étudier [ etydje ] v. <conjug. : 7>
• estudier 1155; lat. studere → étude
I ♦ V. tr.
1 ♦ Chercher à acquérir la connaissance de. Étudier l'histoire, l'anglais. Étudier le piano, apprendre à en jouer. — (1694) Apprendre par cœur. Élève qui étudie sa leçon. Étudier un rôle, une partition.
2 ♦ Chercher à comprendre par un examen. ⇒ analyser, examiner, observer. Étudier la nature, la germination, une réaction chimique. Étudier un texte, un auteur. Moraliste qui étudie le cœur humain. — Étudier qqn, observer attentivement son comportement. Il l'étudiait du coin de l'œil. Joueur qui étudie son partenaire.
3 ♦ (1835) Examiner afin de décider, d'agir. Étudier un projet, un plan, les propositions de qqn. Il faut étudier la question. Suggestion qui mérite d'être étudiée attentivement. ⇒ considérer. Étudier un dossier, une affaire.
♢ Par ext. ⇒ rechercher. Étudier les moyens d'en sortir.
4 ♦ Traiter (un sujet). Professeur qui étudie un point particulier. La sociologie étudie l'homme en société.
II ♦ V. intr.
1 ♦ Faire ses études. Il étudie à l'université.
2 ♦ Se livrer à l'étude. Aimer étudier.
III ♦ S'ÉTUDIERv. pron.
1 ♦ (XVIe) Réfl. Se prendre pour objet de son étude. Socrate recommandait à l'homme de s'étudier afin de se connaître.
♢ Par ext. S'observer avec trop de complaisance. ⇒ s'écouter.
2 ♦ (Récipr.) S'observer l'un l'autre. ⇒ se jauger. Les adversaires s'étudient.
3 ♦ Se composer une attitude lorsqu'on se sent observé, jugé. ⇒ s'observer, se surveiller. — Vx S'étudier à : s'appliquer à.
● étudier verbe transitif (ancien français estudier, du latin studere) Appliquer son esprit, son activité, à connaître un domaine, une discipline, se livrer à leur étude : Étudier la musique, la psychologie. Apprendre à jouer d'un instrument de musique : Étudier le piano. En parlant d'un professeur, d'un chercheur, traiter une question, un sujet : Étudier la révolution de 1789. Analyser quelque chose d'une manière approfondie, observer quelqu'un attentivement : J'étudierai votre suggestion. J'ai bien étudié notre nouveau collègue. Calculer quelque chose avec beaucoup de précision pour qu'il convienne au mieux : Étudier un modèle de voiture. Faire une étude approfondie sur un auteur : Étudier Kant. Apprendre par cœur un rôle, préparer minutieusement une leçon. ● étudier (citations) verbe transitif (ancien français estudier, du latin studere) Antonin Artaud Marseille 1896-Ivry-sur-Seine 1948 Je n'ai jamais rien étudié, mais tout vécu et cela m'a appris quelque chose. In revue 84 n° 16 Anatole François Thibault, dit Anatole France Paris 1844-La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924 Académie française, 1896 […] Comme je n'étudiais rien, j'apprenais beaucoup. La Vie littéraire Calmann-Lévy François Rabelais La Devinière, près de Chinon, vers 1494-Paris 1553 Je n'étudie point, pour ma part. En notre abbaye, nous n'étudions jamais, de peur des oreillons. Gargantua, 39 François Villon Paris 1431-après 1463 Hé Dieu ! si j'eusse étudié Au temps de ma jeunesse folle […] À peu que le cœur ne me fend. Testament, XXVI ● étudier (expressions) verbe transitif (ancien français estudier, du latin studere) Étudier le terrain, observer la situation, les conditions avant d'agir. ● étudier (synonymes) verbe transitif (ancien français estudier, du latin studere) Appliquer son esprit, son activité, à connaître un domaine, une...
Synonymes :
Analyser quelque chose d'une manière approfondie, observer quelqu'un attentivement
Synonymes :
- analyser
- éplucher
- examiner
Apprendre par cœur un rôle, préparer minutieusement une leçon.
