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RYTHMES BIOLOGIQUES
RYTHMES BIOLOGIQUES

Toutes les activités des êtres vivants se déroulent de façon périodique, en suivant des rythmes observables et mesurables. L’alternance quotidienne veille-sommeil, la reproduction saisonnière des végétaux (floraison) et des animaux, les migrations des oiseaux en sont des exemples évidents. Ces activités suivent les variations périodiques de l’environnement, l’alternance jour-nuit quotidienne, la succession des saisons au cours de l’année solaire. Déjà les Anciens avaient observé ces phénomènes biopériodiques, Hippocrate avait noté les variations saisonnières des maladies, Aristote et Pline avaient rapporté l’existence de rythmes chez les animaux marins. Les philosophes orientaux représentaient le temps comme un mouvement périodique, hélicoïdal, et les médecines traditionnelles chinoises et indiennes admettaient que les fonctions humaines variaient de façon rythmique. L’étude descriptive et expérimentale des rythmes biologiques n’a pu se faire que lorsque des instruments de mesure fiables ont pu être utilisés, et en particulier des horloges précises. C’est en Europe au XVIIIe siècle que les premières expérimentations ont été menées, sur des végétaux. L’étude des mécanismes ne débuta que vers les années 1930. En croisant des mutants de haricot dont les rythmes de mouvement foliaire différaient, E. Bünning suggéra en 1935 que la rythmicité avait une origine génétique. Ce même chercheur apporta les arguments expérimentaux appuyant l’hypothèse de l’existence d’une horloge biologique, qui permet à l’organisme de mesurer le temps, hypothèse émise dès le XIXe siècle. Les rythmes de l’homme et des animaux ont aussi intéressé au XIXe siècle plusieurs chercheurs. J. J. Virey, en 1814, suggéra que l’effet des médicaments varie en fonction du moment de leur administration dans la journée. Cela constituait le premier travail de chronopharmacologie.

1. Caractérisation et propriétés fondamentales des rythmes biologiques

Si l’alternance veille-sommeil qui rythme nos jours est facilement observable, l’évolution dans le temps de nos différentes activités métaboliques nécessite des mesures précises et régulières. L’analyse au cours d’une journée de plusieurs paramètres physiologiques chez l’homme met en évidence des fluctuations de leurs valeurs, avec des maximums qui ne se situent pas au même moment pour tous les paramètres. Cela reflète la complexité de l’organisation temporelle du fonctionnement d’un organisme. La description précise des faits expérimentaux passe par la définition de critères adéquats, qui nécessitent une méthodologie appropriée et une nomenclature adaptée.

Paramètres fondamentaux

Un rythme est une variation régulière et prévisible qui peut être assimilée approximativement à une fonction périodique simple, décrite et quantifiée par plusieurs paramètres (fig. 1):

– La période 精 est l’intervalle de temps qui sépare deux aspects identiques du phénomène. L’inverse de la période est la fréquence f = 1/ 精.

– L’amplitude A se définit comme la moitié de la différence entre la valeur maximale et la valeur minimale prises par la variable au cours d’une oscillation.

– La phase 﨏 permet de situer la position de la variable dans le cycle par rapport à une origine de référence. Celle-ci peut être soit un repère temporel extérieur, soit un point remarquable du cycle (correspondant, par exemple, à un maximum ou à un minimum). L’acrophase correspond à l’emplacement de la valeur maximale de la variable dans l’échelle de temps.

Le déplacement d’un rythme dans le temps est appelé déphasage; il peut être exprimé en temps réel ou en degrés (1 cycle = 3600).

Mise en évidence d’un rythme endogène

Maintien des animaux en conditions constantes

La persistance de rythmes en conditions dites de «libre cours», c’est-à-dire lorsque les animaux sont maintenus dans des conditions constantes de lumière, de température, d’hygrométrie et avec des apports énergétiques contrôlés, est un argument très fort en faveur du caractère endogène de ces rythmes. De très nombreuses expériences réalisées en libre cours ont montré que les rythmes journaliers persistaient sans modification de leur amplitude et avec une période 精 proche mais différente de vingt-quatre heures. On qualifie les rythmes de période proche de vingt-quatre heures de circadiens (du latin circa , «presque», et dies , «jour»). Ils ont été observés aussi bien chez des organismes unicellulaires que pluricellulaires, animaux ou végétaux. La période 精 diffère d’une espèce à l’autre et d’un individu à l’autre (dans les limites caractéristiques de l’espèce), mais elle reste comprise entre vingt et vingt-huit heures. Chez l’homme, plusieurs expériences d’isolement temporel ont été réalisées avec des volontaires enfermés dans une chambre d’expérience ou dans une grotte souterraine pendant plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Dans ces conditions, plusieurs paramètres physiologiques, dont la température corporelle, continuent de varier rythmiquement, l’alternance veille-sommeil se poursuit; la période moyenne de ces rythmes, observée chez de nombreux sujets, est de vingt-cinq heures (Wever, 1979). Chez certains sujets en expérience au-delà de deux semaines, la température interne varie toujours selon un rythme de vingt-cinq heures, alors que les cycles veille-sommeil se décalent et montrent de grandes variations (fig. 2). Le sujet peut aussi bien dormir pendant sept heures ou dix-huit heures, et il semble incapable d’apprécier l’écoulement du temps. L’interprétation de ces «anomalies» sera décrite dans le chapitre 3: Les horloges biologiques .

La mise en évidence d’une composante endogène dans les activités périodiques saisonnières nécessite une expérimentation plus lourde et plus longue. Elle requiert des observations sur au moins deux cycles, donc pendant plus de deux ans en environnement constant. La persistance d’une rythmicité annuelle a été décrite la première fois pour le rythme d’hibernation d’un mammifère, le spermophile (Spermophilus lateralis ), placé sous photopériode constante et à une température presque constante, entre 0,5 et 5,5 0C. Les rythmes de poids corporel et de prise alimentaire de ce petit rongeur se maintiennent de façon tout à fait constante. Des fauvettes des jardins ont été observées pendant plus de huit ans sous une photopériode constante, soit dix heures de lumière et quatorze heures d’obscurité, notée LD 10: 14 (L pour light , D pour dark ). Le renouvellement du plumage, ou mue, estival et hivernal, s’est produit de manière rythmique, avec une période de l’ordre de dix mois, pendant toute la durée de l’expérience, en fait bien supérieure à la durée moyenne de vie des fauvettes dans la nature. Ces rythmes endogènes dont la période propre est voisine d’un an sont qualifiés de circannuels . Ils ont été découverts chez de nombreux organismes, dans presque tous les groupes de vertébrés et aussi chez quelques invertébrés. Mais ce sont les mammifères et surtout les oiseaux qui ont fait l’objet des plus nombreux travaux. La période des rythmes circannuels étudiés en libre cours diffère assez notablement d’une année solaire, soit 365,25 jours. Elle se situe en fait dans une large gamme, allant de six mois à quinze mois, soit des écarts d’environ – 50 p. 100 à + 25 p. 100 par rapport à un an. Elle présente de grandes variations, aussi bien entre individus d’une espèce donnée que pour un seul individu. Ces grands écarts par rapport au rythme en conditions naturelles laissent supposer que l’origine des rythmes circannuels est hétérogène et posent des questions fondamentales sur les mécanismes endogènes sous-jacents.

Des rythmes de période variée

Les rythmes circadiens, dont la période est comprise entre vingt et vingt-huit heures, sont les mieux connus. Le rythme nycthéméral, avec une période de vingt-quatre heures exactement, en est un cas particulier. Les rythmes de période plus longue sont appelés infradiens ou à basse fréquence. Ils peuvent être de plusieurs jours (cycle œstrien d’environ sept jours chez la souris), de l’ordre du mois (cycle menstruel de la femme) ou de l’année (rythmes circannuels). Dans l’espèce humaine, on a décrit des rythmes d’une période de sept jours (rythmes circaseptains) qui, au-delà du «repos dominical», semblent également se refléter dans la fréquence des accidents cardiovasculaires ou le rejet des greffes.

À l’opposé, les rythmes ultradiens (ou de haute fréquence) ont une période inférieure à vingt heures. Les rythmes cardiaque ou respiratoire en sont des exemples bien connus. Les rythmes pulsatiles de sécrétion de nombreuses neurohormones et hormones des mammifères sont aussi de ce domaine. Ce mode de sécrétion pulsatile a été plus particulièrement étudié dans le cas des hormones impliquées dans le contrôle de la reproduction chez les mammifères. Dans ce cas, c’est la pulsatilité sécrétoire des hormones hypothalamiques qui entraîne celle des hormones hypophysaires, puis éventuellement celle des hormones périphériques. Cette pulsatilité résulterait d’une activité rythmique intrinsèque des neurones hypothalamiques, à laquelle s’ajoute leur fonctionnement en réseau, ce qui se traduit par la sécrétion de petites quantités de neurohormones toutes les quinze-trente minutes. La valeur de cette période n’est pas fixe, et sa variation joue d’ailleurs un rôle fondamental dans la régulation de l’ensemble, car elle fait partie intégrale du message hormonal. Il s’ensuit une sécrétion rythmique des cellules hypophysaires.

Une variable physiologique peut posséder une ou plusieurs périodes prépondérantes, qui sont mises en évidence par une fréquence d’échantillonnage appropriée, et cela est bien sûr particulièrement contraignant dans le cas des rythmes ultradiens. Ainsi, chez la femme, la concentration dans le plasma d’une hormone hypophysaire gonadotrope, la LH (pour luteinizing hormone , cf. appareil GÉNITAL), varie selon un rythme ultradien de période comprise entre soixante et cent vingt minutes, un rythme circadien (valeurs maximales la nuit), et au cours du cycle menstruel (pic au treizième jour du cycle).

Des rythmes autonomes

Un cœur isolé, irrigué par un liquide de composition appropriée et dans des conditions de température convenables, continue à battre pendant des heures et même des journées. Des contractions régulières sont également observables sur des cellules cardiaques en culture. L’expérience princeps de Ringer au XIXe siècle mit en évidence l’autonomie fonctionnelle du cœur placé dans un milieu dont tous les facteurs sont gardés constants. La modification de certains facteurs entraîne des variations de l’amplitude et de la période du rythme cardiaque, jusqu’à sa disparition. L’activité rythmique peut ainsi subir l’influence des variations du milieu de culture.

Caractère héréditaire des rythmes biologiques

De jeunes animaux isolés dans des conditions constantes d’environnement dès la naissance manifestent néanmoins une activité rythmique propre à l’espèce, circadienne ou circannuelle. Cela est aussi observé pour les espèces ovipares dont les œufs ont été maintenus dans ces mêmes conditions constantes.

Les arguments les plus convaincants proviennent d’expériences d’hybridation entre individus de la même espèce présentant des rythmes de période différente. Les études pionnières de E. Bünning sur le haricot ont montré que les valeurs de la période naturelle du rythme des mouvements foliaires se transmettaient suivant les règles de la génétique mendélienne classique. Les premières mutations affectant les rythmes circadiens ont été identifiées dans les années 1970, chez une algue unicellulaire, Chlamydomonas (Bruce, 1972), un champignon, Neurospora crassa (Feldman, 1973), et un insecte, la drosophile (Konopka et Benzer, 1971).

