exercer [ ɛgzɛrse ] v. tr. <conjug. : 3>
• XIVe; essercer déb. XIIe; lat. exercere « mettre ou tenir en mouvement »
I ♦ V. tr.
1 ♦ Soumettre à une activité, à des mouvements réguliers, en vue d'entretenir ou de développer. ⇒ entraîner. Exercer ses muscles, sa résistance. Chanteur qui exerce sa voix. « Pour apprendre à penser, il faut donc exercer nos membres, nos sens, nos organes, qui sont les instruments de notre intelligence » (Rousseau). « des sens aigus, qu'ils exerçaient constamment à la chasse ou aux sports » (Giraudoux). — Exercer son esprit, sa mémoire. ⇒ cultiver. « Pour moi, j'aime terriblement les énigmes. — Cela exerce l'esprit » (Molière). « plus la sensibilité est exercée, plus elle est vive » (Stendhal).
2 ♦ Soumettre à un entraînement destiné à créer une aptitude ou une habitude. Exercer qqn à qqch. ⇒ façonner, former, habituer. « Un esprit qu'on n'exerce à rien devient lourd et pesant dans l'inaction » (Rousseau). Les « poupons de bois, qui exercent les enfants aux douceurs de la caresse et de l'amour » (Suarès). Exercer un animal de cirque. ⇒ dresser. — EXERCER À(et l'inf.). Exercer les soldats à marcher au pas. Exercer le corps à supporter le froid. ⇒ endurcir.
3 ♦ Vx ou littér. Soumettre à une épreuve. ⇒ éprouver. Texte difficile qui exerce la sagacité des érudits.
4 ♦ Mettre en usage (un moyen d'action, une disposition à agir); faire agir (ce qui est en sa possession, à sa disposition). Exercer un pouvoir, une influence, une autorité. Ce souvenir « exercera son éternelle tyrannie » (Baudelaire). Exercer un contrôle sur la presse. « chacun exerce sur chacun des attractions et des répulsions » (Maupassant). « pourquoi le visage endormi d'un être jeune exerce-t-il une telle fascination ? » ( Martin du Gard). — Exercer sa bonté, sa méchanceté. « Nous n'exerçons ni la bienfaisance ni la philanthropie [...] mais nous pratiquons la charité » (Balzac). « chaque fois qu'il y avait lieu de prendre une initiative ou d'exercer une sanction » (A. Gide). — Exercer son droit en justice (cf. Faire valoir). Exercer un privilège (⇒ exercice) . « son droit est égal et partant complet. Il n'a besoin, pour l'exercer, du consentement de personne » (Taine). — Exercer une aptitude. Il a trouvé enfin le métier où il peut exercer son vrai talent. ⇒ déployer, employer. Mirabeau « exerçait déjà ce don de séduction irrésistible » (Barthou). Exercer sa verve contre qqn.
5 ♦ Pratiquer (des activités professionnelles). Exercer un art, un métier. ⇒ 1. faire. Exercer une industrie, un commerce. Exercer la médecine. ⇒ pratiquer. Exercer les fonctions de maire. ⇒ s'acquitter, remplir. — Absolt Ce notaire n'exerce plus, son fils lui a succédé. ⇒ travailler. « le docteur Delbende, un vieux médecin qui passe pour brutal et n'exerce plus guère » (Bernanos).
II ♦ S'EXERCERv. pron.
1 ♦ Avoir une activité réglée pour acquérir la pratique. Athlète qui s'exerce. ⇒ s'entraîner. Un bon pianiste s'exerce tous les jours. ⇒ étudier. « une jeune fille s'exerçait au violon, avec une phrase toujours recommencée » (Aragon). — (Avec l'inf.) S'exercer à tirer. Un bon correcteur d'imprimerie doit s'exercer à négliger le sens du texte. ⇒ apprendre.
2 ♦ Se manifester (à l'égard de, contre qqn ou qqch.). Sa méfiance s'exerce contre tout le monde. « ce n'était pas seulement sur autrui, mais aussi sur lui-même, que s'exerçait rageusement sa manie » (Baudelaire).
3 ♦ (Pass.) Être exercé. Pouvoir, puissance, influence qui s'exerce sur qqn, dans un domaine (cf. Se faire sentir). — Impers. « Car il s'exerce autour des clichés comme une contagion » (Paulhan).
