défendre [ defɑ̃dr ] v. tr. <conjug. : 41>
• 1080; lat. defendere
I ♦
1 ♦ Aider, protéger (qqn, qqch.) contre une attaque en se battant. ⇒ secourir, soutenir. Défendre la patrie en danger. Défendre un allié contre l'envahisseur. Don Quichotte « voulait être un chevalier, défendre les faibles et pourfendre les méchants » (Maurois). Défendre qqn au péril de sa vie. Défendre sa (propre) vie.
♢ Spécialt Défendre des couleurs, un titre : lutter en compétition pour faire triompher l'équipe à laquelle on appartient, pour conserver son titre.
♢ Loc. À SON CORPS DÉFENDANT (en se défendant soi-même) :à contrecœur, malgré soi. Il a accepté à son corps défendant. « Je n'ai jamais versé le sang d'un homme qu'à mon corps défendant » (Balzac).
2 ♦ Protéger (un lieu) par la force, les armes. ⇒ garder, interdire. Une division défend la frontière. ⇒ couvrir (4o). Défendre une position pied à pied. ⇒ tenir. — Pays mal défendu.
3 ♦ Soutenir (qqn, qqch.) contre les accusations, les attaques; intervenir en faveur de. Tu défends toujours ton fils. L'avocat a bien défendu son client. ⇒ plaider. Défendre un projet de loi devant l'Assemblée. Défendre ses droits, ses intérêts (cf. Faire valoir). Fam. Défendre son bifteck. — Fig. Défendre l'honneur, la renommée de qqn contre les médisants. Ils défendront leur opinion, leur parti (⇒ militer; cf. Prendre fait et cause, prendre parti) . Défendre son point de vue, ses idées. Défendre ses privilèges, des avantages sociaux.
4 ♦ (Choses) Défendre de : garantir, préserver, protéger contre. Un vêtement qui défend du froid.
II ♦ Enjoindre à (qqn) de ne pas faire (qqch.). ⇒ interdire, prohiber, proscrire. Son père lui défend de conduire la voiture. Il défend qu'on fasse du bruit en sa présence. Défendre l'alcool, le tabac à un malade. La loi, la religion défend le meurtre. ⇒ condamner.
♢ Il est strictement défendu de fumer; c'est défendu. ⇒ 1. défense (de). Le sel lui est défendu. Adj. Le fruit défendu.
III ♦ SE DÉFENDREv. pron.
1 ♦ Résister à une attaque. ⇒ se battre, lutter, résister. Se défendre les armes à la main. Il s'est défendu comme un lion. Se défendre pied à pied : disputer le terrain. Se défendre en attaquant. ⇒ riposter. « Quand on est en péril de mort toutes les armes sont bonnes pour se défendre » (Claudel).
♢ Fig. et fam. Être apte à faire qqch. (cf. Être à la hauteur). Il se défend bien en affaires. « Oh ! moi je me défends » (Genet). ⇒ se débrouiller, se démerder.
2 ♦ Se justifier. Se défendre contre une accusation. ⇒ réfuter, répondre.
♢ Littér. Refuser d'admettre. ⇒ nier. « Vous vous défendez d'être médecin » (Molière).
3 ♦ (Choses) Se justifier, résister à la critique. « Un seul mot d'ordre : l'ordre. Cela peut se défendre » (F. Mauriac). ⇒ défendable. Fam. Ça se défend : c'est cohérent, justifiable (cf. Tenir la route; tenir debout).
4 ♦ (Personnes) SE DÉFENDRE DE..., CONTRE... : se protéger, s'abriter. ⇒ s'armer, se garantir, se prémunir, se préserver, se protéger. Se défendre du froid, de la pluie. Se défendre contre des microbes, une infection.
♢ SE DÉFENDRE DE...(et inf.).⇒ s'empêcher, s'interdire, se refuser. « Antoine ne put se défendre de sourire » (Martin du Gard). Il se défend de conclure. ⇒ se garder. « L'homme qui assiste son semblable se défend mal de devenir son ami » (Colette).
⊗ CONTR. Attaquer. Accuser. Autoriser, ordonner, permettre.
● défendre verbe transitif (latin defendere, repousser) Protéger quelqu'un, quelque chose par la lutte ou la vigilance contre toute attaque réelle ou éventuelle, lutter pour conserver un bien : Animal qui défend son territoire. Préserver quelqu'un, quelque chose de l'effet nuisible de quelque chose, les protéger d'une attaque quelconque, en parlant de quelque chose : Ce manteau vous défendra du froid. Soutenir quelqu'un, quelque chose, plaider en leur faveur devant toute accusation, toute critique : Elle défend toujours son père. Interdire à quelqu'un de faire quelque chose, d'user de quelque chose, d'accéder à un lieu : Son médecin lui a défendu de boire de l'alcool. Pour un avocat, assister, plaider et représenter. ● défendre (citations) verbe transitif (latin defendere, repousser) Gaston Arman de Caillavet Paris 1869-Essendiéras, Dordogne, 1915 et Robert Pellevé de La Motte-Ango, marquis de Flers Pont-l'Évêque 1872-Vittel 1927 Académie française, 1920 L'amour seul est assez fort pour défendre contre l'amour. L'Amour veille Librairie théâtrale Marcel, dit Jean Guéhenno Fougères 1890-Paris 1978 Académie française, 1962 On défend bien plus férocement sa chance que son droit. Changer la vie Grasset ● défendre (difficultés) verbe transitif (latin defendere, repousser) Conjugaison Comme vendre. Construction Défendre de (+ infinitif) / que (+ subjonctif) : il nous a défendu de sortir ; il a défendu que nous sortions. ● défendre (expressions) verbe transitif (latin defendere, repousser) À son corps défendant, à contrecœur. Défendre son honneur, le soutenir contre toutes les attaques, toutes les critiques. Défendre (chèrement) sa vie, lutter opiniâtrement pour préserver son existence. Défendre ses couleurs, son titre, lutter en compétition pour faire triompher son équipe, conserver son titre. Défendre une thèse, un mémoire, en Belgique, les soutenir. ● défendre (synonymes) verbe transitif (latin defendere, repousser) Protéger quelqu'un, quelque chose par la lutte ou la vigilance contre...
