’immunodiffusion, l’immunodiffusion radiale (méthode de Mancini), la double immunodiffusion (méthode d’Ouchterlony). Les méthodes immunoenzymatiques sont très fréquemment employées [cf. IMMUNOCHIMIE].
La détermination chimique de la nature des acides aminés en position N- et C-terminales permet de déceler très rigoureusement la présence d’impuretés.
3. Organisation structurale
La chaîne polypeptidique qui résulte de l’information monodimensionnelle contenue dans l’ADN doit se replier pour former la structure tridimensionnelle compacte et fonctionnelle. Malgré le grand nombre de conformations qu’une chaîne polypeptidique peut adopter a priori, il n’existe qu’un nombre restreint de motifs structuraux dans les protéines, et une même chaîne polypeptidique conduit à une conformation unique (ou à un très petit nombre de conformations voisines) de protéine native. Certaines parties de la chaîne s’ordonnent en structures régulières, essentiellement les hélices 見, les structures 廓. Ces segments de structures régulières et des segments de la chaîne non ordonnés en structures régulières interagissent entre eux pour former des «unités de construction» dont l’assemblage engendre la structure de la protéine.
Dans la nomenclature introduite par K. U. Linderstöm-Lang, on distingue structures primaire, secondaire et tertiaire. M. Rossmann a introduit la notion de structure supersecondaire. Le terme de conformation se réfère à l’ensemble des structures secondaires, supersecondaires et tertiaires. J. D. Bernal a introduit le terme de structure quaternaire pour désigner le résultat de l’association non covalente de sous-unités moléculaires.
Structure primaire
La structure primaire d’une protéine est une séquence de motifs élémentaires: les acides aminés. Leur enchaînement est assuré par des liaisons peptidiques covalentes qui résultent de la condensation du groupe 見-carboxyle d’un acide aminé avec le groupe 見-aminé d’un autre, entraînant l’élimination d’une molécule d’eau (fig. 1).
Il existe une vingtaine d’acides aminés différents [cf. AMINO-ACIDES]; pour certains, la chaîne latérale R est de nature polaire (électriquement chargée), pour d’autres elle est apolaire. La longueur de la chaîne polypeptidique (fig. 1), et par conséquent le nombre total d’acides aminés, varie selon les protéines. L’ordonnance de la chaîne, c’est-à-dire la séquence des acides aminés, diffère d’une protéine à l’autre. Elle représente la traduction de l’information génétique contenue dans l’ADN du génome. Cependant, cette chaîne polypeptidique va devoir subir diverses modifications pour acquérir la structure fonctionnelle définitive. Des événements cotraductionnels (se produisant durant l’élongation de la chaîne) ou post-traductionnels (se produisant après terminaison de la chaîne) peuvent intervenir. Ils sont soit de nature covalente, telles les protéolyses limitées et les modifications chimiques, soit de nature non covalente comme le repliement de la chaîne polypeptidique et l’auto-assemblage de sous-unités.
Détermination de la structure primaire
Les progrès importants réalisés dans les méthodes d’analyse séquentielle ont permis de connaître la structure primaire d’un nombre croissant de protéines. Ces méthodes reposent, d’une part, sur l’utilisation de réactifs chimiques appropriés (par exemple, méthodes d’Edman au phényl-isothiocyanate), d’autre part, sur l’emploi d’enzymes protéolytiques de spécificité connue, grâce auxquels on peut couper en des endroits précis une longue chaîne polypeptidique, la réduire en fragments plus petits, donc plus accessibles à l’étude. Les perfectionnements techniques permettent l’analyse automatique de séquences. Des méthodes de miniaturisation applicables à une détermination sur des microquantités ont été développées.
E. Sanger a résolu en 1954 la première séquence de protéine, celle d’une hormone, l’insuline. Depuis cette date, le nombre de protéines dont la séquence a été déterminée s’est accru d’une manière spectaculaire au cours des années, comme en témoignent les atlas successifs des séquences de protéines.
Phylogénie des protéines
La séquence primaire est déterminée génétiquement [cf. BIOLOGIE MOLÉCULAIRE]. Suivant l’espèce, la séquence d’une même protéine comporte un certain nombre de variations, qui résultent soit du remplacement de certains acides aminés par d’autres, soit de délétions, soit encore d’insertions. Le nombre de remplacements d’acides aminés peut être très faible et entraîner, cependant, de grandes variations dans la fonction biologique de la protéine: c’est le cas des hémoglobines anormales [cf. HÉMOGLOBINOPATHIES]. Certaines de ces substitutions sont conservatives lorsqu’il y a remplacement d’un acide aminé par un acide aminé homologue: par exemple, le remplacement d’une lysine par une arginine, d’un aspartate par un glutamate. D’autres substitutions sont radicales lorsqu’elles font apparaître un acide aminé tout à fait différent.
On connaît maintenant la séquence peptidique de plusieurs familles de protéines, c’est-à-dire celle d’une même protéine ayant la même fonction biologique, mais provenant d’espèces différentes.
L’information contenue dans les séquences de protéines peut permettre de construire l’arbre généalogique des espèces. Cela a été réalisé pour plusieurs familles de protéines, en particulier les hémoglobines (fig. 2), les cytochromes c , etc.
Conformation des protéines
Structures régulières ou structures secondaires
La chaîne polypeptidique peut s’organiser en structures régulières, stabilisées par des liaisons hydrogène s’établissant entre l’oxygène du carbonyle et l’hydrogène amidé de liaisons peptidiques (liaisons hydrogène interamides):
L’ordonnance d’une chaîne polypeptidique peut entraîner divers types de structure. Dans les protéines globulaires, on trouve essentiellement des structures hélicoïdales (hélices 見 droite) et des structures 廓, et aussi des virages 廓 se produisant lors du retournement de la chaîne (en anglais 廓-turn ).