Synonymes :
- bûcher (familier)
- chiader (populaire)
- piocher (familier)
- potasser (familier)
● étudier
verbe intransitif
Faire ses études quelque part : Il étudie à l'université.
Se livrer à l'étude, lire, travailler, écrire : Il y a un temps pour étudier.
● étudier (synonymes)
verbe intransitif
Se livrer à l'étude, lire, travailler, écrire
Synonymes :
étudier
v.
rI./r v. tr.
— Faire des études.
d2./d Faire par l'observation, l'analyse, l'étude de. étudier un phénomène.
|| Soumettre à examen. étudier un projet.
— Préparer, méditer. Il a bien étudié son affaire.
d3./d S'appliquer à acquérir (telle connaissance). étudier le droit.
rII./r v. Pron.
d1./d (Réfl.) S'observer, s'examiner soi-même. Connaître les autres, c'est d'abord s'étudier.
— Péjor. Il s'étudie: il porte une attention trop complaisante à sa personne.
d2./d (Récipr.) S'observer mutuellement. Les jouteurs s'étudiaient avant de combattre.
⇒ÉTUDIER, verbe trans.
I.— Emploi abs.
A.— [Le suj. désigne une pers. qui s'intéresse à l'étude; le subst. corresp. est étude au sing.] Appliquer son esprit à l'acquisition — le plus souvent par la lecture — de connaissances dans différents domaines. Les gens qui passent le feu de la jeunesse à étudier au lieu de sentir ne peuvent donc pas être artistes (STENDHAL, Amour, 1822, p. 288). Le soir, près de sa mère, qu'il aime, il [un jeune ouvrier] étudie. Il lit des livres (FRANCE, Lys rouge, 1894, p. 58). Que de gens lisent et étudient non pour connaître la vérité, mais pour augmenter leur petit « moi! » (GREEN, Journal, 1941, p. 100).
B.— [Le suj. désigne une pers. qui suit un enseignement; le subst. corresp. est études, au plur.] Suivre un enseignement en vue d'acquérir des connaissances dans un domaine précis. Synon. usuel faire des études. Mon père sans ressources, et ma mère malade, décidèrent que j'étudierais, quoi qu'il arrivât (MICHELET, Peuple, 1846, p. 29). Les garçons qui étudient dans les écoles, ils préparent une carrière (BERNANOS, M. Ouine, 1943, p. 1485).
II.— Emploi trans. Appliquer son esprit à quelque chose.
A.— [L'idée dominante est celle d'apprendre]
1. [L'intelligence joue le rôle principal]
a) [L'obj. désigne une discipline d'enseignement] Par un effort intellectuel, acquérir des connaissances dans un domaine précis. Étudier l'anatomie, la chimie, le droit, l'histoire, la médecine. Synon. fam. travailler. Je voudrais que les jeunes filles étudiassent le latin comme les petits garçons (STENDHAL, Amour, 1822, p. 217). Je me suis mis à étudier les mathématiques, non pas pour être un mathématicien, mais pour ouvrir mon esprit à cette sorte de conception (J.-J. AMPÈRE, Corresp., 1825, p. 351) :
• 1. Je connais les plantes, je les cueille, je les rapporte, je les fais bouillir, j'en fais une bonne infusion, je la donne à mes malades s'ils en ont besoin. Est-ce que ça rend l'infusion meilleure de mettre barbaro sur la bouteille?
— Je croyais, dit timidement M. Delteil, qu'il n'y avait pas moyen d'étudier la botanique sans connaître un peu le latin.
CHAMPFL., Souffr. profess. Delteil, 1853, p. 88.
— [P. méton. de l'obj.] J'ai commencé à étudier mon examen avec trop de détails, de sorte que maintenant j'en suis encombré (FLAUB., Corresp., 1843, p. 143).
b) [L'obj. désigne un instrument de musique] Apprendre à jouer de. Elle s'obligeait à sauter du lit à sept heures et à étudier son piano dans le salon glacé (CHARDONNE, Épithal., 1921, p. 9).
— Emploi abs. Ce pianiste étudie plusieurs heures par jour (Ac. 1878-1932).