Synonymes :
- assister
- garantir
- protéger
- sauver
- soutenir
Contraires :
- attaquer
Préserver quelqu'un, quelque chose de l'effet nuisible de quelque chose, les protéger...
Synonymes :
- abriter
Contraires :
- exposer
Soutenir quelqu'un, quelque chose, plaider en leur faveur devant toute accusation...
Synonymes :
- appuyer
- couvrir
- intercéder
- plaider
Contraires :
- accuser
- attaquer
- inculper
- livrer
- trahir
Interdire à quelqu'un de faire quelque chose, d'user de quelque chose, d'accéder...
Synonymes :
- empêcher
- prohiber
Contraires :
- ordonner
- sommer
défendre
v.
rI./r v. tr.
d1./d Protéger, soutenir contre une agression. Défendre sa vie, son honneur, ses intérêts.
d2./d Résister pour rester maître de (qqch). Défendre une position contre l'ennemi.
d3./d Plaider pour (qqn). Défendre un accusé.
d4./d Plaider pour (qqch). Défendre une opinion.
|| (Belgique) Défendre sa thèse de doctorat, la soutenir.
d5./d Loc. fig. à son corps défendant: à contrecoeur, malgré soi.
d6./d Défendre de: mettre à l'abri de, préserver de (choses). Ce mur nous défend du vent.
d7./d Prohiber, interdire (qqch à qqn). Défendre le vin à un malade. Il est défendu de parler au conducteur.
rII./r v. Pron.
d1./d Repousser une attaque, une agression, y résister. Il ne se défendait que mollement.
d2./d Fam. Se débrouiller. Pour parler anglais, je (ne) me défends pas mal.
d3./d Chercher à se justifier. Il se défend violemment des critiques.
d4./d Nier (une chose qu'on vous impute). Il se défend d'avoir emporté ce livre.
d5./d Se mettre à l'abri de (qqch). Se défendre du froid.
d6./d S'empêcher d'éprouver (un sentiment); se retenir de (faire qqch). Je ne puis me défendre d'une certaine partialité envers lui. Elle ne peut se défendre de pleurer.
⇒DÉFENDRE, verbe trans.
I.— Emploi trans.
A.— [L'accent est mis sur la volonté de lutter ou d'aider à lutter contre l'attaque d'un adversaire]
1. [Le suj. et l'obj. désignent un animé ou un inanimé] Apporter son secours ou sa protection contre une agression physique ou morale, existante ou éventuelle, en recourant à la force le cas échéant. (Quasi-)synon. protéger, secourir, soutenir; anton. attaquer. La poule qui défend ses poussins (CHATEAUBR., Génie, t. 1, 1803, p. 168) :
• 1. ... ce père est assis sur le rocher, et des pensées de mort l'occupent; il veut la vie de son ennemi; mais il la veut pour vous, mes enfants, pour vous protéger, pour vous défendre; c'est pour sauver vos jours et votre douce innocence qu'il tend son arc vengeur.
Mme DE STAËL, De l'Allemagne, t. 3, 1810, p. 17.
• 2. Et j'admire ce maure qui ne défend pas sa liberté, car dans le désert on est toujours libre, qui ne défend pas de trésors visibles, car le désert est nu, mais qui défend un royaume secret.
SAINT-EXUPÉRY, Terre des hommes, 1939, p. 198.
— P. ext. Défendre sa (propre) vie, (pop.) défendre sa peau. Lutter pour son existence. Leur général obligé de défendre sa vie contre les accusations d'un rhéteur (CHATEAUBR., Martyrs, t. 3, 1810, p. 22). Dans l'intention de défendre cruellement ma peau (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 636).
♦ Pop. Défendre son bifteck. Lutter pour son existence ou pour ses moyens d'existence. Quand le parasite est en danger, le parasité le défend, il défend son bifteck (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 17).
♦ En partic., dans le cas d'une entreprise galante. Défendre son honneur, sa pudeur, sa vertu. Il défendait sa boutique comme une fille honnête défend sa vertu (ZOLA, Bonh. dames, 1883, p. 581).
— Emploi abs., rare. La raison neutre assiste au drame, Mais le cœur crie au bras : défends! (SULLY PRUDH., Vaines tendr., 1875, p. 215).
— Loc. À son corps défendant
♦ Vx. En combattant pour sauver sa vie. Quand César passa le Rubicon (...) César avait une armée et marchait à son corps défendant (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 141). L'homme qui en a tué un autre, fût-ce même à son corps défendant (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 182).
♦ Au fig. (On rencontre aussi dans cet emploi — notamment chez Gide — À (son) cœur défendant. « À contre-cœur, malgré soi »). Je ne me suis présenté à la politique qu'à mon cœur défendant (LAMARTINE, Corresp., 1831, p. 171). Sans le vouloir, sans le savoir, et souvent à cœur défendant (GIDE, Feuillets d'automne, 1949, p. 310).
Proverbe, vx. Bien attaqué, bien défendu. V. attaquer I B 3 b.
