VILAIN
VILAI
Le terme «vilain» dérive du bas latin villicus : homme semi-libre attaché à une «villa», grande exploitation gallo-romaine. Ce fut, pendant tout le Moyen Âge, le nom du villageois ou paysan libre. Cependant, il se chargea au cours des siècles de tout le mépris que les seigneurs et même les bourgeois éprouvaient pour les populations rurales, jusqu’à prendre le sens usuel que nous lui connaissons. Il faut observer que le terme anglais de villain désigne au contraire un serf.
vilain, aine [ vilɛ̃, ɛn ] n. et adj.
• v. 1090; du bas lat. villanus « habitant de la campagne (villa) »
I ♦ N. Paysan libre, au Moyen Âge. ⇒ manant, paysan, roturier . Serfs et vilains. « Les sabots d'Hélène Étaient tout crottés Les trois capitaines l'auraient appelée vilaine » (Brassens). — Loc. prov. Oignez vilain, il vous poindra, poignez vilain, il vous oindra. Jeu de main, jeu de vilain (compris de nos jours au sens II, 2o).
II ♦ Adj. et n. (rattaché à vil)
1 ♦ (XIIe) Vieilli Méprisable, déshonorant. ⇒ vil. Vilaines actions. La gourmandise est un vilain défaut. Loc. C'est un vilain monsieur. Fig. Un vilain oiseau [ vilɛnwazo ], moineau. Vilaine bête. ⇒ méchant, sale.
♢ Spécialt, mod. Qui blesse la pudeur. ⇒ déshonnête. Avoir de vilaines pensées. Vilains mots. ⇒ grossier, malhonnête. — Vilaines maladies (fam.),maladies vénériennes. ⇒ honteux.
2 ♦ (Dans le vocabulaire affectif, surtout en parlant aux enfants) Qui ne se conduit pas bien, qui n'est pas « gentil ». ⇒ méchant. « Ainsi que ses vilains frères [de Gribouille] » (A. Gide). Hou, qu'il est vilain ! — C'est vilain de (et inf.). C'est vilain de tirer la langue. — Subst. Le vilain, la petite vilaine ! « Taisez-vous, vous êtes un vilain » (Proust). Jeu de main, jeu de vilain (cf. supra I).
3 ♦ (v. 1200) Désagréable à voir. ⇒ laid, moche. « Les gens qui passent sont vilains, vilains, et je n'ai pas aperçu un seul beau garçon » (Mirbeau). Elle n'est pas vilaine : elle est assez jolie. Vilaines dents, vilains cheveux. Vilains habits. Vilain papier.
4 ♦ (XIVe) Mauvais, laid (du temps). Vilain temps. Les vilains jours d'hiver. — Fam. Il fait vilain. ⇒ mauvais .
♢ Déplaisant et dangereux. Une vilaine blessure. — (Au moral) Vilaine affaire. ⇒ sale. Jouer un vilain tour. ⇒ méchant. Être dans de vilains draps.
♢ Subst. Grabuge. Il va y avoir du vilain, ça va faire du vilain, un éclat, une dispute, une catastrophe (cf. Ça va barder). « Comme la discussion tournait au vilain » (Zola).
♢ Advt « On va se déchirer vilain dans le camp des vainqueurs, une fois dissipée l'ivresse de la victoire » ( Politis, 1990).
⊗ CONTR. Bourgeois, gentilhomme, noble. — 2. Gentil. 1. Beau, joli.
