croire [ krwar ] v. <conjug. : 44> I ♦ V. tr. dir.
1 ♦ Tenir pour vrai ou véritable. ⇒ accepter, admettre. Je crois ce que vous dites. Ne croyez rien de ce qu'il vous raconte. Loc. Je suis comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois. Il faut le voir pour le croire. À ce que je crois : à mon avis, à ce qu'il me semble. « Ce que la bouche s'accoutume à dire, le cœur s'accoutume à le croire » (Baudelaire). Plaisant Qui l'eût cru ? — Faire croire qqch. à qqn. ⇒ convaincre, persuader, prouver. Croire naïvement, sottement une histoire. ⇒fam. avaler, gober. C'est difficile à croire.
♢ (Sens fort) Donner son plein assentiment à une vérité; avoir la certitude morale de. « Nous savons bien que nous mourrons, mais nous ne le croyons pas » ( Bourget).
2 ♦ Tenir (qqn) pour sincère, véridique; ajouter foi à ce qu'il dit. ⇒ se fier (à). Vous pouvez croire cet homme (⇒ crédible) . Croire qqn sur parole. Tu me croiras si tu veux; tu n'es pas obligé de me croire. Crois-moi : fais-moi confiance. — Fam. (emphat.) Je vous crois ! Je te crois ! je pense comme vous, comme toi; c'est évident ! (cf. Et comment ! tu parles, pour sûr). Je te crois qu'elle est belle !
3 ♦ EN CROIRE (qqch., qqn) :s'en rapporter à. Si vous m'en croyez, vous ne lui prêterez pas cet argent. S'il faut en croire la rumeur, à en croire les journaux, la crise est imminente. Je n'en crois rien : c'est faux, c'est un mensonge. Crois-en mon expérience. — Si j'en crois ce qu'on raconte. — Loc. Ne pas en croire ses yeux, ses oreilles : avoir du mal à admettre l'évidence, douter du témoignage de ses sens.
4 ♦ CROIRE QUE : considérer comme vraisemblable ou probable. ⇒ considérer, estimer, se figurer, imaginer, 1. juger, 1. penser, présumer, supposer (que). « Si vous pleurez, je crois que je vais mourir de chagrin » (Sand). Je crois qu'il est déjà parti. Je crois que oui, que non. « Je ne le crois pas, dit-il, j'en suis certain » (Maurois). Nous lui avons fait croire (laissé croire) que nous serions absents. J'ai tout lieu de croire qu'il a menti. Je ne crois pas qu'il viendra, qu'il vienne. « Je n'aurais jamais cru que l'on pût tant souffrir » (Musset). — Loc. Croire que c'est arrivé : s'imaginer qu'on a réussi. — Surtout, n'allez pas croire, ne croyez pas que je sois jalouse. — Ne croyez-vous pas qu'il serait bon de lui en parler ?
♢ C'est à croire que, il faut croire que... : il est probable que... J'aime à croire que. ⇒ espérer, souhaiter. Tout porte à croire que c'est vrai. — On croirait qu'il dort (mais il ne dort pas). ⇒ 1. dire, jurer. Je vous prie de croire qu'il n'a pas répliqué : soyez certain que...
5 ♦ CROIRE (et l'inf.) :sentir, éprouver comme vrai (ce qui ne l'est pas absolument). ⇒ estimer, 1. juger, 1. penser. « J'ai cru sentir le temps s'arrêter dans mon cœur » (Musset). « nous croyons être acteurs, nous ne sommes jamais que spectateurs » (Maurois). Nous croyons vous avoir aperçus hier. On croit rêver. Vous ne croyez pas si bien dire.
6 ♦ CROIRE (qqn, qqch.) (et attribut). ⇒ estimer, imaginer, supposer. Je le crois capable de tout. On l'a cru mort. Je le crois homme de parole. ⇒ tenir (pour). « nous croyons les autres plus heureux qu'ils ne sont » (Montesquieu). On croit cette entreprise au bord de la faillite.
7 ♦ SE CROIREv. pron. Se considérer comme; s'imaginer être. ⇒ s'estimer. Il se croit plus malin que tout le monde. Tu te crois intelligent ? Elles se sont crues perdues. Il se croit tout permis. Où te crois-tu ? (pour avoir une telle attitude). Loc. fam. Se croire sorti de la cuisse de Jupiter. — Se croire qqn. Fam. Qu'est-ce qu'il se croit, celui-là ? (cf. Pour qui se prend-il ?). On se croirait déjà en hiver.
II ♦ V. tr. ind. Croire à, en.
1 ♦ Croire à une chose, lui accorder son adhésion morale ou intellectuelle. Croire au progrès. Croire à l'astrologie. « La culture positive de Vincent le retenait de croire au surnaturel » (A. Gide).
♢ Spécialt Accorder par conviction son adhésion; être persuadé de l'existence et de la valeur de (un dogme, un être religieux). Croire à l'Évangile. — Loc. Ne croire ni à Dieu, ni à Diable. Croire en Dieu : avoir la foi (⇒ credo) . Fam. Croire au père Noël; fig. être très naïf, se faire des illusions.
2 ♦ Tenir pour réel, vraisemblable ou possible. Il a cru à une erreur de votre part. Croire aux promesses de qqn. ⇒ compter (sur), se fier (à). Je ne crois pas à l'efficacité de ce traitement. — Croire dur comme fer à qqch. — Je vous prie de croire à, veuillez croire à mes sentiments les meilleurs : formules épistolaires de politesse.
3 ♦ Croire en (qqn), avoir confiance en lui, s'en rapporter à lui. ⇒ compter (sur), se fier (à). J'ai toujours cru en lui. « Il faut croire en soi » (Suarès).
III ♦ V. intr. (sens fort)
1 ♦ Avoir une attitude d'adhésion intellectuelle. Il croit sans comprendre. « On vous dit quelquefois : Ceci est un fait [...] C'est dire : Croyez » (Valéry).
2 ♦ Avoir la foi religieuse (⇒ croyant). « Pour que Pascal supportât la vie, il était nécessaire qu'il crût » (Suarès).
⊗ CONTR. Douter; contester, démentir, discuter; nier, protester.
⊗ HOM. Crois :croîs; cru :crû (croître).
● Croire avoir foi en l'existence de Dieu, avoir la foi religieuse.
croire
v.
rI./r v. tr.
d1./d Tenir pour vrai, estimer comme véritable. Croire ce qu'on dit. Croire un récit.
d2./d Avoir confiance (en qqn, en la sincérité de ses dires). Je le crois, car il ne ment jamais. Croyez-moi, je n'avais jamais vu un tel désordre!
|| En croire: s'en rapporter à (qqn, à ses dires). à l'en croire, tout va mal.
|| Ne pas en croire ses oreilles, ses yeux: être stupéfait, très surpris par ce que l'on entend, par ce que l'on voit.
d3./d Croire (+ inf.): tenir pour véritable (ce qui n'est pas). Il a cru entendre un bruit.
|| Croire que: estimer, supposer que. Je crois qu'il fera beau demain. Je ne crois pas qu'il tienne sa promesse.
d4./d Croire qqch, qqn (suivi d'un attribut): estimer, imaginer. Je ne crois pas cette tentative inutile. Je le crois honnête.
|| v. Pron. S'imaginer être, se prendre pour. Elle se croit une grande comédienne.
rII./r v. tr. indir.
d1./d Croire en qqn, en qqch, avoir confiance en lui (en elle). Il croit beaucoup en cet enfant. Croire en soi. Croire en l'avenir: avoir confiance en l'avenir.
d2./d Croire à une chose, être convaincu de sa valeur, de sa portée. Croire à la science, au progrès.
d3./d être persuadé de la réalité, de la vérité, de l'existence de qqch. Croire en Dieu. Croire à l'amour de sa femme.
|| Croire à un changement, le tenir pour probable.
rIII/r v. intr.
d1./d Accepter entièrement, sans examen ni critique (une proposition, des paroles, etc.). Croire et ne jamais discuter, voilà sa règle.
d2./d Spécial. Avoir la foi. Il n'est pas pratiquant mais il croit.