Chez la drosophile ou mouche du vinaigre (Drosophila melanogaster ), la majorité des mutations isolées à ce jour, mutations provoquées par mutagenèse chimique, touchent le locus per (period , ou période) situé sur le chromosome X. Les mutants présentent des rythmes circadiens d’éclosion (émergence des mouches adultes hors des pupes) et d’activité locomotrice altérés par rapport aux rythmes de la souche sauvage (fig. 3). Trois types sont observés: des mutants arythmiques, pero ; des mutants dont la rythmicité est maintenue mais avec une période plus courte, pers (s pour short , court; 精 = 18-20 h) ou plus longue, perl (l pour long ; 精 = 28-30 h). Chez ces mutants, la période du chant nuptial du mâle ( 精 = 55 s environ pour la souche sauvage) est également altérée dans le même sens. Une même mutation peut donc toucher des activités rythmiques très différentes, et de période variée, circadienne ou ultradienne.

Plusieurs autres mutations affectant les rythmes de Drosophila melanogaster ont été décrites; elles sont portées soit par le chromosome X, comme Clock (horloge) ou Andante , soit par des autosomes (par exemple timeless , un mutant arythmique, sur le chromosome 2). Chez les mammifères, la caractérisation de mutations qui touchent les rythmes circadiens est beaucoup plus rare. Les mutants tau du hamster doré (Ralph et Menaker, 1988) ont une période circadienne de vingt heures. Les souris mutantes clock homozygotes ont une période circadienne plus longue (25 heures) et la stabilité du rythme n’est pas maintenue en lumière constante (Vitaterna et coll., 1994).

La mise en évidence de mutations affectant les rythmes biologiques est un argument très fort en faveur de leur origine génétique. Ces mutations touchent des gènes que les Anglo-Saxons ont dénommé clock genes , gènes de l’horloge biologique. L’étude de la fonction de ces gènes passe par la caractérisation de leurs produits d’expression, c’est-à-dire des protéines pour lesquelles ils codent. La localisation des sites d’expression dans l’espace (tissu, cellule, compartiment subcellulaire) et dans le temps en particulier doit permettre d’aborder les mécanismes endogènes à l’origine des rythmes.

Synchronisation des rythmes biologiques par l’environnement

Synchronisation et entraînement

L’activité locomotrice circadienne d’une souris en régime photopériodique constant, LD 12: 12, montre un rythme parfaitement synchronisé sur cette alternance lumière-obscurité. Dans ces conditions, le rythme endogène, dont la période propre diffère de vingt-quatre heures, est ajusté pour fonctionner avec une période de vingt-quatre heures exactement. Lorsque le régime photopériodique est modifié, par décalage de phase de six heures par exemple, le rythme se resynchronise en quelques jours sur le nouveau régime photopériodique. Celui-ci entraîne (ou synchronise) donc le rythme biologique, en modifiant sa phase. Un synchroniseur (ou Zeitgeber , donneur de temps) correspond à tout facteur de l’environnement dont les variations cycliques sont capables de modifier la phase ou la période d’un rythme biologique. Cette modification ne peut se faire que jusqu’à un certain point; au-delà, la rythmicité endogène prend le dessus. Avec des synchroniseurs normalement puissants, le rythme circadien endogène peut être entraîné pour des périodes comprises entre vingt-trois et vingt-six heures environ.

Les rythmes circannuels peuvent être également entraînés par un synchroniseur. Le rôle de celui-ci est donc de réaliser l’ajustement parfait du rythme physiologique circannuel, dont la période diffère presque toujours de 365,25 jours, sur l’évolution du temps astronomique. L’effet de la photopériode sur le déphasage du rythme de marmottes déplacées expérimentalement d’un hémisphère à l’autre a été le mieux étudié. Des marmottes ont été maintenues en captivité pendant un an sur leur lieu de capture en Pennsylvanie (États-Unis, 400 de latitude N.), puis amenées en Australie (Sydney, 340 de latitude S.). En Pennsylvanie, le cycle annuel de la masse corporelle présente un maximum en octobre-novembre; deux ans après le transfert, le maximum se situe en avril-mars, le rythme s’est synchronisé sur le régime photopériodique local. Les synchroniseurs peuvent également modifier la période du rythme. Des fauvettes des jardins soumises à des variations saisonnières de la photopériode correspondant à des latitudes de 400 nord muent suivant un rythme annuel exact. Lorsque les variations de photopériode sont réalisées sur un cycle de six mois au lieu de douze, la période du rythme de mue se réduit de moitié.

Hiérarchie des synchroniseurs

Dans les conditions naturelles, les animaux sont soumis à l’action de plusieurs synchroniseurs. Ils sont particulièrement sensibles aux variations d’amplitude de la lumière, de la température et de la nourriture. Dans le cas du rythme d’activité locomotrice de la souris par exemple, c’est l’alternance périodique de la lumière et de l’obscurité qui est le synchroniseur prépondérant. C’est le cas pour de très nombreux rythmes circadiens. Mais d’autres synchroniseurs peuvent prendre le relais. Dans une même enceinte, des souris rendues aveugles et des souris normales ont été maintenues dans des conditions photopériodiques LD 12: 12, à température de 20 0C et en isolement acoustique par rapport à l’extérieur. Dans ces conditions, le rythme repos-activité des animaux aveugles va se désynchroniser ( 精 = 23,5 h) par rapport à celui des animaux clairvoyants ( 精 = 24 h). Mais, si l’expérience se prolonge, on constate au bout de deux à quatre mois que les rythmes circadiens des souris aveugles sont devenus synchrones de ceux des animaux clairvoyants. L’alternance du bruit et du silence liée à l’activité et au repos des animaux clairvoyants est devenue un synchroniseur suffisamment puissant pour entraîner les rythmes des animaux aveugles. Un synchroniseur prépondérant (alternance lumière-obscurité) peut donc être remplacé par un autre synchroniseur, l’alternance bruit-silence, de nature socio-écologique.

Chez l’homme, le synchroniseur le plus puissant est de nature socio-écologique. C’est l’alternance de l’activité, associée à lumière et bruit, et du repos, associé à obscurité et silence, facteurs liés à notre vie sociale et à notre habitat, qui donne à notre organisme ses repères temporels. Ce rythme circadien se met progressivement en place chez le nouveau-né. Il est établi à partir de la seizième semaine, quand le système nerveux est suffisamment développé pour percevoir le synchroniseur social qui correspond à l’alternance présence-absence des parents.

Certaines propriétés fondamentales des rythmes biologiques peuvent en définitive être dégagées:

– ils sont d’origine génétique;

– ils se maintiennent en l’absence de signaux externes et d’informations temporelles;

– la durée de leur période est indépendante, dans certaines limites, de la température ambiante: cela est vrai pour les rythmes circadiens et circannuels, mais généralement pas pour les rythmes ultradiens; l’indépendance des rythmes circadiens vis-à-vis de la température serait nécessaire à la constance de la mesure interne du temps (Pittendrigh, 1976);

– ils peuvent être influencés par les variations cycliques des synchroniseurs, mais dans certaines limites autour de la valeur de leur période.

2. Les rythmes animaux et l’adaptation de l’organisme au milieu

Les cycles majeurs des facteurs de l’environnement se déroulent à l’échelle du jour, de la marée, du mois, de l’année, avec une fréquence prévisible avec précision. Sous la pression de la sélection naturelle, cette prédictibilité a conduit à élaborer des programmes temporels innés qui mettent en phase de nombreuses fonctions vitales (métaboliques ou comportementales) de la cellule ou de l’organisme avec un moment propice du temps extérieur.

Rythmes circadiens

L’existence de rythmes circadiens a été montrée chez pratiquement toutes les espèces, eucaryotes généralement, et à tous les niveaux d’organisation. Ainsi, dans un organisme donné, différentes activités métaboliques se succèdent dans l’échelle des vingt-quatre heures.

La grande majorité des animaux ont un rythme d’activité locomotrice circadien, l’acrophase étant, selon les cas, située le jour ou la nuit. Les animaux sont en effet diurnes (coq...) ou nocturnes (souris, chouette...). Ces rythmes circadiens concernent un individu donné, qui l’exprime de manière répétitive. Les rythmes circadiens qui contrôlent des événements tels que l’éclosion des œufs, l’empupement ou l’émergence des adultes, très couramment observés chez les insectes, ne sont vécus qu’une seule fois pour un individu donné. C’est donc à l’échelle d’une population d’âge varié que le rythme s’exprime. Par exemple, si le nombre de mouches qui éclosent à partir d’une population de pupes de drosophiles, élevées en régime photopériodique LD 12: 12, est compté toutes les heures, et ce pendant plusieurs jours, un pic d’éclosion est enregistré, dans une fenêtre temporelle précise chaque matin. Ce rythme persiste même à l’obscurité permanente (fig. 3 a). Le rythme endogène impose cette fenêtre temporelle (appelée gate par les auteurs anglo-saxons), pendant laquelle l’insecte peut émerger, dans la mesure où toutes les étapes préalables du développement ont été réalisées.

L’alternance lumière-obscurité est le synchroniseur principal des rythmes circadiens. Dans l’environnement naturel, les cycles journaliers de la lumière sont étroitement associés à des cycles thermiques. Il n’est donc pas surprenant que des cycles de température puissent entraîner des rythmes circadiens d’animaux non homéothermes, dans la mesure où la période du cycle diffère peu de vingt-quatre heures. Une différence de 5 0C entre les valeurs extrêmes du cycle est la plupart du temps efficace.

Rythmes tidaux

Les animaux et les végétaux vivant dans la zone de balancement des marées (zone intertidale) sont soumis à des cycles d’exondation et d’immersion. Ces cycles se produisent deux fois par jour lunaire (24,8 h) et entraînent des fluctuations de nombreux facteurs différents (température, pression, agitation mécanique, apports trophiques, intensité lumineuse et salinité). Certaines espèces peuvent être plus actives à marée basse, d’autres à marée haute. Un bon nombre des organismes vivant dans cette zone montrent des rythmes physiologiques ou comportementaux persistants, même lorsqu’ils sont soustraits au cycle des marées en laboratoire. Cela inclut par exemple les migrations verticales des algues unicellulaires, des diatomées et des annélides polychètes, les rythmes d’expansion et de rétraction des anémones de mer, l’activité locomotrice, la consommation d’oxygène et le changement de couleur de nombreux crustacés, l’activité de nage des poissons, etc.

L’une des premières observations d’une activité rythmique en liaison avec le cycle des marées a été faite sur de minuscules vers plats (Convoluta roscoffensis ) qui vivent dans le haut des plages sableuses de Bretagne. Ces vers migrent à la surface à marée basse pendant le jour et s’enfoncent dans le sable à marée haute, et aussi la nuit. Cette activité rythmique est conservée pendant quatre à sept jours lorsque les animaux sont maintenus en aquarium, à peu près en synchronisation avec le cycle des marées de la plage d’origine. Comme dans leur habitat naturel, les vers ne vont pas en surface la nuit, et le rythme persiste en lumière constante mais pas à l’obscurité constante.