● vilain nom masculin (bas latin villanus, paysan, du latin classique villa, ferme) Dans le système féodal, personne du peuple, roturier (par opposition au noble) ; villageois, paysan (par opposition au bourgeois) ; paysan libre par opposition au serf. ● vilain (citations) nom masculin (bas latin villanus, paysan, du latin classique villa, ferme) Guillaume de Lorris Lorris-en-Gâtinais vers 1200-1210-après 1240 et Jean de Meung Meung-sur-Loire vers 1240-Paris 1305 « Vilenie fait les vilains ; C'est pourquoi il n'est pas juste que je l'aime : Le vilain est félon, sans pitié, Sans obligeance et sans amitié. » « Vilenie fait les vilains, Por ce n'est pas drois que je l'ains : Vilains est fel et sanz pitié, Sanz servise et sanz amitié. » Roman de la Rose Commentaire Paroles du dieu d'Amour à Guillaume de Lorris. Voir aussi Jean de Meung, auteur de la seconde partie du Roman de la Rose. Mathurin Régnier Chartres 1573-Rouen 1613 Riche vilain vaut mieux que pauvre gentilhomme. Satires, XIII ● vilain adverbe Familier. Il fait vilain, il fait mauvais temps. ● vilain nom masculin Familier. Du vilain, des choses désagréables et fâcheuses ; scandale ; grabuge : Ça va faire du vilain. ● vilain (expressions) adverbe Familier. Il fait vilain, il fait mauvais temps. ● vilain (expressions) nom masculin Familier. Du vilain, des choses désagréables et fâcheuses ; scandale ; grabuge : Ça va faire du vilain. ● vilain, vilaine adjectif (de vilain) Qui est assez laid, désagréable à voir, qui déplaît : Il a de vilaines mains. Qui est moralement laid, malhonnête ou indécent : Avoir de vilaines pensées. Se dit d'un mal, d'une plaie qui laisse présager quelque chose de plus grave : Une vilaine blessure. Se dit d'un temps désagréable : Un vilain temps. ● vilain, vilaine adjectif et nom Se dit d'un enfant, de sa conduite, qui est désagréable, désobéissant. Familier. Qui n'est pas gentil (en particulier dans le langage des enfants) : Un vilain monsieur. ● vilain, vilaine (synonymes) adjectif (de vilain) Qui est assez laid, désagréable à voir, qui déplaît
Synonymes :
- laid
- moche (familier)
Contraires :
- beau
- charmant
- joli
Qui est moralement laid, malhonnête ou indécent
Synonymes :
- abject
- corrompu
- infâme
- méprisable
- vil
Contraires :
- édifiant
- noble
Se dit d'un mal, d'une plaie qui laisse présager quelque chose...
Synonymes :
- inquiétant
- malsain
Se dit d'un temps désagréable
Synonymes :
- désagréable
- fâcheux
- mauvais
- sale (familier)
vilain, aine
adj. et n.
rI./r adj.
d1./d Méprisable. Une vilaine action.
d2./d Laid. Un homme très vilain. De vilaines mains.
d3./d Mauvais. Vilain temps.
— Ellipt. Il fait vilain.
|| D'apparence inquiétante. Une vilaine toux. Une vilaine blessure.
|| n. m. (en loc.) ça va faire du vilain, du scandale, du grabuge.
d4./d (Surtout en s'adressant à un enfant.) Qui ne se conduit pas comme il faut; indocile, turbulent. Puisque tu as été vilain, tu n'auras pas de dessert.
|| Subst. En voilà une vilaine!
rII./r n. m. HIST Paysan libre au Moyen âge.
— Prov. Jeu de main, jeu de vilain: V. jeu (sens I).
⇒VILAIN, -AINE, subst. et adj.
I. — HIST. FÉOD., subst.
A. — [P. oppos. à serf] Paysan libre. On voit aussi, dans un autre fabliau, un autre vilain admis au paradis, bien que le soc de sa charrue ait quelquefois mordu de quelques sillons sur le champ de son voisin (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 124).
B. — [P. oppos. à bourgeois] Habitant de la campagne. Bourgeois et bourgeoises, vilains et vilaines se flairent, se choisissent à loisir. Il en va tout autrement pour les têtes couronnées (AUDIBERTI, Mal court, 1947, II, p. 161).
C. — [P. oppos. à noble] Roturier. Il n'est, ne fut, ni ne sera jamais, pour nous autres vilains, qu'un moyen de fortune, c'est le travail; pour la noblesse non plus il n'y en a qu'un et c'est... la prostitution (COURIER, Pamphlets pol., Procès, 1821, p. 102).
♦ Savonnette à vilain. V. savonnette A 2.
D. — Loc., avec valeur péj. Jeux de mains, jeux de vilain. V. jeu I A 1. Oignez vilain, il vous poindra; poignez vilain, il vous oindra. V. oindre A.
II. — Adj. et subst.
1. [En parlant d'une pers.] Vilain bougre. Ajoutez à ça qu'il y a des vilaines gens partout, qu'il faut savoir garder les distances (COLETTE, Music-hall, 1913, p. 36).
— En partic.
