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piquer

piquer [ pike ] v. <conjug. : 1>
• 1130; lat. pop. °pikkare « piquer, frapper », d'o. préromane et expressive
I V. tr. A
1Entamer légèrement ou percer avec une pointe. Un bouvier « armé d'un aiguillon, pique ses deux bœufs bossus » (F. de Croisset). aiguillonner. « il piqua son cheval et s'élança » (Maupassant). éperonner. Absolt Piquer des deux (éperons) :éperonner vivement son cheval; partir au galop.
Faire une piqûre à (qqn). « J'ai saigné le bras gauche, piquons le droit » (Martin du Gard). Fam. On l'a piqué contre la variole, on l'a vacciné. Il a dû faire piquer son vieux chien, lui faire faire une piqûre entraînant la mort rapide et douce. ⇒ euthanasier.
Percer en enfonçant un dard, un stylet, un crochet à venin. Être piqué par un moustique. Se faire piquer par une guêpe. « Elle a été piquée au doigt par un scorpion » (F. de Croisset). Quelle mouche te pique ?
2 (Compl. chose) Percer pour prendre, pour attraper. « Pierre mangeait des flageolets et les piquait un à un avec une pointe de sa fourchette » (Maupassant). Loc. Vx Piquer l'assiette. pique-assiette.
Cuis. Percer de trous pour garnir, pour larder, ailler. Piquer un oignon avec un clou de girofle. Un rôti piqué d'ail. Adj. Du veau piqué.
Fixer en traversant avec une pointe, une aiguille. Piquer une photo au mur. Piquer des papillons.
Spécialt Coudre à la machine. Bâtir une robe avant de la piquer.
Techn. Percer de petits trous selon un dessin. Piquer des cartes pour métiers à tisser. Par ext. Piquer un dessin, le marquer par de petits trous.
3Parsemer de petits trous. trouer. Les vers, les insectes ont piqué ce meuble. Meuble ancien piqué des vers. vermoulu. Loc. fam. N'être pas piqué des hannetons (ou des vers) :être intense, extrême, remarquable en son genre. « Un petit froid qui n'est pas piqué des hannetons » (Aragon).
(Surtout p. p.) Semer de points, de petites taches. moucheter, piqueter, tacheter. « Les mains toutes piquées de taches de rousseur » (Hugo).
Loc. fam. Se piquer le nez : s'enivrer.
4Frapper vivement. « Le mulet, piquant le sable de durs coups de sabot » (Genevoix). — Au billard, Piquer la bille, la frapper en tenant la queue presque verticalement. — Mus. Piquer une note, la marquer en la détachant. — Piquer une cloche, la frapper avec son battant d'un seul côté (opposé à sonner à toute volée) pour sonner l'heure (ou piquer l'heure). Mar. « La cloche du vaisseau-amiral piqua deux coups doubles » (Farrère).
5Donner la sensation d'entamer avec une pointe. brûler, cuire, picoter. « Une ortie qui lui piquait les jambes » (Hugo). « La fumée piqua les yeux encore pendant longtemps » (Céline). Fam. Ça me pique. Absolt Une barbe qui pique, dure au contact. Fam. (Enfants) De l'eau qui pique : de l'eau gazeuse.
6(XVe) Fig. Vieilli Blesser, irriter vivement. agacer, froisser, vexer. « Je fus piqué de la froideur avec laquelle il m'en parlait » (Molière). Mod. PIQUER AU VIF : irriter l'amour-propre de. « Cette impassibilité m'aurait [...] piqué au vif » (Barbey).
(Compl. abstrait) Faire une vive impression sur. éveiller, exciter. « Rastignac voulait piquer ma curiosité » (Balzac). Ils « n'ont pas besoin d'effets violents et imprévus qui piquent leur attention » (Taine).
7(XIVe) Fam. Prendre, voler. chiper, faucher. On lui a piqué toutes ses affaires. Se faire piquer ses idées. « Je les ai déjà vus qui piquaient des alliances en douce aux macabs » (R. Merle).
Arrêter, pincer (qqn). La police l'a piqué à la sortie du métro.
8(1840) Fam. Prendre, faire, avoir brusquement. Piquer un galop, un cent mètres. Il « plongea la tête comme on pique un plongeon » (Ch.-L. Philippe). Il « manifeste l'intention de piquer un roupillon » (Barbusse). Piquer une colère, une crise. Piquer sa crise : se mettre en colère. Piquer un fard, un soleil : rougir brusquement. « Le duc piqua ce qu'on appelle un soleil » (Proust).
BPar ext. Enfoncer (qqch.) par la pointe. « Mme Vonlauth piqua son aiguille dans son ouvrage » (Martin du Gard). « Il a piqué la médaille sur la chemise de Léglise » (Duhamel). épingler.
Piquer une tête : se jeter la tête la première. « Une embardée lui fit piquer une tête contre la porte » (Baudelaire). Piquer une tête dans l'eau : plonger. « piquer une bonne tête dans la rivière » (Sand).
II V. intr. (1528; de piquer des deux)
1Vieilli S'élancer à cheval. S'élancer rapidement, directement. « nos deux ivrognes piquèrent tête baissée dans la porte, l'enfoncèrent » (Baudelaire).
2Tomber, descendre brusquement. « Ses yeux suivaient le vol des mouettes [...] L'une d'elles piquait dans l'eau comme une pierre » (Alain). Un avion qui pique, qui descend en piqué. — Loc. Piquer du nez : tomber le nez en avant. « Il piqua du nez et s'abattit sur les marches » (Sartre). Le navire piquait de l'avant.
III V. pron.
1Être légèrement blessé, entamé par une pointe, un piquant. Elle s'est piquée avec une aiguille. PROV. Qui s'y frotte s'y pique : qui se risque à attaquer, à se mesurer à (qqn) en subit les conséquences.
Se faire une piqûre, et spécialt S'injecter un stupéfiant. se shooter(anglic.). Se piquer à l'héroïne. « Celle-ci, morphinomane, lui conseilla de se piquer » (A. Gide).
2Se couvrir de petites taches, de moisissures. Les livres exposés à l'humidité se piquent. Vin qui se pique, s'aigrit.
3Fig. Littér. Se froisser, se vexer. se formaliser.
Se piquer au jeu (II, 2o).
Prétendre avoir et mettre son point d'honneur à posséder (une qualité, un avantage). se prévaloir. « Il se pique de philosophie » (Rousseau). (Avec un inf.) Avoir la prétention de, se targuer, se vanter de. « Quiconque se pique d'être bien élevé » (Gautier).

