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éloigner

éloigner [ elwaɲe ] v. tr. <conjug. : 1>
• XI e; de é- et loin
I ♦ V. tr.
1 ♦ Mettre ou envoyer loin, à distance. ⇒ 1. écarter, reculer . Éloigner les enfants d'un malade. Produit qui éloigne les moustiques. ⇒ chasser; répulsif. « éloignant vivement du feu ses chaussettes qui commençaient à brûler » (Proust). « la cour, d'où le connétable de Montmorency la fit éloigner » (Henriot). ⇒ bannir, exiler.
2 ♦ Séparer par un intervalle de temps. Chaque jour nous éloigne de notre jeunesse.
3 ♦ Fig. Écarter, détourner. Ceci nous éloigne du sujet, revenons à nos moutons. ⇒ dévier. Des « vagabondages de l'esprit qui m'éloignent de plus en plus du travail scolaire » (Romains). Ils ont tout fait pour l'éloigner de moi. ⇒ séparer. « le péché c'est ce qui éloigne de Dieu » (Camus) . « un port de tête qui éloignait les hommages familiers » (Aymé). ⇒ décourager (cf. Tenir à distance).
II ♦ S'ÉLOIGNER v. pron.
1 ♦ Se mettre, se porter loin. ⇒ 1. aller (s'en aller), 1. s'écarter, 1. partir. Le bateau s'éloigne du port. ⇒ quitter. « Rien au monde ne la ferait s'éloigner des environs de Paris » (F. Mauriac). « éloignez-vous de moi, car mon haleine exhale un souffle empoisonné » (Lautréamont). ⇒ éviter, fuir. — Absolt « Tu ne sais pas le mot de passe. Si tu t'éloignes tu vas te faire tirer dessus » (A. Gide).
♢ Devenir plus lointain. Le bruit s'éloigne. ⇒ s'affaiblir, décroître. « La tempête s'éloigne et les vents sont calmés » (Musset). « Toutes les passions s'éloignent avec l'âge » (Hugo). ⇒ s'atténuer, s'estomper, passer.
2 ♦ S'écarter, se détourner. Elle s'éloigne de lui : elle l'aime moins. ⇒ se détacher. « pour empêcher la marquise de s'éloigner de lui, pour l'accrocher » (Proust). « nous nous éloignons de l'état de nature » (Rousseau). « L'Athénien s'éloigne du Romain et du Spartiate par mille traits de caractère » (Fustel de Coulanges). ⇒ 2. différer, diverger. « Pour bien juger de quelque chose, il faut s'éloigner un peu » (A. Gide)(cf. Prendre du recul).
⊗ CONTR. Attirer, rapprocher.

● éloigner verbe transitif (de loin) Faire paraître quelque chose plus lointain : Verres concaves qui éloignent les objets. Augmenter (de tant) la distance qui sépare quelque chose, quelqu'un (de quelque chose, quelqu'un) : Ça l'éloigne trop de son travail. Mettre ou tenir à distance de soi ; écarter, repousser : Éloigner les importuns. Détourner quelqu'un de quelque chose, l'en écarter : Ces remarques nous éloignent du sujet de notre discussion. Augmenter la distance temporelle qui sépare quelqu'un du passé : Chaque jour qui passe nous éloigne de notre jeunesse. Retarder, reculer, différer le moment où quelque chose se produit ; espacer davantage des actions : Éloigner ses visites à un ami. Accentuer ou créer entre des personnes des divergences, des différences, des désaccords qui vont les séparer : Elle a tout fait pour l'éloigner de moi. Évincer quelqu'un de quelque chose ou faire qu'il ne puisse y accéder : Éloigner quelqu'un du pouvoir. Dissiper un danger, un risque, (se) mettre à l'abri de leurs effets : Éloigner les soupçons. ● éloigner (synonymes) verbe transitif (de loin) Mettre ou tenir à distance de soi ; écarter, repousser
Synonymes :
- écarter
- repousser
Contraires :
- approcher
- convier
Détourner quelqu'un de quelque chose, l'en écarter
Synonymes :
- détacher
- séparer
Contraires :
- rapprocher
Retarder, reculer, différer le moment où quelque chose se produit ; espacer...
