gris, grise [ gri, griz ] adj. et n.
• 1160; frq. °grîs
I ♦
1 ♦ D'une couleur intermédiaire entre le blanc et le noir. Une souris grise. « Ses yeux sont gris. GRIS . Comme l'orage, la pierre, le ciel du Nord, la mer » (Duras). Un costume gris. — Par méton. Éminence grise.
♢ Gris de poussière : couvert d'une couche de poussière grise. « Les camions étaient gris de la poussière des routes » (Bernanos). — Prov. La nuit tous les chats sont gris.
♢ Spécialt (en parlant du temps) La lumière grise d'un jour sans soleil. Temps gris. — Ellipt Il fait gris : le temps est couvert.
♢ Fin. Marché gris.
2 ♦ (En parlant des cheveux, des poils) ⇒ argenté (cf. Poivre et sel). « Je n'avais pas un cheveu gris, ma moustache était noire » (Proust).
3 ♦ (Servant à désigner certains êtres ou objets, certaines espèces) Ambre gris. Vin gris (variété de rosé). Crevette grise. Carte grise. — Anat. Substance grise du cerveau. Matière grise.
4 ♦ Fig. Sans éclat, sans intérêt. ⇒ 1. morne. « tâcheron commis aux corvées les plus grises » (R. Debray).
♢ (XVe) Faire grise mine.
5 ♦ (1690) Qui est près d'être ivre, pris de vin. ⇒ éméché, gai. Il tomba « la tête sur la table, non pas gris, mais ivre mort » (Balzac).
II ♦ N. m.
1 ♦ (XVe) Couleur grise. Peindre des volets en gris. Passer une couche de gris. Gris clair, gris foncé. « L'ennui de toute peinture est le gris » (E. Delacroix). Gris perle. Gris souris. Gris ardoise. Gris anthracite. « le ciel tourné au gris-fer pesait ainsi qu'un couvercle » (J. Roumain). — Adj. Robe gris souris. « une mer unie gris-perle » (Chardonne).
2 ♦ Spécialt Robe d'un cheval, caractérisée par un mélange de poils blancs, noirs et autres. Gris pommelé.
3 ♦ Vêtements gris. S'habiller de gris, en gris. Le gris est peu salissant.
4 ♦ Tabac ordinaire de la Régie (enveloppé de papier gris). Un paquet de gris.
● gris adverbe Il fait gris, le temps est couvert. ● gris nom masculin La couleur grise : S'habiller en gris. Matière colorante de couleur grise : Une couche de gris. ● gris (expressions) adverbe Il fait gris, le temps est couvert. ● gris, grise adjectif (francique grîs) Qui est d'une couleur intermédiaire entre le noir et le blanc : Des nuages gris anthracite. Où sont mêlés des cheveux ou des poils blancs et foncés ; se dit de quelqu'un dont les cheveux sont tels : Elle est déjà toute grise. Qui est triste, morne, terne, sans intérêt : Des pensées grises. Qui est plus ou moins ivre : Plusieurs convives étaient déjà gris. ● gris, grise (citations) adjectif (francique grîs) Pierre Jean de Béranger Paris 1780-Paris 1857 Il est un petit homme Tout habillé de gris, Dans Paris, Joufflu comme une pomme, Qui, sans un sou comptant, Vit content… Chansons ● gris, grise (difficultés) adjectif (francique grîs) Accord Des robes grises, des robes gris clair, des robes gris-bleu. Voir grammaire : adjectifs de couleur. ● gris, grise (expressions) adjectif (francique grîs) Familier. Matière grise, cellules grises, cerveau, intelligence, réflexion. Tabac gris ou gris (nom masculin), tabac scarferlati caporal présenté en emballage cubique de papier gris. Temps gris, temps couvert. Vin gris, vin rosé de couleur très pâle à nuance saumon. Marché gris, → marché. Noyaux gris centraux, ensemble des noyaux de substance grise situés à la partie médiane du cerveau. (Ils sont constitués par le noyau caudé, le putamen, le pallidum, le complexe nucléaire amygdalien, les noyaux sous-thalamiques et le locus niger. Ils contrôlent la motricité et leur atteinte entraîne l'apparition de mouvements anormaux.) Substance grise, sur une coupe de cerveau, région de couleur grise par opposition à la substance blanche, et qui est formée par l'amas des corps cellulaires des neurones. (Dans les hémisphères cérébraux, la substance grise constitue le cortex et les noyaux gris centraux. Dans le cervelet, elle forme le cortex cérébelleux et les noyaux profonds, tandis que, au niveau de la moelle, elle est centrale et se répartit en cornes antérieures et postérieures.) Carton gris, carton fabriqué à partir de vieux papiers. ● gris, grise (synonymes) adjectif (francique grîs) Qui est triste, morne, terne, sans intérêt
Synonymes :
- morne
- morose
- plat
Contraires :
- brillant
- coloré
- éclatant
- lumineux
Qui est plus ou moins ivre
Synonymes :
- éméché
- gai
- parti (familier)
- pompette (familier)
Gris, grise
adj. et n. m.
rI./r adj.
d1./d D'une couleur résultant d'un mélange de blanc et de noir. Cheveux gris.
|| Temps gris, brumeux, couvert. Il fait gris.
|| ANAT Substance grise, constituant notam. l'écorce cérébrale et la partie centrale de la moelle épinière.
d2./d Fig. Terne, triste, maussade.