piquer verbe transitif (latin populaire pikkare, d'un radical onomatopéique pikk-) Entamer ou percer la peau de quelqu'un, d'un animal avec quelque chose de pointu : Piquer un bœuf avec un aiguillon. Causer une sensation de picotement : La fumée pique les yeux. Familier. Faire une piqûre à quelqu'un : On le pique au bras pour lui faire la prise de sang. Injecter à quelqu'un un produit par une piqûre : On l'a piqué contre la variole. Faire périr un animal en lui faisant une injection spéciale : Ils ont fait piquer leur chien malade. En parlant d'un insecte, d'un serpent, etc., enfoncer le dard, l'aiguillon, etc., dans la peau de quelqu'un, y injecter du venin, y sucer du sang, etc. : Une guêpe l'a piqué. Placer, en l'enfonçant par la pointe, quelque chose de mince, de pointu dans quelque chose : Piquer une fleur dans ses cheveux. Transpercer quelque chose d'une aiguille, d'une pointe que l'on plante quelque part : Piquer une photo sur le mur. Parsemer quelque chose, une matière de petits trous ou de petites taches : L'humidité a piqué le papier peint. Prendre quelque chose au moyen d'un instrument pointu qu'on enfonce dans la masse : Piquer un morceau de viande dans son assiette. Populaire. Donner un coup de couteau à quelqu'un. Littéraire. Irriter quelqu'un, l'offenser, le vexer : La moindre chose le pique. Familier. Voler quelque chose à quelqu'un, le lui chiper : Il lui a piqué son portefeuille. Familier. Prendre quelqu'un sur le fait : On l'a piqué en train de fracturer un coffre. Bâtiment et Travaux publics Brancher une canalisation sur une autre plus importante. Couture Coudre à la machine. Cuisine Introduire dans une viande par incision des morceaux de lard ou des éléments aromatiques (ail, clou de girofle). Trouer avant cuisson, avec une fourchette, les saucisses pour éviter qu'elles éclatent ou l'abaisse de pâte crue pour empêcher le gonflement en cuisson. Musique Attaquer une note avec vivacité et couper court à sa résonance. Reliure Procéder à la piqûre au fil métallique d'une brochure. Technique Faire passer un ou plusieurs fils alternativement d'un côté à l'autre d'un ou de plusieurs matériaux placés ensemble, à travers des trous, formant ainsi une succession régulière de points. Textiles Aviver la couleur d'un tissu teint par passage dans un bain approprié (acide, détergent, etc.) pour éliminer l'excès de colorant non fixé. ● piquer (expressions) verbe transitif (latin populaire pikkare, d'un radical onomatopéique pikk-) Piquer un cent mètres, un sprint, etc., se mettre soudain à courir. Familier. Piquer une colère, une crise, etc., en être soudain saisi. Piquer la curiosité, l'intérêt de quelqu'un, l'éveiller vivement. Familier. Piquer un fard, un soleil, rougir soudain sous le coup d'une émotion. Piquer un somme ou, familièrement, un roupillon, se laisser aller à dormir un moment. Piquer une tête (dans l'eau), tomber ou s'élancer la tête la première. Piquer quelqu'un au vif, irriter son amour-propre. Piquer un moellon, en tailler les faces de manière que chaque coup de pointe ou de pic y laisse sa trace. Piquer une pièce de bois, y marquer avec le traceret l'ouvrage à faire. Piquer la pointe, poser directement la pointe d'un pied à terre, la plante du pied et les doigts restant entièrement soulevés. Piquer la bille, au billard, faire un piqué. Piquer l'heure, frapper la cloche du nombre de coups doubles convenu pour indiquer l'heure et régler la vie du bord. Piquer la rouille, enlever la rouille d'une tôle en la frappant avec un marteau à piquer. ● piquer (homonymes) verbe transitif (latin populaire pikkare, d'un radical onomatopéique pikk-) piqué adjectif piqué nom masculin piquet nom masculinpiquer (synonymes) verbe transitif (latin populaire pikkare, d'un radical onomatopéique pikk-) Placer, en l'enfonçant par la pointe, quelque chose de mince, de...
Synonymes :
Transpercer quelque chose d'une aiguille, d'une pointe que l'on plante quelque part
Synonymes :
- épingler
Littéraire. Irriter quelqu'un, l'offenser, le vexer
Synonymes :
Familier. Voler quelque chose à quelqu'un, le lui chiper
Synonymes :
- barboter (familier)
- chiper (familier)
- dérober
- faucher (populaire)
Familier. Prendre quelqu'un sur le fait
Synonymes :
- choper (familier)
- épingler (familier)
- pincer (familier)
Cuisine. Introduire dans une viande par incision des morceaux de lard...
Synonymes :
Piquer la curiosité, l'intérêt de quelqu'un
Synonymes :
piquer verbe intransitif Être piquant : Il est mal rasé, sa barbe pique. Être fort, relevé, pimenté : Moutarde qui pique. Être pétillant et donner une légère sensation aigre : Eau gazeuse qui pique. Être le siège d'une sensation de picotement, de petite brûlure : La gorge me pique. S'élancer à grande vitesse sur quelqu'un, quelque chose. En parlant d'une boisson (vin, bière, cidre), commercer à aigrir. En parlant du poisson, toucher. ● piquer (expressions) verbe intransitif Littéraire. Piquer des deux, donner vivement des deux éperons à un cheval ; presser l'allure. Piquer du nez, laisser tomber sa tête en avant ; s'abaisser, s'enfoncer de l'avant ; en parlant d'un avion, descendre subitement sous un angle élevé ; en parlant d'un navire, être trop chargé de l'avant ou tanguer violemment à la mer. ● piquer (homonymes) verbe intransitif piqué adjectif piqué nom masculin piquet nom masculin

piquer
v.
rI./r v. tr.
d1./d Percer, entamer légèrement avec un objet pointu. Piquer quelqu'un avec une aiguille. épines qui piquent les doigts.
|| (Afr. subsah.) Blesser avec un couteau, un poignard.
d2./d Fig. Produire une sensation de piqûre, de picotement, de brûlure sur. La fumée pique les yeux.
Absol. Moutarde qui pique.
d3./d Ficher (qqch de pointu) dans. Piquer une épingle dans une pelote.
|| Fam. Faire une piqûre à.
Piquer un animal, lui faire une piqûre pour qu'il meure sans souffrance.
|| Blesser avec son crochet, son dard, son aiguillon (en parlant d'animaux). Une abeille l'a piqué.
CUIS Introduire des lardons, de l'ail dans (une viande). Piquer un gigot.
d4./d Fixer à l'aide d'une pointe, d'une aiguille. Piquer une gravure au mur.
|| (S. compl.) Faire des points de couture dans (de l'étoffe). Piquer à la machine.
d5./d Parsemer de petits trous. Les vers ont piqué ce meuble.
d6./d Frapper, toucher (un animal) au moyen d'une pointe pour le faire avancer, l'exciter. Piquer un cheval, des boeufs.
|| Fig. Produire une vive impression sur, exciter. Piquer la curiosité de qqn.
Ce discours l'a piqué au vif, l'a blessé dans son amour-propre.
d7./d Fig. Séparer, détacher nettement.
|| MUS Piquer des notes, les jouer accentuées et détachées.
|| Absol. PHOTO Objectif qui pique, qui a un grand pouvoir séparateur.
Pp. adj. Photo très piquée.
d8./d Fig., Fam. Manifester brusquement par quelque signe physique. Piquer une colère.