— SP. Défendre les couleurs, un titre. Lutter en compétition pour faire triompher le titre, etc., d'une équipe à laquelle on appartient. Il était bien décidé à le défendre son titre et au second round (...) il étendit raide évanoui son adversaire (QUENEAU, Loin Rueil, 1944, p. 174).
Rem. On rencontre ds la docum. défendant, ante employé comme adj. Un joueur de l'équipe défendante (J. MERCIER, Football, 1966, p. 25).
2. [L'obj. désigne une pers. ou un inanimé abstr. concernant une pers.] Soutenir oralement quelqu'un ou quelque chose contre des accusations. M. de Lally (...) qui défend la mémoire de son père avec tant de chaleur (STAËL, Lettres jeun., 1786, p. 113).
— DR. Plaider pour quelqu'un. Bigourd le défendra, et Bigourd est un habile avocat (A. FRANCE, Île ping., 1908, p. 241) :
• 3. Ah! vraiment, dit l'avocat feignant de croire qu'on lui proposait une cause à défendre; je serai heureux, Monsieur, de défendre vos intérêts, j'y mettrai l'ardeur que vous m'avez vu déployer dans ma dernière plaidoirie.
CHAMPFLEURY, Les Bourgeois de Molinchart, 1855, p. 234.
♦ Emploi abs. ,,Fournir des défenses aux demandes de la partie adverse``. Il a été condamné faute de défendre (Ac. 1798-1932). Il [le mineur émancipé] ne pourra intenter une action immobilière, ni y défendre (Code civil, 1804, art. 482, p. 89).
♦ Loc. Défendre son pain (vx). ,,Soutenir un procès dans lequel tous les moyens d'existence sont engagés`` (LITTRÉ); attesté ds Ac. 1798-1878 et BESCH. 1845.
Rem. On rencontre ds la docum. défendant employé comme subst. masc. Synon. défendeur. À l'audience, le plaignant, le défendant et chaque témoin sont soumis (...) à un interrogatoire (TAINE, Notes Anglet., 1872, p. 282).
3. Emploi fig. [L'obj. désigne un inanimé abstr. : une cause, un parti, une thèse, etc.] Soutenir par la parole ou par l'écrit. Synon. prendre parti pour; synon. littér. prôner. Le traité où Mariana va jusqu'à défendre le régicide (CHATEAUBR., Génie, t. 2, 1803, p. 89). Le préfet défend l'instruction secondaire, mais abandonne l'instruction primaire (MICHELET, Journal, 1843, p. 518). J'ai toujours honoré ceux qui défendent la grammaire ou la logique (PROUST, Temps retr., 1922, p. 797).
SYNT. Défendre l'empire, la patrie, le pays, la république, le royaume, la société, le trône et l'autel, la ville; défendre son bonheur, son indépendance, ses intérêts, ses positions; défendre les droits, la foi, les idées, la justice, la liberté, des prérogatives, des principes, la propriété, la vérité; défendre âprement, avec courage, avec chaleur, chaleureusement, désespérément; défendre et attaquer, et protéger, et soutenir, et venger; défendre contre les ennemis; courage, droit, mission, moyen, nécessité de défendre; chargé de, prêt à, résolu à défendre; facile, impossible à défendre; jurer de, être obligé de, oser, pouvoir, savoir, prétendre défendre; il s'agit de défendre.
B.— [L'accent est mis sur l'acte volontaire d'interdire un accès, de le mettre à l'abri contre une attaque]
1. a) [Le suj. désigne une pers.] Interdire un lieu, son approche ou son accès, à des ennemis par des moyens militaires. Défendre l'entrée, la frontière, le passage. Ils [des soldats] se placent à l'entrée du camp pour en défendre l'approche (STAËL, Allemagne, t. 3, 1810, p. 165) :
• 4. Le siège de Paris n'est guère probable. On va défendre les stations entre Rouen et Paris. Et on s'occupe aussi de défendre Rouen!!!
FLAUBERT, Correspondance, 1870, p. 145.
— Au fig. Les acacias à l'orée d'un bois qu'ils défendent de leurs piquants (RENARD, Journal, 1902, p. 741).
b) [Le suj. désigne un moyen de défense, inanimé concr. ou abstr.] Assurer la protection de. Son heureuse position militaire [d'une ville] la défendoit d'un coup de main (NODIER, J. Sbogar, 1818, p. 216). Une porte en chêne défendait l'entrée de l'escalier (SAND, Hist. vie, t. 3, 1855, p. 106).
c) P. ext. [Le suj. désigne un inanimé concr.] Garantir contre des atteintes nuisibles ou indiscrètes. Et des chapeaux de bergères Défendent notre fraîcheur (VERLAINE, Poèm. saturn., Caprices, 1866, p. 76). Un lit confortable, que d'épais rideaux défendaient contre tout regard indiscret (VERNE, Tour monde, 1873, p. 150) :
• 5. Article VII. Des parties insensibles qui munissent les organes du toucher, et les préservent contre des impressions trop fortes. L'épiderme défend la peau, et empêche le contact des corps extérieurs de devenir douloureux; ...
CUVIER, Leçons d'anat. comp., t. 2, 1805, p. 595.
— MAR. Amortir ou éviter le choc du bordé d'une embarcation (contre une autre, contre un quai, etc.) (cf. SOÉ-DUP. 1906).
d) Emplois fig. et p. métaph. Défendre contre la tentation. De ce miel dont le sage Cherche lui-même en vain à défendre ses sens (CHÉNIER, Odes, 1794, p. 214). Le vide papier que la blancheur défend (MALLARMÉ, Poés., 1898, p. 38). Ce peu qui nous défend de l'extrême existence (VALÉRY, Charmes, 1922, p. 130).