L’activité locomotrice de plusieurs espèces de crabes – le crabe vert, Carcinus maenas , familier de nos côtes, et divers crabes violonistes du genre Uca – varie avec le cycle des marées et aussi au cours du nycthémère. Lorsqu’ils sont isolés au laboratoire, dans des conditions constantes de lumière et de température, leur rythme d’activité est maintenu. Les périodes observées sont proches de 12,4 heures, soit la moitié d’un jour lunaire, et correspondent donc à la période du cycle des marées. Elles restent inchangées quelle que soit la température d’expérimentation (entre 10 et 25 0C). À ce rythme circatidal se superpose un rythme circadien, de période différente, ce qui implique la nécessité de «rephasages» périodiques. Ces rythmes affectent également les changements de couleur des crabes violonistes; ils peuvent également être observés dans des pattes isolées du crabe.

À partir des expériences en libre cours, les propriétés des rythmes circatidaux ont été établies:

– leur période est proche de celle du cycle des marées (12,4 ou 24,8 h);

– elle est indépendante de la température;

– le rythme peut être entraîné par des synchroniseurs liés au cycle des marées, comme l’agitation mécanique des vagues, ou la pression hydrostatique (synchroniseur efficace du rythme d’activité du crabe Carcinus maenas ); en général, les rythmes circatidaux véritables ne sont pas entraînés par le cycle lumière-obscurité, mais ce synchroniseur est efficace quand une composante circadienne est présente, comme dans l’exemple du rythme des crabes.

Rythmes de reproduction

La sélection naturelle a favorisé les adaptations qui font que la reproduction a lieu en harmonie avec les variations du milieu et, en particulier, avec les cycles saisonniers de l’environnement physique et trophique. Face aux variations de l’environnement, les animaux vont réagir de deux manières. Soit leurs grandes fonctions physiologiques, et en particulier leur reproduction, sont entièrement dépendantes des facteurs du milieu, et la variation de ces fonctions va suivre directement celle du milieu, soit les organismes peuvent anticiper l’arrivée de la période favorable à la reproduction.

Le cycle («mois») lunaire a une durée d’environ 29,5 jours. Au cours de ce cycle, la lune passe par une phase où elle réfléchit un maximum de lumière solaire, c’est ce que l’on appelle la pleine lune. L’intensité de cette lumière est suffisante pour avoir des conséquences importantes sur la vie de nombreuses espèces animales. Cela signifie que certains événements se produisent pendant une phase précise du cycle lunaire, soit de façon unique au cours de l’année, soit avec une rythmicité qui correspond à un cycle ou à un demi-cycle lunaire. Ces phénomènes sont bien connus pour synchroniser les périodes de reproduction chez divers animaux marins, et en particulier les annélides polychètes.

Dans l’espèce européenne Platynereis dumerilii , les vers sexuellement matures, appelés hétéronereis, montent à la surface, les mâles suivis des femelles, et une danse nuptiale effrénée des partenaires va aboutir à l’émission des gamètes et à la fécondation. Dans la Manche, cet essaimage se produit de juin à septembre, la nuit, au premier et au dernier quartier de la lune. Le rythme lunaire est strictement observé, même si la lune est cachée par des nuages. Lorsque les vers sont maintenus en lumière continue au laboratoire, ils se reproduisent de manière aléatoire pendant tout le mois. Un rythme de reproduction avec une période moyenne de trente-trois jours peut cependant s’établir et se maintenir sous un régime LD 12: 12, si les vers ont été préalablement soumis à une alternance de régimes LD 12: 12 (24 jours) et de lumière continue (6 jours) pendant plusieurs mois. C’est la manifestation d’un rythme endogène circalunaire, dont les mécanismes ne sont pas complètement compris.

Chez les oiseaux et les mammifères vivant dans les zones de moyenne et haute latitudes, la saison la plus favorable pour la survie des jeunes est le printemps. C’est la reprise de l’activité sexuelle qui constitue l’événement déterminant du cycle annuel de reproduction. Pour une espèce donnée, elle doit se produire à un moment précis de l’année, de sorte que les périodes de développement des gonades, celles des manifestations comportementales qui aboutissent à l’accouplement et celles de la gestation (pour les mammifères), soient achevées quand la saison propice aux naissances arrive. Cette anticipation physiologique nécessite que les animaux puissent s’orienter dans le temps, et cette orientation est possible grâce à l’utilisation de repères fournis par les variations cycliques de l’environnement. Les éléments utilisés comme signaux d’anticipation sont appelés facteurs proximaux . Le facteur proximal le plus utilisé par les vertébrés homéothermes, oiseaux et mammifères, paraît être la photopériode, ou plus précisément la durée de l’éclairement journalier, dont les variations annuelles sont absolument régulières et immuables. Cependant, elles ne sont certainement pas suffisantes pour être facilement détectées dans les régions de basse latitude (1 heure de variation annuelle à 10 degrés de latitude). Le contrôle d’une ou de plusieurs fonctions physiologiques par la variation relative de la durée d’éclairement journalier est appelé photopériodisme . Les animaux peuvent utiliser ce repère de plusieurs manières, suivant que l’activité reproductrice saisonnière est sous-tendue on non par un rythme endogène circannuel.

Certaines espèces ont la capacité de se reproduire plusieurs fois dans une année. En dessous d’une certaine durée d’éclairement quotidien, dite critique, l’activité des gonades s’arrête. C’est le cas du hamster doré, pour qui une régression des gonades se produit lorsqu’il est exposé expérimentalement à des durées d’éclairement inférieures à douze heures par jour. Quatre à cinq mois après avoir été placé dans ces conditions, il devient réfractaire à l’effet des courts éclairements, et l’activité des gonades reprend spontanément. Dans les conditions naturelles, la période de reproduction du hamster doré s’achève à la fin de l’été quand le jour, décroissant, devient inférieur à 12,5 heures. Le cycle physiologique résulte seulement de la variation annuelle de la durée de l’éclairement journalier. Un compteur endogène doit donc exister pour apprécier cette durée, mais aucune composante rythmique endogène ne peut être décelée.

Le contrôle des cycles annuels de nombreuses espèces implique un rythme endogène circannuel, plus ou moins marqué suivant les espèces. Les variations saisonnières du temps astronomique sont internalisées, mais une remise à l’heure par les facteurs du milieu est nécessaire. Elle est essentiellement assurée par la photopériode chez les espèces qui vivent dans les régions de moyenne et de haute latitude. Chez les oiseaux, la reprise de l’activité sexuelle est toujours déterminée par l’augmentation de la durée d’éclairement, après le solstice d’hiver. C’est également le cas d’un certain nombre d’espèces de mammifères, dites de «jours longs». Ce sont des espèces qui s’accouplent au printemps ou au début de l’été, et dont la gestation est soit très brève (comme le furet), soit longue (le cheval, par exemple). Les naissances ont lieu au printemps, la même année que l’accouplement pour le furet, ou l’année suivante pour le cheval. Chez d’autres mammifères, c’est la diminution progressive de la durée du jour qui va contrôler l’activation sexuelle; ces espèces sont dites de «jours courts». Le développement des gonades des ovins, des caprins, des cerfs peut commencer après le solstice d’été; les accouplements ont lieu à l’automne. L’activation sexuelle du vison, du renard ou du sanglier ne débute qu’après l’équinoxe d’automne, et les accouplements se situent durant l’hiver. Chez toutes ces espèces, seule la phase de développement des gonades est régulée par la photopériode. L’installation du repos sexuel se produit spontanément après les accouplements. À ce stade, il est impossible de maintenir une activité sexuelle permanente, quel que soit le régime photopériodique utilisé par les expérimentateurs. Les animaux entrent en phase photoréfractaire.

Rythmes et passage de la mauvaise saison

Dans les climats tempérés frais, l’hiver, avec ses températures basses et une disponibilité moindre en nourriture, est une saison défavorable pour les animaux. Deux stratégies principales ont été adoptées par les animaux: rester sur place et résister au froid, ou bien migrer vers des milieux plus chauds et plus riches en nourriture. Avec l’abaissement de la température, l’activité et la dépense énergétique des ectothermes sont fortement ralenties. Oiseaux et mammifères se sont rendus indépendants de ces variations thermiques, en maintenant leur température constante et élevée. Mais cette homéothermie est coûteuse sur le plan énergétique. La plupart des espèces de mammifères maintiennent leur homéothermie, d’autres entrent en hibernation, passant à un état de vie ralentie et réduisant ainsi leurs dépenses énergétiques [cf. HIBERNATION]. De nombreuses espèces d’oiseaux migrent à l’approche de la mauvaise saison vers des milieux plus favorables et reviennent sur leur aire de reproduction au printemps.

Un certain nombre d’espèces peuvent anticiper l’arrivée des conditions climatiques défavorables, utilisant comme indices des facteurs de l’environnement. Les migrations saisonnières des oiseaux ont été les plus étudiées; elles impliquent des rythmes circannuels endogènes, dont le contrôle est essentiellement photopériodique (cf. MIGRATIONS). Le déterminisme de l’installation de la vie ralentie hivernale chez les insectes et les mammifères a fait également l’objet de nombreuses études.

Diapause des insectes

Peu d’invertébrés effectuent des migrations saisonnières; incapables de réguler leur température, soumis au froid, ils entrent en vie ralentie. Celle-ci peut n’être qu’une simple quiescence, qui cesse dès le retour de températures plus élevées. Ce n’est pas le cas de la diapause, forme de vie ralentie de nombreux insectes. Elle s’installe avant les grands froids et ne peut être levée par un retour immédiat à des conditions favorables. Un individu donné ne la subit qu’une seule fois au cours de sa vie à un moment précis de son cycle de développement. Au niveau de l’espèce, dans les conditions naturelles, la diapause s’installe toujours au même stade et à la même période de l’année. C’est principalement l’information donnée par la longueur du jour ou de la nuit qui va déclencher le programme de développement: développement continu ou arrêté en diapause.

La mise en évidence d’une induction photopériodique de la diapause a été réalisée en soumettant différents lots d’animaux à des régimes photopériodiques différents (fig. 4). Deux grands types de réponse peuvent être distingués. Certaines espèces d’insectes ont un développement continu en jours longs et entrent en diapause pour des valeurs de la durée d’éclairement inférieures à une valeur critique (fig. 4 a). La séparation entre photopériodes inhibitrices et inductrices de la diapause est en général très abrupte; parfois même, un changement de dix ou quinze minutes de la durée d’éclairement quotidien modifie de manière significative la proportion de la population qui entre en diapause. Un deuxième type de courbe d’induction photopériodique est observé chez un nombre plus restreint d’insectes qui entrent en diapause sous l’effet d’une durée d’éclairement longue. Ces espèces ont le plus souvent une diapause estivale. Les races bivoltines (à deux générations par an) du ver à soie, Bombyx mori , présentent une diapause embryonnaire hivernale. Les œufs diapausants sont pondus par la mère qui a subi les jours longs de l’été précédent alors qu’elle était encore embryon. L’information photopériodique stockée ne déclenchera donc la réponse physiologique d’arrêt de développement qu’à la génération suivante.

Deux autres facteurs de l’environnement, la température et l’alimentation, peuvent modifier, très inégalement d’ailleurs, la réponse photopériodique. L’action de la température est illustrée sur la figure 4 a pour une noctuelle: la valeur critique de la durée d’éclairement quotidien inductrice de la diapause diminue avec l’augmentation de la température. À température élevée, une forte proportion des insectes ont un développement continu, même s’ils sont exposés à des éclairements courts.