♦ (Personne) peu recommandable pour ses mœurs, sa conduite. — C'est que, comme ça, dit-elle, je ne verrai plus ce vilain monsieur. — Quel monsieur? — Celui de l'autre jour. Baccarat tressaillit et se souvint du regard que sir Williams avait jeté à la petite juive (PONSON DU TERR., Rocambole, t. 2, 1859, p. 454). Vous voyez il ne s'est rien passé d'extraordinaire. — Quel vieux vilain, dit Pierrette. — Il a été très correct en fin de compte, dit Ginette (QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 127).
♦ Vilaine (femme). Femme de mœurs légères; prostituée. Mais il y a dans ta vie une femme qui te tient d'une façon ou d'une autre (...), c'est quelque vilaine femme des vieux quartiers et tu as peur d'elle? (PAGNOL, Marius, 1931, II, 6, p. 139).
2. [En parlant d'un inanimé] Vilain défaut; vilaine action, besogne. Voulez-vous que je vous dise, mon ami? Vous avez obéi à un fort vilain calcul (BECQUE, Parisienne, 1885, I, 3, p. 279). Raconter par exagération qu'on a eu très peur d'un chien « gros comme une vache » est un vilain mensonge puisqu'on n'a jamais vu de chiens de cette taille et que personne n'y croit (Traité sociol., 1968, p. 243).
— En partic. Que la morale réprouve, qui blesse la pudeur. Vilaines pensées; vilaines choses. [Le peintre] avait eu autrefois, disait-on, une vilaine affaire de mœurs (MAUPASS., Une Vie, 1883, p. 93). V. mot ex. 7.
B. — [Dans un discours enfantin ou adressé aux enfants, avec valeur affective, p. oppos. à gentil] (Celui, celle) qui se conduit mal, qui est turbulent, impoli. En partic. [En parlant d'un enfant] Désobéissant. Être vilain; faire le vilain. Synon. méchant. Ce barbu de Kervazec me fit un cours mondain sur le péché de gourmandise. Un cours à l'usage d'enfants gâtés, où revenait sans cesse le mot « vilain » (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 91).
— [En empl. appellatif] Ah! le vilain! Ma mère me dit seulement: « Comme tu m'as fait peur, vilain garçon, j'ai passé la nuit sans dormir » (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Garçon, un bock! 1884, p. 900). La petite Suzanne apparut en chemise, mal éveillée, les yeux éblouis, pour embrasser son frère. « Veux-tu bien vite te recoucher, vilaine fille! » On rit beaucoup (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 297).
— Loc. C'est vilain (de + inf.). Il est inconvenant, répréhensible (de). Ah! que c'est vilain de s'échauffer pour la politique! Un jeune homme, fi donc! Occupez-vous plutôt de votre voisine! (FLAUB., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 180). Ce serait pourtant vilain de quitter mon mari au moment où tout le monde s'écarte de lui (CUREL, Nouv. idole, 1899, II, 3, p. 196).
C. — 1. Qui est déplaisant à la vue, laid, voire répugnant. Vilaine bête; vilaines dents; vilaine couleur. Je comprends bien la répulsion que Louise manifeste pour ce vilain visage (...), cet homme a quelque chose (...) de repoussant (DUMAS père, Intrigue et amour, 1847, I, 1er tabl., 4, p. 197). Il alla loger à l'hôtel Saint-Quentin, rue des Cordiers, près de la Sorbonne. Vilaine rue, dit-il, vilain hôtel, vilaine chambre (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 157).
2. Qui est désagréable, fâcheux. Synon. mauvais, sale. Vilaine affaire; vilain temps; vilains jours d'hiver. Nous traversions une bien vilaine année; je me souviens que jamais on ne vit de plus grande confusion dans le pays, de plus grande inquiétude et de plus profonde misère qu'après la mort de Robespierre (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 349). Voyons! J'ai tout dit maintenant! Jure-moi que j'ai tout dit? — Tu as fait un vilain rêve, Mouchette (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 113).
— Rare, empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Le vilain, c'est qu'ils [les insurgés] mutilaient horriblement les mobiles qu'ils prenaient, qu'ils assassinaient les parlementaires (MÉRIMÉE, Lettres ctesse de Boigne, 1848, p. 27).
— Expr. et loc., en emploi adj. ou adj. subst. ou adv.
♦ Il va y avoir du vilain. Les choses vont mal tourner, il va y avoir une dispute. Les gens d'Argos virent leurs visages rougis par le soleil couchant (...) et ils pensèrent: « Il va y avoir du vilain » (SARTRE, Mouches, 1943, I, 1, p. 15).