Piquer un fard: rougir.
|| Piquer un cent mètres: se mettre brusquement à courir sur une courte distance.
|| (Suisse) Piquer la mouche: s'emporter, prendre la mouche.
|| (Québec) Piquer une jasette: bavarder.
d9./d Fig., pop. Prendre, voler. On lui a piqué son portefeuille. Syn. faucher.
rII./r v. intr.
d1./d AVIAT Effectuer un piqué.
|| Piquer sur: aller tout droit vers. L'avion piqua sur son objectif.
|| Fam. Piquer du nez: tomber en avant; baisser la tête en signe de confusion; s'endormir.
|| (Québec) Se rendre (à un endroit) par le chemin le plus court. Piquer vers la maison. Piquer à travers le bois.
d2./d EQUIT Piquer des deux: faire sentir les deux éperons à un cheval; fig. s'élancer rapidement.
rIII/r v. Pron.
d1./d Se piquer en cousant.
d2./d Fig. Se piquer au jeu: s'obstiner à jouer malgré la perte; par ext. s'obstiner à venir à bout de qqch.
d3./d Fig. Se piquer de: avoir la prétention de.

⇒PIQUER, verbe trans.
I. —Entamer légèrement, percer avec une pointe ou un objet pointu.
A. — 1. Empl. trans.
a) Qqn pique qqn/une partie du corps de qqn. Piquer qqn avec une épingle. Mirax semblait jouer; du bout de son épée Il agaçait son homme et lui piquait la peau (BOUILHET, Melaenis, 1857, p.113). Quand Savonarole sera pris, ils le mèneront en prison à travers les rues, alors, avec ces bâtons-là, on va rigoler à lui piquer les fesses (SALACROU, Terre ronde, 1938, III, 2, p.245).
b) Qqn pique qqc. Le pivert pique l'écorce des arbres. D'ordinaire (...) [Napoléon] promenait sur la salle un oeil incertain, ou mutilait les crayons avec son canif, ou piquait avec ce même canif le tapis de sa table, ou le bras de son fauteuil (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.805):
1. Un merle noir, oxydé de vert et de violet, piquait les cerises, buvait le jus, déchiquetait la chair rosée...
COLETTE, Sido, 1929, p.49.
c) Qqc. pique qqn/une partie du corps de qqn. Chardons qui piquent les bras, les jambes. Là-bas, Fly se ruait, parce que le fer des étriers la piquait aux flancs (ADAM, Enf. Aust., 1902, p.251). Tout à coup, je me trouvai assis par terre, j'étendis les mains. Des buissons... Une épine me piqua le doigt (BENOÎT, Atlant., 1919, p.283).
d) Qqc. pique qqc. La plume pique le papier. Elle (...) lança le crochet dans les branches de l'arbre (...). À la seconde tentative, la griffe de l'hameçon piqua l'écorce et Chiquita tira la corde à elle (GAUTIER, Fracasse, 1863, p.389).
2. Empl. pronom. réfl.
a) réfl. dir. Je me pique aux épingles, je serre les cordons en des noeuds indéliables au lieu de les démêler (MAUPASS., Contes et nouv., t.2, Inconnue, 1885, p.1000). Le père Wolf s'était piqué à la couronne d'épines en la portant et (...) il saignait (GIRAUDOUX, Siegfried et Lim., 1922, p.280).
b) réfl. indir. Se piquer les bras, les jambes. Tout en cousant, elle se piquait les doigts, qu'elle portait ensuite à sa bouche pour les sucer (FLAUB., Mme Bovary, t.1, 1857, p.15). Papa (...) préparait des examens, la nuit, et se piquait le dos des mains avec son canif pour s'empêcher de dormir (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p.20).
3. Empl. abs.
a) Qqc. pique. Les épines, les ronces, les oursins piquent. La fillette s'assit. Le mousse lui enveloppa les pieds et les jambes d'herbe sèche. —Ça pique, dit-elle (SCHWOB, Monelle, 1894, p.35). C'est peut-être parce que le chardon pique qu'il ne craint pas la sécheresse. Il ne faut pas être trop indulgent: un peu de haine protège (RENARD, Journal, 1905, p.981).
b) Qqn pique. [L'idée dominante est celle d'une blessure infligée au moyen d'une arme aiguë, effilée] À l'Alma, j'ai eu le bonheur de sauver mon colonel blessé; je suis tombé sur un groupe de Russes qui l'emportaient; j'ai sabré, piqué, je me suis tant démené, que j'en ai tué, blessé (SÉGUR, Auberge ange gard., 1863, p.89).
Arg. Blesser à coups de couteau. [Le meurtre ne] semblait pas signé Riton. La gorge tranchée net (...) un rasoir (...) Riton, il piquait au buffet, en remontant, c'était bien connu (SIMONIN, Touchez pas au grisbi, 1953, p.45).
B.En partic.
1. Piquer qqc. Percer quelque chose pour l'attraper, s'en emparer; (en parlant d'un oiseau) effectuer un mouvement du bec analogue à celui d'une pointe. Piquer des aliments avec une fourchette. Des poules piquent un grain entre deux pailles (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p.384). Un merle noir, oxydé de vert et de violet, piquait les cerises, buvait le jus, déchiquetait la chair rosée (COLETTE, Sido, 1929, p.49):
2. ... il s'assit devant la table, tira le tiroir au pain. Comme autrefois, il taillait des bouchées qu'il piquait de la pointe du couteau, trempait dans le verre de vin et portait à sa bouche.
POURRAT, Gaspard, 1930, p.8.
a) Pop. Prendre, dérober. Synon. barboter (arg.), chiper (fam.), faucher (pop.). Les copains, ils auront tôt fait de vous piquer le pognon et quand il n'en restera plus, ils vous feront coffrer (AYMÉ, Uranus, 1948, p.99). On ne peut pas écrire un roman sans piquer des trucs autour de soi, dit Henri (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.556).
Fam., vieilli. Piquer la table, l'assiette (vieilli). Pauvre ami! condamné à piquer l'assiette (...) dans les pires ménages de la montagne, il en avait vu bien d'autres! (FABRE, Xavière, 1890, p.37)
b) Arg. des grandes écoles. Piquer (une note). Obtenir (en parlant d'un élève), donner (en parlant d'un professeur) une note (d'apr. RIGAUD, Dict. jargon paris., 1878, p.265; ds FRANCE 1907).
2. Pop. [Le compl. désigne une pers.] Piquer qqn, se faire piquer. Prendre quelqu'un, se faire prendre en flagrant délit, généralement dans une activité illégale. Synon. fam. se faire pincer (v. ce mot I C 1 a ex. de Colette), se faire choper. Tu as de l'eau dans le cerveau ou quoi? Le jour où ce cinglé se sera fait piquer tu te sentiras fier? (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.233).