— [P. méton. de l'obj.] [Je] n'ai plaisir à étudier que la « Barcarolle » et le « Roi des Aulnes » (GIDE, Journal, 1927, p. 860).
2. [La mémoire joue le rôle principal] Essayer de fixer dans sa mémoire, d'apprendre par cœur. Étudier ses leçons; étudier les conjugaisons, les verbes irréguliers. Synon. fam. bosser, bûcher, piocher, potasser. Les écoliers qui étudient à haute voix ce qu'ils veulent apprendre, afin que la leçon entre par deux portes dans leur mémoire (JOUBERT, Pensées, t. 1, 1824, p. 155).
3. [La pratique joue le rôle principal] Apprendre un art, s'exercer à une technique. Il prit des leçons de diction, étudia l'art du maquillage et s'affilia à des troupes d'amateurs (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 36).
B.— [L'idée dominante est celle de comprendre] Par un effort d'observation et de pénétration, acquérir l'intelligence des êtres, des choses, des faits, découvrir leur nature profonde. Étudier en détail, à fond, sur place, avec soin. Synon. analyser, examiner, observer.
1. [L'obj. désigne une chose]
a) [L'obj. désigne gén. un inanimé concr. (qui est souvent objet de science)] Prendre comme objet d'un examen attentif et approfondi. Ces montagnes sont les lieux du monde les plus favorables pour étudier la nature (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p. 213). On m'envoya étudier une épidémie de peste à Djedda (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 285). Le biologiste qui, après avoir étudié le cœur, étudie de la même façon la moelle épinière (RUYER, Esq. philos. struct., 1930, p. 139) :
• 2. À force d'étudier les symptômes, de tâter mon pouls, d'examiner mes sensations internes et externes, d'approfondir la nature particulière de mes migraines, et leur coïncidence avec une accélération notable dans mes bâillements, j'en suis venu à acquérir une certitude...
TOEPFFER, Nouv. genev., 1939, p. 262.
— [P. méton. du suj.] La géométrie, qui n'étudie rien que le dehors tout nu, est la clef de toutes les sciences (ALAIN, Propos, 1933, p. 1118).
— P. ext. Pénétrer le fonctionnement de, les côtés cachés de. Étudier un mécanisme. Pendant huit jours il fit manœuvrer son yacht autour de l'île, l'étudiant comme un écuyer étudie un cheval : au bout de ce temps, il en connaissait toutes les qualités et tous les défauts (A. DUMAS père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 300).
— En partic.
♦ Étudier le terrain (fréq. dans le domaine milit.). En reconnaître les ressources. En chaque affaire de ce genre, il faut consulter l'esprit du pays, sa situation, ses ressources, étudier le terrain, les hommes et les choses, et ne pas vouloir planter des vignes en Normandie (BALZAC, Méd. camp., 1833, p. 59).
Au fig. Observer avec soin un milieu ou une situation donnée. Synon. ausculter, tâter.
♦ Étudier un dossier, un papier. L'examiner attentivement. Synon. fam. éplucher. Très attentif, il étudiait le texte polycopié d'un rapport de commission (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 239). Il mit son pince-nez et étudia le papier que lui présentait Lulu comme on épluche un livre de cuisine (DRUON, Gdes fam., t. 2, 1948, p. 228).
b) [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Observer attentivement les circonstances d'une affaire, les causes d'un phénomène, les tenants et aboutissants d'une situation. Étudier les lois de, le moment favorable, l'organisation de, le rôle de. L'ordre dans lequel nous devons étudier les différents systèmes que renferme cette école (COUSIN, Hist. philos., t. 1, 1829, p. 35). Il convient d'étudier les circonstances et les effets de cette rencontre (OZANAM, Philos. Dante, 1838, p. 126). J'étudiai le projet et j'arrivai vite à la conclusion que ce plan était absolument irréalisable (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 166).