● exercer verbe transitif (latin exercere) Faire progresser quelqu'un en le soumettant à un entraînement méthodique : Exercer des élèves à converser en anglais. Développer le corps, l'esprit de quelqu'un, par la répétition : Des jeux qui exercent la mémoire. Littéraire. Mettre à l'épreuve une faculté intellectuelle, une aptitude morale : Ces mesquineries ont trop longtemps exercé ma patience. User d'un droit, d'une autorité : Exercer son droit de réponse dans un journal. Mettre en usage une action, la faire agir d'une manière ou d'une autre (forme avec le nom complément des locutions verbales souvent équivalentes à un verbe) : Exercer un contrôle (= contrôler). Exercer une influence (= influencer). Pratiquer un métier, une fonction : Un médecin qui exerce l'acupuncture. Être actif dans sa branche professionnelle : Un avocat qui a cessé d'exercer. Évaluer l'importance de la matière imposable à l'impôt indirect (notamment de l'alcool) dans les locaux du contribuable. ● exercer (difficultés) verbe transitif (latin exercere) Conjugaison Le c devient ç devant o et a : j'exerce, nous exerçons, ils exercent ; il exerça. ● exercer (synonymes) verbe transitif (latin exercere) Faire progresser quelqu'un en le soumettant à un entraînement méthodique
Synonymes :
- entraîner
Développer le corps, l'esprit de quelqu'un, par la répétition
Synonymes :
- cultiver
- façonner
- former
Littéraire. Mettre à l'épreuve une faculté intellectuelle, une aptitude morale
Synonymes :
- éprouver
Pratiquer un métier, une fonction
Synonymes :
- remplir
exercer
v.
rI./r v. tr.
d1./d Dresser, former par une pratique fréquente. Exercer des soldats à tirer. Exercer un cheval.
d2./d Mettre fréquemment en activité (une faculté) pour la développer. Exercer sa mémoire.
|| Par ext. Exercer la patience de qqn, la mettre à l'épreuve.
d3./d Pratiquer (une profession). Exercer la médecine.
|| (S. comp.) Il exerce déjà.
d4./d Faire usage de. Exercer un droit. Exercer ses talents.
d5./d Produire, faire (un effet). Exercer de l'influence sur qqn.
rII./r v. Pron.
d1./d S'entraîner par la pratique. S'exercer à chanter.
d2./d (Passif) Se faire sentir. Force qui s'exerce sur un corps.
⇒EXERCER, verbe trans.
A.— Emploi trans.
1. [En vue du maintien ou d'une amélioration des aptitudes phys. (de tout être vivant), intellectuelles, mor. (de l'homme)] Entretenir, former par un entraînement régulier et approprié. Par brusques détentes, elles [les grenouilles] exercent leurs ressorts (RENARD, Hist. nat., 1896, p. 142). L'éperdu rossignol, d'avril jusqu'en septembre, Exerce un flexible gosier (NOAILLES, Éblouiss., 1907, p. 122) :
• 1. Auprès d'eux, je songe irrésistiblement à ceux qui, soulevant des poids, n'auraient exercé que leurs biceps. Ce n'est pas les gros bras très forts que j'aime, c'est l'harmonie de tout le corps.
GIDE, Journal, 1904, p. 139.
2. Exercer qqn à (+ subst. ou inf.), dans (+ subst.). Soumettre à un entraînement méthodique en vue de créer ou de développer une aptitude ou une habitude. Exercer un soldat à manier les armes, exercer quelqu'un au (dans le) maniement des armes :
• 2. Mais il pouvait du moins avouer ses défaillances, et les difficultés qui l'exerçaient à des luttes si vives n'étaient pas de celles dont on rougit.
FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 212.
3. Exercer qqc.
a) Faire sentir le poids de son pouvoir, de sa force; mettre en action ses moyens de pression, d'influence, etc.
— [+ compl. d'obj. dir. seul]
♦ [Le suj. est un animé] Le peuple-roi ne peut exercer la souveraineté par lui-même; il est obligé de la déléguer à des fondés de pouvoir (PROUDHON, Propriété, 1840, p. 148) :
• 3. Aujourd'hui, vous vous trouvez personnellement en mesure d'exercer une action dont les résultats peuvent être essentiels pour la libération de l'Indochine.
DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 680.
♦ [Le suj. est un inanimé] En fait, des plans dominants exercent leur influence partiellement irréversible sur des plans dominés (PERROUX, Écon. XXe s., 1964, p. 133) :
• 4. « Tout corps, tout mouvement exerçant une action chimique sur les corps organiques avec lesquels il s'est trouvé une seconde en contact, peut-être que tout, depuis que le monde est, a été conservé en photographie... »
GONCOURT, Journal, 1865, p. 155.