3. [Le compl. désigne certains animaux]
a) Piquer un boeuf, un cheval. Donner des coups d'aiguillon dans les flancs du boeuf, des coups d'éperon dans les flancs du cheval, afin de les stimuler, d'augmenter leur allure. Synon. aiguillonner, éperonner. Ayant vu passer dans le crépuscule un bouvier de Belmont, qui piquait ses boeufs, elle se prit à l'aimer (A. FRANCE, Île ping., 1908, p.102):
3. ... voulant se rendre compte de la belle ordonnance des troupes dont il venait de prendre le commandement, il piqua son cheval de l'éperon et s'élança au galop le long de la colonne qui sinuait parmi de légers mimosas d'Afrique.
PSICHARI, Voy. centur., 1914, p.1.
Piquer des deux, des éperons (v. éperon).
b) Piquer un cheval. Faire pénétrer la pointe du clou jusqu'à la chair, en ferrant le cheval. (Dict. XIXes., QUILLET 1965).
c) Piquer un poisson. Synon. de ferrer. Quand il pique un gardon de cent grammes, ça devient un brochet de trois livres (Pt Simonin ill., 1957, p.82).
4. [Le suj. désigne un insecte, un serpent, etc.] Enfoncer son aiguillon, son dard, son crochet à venin dans la chair d'un homme, d'un animal. Être piqué/se faire piquer par une guêpe, une puce, un scorpion, une vipère. Les mouches me piquent la figure (FLAUB., Corresp., 1850, p.178). Chaque matin les moustiques lui piquaient la main gauche, chaque soir il perçait les cloques (...) et des petits jets d'eau se mettaient à jaillir (PRÉVERT, Paroles, 1946, p.31):
4. À supposer que, dans la suite des temps, le sphex soit arrivé à reconnaître un à un, par tâtonnement, les points de sa victime qu'il faut piquer pour l'immobiliser, et le traitement spécial qu'il faut infliger au cerveau pour que la paralysie vienne sans entraîner la mort...
BERGSON, Évol. créatr., 1907, p.174.
Expr. fig. Quelle mouche le pique? Être piqué de la tarentule.
5. Vieilli. Piquer des noms sur une liste. [P. méton.] Piquer les absents, les retardataires. Les cocher en faisant une marque avec un crayon, un objet pointu. (Dict.XIXes.).
6. Spécialement
a) BEAUX-ARTS. Piquer un dessin.
) Tracer, avec de petits trous, le contour d'un dessin appliqué sur une surface afin d'obtenir un poncif. Si vous craignez que votre papier ne noircisse le cuir, vous pouvez piquer votre dessin et le poncer (CLOSSET, Trav. artist. cuir, 1930, p.17). On a préalablement exécuté un carton général, que l'on a calqué en piquant le dessin (MOREAU-VAUTHIER, Peint., 1933, p.122).
) Rehausser les parties claires ou vives d'un dessin à l'aide d'un crayon blanc ou de petites touches de gouache (d'apr. ADELINE, Lex. termes art, 1884).
b) CUIS. Garnir un aliment (généralement une viande) de certains ingrédients (ail, lardons, etc.) après y avoir pratiqué de petits trous à l'aide d'un instrument approprié. Piquer un gigot, un rôti. Après deux ou trois heures, piquez les ris de lardons gras, blancs et frais (Gdes heures cuis. fr., L. Tendret, 1896, p.201). Une table solide, assez grande, à tiroir, pour hacher, piquer les viandes, dresser les mets (Lar. mén. 1926, p.466).
c) MÉD., ART VÉTÉR. Introduire une aiguille, une lancette, dans un point précis du corps d'un homme, d'un animal, afin d'effectuer une injection, une ponction, ou de pratiquer l'acupuncture. Piquer (à) la cuisse, (à) l'épaule, (dans) une veine, un muscle; piquer un enfant, un malade. Le malade eut le temps de lui dire, avant d'étouffer —Piquez-moi, piquez-moi tout de suite, avec de l'eau pure! (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p.294):
5. Barca était assis sur son lit. Non, il ne désirait rien de plus (...). L'embêtant c'était qu'on ne voulait pas le piquer à la morphine. Si c'était qu'on craignait qu'il devînt morphinomane, à son âge, on ferait mieux de lui foutre la paix.
MALRAUX, Espoir, 1937, p.511.
(Faire) piquer un animal. Faire (faire) à un animal une piqûre provoquant une mort rapide et sans souffrances. Allons-nous recommencer cette séance où nous avions à décider s'il fallait piquer le chat de Joséphine et où, malgré tous nos efforts, nous n'avons pu aborder la question! (GIRAUDOUX, Folle, 1944, II, p.111).
Empl. pronom. réfl. S'injecter un stupéfiant. Visiblement elle se piquait, se droguait. Somnolence, voix éteinte, et ce vague spécial dû à la morphine! (BLANCHE, Modèles, 1929, p.27). Le 14 juillet (...) Mme Rezeau se piqua vainement trois fois. Un calcul plus gros que les autres, engagé dans le canal cholédoque, se refusait à passer (H. BAZIN, Vipère, 1948, p.100):
6. ... comme il s'était montré plus brutal encore que de coutume, la pauvre fille, exaspérée, s'était sauvée chez une amie. Celle-ci, morphinomane, lui conseilla de se «piquer». Aline calcula-t-elle mal la dose? ou voulut-elle la forcer?... Elle en prit tant, qu'une heure après elle était morte.
GIDE, Journal, 1902, p.111.
d) TECHNOLOGIE
) BÂT. Piquer un moellon, une pierre, une surface, etc. Y pratiquer de petites entailles à l'aide d'un outil approprié afin de rendre ces matériaux ou cette surface moins lisse(s) (dans un but pratique ou décoratif). L'archivolte de l'arcade donnant sur la nef [dans la tribune de Saint-Savin] (...) présente une moulure très simple, mais cependant ornée (...). Puis on a piqué cette même moulure, afin d'y faire adhérer le crépi de mortier (MÉRIMÉE, Ét. arts Moy. Âge, 1870, p.171). La taille nécessaire pour smiller ou piquer le moellon (...) est comptée séparément [du prix de la maçonnerie] (ROBINOT, Vérif., métré et prat. trav. bât., t.1, 1929, p.62):
7. ... les ouvriers utilisaient des instruments de toutes sortes. Certains à plusieurs lames et recourbés permettaient d'user lentement la pierre afin de creuser des rainures dans lesquelles venait s'emboîter une autre pierre, travaillée auparavant à l'aide de lames au tranchant convexe. Un moine, Robert Daujant, piquait les pierres, à Cluny, nous dit la légende, à l'aide d'un os de poulet façonné de sa main.
LAMBERTIE, Industr. pierre et marbre, 1962, p.61.
) SERR. Piquer une serrure. ,,Tracer avec une pointe sur le palastre l'endroit où doivent être posées les différentes pièces, dont l'assemblement formera la serrure`` (JOSSIER 1881; dict.XIXe et XXes.).
C.P. anal.
1. P. anal. (d'aspect). [Gén. empl. à la forme passive ou pronom. à valeur passive]
a) [En parlant du bois] Être creusé, parsemé de petits trous dus aux vers, à certains insectes. Une bûche piquée des vers éclate dans le feu comme un marron d'artifice (GAUTIER, Fracasse, 1863, p.391). Je déplace l'armoire, ma chère vieille armoire piquée des vers (H. BAZIN, Vipère, 1948, p.193).