2. [L'obj. désigne une pers. ou un aspect de son comportement physique ou moral] Observer attentivement, examiner (la manière d'être ou d'agir de quelqu'un). Étudier une physionomie. Je ne regardai que son sourire, j'étudiai son sourire (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 215). La tâche du psychologue qui étudie l'âme humaine en ses profondeurs (BACHELARD, Poét. espace, 1957, p. 18) :
• 3. Malgré moi, je regardais et j'étudiais ces visages ravagés par la vieillesse, que ma grand'mère trouvait encore beaux par habitude, et qui me paraissaient d'autant plus affreux que je les entendais vanter dans le passé. J'analysais les expressions de physionomie, les attitudes.
SAND, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 323.
— Emploi pronom.
♦ réfl. L'effort que fait l'homme qui s'arrache au monde extérieur pour s'étudier et se connaître (MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p. 240). Une âme qui se cherche, qui s'étudie, qui se connaît (NODIER, Fée Miettes, 1831, p. 174).
♦ réciproque. Quand un homme et une femme se rencontrent, ils s'étudient moins qu'ils ne se soupèsent; ils savent qu'un jour l'un des deux portera l'autre sur ses épaules (MORAND, Homme pressé, 1941, p. 135).
— En partic. [L'obj. désigne un auteur, un ouvrage littér.] Analyser de près, essayer de comprendre à fond. Synon. approfondir, fouiller. Étudier des ouvrages aussi hérissés de difficultés que ceux de Kant (STAËL, Allemagne, t. 4, 1810, p. 148). Il [Renan] n'étudia jamais saint Thomas dont la scolastique lui apparaît « barbare et enfantine » (MASSIS, Jugements, 1923, p. 29).
C.— [L'idée dominante est celle de chercher] Par un effort inventif, mettre au point, élaborer attentivement. Étudier la possibilité de restaurer l'ancienne route commerciale du IXe siècle (BENOIT, Atlant., 1919, p. 67). Les indulgences que voici, on les a tout spécialement étudiées pour les braves gens qui ont de la famille au Purgatoire (SARTRE, Diable et Bon Dieu, 1951, p. 152) :
• 4. Mes généraux, dans leur solide stupidité, étudiaient des tactiques habiles et discutaient et cherchaient la perfection avant d'agir.
SAINT-EXUP., Citad., 1944, p. 559.
D.— [L'idée dominante est celle d'attention] Prendre comme objet de son application, de ses soins.
1. [L'objet désigne un inanimé gén. concr.] Agencer correctement en vue d'un effet à produire, d'une fin précise. Berthe, qui étudiait sa couronne devant la glace (ZOLA, Pot-Bouille, 1882, p. 142).
— En partic. Étudier un discours, une intervention, un sermon. Le (la) composer avec soin en vue d'un effet à produire. Cette partie de votre discours demandait à être plus étudiée (Ac. 1835-1932).
2. [L'obj. désigne une pers., ou un aspect de son comportement] Un grand miroir pour y étudier ses effets de physionomie (VILLIERS DE L'I.-A., Contes cruels, 1883, p. 225). Je passai toute la soirée à étudier dans ma glace des mines de veulerie, d'abandon (DRIEU LA ROCH., Rêv. bourg., 1939, p. 296). V. air2, ex. 49.
— Emploi pronom. réfl., parfois péj. Se composer avec soin une attitude. Elle [la femme comme il faut] a eu le temps de s'étudier, de décider ce qui lui va bien (BALZAC, Autre ét. femme, 1842, p. 389).
3. Emploi pronom. réfl. Porter une attention excessive à sa personne, gén. à sa santé, aux moindres sensations de gêne, de malaise. Jacqueline passait son temps à s'étudier dans son miroir (ROLLAND, J.-Chr., Amies, 1910, p. 1208).