— [Suivi d'une constr. prépos.]
♦ [sur] Cf. ex. supra.
♦ [contre] Napoléon. — (...) si vous êtes connus, ce sera pour les indignités que vous aurez exercées contre moi (DUMAS père, Napoléon, 1831, VI, 2, p. 143).
♦ [envers] Que fût devenu ton divin aïeul, si l'on n'eût pas mieux exercé envers lui les devoirs de l'hospitalité? (CHATEAUBR., Martyrs, t. 1, 1810, p. 143).
b) Mettre à l'épreuve et parfois soumettre à une activité pénible. Exercer son talent poétique, sa verve, son ironie. Sur la privation de l'eucharistie :« Jésus-Christ exerce davantage notre foi quand il entre dans notre cœur les portes fermées que lorsqu'il y entre en la manière ordinaire... etc. » (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 4, 1859, p. 205).
Rem. Dans ce dernier sens le compl. d'obj. dir. peut être, mais rarement, un animé. Dieu (...) se plaît à exercer ses serviteurs (CHATEAUBR., Génie, t. 4, 1803, p. 446).
— En partic. Mettre à l'épreuve, essayer le bon fonctionnement du mécanisme d'un objet :
• 5. Monsieur du Châtelet voulait s'opposer à ce qu'on exerçât les pistolets, mais l'officier que l'on avait pris pour arbitre a dit qu'à moins de se conduire comme des enfants, on devait se servir d'armes en état.
BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 149.
c) Pratiquer une activité, un métier, une profession, etc.
) [+ compl. d'obj. dir.] C'était un vieux Polonais (...) qui était venu exercer en France (...) son métier de pharmacien (MAUPASS., Pierre et Jean, 1888, p. 314). Les autres s'en étaient allés au loin pour exercer dans les villes des Achéens l'art du chanteur ou celui du charron (FRANCE, Clio, 1900, p. 9).
) Emploi abs. Un de mes gens vient me dire qu'un commis aux aides qui exerçait dans le quartier avait reconnu ma voiture (PICARD, Avent. E. de Senneville, 1813, II, p. 140). Il [Hirsch] avait été mandé au parquet de Corbeil et menacé de peines sévères s'il continuait à exercer (A. DAUDET, Jack, t. 2, 1876, p. 321).
B.— Emploi pronom.
1. à sens réfl.
a) S'exercer à + inf. ou subst.
— Se former par un entraînement régulier et approprié. S'entraîner.
♦ [Le suj. est un être vivant] Ce n'était plus qu'un texte la Charte sur lequel chacun s'exerçait à l'éloquence (SAND, Indiana, 1832, p. 104). On devait s'exercer à bien tracer les lettres à l'antique, c'est-à-dire les caractères italiques (FRANCE, Rabelais, 1924, p. 48).
♦ [Le suj. n'est pas un être vivant] Elle marchait mieux (...) son pied lui-même s'était aminci en s'exerçant à de longues courses (FROMENTIN, Dominique, 1863, p. 113) :
• 6. La mer s'exerce aux périodes. Elle imite Démosthène. Elle suce des cailloux. Entre temps, elle crache des méduses : immondes crachats.
COCTEAU, Fin Potomak, 1940, p. 162.
Rem. Cet emploi peut apparaître sans constr. prép. Voici cinquante et quelques années que ma tête avant l'aube s'exerce tous les jours (VALÉRY, Lettres à qq.uns, 1945, p. 244).
— S'essayer, se mettre à l'épreuve, voir l'effet que l'on peut produire :
• 7. ... quand on voulait s'esquiver [de chez Mme Waldor] pour sauter en face [chez Mme Ancelot], de froids regards vous clouaient à la porte. Il fallait rester, jouer de la langue, blasonner le père Ancelot, s'exercer à de petites anecdotes scandaleuses.
A. DAUDET, Trente ans Paris, 1888, p. 98.
b) [Constr. prépos. sur, contre]
— S'appliquer sur, prendre appui sur. La mémoire n'ayant à s'exercer sur rien d'important périt ou languit (DELACROIX, Journal, 1824, p. 67) :
• 8. Ses critiques bienveillantes [de Sainte-Beuve] s'exerçaient de préférence sur mon abus des grands mots en K et en Y et en S...