Synonymes :
- ajourner
- différer
- reculer
- remettre
- renvoyer
- retarder
- surseoir à
Contraires :
- avancer
- brusquer
- hâter
- précipiter
Évincer quelqu'un de quelque chose ou faire qu'il ne puisse y...
Synonymes :
- bannir
- chasser
- éconduire
- éliminer
- évincer
- rejeter
Contraires :
- appeler
- attirer
- inviter
- rechercher
Dissiper un danger, un risque, (se) mettre à l'abri de...
Synonymes :
- conjurer
- dévier
- égarer

éloigner
v.
rI./r v. tr.
d1./d Mettre, envoyer loin; écarter. éloigner sa chaise du feu. Ce détour nous éloigne de la maison.
d2./d Séparer dans le temps. Chaque jour nous éloigne de ces événements.
|| Retarder. Ces incidents éloignent l'heure des retrouvailles.
d3./d Fig. écarter. éloigner qqn de ses devoirs. Son intolérance a éloigné de lui tous ses amis.
rII./r v. Pron.
d1./d Aller loin, augmenter progressivement la distance qui sépare (d'un point fixe). Pierre s'éloigna à grands pas. Le bateau s'éloigne de la rive.
|| Devenir de plus en plus lointain (dans le temps). Les espoirs de paix s'éloignent chaque jour davantage.
d2./d Fig. (Personnes) Se détourner, se détacher. Il s'éloigne de sa femme.
|| (Choses) S'écarter. Cette doctrine s'éloigne de la nôtre.

⇒ÉLOIGNER, verbe trans.
I.— Emploi trans.
A.— [En parlant d'une distance spatiale] Mettre loin ou plus loin; faire aller à une certaine distance. Éloigner qqc., qqn, de qqc., de qqn. Éloignez-les l'un de l'autre (Ac. 1798-1932).
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne une chose] Des Cigales éloigna de quelques millimètres sa bouffarde de la bouche (QUENEAU, Loin, 1944, p. 16).
— P. ext. Faire paraître lointain ou plus lointain. Les verres concaves éloignent les objets (Lar. 19e-Lar. encyclop.). Son double binocle, dont un verre rapprochait et un verre éloignait (GIRAUDOUX, Bella, 1926, p. 193).
2. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.] Pour approcher l'île Vavao, d'où les vents d'Ouest-Nord-Ouest nous éloignaient un peu (Voy. La Pérouse, 1797, p. 246). On éloignait d'elle les jeunes filles comme d'une pestiférée (MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Mme Baptiste, 1882, p. 356) :
• 1. Si elle allait le rejeter!... le repousser!... l'éloigner avec horreur!... lui, le petit voleur du collège d'Eu! (...) s'il allait ne plus la revoir, ne plus vivre à ses côtés, ...
G. LEROUX, Le Parfum de la dame en noir, 1908, p. 25.
— P. euphém. [Le compl. prép. désigne un groupe, un milieu soc. ou pol., une sphère d'activité] Mettre ou tenir à l'écart, exclure. Éloigner qqn des charges, de la vie publique. Il [le monarque] a besoin (...) de rendre les esprits frivoles et légers pour les éloigner des affaires (DESTUTT DE TR., Comment. sur Espr. des lois, 1807, p. 101). Il te fait perdre tous tes amis; il t'éloigne des milieux qui pourraient t'être utiles plus tard (LACRETELLE, Silbermann, 1922, p. 143). Une Europe dont on éloignait la France (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 202).
B.— P. anal. [En parlant d'une distance temporelle]
1. Mettre plus loin dans le temps passé ou à venir. Chaque instant qui s'écoule repousse vers le passé l'instant où je te voyois encore; le temps s'éloigne, le dévore (COTTIN, Cl. d'Albe, 1799, p. 177). Ils éloignèrent pour quelque temps, le choix d'une autre gouvernante (BOURGES, Crépusc. dieux, 1884, p. 41).