C’est à L. Pauling que revient le mérite d’avoir précisé les caractéristiques des deux premiers types de structures secondaires. Tout d’abord, il a établi avec précision les conditions d’angle et de longueur des liaisons qui définissent les possibilités de rotation autour des liaisons simples dans une chaîne polypeptidique pour l’établissement de ces structures (fig. 3). Quelques caractéristiques sont essentielles pour établir des modèles. Les acides aminés tels qu’ils existent dans les protéines sont de configuration L. Les atomes de la liaison peptidique sont dans un même plan, conséquence de la possibilité de résonance entre les deux configurations indiquées à la figure 3. La forme trans est favorisée. Les rotations autour des liaisons simples N 漣C size=1見 (définissant l’angle dièdre 淋) et C size=1見 漣C (définissant l’angle dièdre 切) ne sont permises que dans des orientations favorables (fig. 4). Leurs valeurs définissent un type de structure. Ces conditions précisées, les structures secondaires doivent permettre l’établissement du plus grand nombre possible de liaisons hydrogène pour leur stabilisation.
Les structures hélicoïdales ont fait l’objet de nombreux travaux théoriques et expérimentaux. Beaucoup de travaux expérimentaux avaient été effectués sur des polypeptides modèles. L’enroulement d’une chaîne polypeptidique en une structure hélicoïdale permet l’établissement de liaisons hydrogène entre les spires consécutives de l’hélice, à condition que les groupes C=O et N 漣H se trouvent dans une position adéquate. Plusieurs types d’hélices ont été décrits. On trouve essentiellement l’hélice 見 droite dans les polypeptides ayant des acides aminés L et dans les protéines globulaires. Elle est définie par les valeurs suivantes des angles dièdres ( 淋 = 漣 580; 切 = 漣 470). Elle comporte une liaison hydrogène par liaison peptidique; chaque tour complet d’hélice possède 3,6 résidus d’acides aminés. Le pas de l’hélice est 0,544 nm (fig. 5).
Parmi les structures régulières, celle du type «collagène» mérite d’être mentionnée. Le collagène, très abondant dans le monde animal, possède une structure particulière formée de trois hélices enroulées l’une autour de l’autre [cf. COLLAGÈNE]. Ces hélices diffèrent notablement de l’hélice 見, et elles ne comportent qu’une liaison hydrogène pour trois acides aminés en moyenne. Les caractéristiques de cette structure sont dues à la composition en acides aminés assez particulière du collagène, riche en glycine, en proline et en hydroxyproline.
Les structures 廓 ou feuillets plissés comportent un plissement de la chaîne polypeptidique au niveau du carbone C size=1見i , qui porte la chaîne latérale R; il appartient ainsi à deux plans différents. Le résidu R est situé perpendiculairement; dans l’un des plans se trouve le groupe C=O, dans l’autre le groupe N 漣H du même acide aminé (fig. 4). Les liaisons hydrogène peuvent s’établir à raison d’une par liaison peptidique entre chaînes différentes ou entre parties différentes d’une même chaîne repliée sur elle-même. Les chaînes ou portions de chaîne peptidiques peuvent être disposées soit parallèlement (structures 廓 parallèles), soit antiparallèlement (structures 廓 antiparallèles). Ces deux types de structures sont définis respectivement par les angles dièdres ( 淋 = 漣 1990; 切 = 1130) et ( 淋 = 漣 1390; 切 = 1350).
Les retournements de la chaîne polypeptidique s’effectuent selon des structures déterminées appelées virages 廓 ( 廓-turn ou 廓-bend dans la littérature anglo-saxonne). Un virage 廓 comporte un segment de la chaîne polypeptidique de quatre acides aminés consécutifs de i à i + 3, se retournant de 1800, et tels que la distance entre C size=1見i et C size=1見i +3 soit inférieure à 0,7 nm et que ce segment ne forme pas d’hélice. Il existe différents types de virages 廓 selon la valeur des angles dièdres.
Structures supersecondaires
Les segments de structure secondaire et les parties de la chaîne polypeptidique qui ne présentent pas de structure régulière peuvent s’associer entre eux pour former des motifs structuraux bien définis. Il n’existe qu’un nombre limité de motifs structuraux qui se retrouvent dans les diverses protéines. La figure 6 donne un exemple d’interactions entre deux hélices ( 見見), entre deux segments de structure 廓 antiparallèle ( 廓廓), entre segments 廓 et hélice 見 ( 廓見廓).
Levitt et Chothia ont introduit une classification des protéines à partir des motifs structuraux qu’elles contiennent. Ces auteurs considèrent quatre classes de protéines, les protéines toutes 見 qui comportent essentiellement des hélices 見 comme structures régulières, les protéines toutes 廓 qui contiennent principalement des structures 廓, les protéines 見/ 廓 formées par une suite de segments d’hélice 見 et de structure 廓 adjacents dans la chaîne; le motif 廓見廓見廓 est fréquemment trouvé dans des protéines comme les déshydrogénases et les kinases qui ont un site de fixation pour les nucléotides. Dans une dernière catégorie, appelée 見+ 廓, sont classées les protéines dans lesquelles les deux types de structures ordonnées n’interagissent pas entre elles. Les protéines possédant des ponts disulfures se trouvent généralement parmi les protéines toutes 廓 ou 見+ 廓.
La figure 7 donne, à titre d’exemple, une représentation schématique de la structure de protéines appartenant respectivement à chacune des trois premières classes.
Domaines structuraux
Les structures supersecondaires résultant de l’interaction entre segments de structures ordonnées représentent de nouvelles unités de construction, qui peuvent à leur tour s’associer pour former des structures d’un ordre supérieur, tels les domaines structuraux . Les domaines structuraux représentent des régions globulaires distinctes formées par le repliement d’une même chaîne polypeptidique. Les protéines dont le poids moléculaire est de l’ordre de 20 000 ou supérieur comportent généralement plusieurs domaines structuraux. Les petites protéines comme la ribonucléase ne comportent qu’un seul domaine. Les domaines représentent des unités structurales; ces dernières sont considérées comme des unités de repliement de la chaîne polypeptidique. L’existence de domaines dans les protéines résulte vraisemblablement de la fusion ou de l’insertion de gènes au cours de l’évolution.