⇒CROIRE, verbe trans.
I.— Emploi trans. dir.
A.— Croire + compl.
1. [Le compl. est un subst.]
a) [Le subst. désigne une pers.]
— Croire qqn. Attacher une valeur de vérité, ajouter foi à ce que dit une personne; tenir quelqu'un pour sincère, pour véridique; estimer vraies ses paroles. Si nous devions croire Jean-Jacques (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 161) :
• 1. Alors, Pauline (...) lui raconta que le caissier [manchot] appuyait l'instrument [le cor] contre un mur; et il la crut parfaitement, en trouvant ça très ingénieux.
ZOLA, Au Bonheur des dames, 1883, p. 523.
♦ Je vous/te crois; j'te crois (fam.). Je considère que ce que vous dites/tu dis est vrai. Bernard Grandin répondit avec un accent badin de conviction sincère : — Je te crois qu'elle est belle! (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Inutile beauté, 1890, p. 1155).
♦ Croyez-moi, crois-moi. Pour confirmer ce que l'on dit et inviter l'interlocuteur à se ranger à son avis. Et croyez-moi, ne louez pas tant les femmes d'ici car elles ne vous louent guère (ANOUILH, Répét., 1950, II, p. 52).
— Croire + subst. + attribut du compl. : croire qqn + qualité. Prêter à quelqu'un une qualité. J'ai fait ce que j'ai pu pour qu'il me croie une garce, et, même, pour être, pour de bon, méchante (AUDIBERTI, Mal court, 1947, III, p. 180). Pauvre Simon, qu'elle avait cru poète! (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 182).
b) [Le subst. désigne une chose] Croire qqc. Le tenir pour véritable. J'ai de la peine à croire cela (Ac. 1835, 1878). Dieu vous l'avait donnée, Dieu vous l'a reprise (...). — Je n'aurais jamais cru ça de lui (A. FRANCE, P. Nozière, 1899, p. 148).
— Faire croire qqc. à qqn. Persuader quelqu'un d'une chose (gén. inexacte ou fausse). Qui a pu vous faire croire une pareille sottise? (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 89). On peut leur [aux intelligences médiocres] faire croire des choses différentes (MOUNIER, Traité caract., 1946, p. 621).
— Expressions
♦ Croire quelque chose comme l'Évangile/comme parole d'Évangile/comme article de foi. Croire quelque chose très fermement comme étant très sûr.
♦ Croire tout comme article de foi. Être très crédule.
Rem. Attesté ds Ac. 1835-1932 ainsi que ds BESCH. 1845, LITTRÉ, GUÉRIN 1892.
♦ Croyez cela et buvez de l'eau/ croyez cela et tenez-vous les pieds chauds. Ceci est absurde et vous ne pouvez le croire sans violer les lois de la raison et du sens commun.
Rem. Attesté ds Lar. 19e-20e ainsi que ds BESCH. 1845, LITTRÉ et ROB. pour la 1re expression.
♦ J'aime mieux le croire que d'y aller voir. En parlant de quelque chose dont on doute mais que l'on préfère croire plutôt que de le vérifier.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe s. dont Ac. 1835, 1878, ainsi que ds Lar. 20e et QUILLET 1965.
♦ Si vous ne le croyez pas, allez y voir. En parlant à quelqu'un qui doute de ce qu'on lui affirme.
Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du XIXe s. dont Ac. 1835, 1878, ainsi que ds Lar. 20e.
— Croire + subst. + attribut du compl. Être persuadé de, que. Lénine croyait cette tendance inévitable (CAMUS, Homme rév., 1951, p. 286).
c) En croire (en explétif). Croire sur un sujet déterminé.
— En croire qqn. Ajouter foi à ce que dit quelqu'un à propos d'une question et en raison de la personne; s'en rapporter à quelqu'un. Ce quelque chose, à en croire Valéry, serait essentiellement humain (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 159). Ces monstres qu'éveille, si l'on en croit Goya, le sommeil de la raison (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 332) :
• 2. Son origine [de la cathédrale de Tolède] se perd dans la nuit des temps, et, s'il faut en croire les auteurs indigènes, elle remonterait jusqu'à l'apôtre Santiago...
GAUTIER, Tra los montes, Voyage en Espagne, 1843, p. 146.
♦ Croyez-m'en, si vous m'en croyez. Pour inviter quelqu'un à se ranger à un avis. Si vous m'en croyez, mon enfant, vous n'en ferez rien (AUDIBERTI, Mal court, 1947, I, p. 145).
♦ À l'en croire. Locution exprimant le doute; si l'on s'en rapporte à.
— En croire qqc. S'en rapporter à quelque chose. Lucky, son hibou, son dernier compagnon, si je dois en croire les journaux (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 188). Si j'en crois l'histoire (CLAUDEL, Raviss. Scapin, 1952, p. 1342).
♦ Ne pas en croire ses yeux/ses oreilles. Ne pas se fier à ce qu'ont vu les yeux, ou entendu les oreilles, tant c'est étonnant et difficile à croire. Il obtint son effet de surprise. Nous avions peine à en croire nos oreilles, et il nous fallut une bonne minute pour réaliser cette extravagante aubaine (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 283).
— En partic., emploi pronom. S'en croire. Avoir une haute opinion de soi-même, de son mérite, de sa valeur. S'en croire beaucoup. C'est un caractère difficile : elle s'en croit. Il y a sa mère aussi, qui se pousse du col (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 78). Elle est fière. Je dirais même qu'elle s'en croit un peu (AYMÉ, Cléramb., 1950, IV, 7, p. 226).
2. [Le compl. est une prop.]
a) Croire + prop. complétive : croire que. Penser que, sans certitude absolue; considérer comme probable :
• 3. — Je crois que vous deviendrez aveugle, dit Ricarda.
— Je le sais, dit Pujolhac. Vous dites « je crois », moi, je dis « je suis sûr ».
ABELLIO, Heureux les pacifiques, 1946, p. 212.
Rem. Selon la règle commune aux verbes déclaratifs, lorsque croire est affirmatif, on admet la certitude, la possibilité de ce qui va suivre et le verbe de la sub. est à l'ind. (cf. supra ex. 3); lorsque croire est négatif ou interr., on considère le fait comme douteux, même impossible, et le verbe de la sub. est au subj., à l'ind. fut. ou au cond. Vous croyez qu'elle accepterait? demanda-t-il (DRUON, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 143). (cf. également infra ex. 4).
— Faire croire que. Une maladresse de Chloé lui fait croire que Caracalla soupçonne la vérité (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 217). Elle voudrait me faire croire qu'elle est pucelle (SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 150).
— Expressions
♦ Croire que c'est arrivé. Prendre quelque chose au sérieux; s'imaginer que tout se déroulera selon les prévisions faites. Il a la drôle de tête de l'homme qui croit que c'est arrivé mais qui ne sait pas au juste comment ça va se terminer (PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 147).
♦ Ne croyez pas. Précaution oratoire employée pour introduire une phrase et l'atténuer :
• 4. L'insulte est la monnaie courante, quelques très grands metteurs en scène vont jusqu'à la gifle. Et ne croyez pas que cela soit gratuit. Cela se sent toujours, après, quand on écoute la pièce, si le maître a été vraiment viril.
ANOUILH, La Répétition, 1950, II, p. 50.
♦ Ne croyez-vous pas que? Pour atténuer une question. Ne croyez-vous pas que Monsieur l'a terrorisée en entrant? (BERNANOS, Dialog. Carm., 1948, 3e tabl., 10, p. 1639).
♦ Il faut croire que. Il est vraisemblable que. Il faut croire que la tunique allemande leur seyait peu, puisqu'ils furent soupçonnés (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 236).
b) Croire + inf.