Loc. fam., p.iron. N'être pas piqué, à piquer des vers, des hannetons. Être bien conservé. Je vous ai choisi tout ce que nous avons de plus beau, mon cher monsieur Godefroid, dit-elle d'un air triomphant... Voilà de jolis rideaux de soie et un lit en acajou qui n'est pas piqué des vers! (BALZAC, Initié, 1848, p.376). Être parfait, remarquable dans son genre. Il recevait des lettres anonymes qu'étaient pas à piquer des vers! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.510):
8. Des consommateurs entraient (...) et, regardant de côté la jeune femme, clignaient de l'oeil avec malice; ce qui signifiait: «Sacré mâtin! elle n'est pas piquée des vers, l'épouse à Georges Duroy.»
MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p.225.
b) [En parlant de certains matériaux, de certaines surfaces] Être recouvert de petites taches (d'humidité, de rouille, etc.) semblables à des traces de piqûres. Linge, livre, miroir qui se pique/est piqué. L'humidité (...) si elle ne consume pas brusquement les tableaux (...) les dégrade lentement. Dans les musées où la température est mal réglée, les panneaux de bois travaillent, les dessins se piquent. Aussi faut-il veiller de très près aux conditions hygrométriques (RÉAU, Archives, bibl., musées, 1909, p.29).
Aliment, vin qui se pique/est piqué. Aliment, vin qui se couvre de petites moisissures, qui s'altère, s'aigrit. Son vin se piquait, et il attribuait ce dommage à la façon défectueuse dont ses bouteilles étaient bouchées (A. FRANCE, Orme, 1897, p.48).
c) Consteller de petites taches, de petits points lumineux. Astres, lumières qui piquent le ciel, l'ombre. Des points rouges piquaient cette obscurité bleue, comme si les étoiles eussent laissé tomber des étincelles sur la terre (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p.284). Les Anglais sont de drôles d'enfants, aux mains piquées de taches de son, que les écureuils et les pois de senteur font pleurer (MORAND, Tendres stocks, 1921, p.88).
2. P. anal. (d'effet). Produire une sensation vive, irritante, rappelant celle de piqûres.
a) [L'objet ou l'être comporte des aspérités, renferme une substance urticante, est fait d'une matière rugueuse] Synon. démanger, gratter (fam.). Méduse, ortie, tissu, vêtement qui pique. Sa barbe grêle piquait à travers ses rides comme le chaume dans les sillons (BALZAC, Paysans, 1844, p.230). André donnait de gros baisers à son grand-papa, dont le menton piquait, piquait (A. FRANCE, Livre ami, 1885, p.232).
[P. méton.] La joue montre, à contre-soleil, un duvet qui retient la lumière (...). Matin et soir, quand Antoinette Baudoin embrasse Hubert (...) la mère dit en souriant: «Vraiment, tu commences à piquer!» (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.186).
b) [L'objet affecte certains sens] Synon. brûler, cuire, picoter. Le froid, le vent piquent la peau; la moutarde pique la langue; les larmes piquent les yeux. Une âcre fumée lui piqua les yeux et le gosier, si bien qu'il se prit à tousser comme un chat qui avale des plumes en croquant un oiseau (GAUTIER, Fracasse, 1863, p.304):
9. Lorsque, tous habillés, nous nous mettions en rond, les jambes croisées en tailleur, pour nous partager, dans deux gros verres sans pied, la limonade rafraîchie, il ne revenait guère à chacun, lorsqu'on avait prié M. Seurel de prendre sa part, qu'un peu de mousse qui piquait le gosier et ne faisait qu'irriter la soif.
ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p.217.
Empl. abs. Le printemps de Combray (...) piquait encore aigrement avec toutes les aiguilles du givre (PROUST, Swann, 1913, p.386). Le soleil pique... Nous aurons du regain, que de regain! (BERNANOS, Joie, 1929, p.607).
c) [Le suj. désigne une partie du corps humain; le verbe est accompagné d'un compl. second désignant la pers.] Être le siège d'une sensation de piqûre. La gorge, la langue me pique. Les yeux me piquent à force d'avoir feuilleté (FLAUB., Corresp., 1853, p.412).
Se piquer le nez (pop.).
D.Au fig.
1. Piquer qqn (au vif). Irriter vivement; atteindre, blesser l'amour-propre (de quelqu'un). Synon. égratigner, froisser, offenser. Quoique mensonger l'article piquait au vif le Garde-des-Sceaux, sa femme et le Roi (BALZAC, Illus. perdues, 1839, p.520). Ma moquerie le piquait au vif et il mit vite un point d'honneur à s'enhardir (GIDE, Journal, 1914, p.495):
10. Ce danseur (...) n'est qu'un danseur à la mode, un faiseur de tours de force, pirouettant sans cesse, et tout-à-fait dénué de grâces. Je me taisais, c'était vraiment tout ce que je pouvais faire; cela piqua Madame de Mirval, qui voulait que j'applaudisse.
LECLERCQ, Prov. dram., Répét. prov., 1835, 2, p.367.
Empl. pronom. réfl. Se fâcher, se vexer. Tu aurais pu, chère Louise, te dispenser de te piquer pour ma malheureuse plaisanterie sur d'Arpentigny (FLAUB., Corresp., 1852, p.377). Comme chacun des jeunes gens réclamait la note avec une indifférence enjouée, Gilbert se piqua et tint à la régler seul (ARLAND, Ordre, 1929, p.422).
Se piquer contre qqn (vieilli). On peut être sublime de charité dans une peste et se piquer contre le prochain dans une simple dispute théologique (SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t.1, 1840, p.506).
2. Proverbe. Qui s'y frotte s'y pique (v. frotter B 2 b). Cette grande dame devait me perdre: je n'ai eu qu'à souffler sur elle, et elle n'ose plus se montrer (...). On sait maintenant que qui s'y frotte s'y pique (AUGIER, Effrontés, 1861, p.386).
3. [L'objet désigne une pers. ou une faculté humaine] Exciter, stimuler vivement. Synon. aiguillonner, chatouiller, enflammer, éveiller. Tout ce qui put piquer le goût fut essayé comme assaisonnement ou employé comme tel (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, 1825, p.265). Ce qui piquait le plus ma curiosité était de savoir comment l'acteur chargé du rôle d'Hamlet se tirerait de ce mélange de bouffonneries et de choses terribles (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p.455). Les circonstances romanesques de la vie de Christophe ne contribuèrent pas peu à piquer l'attention (ROLLAND, J.-Chr., Maison, 1909, p.1073).
Piquer d'honneur.
Empl. pronom. réfl.
Se piquer d'honneur. Se piquer le nez (pop.). Se piquer au jeu.