2. Accroître l'intervalle de temps séparant deux phénomènes destinés à se reproduire, espacer. Ils ordonnent d'éloigner, ou de rapprocher les saignées (CABANIS, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 49). Je sentis que Gilberte désirait éloigner mes visites (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 582).
C.— Au fig. [La distance est d'ordre psychol., mor. ou intellectuel]
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.]
a) [Le compl. prép. est gén. un mot abstr. désignant p. ex. un système intellectuel, une valeur mor., etc.] Créer une séparation; écarter, détourner. Éloigner d'un but, d'un idéal, de son travail; éloigner du christianisme, du rationalisme; éloigner de Dieu. Tout ce qui peut éloigner l'homme de la fin sainte et divine à laquelle l'appelle sa nature (RENAN, Souv. enf., 1883, p. 405) :
• 2. Un détachement immense, insondable de tout ce qui tenait à son personnage intellectuel et moral et comme une distance en elle pour l'éloigner de tout ce qui la faisait participer à la vie, d'autant plus immense, me semblait-il, que ce dont elle se détournait la faisait plus réelle et définissait plus hautement son personnage.
J. BOUSQUET, Traduit du silence, 1935-36, p. 236.
b) [Le compl. prép., exprimé ou non, désigne une pers.] Établir une distance morale ou affective en empêchant la familiarité, l'intimité ou en inspirant de l'aversion, une certaine désaffection. Anton. attirer, rapprocher. L'aspect de ma longue infortune Éloigne, repousse, importune Mes frères lassés de mes maux (LAMART., Médit., 1820, p. 258) :
• 3. ... cette opinion que j'ai de sa personne morale, au lieu de m'éloigner de lui, loin de mettre entre nous de l'horreur, fait, non pas que je l'aime peut-être, mais qu'il m'intéresse énormément.
MIRBEAU, Le Journal d'une femme de chambre, 1900, p. 180.
2. [Le compl. d'obj. dir. est un mot abstr. désignant un phénomène psychol., soc., etc.] Rejeter, dissiper, repousser, chasser, faire disparaître ou empêcher de se manifester. Éloigner des pensées, des préoccupations, des souvenirs, des soupçons; éloigner le sommeil; éloigner un péril, le scandale. Tout se passe en efforts pour éloigner la vérité de ces lieux qui revient pleurer sans cesse sur tout le monde (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 119) :
• 4. ... vous qui, depuis des siècles et des millénaires, avez tout fait pour éloigner l'idée de la mort, pour l'évincer de votre décor social et même du vocabulaire, vous autres, vous êtes heureux!
DUHAMEL, Chronique des Pasquier, Les Maîtres, 1937, p. 198.
3. [Le compl. d'obj. dir. et le compl. prép. sont de même nature, animés ou inanimés; la notion de distance traduit une différence entre deux choses, deux pers.] Séparer par des éléments distinctifs; distinguer, différencier. Le caractère de leurs travaux, leurs habitudes mentales, (...) tout les éloigne des hommes d'action enclins à dépasser la mesure (CLEMENCEAU, Iniquité, 1899, p. 142).
II.— Emploi pronom.
A.— [En parlant d'une distance spatiale]
1. [Le suj. désigne une pers. ou une chose en mouvement; le compl. prép. est souvent sous-entendu] Aller au loin ou plus loin; quitter un lieu, une personne. S'éloigner à grands pas, à pas lents; s'éloigner brusquement, doucement, lentement, rapidement, vite. Le « Rendeer » allait s'éloigner pour un temps, et visiter au nord l'archipel des Marquises (LOTI, Mariage, 1882, p. 90). J'avais beau m'éloigner de la triste oasis, à mesure que j'avançais, mes impressions désolées se renforçaient (THARAUD, Fête arabe, 1912, p. 151) :
• 5. ... au lieu d'apprécier les grandeurs relatives d'apparence qui font la perspective, on pense la distance; on ne voit point un homme diminuer ou grossir, mais bien s'éloigner et se rapprocher; ...