— Croire + inf. + compl. Avoir l'impression ou admettre que quelque chose est certain. Werbrust et Gigonnet ont cru me faire une farce (...) je vais bien rire ce soir à leurs dépens (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 410). Je crois voir, la nuit, sous les meubles, un chat qui me regarde (A. FRANCE, Hist. comique, 1903, p. 2).
— Croire + inf. + inf. (pouvoir ou un autre verbe). Avec valeur d'auxiliaire et constituant une manière d'atténuer une affirmation. Je crois devoir vous dire très simplement que je souhaite pour la France et pour vous, mon Général, que vous sachiez et puissiez échapper au désastre (DE GAULLE, Mém. guerre, 1954, p. 269) :
• 5. ... je n'étais pas seule à être exaspérée par cette habitude qu'a prise Robert de toujours dire qu'il a « cru devoir faire » tout ce que, simplement, il a fait parce qu'il en avait envie, ou bien, plus souvent encore, parce qu'il lui paraissait opportun d'agir ainsi. Ces derniers temps, il perfectionne; il dit : « J'ai cru de mon devoir de... » comme s'il n'agissait plus que mû par de hautes considérations morales.
GIDE, L'École des femmes, 1929, p. 1280.
3. [Le compl. est un adj.] Croire + adj. + de + inf. Croire nécessaire de, croire utile de. Juger, estimer le bien-fondé d'une action, d'un acte, exprimé par l'infinitif. Pour plus de sûreté, elle avait cru bon de quitter Annecy (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p. 67).
B.— Absolument
1. Accepter des vérités certaines comme vérité par adhésion de l'esprit, mais également par acte de volonté. Croire, c'est considérer comme vraie une certaine connaissance; c'est juger qu'elle est conforme à ce qui est (JOUFFROY, Mél. philos., 1833, p. 164) :
• 6. [James Knight à Wilfred] — (...) on peut croire d'une certaine manière, je ne sais comment, avec la tête, sans doute. Et puis on peut avoir jusque dans la moelle des os la certitude que ce qu'on croit est vrai. Ça, c'est le don de Dieu.
GREEN, Chaque homme dans sa nuit, 1960, p. 236.
2. Spéc. Avoir la foi religieuse :
• 7. Dans la solitude, j'avais entendu la voix du Seigneur (...). Dès lors, le doute fut chassé de mon cœur; je crus et je priai!
DUMAS père, Paul Jones, 1838, IV, 3, p. 184.
3. Par affaiblissement
♦ Je crois (en prop. incise). À mon avis, dans mon opinion, autant que je sache. « Quand tout le monde a tort, tout le monde a raison », dit (je crois) Mirabeau (GREEN, Journal, 1950, p. 359).
♦ Tu crois? Vous croyez? Formule polie indiquant le scepticisme devant une affirmation :
• 8. ... Hamlet, Othello, Antoine et Cléopâtre. Il est indispensable que tu les connaisses au moins de cette manière-là.
— Tu crois?
— Mais oui.
GREEN, Moïra, 1950, p. 189.
♦ Je crois bien. Cela ne m'étonne pas.
II.— Emploi pronom.
A.— Se croire + compl. Imaginer quelque chose comme réel; s'imaginer être...
1. Se croire + attribut
a) [L'attribut est un adj.] Cet homme se croit habile (Ac. 1798-1932). Il n'y a que des dupes qui puissent se croire utiles à leurs semblables (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 390). Vous vous croyez admirable, alors que votre attitude a quelque chose d'assez vil (MONTHERL., Celles qu'on prend, 1950, II, 4, p. 804).
b) [L'attribut est un subst.] :
• 9. Ils [les hommes] se croient architectes, maçons, gendarmes, prêtres, tisseurs de lin, ils se croient pour leurs intérêts ou leur bonheur et ils ne sentent pas leur amour, de même que ne sent point son amour celui qui vaque dans la maison tout absorbé par les difficultés du jour.
SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, p. 813.
— Pop. et fam. Se croire le premier moutardier du pape. Se donner de l'importance et être persuadé qu'on en a beaucoup.
2. Se croire + compl. Je vous ferai mes compliments bien sincères sur l'ordonnance de cette fête (...). On se croirait vraiment à Versailles (DUMAS père, Les Demoiselles de Saint-Cyr, 1843, III, 7, p. 154).
B.— Absol., péj. et fam. Avoir une haute opinion de soi-même; être rempli de vanité, de présomption, d'orgueil (cf. ex. 9).
III.— Emploi trans. indir.
A.— [Le compl. est précédé de à] Croire + à + subst. Être persuadé de quelque chose par adhésion de l'esprit, de manière rationnelle, mais aussi avec confiance.
1. [Le subst. désigne une pers.] Croire à qqn.
a) Être persuadé de l'existence réelle de quelqu'un. Croire à Dieu, au diable. Il m'a même dit qu'il avait cru au diable avant de croire à Dieu (GIDE, Journal, 1914, p. 491). Certains ont cru aux anges, aux démons, aux génies (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 878) :
• 10. — Et puis quand il va s'apercevoir que je me suis fichue de lui, dit Sylvaine, ça va être terrible!
DRUON, Les Grandes familles, t. 2, 1948, p. 135.
— Croire au Père Noël (cf. SARTRE, Mort ds âme, 1949, p. 53 et 254). Être très naïf; se faire beaucoup d'illusions.
b) Croire à une catégorie de personnes, y ajouter foi; s'y fier. Croire aux astrologues, aux médecins (Ac. 1798-1932). Ce qui lui manquait [à Manette] pour l'aimer [Coriolis], c'était d'y croire, d'avoir foi en lui (GONCOURT, M. Salomon, 1867, p. 217). Ne te fie pas à la jeunesse, crois aux vieillards (A. FRANCE, Vie littér., 1890, p. 357) :
• 11. Ce groupe met à sa tête un homme que j'estime comme particulier, auquel je ne crois pas comme homme politique...
SAND, Correspondance, t. 3, 1812-76, p. 211.
2. [Le subst. désigne une chose] Croire à qqc.
a) Penser que quelque chose a une existence réelle. Croire à l'âme, à l'immortalité. Vous m'avez dit, mon Dieu, de croire à l'enfer (TEILHARD DE CH., Milieu divin, 1955, p. 189) :
• 12. Les plus grands esprits sont toujours des esprits sceptiques. Ils croient cependant à quelque chose : ils croient à tout ce qui peut les rendre plus grands. C'est le cas, par exemple, de Napoléon, qui croyait à son étoile, c'est-à-dire à soi-même. Or, ne pas croire aux croyances communes, c'est évidemment croire à soi, et souvent à soi seul...
VALÉRY, Variété III, 1936, p. 220.
— Croire à qqc. dur comme fer. Y croire fermement, sans en démordre. Il [Leconte de Lisle] a cru dur comme fer à une Grèce qui n'a jamais existé que dans le cerveau de son ami [Louis Ménard] (BARRÈS, Voy. Sparte, 1906, p. 4).
b) Avoir confiance en quelque chose. Croire à l'avenir, à la révolution. Ah, messieurs! croyez à l'Assemblée de vos représentants (Le Moniteur, 1789, p. 347). [Ils] ont cru aux dés (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 569) :
• 13. Car il [Brichot] avait cette curiosité, cette superstition de la vie, qui unie à un certain scepticisme relatif à l'objet de leurs études, donne dans n'importe quelle profession, à certains hommes intelligents, médecins qui ne croient pas à la médecine, professeurs de lycée qui ne croient pas au thème latin, la réputation d'esprits larges, brillants, et même supérieurs.
PROUST, Du côté de chez Swann, 1913, p. 251.
• 14. ... vous êtes capable de mourir pour une idée, c'est visible à l'œil nu. Eh bien, moi, j'en ai assez des gens qui meurent pour une idée. Je ne crois pas à l'héroïsme, je sais que c'est facile et j'ai appris que c'était meurtrier. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on vive et qu'on meure de ce qu'on aime.