Se piquer de qqc., de faire qqc. Prétendre posséder une aptitude, une qualité particulière dont on s'enorgueillit. Synon. se flatter (de), se vanter (de), se faire fort (de), se faire gloire (de). Se piquer de distinction, d'élégance, de littérature, de poésie; se piquer de savoir chanter, composer, d'avoir du goût, d'être au courant, à la mode. M. Bourdon donne là un bon exemple à ses confrères qui ne se piquent pas généralement d'exactitude (BECQUE, Corbeaux, 1882, I, 10, p.93). Le baron de Malefroi, qui se piquait d'être poète, ayant fait rimer rose avec prose (AYMÉ, Clérambard, 1950, II, 9, p.119):
11. Il songeait qu'un fils de cet âge le poserait, l'installerait définitivement dans son rôle de veuf remarié, riche et sérieux. Lorsqu'il annonça son projet à Renée, à l'égard de laquelle il se piquait d'une extrême galanterie, elle lui répondit négligemment: —C'est cela, faites venir le gamin...
ZOLA, Curée, 1872, p.403.
II. A. —Fixer (quelque chose sur quelque chose, deux choses entre elles) en traversant à l'aide d'une aiguille, d'une pointe; transpercer. Piquer des papillons sur un support, des photos au mur. Heureux les gens qui ont passé leurs jours à piquer des insectes sur des feuilles de liège (FLAUB., Corresp., 1846, p.209). Elle piquait sur une aiguille à tricoter des quartiers d'orange, des dattes, des pruneaux (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p.93).
P. métaph. [En parlant d'un portraitiste] M. Degas, en attendant qu'elles deviennent ouvreuses, chiromanciennes ou marcheuses, les pique, toutes vives, devant la rampe [les danseuses] (HUYSMANS, Art mod., 1883, p.134).
P. anal. [Toutes ces choses] faisaient de cette chambre une sorte de chapelle où le soleil (...) piquait sur les murs, après avoir rosé l'aubépine des rideaux, des lueurs aussi étranges que si la petite chapelle avait été enclose dans une plus grande nef à vitraux (PROUST, Past. et mél., 1919, p.233).
B.Spécialement
1. COUT., SELLERIE. Faire passer un ou plusieurs fils alternativement d'un côté à l'autre d'une ou plusieurs épaisseurs de tissu, de cuir, en les traversant au moyen d'une aiguille, afin d'obtenir une suite continue et régulière de points. Piquer du jersey, du taffetas, du velours; piquer une encolure, des poignets; piquer une semelle, une tige de chaussure; piquer à la machine. Sa fille unique, (...) très habile à piquer à la main les ourlets des chemises et aussi à jouer du piano (LARBAUD, Barnabooth, 1913, p.15). Une ouvrière se borne à piquer la doublure des manches, une autre les coutures du dos, une autre le col (Traité sociol., 1967, p.449):
12. ... il suivait son aiguille qui piquait le calicot avec un petit bruit cadencé; et il lui semblait que ce fil emportait et nouait un peu de leurs deux existences. Pendant des heures, elle aurait pu coudre, il serait resté là, à entendre le langage de l'aiguille...
ZOLA, Page amour, 1878, p.942.
Empl. abs. Elle savait tout faire: couper les vêtements d'homme, faufiler, piquer, broder, tricoter (DUHAMEL, Notaire Havre, 1933, p.61).
Empl. subst. On entendait le piquer de l'aiguille et le tirer de la laine que la princesse passait brusquement dans le canevas (CHATEAUBR., Mém., t.4, 1848, p.269).
2. IMPR. Carte à piquer. ,,Carte laminée sur laquelle les épreuves tirées sur papier à report sont assemblées suivant un tracé déterminé`` (Lar. encyclop.). Piquer une épreuve (lithographique). ,,Fixer sur la carte à piquer, en frappant avec une pointe, les épreuves lithographiques qui doivent être reportées sur pierre ou sur zinc`` (Lar. encyclop. et Lar. Lang. fr.).
3. RELIURE. ,,Procéder au brochage d'un volume avec un fil métallique`` (Lar. Lang. fr.).
4. TECHNOL. Brancher une canalisation annexe sur une canalisation principale; poser un robinet sur une conduite. (Dict. XIXe et XXes.).
III. A. 1. Faire pénétrer (quelque chose) par la pointe. Synon. ficher, planter. Piquer une aiguille dans une étoffe, des épingles sur une pelote, des clous de girofle dans un oignon, une fourchette dans un aliment. Après avoir masqué le dôme avec du blanc d'oeuf (...), vous le glacez avec du sucre fin, ensuite vous y piquez avec symétrie les filets de pistaches (Gdes heures cuis. fr., Carême, 1833, p.150). Comme le chef avait une mince cravate noire qui ne pouvait porter d'épingle, il piqua le bijou sur le revers de sa redingote (MAUPASS., Contes et nouv., t.1, Hérit., 1884, p.528):
13. ... il revint à l'enfant, souleva le petit bras inanimé, le badigeonna d'iode, découvrit le vaisseau d'un coup de bistouri, glissa la sonde dessous et piqua l'aiguille dans la veine. —«Ça passe», cria-t-il. «Prenez le pouls. Moi, je ne bouge plus.»
MARTIN DU G., Thib., Belle sais., 1923, p.876.
Empl. pronom.
a) réfl. indir. Les petits bouquets de jasmin montés sur des rondelles de carton, que des gamins vendent aux femmes —celles qui n'ont pas de chapeau —et qu'elles se piquent dans les cheveux (T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1933, p.64).
b) à valeur passive. Un enseigne assis à côté de moi s'amusait (...) à laisser tomber la pointe en bas, sur les planches du tillac, le poignard que les officiers de marine portent ordinairement en petite tenue. C'est un amusement (...) qui exige de l'adresse pour que la pointe se pique bien perpendiculairement dans le bois (MÉRIMÉE, Mosaïque, 1833, p.117).
2. En partic. Établir, planter en terre. Piquer un bâton dans le sol. J'arrivai près d'un petit étang sur les bords duquel je fis piquer ma tente (DU CAMP, Nil, 1854, p.78). Courbe-toi pour piquer un poireau. Repique-le parce que tu es tombé sur une motte (GIRAUDOUX, Électre, 1937, I, 3, p.57).
P. anal. (d'aspect). Piquer un chapeau sur sa tête. Le président, en jaquette et pantalon rayé, sera derechef piqué sur son fauteuil (MAURIAC, Nouv. Bloc-Notes, 1961, p.156).
Empl. pronom. Synon. se planter (fam.). On arrivait bien en avance... On se piquait là-haut dans le virage... On s'embêtait pas une seconde... (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.395).
B.P. anal. (avec la rapidité du mouvement, la manière de l'effectuer)
1. a) [Le suj. désigne un oiseau] Effectuer rapidement un mouvement descendant et (presque) vertical. L'aigle pique sur sa proie. De temps en temps l'une [des mouettes] (...) piquait dans l'eau, comme une pierre, et remontait en tournoyant (ALAIN, Propos, 1907, p.12).