VERLAINE, Œuvres compl., t. 5, Confessions, 1895, p. 139.
— Produire une action contre. Son ironie s'exerça contre celui de ses collègues qui avait jadis combattu l'initiative du comte Mouraview (BOURGET, Tapin, Deux épis., 1928, p. 240). Lancelot. — On dirait Gauvain manœuvré par une poigne méchante qui s'exerce sans relâche contre nous (COCTEAU, Chev. Table Ronde, 1937, I, p. 87).
2. à sens passif. Être pratiqué. À chaque étage, des plaques de cuivre vissées sur l'huis désignaient les arts et métiers qui s'exerçaient derrière ces portes (FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 520) :
• 9. Nous étions en effet, parvenus à la place où s'exercent ces boucheries judiciaires qui maintiennent encore notre civilisation au niveau des lois et des mœurs des anthropophages.
NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 139.
Rem. On rencontre ds la docum. a) Exerciter, verbe trans. Exercer, exécuter. Mais, malgré notre penchant naturel à tout admirer, nous ne vîmes qu'une facétie robuste, laissée là par un âge inconnu pour exerciter l'esprit des antiquaires et stupéfier les voyageurs (FLAUB., Champs et grèves, 1848, p. 231). b) Exercitant, ante, part. prés. subst. Personne qui se livre aux exercices d'une retraite spirituelle. Les préludes ignatiens ne doivent durer que pendant quelques secondes; l'exercitant est pressé d'agir, de déployer ses « puissances ». Le bérullien a moins de hâte; il peut s'attarder longuement au dépouillement de lui-même, puisque, en recevant « le coup heureux de cette mort spirituelle », il commence à opérer en Jésus-Christ qui est en tous les chrétiens principe d'agir à la gloire de Dieu » (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 3, 1921, p. 463).
Prononc. et Orth. :[], [e-], (j')exerce []. Cf. é-1. Enq. : // (il) exerce. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1121-34 essercier « pratiquer (une discipline) » (PH. DE THAON, Bestiaire, 2657 ds T.-L.); fin XIVe s. spéc. une vertu, un pouvoir, etc. (FROISSART, Chron., éd. S. Luce, t. 6, p. 27 : par quoi justice en soit mieuls gardée et exersée); 1340 « se consacrer à (un office, une charge, une activité professionnelle) » (doc. ds Livre Roisin, éd. Brun-Lavainne, p. 358); 2. XIIIe-XIVe s. soi exercer « se former, s'éduquer (par des exercices appropriés) » (Dist. de Catun, 903, éd. Stengel, Ausg. und Abhandl. t. 47, p. 140); 3. 1548 « mettre en jeu, en usage » (MARG. DE NAVARRE, Comédie du Mont-de-Marsan, éd. Schneegans, 337 : Car l'ame plaine de malice Au corps exercera son vice); 4. 1551 « mettre à l'épreuve » (CALVIN, Instit. chrétienne, IV, p. 196 ds HUG.). Du lat. class. exercere « mettre en mouvement; tourmenter, former par des exercices; exercer (une profession) ». Fréq. abs. littér. :4 894. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 9 367, b) 3 913; XXe s. : a) 4 657, b) 7 920. Bbg. JOURJON (A.). Rem. lexicogr. R. de Philol. fr. 1915-16, t. 29, pp. 149-150.
exercer [ɛgzɛʀse] v. tr. [CONJUG. placer.]
ÉTYM. XIVe; essercer, v. 1119; lat. exercere, proprt « mettre ou tenir en mouvement », de ex- (négatif), et arcere « écarter ».
❖
1 Soumettre à une activité, à des mouvements réguliers, en vue d'entretenir ou de développer. ⇒ Entraîner. || Athlète qui exerce ses muscles, son souffle, sa résistance. || Pianiste qui exerce ses deux mains, ses doigts. || Exercer ses bras par la gymnastique, les tractions. || Chanteur qui exerce sa voix. || Exercer sa langue (→ Affaire, cit. 32). || Exercer les sens, l'ouïe, la vue.
1 (…) et jouaient à la balle, à la paume, à la pile trigone, galamment s'exerçant les corps comme ils avaient les âmes auparavant exercé.
Rabelais, Gargantua, XXIII.
2 Je te suivrai partout, pour savoir ce mystère.
— Oui ? sus donc, préparez vos jambes à bien faire,
Car je vais vous fournir de quoi les exercer.