Des populations d’une espèce donnée d’insectes peuvent vivre sous des latitudes différentes, et les différences climatiques s’accentuent quand la latitude augmente, conduisant à une saison de reproduction plus courte. L’adaptation des insectes aux variations géographiques du climat se traduit par des modifications de leur réponse photopériodique. Ainsi les populations les plus septentrionales de la noctuelle Acronycta rumicis (fig. 4 b) entrent en diapause dès que la durée d’éclairement tombe au-dessous de 19,5 heures, alors que pour les individus vivant à 430 de latitude nord la durée critique est de 14,5 heures. Les formes les plus septentrionales, qui ne disposent pour leur développement que du court été subarctique, sont devenues monocycliques, alors que les formes plus méridionales présentent deux générations par an, l’une à développement continu en été, l’autre diapausante en hiver. La valeur de la photopériode critique est un caractère fixé génétiquement.

Hibernation des mammifères

L’existence de rythmes circannuels chez les mammifères a été montrée pour la première fois sur des hibernants, comme le spermophile Spermophilus lateralis . Ils ont été observés chez de nombreuses autres espèces de spermophiles, mais aussi chez le hérisson, le hamster, la marmotte, le lérot, les souris sauteuses. Les facteurs de l’environnement jouent un rôle synchronisateur à la fois pour l’entrée en hibernation et pour la sortie. La photopériode paraît avoir un rôle important chez plusieurs espèces, par exemple chez les marmottes comme l’ont montré les expériences de déplacement. Il apparaît que la photopériode a plus d’influence que la température sur l’entrée en hibernation; c’est l’inverse quant à la durée totale de l’hibernation. La disponibilité alimentaire peut être également un synchroniseur: l’absence de nourriture à l’automne déclenche l’entrée en hibernation du lérot et de la souris sauteuse montagnarde Zapus princeps . Par contre, une autre espèce de souris sauteuse, Z. hudsonius , qui vit en plaine où la nourriture est présente plus longtemps en hiver, n’est sensible qu’à la photopériode. L’écologie des animaux peut ainsi modifier la sensibilité des rythmes aux synchroniseurs, et l’on observe également des variations géographiques entre populations d’une même espèce. Ces variations se transmettent génétiquement. De manière générale, l’entrée en hibernation est d’autant plus précoce et la sortie plus tardive au printemps que l’habitat est situé plus haut, en latitude ou en altitude. Le rythme endogène, cependant, est plus facilement modulable dans les habitats où les conditions climatiques (arrivée du froid, durée de l’enneigement) varient beaucoup d’une année à l’autre. Ainsi, la souris sauteuse montagnarde sort d’hibernation lorsque la neige est fondue, entre le début de mai et la mi-juin suivant les années. La sortie d’hibernation est déclenchée par l’élévation de la température du sol, indicatrice de la fonte des neiges et de la disponibilité en nourriture.

3. Les horloges biologiques et les mécanismes de l’organisation temporelle des animaux

La rythmicité des animaux, en particulier circadienne, repose sur le jeu de mécanismes physiologiques que l’on désigne globalement sous le nom d’horloge interne ou d’horloge biologique , qui permet de mesurer le temps et de donner l’heure. Oscillateur ou pacemaker sont utilisés comme synonymes. Cette horloge doit manifester certaines propriétés, à savoir: osciller suivant une périodicité propre au rythme, sans recevoir d’information ni de signal extérieur; conserver cette périodicité de façon stable; être remise à l’heure et ajustée par des facteurs de l’environnement. Cette dernière propriété implique l’existence de voies d’entraînement, transmettant les signaux de l’environnement à l’horloge pour sa synchronisation. Dans la majorité des systèmes circadiens, une voie d’entrée d’entraînement par la lumière existe, dans la mesure où le cycle lumière-obscurité a un rôle synchronisateur dominant. Des voies de sortie doivent également être présentes, permettant à l’horloge d’exercer son contrôle rythmique au niveau physiologique et comportemental. Étant donné la diversité des pigments photosensibles, des mécanismes de phototransduction et des types de cellules photoréceptrices, l’entraînement par la lumière est très nettement différent d’un organisme à l’autre. La diversité est encore plus grande au niveau des voies de sortie; on peut supposer que des centaines de voies différentes régulées par l’horloge existent, assurant aussi bien le contrôle de la photosynthèse chez les plantes que celui des rythmes physiologiques et comportementaux des vertébrés. Il est clair que les voies d’entrée et de sortie de l’horloge biologique sont spécifiques de chaque organisme, de chaque système.

L’horloge qui gouverne la rythmicité circadienne a été le plus étudiée. Jusqu’à présent, la compréhension de ces différents niveaux n’est complète pour aucun rythme circadien. Deux approches principales ont été utilisées pour étudier les mécanismes cellulaires et moléculaires qui génèrent et régulent les rythmes circadiens: l’analyse des perturbations de l’horloge en utilisant des agents pharmacologiques et des tests biochimiques; l’analyse génétique à partir de mutants de l’horloge biologique. L’analyse génétique est en fait limitée à un petit nombre d’espèces, principalement la drosophile et le champignon Neurospora . Chez les invertébrés supérieurs et les vertébrés, la démarche principale pour l’étude des horloges circadiennes a été de localiser les pacemakers circadiens dans l’organisme, puis d’isoler le tissu correspondant in vitro pour étudier son fonctionnement.

Localisation de l’horloge interne circadienne

Même si la rythmicité circadienne paraît être une propriété fondamentale de l’organisation cellulaire, des horloges circadiennes ont été localisées au niveau de tissus ou d’organes, en particulier dans les centres nerveux des animaux supérieurs. Ainsi, certains tissus ou organes ont développé au cours de l’évolution des fonctions d’«horloge», au même titre que des tissus et des organes se sont différenciés pour assurer des fonctions spécialisées.

Chez les insectes, la présence d’une horloge dans le cerveau a été mise en évidence expérimentalement chez plusieurs espèces. Le rythme circadien d’éclosion de papillons est contrôlé par le cerveau, directement sensible à la lumière. Le pic d’éclosion se situe le matin chez Hyalophora cecropia , et peu avant le crépuscule chez Antheraea pernyii . Si les cerveaux sont interchangés entre les deux espèces, le cerveau prélevé sur H. cecropia étant transplanté dans l’abdomen de A. pernyii et vice versa, le moment de l’éclosion est caractéristique de l’espèce donneur du cerveau. On a pu montrer que le cerveau exerçait son contrôle via une neurohormone, libérée dans le sang pendant une fenêtre temporelle précise. Chez la blatte, des pacemakers pairs situés dans les lobes optiques, couplés fortement entre eux, contrôlent les rythmes circadiens d’activité locomotrice et de sensibilité des yeux composés. Chacun de ces pacemakers symétriques est entraîné par des photorécepteurs situés dans les yeux composés ou à leur proximité. Lorsque la connexion entre les yeux et les lobes optiques du cerveau est lésée, les rythmes circadiens d’activité sont supprimés, mais ils peuvent réapparaître de deux à sept semaines après l’opération, à mesure que les fibres nerveuses sont régénérées.

Chez les mollusques gastéropodes, tels que Bulla ou Aplysia , le lièvre de mer, des neurones responsables de l’activité rythmique circadienne des nerfs optiques ont été caractérisés. Ils sont situés à la base des cellules photoréceptrices de l’œil, et sont apparemment directement sensibles à la lumière. Le rythme circadien des influx nerveux se maintient dans les neurones isolés in vitro, pendant au moins sept jours.

Le système circadien des vertébrés est sous le contrôle d’au moins deux structures cérébrales: la glande pinéale [cf. ÉPIPHYSE] et les noyaux suprachiasmatiques de l’hypothalamus [cf. HYPOTHALAMUS]. La glande pinéale de poulet, de brochet ou de lézard arlequin engendre des oscillations circadiennes de mélatonine lorsqu’elle est isolée in vitro, même à l’obscurité permanente. Ces espèces possèdent ainsi une horloge intrapinéale, qui peut être entraînée par les variations d’éclairement, auxquelles les cellules sont directement sensibles. Ce n’est pas le cas des mammifères, dont la pinéale ne manifeste aucune activité rythmique autonome, et ce sont les noyaux suprachiasmatiques (NSC) qui paraissent jouer un rôle central dans le contrôle de la rythmicité circadienne. La rythmicité intrinsèque persiste dans les NSC isolés chirurgicalement in situ, et en conditions constantes in vitro. La transplantation de NSC embryonnaires qui proviennent de hamsters mutants dans des hamsters normaux adultes, dont les NSC ont été lésés, restaure une rythmicité circadienne, de période propre à celle du donneur. L’information lumineuse parvient à l’horloge des NSC des mammifères via la rétine, transmise directement par le faisceau rétino-hypothalamique.

Existe-t-il une ou plusieurs horloges? Bien que l’hypothèse d’une horloge centrale (master clock ) contrôlant tous les oscillateurs circadiens ait été envisagée pour les oiseaux et les mammifères, des résultats expérimentaux tendent à montrer l’existence d’au moins deux systèmes circadiens. Ainsi, la destruction partielle ou totale des NSC chez le rat ne supprime pas tous les rythmes circadiens, même dans des conditions de lumière continue. L’observation de sujets humains en isolement temporel a montré après deux semaines l’installation, chez le quart des sujets, d’une désynchronisation interne entre le rythme de la température interne ( 精 = 25 h) et le rythme veille-sommeil ( 精 = 33,4 h) [fig. 2]. Ces résultats ont été expliqués par la présence de deux oscillateurs ayant des périodes différentes: un oscillateur faible contrôle le rythme veille-sommeil, un oscillateur fort celui de la température, ces deux oscillateurs étant couplés.

Organisation fonctionnelle des horloges circadiennes

Les recherches sur la rétine des mollusques ont apporté l’information la plus détaillée actuellement sur les processus et les voies impliqués dans la synchronisation et l’expression des rythmes circadiens. L’horloge circadienne comprend un ensemble de composants oscillants qui forment un réseau de neurones, couplés électriquement, et des éléments de transduction, non nécessairement oscillants, qui font la médiation entre des éléments oscillants les uns sur les autres. On a pu montrer que des neurones de la base de la rétine de Bulla , isolés en culture tissulaire, sont capables d’osciller sous la forme de modifications journalières de la conductance membranaire. Cependant, certaines propriétés de base de la rythmicité circadienne, comme l’entraînement et la compensation en température, n’ont pu être obtenus in vitro sur une seule cellule. Mais le modèle est prometteur. La phase de l’oscillateur circadien de l’œil est régulée par deux systèmes d’entraînement distincts. Une voie apporte l’information lumineuse en provenance de l’environnement, elle agirait plutôt par la mise en jeu d’un second messager (GMP cyclique ou calcium). Une seconde voie d’entraînement transporte des informations en provenance du système nerveux central, son effet passe par la libération de sérotonine dans l’œil. Certaines protéines sont activées par la sérotonine d’une manière phase dépendante, et des inhibiteurs de la traduction provoquent des changements de phase importants et une modification du rythme de l’œil d’Aplysia . Des protéines spécifiques pourraient ainsi être des composants moléculaires de l’oscillateur circadien. Plusieurs protéines sont des candidats potentiels, mais l’étude de leur régulation est difficile dans ce modèle de mollusque où les outils génétiques ne sont pas disponibles.

