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BOTANIQUE
BOTANIQUE

La botanique, science des plantes, apparaît à l’état pur dans l’œuvre scientifique de Théophraste; mais elle est bientôt associée étroitement à la médecine dont elle devient simplement un chapitre; ainsi réduite au rôle pratique de pourvoyeuse de médicaments pendant tout le Moyen Âge, la botanique continue à tenir exactement ce rôle à la Renaissance où elle connaît un vigoureux essor. Toutefois, les herbiers alors publiés entreprennent l’inventaire de la flore et par conséquent préparent la science botanique pure, qui est d’abord uniquement cet inventaire du monde végétal et l’énumération, puis la classification de ses genres et de ses espèces. Tel sera en quelque sorte l’axe de la botanique du XVIe au XIXe siècle. Césalpin en Italie, Rajus en Angleterre, J. Pitton de Tournefort en France, C. Linné en Suède, A. L. de Jussieu en France encore apparaissent comme exprimant le plus parfaitement l’effort des botanistes. Mais, peu à peu, d’autres problèmes sont posés: à la fin du XVIIe siècle sont nées, avec l’anatomie microscopique, la physiologie des sèves, les essais sur la sexualité des fleurs, les techniques grâce auxquelles la science s’étendra. S’opposant au dogmatisme scolastique, l’expérience va résoudre les questions qui s’imposent à l’esprit; une réponse entraînant une question nouvelle, les problèmes essentiels se trouvent posés dès 1700 à notre science, maintenant dégagée de la médecine. Ces différents chapitres nouveaux peuvent donc, au cours des deux siècles et demi qui suivent, s’épanouir largement. Qu’ils dépendent de l’emprise matérielle de l’homme sur la Terre ou du progrès des diverses sciences nées du génie humain, physique et chimie surtout, la botanique gagne des domaines et des résultats nouveaux. Progressivement recule le mystère qui entourait la matière vivante; car la notion de biologie, qui naît au début du XIXe siècle, élargit et généralise les problèmes à tous les êtres vivants. Tout s’explique peu à peu: la croissance due aux divisions cellulaires successives; la fécondation qui donne naissance à des êtres nouveaux; le maintien héréditaire des caractères des êtres par la perpétuation des structures complexes qui les constituent. Mais la notion même de la science qui nous a fourni le point de départ n’a-t-elle pas été tellement élargie que le terme employé autrefois ne convienne plus ? Faut-il encore parler de botanique ? On ose le croire.

1. Les origines de la botanique

Des noms de plantes sont cités dès les plus anciens écrits. Recueillant ces noms, nous pouvons établir des flores qui comportent les plantes utiles, c’est-à-dire celles qui fournissent aux hommes des aliments ou des matériaux, qui jouent un rôle dans des cérémonies rituelles, ou simplement forment le cadre où se déroule la vie humaine. Les livres sacrés de l’Inde, de la Chine, la Bible, l’œuvre d’Homère, les écrits d’Hérodote permettent de reconstituer des flores, de recueillir même des faits dont la valeur est historique et scientifique à la fois, comme ce qu’écrit Hérodote sur la fécondation des palmiers.

Antiquité

C’est seulement avec la pensée grecque que naît une science organisée, un savoir synthétique et désintéressé: il y a une botanique d’Aristote. Même si le 刺﨎福晴 﨏羽精諸益 (Des plantes ) qu’on lui a attribué n’est pas ce qu’il avait écrit, sa théorie des plantes transparaît dans ses œuvres zoologiques. Les deux grands ouvrages de son disciple Théophraste, le 刺﨎福晴 﨏羽精諸益 晴靖精礼福晴見 (Histoire des plantes ), qui est une botanique générale distinguant les organes des plantes et envisageant leurs fonctions, et le 刺﨎福晴 﨏羽精諸益 見晴精晴諸益 (Des causes des plantes ), qui étudie le déterminisme des phénomènes végétaux et le rapporte à la température et à l’eau, permettent d’affirmer que dès lors la botanique en tant que science est née.

Et pourtant elle va disparaître, en quelque sorte absorbée par la médecine, les autres utilisations des plantes ne nécessitant pas semblable recherche. Il n’y a pas de maux auxquels la bonne nature n’ait prévu de remède dans les plantes. Certains ont été révélés par les dieux ou les héros. Il faut chercher: toutes les plantes peuvent cacher des remèdes utiles. Et la botanique n’a plus d’existence en tant que science. Les rhizotomes grecs, ou coupeurs de racines, essayent de trouver dans les racines, dans les feuilles, fleurs et fruits, dans les sucs qu’ils expriment, les moyens de guérir les maladies humaines. Des nombreux auteurs grecs postérieurs à Théophraste (372-287 av. J.-C.), le plus typique est Dioscoride, dont l’ouvrage (en traduction latine De materia medica ) parut vers 50 après J.-C. Il y présente plus de six cents espèces végétales. Parfois sans décrire la plante qu’il étudie (par exemple: «La ronce est de connaissance vulgaire. Elle a la vertu de...»), il commence tout de suite d’énumérer les emplois médicaux, souvent multiples, et les préparations auxquelles on peut avoir recours. D’autres fois, il donne brièvement les caractères principaux de la plante que le récolteur de simples pourra reconnaître, pas assez nettement néanmoins pour que nous soyons certains d’avoir identifié toutes les plantes de Dioscoride; il indique dans son article si plusieurs plantes portent le même nom. Cet ouvrage devait durant seize siècles jouer un rôle considérable.

Chez les Latins, les débuts de la botanique sont à base d’agronomie (Caton, Varron, Columelle), puis également de médecine. Ce sont les Histoires naturelles de Pline l’Ancien, mort en 79 après J.-C., qui revêtent le plus d’importance. Plus générales mais aussi pratiques que le Dioscoride, elles ont avec lui, pour la botanique, d’étroits rapports: souvent, la traduction latine du De materia medica donne exactement le texte de Pline. On pense à une origine commune, à savoir les écrits grecs de Sextius Niger, que nous n’avons pas, mais auxquels Pline se réfère souvent.