Rem. 1. L'emploi pronom. s'étudier à « s'entraîner à, s'appliquer à » est vieilli. a) Rare. S'étudier à (dans) + subst. Tandis qu'il lisait Cicéron et s'étudiait à sa forme oratoire, le beau Patru ne laissait pas de faire des ravages aux environs du Palais et du Châtelet (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 5, 1852, p. 279). b) S'étudier à + verbe à l'inf. S'étudier à bien faire tout ce qu'on doit faire, à bien prononcer (Ac. 1932). Quelle précision dans ces êtres [des danseuses] qui s'étudient à user si heureusement de leurs forces moelleuses (VALÉRY, Eupalinos, 1923, p. 14). c) Vx. S'étudier de + verbe à l'inf. [Il faut] qu'ils [les chanteurs] s'étudient tous de chanter de l'oreille... (JUMILHAC, Sc. et prat. plain chant, 1847, p. 282). 2. La docum. atteste a) Étudiable, adj., rare. Qui est susceptible d'être étudié. Des facteurs connus et positivement étudiables (J. ROSTAND, La Vie et ses probl., 1939, p. 169). b) Étudieur, emploi adj. masc., rare. Qui examine attentivement. Synon. observateur. Une idée de fenêtre ouverte par où le soleil vient éclairer le parquet de manière à réjouir le flamand le plus « étudieur » (BAUDEL., Curiosités esthétiques, Salon, 1845, p. 20). Cf. RHEIMS 1969.
Prononc. et Orth. :[etydje], (il) étudie [etydi]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. a) 1155 « chercher à acquérir une connaissance » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 3341 : Mult sout e mult estudia); 1261 les estudians de Paris (...) en théologie (...) médecine (Doc. hist. inédits, II, 68, Champollion-Figeac ds R. Hist. litt. Fr. t. 12, p. 243); b) ca 1200 « mettre son application, ses soins à quelque chose » trans. (Dialogue Grégoire, 44, 10 ds T.-L. : studoient bien faire); 2. 1588 [éd.] « chercher à comprendre par un examen attentif » (MONTAIGNE, Essais, éd. A. Thibaudet, livre 3, chap. 13, p. 1208); 1588 [éd.] pronom. « se prendre pour objet de son étude » (ID., ibid., p. 1204); 1824 « se composer une attitude » (BALZAC, Annette, t. 3, p. 14). Dér. de l'a. fr. estudie, v. étude; cf. le lat. class. studere « s'appliquer à »; lat. impérial « étudier ». Fréq. abs. littér. :3 494. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 5 217, b) 6 120; XXe s. : a) 4 841, b) 4 216.
étudier [etydje] v. tr. [CONJUG. prier.]
ÉTYM. 1155, estudier; de l'anc. franç. estudie, var. de estuide (→ Étude); cf. lat. studere « étudier ».
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I V. tr. ind. (1155). Vx. || Étudier à : appliquer son esprit à. ⇒ Intéresser (s'), pencher (se pencher sur). — REM. Le latin studere appelle le datif, ce qui explique cette construction.
1 J'avais un peu étudié, étant plus jeune, entre les parties de la philosophie à la logique, et entre les mathématiques à l'analyse des géomètres et à l'algèbre (…)
Descartes, Discours de la méthode, II.
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II V. tr. dir. (1270). Mod. Se livrer à l'étude; prendre pour objet d'étude. ⇒ Apprendre.
1 Absolt. || Passer sa vie à étudier. || Prétendre savoir sans étudier (→ Apprendre, cit. 25). || Aimer à étudier, être avide (cit. 14) d'étudier. || Étudier avec ardeur. ⇒ Travailler (spécialt).
2 (…) si j'eusse étudié
Au temps de ma jeunesse folle,
Et à bonnes mœurs dédié (sacrifié),
J'eusse maison et couche molle.
Villon, le Testament, XXVI.
3 (…) le voyant (Pantagruel) étudier et profiter (vous) eussiez dit que (…) son esprit entre les livres (était comme) le feu parmi les brandes, tant il l'avait infatigable et ardent.
Rabelais, Pantagruel, VIII.
4 Enfin, je me sentis peu à peu entraîné (…) vers l'étude avec une force irrésistible, et tout en regardant chaque jour comme le dernier de mes jours, j'étudiais avec autant d'ardeur que si j'avais dû toujours vivre.
Rousseau, les Confessions, VI.