Structure tertiaire
L’interaction entre domaines conduit à la formation de cet édifice compact et globulaire qui constitue la structure tertiaire d’une protéine. Ainsi, l’architecture protéique résulte de différents degrés de structure bien hiérarchisés. À chaque niveau, les éléments structuraux interagissent entre eux pour former les éléments du niveau supérieur, et ainsi de suite, pour constituer une molécule qui présente une géométrie spatiale bien déterminée, la structure tertiaire ou tridimensionnelle de la protéine. Cette conformation particulière, rapprochant des acides aminés éloignés dans la séquence primaire et comportant des ajustements extrêmement fins, conditionne l’émergence des propriétés fonctionnelles.
Structure quaternaire
Certaines protéines, principalement des protéines exocellulaires, existent sous forme de monomère et sont ainsi biologiquement actives. D’autres sont constituées d’un assemblage de sous-unités en nombre restreint formant, par exemple, des dimères, des tétramères. Ces sous-unités, associées entre elles par des liaisons non covalentes, forment la structure quaternaire de la protéine. D’après la nomenclature introduite par J. Monod, J. Wyman et J.-P. Changeux, on réserve le nom d’oligomères aux protéines constituées d’un nombre limité de sous-unités, pour les distinguer des polymères dans lesquelles l’association est mal définie et où le nombre de sous-unités peut être très grand.
Les protéines oligomériques sont constituées de sous-unités identiques ( 見n ) ou non identiques ( 見n 廓n ). Dans un oligomère formé de sous-unités identiques, chacune est appelée protomère. Ainsi, l’hémoglobine 見2 廓2 est un tétramère formé de quatre sous-unités et de deux protomères ( 見廓). La plupart des enzymes endocellulaires sont oligomériques; la structure quaternaire est indispensable à l’expression de leur activité. Sauf de rares exceptions (aldolases, transaldolases), ces enzymes sont inactifs sous forme de monomères.
Stabilité des protéines
La stabilité de l’édifice macromoléculaire est assurée par un grand nombre de forces d’interactions non covalentes de faible énergie: les liaisons hydrogène interamides, les liaisons hydrogène entre résidus des chaînes latérales et les interactions hydrophobes, c’est-à-dire les interactions entre groupes non polaires. Pour certaines protéines, l’existence de ponts disulfures, liaisons covalentes, confère une stabilité supplémentaire en même temps qu’elle impose certaines restrictions à la conformation de la protéine.
La conformation des protéines solubles dépend fortement de l’eau qui est leur solvant naturel. Les forces de Van der Waals entre chaînes latérales non polaires ne contribuent que pour une faible part à l’énergie des interactions hydrophobes; la contribution énergétique la plus importante résulte de la variation d’entropie accompagnant le changement de structure de l’eau au voisinage de ces groupes lorsqu’ils entrent en interaction. La structure tertiaire est conditionnée à la fois par la séquence primaire, le contenu en acides aminés polaires et non polaires et par le solvant aqueux. À une séquence primaire donnée correspond une structure unique de protéine native ou un très petit nombre de conformations très voisines.
Méthodes d’étude de la conformation des protéines
L’analyse cristallographique par diffraction des rayons X à haute résolution effectuée sur des cristaux hydratés reste la principale méthode qui permette de déterminer précisément la structure tridimensionnelle des protéines. La connaissance de la structure tridimensionnelle des protéines est l’aboutissement des remarquables travaux de M. Perutz qui, après vingt-cinq années d’étude, a réussi à établir la structure de l’hémoglobine. La même année, J. C. Kendrew résolvait la structure de la myoglobine, protéine monomérique comparable à l’une des chaînes de l’hémoglobine.
L’application des méthodes cristallographiques à des molécules complexes et de taille importante a posé bien des problèmes. On ne pouvait utiliser la même démarche que pour les molécules simples. L’introduction, en 1953, de la méthode des «remplacements isomorphes», ou marquage par des métaux lourds, a été un progrès important. Cette méthode consiste à fixer, en des points précis du cristal, des atomes de métaux lourds qui ne modifient pas la structure et créent ainsi des points de repère dans les diagrammes de diffraction. Par ailleurs, l’analyse de ces diagrammes a été facilitée par le développement des diffractomètres automatiques reliés à des ordinateurs très rapides. Il existe actuellement des méthodes de visualisation qui permettent de faire apparaître sur un écran tout ou partie de la structure d’une protéine et de la faire tourner dans l’espace.
Les coordonnées atomiques de plus d’un millier de protéines sont aujourd’hui disponibles dans la Protein Data Bank de Brookhaven. Des études cristallographiques ont aussi été effectuées sur des protéines enzymatiques en présence d’analogues de substrats. Elles ont conduit à préciser la position du substrat dans le complexe enzyme-substrat, la nature des interactions entre les deux molécules et l’emplacement exact des groupes catalytiques de la protéine par rapport au substrat permettant ainsi de proposer des mécanismes plausibles pour la catalyse enzymatique.
On pouvait se demander si la structure d’une protéine ainsi déterminée à partir des études sur le cristal (hydraté, il est vrai) est identique à celle qu’elle adopte en solution où se manifeste son activité. Pour répondre à cette question, des études de réactions enzymatiques ont été réalisées directement dans le cristal et ont permis de conclure à l’identité structurale de la protéine en solution et dans le cristal.
Grâce aux progrès technologiques, la résonance magnétique nucléaire (RMN), bi-et tridimensionnelle, représente aujourd’hui une autre méthode qui permet de résoudre la structure tridimensionnelle des protéines en solution. Pour le moment, cette méthode est limitée aux protéines de petite taille (de poids moléculaire inférieur à 20 000). Sans atteindre le degré de résolution des méthodes cristallographiques, on dispose cependant de diverses méthodes physiques et chimiques permettant l’étude des conformations et des variations de conformation des protéines en solution. Des méthodes optiques, comme la dispersion optique rotatoire et surtout le dichroïsme circulaire, donnent des informations sur le contenu en structures régulières dans les protéines. La spectroscopie infrarouge et la spectroscopie Raman permettent aussi la détection de structures secondaires; les fréquences vibrationnelles des liaisons du squelette peptidique sont en effet très sensibles à la conformation. Des méthodes, comme la spectrophotométrie de différence d’absorption dans le proche ultraviolet, ou, plus sensible, l’émission de fluorescence, donnent des informations plus locales sur l’environnement (ou les variations d’environnement) des groupes chromophores responsables de l’absorption à ces longueurs d’onde. Il s’agit des résidus aromatiques, tryptophane, tyrosine et phénylalanine. Le tryptophane a une absorbance quatre fois plus importante que la tyrosine et vingt fois plus importante que la phénylalanine.