CAMUS, La Peste, 1947, p. 1349.
— Veuillez croire à ..., je vous prie de croire à... (mes amitiés, mes sentiments). Formule épistolaire de politesse. [Je] vous prie de croire, mon Général, à mes sentiments profondément et fidèlement dévoués (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 571).
c) Penser qu'il peut s'agir de quelque chose; penser que quelque chose est probable. On ne peut rien dire encore (...). Je croirais à une fièvre cérébrale. L'excitation nerveuse est très intense (A. FRANCE, P. Nozière, 1899, p. 24) :
• 15. On peut l'avoir poussée, certes, mais sans lui donner de coups, sans qu'elle se défende...
— On ne l'a pas poussée.
— Vous croyez donc à l'accident?
SIMENON, Les Vacances de Maigret, 1948, p. 62.
— C'est à n'y pas croire (cf. GRACQ, Syrtes, 1951, p. 338). C'est inouï; ceci est si peu vraisemblable qu'il semble difficile à croire.
B.— [Le compl. est précédé de en] Croire + en + subst. Apporter une adhésion totale mais personnelle, en y attachant une valeur éthique qui porte l'individu à se comporter en conséquence avec confiance et amour.
1. [Le subst. désigne une pers.] Croire en qqn. Avoir confiance en lui. Pour aimer la gloire, il faut faire grand cas des hommes; il faut croire en eux (VALÉRY, Tel quel I, 1941, p. 34). Vous avez perdu confiance, vous ne croyez plus en moi, on ne croit plus en moi, c'est ce qui me tue (BERNANOS, Mauv. rêve, 1948, p. 939) :
• 16. La Ville-aux-Fayes croyait d'ailleurs en son Maire. La capacité de Gaubertin n'était pas moins prônée que sa probité, que son obligeance; il appartenait à ses parents, à ses administrés tout entier, mais à charge de revanche.
BALZAC, Les Paysans, 1844-50, p. 176.
— Croire en Dieu. Croire à son existence et avoir beaucoup d'amour et de confiance en Lui; avoir la foi :
• 17. À peine quelque préjugé est-il détruit par le tems, qu'on le voit remplacé par d'autres. Qu'y avons-nous gagné? Nous ne croyons plus en Dieu; mais nous croyons au diable : nous nous moquons des martyrs, et nous révérons les magiciens; nous rions des mystères, et nous redoutons les prestiges; nous jouons les esprits forts, et nous sommes des illuminés.
MARAT, Les Pamphlets, Les Charlatans modernes, 1791, p. 258.
— Croire en soi. Être confiant en soi-même, en sa valeur, en son mérite, en ses possibilités. Mais seraient-elles [les circonstances actuelles] un obstacle insurmontable si vraiment je croyais en moi avec la foi, avec l'illusion, de jadis? (MARTIN DU G., Souv. autobiogr., 1943, p. CXXI).
2. [Le subst. désigne une chose] Croire en qqc. Avoir confiance en quelque chose :
• 18. ... le temps pendant lequel tu auras cru en quelque fausse nouvelle t'aura grandement déterminé, car elle sera travail de graine et croissance de branches. Et ensuite, même si te voilà détrompé, tu seras autrement devenu.
SAINT-EXUPÉRY, Citadelle, 1944, p. 855.
Rem. Noter également la forme croire dans, contraction de croire en le ou, devant un nom plur., croire en les.
— En faire croire. Abuser de la crédulité.
C.— Croire + de (cf. I A 3 croire nécessaire de, croire bon de). Croire de son devoir de. S'imaginer qu'on a le devoir de. Il croyait de son devoir d'accompagner l'annonce d'un petit commentaire particulier (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 282).
Rem. On rencontre dans la philos. un emploi subst. de l'inf. du verbe au sens de « fait de croire ». Je suis venu, disait-il [Kant], supprimer le « savoir » pour y substituer le « croire », ce qui ne signifiait pas détruire la science, mais la situer (LACROIX, Marxisme, existent., personn., 1949, p. 96; cf. également DU BOS, Journal, 1926, p. 88).
Prononc. et Orth. :[] ou []; (je) crois [] ou []; (nous) croy(i)ons [(a)]; (vous) croy(i)ez [(a)je]; cru []. [] post. ds FÉR. 1768, FÉR. Crit. t. 1 1787, FÉL. 1851 et PASSY 1914; cf. aussi ds ROUSS.-LACL. 1927, p. 130, GRAMMONT Prononc. 1958, p. 28, et G. STRAKA, Syst. des voyelles du fr. mod., Strasbourg, Inst. de Phonét., 1950, p. 20, pour lequel ,,[] dans le groupe [] est devenu postérieur sous l'influence de l'r vélaire précédent``. [a] ant. ds LAND, 1834, NOD. 1844, LITTRÉ, DG, DUB., Pt Lar. 1968 et Lar. Lang. fr.; [] ou [a] ds Pt ROB. et ds WARN. 1968. À l'époque de FÉR. Crit. t. 1 1787 si l'on prononce [(a)] dans le lang. soutenu, il y a encore hésitation entre la prononc. mod. et la prononc. [] (creire ou craire) qui est la prononc. de la diphtongue oi par le peuple de Paris dep. env. 1300 surtout apr. consonne + r. BESCH. 1845 transcrit [] qui est l'avant-dernier stade d'évolution de la diphtongue oi. Pour l'évolution de cette diphtongue cf. aboyer et BOURC.-BOURC. 1967, § 54 Hist. GRAMMONT Prononc. 1958, p. 90, souligne qu'il n'y a aucune différence dans la prononc. entre croyions et croyons, croyiez et croyez, et qu'introduire une différence en doublant yod serait tout à fait artificiel et pédant. Le verbe est admis ds Ac. 1694-1932. Homon. : formes du verbe croître (noter l'accent circonflexe qui permet de distinguer les 2 verbes crois et croîs), croix et formes du verbe croire. Étymol. et Hist. A. « Croire à l'existence de qqn, de qqc. » 1. relig. a) 2e moitié du Xe s. credre in Deu (St Léger, éd. J. Linskill, 186); ca 1100 creire en Deu (Roland, éd. J. Bédier, 1473); b) fin Xe s. credre [Dieu, etc.] (Passion, éd. D'A. S. Avalle, 456), qualifié de ,,vieux`` dep. Lar. encyclop.; c) 1re moitié XIIe s. creire a Deu (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, LXXVII, 8); d) 1re moitié XIIe s. creire intrans. (ibid., CXV, 1); 2. en gén. av. 1662 croire à (l'innocence de qqn, etc.) (PASCAL, Pensées ds Œuvres, éd. L. Brunschvicg, t. 14, p. 343). B. « Admettre quelque chose pour vrai, ajouter foi aux paroles de qqn » 1. a) 2e moitié Xe s. credre [qqc.] (St Léger, 188); b) ca 1440 croire intrans. (L'Amant rendu cordelier, éd. A. de Montaiglon, p. 11, 207); d'où 1622 subst. masc. (F. GARASSE, La Recherche des « Recherches », p. 806 ds LA CURNE); 2. a) fin Xe s. credre [à qqn] « ajouter foi à ses paroles » (Passion, 438) — 1787, FÉR. Crit. t. 1; b) mil. XIe s. en croire [qqn] (Alexis, éd. Chr. Storey, 205); XIIe s. en croire ses yeux (CHRÉTIEN DE TROYES, Chanson II, 34 ds Perceval, éd. Hilka, p. 803); c) ca 1100 creire [qqn] (Roland, 1728); 3. a) ca 1160 croire « penser, être d'avis que » (Enéas, éd. J. J. Salverda de Grave, 1054); b) ca 1211 croire qqn + attribut (GUILLAUME LE CLERC, Bestiaire, éd. R. Reinsch, 1334), attest. isolée; de nouv. av. 1625 (H. d'Urfé ds GUÉRIN); c) ca 1600 croire qqn dans un lieu, dans une situation (A. D'AUBIGNÉ, Confession cath. du sieur de Sancy ds Œuvres complètes, éd. E. Réaume, t. 2, p. 281). C. « Faire confiance à qqn, à qqc. », ca 1100 creire [qqn] (Roland, 3406); XIIe s. croire un conseil, etc. (Gd mal fit Adam, I, 8 ds T.-L.); ca 1181 croire [en qqc., en qqn] (CHR. DE TROYES, Perceval, éd. F. Lecoy, 8526) — 1512, P. GRINGORE, Jeu du prince des sots ds Œuvres complètes, éd. A. de Montaiglon, t. 1, p. 258; de nouv. av. 1847 (Fr. Soulié ds Lar. 19e); 1539 croire a la parolle [de qqn] (EST.); av. 1662 croire aux astrologues, aux médecins, etc. « croire à leur pouvoir » (Pascal ds Lar. 19e); 1665 croire à un remède « croire en son efficacité » (MOLIÈRE, Dom Juan, III, 1 ds Théâtre complet, éd. R. Jouanny, t. 1, p. 743). Du lat. class. credere, proprement « confier en prêt » d'où, au fig., « se fier, avoir confiance », « admettre pour vrai (ce que dit qqn) »; sens relig. développé en lat. chrétien. Fréq. abs. littér. :78 833. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 116 246, b) 110 528; XXe s. : a) 103 369, b) 114 688. Bbg. ARICKX (I.). Les Orthoépistes sur la sellette. Trav. Ling. Gand. 1972, n° 3, p. 124. — COHEN 1946, pp. 33-34. — GOTTSCH. Redens. 1930, passim. — GOUG. Mots t. 1 1962, pp. 257-260. — LEFÈVRE (J.). Loc. fr. et gastr. Vie Lang. 1972, p. 579. — ROG. 1965, p. 103, 179. — SØRENSEN (F.). À propos de la règle de formation d'obj. R. rom. 1975, t. 10, n° 1, pp. 158-173. — THOMAS (J.). Croire tenir Dieu par les pieds. Z. rom. Philol. 1958, t. 74, pp. 413-423.