Chez les mammifères, la nature de l’horloge circadienne a été recherchée dans les NSC, grâce à de très nombreuses études neurobiologiques qui utilisent en particulier des tranches fines de cerveau ou des cultures cellulaires in vitro. La question fondamentale à résoudre est la suivante: l’horloge circadienne est-elle une propriété intracellulaire ou le résultat d’interactions entre cellules? Une activité électrique propagée est nécessaire à l’expression de la rythmicité circadienne. Les résultats obtenus en utilisant une drogue, la tétrodotoxine, qui bloque les potentiels d’action et les potentiels synaptiques, suggèrent que la voie d’entrée par la rétine et les voies de sorties de l’horloge sont dépendantes de la propagation de potentiels d’action. Par contre, celle-ci n’est pas nécessaire à la génération des oscillations, l’horloge «garde son temps». Si la communication intracellulaire au sein des NSC est à la base du fonctionnement de l’horloge biologique, elle se fait par d’autres moyens. Les résultats de nombreuses études structurales et électrophysiologiques ne permettent pas, actuellement, de donner de réponse concluante. Il ressort néanmoins que le couplage entre les cellules et leur synchronisation (par des flux ioniques, par des neurotransmetteurs comme le GABA, etc.) sont nécessaires à la cohérence de l’horloge. Certains modèles de l’horloge des mammifères postulent qu’un ensemble d’auto-oscillateurs ultradiens (avec une période de l’ordre de la minute), interagissant entre eux, pourraient servir de base à la construction d’un oscillateur circadien. Des oscillations calciques avec une période de huit à vingt secondes ont été enregistrées dans des neurones et astrocytes des NSC; elles peuvent se produire ou disparaître, ou encore changer leur période sous l’action de différents neurotransmetteurs (GABA, glutamate ou sérotonine). Cependant, aucune preuve expérimentale décisive n’a encore été apportée pour aucun modèle théorique de l’horloge circadienne des mammifères. L’importance de la nécessaire synthèse de macromolécules dans le fonctionnement de l’horloge a été également montrée chez les mammifères. L’exposition à la lumière induit une forte expression du proto-oncogène c-fos chez plusieurs espèces de rongeurs. L’augmentation des taux d’ARN messagers (ARNm) c-fos chez le hamster se produit dans une zone des NSC qui reçoit les afférences rétiniennes, en réponse à un éclairement pendant la nuit subjective. Des corrélations temporelles ont pu être établies entre les effets de la lumière sur le déphasage des rythmes d’activité et sur l’expression de c-fos , gène précoce immédiat. Elles suggèrent que ces effets sont régulés par le pacemaker circadien lui-même. Il est connu que la protéine FOS interagit avec d’autres molécules pour former le facteur de transcription AP-1. Des expériences complémentaires suggèrent que l’entraînement par la lumière chez les mammifères impliquerait des processus de transduction du signal régulés par la transcription de certains gènes.

Bases moléculaires de la rythmicité circadienne

C’est essentiellement grâce à l’analyse génétique de la drosophile et du champignon Neurospora que nos connaissances sur les bases moléculaires de l’horloge biologique ont le plus progressé.

Chez la drosophile, le gène per a été isolé et séquencé, il code pour une protéine appelée PER. Celle-ci a été localisée, par immunohistochimie, dans de nombreux tissus de la drosophile à différents stades de développement; elle se révèle être, généralement, localisée dans le noyau des cellules. Dans les cellules du système visuel et du système nerveux de la mouche adulte, les taux de la protéine PER varient selon un rythme circadien, la protéine est phosphorylée avec un rythme circadien, et PER est observée dans les noyaux pendant la nuit, mais non en fin de journée. Les ARNm transcrits à partir du gène per fluctuent également cycliquement, leurs quantités sont maximales en fin de journée, précédant de huit heures environ l’expression maximale de la protéine, et minimales en fin de nuit. Les mutations pero , pers et perl , qui altèrent la rythmicité d’éclosion des mouches, produisent des modifications des rythmes des quantités d’ARN et de protéine PER dans le même sens, respectivement suppression du rythme, raccourcissement et allongement de la période. Ces résultats suggèrent que les oscillations moléculaires du gène per pourraient avoir un rôle dans l’établissement des rythmes circadiens de comportement. Un modèle a été proposé qui fait intervenir une boucle de régulation négative, où la protéine PER inhibe la transcription de son propre gène et peut-être celle d’autres gènes (Hardin et coll., 1992). Chez d’autres mouches arythmiques mutantes timeless (tim ), la protéine PER n’est plus transportée dans le noyau des cellules du système nerveux central, et la transcription des ARNm de per n’est plus rythmique. Une protéine codée par tim pourrait interagir avec la protéine PER pour faciliter son entrée dans le noyau. La localisation nucléaire de PER limitée à un certain moment de la journée serait à l’origine des signaux rythmiques influençant la transcription du gène per . Ainsi, un seul mécanisme intracellulaire, l’interaction entre tim et per , apparaît comme central dans la génération des rythmes circadiens chez la drosophile.

Mesure photopériodique du temps

Les rythmes circannuels de reproduction, d’hibernation des mammifères, de migration des oiseaux et la diapause des insectes sont régulés par le photopériodisme naturel. L’hypothèse initiale de Bünning (1936), relayée par les travaux de plusieurs auteurs, a conduit à la notion de mesure photopériodique du temps, c’est-à-dire à la capacité pour une espèce de faire la discrimination entre des jours courts et des jours longs ou entre des nuits courtes et des nuits longues. De manière conceptuelle, la réponse photopériodique résulte d’un processus en quatre étapes impliquant: un transducteur de l’information lumineuse apportée par le cycle photopériodique; une horloge pour la mesure du temps photopériodique; éventuellement un compteur qui accumule l’information sur la longueur du jour ou de la nuit dans les cycles lumière-obscurité successifs jusqu’à un total requis; un effecteur physiologique. Dans quelle mesure le photopériodisme implique-t-il une composante circadienne? Cette question a été et est encore débattue. La difficulté méthodologique tient au fait que l’oscillation endogène, potentielle, est un phénomène cyclique caché, sans paramètres concrets dont les variations soient directement mesurables au cours du temps.

Modèles

Différents modèles analogiques ont été proposés pour tenter de comprendre les mécanismes sous-jacents. Leur validation expérimentale a été réalisée par une méthodologie particulière dont on a retenu trois modèles principaux.

Le premier modèle est fondé sur un mécanisme de type «sablier»: l’organisme mesure la durée totale de la période de lumière ou d’obscurité. Ce donneur de temps s’arrête après un cycle de mesure et doit être réactivé chaque jour par la lumière; il cesse de fonctionner en conditions constantes. La réponse photopériodique dépend de la durée de la phase claire ou de la phase obscure du cycle journalier, elle doit atteindre une certaine valeur critique pour être efficace. Ce modèle permet d’expliquer les réponses photopériodiques des lézards et de certains insectes pour leur entrée en diapause, mais pas celles des oiseaux et des mammifères. La photorégulation de leurs cycles annuels fait intervenir un rythme circadien de réponse à la lumière.

Le deuxième modèle repose sur l’existence d’un cycle circadien de la photosensibilité composé de deux phases dont l’une seulement est photosensible. Cette hypothèse de Bünning a donné lieu à l’élaboration du modèle à coïncidence externe (Pittendrigh, 1964). La lumière joue un double rôle. Par l’alternance du jour et de la nuit, elle entraîne le rythme endogène de photosensibilité sur une période de vingt-quatre heures. En outre, elle a un rôle inducteur; selon que la phase lumineuse externe est ou n’est pas en coïncidence avec une phase de photosensibilité du rythme, l’organisme interprète la photopériode comme un jour long ou court respectivement, et la réponse photopériodique peut être exprimée.

Dans un troisième modèle, dit à coïncidence interne , la lumière agit seulement comme synchroniseur. Elle entraînerait au moins deux oscillateurs circadiens contrôlant la réponse photopériodique. L’induction de la réponse résulterait des relations de phase entre ces oscillateurs circadiens endogènes, qui déterminent une coïncidence interne. Les relations de phase peuvent varier suivant les régimes photopériodiques, et certains oscillateurs sont entraînés par la transition nuit-jour (aube), d’autres par le passage du jour à la nuit (crépuscule).

Preuves expérimentales

L’implication du système circadien dans la mesure photopériodique du temps a été démontrée par deux approches expérimentales. L’une s’est attachée à élucider les mécanismes nerveux et endocrines impliqués dans le contrôle photopériodique. La seconde a consisté à exposer les animaux, ou les plantes, à une grande variété de cycles inhabituels de lumière-obscurité, et à déterminer ensuite si le cycle était interprété comme un jour (ou une nuit) long(ue) ou court(e), en fonction des effets observables.

La mesure des variations circadiennes de photosensibilité fait intervenir le protocole des «créneaux de lumière». Plusieurs lots d’animaux sont exposés chaque jour à la même durée de lumière (de 4 à 6 heures) et d’obscurité. Un lot reçoit la lumière en une seule fois. Pour les autres lots, la lumière est donnée en deux fois: une partie principale et un éclairement bref (ou créneau, typiquement de 15 à 60 minutes) qui interrompt la phase d’obscurité à des moments différents dans chaque lot. S’il existe des variations quotidiennes de la photosensibilité, les créneaux n’auront pas le même effet suivant leur position. Seuls certains créneaux de lumière seront en coïncidence avec la phase de photosensibilité, et la réponse observée dans ces lots sera celle que les sujets auraient donnée si l’éclairement avait été maintenu constant jusqu’au créneau. Chez un mammifère qui se reproduit en jours longs, comme le furet, l’activité testiculaire reprend lorsque les créneaux lumineux sont situés entre douze et seize heures après la transition obscurité-lumière; elle est inhibée chez le vison, espèce qui se reproduit en jours courts (fig. 5). L’application de cette méthode a permis de montrer l’existence d’un cycle journalier de photosensibilité chez de nombreuses espèces, qui intervient dans la photorégulation du développement des gonades des mammifères ou des oiseaux et dans l’entrée en diapause des insectes. Chez les espèces de jours longs, la réponse photopériodique se produit lorsque la durée de l’éclairement recouvre la phase de photosensibilité, c’est-à-dire lorsque la longueur du jour augmente, après le solstice d’hiver dans les conditions naturelles. À l’opposé, la coïncidence entre la photophase et la phase de photosensibilité inhibe l’activité des gonades des mammifères de type «jours courts», ou l’entrée en diapause chez les insectes où celle-ci est induite par les jours courts.

Les résultats du protocole des créneaux de lumière démontrent l’existence d’un cycle de photosensibilité sur vingt-quatre heures, mais pas celle d’un rythme circadien endogène. L’hypothèse que les cycles lumière-obscurité pourraient générer le cycle de photosensibilité ne peut être rejetée. La démonstration de l’existence d’un rythme endogène de photosensibilité relève d’un autre type d’expérimentations, la méthode de résonance . Différents protocoles ont été mis au point, qui utilisent des cycles photopériodiques de période supérieure à vingt-quatre heures avec des nuits longues. Suivant le protocole de Nanda-Hamner (fig. 6), les cycles photopériodiques comportent une courte durée d’éclairement fixe et une phase obscure qui est augmentée pour chaque groupe expérimental par incréments successifs afin de donner des cycles lumière-obscurité de période de soixante heures ou davantage. Si la réponse photorégulée n’est déclenchée que par certains régimes photopériodiques, on peut conclure que la photosensibilité est d’origine endogène. En effet, ni la durée de l’éclairement, ni celle de l’obscurité, ni le rapport des deux ne sont le facteur qui détermine l’induction de la réponse photopériodique. Les résultats sont interprétés par l’existence d’un rythme circadien de photosensibilité, qui est synchronisé à chaque transition lumière-obscurité mais se met en libre cours quand l’obscurité est maintenue. Il entre régulièrement en résonance avec certains cycles de lumière-obscurité, dont les périodes sont distantes de vingt-quatre heures (fig. 6), donnant lieu alors à coïncidence entre photophase et phase de photosensibilité. Cette méthodologie a permis de révéler l’origine endogène d’un rythme de photosensibilité chez de très nombreuses espèces d’oiseaux, mais aussi chez des mammifères et des insectes. Des modèles formels récents de l’«horloge photopériodique» soulignent cependant les limites de ce type de méthodologie, certains prédisant qu’une horloge fortement amortie, et même de type sablier, pourrait générer des courbes de résonance.