— Loc. Faire grise mine. Voir tout en gris.
d3./d Fig. être gris: être à moitié ivre.
rII./r n. m. Couleur grise. Le gris clair est salissant. Gris fer. Gris perle. Gris souris.
————————
Gris
(José Victoriano González, dit Juan) (1887 - 1927) peintre espagnol cubiste.
I.
⇒GRIS1, GRISE, adj. et subst.
I. — Adj. D'une couleur intermédiaire entre le blanc et le noir.
Rem. Une nuance particulière de la couleur peut être précisée : a) [par un adj.] gris ardoisé, gris argenté, gris-blanc, gris-bleu, gris cendré, gris clair, gris foncé, gris laiteux, gris perlé; b) [par un subst. apposé] gris ardoise, gris argent, gris fer, gris moineau, gris perle, gris saumon, gris sauterelle, gris souris, gris taupe; c) [par un subst. compl.] gris d'argent, gris d'argile, gris de fer, gris de lin, gris de pierre, gris de plomb. Dans tous ces cas, l'adj. gris reste invariable.
A. — [Gris est inhérent à la qualité, la nature, la fonction du qualifié]
1. [En parlant d'un animé]
a) [En parlant d'une pers.]
) [de son aspect physique] Yeux gris.
— En partic. [En parlant des cheveux, de la barbe] Barbiche grise. Ces pauvres cheveux gris, ils se sont décolorés, jour par jour, avec moi, un peu par moi, hélas! (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1520).
♦ P. méton. Tête grise. Tête couverte de cheveux gris (souvent avec une idée de sagesse liée à la vieillesse). J'ose espérer qu'elle jugera l'essai comme ma tête grise l'a jugé; car, en avançant dans la vie, on prend de l'équité de cet avenir dont on approche (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 282). Sa grosse tête grise et crépue (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 1, 1870, p. 77).
Loc. verb., fam. Être, devenir gris. (Commencer à) avoir les cheveux gris. Être tout gris (Ac.). Devenir gris de bonne heure. Au fig. Se faire des cheveux gris. Se faire du souci. Synon. se faire des cheveux, se faire de la bile (cf. RIGAUD, Dict. arg. mod., 1881, p. 92).
) [de ses vêtements] Chapeau gris; chaussure, robe grise.
— P. méton. [En parlant d'une pers., d'un groupe de pers. vêtus de gris en tout ou partiellement] Frère, moine, pénitent gris; éminence, patrouille, sœur, souris grise.
b) [En parlant d'un animal]
) Chat gris. Une jument grise à queue sombre (FROMENTIN, Été Sahara, 1857, p. 233). Verdier avait tué de bonne heure un loup gris (POURRAT, Gaspard, 1930, p. 224).
— En partic. [En parlant de la robe d'un cheval] Gris pommelé. Tacheté de poils noirs et de poils blancs. Chevaux gris-pommelés (BALZAC, Splend. et mis., 1844, p. 264). Attelage normand gris pommelé (BARB. D'AUREV., Memor. pour l'A... B..., 1864, p. 436).
) [Gris caractérise une espèce] Crevette, fauvette, perdrix, souris grise. Deux cents peaux de renard gris ou rouge (Voy. La Pérouse, t. 3, 1797, p. 158) :
• 1. Toutes les bêtes à fourrure de la création semblent avoir été massacrées pour vêtir ces femmes : zibelines, blaireaux, écureuils gris...
MORAND, New-York, 1930, p. 122.
2. [En parlant d'un inanimé concr.] Roche, terre grise. Ce brouillard gris et froid (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1905, p. 103) :
• 2. ... une statue de la Vierge avec son enfant Jésus; le tout en marbre gris, excepté la tête et les mains, qui sont de marbre blanc.
DUSAULX, Voy. Barège, t. 2, 1796, p. 42.
— Spécialement
♦ ADMIN. Carte grise.
♦ ANAT. Matière, substance grise. Cellules grises, cellules de couleur grise distribuées dans certaines parties de l'encéphale (dict. XIXe et XXe s.).
♦ IMPR. Lettre grise; papier gris.
♦ ŒNOLOGIE. Vin gris. D'une couleur entre le blanc et le rosé. La servante apporta ce vin gris de Lorraine, où se rejoignent le goût de la framboise et celui du raisin frais (L. DAUDET, Vers le roi, 1920, p. 261). Ce raisin translucide qui donne le vin gris (VIALAR, Morts viv., 1947, p. 92).
♦ PARFUMERIE. Ambregris.
B. — [Gris n'est pas essentiel à la qualité, à la nature, à la fonction du qualifié et s'oppose à ce qui est clair, lumineux, coloré, parfois propre, etc.]
1. [En parlant d'une pers., de la couleur de la peau dans certaines circonstances : fatigue, maladie, conditions atmosphériques, vive émotion] Qui manque de fraîcheur, d'éclat; terne, usé. Elle était lasse, les traits tirés, le teint gris (ROLLAND, J.-Chr., Foire, 1908, p. 736). J'ai été un petit employé de banque avec des lèvres grises et d'étroites joues anémiques couleur de Gréco (GIONO, Poids du ciel, 1938, p. 174).