2. P. méton. et p. ext. [L'accent est mis sur le commandement négatif qui est signifié à qqn]
a) Enjoindre (à quelqu'un) de ne pas faire (quelque chose). Synon. empêcher, interdire; anton. autoriser, permettre. La loi humaine ne peut pas (...) défendre et punir toute espèce de mal (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 197).
— Défendre de + verbe à l'inf. L'on te défendra de prononcer mon nom et tu obéiras à la défense (HUGO, Lettres fiancée, 1822, p. 108) :
• 6. Car que sert d'interdire ce qu'on ne peut pas empêcher? Les livres qu'on lui défend de lire, l'enfant les lit en cachette. Lui [Peifitendieu], son système est bien simple : les mauvais livres, il n'en défendait pas la lecture; mais il s'arrangeait de façon que ses enfants n'aient aucune envie de les lire.
GIDE, Les Faux-monnayeurs, 1925, p. 940.
♦ Emploi fig. Ses souliers lui défendent de faire un seul pas (MUSSET, Le Temps, 1831, p. 88) :
• 7. ... votre orgueil vous défend de vous soumettre à l'amour, il devrait vous défendre en même temps d'accepter l'amour d'autrui : ...
SAND, Lélia, 1839, p. 392.
— Défendre que + verbe au subj. (constr. moins usuelle que la précédente). Je défends que l'on pleure (SARDOU, Patrie! 1869, 4, tabl. 7, IV, p. 168). Il nous défend tous qu'on bouge (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 610) :
• 8. En conclusion, j'interdis qu'aucune transaction soit essayée avec le déserteur Dufour. Je tiens d'avance pour sans valeur l'action de la justice anglaise dans une affaire intérieure de l'armée française (...). Je défends qu'aucun solicitor réponde pour moi ou pour mes subordonnés.
DE GAULLE, Mémoires de guerre, 1956, p. 595.
b) En partic. Interdire à quelqu'un ce qui peut lui être nocif. Une maladie qui lui avait fait défendre par les médecins tous les excitants (GONCOURT, Mauperin, 1864, p. 16) :
• 9. — Je ne peux pas boire de cidre, Madame... Le médecin me l'a défendu...
— Ah! le médecin vous l'a défendu... Eh bien, je vous donnerai six litres de cidre.
MIRBEAU. Le Journal d'une femme de chambre, 1900, p. 301.
c) Emploi impers. Il est (était, etc.) défendu de. Fam. C'est défendu de + verbe à l'inf. Il est défendu d'approcher, d'entrer. Le geôlier, auquel il est strictement défendu de parler (CRÈVECŒUR, Voyage, t. 3, 1801, p. 238). Nous jouons à la muette, il est défendu de parler (PAGNOL, Marius, 1931, III, 1er tabl., 1, p. 155). C'est défendu d'avoir de la lumière à cause des zeppelins (PROUST, Temps retr., 1922, p. 813).
— Loc. Défendre sa (ou la) porte (souvent en périphrase factitive). En interdire l'accès aux visiteurs. Évitez Lucien; trouvez des prétextes, faites-lui défendre la porte (BALZAC, Splend. et mis., 1844, p. 48).
SYNT. Défendre de toucher, de sortir; défendre absolument, énergiquement, expressément, formellement; maman, la loi, le médecin, la règle, le règlement, la religion défend.
Rem. 1. La plupart des dict. gén. indiquent qu'apr. défendre de + verbe à l'inf. et défendre que + verbe au subj., on n'emploie pas la négation. On relève cependant ds la docum. J'obéis à mon cœur d'ami, qui me défend de ne pas espérer (MALLARMÉ, Corresp., 1869, p. 303). 2. P. ext., pop. Mettre quelqu'un au défi. Je vous défends bien de trouver une seule femme à Rouen, qui soit plus habile que moi, pour filer la laine (PÉGUY, Tapisserie Ste Geneviève et J. d'Arc, 1913, p. 574). Région. (Berry, Vendômois). C'est défendu. C'est impossible (cf. SAND, Jeanne, 1844, p. 101).
II.— Emploi pronom.
A.— [Correspond à défendre I A et B]
1. Résister à une attaque physique ou morale; la repousser. Il le combattit à regret, et songea plutôt à se défendre qu'à l'attaquer (GENLIS, Chev. Cygne, t. 1, 1795, p. 14). Se défendre contre. Un foyer plein de cendres au milieu desquelles le bois se défendait contre le feu (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p. 339) :
• 10. La chèvre aussi savait que le loup la mangerait; mais ça ne l'empêcha pas de se défendre comme une brave chèvre de M. Seguin qu'elle était... Elle se battit toute la nuit, mon enfant, toute la nuit...
A. DAUDET, L'Arlésienne, 1872, I, tabl. 1er, 2, p. 368.
— En partic.
♦ Résister aux atteintes de l'âge. Le baron se défendait (...) une soudaine jeunesse l'habitait (CARCO, Montmartre, 1938, p. 244) :
• 11. Ce sédentaire aimait les sports avec passion. Ils le maintenaient jeune, non comme un adolescent, mais comme un homme qui se défend bien : ...
MARTIN DU GARD, Devenir, 1909, p. 16.
♦ Résister à des avances galantes. Anton. s'abandonner. Les pauvrettes se défendaient mollement et toute leur résistance tombait dans le rire (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p. 9) :
• 12. J'ai revu Gertrude et je ne lui ai point parlé. À la Grange, ce soir, comme personne n'était dans le salon, je suis monté jusqu'à sa chambre. Nous étions seuls. Je l'ai longuement pressée contre moi. Elle ne faisait pas un mouvement pour se défendre, et comme elle levait le front vers moi, nos lèvres se sont rencontrées...