L’étude du contrôle nerveux et endocrine des réponses photopériodiques chez les vertébrés a mis en évidence l’importance de la pinéale et de la sécrétion de la mélatonine par cette glande [cf. ÉPIPHYSE] comme composante du système circadien de mesure photopériodique du temps. La mélatonine est sécrétée uniquement à l’obscurité, et la durée de sa sécrétion est fonction de la durée de la phase obscure. Indicateur de la nuit et de la longueur de la nuit, la mélatonine assure le rôle de médiateur de l’information photopériodique. Des récepteurs membranaires à la mélatonine ont été mis en évidence dans les NSC des mammifères, et l’hormone pourrait par leur intermédiaire exercer son action sur l’horloge biologique.

4. Les rythmes biologiques chez les végétaux

Une approche concrète de la notion de rythme chez les végétaux nous est fournie par l’observation de structures périodiques dans lesquelles on voit la marque de processus répétitifs. Ces structures périodiques se rencontrent à tous les niveaux d’organisation. À l’échelle cellulaire et subcellulaire, il est commun d’observer la striation des amyloplastes, des parois cellulaires, des cuticules ou des bandes de Caspary dans les cellules de l’endoderme des racines. À l’échelle tissulaire, l’exemple le plus significatif est celui des cernes d’accroissement des arbres. Si l’on se place à l’échelle de la plante entière, la succession en alternance des nœuds et des entre-nœuds est le reflet du mode de fonctionnement rythmique du méristème apical de la tige.

Le fait qu’on puisse distinguer une striation ou une zonation est le signe de l’existence de gradients dans les dépôts formés. Dans un poil de coton, la striation observée est attribuée à un changement d’orientation des microfibrilles de cellulose qui se répète toutes les vingt-quatre heures pendant la durée d’élaboration de la paroi secondaire du poil, soit durant vingt-quatre jours. Un tel agencement des microfibrilles, qui suppose l’intervention du flux exocytaire et du cytosquelette (Robert et Roland, 1989), n’est pas propre au poil de coton. On l’observe aussi dans les cellules pierreuses de la poire, dans les tissus collenchymateux ou épidermiques ou encore dans les parois de cellules d’algues. La striation des amyloplastes est vraisemblablement liée à des différences dans la richesse en amylose et en amylopectine déposées entre le début et la fin de la journée.

Le même constat peut être fait au sujet de l’édification des cernes dans le bois des arbres. La zonation est apparente en raison de l’hétérogénéité des constituants du cerne. Au printemps, au moment de la reprise d’activité du cambium, les vaisseaux ou trachéides formés ont un diamètre très supérieur à ceux qui apparaissent plus tard. Un gradient décroissant s’établit entre ce qu’il est convenu d’appeler le bois initial et le bois final. Le même processus se répétant chaque année, une zonation concentrique s’établit, qui donne les cernes. Leur structure est suffisamment spécifique pour qu’elle constitue un critère d’identification des arbres à partir de coupes transversales dans le bois (C. Jacquiot et coll., 1973) en même temps qu’un marqueur temporel. On a montré, par ailleurs, que la largeur du cerne est tributaire de la quantité d’eau et de matières nutritives accumulées à la fin de l’été précédent et des conditions climatiques qui règnent au moment de son édification. Le cerne intègre donc un grand nombre d’informations, et la dendrochronologie (dont l’objet est d’analyser la structure des cernes) peut restituer ces informations. En confrontant les résultats à ceux qui sont fournis par les référentiels déjà élaborés, il devient possible de dater des bois ou des événements anciens, de retrouver les caractéristiques de climats passés ou encore de localiser dans le temps des événements physiologiques comme le dépérissement des arbres forestiers.

Si la relation espace-temps est bien établie dans les deux exemples qui viennent d’être analysés où l’on a vu se former des stries d’accroissement journalières et des cernes annuels, il n’en est pas toujours ainsi. La succession alternée de bandes vert clair et de bandes vert sombre le long des feuilles de certains Sansevieria , c’est-à-dire de zones pauvres et de zones plus riches en chlorophylle, est un autre exemple de structure périodique, mais, dans ce cas précis, il n’est pas évident que l’édification de chaque cycle se réalise sur une durée déterminée. En conséquence, la notion de marqueur temporel ne peut pas s’appliquer ici.

Une seconde approche de la notion de rythme chez les végétaux consiste à suivre au cours du temps l’évolution des paramètres qui caractérisent une fonction donnée ou un ensemble de fonctions (croissance, photosynthèse, reproduction, etc.).

La collecte des informations sous la forme de séries temporelles représente un travail de longue haleine, heureusement facilité aujourd’hui par la mise en œuvre de dispositifs automatiques d’acquisition de données ou de chaînes de mesure et de techniques d’analyse mathématique variées (J. De Prins et B. Hecquet, 1992).

Le tableau 1 donne une idée de la diversité des processus rythmiques rencontrés chez les végétaux, qu’il s’agisse du niveau d’organisation, du phénomène observé et de la durée de la période.

Le recensement des activités périodiques qui se manifestent au sein d’une cellule ou d’un organisme pluricellulaire permet de dresser la carte de son organisation temporelle sous la forme d’un chronotype. Celui qui est présenté ici (tabl. 2) ne se rapporte qu’à une seule fonction physiologique et à une seule catégorie de rythmes, mais on peut aussi faire état, pour une même fonction, des différentes fréquences rencontrées. Ainsi, lorsqu’on prend la peine de mesurer sur une longue durée la croissance en longueur d’une tige de fève, on identifie un rythme ultradien ( 精 = 3 h), un rythme circadien ( 精 = 24 h) et trois rythmes infradiens de période 精 respectivement égale à 2,5 jours, 5 jours et 11 jours.

Caractéristiques et propriétés

Le caractère ubiquiste des processus rythmiques rencontrés dans le monde vivant fait que la nomenclature, les définitions, la classification des rythmes et les propriétés des différents paramètres (période, amplitude, phase) s’appliquent aux végétaux comme aux animaux et à l’homme (cf. supra ).

On se limitera ici à mentionner quelques points de détail. L’étude de certains modèles végétaux a en effet permis de conforter des données déjà acquises mais mises en doute par certains auteurs et, à l’inverse, de nuancer certaines affirmations trop péremptoires.

Des expériences conduites en conditions contrôlées concernant la rythmicité de croissance de diverses espèces (Citrus , tomate, fève) ont montré qu’au sein d’une population de plantes la période du rythme de croissance est soumise à une certaine variabilité. Si un ou des «facteurs subtils», au sens de F. Brown (1969), étaient responsables de la rythmicité observée, la période mesurée serait la même pour toutes les plantes de la population, ce qui n’est pas le cas. On est donc en droit de penser que la rythmicité a une composante endogène.

On a considéré pendant longtemps, probablement faute de données, que la rythmicité circadienne était l’apanage des cellules eucaryotes. Or, récemment, on a mis en évidence, chez une cyanobactérie du genre Synechococcus , un rythme d’absorption des acides aminés dont la période est proche de vingt-quatre heures et compensée en température (T. C. Huang et coll., 1990).

L’indépendance de la durée de la période à l’égard de la température est souvent présentée comme une caractéristique majeure des rythmes circadiens les opposant aux rythmes non circadiens. Des données récentes viennent bouleverser cette règle qui paraissait pourtant bien établie. On sait aujourd’hui, par exemple, que la période du rythme circadien de production d’oxygène par les cellules d’Acetabularia n’est pas compensée en température entre 15 et 25 0C (Berger et coll., 1992) et qu’à l’inverse la période du rythme ultradien d’activité tyrosine amino-transférase chez l’Euglena gracilis (Balzer et coll., 1989) est compensée.

De même, l’influence synchronisatrice des variations périodiques des facteurs de l’environnement sur la manifestation des rythmes circadiens n’a pas un caractère absolu. Ainsi, la période des oscillations de croissance chez la tomate, qui n’est pas non plus compensée en température, est un peu différente de vingt-quatre heures, même lorsque les plantes sont cultivées sous un régime photo-thermopériodique de vingt-quatre heures exactement (Assaad, 1985).

Il est bien établi maintenant que ces caractéristiques ont un fondement génétique. Dès 1935, Bünning a isolé des mutants de haricot dont les mouvements foliaires avaient une période différente de celle qu’il mesurait chez le type normal. Les croisements qu’il a effectués ont permis de conclure au caractère polygénique de la mutation. Depuis cette date, les informations se sont accumulées. On dispose aujourd’hui, tant dans le monde animal que dans le monde végétal, aussi bien de mutants de phase que de mutants de période, chez les cyanobactéries comme chez les organismes eucaryotes. Des progrès considérables ont été obtenus, en ce qui concerne notamment les rythmes circadiens, en utilisant des algues unicellulaires (Chlamydomonas ) et des champignons (Neurospora ), mais on obtient aussi des résultats prometteurs avec Arabidopsis , qu’on présente souvent comme «la drosophile des botanistes», ou avec des lignées génétiquement définies de tabac.

Chez Neurospora , l’analyse génétique classique du rythme de production des conidies a conduit à identifier sept loci qui sont impliqués dans la régulation de la rythmicité circadienne, et qui ne concernent qu’elle. En effet, la morphogenèse est le plus souvent normale. La période du rythme est tantôt supérieure, tantôt inférieure à vingt-quatre heures. Selon les cas, la compensation thermique est maintenue ou perdue. Les recherches engagées à l’échelle moléculaire ont montré que la quantité d’ARNm total préparé à partir d’extraits mycéliens appartenant aux souches frq + et frq 7 pour lesquelles la période du rythme de production des conidies est respectivement de 21,5 et 29 heures varie également de manière circadienne (fig. 7).

Il en est de même chez les végétaux supérieurs. L’oscillateur endogène contrôle les différentes fonctions et l’expression rythmique de plusieurs gènes nucléaires (Lumsden, 1991). Son implication dans la photosynthèse est démontrée, et la régulation qu’il exerce est interprétée comme une préparation à l’activité photosynthétique durant le jour, donc comme une régulation adaptative. Le gène cab , gène nucléaire qui code pour les protéines de l’antenne collectrice, appelé maintenant LHC (abréviation de light harvesting complex ), a servi de modèle. Chez le pois et la tomate, ou encore chez Arabidopsis , les ARNm résultant de la transcription s’accumulent aussi de manière circadienne lorsque les plantes sont cultivées sous un régime d’éclairement alterné (12 heures de lumière pour 12 heures d’obscurité), mais aussi après leur transfert en lumière continue (fig. 7). Cela signifie que la vitesse de synthèse ou de dégradation (ou leur combinaison) de ces ARNm est modifiée de manière périodique. Lorsque ce gène est transféré chez le tabac, la rythmicité se manifeste chez les plantes transgéniques.