ALAIN, Système des Beaux-arts, 1920, p. 241.
2. P. ext.
a) [Le suj. désigne un bruit; la distance est appréciée par une perception auditive] On l'entend passer, descendre en avant avec une vibration pesante et grandissante de métro entrant en gare; ensuite son lourd sifflement s'éloigne (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 232).
b) Paraître plus lointain. La lumière s'éloigne à mesure que la route s'allonge (FRANCE, Bonnard, 1881, p. 383).
B.— P. anal. [En parlant d'une distance temporelle] Devenir plus lointain dans le passé ou l'avenir. S'éloigner de sa jeunesse, du présent. Je voyais, plein d'ennui, s'éloigner toujours le cher instant où je pourrais soigner l'intimité naissante du doux ami que je trouvais en vous (GIDE, Corresp. [avec Valéry], 1891, p. 42). Voilà bien leur tendance à tous et d'autant plus accusée qu'ils s'éloignent davantage de la période primitive (BREMOND, Hist. sent. relig, t. 4, 1920, p. 299).
C.— Au fig. [L'idée de distance traduit celle d'une séparation psychol., mor. ou intellectuelle]
1. [Le suj. désigne une pers.; le compl. désigne une chose abstr. ou une pers.] Se séparer, se détourner de. S'éloigner de la question, du sujet; s'éloigner du réel. Pécuchet s'éloigna d'une religion devenue un moyen de gouvernement (FLAUB., Bouvard, t. 2, 1880, p. 142). Ne vous éloignez pas de moi, parce que je vous dis mes petites lâchetés (ROLLAND, J. Chr., Foire, 1908, p. 740).
2. [L'idée de distance traduit une différence, une divergence; le suj. désigne une pers. ou une chose] S'éloigner de la vérité. On voit à quel point l'expérience absurde s'éloigne du suicide (CAMUS, Sisyphe, 1942, p. 77) :
• 6. ... plus un type social est rapproché du nôtre, plus le droit coopératif devient prédominant; au contraire, le droit pénal occupe d'autant plus de place qu'on s'éloigne de notre organisation actuelle.
DURKHEIM, De la Division du travail social, 1893, p. 120.
3. [L'idée de distance traduit celle de disparition ou de régression; le suj. désigne une chose] Les deux cauchemars de l'humanité, la peste et la famine, semblent s'éloigner d'elle sans retour. La mort recule (BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 198).
Prononc. et Orth. :[], (j')éloigne []. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 [de l'espace, ici conçu abstraitement] soi esluiner (de Dieu et des préceptes de l'Écriture) (Saint Alexis, éd. Chr. Storey, 180 et 260); 2. 1267 « reculer dans le temps, différer » (Cart. de Champ., Richel. 1. 5993, f° 190c ds GDF.). Dér. de loin; préf. é-; dés. -er. Fréq. abs. littér. :5 995. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 10 409, b) 7 509; XXe s. : a) 7 767, b) 7 917.

éloigner [elwaɲe] v. tr.
ÉTYM. XIe; de é-, loin, et suff. verbal.
❖
A Spatial.
1 Mettre ou faire aller loin, à distance. || Éloigner (qqn, qqch.) de (qqn, qqch.). ⇒ Écarter, pousser, reculer, repousser, retirer. || Éloignez cette lampe de mes yeux, de moi. || Éloigner du front une mèche rebelle (→ Accompagner, cit. 10). || Éloigner sa chaise de la table. || Il faut éloigner vos enfants de la ville. || Il s'est efforcé de les éloigner l'un de l'autre. ⇒ Séparer.
1 J'avouerai même que M. de Valmont doit être en effet infiniment dangereux (…) Quoi qu'il en soit, puisque vous l'exigez, je l'éloignerai de moi; au moins j'y ferai mon possible (…)
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre XXXVII.