♦ Spécialt (vieilli). Faire ses études (I., 1., b.) (⇒ Étudiant). || Avoir étudié en Sorbonne. || S'en aller étudier à Paris. || Ils ont étudié ensemble. — Vx. || Elle étudie en droit, en médecine.
5 Ah ! que n'ai-je étudié ?
Molière, le Médecin malgré lui, II, 4.
6 (…) j'enrage que mon père et ma mère ne m'aient pas fait bien étudier dans toutes les sciences, quand j'étais jeune.
Molière, le Bourgeois gentilhomme, II, 4.
2 (Avec un compl. dir.). Chercher à acquérir la connaissance de. || Étudier le latin, l'algèbre, la grammaire, une langue étrangère. || Étudier l'histoire (→ Angle, cit. 8), l'anatomie (→ Animalier, cit. 1), le droit romain (→ Coutume, cit. 8). — Étudier un art, la peinture, le dessin, le solfège. || Étudier les échecs, le tennis. || Personne qui étudie qqch. ⇒ Apprenant, étudieur (rare).
7 On dispute sur le choix de l'analyse ou de la synthèse pour étudier les sciences; il n'est pas toujours besoin de choisir.
Rousseau, Émile, III.
8 Tantôt je faisais la basse dans un orchestre, tantôt je me trouvais sur le théâtre dans les chœurs, ou sous le théâtre avec les machinistes. J'étudiais ainsi la musique dans tous ses effets, interrogeant l'instrument et la voix humaine (…) écoutant les partitions et appliquant les lois que mon père m'avait apprises.
Balzac, Gambara, Pl., t. IX, p. 433.
♦ Étudier le piano, la flûte, apprendre à en jouer. Absolt. || Étudier : s'exercer à jouer d'un instrument (→ Entendre, cit. 41).
♦ (1694). Apprendre de manière à retenir, à mémoriser. || Élève qui étudie sa leçon, sa récitation. || Étudier les conjugaisons jusqu'à les savoir par cœur. ⇒ Potasser, piocher. || Les enfants de cette école religieuse étudient leur catéchisme.
9 Mademoiselle apprenait dans un livre les termes navals, que chaque soir je lui faisais réciter, et étudiait la carte du ciel (…)
Giraudoux, Suzanne et le Pacifique, III.
♦ Acteur qui étudie son rôle. || Pianiste, violoniste qui étudie un morceau, un passage.
3 (1588). Chercher à comprendre par un examen. ⇒ Analyser, examiner, observer. || Étudier la nature, les phénomènes naturels, la germination, les réactions chimiques. || Étudier les corps (cit. 3), les lois naturelles (→ Chimie, cit. 3; critérium, cit. 2), certains phénomènes (→ Défaillance, cit. 4). ☑ Étudier le terrain, en parlant de combattants qui cherchent à en reconnaître les ressources; au fig., explorer, sonder le lieu, le milieu où l'on doit agir (⇒ aussi Ausculter, tâter).
10 (…) cette dénudation (des mules à demi rasées) permet d'étudier à fond leur anatomie, les os, les muscles et jusqu'aux moindres veines (…).
Th. Gautier, Voyage en Espagne, p. 8.
11 Il faudra qu'on t'examine sérieusement, qu'on étudie un peu les phénomènes digestifs (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 81.
♦ Étudier l'homme, les phénomènes psychologiques et sociaux. || Le moraliste étudie les caractères, les mœurs, les coutumes. — Étudier qqn, observer attentivement son comportement. || Molière fut appelé le Contemplateur pour avoir su étudier patiemment les gens et les milieux qu'il rencontrait (→ Cœur. cit. 142). || Étudier son entourage, ses camarades. || Joueur de poker qui étudie attentivement ses partenaires. || Boxeur qui étudie son adversaire afin de trouver son point faible. — Étudier une œuvre, un texte, un monument, un tableau, afin d'en démêler et d'en interpréter les éléments. || Étudier un modèle. || Étudier un auteur, un artiste, afin d'assimiler son esprit, son art, de se familiariser avec lui.