Des méthodes chimiques, fondées sur la réactivité des chaînes latérales des protéines vis-à-vis de réactifs chimiques appropriés, donnent des informations sur l’accessibilité de tel acide aminé particulier dans une protéine. Ce genre d’information peut aussi être obtenu par les méthodes d’échange hydrogène-isotope.
La résonance magnétique nucléaire (RMN) haute résolution constitue également une méthode de détection locale.
4. Relations entre structure et fonction
L’activité spécifique des protéines dépend étroitement des propriétés structurales de la molécule. Les relations structure-fonction ont été bien étudiées dans le cas de quelques enzymes. La ribonucléase, qui catalyse la rupture hydrolytique des acides ribonucléiques, en offre une bonne illustration. La séquence de la ribonucléase, déterminée en 1959 grâce aux travaux de C. H. Hirs, W. Stein et S. Moore et de C. B. Anfinsen, contient cent vingt-quatre acides aminés. Il existe en outre quatre ponts disulfures dans la molécule (fig. 8a). On a précisé les acides aminés importants pour l’activité enzymatique en utilisant des réactifs chimiques sélectifs mono- et bifonctionnels et en étudiant la réaction enzymatique en fonction du pH. L’histidine en position 12 et celle en position 119 semblent participer directement à la catalyse. Deux résidus lysine, en position 7 et 41, paraissent impliqués dans l’activité. Éloignés dans la séquence, ces groupes sont proches dans la structure tertiaire (fig. 8b).
Un enzyme protéolytique d’origine bactérienne, la subtilisine, rompt spécifiquement la liaison peptidique entre les résidus 20 et 21, libérant ainsi le S-peptide du reste de la molécule. Les deux peptides que l’on peut séparer sont individuellement inactifs. Remis en présence, ils se réassocient spécifiquement, quoique d’une manière non covalente, entraînant la réapparition de l’activité totale. Le S-peptide peut être obtenu par synthèse peptidique; il se réassocie au reste de la chaîne, préalablement traitée par la subtilisine, pour reformer l’enzyme actif.
Le blocage chimique de l’histidine 12 et de l’histidine 119 par action de l’iodoacétate peut être réalisé indépendamment. Les molécules ayant l’une ou l’autre de ces histidines bloquées sont totalement inactives. Dans certaines conditions, un mélange contenant 50 p. 100 de l’enzyme ayant l’histidine 12 bloquée et 50 p. 100 de l’enzyme ayant l’histidine 119 bloquée donne lieu à la formation de dimères. On retrouve alors une activité correspondant à 50 p. 100 de l’enzyme total, ce qui indique un réarrangement favorable des sous-unités dans le dimère.
La ribonucléase catalyse l’hydrolyse des acides ribonucléiques (fig. 9). La première étape fait apparaître un phosphate 2 , 3 cyclique; celui-ci est hydrolysé dans une seconde étape. Nombre d’arguments indiquent que la réaction procède par un mécanisme de catalyse générale acide-base faisant intervenir les deux histidines: l’une, sous forme déprotonée, joue le rôle de catalyseur basique; l’autre, sous forme imidazolium, celui de catalyseur acide. La structure tertiaire, assurant le rapprochement de certains groupes éloignés dans la chaîne primaire et leur conférant une orientation bien précise, permet une attaque conjointe par plusieurs groupes catalytiques (catalyse polyfonctionnelle), qui constitue un facteur important de l’efficacité catalytique d’un enzyme.
Les mécanismes catalytiques impliqués dans les réactions enzymatiques sont encore loin d’être totalement élucidés; cependant, la connaissance de la structure tridimensionnelle, lorsqu’elle peut être atteinte, apporte des informations précieuses pour leur compréhension. L’utilisation de la mutagenèse dirigée jointe à la connaissance de la structure offre un outil très puissant dans l’étude de la catalyse enzymatique.
En dehors de l’activité catalytique, les propriétés régulatrices de certains enzymes, les enzymes allostériques par exemple, s’expliquent aussi en termes de structure.
5. Les protéines alimentaires
La matière vivante est composée principalement de quatre éléments: azote, oxygène, hydrogène et carbone. L’air contient environ 79 p. 100 et 20 p. 100 d’azote et d’oxygène, respectivement. Le dioxyde de carbone (CO2) est nettement moins présent: 0,03 p. 100. Les animaux sont incapables d’utiliser directement les éléments azote et carbone pour synthétiser les acides nucléiques et les protéines dont ils ont besoin. Si les acides nucléiques assurent la pérennité des espèces et représentent le génotype, les protéines sont l’expression de l’information portée par les acides nucléiques et assurent de nombreuses fonctions biologiques, comme la catalyse (enzymes), la communication entre cellules (hormones peptidiques), la défense contre les agression (anticorps). Elles jouent aussi un rôle dans la mise en forme d’un organisme: os et muscles. Les protéines sont formées par la combinaison de vingt acides aminés, molécules possédant au moins un atome d’azote. Or, l’homme est incapable de fixer l’azote atmosphérique pour s’approvisionner en cet élément. Il laisse ce rôle aux micro-organismes (bactéries comme Rhizobium en symbiose avec des légumineuses, par exemple). Comme toujours les animaux se contentent d’être des consommateurs. Il en va de même pour le carbone: ce sont les végétaux qui le fixent pour le compte des animaux. Ainsi, végétaux et micro-organismes sont les pourvoyeurs d’azote et de carbone organiques assimilables par les animaux. La distinction entre herbivores et carnivores est fondée sur l’aptitude à utiliser les protéines des fixateurs de carbone et d’azote, directement ou indirectement, respectivement.