Molière, l'Étourdi, II, 11.
3 Pour apprendre à penser, il faut donc exercer nos membres, nos sens, nos organes, qui sont les instruments de notre intelligence; et pour tirer tout le parti possible de ces instruments, il faut que le corps, qui les fournit, soit robuste et sain (…) Exercer les sens n'est pas seulement en faire usage, c'est apprendre à bien juger par eux, c'est apprendre, pour ainsi dire, à sentir; car nous ne savons ni toucher, ni voir, ni entendre, que comme nous avons appris.
Rousseau, Émile, II.
4 (…) leurs oreilles admirablement pourvues de tous les perfectionnements de la coquille et du labyrinthe, abritaient des sens aigus, qu'ils exerçaient constamment à la chasse ou aux sports.
Giraudoux, Bella, VI, p. 129.
♦ Exercer son esprit, ses facultés, sa mémoire. || Jeux de cubes, puzzles qui exercent l'attention des enfants. || Spectacles, expériences qui exercent le goût. ⇒ Former.
5 — Pour moi, j'aime terriblement les énigmes. — Cela exerce l'esprit (…)
Molière, les Précieuses ridicules, 9.
6 Tu as sans doute vu toute seule, que plus la sensibilité est exercée, plus elle est vive (…) à moins qu'à force de l'exercer, on ne la porte à ce degré qui la rend fatigante.
Stendhal, Lettres inédites.
♦ Au participe passé :
7 L'insistance avec laquelle M. de Charlus revenait toujours sur le sujet — à l'égard duquel, d'ailleurs, son intelligence, toujours exercée dans le même sens, possédait une certaine pénétration — avait quelque chose d'assez complexement pénible.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XII, p. 127.
2 (1580, Montaigne). Compl. n. d'être animé ou abstraction humaine. || Exercer… à… : soumettre (qqn) à un entraînement destiné à créer une aptitude ou une habitude. ⇒ Entraîner. || Exercer quelqu'un à quelque chose. ⇒ Former, façonner, habituer, plier. || Exercer un apprenti à un travail. || Exercer un chien à la chasse, un cheval à la course. ⇒ Dresser. || Exercer l'esprit à la réflexion, à l'observation, aux travaux scientifiques.
8 (…) il me semble aussi que cette adresse à quoi on façonne ses membres, ces détours et mouvements à quoi on exerce la jeunesse à cette nouvelle école, sont non seulement inutiles, mais contraires plutôt et dommageables à l'usage du combat militaire.
Montaigne, Essais, II, XXVII.
9 Un esprit qu'on n'exerce à rien devient lourd et pesant dans l'inaction. La semence ne prend point dans un champ mal préparé, et c'est une étrange préparation pour apprendre à devenir raisonnable que de commencer par être stupide.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, Lettre, III.
10 Ferdinand VII avait fondé à Séville un conservatoire de tauromachie, où l'on exerçait les élèves d'abord sur des taureaux de carton, puis sur des novillos avec des boules aux cornes, et enfin sur des taureaux sérieux, jusqu'à ce qu'ils fussent dignes de paraître en public.
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 259.
11 Cette idole, par son luxe et sa parure la poupée du genre humain, déclarait la guerre aux poupons de bois, qui exercent les enfants aux douceurs de la caresse et de l'amour.
André Suarès, Trois hommes, « Ibsen », VI.
♦ Exercer à (suivi d'un inf.). || Exercer le corps à supporter la fatigue, le froid. ⇒ Endurcir. || Exercer les soldats à marcher au pas, à ramper, à s'abriter. || Exercer un chien à rapporter le gibier, un poulain à galoper (→ Cheval, cit. 25). || Exercer l'esprit à se concentrer.
12 Je voudrais que le Paluël ou Pompée, ces beaux danseurs de mon temps, apprissent des cabrioles à les voir seulement faire (…) ou qu'on nous apprît à manier un cheval, ou une pique, ou un luth, ou la voix, sans nous y exercer, comme ceux-ci nous veulent apprendre à bien juger et à bien parler, sans nous exercer ni à parler, ni à juger.
Montaigne, Essais, I, XXVI.
13 (…) s'il (Émile) devient observateur de trop bonne heure, si vous l'exercez à épier de trop près les actions d'autrui, vous le rendrez médisant et satirique (…)
Rousseau, Émile, IV.