— Gris de. [Suivi d'un subst. indiquant la cause de cet aspect] Mes mains grises de froid (COLETTE, Vagab., 1910, p. 8). Des ouvriers tout gris d'années de travail (VIALAR, Morts viv., 1947, p. 287).
2. [En parlant d'un inanimé concr.]
a) Qui est d'une teinte sombre, obscure sous l'effet de l'éclairage ou de conditions atmosphériques :
• 3. En entr'ouvrant les yeux, elle vit contre la porte leurs ombres d'amoureux qui bougeaient à peine. « Mon ombre enlacée à cette ombre me plaît. Je veux voir nos corps gris se prendre et se casser aux plis des rideaux de ma chambre... »
L. DE VILMORIN, Fin Villevade, 1937, p. 214.
— En partic. [En parlant du temps, du climat] Les premiers brouillards, les premières journées grises ajoutaient à tout cela leur désolée tristesse (LOTI, Rom. enf., 1890, p. 206).
♦ Il fait un temps gris, p.ell. il fait gris. ,,Le temps est couvert et un peu frais`` (Ac.).
♦ P. métaph. Le ciel gris de nos mornes pensées (MORÉAS, Syrtes, 1884, p. 57).
b) Gris de. [Suivi d'un subst. indiquant ce qui donne cette couleur] Une collinette toute grise de thym et de lavande (A. DAUDET, Port-Tarascon, 1890, p. 18). La pente (...) hérissée à présent de vignes, rugueuse et grise d'échalas (RAMUZ, A. Pache, 1911, p. 21). Le ciel est tout gris d'étoiles (GIONO, Gd troupeau, 1931, p. 728).
c) Qui est (comme) sali, souillé. Un lit de fer aux draps gris (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p. 539). La cuvette pleine d'une eau grise (BERNANOS, M.Ouine, 1943, p. 1473). Une sage et forte rivière grise, trouble (ARNOUX, Visite Mathus., 1961, p. 28).
— En partic. Gris de. Couvert d'une couche de. Une page d'un vieux livre entr'ouvert (...) est grise de la poussière tombée depuis des mois (GONCOURT, Journal, 1875, p. 1037). Il attelait son cheval à une victoria grise d'usure et de boue sèche (CHARDONNE, Bonh. Barbezieux, 1938, p. 63).
— P. métaph. [Gris est souvent symbolique de ce qui est trouble, impur] Le regard en arrière sur l'eau grise de sa vie l'entretenait dans le mépris de soi. Quelle stagnation! (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p. 201).
3. Au fig. [En parlant d'un inanimé abstr.]
a) Sans éclat et p. ext. sans intérêt, déplaisant comme quelque chose de sombre. Synon. monotone, terne, triste; anton. coloré, éclatant, lumineux, passionnant. Ses pensées étaient grises et indistinctes ainsi que les aspects des rues et des places que la pluie effaçait (A. FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 93). Que vous n'aimiez pas, c'est un malheur, un malheur calme et gris, oui, Annie, un malheur ordinaire (COLETTE, Cl. s'en va, 1903, p. 260). M. Steeg prit la parole, et d'une voix grise, sans allumer ses phares, avec des détours (...) il s'achemina en petite vitesse vers le centre du problème (BARRÈS, Pitié églises, 1914, p. 241) :
• 4. ... une vie grise avait recommencé. Pendant douze ans, elle ne se souvenait pas d'une secousse. Elle était très calme et très heureuse, sans une fièvre de la chair ni du cœur, enfoncée dans les soucis quotidiens d'un ménage pauvre.
ZOLA, Page amour, 1878, p. 848.
— B.-A. et LITT. [En parlant d'une œuvre, d'un style, d'un aut.] Il y a [dans ce tableau] bien du bon, mais il est gris et faible (GONCOURT, Art XVIIIe s., t. 2, 1882, p. 80). Son orchestration [chez Schumann] est un peu grise, manque de force et d'éclat, de lumière (LAVIGNAC, Mus. et musiciens, 1895, p. 490). La prose ondulante et grise de l'élève de Lamennais [de Guérin] (A. DAUDET, Crit. dram., 1897, p. 311). Par parti pris, je travaille pour les pensionnaires, je me fais plat et gris. Ensuite avec Nana, je rentrerai dans le féroce (ZOLA, Corresp., 1902, p. 477).
♦ En partic., non péj. Synon. flou, vague :
• 5. Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.
VERLAINE, Œuvres compl., t. 1, Jadis, 1884, p. 206.
b) Loc. verb., fam.
— Faire grise mine (à qqn). Lui faire mauvais visage, lui réserver un accueil froid. Synon. battre froid. Je ne peux pas supporter qu'on me fasse grise mine. Je n'aime pas les visages renfrognés (ARLAND, Ordre, 1929, p. 37) :
• 6. — ... Vous aurez beau me faire grise mine, je saurai bien venir à bout de ces manières-là et vous forcer à devenir gracieuse avec nous...
MAUPASS., Mt-Oriol, 1887, p. 206.