12 Cette longue attention que j'emploie à me considérer me dresse à juger aussi passablement des autres (…) Il m'advient souvent de voir et distinguer plus exactement les conditions de mes amis qu'ils ne font eux-mêmes (…) Pour m'être, dès mon enfance, dressé à mirer ma vie dans celle d'autrui, j'ai acquis une complexion studieuse en cela, et, quand j'y pense, je laisse échapper autour de moi peu de choses qui y servent : contenances, humeurs, discours. J'étudie tout (…)
Montaigne, Essais, III, XIII.
13 Vos paroles, le ton de votre voix, vos regards, vos pas, votre action et votre ajustement, ont je ne sais quel air de qualité, qui enchante les gens. Je vous étudie des yeux et des oreilles (…)
Molière, Critique de l'École des femmes, 3.
14 (…) c'est une folie de vouloir étudier le monde en simple spectateur. Celui qui ne prétend qu'observer n'observe rien, parce qu'étant inutile dans les affaires, et importun dans les plaisirs, il n'est admis nulle part.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, II, Lettre XVII.
15 La manière dont on aborde votre femme, dont on lui parle, dont on la regarde, dont on la salue, dont on la quitte (…) il y a là des volumes d'observations plus minutieuses les unes que les autres. Le timbre de la voix, le maintien, la gêne, un sourire, le silence même, la tristesse, les prévenances à votre égard, tout est indice, et tout doit être étudié d'un regard sans effort.
Balzac, Physiologie du mariage, Pl. t. X, p. 737.
16 Supérieur en cela aux poètes descriptifs, Balzac voyait l'homme en même temps que la nature; il étudiait les physionomies, les mœurs, les passions, les caractères du même regard que les sites, les costumes et le mobilier.
Th. Gautier, Portraits contemporains, Balzac, VI.
17 Nous nous sommes tellement appliqués à sophistiquer notre cœur, nous avons tant abusé du microscope pour étudier les hideuses excroissances et les honteuses verrues dont il est couvert(…)
Baudelaire, la Fanfarlo.
4 (1835). Examiner (qqch.) afin de décider, d'agir. || Étudier une question, un problème, un projet, un plan (→ Copie, cit. 5; détacher, cit. 10). || Étudier les propositions de qqn (→ Commission, cit. 4). || Suggestion qui mérite d'être étudiée attentivement. ⇒ Considérer. || Étudier le devis soumis par un entrepreneur, les comptes (cit. 14), la comptabilité d'une entreprise. || Étudier un dossier, une affaire. || Étudier à fond un sujet (⇒ Approfondir, fouiller) avant de le traiter.
♦ Par ext. ⇒ Chercher, rechercher. || Étudier les moyens d'en sortir. || Étudier le moment favorable. || Étudier le défaut, le point faible, les secrets d'un ennemi.
5 Traiter (un sujet). || Professeur qui étudie un point particulier. — Par métonymie. || La sociologie étudie l'homme en société.
6 Prendre comme objet de son application, de ses soins. — (Vieilli). || Étudier un discours. ⇒ Préparer. || Artiste qui étudie spécialement une partie de son tableau, de son œuvre. || Il a tort d'étudier ses propos, ses compliments. ⇒ Préméditer. || Étudier son attitude, ses effets. ⇒ Compasser (vieilli). — REM. En ce sens, étudier ne s'emploie guère aujourd'hui qu'au participe. → Étudié.
♦ (Vx). Affecter, feindre.
18 Et je n'étudiai cette douleur menteuse
Qu'à cause qu'en effet j'étais un peu honteuse
Qu'une autre en témoignât plus de ressentiment.
Corneille, Mélite, IV, 10.
——————
s'étudier v. pron.
1 (1588). Réfl. Se prendre pour objet de son étude. || Moraliste, psychologue qui s'étudie autant qu'il étudie les autres (→ Balancer, cit. 8). || Socrate recommandait à l'homme de s'étudier afin de se connaître.
♦ Par ext. (littér.). S'observer avec trop de complaisance. ⇒ Écouter (s'). || Il s'étudie beaucoup trop. || Ce malade a tort de s'étudier, de trop s'observer.
19 Je m'étudie plus qu'autre sujet. C'est ma métaphysique, c'est ma physique.
Montaigne, Essais, III, XIII.