Le Moyen Âge ne modifie pas l’orientation médicale de la botanique: Arabes (Abd Allatif), Byzantins (Siméon Sethus) et Occidentaux (école de Salerne, abbesse Hildegarde, Albert le Grand) joignent d’excellentes observations botaniques à des essais thérapeutiques. Si le mot botanica fait une apparition presque fortuite, il désigne un chapitre de la médecine.

Renaissance

La Renaissance a toute raison d’être un éveil pour la botanique. L’élan des études classiques fait naître de fructueux commentaires des œuvres anciennes et l’imprimerie en assure la diffusion. Le plus célèbre ouvrage est sans doute les Commentarii sur les six livres de Pedacius Dioscorides par Petrus Andreas Matthiolus (1501-1577). Le commentaire est souvent quatre ou cinq fois plus long que le texte et une série de figures assez bien observées ajoutent encore au prix du livre. Mais il est aussi orienté vers la médecine que le Dioscoride lui-même.

En second lieu, les voyages, la découverte du Nouveau Monde et sa conquête eurent un rôle important dans le développement de la botanique. Des plantes nouvelles furent apportées et parfois introduites en Europe. L’ananas et la pomme de terre en sont les exemples connus: l’ananas est sur la table de Ferdinand d’Espagne; la papas des hautes régions du Pérou devient plante d’ornement dans les jardins européens. On commence donc à créer, pour recevoir ces plantes, des jardins botaniques (Padoue, Pise...). Après plusieurs Espagnols (de Gomara, notamment), André Thevet, voyageur français, décrit une série de plantes nouvelles dans ses Singularitez de la France antarctique, autrement nommée Amérique (1558). C’est donc partout dans le monde européen que de cette Botanique encore médicinale tente de se dégager la science.

XVIe siècle

L’Allemand Brunfels, dans son Herbarum vivae icones (1530), recense la flore des environs de Strasbourg et de la rive gauche du Rhin, résultat d’herborisations qui constituent une pratique botanique nouvelle; il énumère sans aucune méthode une série d’espèces végétales parmi lesquelles un certain nombre n’étaient pas encore connues. C’est encore un Allemand, Jérôme Bock, dit Tragus, qui, dans son New Kraeuterbuch (1539), décrit en même temps qu’il dessine et crée une vie végétale à laquelle les commentaires des auteurs anciens ne nous avaient pas habitués. Les plantes divisées en herbes, arbrisseaux et arbres, nouveauté reprise de Théophraste, se trouvent spontanément groupées en séries qui préfigurent un peu nos actuelles familles. Fuchs, professeur à Tübingen, conserve pour son Historia stirpium (présentation d’environ cinq cents espèces) l’ordre alphabétique; il inaugure la nomenclature botanique, donnant au début de son ouvrage, en quatre grandes pages, la définition des termes spéciaux utilisés dans les descriptions; on trouve, par exemple, la définition des stamina : filaments présents au centre des fleurs et dont certains portent des apices ou sommets globuleux, nos anthères. Mais ces notions relatives à la fleur sont bien peu utilisées dans les chapitres de l’ouvrage; car c’est surtout, comme chez Dioscoride et Pline, la partie végétative, feuilles et racines, dont on s’occupe alors. Daléchamps publie à Lyon en 1587 les deux volumes d’une Historia generalis plantarum , en dix-huit livres, fondée sur des caractères d’utilisation des plantes: l’un par exemple est consacré aux plantes purgatives. Charles de l’Escluse, dit Clusius, Français qui créa les Jardins impériaux à Vienne et termina sa vie comme professeur à Leyde, appartient à la seconde moitié du XVIIe siècle. Ses œuvres multiples, dont la Rariorum plantarum historia , peuvent fournir un type de classification botanique d’alors: I. arbres, arbrisseaux et sous-arbrisseaux; II. plantes bulbeuses; III. fleurs à parfum agréable; IV. fleurs sans parfum; V. plantes vénéneuses, narcotiques ou corrosives; VI. plantes laiteuses, Ombellifères, Fougères, Gramens, Légumineuses..., Champignons. Un second volume, Plantae exoticae , complète l’œuvre et porte à 1 400 le nombre des plantes décrites, avec des classes telles que: Fruits étrangers, Aromates, Plantes indiennes. Ainsi se révèlent les principes de classification les plus divers – origine, grandeur, utilisation – sans rapport avec la botanique scientifique. On citera encore Dodonaeus: Stirpium historiae Pemptades Sex (1583), chez qui la méthode est aussi arbitraire, mêlant caractères botaniques, écologiques et utilisation humaine; «le premier livre est de définitions», fournissant un exposé de botanique générale. Nous terminerons l’étude de ce siècle, aux œuvres abondantes mais confuses et hésitantes, avec l’Italien Césalpin (1519-1603). Son De Plantis libri XVI (1583) est sans conteste le plus instructif des ouvrages, celui où la science en gestation se dégage des enthousiasmes naïfs de la Renaissance. À part l’opposition classique entre arbres et herbes, c’est sur la considération des fruits que Césalpin groupe ses exposés: le nombre des graines, la réalisation d’un fruit charnu ou sec, le nombre des loges que comporte ce fruit, et naturellement, s’opposant à ces plantes bien caractérisées, celles qui n’ont ni fruits ni graines. Il s’agit du premier ouvrage où la considération exclusive des plantes et de leurs caractères botaniques a conduit à la détermination d’une méthode de classification, qui permette d’introduire un ordre logique dans la multiplicité des plantes et de dégager la botanique de la médecine.

Le tournant du XVIIe siècle est marqué par l’œuvre des deux frères Bauhin, protestants français émigrés à Bâle, qui tous deux résument le siècle précédent. L’aîné, Jean, réalise une œuvre immense de compilation de tout ce qui a été publié sur les plantes et y inclut sa pensée personnelle, mieux marquée dans sa correspondance. Son œuvre paraît après sa mort; c’est d’abord, en 1619, l’Historia plantarum generalis , qui, quarante ans plus tard, sera largement augmentée par les éditeurs et deviendra l’Historia universalis plantarum – 5 000 plantes, 3 600 figures. Son frère puîné, Gaspard, dans son 神晴益見﨡 theatri botanici (1594), ouvrage de nomenclature, recueille toutes les dénominations latines qui ont servi à désigner les plantes depuis Théophraste, Dioscoride et Pline et surtout dans les œuvres du XVIe siècle. Adanson pouvait écrire presque deux cents ans plus tard: «Cet ouvrage mérite toute notre reconnaissance.»