croire [kʀwaʀ] v.
CONJUG. je crois, nous croyons; je croyais, nous croyions; je crus, nous crûmes; je croirai; je croirais; crois, croyons, croyez; que je croie, qu'il croie, que nous croyions; que je crusse, que nous crussions; croyant; cru.
ÉTYM. Xe, credre; creire, 1080, Chanson de Roland; du lat. credere « confier » et fig. « avoir confiance ».
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I V. tr. dir.
1 Tenir pour véritable, donner une adhésion de principe à… (sans avoir de preuve, d'évidence formelle). ⇒ Accepter, admettre, cuider (vx), penser, regarder (comme vrai)… → Affirmation, cit. 2; assertion, cit. 2. || Croire une histoire, un conte, un récit, une nouvelle… || Croire l'impossible. || Je crois ce que vous dites. || Je le crois. ⇒ Certain, sûr (j'en suis certain…). || Il a de la peine à le croire. || Ne croyez rien de ce qu'il vous raconte. || Comment peut-on croire cela ? || Il ne croit que ce qu'il voit. || Cela est aisé à croire. || Vous ne sauriez croire combien je suis content. || À ce que je crois : à mon avis, à ce qu'il me semble. ⇒ Sembler. — Croire qqch. de qqn, de qqch. || Il croit du mal, du bien de lui, il en croit beaucoup de bien. || Vous en croirez ce qu'il vous plaira. || Je n'en crois rien : je crois que c'est faux, je ne le crois pas du tout.
1 Pline le dit, il le faut croire.
La Fontaine, Fables, IV, 7.
2 Et chacun croit fort aisément
Ce qu'il craint et ce qu'il désire.
La Fontaine, Fables, XI, 6.
3 Le monde est vieux, dit-on, je le crois; cependant
Il le faut amuser encor comme un enfant.
La Fontaine, Fables, VIII, 4.
4 Rodrigue, qui l'eût cru ?
Chimène, qui l'eût dit ?
Corneille, le Cid, III, 4.
5 Vous avez cru des bruits que j'ai semés moi-même (…)
Racine, Mithridate, II, 2.
6 — Chère Philis, dis-moi, que crois-tu de l'amour ?
— Toi-même, qu'en crois-tu (…) ?
Molière, la Princesse d'Élide, Intermède, V.
7 Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger.
Pascal, Pensées, IX, 593.
8 Le plus grand dérèglement de l'esprit, c'est de croire les choses parce qu'on veut qu'elles soient, et non parce qu'on a vu qu'elles sont en effet.
Bossuet, Traité de la connaissance de Dieu…, I, 16.
9 (…) car toute vérité n'est pas bonne à dire : et celle qu'on vante, sans y ajouter foi; car toute vérité n'est pas bonne à croire (…)
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, IV, 1.
10 Ce que la bouche s'accoutume à dire, le cœur s'accoutume à le croire.
Baudelaire, Curiosités esthétiques, p. 424.
11 Je ne le crois pas, dit-il, j'en suis certain.
A. Maurois, Terre promise, XXXI, p. 215.
♦ Faire croire qqch. à qqn. ⇒ Convaincre, démontrer, persuader, prouver. — Faire croire qqch. de faux à qqn. ⇒ Abuser, accroire (faire), monter (un bateau, monter le coup), tromper. || Il lui a fait croire cette fable.
♦ Croire naïvement, sottement une histoire. ⇒ Accepter, avaler, gober; mordre (à l'hameçon), prendre (pour argent comptant), prêter (l'oreille à); donner (dans), marcher. — ☑ Loc. Croyez cela et buvez de l'eau : buvez de l'eau pour mieux accepter (→ Avaler) de pareilles sornettes.
♦ (Sens fort). Donner son plein assentiment à une vérité; avoir la certitude morale de… || « Nous savons que nous mourrons mais nous ne le croyons pas » (P. Bourget).
2 (Compl. n. de personne). Tenir (qqn) pour sincère, véridique; ajouter foi à ce qu'il dit. ⇒ Confiance (avoir confiance, faire confiance), fier (se… à). || Vous pouvez croire cet homme. || On ne croit jamais les menteurs. || Croire qqn sur parole. || Je vous crois, je ne vous crois pas, je vous croirais si… || Me croira qui voudra, mais… — Si vous voulez me croire, ne partez pas (⇒ Écouter). — Après quelques punitions il sera plus sage, croyez-moi (crois-moi).
12 Jamais, s'il me veut croire, il ne se fera peindre.
La Fontaine, Fables, I, 7.
13 Notre abbé Bigorre me prie fort de ne croire que lui sur les nouvelles de Rome.
Mme de Sévigné, 1253, 8 janv. 1690.
14 (…) si celui-là me trompe, je ne croirai de ma vie aucun homme.
Molière, le Malade imaginaire, I, 4.
15 Je ne prétendrai pas, monsieur, que je n'ai pas lu cette circulaire confidentielle. Je n'aime pas mentir. Et vous ne me croiriez pas.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, V, p. 91.
♦ Fam. || Je vous crois ! || Je te crois ! : je pense ainsi, je pense comme vous, comme toi; et aussi, c'est évident ! (→ Et comment !).
15.1 (…) ça lui ferait 6 000 (francs). Avec ça, un garçon peut vivre.
— J'te crois !
J. Renard, Journal, 5 avr. 1897.
3 Absolt ou intrans. Avoir une attitude d'adhésion intellectuelle (sans preuve formelle). || Comprendre et croire. || Croire sans comprendre. ⇒ Foi (faire un acte de foi). || Le besoin de croire. || Croire facilement, légèrement. — Vx. || « Il ne faut pas être si facile à croire » (Académie). ⇒ Crédule. — Croyez-vous ? : pensez-vous ? || Il viendra, tu crois ? || Oui, je crois, je crois bien. ⇒ Penser.