P. anal. [En parlant d'un avion] Descendre brusquement selon une trajectoire presque verticale (avant de se redresser rapidement). Un voyageur qui venait du Luxembourg avait vu un aviateur français piquer droit sur un Zeppelin, —et le crever, comme une bulle de savon! (MARTIN DU G., Thib., Été 14, 1936, p.669). Les avions piquent très bas, on dirait qu'ils veulent s'enfoncer comme des clous dans la rue étroite (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.406).
b) [Le suj. désigne une pers., un animal, p.méton. un objet doté de mouvement] Se diriger, se lancer rapidement vers un objectif. Piquer au plus court. On piqua droit sur les tentes; il faisait chaud, et nous avions encore à traverser une longue lisière de sables jaunes (FROMENTIN, Été Sahara, 1857, p.55). Le grand navire piquait son chemin tout droit, sans rouler, sur l'eau clapotante (MILLE, Barnavaux, 1908, p.251):
14. ... ils auraient bien voulu se glisser dans leur bateau et piquer au large, dériver, retrouver sur la mer vacante, si douce, leurs gestes de tous les jours, —si maladroits, si empêtrés d'eux-mêmes ils se trouvaient sur cette terre délabrée, aux tristes joies.
GRACQ, Beau tén., 1945, p.68.
MAR. Piquer dans le vent, piquer au vent. Mettre le cap vers le vent (d'apr. JAL1, GRUSS 1978).
c) Locutions
Piquer du nez. Plonger, tomber tête en avant. Les goujons, ventre en l'air, viraient au bord des larges goulots, oscillaient une hésitante seconde, et, d'un coup de queue vif (...) piquaient du nez vers les ténèbres fraîches (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.19). Je montai en courant les trois étages d'un marchepied qui se dépliait, et, butant, je vins piquer du nez sur les genoux d'une affreuse vieille dame (GYP, Souv. pte fille, 1928, p.88).
Piquer une tête. Plonger, se jeter à l'eau. Si je ne travaillais pas, je n'aurais plus qu'à piquer une tête dans la rivière avec une pierre au cou (FLAUB., Corresp., 1872, p.62). L'on vit l'étrange ambassadeur se déshabiller tout nu, piquer une tête dans la flotte et nager sans hésitation vers le rivage (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.181).
P. métaph. Rabot piqua une tête vers la portière, lancé en avant par une poussée de sa femme (MAUPASS., Contes et nouv., t.1, Bête à mait'Belh., 1885, p.195). Piquer une tête en hauteur dans l'indépendance, dans l'accordéon, ça se solde par quoi, au juste, ces boniments? (AUDIBERTI, Femmes Boeuf, 1948, p.128).
Piquer un cent mètres, un galop, un sprint. Se mettre à courir, se précipiter (vers quelqu'un, quelque chose). Et la chanson continua (...), au train enragé du petit cheval qui s'emballait maintenant à tous les retours du refrain, et piquait chaque fois ses cent mètres de galop, à la grande joie des voyageurs (MAUPASS.,Contes et nouv., Mais. Tellier, 1881, p.1200). Lavelongue piquait un cent mètres, j'étais sa manie... Je l'avais tout de suite sur le paletot (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.166).
Piquer des deux. V. supra I B 2 a.
CHASSE. Piquer à la queue des chiens. Se lancer à leur suite, les serrer de près pour les diriger. (Dict.XIXe et XXes.). Piquer dans le fort. ,,Pousser son cheval dans le plus épais du bois`` (Vén. 1974; dict.XIXe et XXes.).
d) Au fig., fam. Avoir un accès soudain (de), éprouver, manifester brusquement une envie de quelque chose, de faire quelque chose. Piquer une colère, une crise de nerfs, un fou-rire, une rage, un quarante de fièvre. Tout à coup, battant des mains, sautant, dansant, pirouettant sur place à en tomber d'hystérie et à piquer une crise, elle se mettait à chanter (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.87). Quand elle rentrait elle était plus hargneuse que de coutume; ça n'est pas peu dire; tout prétexte lui était bon pour piquer des colères (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.162):
15. Non, ajouta-t-il avec un accent chargé d'une terrible rancune, je refuserai toujours de faire le cabotin et de piquer des cris d'enthousiasme ou de colère à heure fixe, pour faire jouir les crétins...
ABELLIO, Pacifiques, 1946, p.25.
Piquer un fard, un soleil (fam.). Rougir sous l'effet d'une émotion soudaine. À peine avait-il dit ces mots que le duc piqua ce qu'on appelle un soleil (PROUST, Sodome, 1922, p.718). Je n'ai pas fini de piquer un fard à l'évocation de cette histoire qui n'est pas vieille de deux ans (H. BAZIN, Huile sur feu, 1954, p.39).
Piquer un chien1 (vieilli), un roupillon (pop.), un somme. Faire un somme, dormir un moment. Je vais (...) m'étendre sur mon divan rouge afin de piquer un chien, si faire se peut (FLAUB., Corresp., 1877, p.101). Volpatte manifeste l'intention de «piquer un roupillon» et il s'installe par terre, adossé à une paroi (BARBUSSE, Feu, 1916, p.238).
2. Frapper quelque chose d'un coup sec. Piquer le sol de coups de sabot.
Spécialement
a) CHORÉGR. Piquer la pointe. ,,Poser directement la pointe d'un pied à terre, la plante des pieds et les orteils restant entièrement soulevés`` (REYNA 1967). Pour piquer la pointe (...) le corps repose sur un pied posé à plat (MEUNIER, Danse class., 1931, p.211). Piquer la pointe gauche à terre à quatre demi-pieds de distance de la jambe de position (BOURGAT, Techn. danse, 1959, p.116).
b) JEUX
) BILLARD. Piquer la bille. Toucher la bille perpendiculairement avec la queue. (Dict. XIXe et XXes.).
) JEUX DE CARTES, arg. Piquer la carte.
c) MAR. Piquer la cloche, piquer l'heure. Frapper la cloche du bord autant de fois que de demi-heures écoulées depuis le début du quart. Ayant entendu piquer quatre heures, je descendis dans ma chambre (DUMONT D'URVILLE, Voy. autour du monde, t.5, 1832-34, p.249). Pique huit! cria soudainement le second qui était de quart. Et le mousse frappa sur la cloche les huit coups de minuit (CENDRARS, Dan Yack, Plan de l'Aiguille, 1929, p.43).
P. méton. Lorsque l'horloge du bord piquera le quart après minuit, je redescendrai dans la cale (DUMAS père, Jeunesse Mousquet., 1849, V, 11, p.378). Midi sonne à la tour de la Douane, la boule du sémaphore tombe, tous les bateaux piquent l'heure (CLAUDEL, Connaiss. Est, 1907, p.98).
d) MUS. Piquer la note, une note. Jouer une note en la détachant vivement, rapidement. Le Staccato se pratiquant (...) en piquant chaque note d'un coup sec (WIDOR, Techn. orch. mod., 1904, p.208). Le signe de liaison indique qu'il faut faire [les] deux notes du même sens de l'archet, (...) ensuite l'on pique la brève avec plus ou moins de force (LAURENCIE, Éc. fr. violon, 1924, p.53).
e) TECHNOL. Frapper (un matériau, un appareil, une pièce quelconque) pour nettoyer, détacher certains fragments, etc. Piquer la houille. Un ouvrier (...), au moyen d'un marteau spécial, pique la chaudière à coups répétés qui détachent en éclats la couche d'incrustation (SER, Phys. industr., 1890, p.237). Pendant qu'il alimente sa machine, le mécanicien pique d'habitude son feu, c'est-à-dire qu'il fait tomber à travers la grille le mâchefer et les cendres (BRICKA, Cours ch. de fer, t.2, 1894, p.104).