XVIIe siècle

Au XVIIe siècle, les botanistes sont nombreux, certes, mais il faut attendre la fin du siècle pour que les questions posées trouvent leur solution et que naissent des problèmes nouveaux. Il n’y a plus avant cette période de ces grandes œuvres méritant les épithètes universalis ou generalis . Le seul botaniste du milieu du siècle dont le nom mérite d’être retenu est Joachim Jung (1587-1657), professeur à Rostock, puis directeur du gymnase de Hambourg. Après sa mort, ses élèves publièrent les notes dont il se servait dans ses cours. Nul n’a mieux compris que lui les divers types de feuilles, simples ou composées, digitées ou pennées; il définit périanthe, fleur composée; il se représente assez exactement la croissance des deux parties de la plante, racine et tige, et la disposition des feuilles sur celle-ci. Grâce à lui, l’organographie végétale, dont il est le fondateur, progresse considérablement.

Vers la fin du siècle, c’est de l’Angleterre – tardivement venue à la botanique – et de la France, que part le progrès. L’Anglais Robert Morison (1620-1683) sent la nécessité de trouver pour les végétaux une méthode de classification; il pressent à quels signes reconnaître les affinités que des plantes peuvent avoir entre elles! La Plantarum Umbelliferarum distributio nova (1672) est une application de sa méthode: la présentation typographique des tableaux qu’il donne en tête de chaque section, très supérieure à tout ce qui avait été fait jusqu’alors, en facilite la compréhension par le lecteur. La grande œuvre qu’il souhaitait réaliser, en suivant cette méthode, est la Plantarum historia universalis oxoniensis , dont il publia un premier tome en 1680. En France, Magnol (1638-1715), connu dès 1676 pour sa flore des environs de Montpellier, où il était professeur, publia en 1689 un Prodromus historiae generalis plantarum in qua familiae per tabulas disponuntur ; il a aperçu dans les plantes «une affinité suivant les degrés de laquelle on peut les ranger en diverses familles comme on range les animaux». Avec ce mot de «famille» se trouve précisé un but de la science, auquel Adanson et les de Jussieu donneront au siècle suivant sa pleine portée.

Le prêtre anglais John Wray, plus connu sous le nom latin de Rajus, est un très grand botaniste. Il juge lui aussi que la détermination de la méthode est la question botanique fondamentale. Il précise la sienne dans deux ouvrages. La Methodus plantarum nova (1682) insiste sur le caractère de généralité de cette méthode: il ne faut pas, comme le fit Césalpin, se borner à l’étude des fruits et graines. Les affinités se révèlent par la similitude et la convenance des diverses parties de la plante, «par exemple, celle de la racine, de la fleur et de son calice, de la semence et de son enveloppe». Les 47 tableaux que comporte l’ouvrage font intervenir de la sorte tous les caractères de la plante. C’est la réalisation grandiose de cette méthode qui devait donner trois in-folio présentant, après une centaine de pages d’un traité de botanique générale (De plantis in genere ), plus de 18 000 espèces ou variétés de plantes, sous le titre Plantarum historia universalis (1686, 1688, 1704), «ouvrage d’un labeur immense», suivant Linné. Une Methodus plantarum emendata et aucta («amendée et augmentée») parut en 1700, tenant compte de critiques faites par Tournefort.

Et c’est en effet sur la méthode mise en œuvre par Tournefort dans ses Elemens de botanique (1694), puis dans les Institutiones rei herbariae (1700) qui en sont surtout la traduction latine, que s’achève le siècle. À l’opposé de Rajus, Tournefort fonde sa classification sur un unique organe, la corolle de la fleur: mais la fleur peut être apétale, monopétale ou polypétale, à corolle régulière ou irrégulière. Cette série de caractères diversement combinés suffirait presque à fonder toutes les classes de Tournefort, s’il n’avait pas, par une sorte de défaillance, hésité à rompre avec la tradition: la première accolade du tableau qui résume sa classification oppose les herbes aux arbres, comme au temps de Théophraste.

Bilan à l’aurore du XVIIIe siècle

La science a progressé pourtant. Des domaines nouveaux comme l’anatomie et la physiologie se sont ouverts à côté de celui de la connaissance des plantes, de leur détermination et de leur nécessaire classification.

Avec le microscope, Grew et Malpighi ont créé l’anatomie végétale. On s’était d’abord représenté l’anatomie des plantes comme toute différente de celle des animaux: «Il y a aussi une anatomie pour les plantes. On sépare leurs principes par des opérations chimiques, leurs phlegmes, leurs sels, leurs huiles, leurs terres; on désassemble en quelque façon la machine de la plante et l’on voit à l’œil ses vertus cachées.» L’Académie des sciences se trompe. C’est une autre science, la chimie, dont les débuts sont ainsi liés à la botanique.

Grew (1628-1711) communique à la Royal Society de Londres, dès 1670, ses résultats sur l’histoire des plantes, puis il publie The Anatomy of Plants (1683). Son nom est inséparable de celui de Malpighi, médecin italien, qui présente également à la Royal Society les mémoires relatifs à ses recherches. Tous deux sont de même conduits à la notion que toutes les parties des végétaux sont constituées principalement de ce que Malpighi a nommé des utricules, vésicules dont l’assemblage forme le tissu utriculaire. Aux utricules, arrondies, s’opposent les fibres, allongées, associées en tissu fibreux, et les trachées, sortes de vaisseaux pleins d’air, étendus en faisceaux répartis dans les plantes et dont l’analogie avec les trachées des insectes indique le rôle respiratoire.