Mécanismes et modèles de fonctionnement

Les mécanismes de la mesure du temps par les êtres vivants sont loin d’être totalement compris. Les données fournies par la biologie moléculaire apportent des informations nouvelles. Elles devraient faciliter la compréhension du fonctionnement rythmique des cellules ou des plantes sur lesquelles ont porté les études génétiques: algues unicellulaires (Vanden Driessche, 1994), champignons et plantes supérieures.

La première question qui se pose aux chronobiologistes est celle de savoir où se situe le mécanisme oscillant dans la cellule ou dans l’organisme. Si les noyaux suprachiasmatiques de l’hypothalamus et la glande pinéale jouent chez les animaux un rôle de premier plan certes mais non exclusif dans la genèse et le contrôle de la rythmicité circadienne, qu’en est-il chez les végétaux dépourvus de ces structures spécialisées? L’oscillation est vraisemblablement le résultat des interactions entre plusieurs constituants cellulaires. Un exemple classique nous est fourni par l’étude des oscillations glycolytiques décrites par Chance et ses collaborateurs en 1967. Ces oscillations peuvent être observées in vitro sur des extraits acellulaires de levure auxquels on ajoute du glucose en continu. Elles se manifestent par une variation de la concentration en nicotinamide réduite (NADH) ou oxydée (NAD+). La période varie de trente secondes en moyenne in vivo à quelques minutes (3 ou 4) in vitro. Au cours de cette réaction, une trentaine d’enzymes interviennent pour convertir le glucose en alcool (cf. RÉGULATION MÉTABOLIQUE). Le caractère oscillant du système est dû aux propriétés allostériques de la phosphofructokinase (PFK): l’activation de la PFK par le F-1,6 P entraîne un accroissement de la synthèse de F-1,6 P (rétroaction positive) et, parallèlement, une diminution de la production de F-6 P (rétroaction négative). S’il peut expliquer la genèse d’oscillation de période courte, ce modèle peut difficilement rendre compte à lui seul de la rythmicité circadienne. Il faudrait alors faire intervenir un processus de démultiplication de fréquences ou un couplage entre oscillateurs multiples. Il est vrai que, dans les cellules eucaryotes, la compartimentation cellulaire impose des coopérations en réseau, ne serait-ce qu’au niveau énergétique. C’est le point de vue défendu par Sel’Kov (1975) et E. Wagner (1976). Pour eux, les fondements de la rythmicité circadienne résident dans le couplage d’oscillations à haute fréquence du métabolisme énergétique générant un rythme circadien de transduction de l’énergie.

Une multitude de données convergentes indique que les systèmes membranaires constituent un élément essentiel de la rythmicité, circadienne ou non circadienne. Deux exemples peuvent être analysés dans le détail pour montrer comment ils interviennent.

Les acétabulaires, algues marines, manifestent un rythme circadien d’activité photosynthétique. L’emploi d’inhibiteurs spécifiques (actinomycine D, puromycine, cycloheximide) a permis d’établir que le rythme de production d’oxygène est déterminé par le génome nucléaire et qu’il est régulé au niveau de la traduction par les ribosomes 80 S. Les expériences conduites avec des pulses de cycloheximide permettent de situer, au cours du cycle circadien, le moment où la synthèse protéique est perturbée. Pour Schweiger, une ou plusieurs protéines indispensables au fonctionnement de l’oscillateur circadien sont synthétisées à un moment donné du cycle et intégrées dans les membranes. Cela entraîne une modification des caractéristiques fonctionnelles de ces membranes, principalement de leur perméabilité et de leur capacité à transporter des ions et des molécules, avec pour conséquence l’arrêt de la synthèse protéique par les ribosomes 80 S. Après turnover des protéines intégrées, la membrane revient à son état initial, et le cycle recommence.

Schweiger et son équipe (S. Berger et coll., 1987) ont mis en évidence une protéine dont le poids moléculaire est de 230 kilodaltons, qui est la seule sur les profils électrophorétiques dont la vitesse de synthèse oscille avec une période d’environ vingt-quatre heures en conditions constantes. Elle est synthétisée approximativement six heures avant que la production d’oxygène n’atteigne son maximum, ce qui est en accord avec le modèle proposé.

Le second exemple est un peu différent, car il met en jeu non plus une seule cellule mais un ensemble de cellules, celles des pulvinus. Les pulvinus ou renflements moteurs correspondent à la zone différenciée qui constitue l’articulation du pétiole avec la tige (pulvinus primaire), avec le limbe foliaire (pulvinus secondaire) ou avec les folioles des feuilles composées (pulvinus tertiaire). Les mouvements foliaires répondent aux caractéristiques communes des rythmes circadiens déjà rappelées. Ils sont la conséquence de modifications périodiques de la turgescence des cellules du parenchyme cortical du pulvinus. Quand les cellules situées à la face inférieure du pulvinus des feuilles de haricot – cellules «extensor» – augmentent leur turgescence et s’allongent, le limbe se place en position horizontale. C’est la position qu’il occupe le jour. Quand ces mêmes cellules perdent leur turgescence et que les cellules de la face opposée – cellules «flexor» – augmentent la leur, le limbe s’incline vers le bas, position qu’il prend la nuit.

Pour expliquer le processus rythmique, il faut pouvoir rendre compte des modifications régulières qui surviennent dans le degré de turgescence des cellules. Des variations de turgescence supposent des mouvements d’eau auxquels il faut trouver un moteur. Dans le cas présent, ce sont les déplacements d’ions K+ et Cl mais aussi du malate de part et d’autre du plasmalemme et du tonoplaste qui semblent jouer ce rôle. Pour Satter, le mouvement des ions à travers le plasmalemme est la conséquence de la mise en route d’une pompe à protons transportant les ions H+ hors de la cellule, tout au moins dans l’apoplasme. Le fonctionnement de cette pompe à protons crée une force protomotrice à travers le plasmalemme qui consiste en une différence de potentiel électrique et un gradient de pH. La première entraîne l’absorption des cations, notamment K+, le second celui d’anions, tels que Cl, et de molécules de saccharose via un système de cotransport H+. La rythmicité trouve donc son fondement dans le fonctionnement de la pompe à protons. Cette manière de voir est attestée par le fait que les cellules flexor et extensor libèrent des ions H+ à tout moment, mais seul le tissu extensor le fait de manière rythmique (Kim, 1993).

Un ou plusieurs mécanismes

La manifestation d’un rythme à l’échelle d’un organe, a fortiori d’une plante entière, pose le problème de savoir si un mécanisme central coordonne les activités temporelles de chaque cellule ou si chaque cellule dispose de son propre système de mesure du temps. Chez les algues unicellulaires, où une seule cellule remplit toutes les fonctions de l’organisme, plusieurs rythmes ayant entre eux une relation de phase peuvent être observés. Un seul et même oscillateur règle-t-il ou non le fonctionnement de tous les rythmes rencontrés? On a démontré tout récemment (Roenneberg et Morse, 1993) qu’il y avait au moins deux oscillateurs chez Gonyaulax , l’un contrôlant la bioluminescence, l’autre le comportement de nage. Chez les végétaux supérieurs, la différenciation introduit un degré de complexité supplémentaire. On peut trouver dans une même plante ou dans le même organe plusieurs rythmes de période différente. Ainsi, en plus de leur mouvement nycthéméral ( 精 = 24 h), les feuilles primaires du haricot manifestent un mouvement de rotation rapide autour de l’axe représenté par le pétiole et la nervure médiane du limbe ( 精 = 100 min à 25 0C). Lorsqu’on soumet les plantes à des températures différentes, la période du rythme circadien n’est pas sensiblement modifiée, celle du rythme ultradien est au contraire fortement dépendante de la température (Q10 = 2). On voit mal dans ces conditions comment ces deux rythmes pourraient être contrôlés par le même oscillateur.

Une avancée sensible dans la compréhension des mécanismes qui génèrent la rythmicité doit être attendue d’une collaboration avec les autres disciplines. Ainsi, les modèles mathématiques indiquent que le couplage d’oscillateurs chaotiques peuvent engendrer des oscillations à période longue très régulières (Klevecz et coll., 1991; Klevecz, 1992). Cela fait dire à Llyod et Rossi (1993) que les oscillations ultradiennes seront bientôt au centre des préoccupations. Les résultats obtenus jusqu’ici – qui portent presque exclusivement sur des rythmes circadiens – doivent être réexaminés sous cet angle.

Applications

La fonction biologique des mécanismes de mesure du temps chez les végétaux se manifeste de différentes manières.

Le fait que les activités de la cellule ou de la plante soient rythmiques et qu’elles soient organisées dans le temps permet à l’organisme de fonctionner avec une demande en énergie plus réduite que si ces activités se déroulaient simultanément et avec une intensité maximale.

Le rôle joué par les facteurs du milieu au cours du développement chez les végétaux est de première importance. L’existence d’un mécanisme de mesure du temps permet à l’organisme d’anticiper les variations quotidiennes ou annuelles des conditions de l’environnement. Dans le cas des mouvements foliaires circadiens, les changements d’orientation du limbe précèdent l’arrivée de l’aube ou du crépuscule. La floraison des espèces photopériodiques est dépendante de la longueur du jour [cf. PHOTOPÉRIODISME] au point que, comme l’a écrit Baillaud (1971), on a ici l’exemple d’«un rythme annuel commandé par une “horloge” circadienne». E. Njoku (1958) signale des espèces capables de mesurer des écarts de quinze minutes dans la longueur du jour. C’est cet écart qui décide du passage de l’état végétatif à l’état reproducteur au moment de l’année le plus favorable à la reproduction. Queiroz et Brulfert (1982) ont montré que le passage d’un métabolisme photosynthétique de type C3 au type CAM chez Kalanchoe sous le contrôle de la photopériode permet à la plante de supporter une contrainte hydrique saisonnière. La dormance des graines et des bourgeons, processus qui revêt un caractère annuel, a aussi un rôle adaptatif évident en conservant à l’espèce la possibilité de survivre à des conditions défavorables, qu’il s’agisse du froid hivernal dans les régions tempérées ou de la sécheresse estivale dans les régions tropicales.

Le rôle des variations de température et d’éclairement comme agents de synchronisation des rythmes circadiens et circannuels commence à être mieux compris à la lumière des travaux menés chez les végétaux concernant la transduction des signaux. On peut ainsi espérer que le mode d’action du phytochrome dans les réponses photopériodiques sera élucidé prochainement.

La connaissance de l’organisation temporelle d’un organisme apporte au chercheur comme au professionnel un intérêt indiscutable.

Les enseignements apportés par le suivi régulier de la croissance et du développement des plantes doivent permettre aux horticulteurs, aux serristes ou aux utilisateurs de produits d’origine végétale d’optimiser leur pratique.

L’attention portée par les biologistes moléculaires aux gènes clock , d’une part, que l’on définit comme étant des gènes qui modifient les caractéristiques rythmiques, le développement des biotechnologies, d’autre part, vont donner une nouvelle impulsion aux recherches chronobiologiques. Il est déjà possible aujourd’hui de suivre in vivo l’expression spatiale et temporelle des gènes qui assurent le contrôle circadien d’une fonction physiologique (A. J. Millar et coll., 1992). Avec tous les éléments déjà réunis, on devrait parvenir, dans un proche avenir, à comprendre les mécanismes et la genèse de la rythmicité.