♦ Il fait vilain. Le temps est désagréable, mauvais. Vous deviez sortir, ça vous aurait fait du bien. — Non, il fait vilain. — Mais non, il fait beau (GONCOURT, Journal, 1858, p. 565).
♦ Faire (du) vilain. Faire toute une histoire, faire (du) scandale, Synon. fam. rouspéter. La cahute était vide. Tant mieux. J'étais en rogne. J'aurais fait du vilain (CENDRARS, Main coupée, 1946, p. 146). Empl. impers. Ça a fait vilain, au Bois-Sabot! Quand le comte a su la nouvelle, il en a raconté long! (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 151).
♦ Tourner au vilain. Tourner mal. Buteau et Lise se retrouvèrent pour la première fois en face de Françoise et de Jean, que la Grande avait accompagnés par plaisir, sous le prétexte d'empêcher les choses de tourner au vilain (ZOLA, Terre, 1887, p. 387).
3. Qui peut présager quelque chose de grave, de dangereux. Synon. fam. sale. Vilain rhume; vilaine fièvre, grippe, plaie, toux. J'ai la figure toute rose, mais d'un vilain rose, ayant été brûlé par le soleil sur le bateau (MALLARMÉ, Corresp., 1866, p. 229). Je vois mon pauvre de Nittis avec la figure d'un vilain jaune et une inquiétude hagarde des yeux (GONCOURT, Journal, 1884, p. 366).
4. Qui est mauvais, de qualité médiocre. Je suppose qu'il voulut ainsi conseiller à ses fils de faire comme son héros, de briser une vilaine petite carrière de bourgeoisie et d'égoïsme pour se donner tout entier à une femme? (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 281).
REM. Vilené, adj., hérald. Animal vilené. Animal mâle, dont le sexe est d'un émail particulier. (Dict. XIXe et XXe s.).
Prononc. et Orth.:[], fém. [-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1119 subst. « paysan libre » (PHILIPPE DE THAON, Comput, éd. E. Mall, 132) — XIVe s., repris par les historiens du dr. au XVIIe s., v. K. BALDINGER ds R. Ling. rom. t. 26, p. 313; 1169-78 « roturier » (JEAN DE MEUN, Rose, éd. F. Lecoy, 18587); ca 1135 adj. « qui a les caractères du paysan » (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, 5), pour l'évol. sém., v. aussi HOLLYMAN, pp. 162-164; d'où 2. a) 1135 « bas » (ibid., 1886); ca 1155 « laid (moralement) » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 1478); b) ca 1200 « laid (physiquement), qui déplaît à la vue » (Roman de Guillaume de Dole, éd. G. Servois, 268); c) mil. XIIe s. n'estre pas vilain de « se faire prier pour (servir Dieu) » (Jeu Adam, éd. W. Noomen, 594). Du lat. tardif villanus « habitant d'un village astreint à certains services » 779 ds NIERM., également att. comme adj. « du village, de la campagne » 864, ibid., « muni d'une tenure » ca 1050, ibid., dér. de villa, -ae, v. ville. Fréq. abs. littér.:1 782. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 1 724, b) 3 183; XXe s.: a) 3 781, b) 2 127.
DÉR. 1. Vilainage, vilenage, villenage, subst. masc., hist. (féod.). a) Condition, état du vilain. (Dict. XIXe et XXe s.). b) P. méton. Habitation, exploitation agricole du vilain; rentes que le roturier doit payer au seigneur. Les droits (...) de péage, de vilainage, de chevage (...) s'étoient venus joindre aux droits de justice (CHATEAUBR., Ét. ou Disc. hist., t. 3, 1831, p. 384). — []. Formes vilenage, villenage [vil()]. — 1res attest. a) ca 1283 féod. vilenage « tenure de vilain tenue à cens » (PHILIPPE DE BEAUMANOIR, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon,461), répertorié comme terme hist., b) 1842 (Ac. Compl.: Villenage. Condition des vilains, privés de l'exercice des droits civils), c) 1872 (LITTRÉ: vilainage. Habitation des serfs ou vilains); de vilain, suff. -age. Cf. le lat. médiév. villenagium « tenure de vilain » ca 1185 ds LATHAM, villanagium 1198, ibid. 2. Vilainement, adv. a) [Corresp. à supra II A] D'une manière méprisable, basse. Trahir vilainement. Son prince enlève vilainement une femme (GIRAUDOUX, Guerre Troie, 1935, II, 13, p. 188). b) [Corresp. à supra II C 1] D'une manière laide, déplaisante à la vue. Le papier vilainement damassé en grimaçante mosaïque blanchâtre marque peu de goût véritable (AMIEL, Journal, 1866, p. 142). c) [Corresp. à supra II C 3] D'une manière dangereuse, inquiétante. Synon. pop. salement. Son cou, à deux endroits, était assez vilainement balafré (GIDE, Caves, 1914, p. 831). — []. Att. ds Ac. dep. 1694. — 1re attest. ca 1180 vileinement (THOMAS, Tristan, éd. J. Bédier, 1765); de vilain, suff. -ment2. — Fréq. abs. littér.: 26.