Alors que glucides, lipides et protéines apportent à l’homme le carbone dont il a besoin, seules les protéines alimentaires fournissent l’azote. Cet apport est indispensable à la synthèse des composés azotés: protéines, bases des acides nucléiques, cofacteurs d’enzymes (nicotinamide adénine dinucléotide, NAD), noyau tétrapyrrolique de l’hémoglobine, etc.
Les principales protéines alimentaires
Les protéines végétales
Les végétaux, assimilant azote et carbone, devraient potentiellement être des fournisseurs de premier choix en protéines pour l’homme. Mais il n’en est rien: faible titre en protéines (les végétaux sont riches en molécules indigestes pour l’homme: cellulose, hémicellulose, pectines, lignines); carence en certains acides aminés; présence de facteurs antinutritionnels (hémagglutinines, phénols, inhibiteurs de protéases digestives).
Les protéines dans les feuilles (de 1 à 5 p. 100) sont localisées dans le cytoplasme, le stroma et les thylacoïdes du chloroplaste. La ribulose-1,5-bisphosphate carboxylase oxygénase (RuBisCO), appelée aussi «protéine blanche»,, enzyme responsable de l’assimilation du dioxyde de carbone, est la protéine la plus abondante sur la Terre. Les autres enzymes du cycle de Calvin et les protéines des antennes collectrices de lumière constituent aussi des aliments.
Les grains de céréales constituent une autre source de protéines végétales (de 6à 13 p. 100). Ces protéines, associées à l’amidon, sont classées selon leur solubilité: les albumines, solubles dans l’eau; les globulines, solubles dans les solutions salines neutres; les prolamines, solubles dans l’éthanol à 70 p. 100; les glutélines, solubles dans les solutions acides ou alcalines. Les prolamines de blé, de maïs et d’orge sont appelées, respectivement, gliadine, zéine et hordéine. Les glutélines du blé sont les gluténines. Les gliadines sont des marqueurs biochimiques de la qualité boulangère des farines. On observe une trentaine de gliadines différentes dans une même variété de blé. Ces deux classes de protéines végétales constituent la majeure partie du gluten, l’autre constituant étant de nature lipidique. Le gluten confère à la farine ses propriétés viscoélastiques lors de la panification. Les gluténines s’associent dans le grain de blé pour donner des édifices moléculaires de plusieurs millions de daltons (1 dalton = 1,66 憐 10–27 kg).
Le soja est consommé en Extrême-Orient depuis deux mille ans. Ce n’est que récemment (1930) que sa culture s’est développée ailleurs (États-Unis, Brésil, Europe). La très grande majorité de la production est destinée à la fabrication d’huile et de tourteaux pour l’alimentation animale. Ceux-ci sont riches en protéines de bonne qualité. On assiste depuis quelques décennies au développement de farines délipidées (entre 40 et 50 p. 100 de protéines) et de leurs dérivés: concentrats (de 60 à 70 p. 100 de protéines) et isolats (de 85 à 98 p. 100 de protéines) pour l’alimentation humaine. Les protéines des légumineuses (soja, pois, féverole, lupin) ont des structures voisines. On distingue deux classes principales: les globulines 7 S et les globulines 11 S, appelées, respectivement, conglycinine 廓 et glycinine chez le soja, viciline et légumine chez le pois. La graine de soja présente une teneur plus élevée que les autres légumineuses en hémagglutinines et en inhibiteurs de protéases.
Les protéines animales
Les animaux sont d’excellents fournisseurs de protéines alimentaires: titre élevé en protéines de bonne qualité et absence de toxines. Mais le rendement de transformation des végétaux en protéines par les animaux est faible. Les principales protéines animales se situent dans le tissus musculaire (la viande), dans l’œuf et dans le lait.
La viande correspond aux muscles striés squelettiques des animaux. Les protéines représentent de 50 à 90 p. 100 de la matière organique de la viande; celle-ci est donc l’aliment le plus riche en protéines. Certaines de ses propriétés organoleptiques, comme la tendreté et la jutosité, sont étroitement liées à la structure des protéines du muscle et aux réactions chimiques dans lesquelles elles sont impliquées. La myosine est la protéine majoritaire dans le muscle (27 p. 100). Les protéines sarcoplasmiques (200 environ) sont représentées par des enzymes (glycolyse, métabolisme des protéines). Dans les mitochondries , on trouve les enzymes du cycle de Krebs. Les protéines sarcoplastiques et mitochondriales et l’actine représentent respectivement 30 et 11 p. 100 des protéines. Les collagènes (8 p. 100) et des protéines insolubles (8 p. 100) complètent le répertoire. La myoglobine (1,5 p. 100) fournit la couleur rouge du muscle. Une viande fraîche n’est pas consommable. Après la mort, s’installe la rigor mortis (rigidité cadavérique), conséquence de l’épuisement du muscle en ATP. Celui-ci conduit à l’impossibilité de dissociation du complexe actomyosine, et le muscle perd ses propriétés élastiques. La maturation de la viande vise à résoudre la rigidité cadavérique .Elle résulte de l’action des systèmes protéolytiques du muscle sur les myofibrilles. Les cathepsines libérées par l’éclatement des lyzosomes, dû à la baisse du pH, hydrolysent l’actomyosine. La température joue un grand rôle dans la vitesse de maturation: de trois à quatre semaines à – 1,5 0C, deux semaines à 0 0C, un jour à 43 0C. De plus, les enzymes à l’œuvre dans le muscle provoquent la formation de nombreux produits favorables au goût.
Les muscles de poisson présentent de nombreuses analogies avec ceux de la viande. Parmi les différences, la teneur moins grande en tissu conjonctif confère au poisson une tendreté plus importante, mais la baisse plus faible du pH entraîne un risque de contamination bactérienne plus élevé. La maturation est plus rapide chez le poisson (30 h à 0 0C).