— En voir de grises (vx). Éprouver de grandes contrariétés, de grandes difficultés. Synon. fam. en voir des vertes et des pas mûres. Son poignet en avait vu de grises depuis quinze ans; il était devenu en fer, tant il s'était frotté aux outils (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 530). Au cours de sa longue carrière, l'adjudant en avait vu de grises (COURTELINE, Train 8 h 47, 1888, 1re part., 3, p. 31). En faire voir de grises (à qqn). Jouer des tours, mener la vie dure à. Mon aïeul était spirite (...) il se rendait au moins une fois la semaine chez un médium (...) qui devait lui en faire voir de grises (MONTESQUIOU, Mém., t. 1, 1921, p. 172).
II. — Substantif
A. — Subst. masc.
1. La couleur grise, couleur composée de blanc et de noir ou de toute autre couleur foncée :
• 7. ... un gris pur, c'est-à-dire formé seulement de blanc et de noir, car toutes les couleurs peuvent par adjonction de gris devenir grises et l'on a ainsi le gris rouge, le gris vert, etc.
OVIO, Vision coul., 1932, p. 134.
Rem. Suivi d'un adj. de couleur ou d'un subst. apposé au compl., la couleur grise avec une nuance particulière, v. I adj. rem. gris ardoisé, gris ardoise, gris d'argent, etc.
2. P. méton. Vêtements de couleur grise. Être habillé de gris, porter du gris, jeune fille en gris.
3. Emplois spéc.
a) COMM., pop. et fam. Tabac ordinaire enveloppé de papier gris. Fumer du gris.
b) FROMAGERIE. Gris de Lille. Le Gris de Lille dit aussi Puant, ou Vieux Lille ou Maroilles Gris est un Maroilles salé deux fois et dont l'affinage plus long, dure six mois (L. BÉRARD, Guide des fromages et de leurs à-côtés, Paris, éd. de la Courtille, 1978, p. 98).
c) MÉTALL. Gris de zinc. Les vapeurs de zinc (...) se condensent sous forme d'une poussière grise, connue sous le nom de gris de zinc (WURTZ, Dict. chim., t. 3, 1878, p. 775) :
• 8. La fabrication du zinc, par réduction de son oxyde, donne [comme sous-produit une matière contenant] (...) quelques grenailles et des impuretés (...); on la tamise et le produit obtenu (...) a reçu le nom de gris de zinc par opposition au blanc de zinc.
GASNIER, Dépôts métall., 1927, p. 109.
d) ŒNOLOGIE. Vin gris (A 2). Gris de Toul. Mme Caré et Michou (...) n'en finissent pas de servir du gris et du rouget (H. BAZIN, Huile sur feu, 1954, p. 216).
e) ZOOLOGIE
♦ Synon. de grisard. Mouettes, gris et goëlands Mêlent leurs cris et leurs élans. Mouettes, goëlands et gris Mêlent leurs élans et leurs cris (RICHEPIN, Mer, 1886, p. 104).
♦ Gris(-)pommelé. Cheval tacheté de poils blancs et de poils noirs. Vous les connaissez, Monsieur Debray, mes gris pommelé! Eh bien! Au moment où Madame de Villefort m'emprunte ma voiture, où je la lui promets pour aller demain au bois, voilà les deux chevaux qui ne se retrouvent plus! (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 692).
♦ Gris ou petit gris. Variété d'écureuil; p. méton. fourrure de cet animal. Nul clerc, s'il n'est prélat ou pourvu d'une dignité, ne pourra porter vair, gris ou hermine (FARAL, Vie temps st Louis, 1942, p. 182). En partic. Ventre-de-gris. Fourrure du ventre de cet animal. Sa pelisse en ventre-de-gris (COLETTE, Sido, 1929, p. 13).
4. Au fig. Ce qui est morne, terne. Le péché qui est la tiédeur, le gris, le manque de fièvre, le péché, c'est-à-dire tout ce qui contrarie l'amour (BARRÈS, Homme libre, 1889, p. 157). Pour eux, mourir, c'était passer du gris au noir (A. FRANCE, Poés., Idylles et lég., 1896, p. 108).
B. — Subst. fém.
1. [La couleur grise est inhérente à la qualité, à la nature, à la fonction du qualifié]
a) BOT. Maladie des végétaux. La grise dont le nom vient de la couleur gris pâle ou jaunâtre qu'elle donne aux parties qui en sont atteintes, est toujours le résultat d'une maladie, le plus généralement due à la présence de nombreux insectes qui vivent sur l'épiderme des parties herbacées des végétaux (CARRIÈRE, Encyclop. hortic., 1862, p. 263).
b) CHASSE. Perdrix grise. Il reste en Sologne de belles chasses de perdreaux où grises et rouges alternent dans les terres comme dans les taillis (Chasseur fr., déc. 1948-janv. 1949, p. 244 ds M. LENOBLE-PINSON, Le Lang. de la chasse, Bruxelles, 1977, p. 228).
c) ENTOMOL. La grise des jardiniers Acarus tisserand, grise des jardiniers (...) — Cette très petite espèce d'araignée est de couleur jaunâtre (DU BREUIL, Cult. arbres, 1876, pp. 450-451).
2. [La couleur grise n'est pas inhérente à la qualité, à la nature, à la fonction du qualifié] Pop. La grise. Le cafard, le spleen, la tristesse. Avoir la grise. Quand il était dans ses grises, on le voyait bien (ESN. Poilu 1919, p. 287).