On voit aussi apparaître, pour expliquer la vie, la tendance à traduire des formes en termes de fonctionnement. La physiologie, que déjà Théophraste considérait sous le nom de science des causes, reprend naissance et trouve une forme moderne: «La racine suçant les sucs de la terre, les distribue dans la plante par les fibres [...] dont les unes seraient disposées à laisser monter les sucs, et les autres à les faire descendre.» Claude Perrault, anatomiste, médecin et architecte, attire ainsi l’attention sur la circulation du suc, qu’on se représente à l’image de la circulation du sang. Et Mariotte veut chercher dans les forces physiques l’explication des phénomènes relatifs à la vie.

Ailleurs, avec les questions relatives à la sexualité des plantes, c’est la biologie qui s’ouvre. Cette idée de sexe flottait depuis l’Antiquité. Le palmier femelle produit des dattes sous l’action du palmier mâle. C’est exact. Mais on a généralisé, un peu au hasard: une fougère est dite femelle, parce que plus fine que celle qu’on dit mâle: lien imaginaire. En 1694, Rudolph Jacques Camerarius, professeur à Tübingen, prouve expérimentalement l’existence de phénomènes sexuels chez des plantes dioïques (mercuriale) ou diclines (maïs). Et c’est tout à la fois l’ouverture d’un chapitre nouveau de la botanique, et, plus important presque, l’emploi de la méthode expérimentale pour la construction de la science des êtres vivants.

La botanique a donc pris son autonomie comme science. Pourtant, malgré l’élargissement du savoir relatif aux plantes et la mise en place de ses diverses parties, l’intérêt médical s’y attarde. Un ouvrage botanique aussi pur que l’Historia de Rajus réserve, à la fin de chaque article définissant une espèce, un paragraphe intitulé vires («vertus») où sont énumérés les emplois thérapeutiques; si Tournefort critique Rajus de faire entrer, par exemple, la propriété d’avoir une vertu purgative dans la définition botanique d’une espèce, il n’en devient pas moins lui-même, parce que botaniste, titulaire de la seconde chaire de médecine au Collège royal.

Ainsi est atteint vers 1700 une sorte de point critique, car les grands problèmes sont désormais posés. La botanique va s’épanouir dans des directions diverses, et il nous devient impossible d’en suivre l’évolution autrement qu’en esquissant le mouvement qui conduit, grâce aux progrès des méthodes et au génie de quelques hommes, à l’état actuel de notre science.

2. Développement des diverses branches de la botanique

Classification

La découverte de la Terre s’est achevée avec les grands voyages du début du XIXe siècle. On peut penser que l’inventaire des grandes plantes terrestres n’est pas loin d’être terminé aujourd’hui. Sans doute est-ce dans le monde des êtres microscopiques, Algues, Champignons et Bactéries, que des découvertes importantes sont encore possibles.

Taxinomie végétale

Il fallait que des règles vinssent préciser l’énoncé des noms de plantes. Dès 1700 était définie l’opposition entre les deux notions de genre et d’espèce; elles vont recevoir du grand botaniste suédois Linné leur spécification absolue, grâce à la création de la nomenclature binominale: Sinapis , nom de genre, arvensis , nom d’espèce, mots latins ou de forme latine, de cette langue qui fut adoptée par la science des dénominations ou taxinomie, au moment où le latin allait cesser d’être la langue scientifique internationale.

Morphologie et morphologie comparée

La détermination des unités systématiques est fondée sur la description des formes. Le terme de morphologie s’applique surtout à la description externe des formes. C’est principalement dans les embranchements des plantes supérieures, à propos de leurs fleurs, que la morphologie a été poussée à son détail infime. Les types floraux divers sont exprimés par les diagrammes floraux. Cette systématisation possible, entrevue dès longtemps par des botanistes, fut réalisée par le morphologiste allemand Eichler dont l’ouvrage Blütendiagramme a fourni à la fois la méthode de représentation schématique des rapports de nombre et de position entre les diverses parties de la fleur (sépales, pétales, étamines, carpelles) et une première approximation, très fouillée déjà, d’une réalisation qui peut s’étendre à toutes les plantes à fleurs. Concernant les feuilles des plantes supérieures, une systématisation analogue est faite par la phyllotaxie qui étudie la disposition des feuilles sur les tiges et dont le résultat moderne essentiel est d’unifier sous une même interprétation les deux catégories de disposition primitivement décrites: disposition verticillée , où le point végétatif qui termine la tige crée plus d’une feuille à la fois, fournissant sur la tige adulte deux ou plusieurs feuilles insérées à un même niveau; disposition spiralée , car les feuilles nées une par une peuvent, après le développement de la tige, être unies par une ligne traçant une spirale sur une projection schématique ou mieux une hélice sur la tige elle-même.

La morphologie ainsi entendue, illustrée des noms de De Candolle, Van Tieghem, a encore beaucoup de problèmes à résoudre. Elle utilise maintenant des méthodes expérimentales.

C’est ainsi qu’est démontrée la réalité des hélices foliaires. L’Impatiens roylei a une tige verticale et des feuilles verticillées par trois. Sur des plantes jeunes, Loiseau supprime, au voisinage du point végétatif, un centre générateur de feuilles. La plante croît, portant des verticilles de deux feuilles, en contact d’un côté par leurs insertions et séparées de l’autre côté par l’emplacement qu’aurait eu la troisième feuille. La bande d’écorce ainsi laissée libre dans la longueur de la tige tourne en hélice autour d’elle; elle manifeste l’emplacement de l’hélice foliaire qui a été supprimée par l’opération et la phyllotaxie de cette Impatiens comporte bien trois hélices foliaires. Le Lierre, plante à feuilles dispersées, a normalement deux hélices foliaires.