GIDE, La Symphonie pastorale, 1919, p. 924.
— Emploi fig. :
• 13. C'est ici surtout qu'il faut se défendre contre les développements faciles, et se garder de prendre pour des données de l'art dramatique ce qui semble plutôt sa création propre, ...
ALAIN, Système des beaux-arts, 1920, p. 142.
— Emplois spéc.
♦ ÉQUIT., abs. Refuser d'obéir. Synon. regimber. Mon jeune étalon arabe, sentant l'eau dans le voisinage, se défend (LAMARTINE, Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 7). Le mustang se défend d'abord, mais quand il est dompté, il l'est bien (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 430).
♦ MAR., abs. [En parlant d'une embarcation] Se défendre à la lame. ,,Recevoir peu d'eau à la mer par gros temps`` (LITTRÉ).
2. Se protéger contre des atteintes nuisibles. Se défendre contre, se défendre de. L'homme (...) incapable de se défendre contre les intempéries des saisons, contre les attaques des autres animaux (CABANIS, Rapp. phys. et mor. de l'homme, t. 1, 1808, p. 293). Cherchant à me défendre contre le froid par de triples vêtements (RENAN, Souv. enfance, 1883, p. 244). Au fig. Se défendre contre la tentation.
3. Récuser une allégation.
a) Nier ce dont on peut être accusé. Synon. protester. Le bonhomme est aveugle et se défend de l'être (HUGO, Ruy Blas, 1838, I, 5, p. 362). Il se défendit d'avoir parlé d'une façon si impertinente (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 222).
b) Chercher à se disculper d'une accusation en justice. Synon. se justifier. Il refuse de répondre (...) disant qu'il est innocent et qu'il n'a pas à se défendre (BOURGET, Disciple, 1889, p. 38). Je n'ai pas besoin d'avocat. Je sais me défendre (CAMUS, Révolte Asturies, 1936, II, 5, p. 420).
4. Se tirer d'affaire habilement. Synon. se débrouiller. Il avait du mal à se défendre (...) dans son espèce de commerce (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 572).
— Emploi fig. Le Music-hall de Londres se défend de son mieux (MORAND, Londres, 1933, p. 73).
5. Emploi pronom. à sens passif. [Le suj. est un inanimé abstr.] Être acceptable, soutenable. Synon. se soutenir. Toutes suppositions sont permises et peuvent se défendre (GAUTIER, Tra los montes, 1843, p. 5). Rien à reprendre que deux petites incorrections grammaticales, mais elles peuvent se défendre (FLAUB., Corresp., 1879, p. 326).
— Fam. Ça se défend. C'est une bonne chose, une idée qui tient debout :
• 14. Le parti ne veut pas donner des habitudes de luxe à ses militants : ça se défend. Caracalla ne veut pas que la question d'argent se pose pour ses gars : ça se défend aussi.
VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 9.
SYNT. Se défendre longtemps, mal, mollement, vaillamment; avoir à se défendre, avoir beau se défendre; continuer à, devoir, essayer de, pouvoir, refuser de, renoncer à, savoir, songer à, vouloir se défendre; capable, incapable de se défendre; il faut se défendre.
B.— [Correspond à défendre I B 2]
• 15. Bref, je menai la vie incertaine d'un jeune homme de province qui, jeté dans la capitale, garde encore quelques sentiments vrais, croit encore à certaines règles de morale, mais qui se corrompt par les mauvais exemples, tout en voulant s'en défendre. Je me défendis mal, j'avais des complices en moi-même.
BALZAC, Le Médecin de campagne, 1833, p. 198.
— Se défendre de + verbe à l'inf. Il se défendit quelque temps d'accepter ses offres (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1556). Elle se défend de danser la danse du châle (KRÜDENER, Valérie, 1803, p. 64).
2. Éviter, s'empêcher de. Se défendre de. Se défendre d'un mouvement de + subst. Lamiel ne pouvait pas se défendre d'entendre tous les propos qui se tenaient dans la maison (STENDHAL, Lamiel, 1842, p. 130). Je ne puis me défendre d'un sentiment de mélancolie (LACORDAIRE, Conf. N.-D., 1848, p. 11).
3. Région. (Canada). [Dans les jeux d'enfants] Se retirer de la partie, quitter le jeu (cf. BÉL. 1957 et DIONNE 1969).
Prononc. et Orth. :[], (je) défends []. Ds Ac. 1694-1932. Comparer, pour les dér. : défense, défensive, indéfendable, etc. avec un f et : offense, offenser, offensive, etc. avec 2 f (cf. Ortho-vert 1966). Étymol. et Hist. A. 1. a) Pronom. fin Xe s. « se protéger contre » (Passion, éd. d'Arco Silvio Avalle, 155); ca 1100 trans. « soutenir quelqu'un contre une attaque » (Roland, éd. J. Bédier, 3100); b) 1180-85 pronom. « se protéger contre les effets nuisibles de quelque chose » (GACE BRULÉ, Chans., éd. H.-P. Dyggve, XXVIII, 23 : Douce dame, d'orgueill vous desfendez); c) 1908 « résister aux effets du temps, de l'âge » supra, ex 11; 2. ca 1100 trans. « interdire à l'ennemi par des moyens militaires l'accès ou l'approche d'un lieu (ici d'une ville) » (Roland, éd. J. Bédier, 3651); 3. mil. XIIe s. pronom. « nier ce dont on est accusé » (Lois de Guillaume le Conquérant, éd. J.-E. Matzke, 14); 4. 1559 trans. « prendre la défense, le parti de » défendre qqn en jugement (AMYOT, Caton, 2 ds LITTRÉ); 5. a) 1843 pronom. « (en parlant d'une chose) être valable, être justifié » (T. GAUTIER, loc. cit.); b) 1920 fam. « (en parlant d'une pers.) se débrouiller habilement dans quelque chose » (arg. des filles ds ESN.). B. Ca 1100 « enjoindre à quelqu'un de ne pas faire quelque chose » (Roland, éd. J. Bédier, 2438); 1180-85 pronom. « s'interdire quelque chose à soi-même » (GACE BRULÉ, op. cit., XXXV, 37). Du lat. défendere, de même sens. Fréq. abs. littér. :8 743. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 14 068, b) 11 907; XXe s. : a) 12 856, b) 11 065. Bbg. BECKER (K.). Sportanglizismen im modernen Französisch. Meisenheim, 1970, p. 302, 326. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 30. — SPITZER (L.). Glose socio-ling. sur un usage de se défendre. Mod. Lang. Notes. 1941, t. 56, pp. 81-89.