Prononc. et Orth. : [], fém. []. Ds Ac. dep. 1694. Papier gris-vert car vert est adj. de couleur; papier gris bleuté, gris clair, gris fumée, les seconds termes relevant d'autres catégories. Cette règle traditionnelle se vérifie une fois sur deux dans le 1er cas : quatre œufs gris-rose (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 96), [uniforme] gris bleu (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 227); plus souvent dans le second. En emploi subst., le gris-vert ou le gris vert. Le composé est inv. Chevaux gris-pommelés (BALZAC supra) est doublement irrégulier (trait d'union, accord). Étymol. et Hist. A. 1. a) Ca 1150 adj. « gris (en parlant de la barbe) » (Thèbes, éd. G. Raynaud de Lage, 3828); ca 1165 « gris (en parlant d'un vêtement) » (Troie, éd. L. Constans, 20628); b) av. 1440 subst. masc. vestu de gris (CH. D' ORLÉANS, Poésies, éd. P. Champion, Chanson 81); c) spéc. 1660 gris de souris (OUDIN Esp.-Fr.); 1850 gris-souris (Journ. des demoiselles, janv., 26b ds QUEM. DDL t. 16); 1690 gris de fer (FUR.); 2. fig. a) 1556 letres grises impr. (Cess. des grecs du roi par Adrien Turnèbe à Guillaume Morel ds GDF. Compl.); b) 1609 papier gris (CRESPIN, s.v. papier); c) 1824 substance grise anat. (A.-J.-L. JOURDAN, Trad. ds QUEM. DDL t. 8); 3. expr. a) 1460-66 faire grise mine à qqn (M. D'AUVERGNE, Arrêts d'amour ds LA CURNE); b) 1640 de nuit tous chats sont gris (OUDIN, Curiositez, s.v. chat); 1690 la nuit tous chats sont gris (FUR.) B. P. anal. de couleur a) 1140 subst. masc. « fourrure de petit gris » (G. GAIMAR, Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 5554); b) 1270 « gros drap gris » (PH. DE BEAUMANOIR, Manekine, éd. H. Suchier, 5332); c) 1549 decembre qui est gris (EST.); d) 1690 vin gris (FUR.). De l'a. b. frq. grîs « gris » que l'on peut restituer d'apr. l'ags. « id. », le m. h. all. « id. », le néerl. grijs « id. », l'all. greis « très âgé, sénile ». 3a est empr. de l'a. prov. faire cara grisa (ms. du début du XIVe s., Coblas esparsas ds Arch. St. n. Spr., 50, 266).Ce mot est à l'orig. de nombreux dér. désignant des êtres humains (v. grison1 sens 2), des animaux (v. grison1 sens 1; grisard sens 2 a et b; griset sens 2; grisette sens 2), des étoffes (v. grisette sens 1), des pierres (v. grisard sens 2 c) et des plantes (v. grisard sens 2 d) dont le trait caractéristique est la couleur grise. Bbg. GRUNDT (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Tromsø, 1972, p. 253. - QUEM. DDL t. 16 (comp.). - SAIN. Arg. 1972 [1907], p. 74, Sources t. 3 1972 [1925], p. 294.
II.
⇒GRIS2, GRISE, adj.
Fam. [En parlant d'une pers.]
A. — Qui est plus ou moins ivre. Synon. éméché, pompette (pop.). On trinqua à la gloire des Rougon. Granoux, très rouge, commençait à balbutier, et Vuillet, très pâle, était complètement gris; mais Sicardot versait toujours (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p. 305) :
• 1. Alors mon oncle proposa ce qu'il appelait la « tournée de l'archevêque » (...). À onze heures, il était gris comme un chantre. Il le fallut emporter en voiture, et mettre au lit; et déjà on pouvait prévoir que sa manifestation anticléricale allait tourner en une épouvantable indigestion. Comme je rentrais à mon logis, gris moi-même, mais d'une ivresse gaie, une idée machiavélique (...) me traversa la tête.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Oncle Sosthène, 1882, p. 24.
B. — P. anal. et au fig. Gris de.
1. Excité physiquement jusqu'à l'étourdissement par. Ils mangeaient trop, ils étaient gris d'eau et de fruit (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p. 375) :
• 2. Un souvenir lui revint, les nuits où elle rentrait de la Guerdache, grise des caresses de son amant (...) et où elle cuvait son ivresse sur l'oreiller conjugal, tandis que lui, l'innocent, l'imbécile (...) se torturait le cerveau pour l'Abîme...
ZOLA, Travail, t. 2, 1901, p. 89.
2. Excité cérébralement, exalté par. Comme c'était loin, le temps où elle parcourait ce même pays, jeune fille, et grise de rêves (MAUPASS., Vie, 1883, p. 23).
Prononc. et Orth. V. gris1. Étymol. et Hist. 1690 « à demi ivre » (FUR.). Ce sens vient probablement de ce que, dans l'état d'ivresse même légère, les choses apparaissent moins claires, comme sur une grisaille.
STAT. — Gris1 et 2. Fréq. abs. littér. : 6 376. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 4 425, b) 12 685; XXe s. : a) 11 556, b) 9 589.
gris, grise [gʀi, gʀiz] adj. et n.
❖
———
I Adj. (Après le n. en épithète, sauf dans grise mine).