16 (…) il me répondit brutalement : « S'il est malade ! Je crois bien (…) »
Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, XV, p. 372.
17 On vous dit quelquefois : Ceci est un fait. Inclinez-vous devant le fait. C'est dire : Croyez. Croyez, car l'homme ici n'est pas intervenu, et ce sont les choses mêmes qui parlent. C'est un fait.
Valéry, Variété IV, p. 136.
18 (…) disons que « comprendre » et « croire » n'ont pas de commune mesure.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 297.
19 Il n'est point de parfait sceptique : la sensation ne doute pas; sentir, sur le moment, c'est croire.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », IV, p. 113.
19.1 — Peut-être les civilisations se ressemblent-elles par leurs vices, et se séparent-elles par leurs vertus ?…
— Ou se rapprochent-elles par ce qu'elles connaissent, et se séparent-elles par ce qu'elles croient. Les croyances ne sont pas seulement religieuses…
Malraux, Antimémoires, Folio, p. 366.
♦ Exclam. || Crois-tu, le culot qu'il a ! || Je croyais, formule par laquelle on manifeste sa bonne foi. || Il ne fallait pas faire cela ? || Excuse-moi, je croyais.
19.2 Alors l'enfant s'arrêta. — Pourquoi t'arrêtes-tu ?
— Je croyais. Il reprit sa sonatine comme on le lui demandait.
M. Duras, Moderato cantabile, p. 21.
4 Littér. ou style soutenu. || En croire (qqn) : s'en rapporter à (qqn, qqch.). || Je vous en croirai sur parole. || Il n'en sera pas cru. || Si vous m'en croyez, vous ne lui prêterez pas ce livre. || S'il avait voulu m'en croire. || À l'en croire, s'il faut l'en croire, tout est perdu. || Si j'en croyais mon courage. ⇒ Écouter. || En croyez-vous cette lettre ? || S'il faut en croire les apparences. ⇒ Fier (se fier à).
20 Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain1 (…)
Ronsard, Sonnet à Hélène, XLII.
1. N'attendez pas jusqu'à…. (→ Attendre, cit. 34).
21 Ce n'était pas un sot, non, non, et croyez-m'en,
Que le chien de Jean de Nivelle.
La Fontaine, Fables, VIII, 21.
22 (…) si vous m'en croyez, nous leur jouerons tous deux une pièce (…)
Molière, les Précieuses ridicules, I.
23 (Et pour accepter l'emploi). J'en veux croire vos lumières.
Molière, Amphitryon, Prologue.
24 Ah ! Madame, les Grecs, si j'en crois leurs alarmes,
Vous donneront bientôt d'autres sujets de larmes.
Racine, Andromaque, I, 4.
24.1 (…) Gennevilliers dit à madame Tonska :
— Si vous m'en croyez…
— Ne vous servez jamais de cette phrase avec moi, mon ami, interrompit la comtesse. Soyons vrais entre nous, rien que vrais, toujours vrais (…) Vous savez bien que je vous crois en tout (…)
A. de Gobineau, les Pléiades, II, IX.
♦ ☑ Loc. Ne pas en croire ses yeux, ses oreilles : ne pas croire le témoignage des sens, s'étonner de ce qu'on voit (on entend) jusqu'à en douter. ⇒ Revenir (ne pas en revenir).
25 (…) lorsque ce premier versement en or leur fut fait, ils semblaient, dit un témoin, n'en croire leurs yeux, ni leurs oreilles, et tâtaient cet acompte comme s'il s'agissait d'une aubaine miraculeuse.
Levasseur, Hist. de la classe ouvrière, p. 322, cité par Louis Madelin, De Brumaire à Marengo, p. 186.
26 Cela sonnait ou dissonait étrangement dans l'atmosphère assez victorienne de son petit salon. Je n'en pouvais croire mes oreilles. (C'est là une expression tout usée, mais une figure admirable).
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 100.
26.1 (…) au milieu de tant de si jolis objets, de véritables œuvres d'art… il y avait un repaire, un foyer… il se passait des choses… Qui aurait pu s'en douter ?… Un ami un jour a surpris, mais n'en a pas cru ses oreilles, n'en a jamais parlé à personne (…)
N. Sarraute, Vous les entendez ? p. 193.
5 Croire que… : considérer comme vraisemblable ou probable que… ⇒ Considérer (que), convaincre (être convaincu que), estimer, figurer (se), imaginer (s'imaginer que), juger, penser (que), persuader (être persuadé que), préjuger, présumer, sembler (que), supposer (que).
♦ REM. (règle générale des verbes déclaratifs). Forme affirmative : Croire est suivi de l'indicatif.— Forme interrogative, négative ou interro-négative : croire est suivi du subjonctif, de l'indicatif futur ou du conditionnel. || Je crois bien qu'il est sorti. || Viendrez-vous ce soir ? Je crois que oui, je crois que non. — Ellipt. || Pensez-vous qu'il se trompe ? || Je crois (pour je le crois ou je crois qu'il se trompe). — Il croit que tous pensent comme lui. || Nous lui avons fait croire que nous serions absents. || Croire qu'on est aimé. || Cela me fait croire qu'il a menti. || Avoir tout lieu de croire qu'il est… || Finir par croire qu'on s'est trompé. || Nous croyons que cela suffit. || Je crois que nous pouvons agir ainsi, c'est mon avis. ⇒ Juger (à propos). → Consentement (donner son consentement).
♦ (Interrog.). || Croyez-vous qu'il vienne ? — (Négation). || Je ne crois pas qu'il viendra. || Je ne crois pas qu'il vienne. — (Hypothèse). || Si vous croyez qu'il fasse mieux que moi. || Si vous croyez qu'il fera mieux que moi, demandez-lui.
27 Ce qui nous fait croire si aisément que les autres ont des défauts, c'est la facilité que l'on a de croire ce que l'on souhaite.
La Rochefoucauld, Maximes, 513.
28 (…) Mes chers amis,
Je crois que le ciel a permis
Pour nos péchés cette infortune.
La Fontaine, Fables, VII, 1.
29 — J'ai cru jusques ici que c'était l'ignorance
Qui faisait les grands sots, et non pas la science.
— Vous avez cru fort mal (…)
Molière, les Femmes savantes, IV, 3.
30 Je n'aurais jamais cru que l'on pût tant souffrir (…)
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Souvenir » (→ Cicatrice, cit. 10).
31 (…) ne pleurez pas, car si vous pleurez, je crois que je vais mourir de chagrin.
G. Sand, François le Champi, IX, p. 83.
32 Le cœur n'apprend que par la souffrance, et je crois, comme Kant, que Dieu ne s'apprend que par le cœur.
Renan, Souvenirs d'enfance…, Appendice.
33 Notre tort, c'est de croire souvent qu'il n'y a qu'un seul type d'intelligence.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXIII, p. 210.
34 Tu crois que l'on fait de la porcelaine avec du kaolin, des machines et des ouvriers.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, II, V, p. 312.
35 Non, répondit Fernando Lucas, en reprenant son sang-froid, c'est le ton de sa voix qui est comme ça. On croirait qu'il gueule, mais il parle.
P. Mac Orlan, la Bandera, XII, p. 145.
36 L'erreur des démocrates est de croire que leur vérité en soit une pour tout le monde, et force l'adhésion.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », VII, p. 161.
♦ ☑ Loc. fam. Croire que c'est arrivé : imaginer qu'on a réussi. → ci-dessous, Se croire… || Il croit que c'est arrivé, il se prend pour un autre ! (→ Arriver, cit. 60.2, 60.3 et supra).
♦ Ne croyez pas que…, formule de mise en garde. || Ne croyez pas que ce sera facile. || N'allez pas croire que… — Ne croyez-vous pas que…, formule destinée à atténuer une question.