20 Celui qui se sera étudié lui-même sera bien avancé dans la connaissance des autres.
2 (Récipr.). S'observer l'un l'autre. || Les deux adversaires s'étudiaient.
3 (1824). Se composer une attitude lorsqu'on se sent observé, jugé. ⇒ Observer (s'), surveiller (se).
♦ Vx. || S'étudier à : s'appliquer, s'exercer à. — Suivi d'un substantif :
21 Un personnage grave ne s'étudie point à une si extravagante rhétorique.
♦ Mod. et littér. (suivi d'un inf.). || Il s'étudie à plaire à tout le monde. || Acteur qui s'étudie à parler distinctement.
22 (…) étudiez-vous, quand je vous mènerai par la main, à bien marcher comme une femme (…)
Molière, Monsieur de Pourceaugnac, III, 2.
23 (…) chacun s'étudie à renfermer en soi les émotions violentes, les chagrins profonds ou les élans involontaires.
A. de Vigny, Servitude et grandeur militaires, III, II.
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étudié, ée p. p. adj.
ÉTYM. (1580, Montaigne).
♦ Qui a fait l'objet d'une étude.
1 Mûrement médité et préparé (opposé à improvisé). || Une déclaration, un discours étudié, dont les termes ont été soigneusement pesés. ⇒ Calculé. || La déclaration de l'ambassadeur était plus étudiée qu'elle n'en avait l'air. || Un langage étudié. ⇒ Soigné. || Des phrases, des images, des rythmes étudiés. ⇒ Recherché. || Cet acteur a un jeu trop étudié. ⇒ Affecté, apprêté.
24 Tout cela était dit avec la rapidité d'un discours étudié, et celui auquel on adressait la parole avait à peine le temps d'y couler de temps en temps un oui ou un non (…)
Marivaux, le Paysan parvenu, VI.
25 (…) Bayle, écrivant si rapidement sur tant d'objets différents, n'a jamais châtié son style. Il faut qu'un écrivain tel que lui se garde du style étudié et trop peigné; mais une négligence continuelle n'est pas tolérable dans des ouvrages sérieux.
Voltaire, Lettre à d'Argens, 607, 21 juin 1739.
♦ Meuble aux lignes étudiées. || Un outil spécialement étudié (→ Cueillette, cit. 1). || Une robe simple mais de coupe très étudiée. || Profil étudié d'une carrosserie.
26 (…) comme un haut-parleur disperse les sons et les idées contenus dans un poste récepteur parfaitement étudié.
P. Mac Orlan, Quai des brumes, XI.
♦ (1932, in D. D. L.). Comm. (en parlant d'un prix). Calculé au plus juste de manière à favoriser la vente. || Prix étudiés. || Vente d'articles de mode à des prix très étudiés.
2 (1611). Volontairement produit ou façonné (opposé à naturel, spontané). || Les larmes étudiées d'un acteur. || Il y avait dans son allure une dignité étudiée. || Des gestes étudiés. ⇒ Contraint.
27 (…) plissant méchamment ses yeux gris et méprisants, avec un retard étudié, il articula sur le ton de la plus parfaite déférence : « C'était, somme toute, assez bien tourné. »
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 223.
♦ (Personnes). Qui compose son attitude, son expression.
28 (…) cette emphatique Clairon qui est plus maigre, plus apprêtée, plus étudiée, plus empesée qu'on ne saurait dire.
Diderot, le Neveu de Rameau, Pl., p. 463.
3 Préparé de manière à faire illusion (opposé à sincère). ⇒ Faux, feint. || Une joie étudiée. || Je pris vite conscience de son indifférence étudiée.
29 Le cruel ! de quel œil il m'a congédiée !
Sans pitié, sans douleur, au moins étudiée.
L'ai-je vu se troubler et me plaindre un moment ?
Racine, Andromaque, V, 1.
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CONTR. Improvisé, naturel, simple, sincère, spontané.
DÉR. Étudiant, étudieur.
COMP. Réétudier.
Encyclopédie Universelle. 2012.