défendre [defɑ̃dʀ] v. tr. [CONJUG. rendre.]
ÉTYM. 1080; du lat. defendere « repousser, faire opposition; protéger ».
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1 Aider, protéger (qqn) contre une attaque en se battant. ⇒ Protéger, secourir, soutenir; rescousse (aller à la rescousse de). || Défendre qqn au péril de sa vie. || Il est prêt à le défendre contre toutes les attaques, toutes les agressions. || Défendre les faibles; les opprimés. || Son escorte le défendit contre l'agresseur. — Vieilli. || Défendre qqn de qqch., d'une action, de la violence, contre qqch… — Par ext. || Défendre la vie de qqn.
1 Défendez-moi des fureurs de Pharnace.
Racine, Mithridate, I, 2.
2 Prince aimable, dis-nous si quelque ange au berceau
Contre tes assassins prit soin de te défendre (…)
Racine, Athalie, IV, 6.
3 Je ne balance point, je vole à son secours :
Je défendrai sa vie aux dépens de mes jours.
Racine, Andromaque, I, 4.
4 Il sait que Don Quichotte, sincèrement et ardemment, voulait être un chevalier, défendre les faibles et pourfendre les méchants.
A. Maurois, Études littéraires, Duhamel, t. II, p. 93.
♦ Par ext. || Défendre sa vie, sa liberté en combattant. || Défendre chèrement sa vie (cf. Vendre cher sa vie).
5 Quand le loup a besoin de défendre sa vie (…)
La Fontaine, Fables, XI, 6.
♦ Défendre une femme contre un importun, les entreprises d'un galant (→ Ajustement, cit. 4).
6 — Et toi, Marie, dit Germain, je te prierai de te demander à toi-même si, quand il s'agit de défendre une femme et de punir un insolent, un homme de vingt-huit ans n'est pas trop vieux !
G. Sand, la Mare au diable, XV, p. 127.
♦ (Collectif). || Défendre un groupe, une classe. || Défendre un allié contre l'envahisseur (→ ci-dessous, II.).
2 ☑ Loc. adv. Vx. À son corps défendant : en se défendant contre une attaque (cf. Légitime défense). — Fig. (Mod.). À contre-cœur, malgré soi (→ Corps, cit. 29 et 30). || Il a accepté à son corps défendant.
3 Fig. || Défendre l'honneur, la renommée de qqn contre les médisants. || Défendre une théorie, une opinion, un parti. ⇒ Prononcer (se prononcer pour), tenir (pour). → Prendre fait et cause, prendre parti pour… || Défendre son point de vue, ses idées. || Défendre ses droits. ⇒ Valoir (faire valoir). || Défendre ses intérêts. ⇒ Main (prendre en main), sauvegarder. || Défendre une cause avec acharnement, avec chaleur. || Défendre la religion, la foi.
7 On ne doute pas qu'il ne faille exposer sa vie pour défendre le bien public; mais pour la religion, point.
Pascal, Pensées, VI, 380.
8 Je ne mérite pas de défendre la religion, mais vous ne méritez pas de défendre l'erreur et l'injustice.
Pascal, Pensées, XIV, 921.
9 (…) la classe qui est assez forte pour défendre une société l'est assez pour y conquérir des droits et y exercer une légitime influence.
Fustel de Coulanges, la Cité antique, IV, VII, p. 327.
10 Et toute l'activité qu'ils auraient pu déployer à défendre la paix, ils l'emploient, comme les précédents, à préparer la guerre.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 184.
11 Mais je veux être maître dans ce journal, y défendre les idées qui me plaisent, sans avoir à ménager personne.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXIV, p. 226.
12 Il se sentit prêt à défendre et son amour et son honneur professionnel.
P. Mac Orlan, la Bandera, XV, p. 187.
♦ (1867, in Petiot). Sports. || Défendre sa chance : disputer une épreuve, avec la volonté d'être classé le mieux possible.
4 Soutenir (qqn) contre les accusations, les attaques; intervenir en faveur de. || L'avocat a bien défendu son client. ⇒ Plaider (pour); défense (I., 4.). || Défendre la cause de qqn. — Défendre un enfant pris en faute. ⇒ Intercéder (pour); excuser.
13 Et je me chargerais du soin de le défendre ?
Racine, Phèdre, IV, 5.
14 Il n'est pas de manière plus sûre de compromettre un innocent (et tout aussi bien un coupable) que de le louer sans mesure ou de le défendre avant que personne songe à l'attaquer (…)
J. Paulhan, Entretien sur des faits divers, p. 112.
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II
1 Interdire (un lieu) par la force, les armes. ⇒ Garder, interdire. || Défendre une place, en élevant des fortifications. ⇒ Fortifier. || Une division défend la frontière. ⇒ Couvrir (C.). || Défendre une ville, un village, un pont, un point stratégique. || Défendre l'approche d'une route… || Défendre une position pied à pied, sans esprit de recul. ⇒ Tenir. || On ne peut défendre cette position (cf. Elle est intenable).