♦ Impers. || Il est à croire qu'il n'a jamais rien lu. ⇒ Dire (on dirait); probable (il est probable que…), sembler. || Nous aimons à croire qu'il aura la sagesse de ne rien dire. ⇒ Espérer, souhaiter. || Tout porte à croire qu'il dit vrai. — On croirait, à l'entendre, qu'il a fait un exploit. || On croirait qu'il dort (mais il ne dort pas). ⇒ Dire (on dirait…). || Je vous prie de croire que je ne dirai rien, vous pouvez être sûr que… ⇒ Sûr.
37 Aussi, je vous prie de croire que les révolutionnaires n'étaient pas en odeur de sainteté dans la maison Eyssette.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, I.
38 Je l'aime beaucoup, votre fille. Elle vous ressemble tout à fait. Quand elle prononce certaines phrases, on croirait que vous avez oublié votre voix dans sa bouche.
Maupassant, Fort comme la mort, p. 132.
6 Croire (et l'inf.). Sentir, éprouver comme vrai (ce qui ne l'est pas absolument). ⇒ Estimer, imaginer (s'), juger, penser, préjuger. || On croit aimer. || Il croit partir ce soir. || Nous croyons les avoir vus là-bas. || Il croit avoir de l'esprit.
39 Son cœur de ce qu'il sent n'est pas bien sûr lui-même;
Il aime quelquefois sans qu'il le sache bien,
Et croit aimer aussi parfois qu'il n'en est rien.
Molière, le Misanthrope, IV, 1.
40 Les femmes croient souvent aimer, encore qu'elles n'aiment pas (…)
La Rochefoucauld, Maximes, 277.
41 Ils croyaient s'affranchir (en) suivant leurs passions :
Ils étaient esclaves d'eux-mêmes.
La Fontaine, Fables, XII, 1.
42 J'ai cru sentir le temps s'arrêter dans mon cœur ?
A. de Musset, Lettre à Lamartine.
43 On croit pardonner; on va jusqu'à se féliciter de sa propre grandeur d'âme; et ce n'est que faiblesse.
Valery Larbaud, Amants, heureux amants…, III, XXI, p. 234.
44 L'homme croit toujours émouvoir
La femme qu'il désire :
Elle n'est pour lui qu'un miroir
Dans lequel il s'admire (…)
A. Maurois, les Silences du colonel Bramble, XIII, p. 138.
45 Mais les gens qui croient avoir des indices, même très faibles, ont raison, dans ces cas-là, de nous les communiquer.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, XIII, p. 134.
♦ Il croit être heureux. → ci-dessous Se croire (il se croit heureux). || Ne croyez pas être raisonnable en agissant ainsi !
46 Les grands croient être seuls parfaits, n'admettent qu'à peine dans les autres hommes la droiture d'esprit, l'habileté, la délicatesse…
La Bruyère, les Caractères, IX, 19.
47 Mais non, chère amie, nous croyons être acteurs, nous ne sommes jamais que spectateurs.
A. Maurois, Climats, II, II, p. 156.
48 Chacun de nous croit être aux yeux d'autrui ce qu'il est aux siens propres.
Edmond Jaloux, les Visiteurs, XV, p. 131.
48.1 J'ai fini par comprendre que ces actions avaient été émises par des sociétés en faillite ou qui n'existaient plus depuis longtemps. Il croyait dur comme fer pouvoir les utiliser encore et les remettre sur le marché.
Patrick Modiano, les Boulevards de ceinture, p. 89.
♦ Croire pouvoir, devoir (et inf.). || Je crois pouvoir (vous) dire que… || Je crois devoir dire, affirmer que…
♦ (Croire suivi d'un adj., de de et l'infinitif). || Croire important, nécessaire, utile… de dire, de faire. || Je ne crois pas inutile de vérifier. || J'ai cru bon, plus sage de… — ☑ Loc. Il a cru de son devoir de vous prévenir.
7 Croire (qqn, qqch.) et attribut du compl. ⇒ Estimer, imaginer, juger, réputer, supposer, tenir (pour). || Il l'avait cru plus intelligent. || On l'a cru mort. || Je la croyais belle. || Je le crois capable de tout. || On le croit ruiné.
49 Si on ne voulait qu'être heureux, cela serait bientôt fait : mais on veut être plus heureux que les autres; et cela est presque toujours difficile, parce que nous croyons les autres plus heureux qu'ils ne sont.
Montesquieu, Pensées diverses, Variétés.
———
II V. tr. ind. (construit avec à, en). — REM. D'une manière générale, croire à désigne plutôt l'adhésion intellectuelle, croire en y ajoute l'adhésion morale.
1 Croire à, en une chose, la tenir pour réelle, vraisemblable, possible; lui accorder une adhésion intellectuelle ou morale. ⇒ Adhérer (à), fier (se fier à), rallier (se rallier à); opinion (avoir, embrasser, partager une opinion). || Croire aux promesses de qqn. ⇒ Compter (sur). || Croire à ce qu'il dit. || Croire au témoignage, à l'honnêteté de qqn. || Croire à sa parole, en sa parole. || Croire au talent de qqn. ⇒ Apprécier. || Ne plus croire à rien (⇒ Nihilisme). || Croire à la magie, à l'occultisme. || Croire à la graphologie, à la psychotechnique. || Il n'y croit pas. || Il ne croit pas à la médecine. — Croire à l'innocence de qqn. ⇒ Persuader (être persuadé), présumer, reconnaître. || Tu y crois, toi ? || Je n'y crois pas, je n'y crois guère. — ☑ Fam. Il y croit dur comme fer, vraiment, fermement (→ Être coiffé d'une idée; se fourrer qqch. dans la tête; il en donnerait sa tête à couper). || C'est à n'y pas croire, à ne pas y croire (⇒ Incroyable). — Le médecin crut à une pneumonie, pensa que ce pouvait être une pneumonie.
50 Si je vous le disais, qu'une douce folie
A fait de moi votre ombre et m'attache à vos pas (…)
Peut-être diriez-vous que vous n'y croyez pas.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « À Ninon ».
51 L'après, l'au-delà, il n'y croyait guère, devenu matelot sous ce rapport comme sous tant d'autres (…)
Loti, Matelot, XLIX, p. 192.
52 La syncope se renouvela cinq à six fois, de plus en plus inquiétante. Une minute, Nathan, terrifié, crut au tétanos.
Léon Bloy, le Désespéré, III, p. 130.
53 La culture positive de Vincent le retenait de croire au surnaturel (…)
Gide, les Faux-monnayeurs, I, XVI, p. 183.
54 Il est de ceux qui ne croient qu'à l'initiative privée, pour qui fonctionnaire à tous les degrés signifie sinécure et paperasses, homme public à tous les degrés : impuissance et corruption (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XVIII, p. 139.
55 (…) il y a, quoi qu'on veuille, une chose irréductible, une chose qu'aucun doute ne parvient à entamer : ce besoin qu'a l'homme de croire en sa raison (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. III, p. 220.
56 Je crois à un monde spirituel, tout à fait opposé aux trésors de la terre.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, I, III, p. 93.
57 Il s'est reconnu pessimiste en ce qu'il ne croit pas à la durée éternelle d'un idéal, quel qu'il soit (…)
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », II, p. 93.
♦ Croyez à; veuillez croire à; je vous prie de croire à (mes sentiments…), formule de politesse au terme d'une lettre. — REM. La tournure avec en semble moins normale.
♦ Spécialt. || Croire à : considérer comme probable, imminent. || Croire à la guerre. || Croyez-vous à une crise prochaine ? || J'y crois; je n'y crois pas.
2 Croire en qqn, avoir confiance en lui. ⇒ Apprécier, compter (sur), estimer, fier (se fier à); disciple (se faire disciple de); confiance (faire confiance à), rapporter (s'en rapporter à). || Croire en ses amis.