Dans l’œuf, les protéines de l’oeuf se répartissent dans l’albumen (le blanc) et le vitellus (le jaune). L’ovalbumine est la protéine majoritaire du blanc (54 p. 100). Elle contient du phosphore. Conalbumine, ovomucoïde et ovoglobuline sont minoritaires. Pour les rendre digestibles, la cuisson est nécessaire. Dans le jaune, on trouve en proportion égale (30 p. 100) lipovitelline, livétine et des lipoprotéines. La phosvitine, phosphorylée, constitue une réserve de fer.
Les protéines du lait sont représentées principalement par les caséines, la 廓-lactoglobuline et l’ 見-lactalbumine. Un litre de lait de vache contient de 24 à 28 grammes de caséine sur 30 à 35 grammes de protéines totales. Le fromage concentre les caséines et les lipides. Son affinage a pour objectif de développer les qualités organoleptiques du produit. L’hydrolyse des caséines et des lipides par les hydrolases des micro-organismes ajoutés entraîne l’apparition de composés d’arôme.
Le sang contient des protéines, essentiellement l’albumine du sérum (60 p. 100); les protéines du sang de porc constituent le boudin.
Les protéines d’organismes unicellulaires sont les protéines de micro-organismes cultivés industriellement en utilisant comme substrat de fermentation les amidons, le saccharose, le lactosérum, les celluloses, des N-alcanes, du gazole brut ou du méthanol. Ces micro-organismes sont des levures, des bactéries (Pseudomonas ), des champignons filamenteux (Aspergillus , Rhizopus ), des algues (Spirulina , Chlorella , Scenedesmus ).
Valeur alimentaire
L’azote apporté par les aliments est ensuite incorporé dans des protéines et dans d’autres substances azotés indispensables. On estime à environ 56 grammes par jour le besoin de protéines pour un homme de 70 kilos, soit environ 0,8 g par kilo et par jour (0,73 pour une femme). Pour un nourrisson, l’apport indispensable (dit de sécurité) monte à plus de 2,5 g par kilo et par jour. Pour un enfant de 10 à 12 ans , il est de 1,1. Ces chiffres de la F.A.O. s’entendent pour un régime alimentaire en Occident. Dans la plupart des pays occidentaux, l’apport protéique chez l’adulte représente environ deux fois l’apport de sécurité. Une ration alimentaire journalière comportant plus de 200 grammes de protéines a un effet néfaste sur la santé, surtout si elle est constituée de viandes riches en acides gras saturés. Pour les pays en développement, le seuil de 0,8 g par kilo et par jour (homme adulte) n’est pas atteint. On ignore encore quels sont les effets à long terme d’un apport protéique minimal sur la santé et sur la productivité. De plus, il ne suffit pas d’apporter dans la ration alimentaire 1 gramme de protéine par kilo et par jour (homme adulte) pour que les besoins soient couverts dans ce domaine. À la notion de quantité s’ajoute celle de qualité des acides aminés. Huit acides aminés doivent être impérativement apportés par l’alimentation. Ce sont l’isoleucine, la leucine, la lysine, la méthionine, la phénylalanine, la thréonine, le trytophane, la valine, auxquels, chez le nourrisson, il faut ajouter l’histidine. La carence en ces acides aminés se traduit par le ralentissement ou l’arrêt de la synthèse des protéines au niveau du ribosome.
Toutes les protéines alimentaires n’ont pas la même valeur nutritive. La qualité de ces protéines dépend de la nature et de la quantité des acides aminés qu’elles renferment. Une protéine de haute qualité contient les acides aminés en proportion voisine de celle des protéines de l’homme. Pour quantifier la qualité des protéines alimentaires, on définit le coefficient d’efficacité protéique (C.E.P.), qui est le rapport entre le gain de poids et la masse de protéines consommées. Le tableau 2 donne les C.E.P. de quelques protéines. On voit que les protéines animales sont de meilleure qualité que les protéines végétales. Cette différence s’explique, d’une part, par la carence des protéines végétales en certains acides aminés essentiels et, d’autre part, par la disponibilité des acides aminés dans les aliments. Le tableau 3 donne la composition en acides aminés de protéines de grains et d’aliments courants. Ainsi, les protéines de céréales sont limitées en lysine et en thréonine et les protéines de soja et féverole en acides aminés soufrés, celles d’arachides sont pauvres en acides aminés soufrés, en lysine et en thréonine. Les protéines animales sont bien équilibrées. Cependant, les acides aminés soufrés du lait de vache sont limitants s’il est la source protéique du régime alimentaire. La disponibilité dépend de l’aptitude des protéases digestives à hydrolyser entièrement les protéines. Les protéines végétales ne sont hydrolysées que partiellement, car le répertoire des protéases peut être insuffisant (certaines régions de la molécule ne sont pas accessibles aux protéases) et/ou en raison de la structure tridimensionnelle particulière de ces protéines (certaines liaisons peptidiques ne sont pas hydrolysées). De plus, les végétaux sont riches en macromolécules non azotées (essentiellement localisées dans la paroi des cellules) qui séquestrent les protéines et les protègent de l’hydrolyse.On trouve aussi chez les végétaux des substances antinutritionnelles qui limitent la dégradation des protéines et l’assimilation des acides aminés.
La plupart des traitements technologiques utilisés pour la transformation de la matière agricole en produits finis ainsi que les traitements spécifiques destinés à l’élimination des substances antinutritionnelles ou toxiques des végétaux n’abaissent pas (ou peu) la valeur nutritionnelle des protéines. Certains ont même un effet favorable. Le traitement thermique modéré provoque la dénaturation des protéines avec perte de leurs activités biologiques. Le dépliement lié à la dénaturation favorise la digestion par les protéases (cas des glycinines). Le blanchiment conduit à l’inactivation d’enzymes (lipases, protéases, lipoxygénases, polyphénol, oxydase, peroxydases) responsables de l’apparition d’odeur et de couleur indésirables. Les traitements thermiques visent aussi à détruire les facteurs antinutritionnels et les toxiques protéiques: les inhibiteurs de Kunitz et de Bowman (inhibiteurs de la trypsine) dans le soja, les phytohémagglutinines des légumineuses qui, se fixant sur les glucides des membranes des entérocytes de la bordure en brosse de l’intestin, limitent l’absorption des acides aminés, la toxine botulique. Cependant, traitements thermiques et oxydants peuvent aussi détruire les acides aminés (cystéine, méthionine, tryptophane).