15 Notre avare habitait un lieu dont Amphitrite
Défendait aux voleurs de toutes parts l'abord.
La Fontaine, Fables, XII, 3.
16 (…) ils allaient tenter de défendre contre les colonnes motorisées des Italiens leur village de cailloux.
Malraux, l'Espoir, p. 778.
♦ Par ext. || Défendre son pays, sa patrie, en se battant, en veillant à sa sécurité.
♦ (Sujet n. de chose, de dispositif). Aider, servir à la défense de… || Une batterie défend l'entrée du port. || Le poste est défendu par deux mitrailleuses. ⇒ Flanquer (→ Char, cit. 6).
2 (1900, in Petiot). Sports. Organiser la défense de (son camp, ses buts). ⇒ Défense, défenseur. || Joueur chargé de défendre les buts. ⇒ Gardien. — Absolt. || L'équipe qui attaque et l'équipe qui défend.
3 (Sujet n. de chose). || Défendre de : garantir, préserver, protéger contre. || Des rideaux défendent la chambre du soleil. — (Sujet n. de personne). || Défendre (qqn, qqch.) de (un danger, un mal, etc.).
17 Et la garde qui veille aux barrières du Louvre
N'en défend point nos rois (de la mort).
Malherbe, Consolation à du Périer.
18 (…) c'était donc une heure dans la vie à noter, à graver, à défendre, autant que faire se pourrait, contre un trop rapide oubli (…)
Loti, les Désenchantées, V, XXXIV, p. 197.
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III Enjoindre (à qqn) de ne pas faire (qqch.). ⇒ Inhiber (vx), interdire, prohiber, proscrire. || Défendre l'alcool, le tabac à un malade. — Défendre à qqn de… (et inf.). || Je te défends de rentrer trop tard. — (Sans compl. second). || La loi, la religion défend le meurtre. ⇒ Condamner. || Sa religion le lui défend. || L'Islam défend l'alcool, la viande de porc.
19 Le Ciel défend, de vrai, certains contentements;
Mais on trouve avec lui des accommodements (…)
Molière, Tartuffe, IV, 5.
20 (…) l'Académie française (…) défend aux académiciens d'écrire ou de faire écrire contre leurs confrères (…)
La Bruyère, Disc. à l'Académie, Préface.
21 Grâce à la douce cérémonie, ce qu'on vous défendait hier, on vous le prescrira demain (…)
De toutes les choses sérieuses le mariage étant la plus bouffonne (…)
Beaumarchais, le Mariage de Figaro, I, 9.
22 La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.
Déclaration des droits de l'homme, art. 5.
23 (…) il faut que tu obéisses à ton père, qui, j'en suis certaine, va te défendre de me fréquenter.
G. Sand, la Petite Fadette, XXIX, p. 194.
24 (…) élèves, qui par l'esprit de contradiction ordinaire à la jeunesse sont entraînés vers ce qu'on leur défend.
Mérimée, Hist. du règne de Pierre le Grand, p. 59.
♦ Défendre sa porte, sa maison à qqn, refuser de le recevoir. ⇒ Condamner, fermer.
25 J'étais si affligée de cette perte, de la mort de mon mari (…) que j'avais fait défendre ma porte (…)
Voltaire, la Princesse de Babylone, IV.
♦ Défendre que… (et subj.). || Il défend qu'on passe par là. || Il défendit qu'on passât par là. — REM. Avec un compl. en à…, cette construction semble populaire : « Il nous défend tous qu'on bouge » (Céline).
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se défendre v. pron.
1 Résister à une attaque. ⇒ Lutter, résister. || Se défendre les armes à la main, en rendant coup pour coup. || Se défendre pied à pied : disputer le terrain. || Se défendre courageusement, vaillamment (→ Vendre cher sa vie, sa peau; avoir bec et ongles). || Se défendre comme un lion. ⇒ Battre (se). || Se défendre contre tous les coups. ⇒ Parer. || Se défendre en attaquant. || Se défendre désespérément. ⇒ Débattre (se). || Se défendre en attaquant à son tour. ⇒ Riposter. || Se défendre soi-même, sans faire appel aux services de sécurité. ⇒ Autodéfense.
26 Mais il fallait livrer bataille,
Et le mâtin était de taille
À se défendre hardiment.
La Fontaine, Fables, I, 5.
27 (…) si je me défends, ce n'est qu'en reculant.
Molière, les Femmes savantes, IV, 3.
28 On s'y défendit comme des vainqueurs se défendent, en attaquant.
Ph. P. Ségur, Hist. de Napoléon, IV, 7.
29 Quand on est en péril de mort toutes les armes sont bonnes pour se défendre.
Claudel, Feuilles de saints, Sainte Thérèse, p. 73.
2 Fam. Être apte à faire qqch. (→ Être à la hauteur). || Il se défend bien en affaires. || On se défend ! ☑ || « Oh ! moi je me défends » (Genet) : je réussis à peu près. ⇒ Aller (ça va).
♦ Sports. Figurer honorablement dans une épreuve sportive.
♦ Spécialt. Gagner convenablement sa vie. — REM. Normalement qualifié (mal, bien), le verbe est marqué favorablement en emploi absolu.
♦ Argot. Se prostituer. || « les femmes qui se défendent sont parfois les meilleures mères du monde, parce que ça les change des clients et puis un môme, ça leur donne un avenir » (É. Ajar [R. Gary], la Vie devant soi, p. 58).