BBG. — BALDINGER (K.). L'Importance de la lang. des doc. pour l'hist. du vocab. gallo-rom. Les Anc. textes rom. non littér. Paris, 1963, pp. 44-45. — BURGESS (G. S.). Contribution à l'ét. du vocab. pré-courtois. Genève, 1970, pp. 35-43. — HOLLYMAN 1957, p. 89, 145, 151, 155, 162-164. — LITTRÉ (É.). Pathol. verbale... [Paris], 1986, p. 93-94. — QUEM. DDL t. 32. — ROBREAU (Y.). L'Honneur et la honte. Genève, 1981, pp. 181-188.
vilain, aine [vilɛ̃, ɛn] n. et adj.
ÉTYM. V. 1138, adj., « poltron »; du bas lat. villanus « habitant de la campagne », de villa « campagne ».
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1 Vx ou hist. Paysan libre, au moyen âge. ⇒ Manant, roturier (→ Couard, cit. 1; orfroi, cit. 1; 2. pékin, cit. 2). || Noble et vilain (→ Ethnique, cit. 2). || Les vilains, hommes libres (par oppos. aux serfs, attachés à la terre). — ☑ Loc. Savonnette (cit. 2) à vilain. — ☑ Loc. prov. Oignez vilain, il vous poindra. ⇒ Oindre (cit. 4). — ☑ Jeu de main, jeu de vilain (compris au sens II., 1. de nos jours). — Le Vilain mire (« le paysan médecin »), fabliau qui fournit à Molière l'argument du Médecin malgré lui.
1 Riche vilain vaut mieux que pauvre gentilhomme.
Mathurin Régnier, Satires, XIII.
2 Dans les premiers temps de la monarchie, les grands coupables, car les villains (il faut tenir à cette orthographe qui laisse au mot sa signification de paysan) et les bourgeois appartenant à des juridictions (…)
Balzac, Splendeurs et Misères des courtisanes, Pl., t. V, p. 928.
N. B. Cette orthographe étymologique n'a jamais été courante, elle figure dans les dict. du XVIIe s., qui rattachaient vilain (II.) à vil.
3 Vilain, héritage du bas latin, est (…) le premier terme général de langue vulgaire pour désigner les paysans libres. Mais ce choix n'était guère heureux puisqu'il invitait au rapprochement avec un autre mot assez compromettant, le mot vil (…) d'autant que le paysan était déjà « par définition laid, répugnant et grotesque » (…) Dès le XIVe siècle, vilain disparaît quasi complètement des documents et des textes juridiques. Le terme n'est repris que par les historiens du droit, au XVIIIe siècle.
4 (…) il a un père qui, quoique riche, est un avaricieux fieffé, le plus vilain homme du monde (…) Oui, Géronte, justement; voilà mon vilain (…) c'est ce ladre-là que je dis (…) Voilà mon ladre, mon vilain dans de furieuses angoisses (…)
Molière, les Fourberies de Scapin, III, 3.
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II Adj. et n. (Rattaché à vil). Généralement avant le nom, en épithète.
1 (V. 1155). Vieilli. Méprisable, déshonorant. ⇒ Vil (→ Jurement, cit. 1). || Les vilains mortels (→ Chaîne, cit. 21). || L'envie (cit. 1), vilain vice. || Vilaines actions (→ Excuser, cit. 4; nier, cit. 3). — ☑ Loc. C'est un vilain monsieur, un homme peu recommandable. — ☑ Fig. Un vilain moineau, un vilain oiseau : une personne méprisable. || Vilaine bête. ⇒ Méchant, sale.
5 (…) tous ces vilains spectacles qu'on a eu raison de nommer des spectacles de turpitude.
Molière, Tartuffe, Préface.