Le brunissement non enzymatique (réaction de Maillard) se produit pendant les traitements thermiques ou à l’entreposage d’aliments protéiques contenant des glucides réducteurs. La réaction de Maillard décrit l’action d’un groupe NH2 de la lysine sur un carbonyle d’un glucide pour donner des glycosylamines, qui se transforment ensuite en composés d’Amadori. Ces composés sont responsables de l’apparition de nouvelles propriétés organoleptiques, souvent bénéfiques: couleur, odeur, goût (viande grillée, café torréfié). Mais on note l’apparition de molécules carcinogènes dans les viandes grillées au barbecue et la diminution de la disponibilité en lysine.
Certaines protéines alimentaires ont des propriétés allergiques pour les sujets sensibles. Les protéines du gluten de blé sont responsables de la maladie cœliaque. L’ 見-lactalbumine et la 廓-lactoglobuline sont les principales protéines de l’intolérance au lait. Dans l’œuf, c’est l’ovomucoïde qui constitue l’allergène principal. Les composés d’Amadori (présents dans les Corn Flakes, par exemple) sont à l’origine d’allergènes nouveaux. Dans le soja, on a trouvé que la globuline 2S est un allergène. Les sujets sensibilisés doivent donc s’abstenir de consommer les produits qui renferment ces molécules.
Propriétés fonctionnelles
Les propriétés fonctionnelles des protéines, qui entrent dans la composition des aliments, sont des propriétés non nutritives. Elles définissent l’aptitude des protéines à donner à l’aliment des caractéristiques définies. Les principales propriétés fonctionnelles sont la solubilité, les propriétés gélifiantes, émulsifiantes, moussantes, la rétention d’eau, de lipides et de composés d’arôme. Par exemple, dans les potages et les sauces, les protéines interviennent en qualité d’agents d’émulsification, de rétention d’eau et assurent la viscosité de la préparation. Les caséines sont utilisées en salaisonnerie (propriétés émulsifiantes et liantes), en technologie fromagère (amélioration de la texture des fromages), dans les succédanés de fromage (pâtes à tartiner). Les propriétés gélifiantes des préparations de protéines du lactosérum dépendent essentiellement des propriétés de la 廓-lactoglobuline. Chauffée en solutions concentrées (supérieures à 5 p. 100 ), elle forme un gel à partir de 70-80 0C. Les protéines de pois possèdent des propriétés émulsifiantes marquées: la viciline est un agent émulsifiant meilleur que la légumine, sans cependant atteindre le niveau de l’albumine de sérum de bœuf. Une application des propriétés gélifiantes des protéines de poisson par traitement thermique s’est développée à partir du Japon sous le nom de Surimi: poisson haché, lavé et consommé après cuisson sous diverses formes.
Nouvelles protéines et acceptabilité
Une voie pour proposer de nouveaux produits alimentaire est de modifier les protéines afin d’améliorer leurs propriétés fonctionnelles. Les modifications chimiques sont exclues pour des raisons évidentes d’hygiène publique. Les enzymes sont des outils de choix pour conduire des changements spécifiques sans risque d’apparition de produits secondaires, donc sans danger. On a utilisé jusqu’à présent des protéases. Par exemple, la fabrication du fromage commence par la coagulation par la chymosine contenue dans la présure: la chimosine hydrolyse la liaison méthionine-phénylalanine de la caséine . Les réactions d’hydrolyse sont aussi utilisées pour l’obtention d’hydrolysats de protéines par des protéases à des fins diététiques. On s’oriente vers une diversification des enzymes pour réaliser des opérations plus complexes que des hydrolyses. La recherche applicable étudie l’utilisation de transglutaminases (pontage entre chaînes peptidiques), de kinases et de phosphatases pour modifier les propriétés fonctionnelles de protéines alimentaires.
Il existe une autre façon de modifier les protéines alimentaires: c’est d’intervenir non pas après leur biosynthèse, mais avant, au niveau des gènes qui les spécifient, soit par mutagenèse dirigée du gène in vitro et expression dans un vecteur approprié, soit par transfert de gènes dans l’organisme. C’est le domaine du génie génétique, avec la conception de végétaux et d’animaux transgéniques. Pour les végétaux, le seul exemple connu concerne une tomate qui murit plus lentement que la tomate non modifiée. Pour les animaux, on espère leur faire produire des protéines à intérêt pharmaceutique. Mais la transgenèse, animale ou végétale, ne concerne pas encore le domaine des protéines alimentaires. De plus, la rentabilité des protéines alimentaires modifiées produites par génie génétique n’est pas assurée.
La production de protéines alimentaires par fermentation par les micro-organismes fut prometteuse. Elle est indépendante du climat et de la qualité des sols. Ces protéines pourraient servir à l’alimentation animale et rendraient ainsi disponibles pour l’alimentation humaine les céréales, le soja et le poisson utilisés pour les animaux. Mais on se heurte au coût de ces protéines, supérieur à celui des protéines de soja. L’emploi de matières protéiques végétales (M.P.V.) en remplacement ou en complément des protéines animales est justifié par les propriétés nutritionnelles de certaines d’entre elles (soja, féverole), associées à l’absence de lipides, et par l’amélioration des propriétés fonctionnelles des aliments dans lesquels on les incorpore. Les M.P.V. se présentent sous forme de poudres (liants en charcuterie) et sous forme texturée. Les M.P.V. texturés se trouvent essentiellement dans le secteur des viandes hachées surgelées (boulettes , steaks hachés, rissolettes) en complément aux protéines animales. Elles trouvent une place de choix en alimentation diététique. L’incorporation des M.P.V. est couramment pratiquée dans les produits carnés destinés aux collectivités. On les utilise aussi de plus en plus comme adjuvants technologiques.