La systématique végétale

Les termes «plantes supérieures», «plantes inférieures» supposent la classification de toutes ces formes végétales. Le problème a été posé par Tournefort et Rajus: classification à partir d’un type d’organe – les pétales de la fleur – ou classification à partir de tous les caractères des végétaux. Le système sexuel créé par Linné (1735) a fourni le plus parfait des systèmes artificiels: la présence d’étamines chez toutes les plantes à fleurs a permis la réalisation d’une classification fondée essentiellement sur le nombre et la disposition des étamines (parties mâles de la fleur) puis, secondairement, pour les subdivisions des classes, sur l’organisation de l’ovaire (partie femelle). Ce système sexuel, adopté avec enthousiasme par le XVIIIe siècle pour sa commodité, a dû céder rapidement la place aux systèmes naturels, groupement des plantes en unités – les familles entrevues par Magnol – qui se constituaient d’elles-mêmes dans la science (Ombellifères, Renoncules...). Cette classification naturelle, préfigurée déjà dans quelques pages de Linné, ébauchée par Adanson (Les Familles naturelles des plantes , 1763), devait trouver une réalisation plus parfaite dans l’œuvre des de Jussieu; en 1763, Antoine Laurent de Jussieu publie l’Examen de la famille des Renoncules qui met en service dans le détail la méthode naturelle; en 1789, le Genera plantarum étend l’application à toutes les plantes alors décrites. De grandes œuvres du XIXe siècle (de Candolle, Bentham et Hooker) s’efforcent de suivre le progrès des connaissances et de maintenir à jour la classification naturelle. Il y a aujourd’hui plus de 210 000 espèces végétales classées parmi les seules Phanérogames.

La phylogénie

Les unités naturelles ne peuvent être liées entre elles sans intervention active de l’esprit humain. L’idée d’évolution qui anime la biologie du XIXe siècle impose que la classification naturelle retrouve les traces suivant lesquelles s’est effectuée l’évolution et groupe les plantes en séries évolutives. Tâche presque impossible, car les traces laissées par les végétaux, sous forme de fossiles datés, sont infimes par rapport à l’ampleur de ce monde végétal. On a pensé un temps trouver dans la sérologie une méthode permettant d’apprécier le degré de parenté des plantes. L’échec de cette méthode ne laisse place qu’à la recherche consciencieuse de faits, qui soient des indices probables d’une évolution effective à l’intérieur de groupes localisés, et à la puissance créatrice de la pensée humaine pour unir entre eux ces groupes. C’est donc sous une forme conjecturale, sans preuves possibles, au sens du logicien, que s’achève nécessairement le mouvement de pensée qui systématise ainsi le monde végétal.

Disciplines morphologiques

L’anatomie

En suivant la botanique sur la voie où ses débuts l’avaient engagée: connaître tous les végétaux et les classer, nous avons été jusqu’au terme de la systématique sans prendre garde à l’anatomie qui y joue un rôle important. La présence de vaisseaux – les trachées de Malpighi – et de tissus différenciés définit un degré d’évolution. Les Monocotylédones et Dicotylédones, qui constituent les végétaux supérieurs, se caractérisent aussi bien par la présence de cotylédons sur la plantule, utilisée d’abord par A. L. de Jussieu, que par les structures internes des tiges, découvertes par Desfontaines (1796). Tout comme la forme extérieure, l’anatomie révèle des affinités et intervient nécessairement dans la classification.

L’œuvre anatomique, à propos par exemple des formations secondaires ligneuses, a mis en vedette tour à tour, au XVIIIe siècle Duhamel du Monceau, et au XIXe siècle Mirbel, considéré à juste titre comme le fondateur de l’anatomie microscopique moderne. Il y a eu depuis 1800 une série de grands anatomistes, dont Hugo von Mohl, Trécul, Van Tieghem et Chauveaud. L’anatomie au service du développement de l’embryon signale les noms de Nägeli, Guignard et Souèges.

La cytologie

Pendant tout le XVIIIe siècle, Grew et Malpighi n’eurent aucun successeur et c’est seulement au début du XIXe siècle que le grand botaniste français Mirbel reprit l’étude des utricules, ou plutôt des cellules, car il utilisa ce terme employé par le botaniste anglais Hooke pour les petites cavités visibles sur un morceau de liège coupé et qui semblaient creusées dans une matière homogène. Ce fut surtout Dutrochet qui généralisa l’importance de cette notion nouvelle: «Tout dérive évidemment de la cellule dans les tissus organiques des végétaux» (1824). On ne savait rien du contenu cellulaire, lorsque R. Brown, en 1831, nota la présence constante d’un noyau dans les cellules des Orchidées; on étendit à la cellule végétale les observations de Dujardin sur le sarcode, vu chez les Rhizopodes, et qu’on a bientôt appelé cytoplasme. Division cellulaire, caryocinèse et fécondation d’une part, méiose d’autre part marquent les étapes de l’étude cytologique qui conduit au début du XXe siècle. La notion de cellule est certes une notion de biologie générale; mais par l’importance des vacuoles, de la cyclose, de la plasmolyse, par l’observation souvent aisée de la fécondation, la cellule végétale a joué un rôle particulièrement important dans le développement de la cytologie. Les noms des plus célèbres cytologistes occupés par la cellule végétale ont été Strasburger, W. Schimper, P. Dangeard, A. Guilliermond...

La cytologie, qui vivait un peu sur l’exploitation de ses résultats du début du XXe siècle, connaît depuis le milieu du siècle un extraordinaire essor. Le microscope électronique a multiplié par plus de 100 les possibilités de grossissement. Le raccord s’établit entre les plus grosses molécules de la chimie biologique et les particules que montre le microscope électronique les ribosomes. Composés particulièrement d’ARN et de protéines, les organites cytoplasmiques que sont les ribosomes sont indispensables à la synthèse des protéines. Les ribosomes des chloroplastes sont particulièrement remarquables.

L’ontogénie

C’est ici qu’il faut citer l’ontogénie, car elle est la cytologie en action. Ontogénie désigne étymologiquement la manière dont se forme l’être. Elle a en botanique une importance capitale, car la vie végétale est, suivant une expression classique, une embryogénie indéfinie. Une tige croît par sa pointe où se trouvent des tissus embryonnaires. Pendant la période où la croissance est active, elle forme successivement des feuilles nouvelles. À l’automne dans nos régions, les feuilles tombent de l’arbre et sur chaque branche un bourgeon terminal marque sous ses écailles l’arrêt de la croissance. Celle-ci reprend au printemps et l’embryogénie recommence. Le point végétal qui termine la tige est fait d’un tissu méristématique, aux cellules petites, à gros noyaux, qu’on peut dire de caractère embryonnaire; tandis que le point végétatif s’élève, les tissus de chaque niveau se différencient tour à tour, donnant les tissus de la tige ou croissant en feuilles. Le développement de la racine est plus simple. La croissance, à certains moments, conduit à la formation de fleurs. Il y a là encore une ontogénie très caractéristique, différant un peu suivant la complexité de la fleur, exprimée dans son diagramme floral. C’est le XIXe siècle qui a vu naître le point de vue ontogénique. Le plus célèbre des ouvrages auxquels il a donné naissance est de Payer: le Traité d’organogénie de la fleur (1857) qui conserve aujourd’hui encore une valeur indiscutable. On ne comprend un organe, sa nature et sa constitution que quand on en a suivi l’ontogénie.