♦ Croire à qqn. || Croire aux… (avec un compl. au plur. désignant une catégorie de personnes). || Croire aux astrologues, aux voyants. || Croire aux médecins.
♦ Croire à… : considérer comme vraie ou vraisemblable l'existence de qqn. — REM. Alors que croire en… implique en général une croyance considérée comme fondée, croire à… est ici associé à une croyance désapprouvée. || Cet enfant croit au père Noël. ☑ Fig. Croire au père Noël : se faire des illusions. || Croire au barbu (même sens). — Croire aux revenants, aux fantômes. — Il y croit, ce naïf.
58 Il ne suffit pas de croire aux sirènes pour en rencontrer sur les eaux, mais il suffit parfaitement de croire à l'influence des mots, pour que cette influence aussitôt surgisse (…)
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, III, p. 133.
3 Être persuadé de l'existence et de la valeur de (un être religieux, un dogme). — (Avec à). || Croire au Messie. ☑ Loc. Ne croire ni à Dieu, ni à Diable. — Croire à la sainte Église. || Croire à l'Évangile. || Croire à la sainte Vierge. — (Avec en). || Croire en Dieu : avoir la foi. ⇒ Credo, croyance. || « Je crois en Dieu, le Père tout-puissant… », début du Credo.
59 Il faut croire en Dieu pour être sauvé.
Rousseau, Émile, IV.
60 (…) une femme forte, qui ne croit ni à Dieu ni au diable, mais qui accepte aveuglément les prédictions des somnambules et du marc de café.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, II, XI, p. 308.
♦ ☑ Loc. Croire à qqch. comme à l'Évangile, comme (à) une parole d'Évangile, à un article de foi, y croire fermement.
♦ Intrans. ou absolt. || Croire : avoir la foi. || Il ne croit plus : il a perdu la foi. || Il faut croire et prier (→ L'abêtissement pascalien). || Le besoin, le bonheur de croire.
61 Puis (Jésus) dit à Thomas « ne sois plus incrédule, mais croyant (…) Parce que tu m'as vu tu as cru ? Heureux ceux qui ont cru sans avoir vu. »
Bible (Crampon), Évangile selon saint Jean, XX, 27-29.
62 Je vois, je sais, je crois, je suis désabusée (…)
Je suis chrétienne enfin (…)
Corneille, Polyeucte, V, 5.
63 Il y a peu de vrais Chrétiens, je dis même pour la foi. Il y en a bien qui croient, mais par superstition; il y en a bien qui ne croient pas, mais par libertinage; peu sont entre deux.
Pascal, Pensées, IV, 256.
64 Suivez la manière par où ils ont commencé; c'est en faisant tout comme s'ils croyaient (…) Naturellement même cela vous fait croire (…)
Pascal, Pensées, III, 233 (→ Abêtir, cit. 1).
65 Je suis devenu chrétien. Je n'ai point cédé, j'en conviens, à de grandes lumières surnaturelles : ma conviction est sortie du cœur; j'ai pleuré et j'ai cru.
Chateaubriand, le Génie du christianisme, 1re Préface.
66 En présence du ciel il faut croire ou nier.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « L'espoir en Dieu ».
67 Le débat religieux n'est plus entre religions, mais entre ceux qui croient que croire a une valeur quelconque, et les autres.
Valéry, Rhumbs, p. 246.
68 Je crus, d'une telle force d'adhésion, d'un tel soulèvement de tout mon être, d'une conviction si puissante, d'une telle certitude ne laissant place à aucune espèce de doute que, depuis, tous les livres, tous les raisonnements, tous les hasards d'une vie agitée, n'ont pu ébranler ma foi, ni, à vrai dire, la toucher.
68.1 Croire, c'est faire crédit à Dieu qui nous a donné sa parole, le Verbe.
Claudel, Journal, janv.-févr. 1910.
69 Pour que Pascal supportât la vie, il était nécessaire qu'il crût.
André Suarès, Trois hommes, « Pascal », II, p. 48.
69.1 (Nietzsche) a diagnostiqué en lui-même, et chez les autres, l'impuissance à croire et la disparition du fondement primitif de toute foi, c'est-à-dire la croyance à la vie.
Camus, l'Homme révolté, Pl., p. 475.
4 Croire en soi : avoir confiance en soi, et aussi être présomptueux. || L'orgueilleux rejette Dieu et ne croit qu'en soi-même.
70 (…) ne faites jamais la folie de douter de vous-même. Il faut croire en soi.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », V, p. 133.
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se croire v. pron.
1 Se considérer comme… || Se croire intelligent, bête. || Se croire un grand savant. ⇒ Prendre (se prendre pour). — Vieilli. || S'en croire. || Il s'en croit beaucoup trop : il a une confiance en soi exagérée. → ci-dessous Se croire.
71 (Sieyès) un « métaphysicien », un « idéologue », un homme à théories, sans bon sens, sans réalisme, et, par surcroît, rogue, pontifiant, orgueilleux à l'excès, s'en croyant jusqu'au ridicule.
Louis Madelin, l'Ascension de Bonaparte, XXIII, p. 329.
♦ Péj. (suivi d'un adj. positif). S'estimer à tort. || Se croire intelligent. ⇒ Estimer (s'), imaginer (s'). || Il se croit plus malin que les autres. || Se croire fort. ⇒ Supposer (se). || Tu te crois fin, malin ? Fam. || Qu'est-ce qu'il se croit, celui-là !
72 Se croire un personnage est fort commun en France.
On y fait l'homme d'importance,
Et l'on n'est souvent qu'un bourgeois :
C'est proprement le mal français.
La sotte vanité nous est particulière.
La Fontaine, Fables, VIII, 15.
73 Il n'y a que deux sortes d'hommes : les uns justes, qui se croient pécheurs; les autres pécheurs, qui se croient justes.
Pascal, Pensées, VII, 534.
74 (…) je ne me serais jamais cru tant de vigueur.
Alphonse Daudet, le Petit Chose, I, IX, p. 114.
♦ Absolt. Être prétentieux.
74.1 Elle est toujours prête à y jouer un rôle grotesque ou dramatique, prédisant les malheurs de la France et de la fille du boucher, imitant la dame du troisième qui « se croit » (…)
F. Mallet-Joris, le Jeu du souterrain, p. 149.
2 Se croire (et adj., p. p. ou compl. circonstanciel). S'imaginer être (dans un état, une situation). ⇒ Supposer (se). || Se croire perdu. || Se croire dans une situation désespérée. || Il se croit heureux. || Il se croit dans une situation enviable.
75 (…) je me serais cru sur une des croupes des Alleghanis, n'était qu'un haut aqueduc, surmonté d'un pont étroit, me rappelait un ouvrage de Rome (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. V, p. 13.
76 Rien ne rend si aimable que de se croire aimé (…)
Marivaux, le Paysan parvenu, II, p. 81.
77 Je me suis crue à l'abri de l'outrage de vos désirs.
G. Sand, Elle et Lui, II, p. 26.
78 Il est de ces êtres qui ne se croient francs que lorsqu'ils sont brutaux.
Gide, Journal, mai 1906.
♦ Se croire quelque part. || Je me croyais revenu dans mon pays. — On s'y croirait : on a l'illusion, le sentiment d'y être.
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croire n. m.
♦ Rare. || Le croire : la croyance, le fait de croire.
79 Sous le sommeil, l'homme est sans défense contre le croire.
Il n'a aucun moyen de ne pas croire car il est privé du second chemin, de la dualité, — de la conscience de conscience.
Valéry, Cahiers, t. II, Pl., p. 174.
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CONTR. Douter. — Contester, démentir, discuter. — Désabuser, nier, protester, révoquer (en doute).
DÉR. Croyable, croyance, croyant. V. Créance, et aussi crédible, crédit.
COMP. Décroire, ducroire, mécroire. V. Accroire, recru.
Encyclopédie Universelle. 2012.