L’offre de produits nouveaux aux consommateurs pose le problème de leur acceptabilité. Un pays comme la France a une longue tradition gastronomique et rien n’est plus difficile et périlleux que de vouloir modifier des habitudes alimentaires. On se nourrit non seulement par nécessité, mais aussi pour éprouver du plaisir. Toutes les informations en provenance d’un aliment (saveur, odeur, texture, couleur) sont transmises au cerveau et décodées en sensations que le consommateur veut agréables. La qualité de la sensation dépend essentiellement de l’expérience vécue depuis la naissance. Aussi a-t-on développé un outil de l’analyse de l’acceptabilité des aliments, l’analyse sensorielle, pratiquée dans des laboratoires bien équipés par des jurys de dégustateurs entraînés. La perception du juré est confrontée à une analyse scientifique des composés d’arôme par des techniques avancées (spectrométrie de masse, chromatographie en phase gazeuse,résonance magnétique nucléaire, chromatographie liquide à haute performance). Avant de lancer sur le marché un nouveau produit, le fabricant tente ainsi de minimiser le rejet par le consommateur.
Les protéines sont indispensables à l’homme. Mais leur production est insuffisante. Les Nations unies prévoient pour l’an 2000 un déficit de 400 à 500 millions de tonnes de céréales. Cependant, la production, donc la consommation, est inégalement répartie. Il y a surconsommation de protéines animales dans les pays riches et plus d’un milliard d’hommes souffrent de malnutrition dans les pays en développement. Pour tenter de résoudre ce problème, les scientifiques peuvent sélectionner des céréales en teneur en lysine augmentée, créer de nouvelles espèces (le triticale par exemple: croisement du blé et du seigle), développer l’aquaculture, étudier l’introduction des gènes fixant l’azote dans les plantes. Mais la solution du problème est essentiellement politique.
6. Protéines fossiles
La mise en évidence, en 1960, par M. Florkin et ses collaborateurs, de protéines préservées au sein de fossiles anciens de plusieurs dizaines, voire de plusieurs centaines de millions d’années, a, d’une part, montré que, contrairement à ce qui était généralement admis, la structure des fossiles n’est pas entièrement minéralisée, et ouvert, d’autre part, la voie au développement d’une étude biochimique des fossiles (paléobiochimie).
Les protéines décelées dans les fossiles présentent, aussi bien dans leur microstructure étudiée par la microscopie électronique que dans leur composition en aminoacides, des traits qui permettent de conclure qu’elles ont subi des altérations au cours des temps géologiques. Le terme de paléoprotéines indique l’existence de ces modifications, mais également la localisation de ces protéines dans les fossiles.
Les paléoprotéines ont été découvertes pour la première fois dans des coquilles de Mollusques fossiles (composées d’une matrice de matière organique imprégnée de carbonate calcique). L’examen de l’ultrastructure de ces coquilles décalcifiées révèle des réseaux réticulés, ressemblant à des dentelles, constitués de protéines homologues de celles de la matrice protéique des coquilles des Mollusques modernes. Cet examen permet aussi d’écarter la possibilité de la présence de substances étrangères telles que parasites, bactéries, par exemple, dans les échantillons.
L’étude de la nature chimique des «dentelles» présentes dans les fossiles nécessite l’isolement de fragments de nature définie (nacres ou prismes, par exemple, dans le cas des coquilles fossiles), en évitant les dangers de contamination, et le broyage de ces fragments. Les fossiles contiennent des acides aminés libres, résidus de la dégradation plus ou moins étendue des protéines. La poudre obtenue est lavée à l’eau chaude jusqu’à élimination de ces aminoacides libres, puis traitée par l’acide chlorhydrique 6N jusqu’à décomposition complète de la composante minérale. Le résidu organique qui subsiste après décalcification est dialysé en présence d’eau courante, puis d’eau distillée. Le produit obtenu est successivement évaporé à sec, hydrolysé pendant vingt-quatre heures par l’acide chlorhydrique 6N bouillant dans un condensateur à reflux, évaporé à pression réduite, traité par le charbon actif et amené à un volume connu. La détermination des aminoacides libérés par l’hydrolyse à chaud est effectuée par la méthode chromatographique de Moore et Stein sur des parties aliquotes de la solution.
Les proportions en acides aminés des conchiolines des coquilles fossiles correspondent à celles des conchiolines homologues des coquilles modernes avec toutefois quelques différences (tabl. 4). La nature protéique de l’échantillon, privé des aminoacides libres, est attestée non seulement par la composition en aminoacides, mais encore par l’observation au microscope des réactions positives du biuret et du noir amido, caractéristiques des liaisons peptidiques. L’origine de ces réactions positives n’est pas liée à la présence de petits peptides: en effet, s’ils étaient présents, ces peptides auraient été éliminés au cours de la préparation des échantillons, et notamment lors de la dialyse.
On a reconnu l’existence de paléoprotéines dans les coquilles fossiles des Mollusques et des Brachiopodes, mais aussi dans les Graptolithes (fossiles caractéristiques de l’Ordovicien et du Silurien), les os et les dents fossiles, et dans les coquilles d’œufs fossiles de Dinosaures (fig. 10).
Actuellement, les modifications (paléisation) subies par les paléoprotéines au cours des périodes géologiques sont étudiées expérimentalement par chauffage, à température élevée (900 0C, par exemple), des protéines extraites des coquilles modernes, traitement qui produit des altérations morphologiques et chimiques comparables à celles que présentent les paléoprotéines.
Ces altérations résultent vraisemblablement de ruptures des chaînes polypeptidiques en des points divers. Cette difficulté n’écarte pas la possibilité, dès que les méthodes applicables à de très petites quantités de paléoprotéines permettront de définir la séquence en aminoacides de ces dernières, de procéder à une comparaison entre les paléoprotéines et les protéines correspondantes des organismes modernes, afin de reconnaître l’existence d’homologies, qui éclaireront les chercheurs sur l’évolution des protéines au cours des âges géologiques. Actuellement, l’étude de cette évolution s’accomplit par comparaison des protéines d’organismes situés à différents niveaux de l’arbre phylogénétique des êtres vivants.
Encyclopédie Universelle. 2012.