Que ce soit à l’échelle macroscopique du végétal entier ou à l’échelle microscopique de la cellule, il ne s’agissait jusqu’ici que de forme: forme statique, étudiée au maximum du développement du végétal, et forme dynamique, lors de la croissance de la plante.

Disciplines physiologiques

Ainsi se prépare l’étude du fonctionnement de la plante où jouent les forces physico-chimiques, c’est-à-dire de la physiologie.

Nous avons vu naître la physiologie végétale au XVIIe siècle avec la question de la circulation de la sève. Après Mariotte (Essay de la végétation des plantes , 1679), un ouvrage de E. Hales, Vegetable Staticks (1757), présenta des expériences particulièrement importantes. Tous deux s’efforcent d’expliquer les phénomènes physiologiques par les lois de la physique et de la chimie. De nouveaux problèmes naissent des recherches de Charles Bonnet (Recherches sur l’usage des feuilles , 1754) et de Duhamel du Monceau (Physique des arbres , 1758) qui préparent les remarquables travaux que fera de Saussure sur la «respiration des plantes». On inclut d’abord l’assimilation chlorophyllienne dans les échanges gazeux – dits respiratoires par conséquent – qui se réalisent. En 1772, J. Priestley découvre la purification de l’air par les végétaux verts, alors qu’à la même époque Lavoisier précise la composition de notre atmosphère. Le rôle de la lumière dans l’assimilation du bioxyde de carbone et de l’eau, dans la genèse des composés organiques, est reconnu dès la fin du XVIIIe siècle. L’assimilation chlorophyllienne, qui plus tard prendra le nom de photosynthèse, s’oppose à la respiration des végétaux comme à celle des animaux.

Le mouvement de pensée qui accompagne ces recherches ruine peu à peu la notion de force vitale, héritée des doctrines aristotéliciennes. En 1845, Robert Mayer, après avoir énoncé le principe de la conservation de l’énergie, exprime ainsi la capacité des végétaux chlorophylliens: les plantes captent une force, la lumière, et la transforment en une autre force, la force chimique.

Les lois de la physique et de la chimie s’imposent, d’abord à propos de tous les aspects de la nutrition végétale, tributaire des éléments du sol, des eaux ou de l’atmosphère. Leur validité est ensuite reconnue aux différents niveaux d’organisation: infracellulaire, cellulaire, organes, etc., au cours du développement des organismes entiers, développement guidé par les règles de l’ontogenèse et de l’expression du génome des individus.

Si de nouvelles fonctions physiologiques sont découvertes, telle la photorespiration, respiration liée à l’exercice direct de la photosynthèse, l’esprit réductionniste l’emporte souvent: en effet les études réalisées au niveau cellulaire, voire moléculaire, et profitant des moyens analytiques les plus perfectionnés de la physico-chimie, aboutissent à des résultats plus faciles à interpréter que ceux obtenus avec les êtres vivants intacts.

Cependant, la compréhension du fonctionnement des organismes exige la prise en compte de la complexité structurale des êtres. Ainsi, parallèlement à une physiologie des mécanismes, se développe une physiologie globale des échanges de matière et d’énergie, étude des bilans et de leurs variations. Elle se complète d’une écophysiologie qui intègre les effets des facteurs du milieu de vie.

Disciplines biologiques

La génétique végétale

Faut-il croire, comme certains, qu’elle est née seulement vers 1850 avec les expériences de Naudin en France et de Mendel, dans son cloître de Moravie? En réalité, fort des expériences de Camerarius qui fait allusion à la possibilité de ce qu’on nommera plus tard hybridation, Kœlreuter (1733-1806) réalisa une série d’hybrides, constata chez eux un mélange des caractères distinctifs des deux parents et conclut à la possibilité de l’union sexuelle chez les seules plantes qui appartiennent à la même famille végétale. Certes, la connaissance des lois mathématiques de l’hybridation fut un progrès très important. Mais que pouvait construire la science avant que fussent établis l’existence des chromosomes et leur comportement dans les phénomènes de méiose? Après Mendel et Naudin, de Vries et la théorie des mutations, Morgan avec la théorie chromosomique de l’hérédité, et ultérieurement la génétique physiologique, empruntent leurs sujets à la botanique comme à la zoologie, dans leur recherche des mécanismes permettant aux êtres vivants de perpétuer les structures complexes qui les constituent.

Les cultures de tissus, les cultures de cellules isolées laissent s’exprimer, hors des contraintes de l’organisation des êtres complets, des possibilités de variations, voire de mutagenèse, insoupçonnées.

La fusion de protoplastes, cellules issues d’organes divers, mais dépouillées de leur paroi cellulosique, aboutit à des hybrides, produits d’une hybridation somatique, non sexuée, d’un type nouveau, particulièrement intéressant.