3 Se justifier. || L'accusé s'est bien, mal défendu. — Se défendre contre… || Se défendre contre les médisances, les calomnies. || Se défendre contre une accusation. ⇒ Réfuter, répondre. || Employer pour se défendre un arsenal d'arguments…
30 Je me défendrai mal : l'innocence étonnée
Ne peut s'imaginer qu'elle soit soupçonnée (…)
Corneille, Rodogune, V, 4.
31 (…) mais le monde est fait comme cela que quand deux ou trois personnes se mettent après une autre, toutes s'en mêlent, lui jettent la pierre et lui font une mauvaise réputation sans trop savoir pourquoi; et comme si c'était pour le plaisir d'écraser qui ne peut se défendre.
G. Sand, la Petite Fadette, XXX, p. 201.
♦ Littér. || Se défendre de… ⇒ Nier; cacher (se cacher de). || Je ne m'en défends pas. || Il se défend de toute arrière-pensée.
32 (…) vous ne vous rendez pas encore, et vous vous défendez d'être médecin ?
Molière, le Médecin malgré lui, I, 5.
33 Mon Dieu ! point de façons; cessez de vous défendre
De ce que vos regards m'ont souvent fait entendre (…)
Molière, les Femmes savantes, I, 4.
34 Quelques-uns se défendent d'aimer et de faire des vers, comme de deux faibles qu'ils n'osent avouer, l'un du cœur, l'autre de l'esprit.
La Bruyère, les Caractères, IV, 84.
4 (Personnes). || Se défendre de…, contre… : se protéger, s'abriter. ⇒ Garantir (se), préserver (se), protéger (se). || Se défendre du froid, de la pluie. || Se défendre de la maladie, des épidémies.
♦ Se défendre des (contre les) mauvaises tentations. || Se défendre contre le découragement, le désespoir. ⇒ Garde (se mettre en garde); cuirasser (se cuirasser contre).
35 Une conscience habituellement tonique se défend plus qu'une autre d'un surcroît de tension (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, VII, p. 59.
♦ Se défendre de… (et inf.). ⇒ Empêcher (s'), interdire (s'), refuser (se). || Se défendre de céder à la tentation. || Se défendre de manifester son émotion. || Il se défend de conclure. ⇒ Garder (se). || On ne peut se défendre de l'estimer. || Il ne put se défendre de rire.
36 Une fille d'honneur doit toujours se défendre
De lire les billets qu'un homme lui fait rendre (…)
Molière, l'École des maris, II, 3.
37 (…) l'homme qui assiste son semblable se défend mal de devenir son ami.
Colette, l'Étoile Vesper, p. 176.
38 Antoine ne put se défendre de sourire en voyant le petit homme s'aventurer en sautillant sur le parquet ciré du vestibule.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 133.
39 Elle se défendit néanmoins d'y voir l'aveu d'un détachement.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 235.
40 Les deux jeunes gens se turent. Ils ressentaient l'un pour l'autre une sympathie assez vive. Mais ils se défendaient d'y céder trop rapidement, et surtout d'en laisser paraître les signes avec une facilité vulgaire.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. II, XV, p. 162.
♦ Absolt. ⇒ Résister.
41 La petite Fadette ne put se défendre plus longtemps; elle jeta ses deux bras au cou du père Barbeau; et son vieux cœur en fut tout réjoui.
G. Sand, la Petite Fadette, XXXVI, p. 236.
5 (Choses). Se justifier, résister à la critique. ⇒ Défendable. — Fam. (en parlant de choses concrètes). || Un whisky qui se défend.
41.1 Un seul mot d'ordre : l'ordre. Cela peut se défendre, bien sûr.
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 73.
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défendu, ue [defɑ̃dy] p. p.
1 Protégé, secouru. || Pays défendu par ses alliés. — Assassin défendu par un grand avocat. — Pays découvert et mal défendu. — Fig. || Une vertu mal défendue.
♦ ☑ Prov. Bien attaqué, bien défendu, se dit lorsque la défense et l'attaque ont été menées avec un égal bonheur.
♦ Blason. Muni de défenses d'un autre émail que le reste du corps. || Sanglier défendu d'argent.
2 Interdit, prohibé. || Il est défendu de fumer. ⇒ Défense (de). || Actions défendues. ⇒ Illicite. || Le braconnage, la contrebande sont défendus par la loi. ⇒ Illégal. || Tout ce qui n'est pas défendu est permis (→ ci-dessus, cit. 22).
42 Tout ce que Dieu ne veut pas est défendu. Les péchés sont défendus par la déclaration générale que Dieu a faite, qu'il ne les voulait pas. Les autres choses qu'il a laissées sans défense générale, et qu'on appelle par cette raison permises, ne sont pas néanmoins toujours permises.
Pascal, Pensées, X, 668.
43 Ce qui nous est défendu par la nature, c'est d'étendre nos attachements plus loin que nos forces : ce qui nous est défendu par la raison, c'est de vouloir ce que nous ne pouvons obtenir; ce qui nous est défendu par la conscience n'est pas d'être tentés, mais de nous laisser vaincre aux tentations.
Rousseau, Émile, V.
♦ Adj. || Le fruit défendu.
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CONTR. Assaillir, attaquer, provoquer. — Accuser. — Abandonner (un poste, etc.), déserter, fuir. — Autoriser, commander, conseiller, ordonner, permettre, supporter, tolérer. — Rendre (se). — Abandonner (le combat). — Légal, licite, permis.
DÉR. Défendable, défendeur.
Encyclopédie Universelle. 2012.