2 Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes,
Éloignes-en les prudentes colombes,
Les songes vains, les anges curieux !
Valéry, Poésies, « Le cimetière marin ».
♦ Par anal. || Éloigner qqn d'un projet, de la vie publique. — (Sans compl. second). Envoyer (qqn) au loin. || Éloigner les importuns. ⇒ Chasser, congédier, éconduire, rejeter, reléguer. || Roi, prince, ministre qui éloigne un conseiller, un favori (→ Bois, cit. 39).
3 Cette tolérance lui valut d'ailleurs à la fin des difficultés à la cour, d'où le connétable de Montmorency la fit éloigner. Elle se retira à Nérac (…) et Michelet réprouve cet exil (…)
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 29.
2 (Sujet n. de chose). Faire paraître lointain. || Les verres concaves éloignent les objets.
B (1267). Temporel. Séparer par un intervalle de temps. || Chaque jour nous éloigne de notre jeunesse. ⇒ Emporter (loin de). — Repousser à une date ultérieure. ⇒ Différer, reculer, retarder. || De nouvelles difficultés ont éloigné la signature de l'armistice. || Éloigner un payement.
C (Fin XIIe). Fig. Écarter, détourner (qqn). || Éloigner qqn d'un projet. ⇒ Évincer, rejeter. || Son indépendance l'éloigne du mariage. ⇒ Détacher, détourner. || Éloigner de soi la sympathie. ⇒ Aliéner. || Les distractions qui l'éloignent de son travail. ⇒ Dégoûter, distraire. || Philosophie qui éloigne de la religion. ⇒ Écarter. || C'est un livre qui vous éloignera de la vérité (→ Conduire, cit. 10). || Un lieu capable d'éloigner du renoncement (→ Détachement, cit. 5). || Dégoût qui éloigne du monde. ⇒ Désabuser. || Éloigner qqn d'une occasion de mal faire (→ Axiome, cit. 7). || Éloignez de vous ces mauvaises pensées. ⇒ Repousser. || Prier Dieu qu'il éloigne de nous le malheur. — (Sans compl. second). || L'action éloigne l'ennui. ⇒ Chasser. || Attitude propre à éloigner tous les soupçons, à empêcher qu'ils se manifestent.
4 (…) jugez (…) de ce que j'ai pu sentir pour ce qui m'a éloignée très injustement de votre cœur.
Mme de Sévigné, 146, 18 mars 1671.
5 Éloigne ce calice impur et plus amer
Que le fiel, ou l'absinthe, ou les eaux de la mer.
A. de Vigny, Poèmes philosophiques, Le mont des Oliviers.
6 (…) j'ai l'impression d'être parti pour une série de vagabondages de l'esprit qui m'éloignent de plus en plus du travail scolaire.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, VII, p. 56.
♦ Leurs travaux les éloignent l'un de l'autre, les séparent. ⇒ Distinguer.
♦ Vieilli. || Éloigner (qqn) de… (suivi d'un infinitif) :
7 Les prophéties citées dans l'Évangile, vous croyez qu'elles sont rapportées pour vous faire croire ? Non, c'est pour vous éloigner de croire.
Pascal, Pensées, VIII, 568.
8 (…) une grande modestie, qui l'éloigne de penser qu'il fasse le moindre plaisir aux princes s'il se trouve sur leur passage (…)
La Bruyère, les Caractères, II, 14.
➪ tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
——————
s'éloigner v. pron.
1 (Dans l'espace). Se mettre, se porter loin de… ⇒ Aller (s'en), écarter (s'), fuir, partir. || Il s'éloigna du groupe. || S'éloigner d'un endroit dangereux, peu recommandable (→ Canaille, cit. 5). || S'éloigner de la route. ⇒ Écarter (s'), éviter. || S'éloigner de son pays. ⇒ Exiler (s'), quitter. || S'éloigner du rivage. || Qui s'éloigne du centre. ⇒ Centrifuge.