♦ N. || Un vilain (→ Orgueil, cit. 14).
6 Fi ! poua ! la vilaine, qui est cruelle.
Molière, George Dandin, II, 1.
♦ Spécialt. (Vieilli, plaisant ou dans un discours naïf, enfantin). Qui blesse la pudeur. ⇒ Déshonnête. || Vilaines pensées (cit. 34). || Vilains mots (→ Rabelaisien, cit.). || Vilaines choses. ⇒ Gros, grossier (II., 4.), malhonnête. — Vilaines maladies : maladies honteuses (→ Coureur, cit. 6).
7 C'était une tendresse raisonnable, ne songeant pas aux vilaines choses (…)
Zola, l'Assommoir, V, t. I, p. 195.
2 (Fin XIIe; en franç. mod., surtout en parlant aux enfants). Qui ne se conduit pas bien, qui n'est pas « gentil ». ⇒ Méchant. || Les vilains frères de Gribouille (→ Garer, cit. 6). || Hou, qu'il est vilain ! || C'est très vilain de mentir.
8 Quand le Babou renverse sur la nappe sa timbale toute pleine, il court spontanément l'annoncer à sa fidèle Anna; mais il le fait en ces termes subtils : « Anna ! je ne suis pas vilain ! » Que voulez-vous ? Il est encore bien petit.
G. Duhamel, les Plaisirs et les Jeux, IV, XI.
♦ (En appellatif). || Oh, la vilaine petite fille ! — N. || Vilain, vilaine ! || Vous êtes un vilain (→ Peloter, cit. 2).
3 (V. 1200). Qui est désagréable à voir. ⇒ Laid; hideux (→ Homme, cit. 13). — Elle n'est pas vilaine : elle est assez jolie (→ Déplaisant, cit. 2; fraîcheur, cit. 13). || Vilaines dents (→ Baguette, cit. 4). || Avoir une vilaine peau, de vilaines jambes. || De vilains habits (cit. 12). || Un vilain papier (→ Faute, cit. 9). || Le plus vilain lieu du monde (→ Héroïque, cit. 20).
9 Qui hait trop la laideur de son vilain visage,
Il ne devrait jamais en regarder l'image (…)
Théophile de Viau, Seconde satire, in Œ. poétiques, p. 88.
9.1 Les gens qui passent sont vilains, vilains, et je n'ai pas aperçu un seul beau garçon (…)
O. Mirbeau, le Journal d'une femme de chambre, p. 63.
♦ Vx (langue class.). Laid et grossier; « d'une extrême malpropreté » (cf. La Bruyère, les Caractères de Théophraste, « vilain homme »). ⇒ Pouacre (1.).
4 (XIVe). Qui est déplaisant, désagréable ou incommode (par sa laideur ou par tout autre caractère). || Une vilaine rue. || Vilain quartier, vilain hôtel (cit. 4). || Un vilain temps. ⇒ Détestable (→ Mémoire, cit. 38). || Les vilains jours d'hiver (→ Par, cit. 21). — Fam. || Il fait vilain. ⇒ Mauvais, laid.
5 (XIVe). D'apparence inquiétante (→ Armer, cit. 19). || Une vilaine blessure, une vilaine toux persistante. ⇒ Mauvais, traître. — (Au moral, avec infl. du sens II., 1.). Déplaisant ou dangereux. || Vilaine affaire. ⇒ Sale. || Jouer un vilain tour à qqn. ⇒ Méchant. || De vilaines petites histoires (cit. 51), déplaisantes et moralement blâmables. — ☑ Loc. métaphorique. Être dans de vilains draps. → (plus cour.) Dans de mauvais, de sales draps.
10 (…) ce diable de Turc (…) partit comme une flèche et fut sur nous (…) il avait à la main une espèce de vilain coutelas (…)
Mérimée, la Double Méprise, IX.
♦ N. m. ☑ Il va y avoir du vilain, une dispute. ⇒ Mauvais. || Tourner au vilain (→ 2. Politique, cit. 19).
11 (…) là-bas, il y a tout le temps la guerre (…) Tu crois que ça peut nous amener du vilain ?
Aragon, les Beaux Quartiers, III, VII.
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CONTR. (Du I.) Bourgeois, gentilhomme, noble. — (Du II.) 2. Gent, 2. gentil, noble (fig.). — 1. Beau, joli.
DÉR. Vilainage, vilainement, vilené, vilenie.
Encyclopédie Universelle. 2012.