Les relations biologiques dans le monde végétal

L’Antiquité ne s’occupait que des relations entre les plantes et l’homme, consommateur du monde végétal et utilisateur de ses propriétés. Pourtant, Hérodote connaissait déjà la caprification des figuiers et ses moucherons; il écrit, à propos des palmiers, que l’insecte qui se trouve dans les «mâles des palmiers», qu’on attache aux arbres à dattes, «mûrit la datte en y pénétrant et l’empêche de tomber». Les plantes sont d’ailleurs d’admirables sujets pour les études de parasitisme: galles des plantes supérieures, témoins du parasitisme d’insectes; déformation et destruction des feuilles, fleurs et bourgeons par action des champignons parasites. À côté du parasitisme, la symbiose, mode de relations à bénéfice réciproque entre deux êtres, ne connaît pas de plus beaux exemples que chez les végétaux; symbiose lichénique, symbiose des Orchidées. Les noms de Schwendener, Bonnier, Noël Bernard marquent les grandes étapes de ces questions de symbiose. Enfin les végétaux, sans atteindre à l’étroitesse des liens qui caractérisent parasitisme ou symbiose, réalisent dans la nature des groupements qui expriment à la fois la vie sociale de ces êtres et les rapports qu’en commun ils contractent avec le milieu physique où ils se développent. Pline connaît des formations végétales comme celle des roseaux qu’il nomme un arundinetum . Dans toutes les régions atteintes par l’investigation scientifique, ont été étudiées les formations végétales caractéristiques; puis est née la notion d’associations végétales: sociétés définies chacune par une composition floristique précise. Les lois qui régissent ces associations, la série de leurs formes qui se succèdent sur un sol donné, suivant les conditions climatiques, constituent un dernier domaine de la botanique qui est dit phytogéographie . Les noms de De Candolle, Flahaut, du Rietz, Braun-Blanquet marquent des étapes du développement de cette science.

3. Discussion sur le mot «botanique»

La spécialisation

Nous avons vu comment le domaine de la botanique s’est progressivement étendu. L’énumération qui vient d’être donnée ne prétend pas être complète. Il existe des aspects de la vie végétale qui n’ont pas été signalés, mais peuvent être rapprochés de certains de ceux qui ont été envisagés. En revenant à notre définition première: «La botanique est la science des plantes», on voit que tous les chapitres évoqués relèvent bien de la botanique.

Mais justement, parce qu’en précisant et en approfondissant ces chapitres le terme «botanique» s’est trouvé considérablement élargi, il ne peut pas, dans la pensée moderne où la spécialisation règne en maîtresse, ne pas soulever une sorte de méfiance. On a donc tendance à préférer au terme vague de botanique des termes plus particuliers. Le minimum que l’on puisse faire est de recourir à quatre termes, très généraux encore: systématique végétale, morphologie végétale, physiologie végétale, biologie végétale, chacun d’entre eux comprenant des subdivisions qui peuvent encore mériter le titre de sciences particulières. Par exemple, la morphologie végétale comprend la morphologie proprement dite, l’anatomie, ou morphologie interne, la cytologie, qui est morphologie de la cellule (et physiologie également) et finalement la physiologie des corrélations relayée par la biologie moléculaire. Morphologie comparée et ontogénie, problèmes phylogénétiques, études écosystémiques relèvent d’une autre tournure d’esprit. Ce sont des titres de grands chapitres qui peuvent être considérés comme sciences particulières et recevoir, par exemple dans une université richement dotée, la sanction d’un enseignement et même d’un certificat scientifique.

Botanique et biologie

À côté de ce problème de la fragmentation d’un domaine trop vaste, il y a le problème de l’opposition entre botanique et biologie. Dans l’acceptation du terme «botanique» qui a été donné, et que légitime totalement l’histoire de la science, c’est autour de la notion des règnes, animal ou végétal, que s’organise le savoir. Au temps de Cuvier, par exemple, on distinguait parmi les corps organisés (terme contenu dans le titre de sa chaire au Collège de France) les animaux et les végétaux, soit la zoologie et la botanique. Un savant était zoologiste ou botaniste, parce qu’il s’occupait d’animaux ou de végétaux, qu’il le fît en systématicien, en morphologiste ou en physiologiste. Et l’étendue du domaine scientifique ainsi défini n’excédait pas encore les possibilités d’un seul esprit.

Mais le terme «biologie» a été créé presque simultanément par Treviranus, savant allemand, et par Lamarck. Il est retenu par Auguste Comte comme l’une des divisions premières de sa classification des sciences, et c’est secondairement que la biologie se divise en zoologie et botanique. La biologie, science de la vie, est plus générale que chacune des deux sciences qui la constituent, parce qu’elle étudie les faits qui sont communs aux deux séries d’êtres vivants. Et sans doute est-ce cela que vient exprimer le terme de biologie générale, qui s’oppose dans le langage des scientifiques à biologie animale et biologie végétale. Un terme comme biologie végétale pourrait avoir deux sens: certains souhaiteraient le voir remplacer botanique, qui disparaîtrait; ou plutôt, les classifications, pour lesquelles les vrais «biologistes» ont un dédain, ne correspondant guère à la notion de biologie, on garderait botanique, mais ce terme ne serait plus que synonyme de classification végétale. Pour d’autres, plus nombreux, biologie végétale s’oppose à morphologie végétale et à physiologie végétale. Chez un être vivant, la morphologie, c’est sa forme qui le différencie des autres êtres; la physiologie, ce sont ses fonctions, harmonisées entre elles dans les conditions de vie normales, à l’optimum si l’on veut, avec l’eau et les aliments, la chaleur et la lumière qui créent cet optimum. La biologie est alors l’étude des phénomènes particuliers à sa vie, l’opposant aux autres êtres; son aire de dispersion possible sur la Terre, exprimant ses exigences physiques; son aire de dispersion réelle, expliquée par ses moyens de propagation; ses rapports avec les autres êtres vivants qui peuvent être pour lui des auxiliaires, transportant son pollen ou dispersant ses graines, s’il s’agit de plante à fleurs, ou bien être des rivaux dans la lutte pour la vie ou des ennemis prédateurs... C’est bien là un domaine de biologie végétale que le botaniste doit enseigner à propos de l’être qu’il présente: il est nécessairement lié à la morphologie et à la systématique dont la physiologie est beaucoup moins dépendante.

Même allégé depuis la création de la biologie générale, il est logique que le terme «botanique», héritier d’un riche passé, demeure et conserve le sens large sous lequel il a participé à la construction de la science. Nous pouvons préciser le problème que pose le mot, mais non savoir quel sera son destin, car, à côté de la solution fondée sur la raison, interviennent les réactions presque inconscientes et imprévisibles de ceux qui l’emploient.