5. Chronobiologie appliquée à la biologie humaine et à la médecine

Changements d’horaires de travail (travail posté ou en quarts); vols transméridiens

La vie moderne peut exposer l’homme aux effets des manipulations de ses synchroniseurs ; c’est ce qui se passe dans le travail de nuit (avec repos et sommeil de jour) comportant une rotation des équipes. On dit encore travail posté, travail en quart, travail en équipes alternantes, etc. Ce type de contraintes horaires intéressait, en 1981, un million de travailleurs en France. Des estimations donnaient sensiblement le même chiffre pour la R.F.A. ou pour l’Italie. C’est aussi ce qui se passe pour les voyageurs, les pilotes et le personnel navigant qui franchissent au moins cinq fuseaux horaires ; ils subissent eux aussi une manipulation des synchroniseurs. Nous précisons ce point, car un déphasage de moins de cinq heures n’est habituellement pas suivi d’effets suffisamment importants pour poser un problème biologique. Ainsi, de nombreuses personnes sont exposées à être désynchronisées. C’est le cas d’un voyageur qui vole de Paris à New York par exemple; lorsqu’il arrive à destination, toutes les horloges biologiques (ou oscillateurs) de son organisme sont à l’heure de Paris, alors qu’il a déjà mis sa montre à l’heure de New York en l’avançant de six heures. Mais les oscillateurs biologiques appartiennent à la structure temporelle de notre organisme; ils n’obéissent pas immédiatement à un ordre ou à un signal externe comme une montre que l’on remet à l’heure. Les horloges biologiques du voyageur vont donc exiger un certain temps pour s’ajuster de l’heure de Paris à l’heure de New York. La durée de l’ajustement (ou sa vitesse) peut se mesurer en prenant pour référence l’acrophase d’une variable. On peut ainsi savoir combien de jours doivent s’écouler pour que, dans l’échelle des vingt-quatre heures, une acrophase retrouve, à New York, la position (l’heure) qu’elle avait à Paris. L’ajustement du rythme considéré est alors complet. Mais ce qui complique le problème est que tous les rythmes ne s’ajustent pas simultanément. Il en résulte une désynchronisation interne transitoire (les changements de phase et de période peuvent différer d’un oscillateur à l’autre).

On sait aujourd’hui que:

1. Pour un sujet donné, la vitesse de l’ajustement au nouvel horaire diffère d’une variable physiologique à l’autre . Ainsi, l’ajustement du rythme activité/repos peut se faire en deux à trois jours; celui de la température peut demander une semaine et celui de l’activité corticosurrénalienne, plus longtemps encore.

2. Pour une variable physiologique donnée, la vitesse de l’ajustement diffère d’un sujet à l’autre . Ainsi, l’ajustement du rythme thermique, après un changement de phase de huit heures, peut se faire en vingt-quatre heures chez certains sujets et en sept jours et plus chez d’autres sujets.

3. La vitesse de l’ajustement dépend aussi du sens de la manipulation du synchroniseur . Ainsi, en règle générale, le rythme thermique d’un sujet se resynchronise plus vite après un vol de Paris à New York (retard de phase du synchroniseur) qu’après un vol de New York à Paris (avance de phase du synchroniseur).

4. Certaines personnes tolèrent parfaitement, toute leur vie, le travail posté. D’autres, au contraire, souffrent de ces manipulations des synchroniseurs. Des recherches actives sont actuellement poursuivies dans le but de mieux connaître les raisons de ces différences interindividuelles de tolérance. Il semble qu’une mauvaise tolérance soit associée à une désynchronisation interne de plusieurs rythmes.

D’un point de vue pratique, des faits fondés sur des expériences de chronobiologie méritent d’être pris en considération. T. Åkerstedt et E. Weitzman ont montré qu’il existe une heure optimale pour se coucher et dormir. Elle se situe en gros vers minuit (en fait, elle correspond à la chute thermique propre de chaque sujet). Plus on s’éloigne de cette heure (en se couchant soit trop tôt , soit trop tard ), plus le sommeil sera perturbé. Ce phénomène est à prendre en considération pour choisir l’heure de changement de quart. Par ailleurs, P. Andlauer, N. Vieux, J. Rutenfranz, A. Reinberg ont montré que le système de rotation des équipes doit être rapide (changement de postes tous les deux ou trois jours par exemple) et non pas lent (changement de poste une fois par semaine). En effet, la désynchronisation qui résulte de deux à trois nuits consécutives de travail est bien moindre que celle qui s’observe après sept nuits de travail. En suivant un mode de rotation rapide, les rythmes biologiques d’un sujet sont moins perturbés que par l’autre système.

Les tests psychométriques faits au laboratoire, aussi bien que dans des conditions réelles, montrent que les performances physiques et psychiques d’un sujet sont les plus basses la nuit vers 2-4 heures du matin et les plus hautes (acrophases) entre 14 et 16 heures. Il n’est donc pas surprenant de constater que le risque d’accident, dans un poste de responsabilité (conducteur de motrice ou d’engin, pilote d’avion, contrôleur de production ou opérateur d’une usine, etc.) est toujours plus élevé la nuit que le jour. Le risque d’accident suit une variation circadienne, étroitement liée au rythme circadien de notre activité cérébrale, phénomène physiologique largement indépendant d’«événements» tels que la fatigue, la charge de travail, les émotions, le stress, etc.

Chronopharmacologie et chronothérapeutique

La susceptibilité d’un organisme vis-à-vis d’un agent doué d’actions toxiques et/ou pharmacologiques n’est pas constante en fonction du temps, suivant une certaine conception de l’homéostasie. Au contraire, les effets désirés et non désirés des médicaments, par exemple, varient de manière périodique et prévisible. Ainsi, des lots similaires d’animaux (par groupes de 10 à 30) synchronisés de manière identique sont exposés, à heures fixes (toutes les 4 heures par exemple), à une dose fixe d’un agent potentiellement nocif. La même dose de poison, qui, à une certaine heure, est mortelle dans 80 à 100 p. 100 des cas, laisse, au contraire, 80 à 100 p. 100 de chances de survie si elle est administrée douze heures plus tard ou douze heures plus tôt. Cela s’est vérifié pour de nombreuses espèces animales vis-à-vis d’une très grande variété de substances, entre autres exemples, pour les insectes vis-à-vis d’insecticides.

La chronopharmacologie actuelle comprend des recherches sur les effets des médicaments en fonction de l’organisation temporelle biologique et des recherches relatives aux effets des médicaments des rythmes sur les caractéristiques biologiques tels que la période 精, l’acrophase 淋, l’amplitude A et le niveau moyen ajusté du rythme M.

Un grand nombre d’exemples expérimentaux de la chronopharmacologie circadienne chez les animaux, y compris l’homme, ont été publiés ou ont fait l’objet de revues. Dès lors, des notions nouvelles et des définitions ont été proposées pour une meilleure compréhension des faits chronopharmacologiques.

Chronopharmacocinétique ou chronocinétique d’un médicament

Lorsqu’un médicament est introduit dans l’organisme, sa concentration dans le sang, les espaces extra-et intracellulaires de divers tissus, dans les urines, etc., va augmenter, passer par un maximum, puis diminuer et disparaître. La biodisponibilité du médicament dans le sang et/ou ses mouvements (sa cinétique) peuvent être caractérisés de façon précise par plusieurs paramètres. La chronocinétique se définit comme la variation rythmique (circadienne, par exemple) de la biodisponibilité d’un agent chimique. Ces variations peuvent aussi être repérées par l’excrétion de l’agent dans les urines ou autres voies (fèces, sueur, salive, etc.). Quand l’heure d’administration est manipulée (par exemple, une dose unique par 24 heures, celle-ci étant donnée à quatre moments différents dans l’échelle des 24 heures, une semaine séparant chacun de ces quatre essais expérimentaux), des rythmes circadiens statistiquement significatifs peuvent être mis en évidence; ils intéressent les paramètres utilisés pour caractériser la pharmacocinétique de substances telles que le salicylate de sodium, l’indométhacine, l’éthanol, l’érythromycine, la digoxine, la digitaline, la benzodiazépine, la théophylline.

Le devenir métabolique d’un agent pharmacologique aussi bien que celui d’un nutriment ne sont pas constants en fonction du temps. Les expériences réalisées démontrent clairement que les rythmes biologiques du sujet influencent fortement le métabolisme des médicaments et des nutriments. Les voies métaboliques ne sont pas ouvertes constamment ni de la même manière au cours des vingt-quatre heures, ou même au cours du mois ou de l’année.

Chronesthésie d’un biosystème

La chronesthésie représente les variations rythmiques de la susceptibilité d’un biosystème; elle comprend aussi bien les phénomènes moléculaires (rythmes circadiens de certains récepteurs) que des phénomènes de membranes et les processus métaboliques qui s’y rattachent. La chronesthésie intéresse des cellules, des tissus, des organes ou des systèmes d’organes de l’hôte aussi bien que la susceptibilité de cet hôte vis-à-vis de parasites, de bactéries ou de tumeurs, etc.

La chronesthésie peut être explorée plus ou moins directement chez l’homme, par exemple: la réactivité bronchique vis-à-vis d’agents inhalés sous forme d’aérosols tels que l’histamine, l’acétylcholine, l’orciprénaline (un agent qui stimule les bêta-récepteurs), l’extrait de poussière domestique, etc.

La chronesthésie peut être également mise en évidence par la réponse locale de la peau à des injections intradermiques de substances telles que l’histamine, les histamino-libérateurs, aussi bien que les agents anesthésiques tels que la bétoxycaïne et la lidocaïne.

Chronergie d’un agent chimique

La chronergie se définit comme les variations rythmiques des effets d’un agent chimique ou physique. Il s’agit aussi bien des effets désirés (chrono-efficacité) que des effets non désirés. La chronergie d’un agent chimique fait intervenir sa chronopharmacocinétique et la chronesthésie des biosystèmes intéressés.

Chronoptimisation d’un médicament

Les médicaments possèdent le plus souvent plusieurs effets, les uns utiles donc désirés, les autres inutiles voire dangereux, donc non désirés. L’optimisation consiste à augmenter les effets désirés et/ou à réduire les effets non désirés. Ce résultat peut être obtenu en choisissant convenablement la ou les heures d’administration du médicament. Les corticostéroïdes, substances de synthèse dérivés du cortisol, font, aujourd’hui, l’objet d’une chronoptimisation. Les effets désirés (anti-inflammatoires en rhumatologie; bronchodilatateurs dans l’asthme, etc.) s’accompagnent malheureusement d’effets non désirés (altérations de l’activité corticosurrénalienne). Ces derniers peuvent être considérablement réduits voire supprimés en donnant le médicament le matin, en phase avec le pic présumé du cortisol du sujet. Les effets désirés des corticoïdes sont augmentés par cet horaire d’administration.

Les médicaments doués d’activité anticancéreuse font aussi l’objet de recherches de chronoptimisation. Leurs effets toxiques vis-à-vis du rein, de la moelle osseuse, ou du cœur, etc., peuvent être réduits, cependant que leurs effets antitumoraux augmentent ou se maintiennent.

Encyclopédie Universelle. 2012.