♦ (Sans compl. en de). || Navire qui s'éloigne en haute mer. ⇒ Disparaître, évanouir (s'). || Le bruit (cit. 19) s'éloigne et meurt. || L'orage s'est éloigné. || Ne vous éloignez pas ! || Il s'éloignait à pas lents (→ Abat-jour, cit. 3; dague, cit. 4). || S'éloigner furtivement. ⇒ Évader (s').
9 C'est peu pour mon inhumaine de ne pas répondre à mes Lettres, de refuser de les recevoir, elle veut me priver de sa vue, elle exige que je m'éloigne.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre XL.
10 La tempête s'éloigne, et les vents sont calmés.
A. de Musset, Premières poésies, « Le saule ».
11 Nous étions tombés sur les cuirassés allemands, et nous nous éloignâmes à force de rames; les fusils des hommes de garde nous tenaient en joue.
Loti, Aziyadé, I, XXI.
12 Hâtivement lavé, raidi de courbatures, je franchis le seuil, tous les soirs à la même heure, et je m'éloigne, tête basse, moins en élu qu'en banni (…)
Colette, la Paix chez les bêtes, « Le matou ».
13 Tandis que s'éloignait dans les vignes rhénanes
Sur un fifre lointain un air de régiment.
Apollinaire, Alcools, « Mai ».
14 Et il ne reste plus (…) qu'une petite dame sur un refuge qui rapetisse, qui s'éloigne, qui disparaît.
Cocteau, les Enfants terribles, p. 228.
2 (Dans le temps). Devenir lointain. || S'éloigner du présent. — Absolt. || Époque qui commence à s'éloigner (→ Création, cit. 2). || Image, souvenir qui s'éloigne. ⇒ Effacer (s'). || Barrès s'éloigne, essai de Montherlant (où l'auteur marquait la désaffection de la jeunesse envers Barrès). || Éventualité qui s'éloigne de plus en plus…
3 Fig. S'écarter, se détourner. ⇒ Séparer (se). || Rêves qui s'éloignent de la réalité, du concret (→ Abstrait, cit. 3; ambitieux, cit. 8). || S'éloigner de son devoir, de la vertu. ⇒ Déserter, manquer (à). || Sa conduite s'éloigne de la bienséance. || S'éloigner du respect dû à qqn. || Vous vous éloignez de la question, du sujet. ⇒ Sortir. || S'éloigner des vues, des intentions de qqn. || S'éloigner des occasions de mal faire (→ Droit, cit. 17). || La civilisation romaine s'éloigne de celle d'Athènes (→ Athénien, cit. 3). || S'éloigner de qqn, d'un ami en peine. ⇒ Dos (tourner le dos [cit. 14] à); → Accrocher, cit. 4; clair, cit. 18.
15 Ceux qui sont dans le dérèglement disent à ceux qui sont dans l'ordre que ce sont eux qui s'éloignent de la nature, et ils la croient suivre : comme ceux qui sont dans un vaisseau croient que ceux qui sont au bord fuient.
Pascal, Pensées, VI, 383.
16 (…) comme si j'étais femme à (…) m'éloigner jamais de la vertu que mes parents m'ont enseignée.
Molière, George Dandin, II, 8.
17 Celles (les mœurs) qui approchent des nôtres nous touchent, celles qui s'en éloignent nous étonnent; mais toutes nous amusent.
La Bruyère, Disc. sur Théophraste.
18 Plus nous nous éloignons de l'état de nature, plus nous perdons de nos goûts naturels; ou plutôt l'habitude nous fait une seconde nature que nous substituons tellement à la première, que nul d'entre nous ne connaît plus celle-ci.
Rousseau, Émile, II.
19 Pour bien juger de quelque chose il faut s'en éloigner un peu, après l'avoir aimé. Cela est vrai des pays, des êtres et de soi-même.
Gide, Journal, 27 mars 1924.
♦ (Récipr.). || Ces conceptions s'éloignent l'une de l'autre. ⇒ Différer, diverger, opposer (s').