3 (V. 1587). Vx ou littér. (Compl. abstraction humaine). Soumettre à une activité pénible, à une épreuve. ⇒ Éprouver. || Ce garnement a longtemps exercé ma patience. || Ce texte difficile exerce la sagacité des érudits.
14 Tous ces défauts humains nous donnent dans la vie
Des moyens d'exercer notre philosophie (…)
Molière, le Misanthrope, V, 1.
15 J'interdis à mon élève les métiers malsains, mais non pas les métiers pénibles, ni même les métiers périlleux. Ils exercent à la fois la force et le courage (…)
Rousseau, Émile, III.
♦ Par ext. (vx). Tourmenter.
16 Dieu (…) a permis qu'elle (la maison de Port-Royal) fût exercée par les plus grandes tribulations qui aient jamais exercé aucune maison religieuse.
Racine, Port-Royal.
4 (XIVe). Mettre en usage (un moyen d'action, une disposition à agir); faire agir (ce qui est en sa possession, à sa disposition). — REM. Dans ce sens étendu, le complément d'objet désigne toujours quelque chose qui appartient au sujet, qu'il en ait la possession ou seulement la disposition. || Exercer un pouvoir, son autorité (cit. 5 et 15). || Exercer sa force (→ Éléphant, cit. 3). || Exercer une puissance, un commandement. || La raison exerce son empire sur les passions (→ Âge, cit. 28). || Exercer sa souveraineté. || Exercer un contrôle sur la presse. || Exercer un rôle (→ Arbitre, cit. 8). || Exercer sur soi un effort (cit. 1), une discipline.
17 Il commande l'armée; et moi, dans une ville,
Il me laisse exercer un pouvoir inutile.
Racine, Bajazet, I, 1.
18 Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps des principaux, ou des nobles, ou du peuple, exerçaient ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d'exécuter les résolutions publiques et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers.
Montesquieu, l'Esprit des lois, XI, VI.
19 La fascination est opérée; la volonté est domptée; le souvenir de la jouissance (de l'opium) exercera son éternelle tyrannie.
Baudelaire, les Paradis artificiels, « Mangeur d'opium », I.
♦ Exercer une influence. || Personne, chose, situation qui exerce sur quelqu'un une influence (→ Défendre, cit. 9; diffusion, cit. 2), une action (→ Abrupt, cit. 1; assimilable, cit. 1), une attraction (cit. 10 et 12), un attrait (cit. 22), un charme (cit. 13), un enchantement, un ascendant, un prestige (→ Agréger, cit. 2). || Exercer une pression (→ Exécutant, cit. 2). || Exercer une pression (cit. 9) sur la volonté de quelqu'un.
20 On n'aime qu'une fois ! Le cœur peut s'émouvoir souvent à la rencontre d'un autre être, car chacun exerce sur chacun des attractions et des répulsions. Toutes ces influences font naître l'amitié, les caprices, des envies de possession, des ardeurs vives et passagères, mais non pas de l'amour véritable.
Maupassant, Fort comme la mort, p. 253.
21 (…) pourquoi le visage endormi d'un être jeune exerce-t-il une telle fascination ?
Martin du Gard, les Thibault, t.III, p. 204.
♦ Exercer sa bonté, sa méchanceté. || Exercer sa libéralité, sa charité, sa clémence. || Tyran qui exerce sur le peuple toute sa rigueur et sa cruauté (cit. 14). || Exercer des violences sur un être faible. || Enfant timide sur lequel les camarades exercent leur malice. || Exercer un châtiment, une contrainte. || Épidémie qui exerce ses ravages.
22 N'as-tu pas sur mon dos exercé ta furie ?
Molière, Amphitryon, I, 2.
23 (…) jamais la générosité, la magnificence (…) n'ont été exercées comme elles l'ont été par Sa Majesté.
Mme de Sévigné, Lettres 1144, 2 mars 1689.
24 (…) ils auront (…) exercé toutes les vertus que vous chérissez…
La Bruyère, les Caractères, IX, 2.
25 Je rencontrai, vers ce temps, un juge (…) nommé Popinot (…) qui pendant quinze ans exerça la charité la plus active dans le quartier Saint-Marcel.
Balzac, l'Envers de l'hist. contemporaine, Pl., t. I, p. 291.
26 Nous n'exerçons ni la bienfaisance, ni la philanthropie (…) mais nous pratiquons la charité (…)
Balzac, l'Envers de l'hist. contemporaine, Pl., t. I, p. 337.