Observons aussi que la situation intellectuelle varie, à ce propos, selon les pays. Dans nombre d’entre eux, l’idée d’une unité concrète du monde végétal justifie le terme de botanique (Botany , Botanik ) et maintient son emploi dans les titres des journaux, des laboratoires, des instituts et des congrès internationaux. Ainsi la botanique, dans un consensus international, retrouve-t-elle son unité.

botanique [ bɔtanik ] adj. et n. f.
• 1611; gr. botanikê adj. f., de botanê « plante »
1Relatif à l'étude des végétaux. Jardin botanique. Géographie botanique. « Nos recherches botaniques ne furent pas heureuses » (Chateaubriand ).
2 N. f. Discipline qui regroupe l'ensemble des sciences végétales. La botanique, à laquelle incombe la classification des espèces végétales, participe à l'écologie, à la pharmacologie.

botanique nom féminin (grec botanikos, de bontanê, herbe) Étude scientifique des végétaux. ● botanique adjectif Relatif aux plantes, au règne végétal, à la botanique.

botanique
n. f. et adj.
d1./d n. f. Science qui traite des végétaux.
d2./d adj. Qui concerne les végétaux, leur étude. Jardin botanique, où sont réunies les plantes que l'on veut étudier.
Encycl. Un végétal "parfait" est caractérisé par: des parois cellulaires cellulosiques, rigides à un stade de la vie de l'individu; la présence de la fonction chlorophyllienne; un cycle de reproduction sexuée. La botanique étudie les algues, les bryophytes ("mousses"), les ptéridophytes, les phanérogames (gymnospermes et angiospermes), qui sont toutes des plantes chlorophylliennes, et les champignons. Elle se subdivise en morphologie, anatomie, physiologie, cytologie, histologie, etc., auxquelles on ajoute l'épithète végétale. L'agronomie et la pharmacologie constituent ses deux applications principales.

⇒BOTANIQUE, subst. fém. et adj.
A.— Subst. Science qui a pour objet l'étude des végétaux. Cours, traité de botanique; faire de la botanique :
1. J'aimerais bien de connaître un peu la botanique; c'est une étude charmante à la campagne, toute pleine de jouissances. On se lie avec la nature, avec les herbes, les fleurs, les mousses qu'on peut appeler par leur nom.
E. DE GUÉRIN, Journal, 1838, p. 207.
B.— Adj. Relatif à cette science. Classification, collection botanique; jardin, région botanique :
2. Je pris mon fusil et j'allai flâner dans les environs. Je suivis d'abord le cours de la rivière, mes recherches botaniques ne furent pas heureuses : les plantes étaient peu variées.
CHATEAUBRIAND, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 1, 1848, p. 294.
3. C'est à La Roque surtout, où Anna nous accompagnait tous les étés, que se manifestait dans son plein son activité botanique et que s'alimentait l'herbier.
GIDE, Si le grain ne meurt, 1924, p. 367.
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1611 adj. (COTGR.); 1680 subst. (RICH.).
Empr. au fém. de l'adj. gr. « qui se rapporte aux plantes », « science des plantes » (Dioscoride dans BAILLY), dér. de « herbe ».
STAT. — Fréq. abs. littér. :327. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 578, b) 555; XXe s. : a) 353, b) 387.
DÉR. Botaniquement, adv. Au plan de la botanique. L'agent spécifique de la diphtérie appartient botaniquement au genre corynebacterium (AVIRAGNET, WEILL-HALLÉ, MARIE ds F. Widal, P.-J. Teissier, G.-H. Roger, Nouv. traité de méd., fasc. 2, 1920-24, p. 629). Seule transcr. dans LITTRÉ : bo-ta-ni-ke-man. 1re attest. 1845 (BESCH.); dér. de botanique, suff. -ment2.

botanique [bɔtanik] adj. et n. f.
ÉTYM. 1611; du grec botanikê, adj. fém., de botanê « plante ».
1 Adj. Relatif aux végétaux et à leur étude. || Géographie botanique : étude de la répartition des plantes sur le globe. || Classification botanique. Règne (végétal), embranchement, classe, ordre, famille, genre, espèce, variété, type. || Études, recherches botaniques.
1 Nos recherches botaniques ne furent pas heureuses; les plantes étaient peu variées (…)
Chateaubriand, Voyage en Amérique, 334.
Loc. Jardin botanique, où les plantes sont cultivées pour l'étude scientifique, et qui contient des espèces nombreuses et répertoriées.
2 N. f. (1680). Science qui a pour objet l'étude des végétaux. Arbre, herbe, plante, végétal; feuille, fleur, fruit, racine, tige. || Branches de la botanique. Anatomie, embryologie, histologie, morphologie, physiologie (végétales); paléobotanique; nosologie, pathologie, tératologie (végétales). || Botanique générale : étude des caractères communs à la vie des plantes. Organographie. || Botanique spéciale ou comparée : étude comparée des plantes. || Botanique appliquée. Agriculture, horticulture. || Botanique industrielle. || Botanique médicale. || La botanique fait partie des sciences naturelles, de la biologie. || Botanique et écologie.Travaux pratiques de botanique. Herbier; botaniser, herboriser.
2 La botanique n'est pas une science sédentaire et paresseuse qui se puisse acquérir dans le repos et l'ombre d'un cabinet.
Fontenelle, Tournefort.
3 Ces idées médicinales (ne chercher dans les plantes que des drogues et des remèdes) ne sont assurément guère propres à rendre agréable l'étude de la botanique; elles flétrissent l'émail des prés, l'éclat des fleurs, dessèchent la fraîcheur des bocages, rendent la verdure et les ombrages insipides et dégoûtants; toutes ces structures charmantes et gracieuses intéressent fort peu quiconque ne veut que piler tout cela dans un mortier, et l'on n'ira pas chercher des guirlandes pour les bergères parmi des herbes pour les lavements.
Rousseau, Rêveries…, 7e Promenade.
tableau Les grandes divisions en botanique.
tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
DÉR. Botaniquement. — V. Botaniser, botaniste. — V. aussi Botano-.

Encyclopédie Universelle. 2012.