1 D'une couleur intermédiaire entre le blanc et le noir. || Les tons gris (→ Exquis, cit. 11) d'un ciel d'automne, d'une mer orageuse, d'une muraille (→ Épanouir, cit. 2; exposer, cit. 2). || Le plumage gris de certains oiseaux. ⇒ Griset, grisette. || La teinte grise de métaux (plomb, fer…), d'alliages, de roches (gneiss, grès, granit…). || De gros nuages gris qui annoncent un orage (→ Amoncellement, cit. 2; bourre, cit. 2). — (1549). Spécialt. || La lumière, la lueur grise d'un jour sans soleil (→ 1. Cale, cit. 2; foncer, cit. 1). || Ciel gris (→ Brûler, cit. 40). || Jour triste et gris, temps gris (→ Estomper, cit. 3). — Ellipt. || Il fait gris : le temps est couvert.
1 Ce tableau est si harmonieux, malgré la splendeur des tons, qu'il en est gris — gris comme la nature — gris comme l'atmosphère de l'été, quand le soleil étend comme un crépuscule de poussière tremblante sur chaque objet.
Baudelaire, Curiosités esthétiques, Salon de 1845, II.
2 (…) on avançait dans la lueur d'en bas, malade comme celle de la forêt et si grise que la rue en était pleine comme un gros mélange de coton sale.
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 177.
2.1 Ciel gris sans nuage pas un bruit rien qui bouge terre sable gris cendre.
S. Beckett, Têtes-mortes, p. 70.
2.2 C'est un grand vieillard gris. Quand je dis qu'il est gris, ce n'est pas une image mais une description réelle. Il est grand, maigre, décharné, osseux… Il a la peau grise, les cheveux et la moustache gris, une chemise grise, un costar gris, une cravate grise, des souliers gris et, pour se gratter, il se met sûrement de longs gants (calembour sur onguent) gris.
San-Antonio, le Secret de Polichinelle, p. 42.
➪ tableau Désignations de couleurs.
♦ Yeux gris (→ Bec, cit. 3; étudier, cit. 27).
3 Ton œil mystérieux (est-il bleu, gris ou vert ?)
(…) Réfléchit l'indolence et la pâleur du ciel.
Baudelaire, les Fleurs du mal, Spleen et Idéal, L.
4 Dites un mot plaisant, et leur œil devient gris
Et terne comme l'œil d'un poisson qu'on fait frire (…)
Baudelaire, Amœnitates Belgicæ, VI.
♦ Visage gris. || Fatigue, peur qui rend le visage gris. || Peau grise et terne.
5 À quatre-vingt-dix ans, ses vieilles mains grises, déformées, noueuses (…)
M. Jouhandeau, Tite-le-Long, XXIII.
♦ (Mil. XIIe). || Costume gris. || Robe de toile grise (→ Aspiration, cit. 7). || Bas gris (→ Camisole, cit. 2). || Chapeau gris (→ Aviser, cit. 3). || Chemises, gants gris. — Par métonymie. || Sœurs grises, vêtues d'une robe grise. ☑ Éminence grise, surnom du père Joseph, conseiller de Richelieu, portant comme tous les capucins la robe grise.
6 Il renifle déjà le seau, la cuvette étroite, la serviette grise en nid d'abeilles avec un trou et des taches de rouille.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, XV, p. 156.
♦ (Animaux). || La robe grise d'un cheval, un cheval gris (→ ci-dessous, Le gris). || Une souris grise. || Un chat tout gris, gris et noir. || Vache grise, jument grise, parfois appelée la Grise (→ ci-dessous, II., 8.). || Animaux gris, de couleur grise, à pelage, à plumage gris. ⇒ Griset, grisette.
♦ Gris de… : rendu gris par… || Gris de poussière : couvert d'une couche de poussière grise. || Voiture grise de poussière.
7 Les camions étaient gris de la poussière des routes, gris aussi les hommes assis quatre par quatre, les casquettes grises posées de travers et leurs mains allongées sur les pantalons de coutil, bien sagement.
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, I, II.
8 Les branches des ficus et des palmiers pendaient, immobiles, grises de poussière, autour d'une statue de la République, poudreuse et sale.
Camus, la Peste, p. 100.
♦ Typogr. || Page grise, par suite d'un mauvais encrage.
2 (Servant à désigner certains êtres ou objets, certaines espèces, dans des syntagmes nominaux). || Ambre gris. || Papier gris. || Lettre grise. || Carte grise. || Onguent gris. || Rainette grise. || Vin gris. → Pelure d'oignon, et, ci-dessous, cit. 16 et II., 6., Du gris. || Crevette grise. || Perdrix grise. — Anat. || Substance grise du cerveau. || Noyaux gris centraux, noyaux gris de la base : partie du cerveau constitué par les corps striés et les couches optiques (thalamus dorsal). ☑ Matière (cit. 9, 9.1 et supra) grise. || Les petites cellules grises du cerveau. — Techn. || Papier gris, fait de chiffons non blanchis. — Tabac gris. → ci-dessous, II., 3. et cit. 28.
3 (V. 1530). (Cheveux, poils). Devenu gris, mêlé de sombre et de blanc (par l'effet de l'âge). ⇒ Argenté. || Cheveux (→ Éteindre, cit. 52; fidèlement, cit. 2), sourcils (→ Aviver, cit. 2), poil gris. || Barbe (cit. 11 et 23) grise. || Poils gris et blancs, mêlés aux poils encore noirs. ⇒ Poivre (et sel). — Par métonymie. || Avoir déjà la tête grise.