27 Madame Bertrand arrivait à la rescousse chaque fois qu'il y avait lieu de prendre une initiative ou d'exercer une sanction.
Gide, Si le grain ne meurt, I, V.
♦ Exercer son droit. || Les incapables jouissent de leurs droits sans pouvoir les exercer. ⇒ Exercice (dr.). || Le président de la République a exercé son droit de grâce (→ Attribut, cit. 5). || Conditions dans lesquelles un citoyen peut exercer ses droits (→ Abus, cit. 5; aptitude, cit. 12; déchéance, cit. 6). || Les créanciers privilégiés, le Trésor public exercent leurs privilèges. || Exercer son droit en justice. ⇒ Valoir (faire valoir).
28 Je dirai ensuite que l'Assemblée actuelle n'était pas Législative, mais Constituante, elle a, par cela seul, tous les droits que pouvaient exercer les premiers individus qui formèrent la Nation.
29 (…) son droit est égal et partant complet. Il n'a besoin, pour l'exercer, du consentement de personne, et il ne souffre aucune intervention, entre lui et ses commis.
Taine, les Origines de la France contemporaine, t. I, III, p. 279.
30 Le titulaire du droit n'est pas, en principe, responsable du dommage qu'il cause à autrui, en exerçant son droit : c'est le sens de l'adage Neminem lædit qui suo jure utitur.
Dalloz, Nouveau répertoire de droit, Droit, 33.
♦ Exercer une aptitude. || Tribun qui exerce son éloquence sur la foule. || Il a trouvé enfin le métier où il peut exercer son vrai talent. ⇒ Déployer, employer. || Heureux d'exercer son talent poétique (→ Draper, cit. 10). || Exercer sa verve, son ironie (contre quelqu'un). ⇒ Action (mettre en).
31 Il (…) ne fuit rien tant tous les jours que d'exercer les merveilleux talents qu'il a eus du Ciel pour la médecine.
Molière, le Médecin malgré lui, I, 4.
32 Il (Mirabeau) exerçait déjà ce don de séduction irrésistible, qui sera durant sa vie orageuse, un des secrets de sa prodigieuse domination.
Barthou, Mirabeau, p. 23.
33 Sans ambition ni légèreté dans une cour toute remplie par le plaisir et par l'intrigue, madame de La Fayette ne paraît y avoir été placée au premier rang que pour y pouvoir exercer ses pénétrantes qualités d'observateur.
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 98.
5 (Mil. XVIe). Pratiquer (des activités professionnelles). || Exercer un art (vx), un métier (→ Apprenti, cit. 2; artisan, cit. 7; diplomate, cit. 1). ⇒ 1. Faire. || Exercer une industrie, un commerce. || Docteur (cit. 6) qui exerce la médecine depuis de longues années. ⇒ Professer (vx). — Il est vraiment fait pour la profession qu'il exerce (→ Courtier, cit. 1; défenseur, cit. 4). || Exercer les fonctions de maire. ⇒ Acquitter (s'), remplir. || Exercer un ministère, un office, une charge.
34 (…) la danse que j'exerce, et la musique dont il fait profession.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, II, 3.
35 Après quoi, je me disposai à exercer la médecine aux dépens de qui il appartiendrait.
A. R. Lesage, Gil Blas, II, III.
36 Le monde est plein d'artisans, et surtout d'artistes, qui n'ont point le talent naturel de l'art qu'ils exercent (…) Il n'est pas nécessaire d'exercer toutes les professions utiles pour les honorer toutes (…)
Rousseau, Émile, III.
37 (Monsieur Bongrand) se sentait encore trop actif pour ne rien faire; il avait donc demandé la Justice de Paix de Nemours (…) Le Garde des Sceaux est toujours heureux de trouver des praticiens, et surtout des gens à leur aise pour exercer cette importante magistrature.
Balzac, Ursule Mirouët, Pl., t. II, p. 291.
♦ Absolt (notamment en parlant des professions libérales). || Ce médecin n'exerce plus. || Un jeune avocat qui n'exerce que depuis peu.
38 J'ai vu aujourd'hui le docteur Delbende, un vieux médecin qui passe pour brutal et n'exerce plus guère (…)
Bernanos, Journal d'un curé de campagne, p. 92.
♦ Péj. || Escroc qui exerce sa coupable industrie. || Exercer la piraterie, le brigandage. ⇒ Livrer (se livrer à).
39 Les Romains étaient occupés dans la guerre contre Teuta, reine d'Illyrie, qui exerçait impunément la piraterie sur toute la côte.