——————
éloigné, ée p. p. adj.
ÉTYM. (Déb. XIIIe).
1 (Dans l'espace). Qui est à une certaine distance. ⇒ Distant, loin, reculé, séparé. || Être seul, éloigné de sa famille. — Absolt. || Pays éloigné. ⇒ Étranger, lointain, perdu. || Habiter un quartier éloigné. ⇒ Désert, écarté (→ Cheik, cit. 2). || Écailles, feuilles éloignées (l'une de l'autre). — Qui provient d'un endroit éloigné, se dirige vers un endroit éloigné. || Faire une promenade éloignée.
20 (…) des globes éloignés de notre terre d'une distance si effroyable ?
Molière, les Amants magnifiques, III, 1.
21 Éloigné de ses yeux, j'ordonne, je menace (…)
Racine, Britannicus, II, 2.
22 Les ganglions du cou étaient douloureux au toucher et le concierge semblait vouloir tenir sa tête le plus possible éloignée du corps.
Camus, la Peste, p. 32.
2 (Dans le temps). || Des souvenirs éloignés. ⇒ Lointain, vieux. || Cela remonte à un temps bien éloigné. || Événements assez éloignés (→ Créance, cit. 5). || C'est un passé peu éloigné (→ Anciennement, cit. 2). || Des ouvrages écrits à deux périodes éloignées (l'une de l'autre), séparées par un long espace de temps. — Remettre un voyage à une date plus éloignée. ⇒ Ultérieur. || Échéance éloignée.
23 (…) des faits qui sont (…) éloignés de nous par plusieurs siècles ?
La Bruyère, les Caractères, XVI, 22.
24 Le jour est moins avancé que je ne croyais. L'heure à laquelle elle a coutume de se montrer derrière sa jalousie est encore éloignée.
Beaumarchais, le Barbier de Séville, I, 1.
3 (Personnes; abstrait). Qui se situe loin de l'origine d'une filiation. || Des parents éloignés. || Oncle, cousin éloigné. || Éloigné de… : différent. || Récit bien éloigné de la vérité. || Cela est fort éloigné de ma pensée, de mon intention. || Doctrines éloignées l'une de l'autre. ⇒ Différent, divergent (→ Déisme, cit.). || Conséquence éloignée d'un principe (→ Base, cit. 12). || Rechercher les causes éloignées d'un phénomène.
25 (…) son humilité (de Turenne), éloignée de toute sorte d'affectation (…)
Mme de Sévigné, 431, 16 août 1675.
26 Les preuves de Dieu métaphysiques sont si éloignées du raisonnement des hommes, et si impliquées, qu'elles frappent peu (…)
Pascal, Pensées, VII, 543.
27 Il s'y était fait le défenseur chaleureux d'un christianisme exigeant, également éloigné du libertinage moderne et de l'obscurantisme des siècles passés.
Camus, la Peste, p. 107.
♦ Être éloigné de… (suivi d'un inf.). || Je ne suis pas éloigné de croire, de penser que… || Je suis bien éloigné d'y consentir. — REM. Avec des verbes autres que des verbes d'opinion ou de volonté, cet emploi est vieilli : Je suis bien éloigné de me conduire de la sorte. → Loin (loin de).
28 (…) il (Onuphre) ne cajole point sa femme (…) Il est encore plus éloigné d'employer pour la flatter et pour la séduire le jargon de la dévotion (…)
La Bruyère, les Caractères, XIII, 24.
♦ Qui n'est rattaché que par des liens imprécis. || Une ressemblance éloignée.
❖
CONTR. Approcher, joindre, juxtaposer, rapprocher, réunir. — Allécher, appâter, apprivoiser, attirer, gagner. — Accointer (s'), accoler (s'), concorder, confluer. — Adjacent, approchant, attenant, avoisinant, conjoint, contemporain, contigu, direct, environnant, immédiat, imminent, proche, rapproché, récent, tangent, voisin.
DÉR. Éloignement.

Encyclopédie Universelle. 2012.