9 Il me sied bien, ma foi, de porter tête grise,
Et d'être encor si prompt à faire une sottise (…)
Molière, l'Étourdi, II, 4.
9.1 — Dieu, que vous êtes blanc ! Vos derniers cheveux noirs ont disparu.
— Hélas ! je le sais, ça va vite.
Elle eut peur de l'avoir attristé.
— Oh ! vous étiez gris très jeune, d'ailleurs. Je vous ai toujours connu poivre et sel.
— Oui, c'est vrai.
Maupassant, Fort comme la mort, p. 132.
10 Je ne m'apercevais pas combien j'avais changé. Mais, au fait, eux (…) à quoi s'en apercevaient-ils ? Je n'avais pas un cheveu gris, ma moustache était noire.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. XV, p. 88.
4 (Fin XVIIe). a Péj. Littér. Sans éclat. ⇒ Terne. || Une vie grise, sans intérêt. ⇒ Morne. || Style gris, sans couleur (⇒ Grisaille). || Gris et étriqué (cit. 7).
11 (…) vie terne et grise où les sentiments trop forts étaient des malheurs, où l'absence de toute émotion était une félicité.
Balzac, le Curé de Tours, Pl., t. III, p. 814.
12 Or Robineau ce soir était las. Il venait de découvrir, en face de Pellerin vainqueur, que sa propre vie était grise.
Saint-Exupéry, Vol de nuit, V.
13 Il faut, pour qu'une seule idée heureuse vienne à maturité, beaucoup de grise besogne et beaucoup de rêveries.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VIII, II.
13.1 Le chant des cloches aussi s'imaginerait plutôt noir; or, ouaté, fondu dans l'espace, il arrive en une rumeur également grise qui traîne, ricoche, ondule sur l'eau des canaux (…) Il y a là, par un miracle du climat, une pénétration réciproque, on ne sait quelle chimie de l'atmosphère qui neutralise les couleurs trop vives, les ramène à une unité de songe, à un amalgame de somnolence plutôt grise.
Georges Rodenbach, Bruges-la-Morte, p. 80.
13.2 On n'échappe pas à sa vérité de petit-bourgeois de Genève. Pas plus dans les suées du tâcheron commis aux corvées les plus grises, les plus taciturnes du travail révolutionnaire que dans le gazouillis le plus bénin des cafés parisiens.
Régis Debray, l'Indésirable, p. 140.
b Indécis (par opposition à la couleur, à la netteté des Romantiques ou des Parnassiens).
14 Il faut aussi que tu n'ailles point
Choisir tes mots sans quelque méprise :
Rien de plus cher que la chanson grise
Où l'Indécis au Précis se joint.
Verlaine, Jadis et Naguère, « Art poétique ».
c ☑ (XVe). Loc. Grise mine. || Faire grise mine à qqn, lui faire mauvais visage, médiocre accueil. ⇒ Maussade.
15 Allons, plus de ta grise mine !
Verlaine, Chansons pour elle, IX.
B (1690, Furetière). Vieilli ou régional. Qui est près d'être ivre. ⇒ Vin (entre deux vins, pris de vin). || Se sentir un peu gris à la fin d'un repas arrosé de vins généreux. ⇒ Gai, soûl. || Gris comme un Polonais (cit. 1).
16 On appelle du vin gris, un vin délicat, tel que celui de Champagne, qui est entre le blanc et le clairet : et on dit qu'un homme est gris, lorsqu'il a beaucoup bu de vin, et qu'il commence d'être ivre.
Furetière, Dict., art. Gris.
17 Violette tomba, la tête sur la table, non pas gris, mais ivre-mort (…)
Balzac, Une ténébreuse affaire, Pl., t. VII, p. 475.
18 Depuis le matin, à Cloyes, il était gris déjà, le pantalon boueux, la blouse ignoble de taches, une casquette en loques renversée sur la nuque; et il fumait un cigare d'un sou, humide et noir, qui empestait.
Zola, la Terre, I, II.
C (D'après corps noir). Phys. Qui absorbe une partie importante (mais non la totalité) des neutrons incidents. || Corps, milieu gris.
———
II N. m. (XVe).
1 Couleur grise. || Peindre un mur, des volets en gris. || Tirer sur le gris.
19 Gris et couleurs terreuses. L'ennui de toute peinture est le gris.
E. Delacroix, Journal, 13 janv. 1857.
20 Les Français ne sont pas naturellement coloristes. Le gris en toutes choses est leur nuance favorite; habitués aux tons froids de la pierre, ils redoutent dans l'architecture les teintes variées des marbres dont les Italiens font un si heureux usage; la couleur, pour tout dire, leur semble de mauvais goût, comme si dans la nature elle n'était pas toujours unie à la forme, et ils préfèrent, au risque de beaucoup d'ennui, une teinte abstraite et neutre, qui laisse prédominer la ligne.
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre…, La vente Jollivet.
20.1 Mélancolie de ce gris des rues de Bruges où tous les jours ont l'air de la Toussaint ! Ce gris comme fait avec le blanc des coiffes de religieuses et le noir des soutanes de prêtres, d'un passage incessant ici et contagieux. Mystère de ce gris, d'un demi-deuil éternel !