Bossuet, Discours sur l'Hist. universelle, I, VIII.
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s'exercer v. pron.
1 (1580). Avoir une activité réglée pour acquérir la pratique. || Athlète (cit. 3) qui s'exerce. ⇒ Entraîner (s'); → Concours, cit. 11. || Ce pianiste s'exerce plusieurs heures par jour. ⇒ Étudier, main (se faire la). — S'exercer à la patience (→ Acariâtre, cit. 1). ⇒ Appliquer (s'). — S'exercer dans une activité, une technique.
40 Il aiguisait son bec, battait l'air et ses flancs, Et, s'exerçant contre les vents, S'armait d'une jalouse rage.
La Fontaine, Fables, VII, 13.
41 Nommé lieutenant-colonel de la garde nationale de Blérancourt, et l'un des meneurs du pays, il s'exerçait à la parole dans les questions d'intérêt local; mais par goût il la faisait toujours laconique et brève.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, Saint-Just, t. V, p. 339.
42 Je vais m'exercer seul à ma fantasque escrime,
Flairant dans tous les coins les hasards de la rime (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, Tableaux parisiens, « Le soleil ».
43 Dans une maison, une jeune fille s'exerçait au violon, avec une phrase toujours recommencée.
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 139.
♦ (Avec un inf.). || S'exercer à tirer (→ Arc, cit. 8). || L'avocat stagiaire s'exerçait à plaider devant sa glace. ⇒ Essayer (s'). || Un bon correcteur d'imprimerie doit s'exercer à négliger le sens du texte. ⇒ Apprendre.
2 (1638). Se manifester (à l'égard de, contre qqn ou qqch.). || S'exercer contre, sur qqn. || Sa coquetterie s'exerce volontiers sur les adolescents. || Jalousie qui s'exerce sur le mérite (→ Émulation, cit. 1).
44 Indulgent et sociable encore pendant la journée, il était impitoyable le soir; et ce n'était pas seulement sur autrui, mais aussi sur lui-même, que s'exerçait rageusement sa manie crépusculeuse.
Baudelaire, le Spleen de Paris, XXII.
3 (Passif). Être exercé. || Pouvoir, puissance (→ Christianisme, cit. 11), autorité (→ Aristocratie, cit. 3; décider, cit. 10), influence (→ Autorité, cit. 19) qui s'exercent sur quelqu'un, dans un domaine. ⇒ Sentir (se faire). || La bonté, l'amabilité, le mérite, la valeur, le talent ont toujours des occasions de s'exercer (→ Aristocratique, cit. 4; distinguer, cit. 25). || Sa patience, sa curiosité, sa sagacité se sont exercées dans ces circonstances, ont été mises à l'épreuve.
45 (…) il y a deux points que je trouve encore obscurs : le mécanisme par lequel s'exercerait mon pouvoir; et les garanties de durée qu'il aurait.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XVI, p. 220.
♦ Impersonnel :
46 Cependant l'écrivain observe assez vite, en ce sens, qu'il n'est guère de mot ni de phrase qui ne prête au lieu commun. Car il s'exerce autour des clichés comme une contagion.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 35.
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exerçant, ante p. prés. et adj.
ÉTYM. (1865).
♦ Qui exerce (une activité particulière, et, spécialt, la médecine). || Un médecin exerçant, en activité.
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exercé, ée p. p. adj.
♦ Devenu habile à force de s'exercer ou d'avoir été exercé. || Caricaturiste à la main exercée. ⇒ Adroit, assoupli. || Une oreille exercée distingue dans un concert le son des différents instruments (→ Diapason, cit. 1). || L'œil exercé d'un observateur (→ Dénoter, cit. 3; dépérissement, cit. 3). || L'ouïe exercée d'un aveugle. || Le goût exercé d'un connaisseur, d'un expert, d'un amateur d'art. ⇒ Formé.
47 N'est-il pas vrai (…) qu'il n'y a véritablement de plaisir que pour les gens de goût ? Ils voient, ils entendent, ils sentent ce qui échappe aux hommes moins sensiblement organisés, moins exercés.
Voltaire, Dict. philosophique, Goût.
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CONTR. Laisser (en friche, en sommeil). — Renoncer. — (Du p. p. adj.) Inhabile, inexercé, inexpérimenté, maladroit, novice; grossier.
DÉR. Exercice.
Encyclopédie Universelle. 2012.