Car partout les façades, au long des rues, se nuancent à l'infini : les unes sont d'un badigeon vert pâle ou de briques fanées rejointoyées de blanc; mais, tout à côté, d'autres sont noires, fusains sévères, eaux-fortes brûlées dont les encres y remédient, compensent les tons voisins un peu clair; et, de l'ensemble, c'est quand même du gris qui émane, flotte, se propage au fil des murs alignés comme des quais.
Georges Rodenbach, Bruges-la-Morte, p. 79-80.
♦ Tons, nuances de gris. || Un gris argenté (gris argent), clair, foncé, pâle, lumineux, laiteux, sombre, cendré, plombé, brouillé (→ Barbouillage, cit. 3). || Gris perle ou (vx) gris de perle (→ Ardoisé, cit. 3). || Gris ardoise. ⇒ Ardoise. || Gris souris. || Gris de lin. || Gris fer. || Gris anthracite. ⇒ Anthracite. || Gris tirant sur une autre couleur. || Un gris jaune, brun (⇒ Bis), bleu, vert, roux (⇒ Noisette), noir (→ Estomper, cit. 5).
21 Un immense dais de brume d'un gris de perle très doux et très fin, tenant de la neige en suspens, posait sur la ville et semblait s'appuyer sur les clochers (…)
Th. Gautier, Voyage en Russie, IX, p. 120.
22 (…) de tout petits nuages d'un blanc doré avec un peu de gris de nacre dans leurs ombres.
Loti, Ramuntcho, XXIII.
22.1 — C'est gris, ce que vous faites.
— Oh ! monsieur, gris-de-perle.
J. Renard, Journal, 12 janv. 1898.
23 Vers l'Ouest, ciel et lac sont d'une même couleur de perle, un gris d'une délicatesse attendrie, nacre exquise où tous les tons mêlés dorment encore mais où déjà frémit la promesse de la riche diaprure du jour.
Gide, Voyage au Congo, in Souvenirs, Pl., p. 32.
23.1 Gris cendre à la ronde terre ciel confondus lointains sans fin.
S. Beckett, Têtes-mortes, p. 70.
♦ (Formant un adj. composé). — (1660, gris de souris). || Robe gris souris. — Tapis gris-perle (→ Cribler, cit. 9). || Lumière gris de perle de la lune (→ Forêt, cit. 2). || Étoffe gris-de-lin (Académie). — (1690, gris de fer). || Jupe gris-fer (→ Fer, cit. 3). || Enveloppes gris-vert (→ Feuille, cit. 9).
24 (…) il en sortit (de cet œuf) un petit carrosse d'acier poli, garni d'or de rapport : il était attelé de six souris vertes, conduites par un raton couleur de rose, et le postillon, qui était aussi de la famille ratonienne, était gris-de-lin.
Mme d'Aulnoy, Deux contes de fées, « L'oiseau bleu ».
25 (…) on ne voit qu'une mer unie gris-perle, ses reflets de vert indécis et d'ambre pâle.
J. Chardonne, les Destinées sentimentales, III, II.
25.1 Au bout du couloir orné de faux marbres et de miroirs, il y avait trois portes d'ascenseur. Beaucoup de gens attendaient devant les portes, des hommes vêtus de complets gris-souris et des femmes habillées avec des robes à fleurs identiques.
J.-M. G. Le Clézio, les Géants, p. 78.
♦ Spécialt (en parlant de la robe du cheval). Couleur caractérisée par un mélange de poils blancs, noirs et autres. || Différents gris : clair, très clair, ordinaire, foncé; gris fer, gris bleu, gris ardoise, gris sale, gris isabelle, gris rouanné, et, en vieillissant, gris blanc mat, porcelaine, sale, rosé, argenté. || Gris pommelé. — Adj. || Chevaux gris rouanné.
26 La calèche attelée de quatre chevaux gris-pommelé avec ses postillons en casaque de satin, son bruit de fouets et ses éclairs de vernis, lui passa devant les yeux comme un tourbillon.
Th. Gautier, Fortunio, IV, p. 43.
♦ N. m. || Un gris : un cheval dont le poil est gris.
2 (XVe). || Le gris, du gris : vêtements gris. || S'habiller de gris. || Il ne porte que du gris. || Tout de gris vêtu. || Le gris est peu salissant.
27 Dans la pénombre du palier, Tarrou avait l'air d'un grand ours vêtu de gris.
Camus, la Peste, p. 140.
3 Tabac ordinaire de la Régie (tabac scaferlati caporal, enveloppé de papier gris). || Un paquet de gris.
28 — Du gris ?
Le ministre lui tendait un paquet de tabac gris entamé, rallumait lui-même une pipe qu'il avait laissé éteindre.
G. Simenon, Maigret chez le ministre, p. 13.
4 ☑ Loc. Gris de Lille : fromage de Maroilles gris.
5 Gris de zinc : vapeurs de zinc condensées.
7 Zool. ⇒ Petit-gris.
9 Argot anc. Monnaie grise. ⇒ Grisbi.
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DÉR. Grisaille, grisard, grisâtre, grise, griser, griset, grisette, 1. grison.
COMP. Grisbi. — Petit-gris. — Cf. aussi (par attraction) Vert-de-gris.
Encyclopédie Universelle. 2012.