Piquer la rouille. Marteler une pièce métallique pour en détacher les plaques de rouille. Je pense à toi, au pont de l'Antoinette où je piquais la rouille, dans l'embrun, en détournant la tête pour qu'on ne me vît pas pleurer (GENEVOIX, Avent. en nous, 1952, p.211).
Prononc. et Orth.:[pike], (il) pique [pik]. Ac. 1694: picquer; dep. 1718: piquer. Étymol. et Hist.I. 2e moitié XIIIes. [ms.] «démolir à coups de pics» (Élie de Saint Gille, éd. W. Foerster, 2432). II. A. 1. Ca 1306 «percer avec la pointe d'une épée» (JOINVILLE, La Vie de St Louis, éd. N. L. Corbett, 224); d'où a) 1541 [date de l'éd.] «faire une piqûre (d'insectes)» (JEAN DE BRIE, Le Bon Berger, éd. P. Lacroix, p.58); 1585 et ne say quelle mouche l'avoit piquee (N. DU FAIL, Contes d'Eutrapel, II, p.282 ds IGLF); b) ca 1480 «faire un trou, ronger (en parlant des vers)» (Mystere du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 31601); 1832 qui n'est pas piqué des vers (Les Amours de Mahieu, Chanson ds LARCHEY, Excentr. lang., 1865, p.253); c) 1538 «aiguillonner un animal» (EST.); d) id. «ficher en terre» (ibid.); e) 1572, 15 sept. cout. courtepoincte picquee (Vente du Mobilier de Claude Gouffier, duc de Roannes ds HAVARD); 1606 «coudre deux étoffes ensemble» (CRESPIN); f) 1660 «larder de la viande» (OUDIN Esp.-Fr.); g) 1671 méd. «percer la peau avec une lancette» (POMEY); 2. spéc. a) 1721 mus. note piquee «rendue par un coup sec et détaché et marquée par un point allongé» (Trév.); b) 1773 mar. piquer au vent «aller à l'encontre du vent» (J. BOURDÉ DE VILLEHUET, Manuel des marins); c) 1831 piquer un chien «dormir» (MUSSET ds Le Temps, p.75); d) 1835 piquer la bille «toucher perpendiculairement avec la queue (au billard)» (Ac.); e) 1842, 31 août piquer une tête «tomber la tête la première» (E. BRIFFAULT, Historiettes contemporaines, 9 ds QUEM. DDL t.12) ; f) 1844 piquer un soleil (d'apr. ESN., s.v. soleil); g) 1858 piquer une carte «marquer d'un signe pour tricher» (LARCH., p.653); h) id. se piquer le nez «s'enivrer» (ibid.); i) 1908, 7 oct. aviat. (L'Auto ds PETIOT). B. Fin XIVes. «voler au passage» (EUSTACHE DESCHAMPS, Balades, Tout se perd, le monde et l'Eglise, 27, éd. Queux de Saint-Hilaire, VI, 249); 1694 piquer les tables «vivre en parasite» (Ac.); 1807 piquer l'assiette (MICHEL (J.-F.) Expr. vic., p.152). C. 1393 p.métaph. et fig. «donner la sensation d'entamer avec une pointe» (Ménagier de Paris, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, p.264, 29); 1580 piquer la langue (B. PALISSY, Disc. admir., p.460 ds IGLF); 1671 piquer le goût «affecter le goût de sorte que la langue semble en être piquée» (POMEY); d'où 1835 se piquer «commencer à s'aigrir (du vin)» (Ac.). D. 1456-67 «donner de l'éperon à un cheval» (Les Cent Nouvelles Nouvelles, éd. F. P. Sweetser, 65, 44); 1484 «s'élancer sur son cheval» (J. DE ROYE, Chron. Scand., II, 39 ds IGLF); 1688 piquer des deux «donner des deux éperons à un cheval» (RICH.). III. 1. 1456-67 piquier son chemin «se sauver à pied en courant» (Les Cent Nouvelles Nouvelles, 50, 39); 2. a) 1596 piquer la cloche «faire résonner avec un marteau» (Compt. d'Et. Caillat, Arch. mun. Avallon, CC 203 ds GDF.); b) 1773 mar. piquer l'horloge (J. BOURDÉ DE VILLEHUET, Manuel des marins); c) 1836 id. piquer l'heure (Ac. Suppl.); 3. a) 1636 «piquer le trait d'un dessin pour en faire des copies» (MONET); b) 1676 piquer le grais (FÉLIBIEN); c) id. «marquer (sur du bois) l'ouvrage qu'il faut y faire» (ibid.); d) 1765 piquer une serrure «tracer les places où doivent être posées les pièces» (Encyclop.). IV. 1. a) 1458 «fâcher» (ARNOUL GREBAN, Mystère de la Passion, éd. O. Jodogne, 13414); verbe réfl. ca 1590 (MONTAIGNE, Essais, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, I, 21, 102); b) 1588 se piquer à «s'entêter à» (ID., ibid., III, 6, 903); c) 1623 se piquer de «se vanter de» (SOREL, Francion, 212 ds IGLF); d) 1644 se piquer d'honneur «faire paraître sa générosité en quelque occasion» (CORNEILLE, Le Menteur, IV, 6); 2. 1615 «exciter, provoquer quelqu'un» (A. D'AUBIGNÉ, Tragiques, I, p.4 ds IGLF). I dér. de pic; dés. -er. II du lat. pop. «piquer, frapper» qui existe dans toutes les lang. rom. dont le cat., esp., port. (picar), à l'exception du roum., dér. prob. d'une onomat. pikk, où la voyelle i exprime ce qui pique, les 2 consonnes explosives sourdes, le début d'un mouvement qui dure un moment, la gutturale dure exprimant le bruit d'un coup sec sur un objet. On trouve de telles formations en all., sans qu'il soit nécessaire d'y chercher l'orig. de la famille des lang. rom. (FEW t.8, p.470b): en lat. class. l'onomat. pic se trouve déjà à l'orig. du subst. (v. pic-vert). Fréq. abs. littér.:1505. Fréq. rel. littér.: XIXes.: a) 1495, b) 2397; XXes.: a) 2332, b) 2441.
DÉR. Piquoir, subst. masc. Aiguille emmanchée, utilisée pour piquer un dessin. (Dict.XIXe et XXes.). []. 1res attest. 1765 piquois (Encyclop.), 1842 piquoir (Ac. Compl.); de piquer, suff. -oir.
BBG. —DAUZAT Ling. fr. 1946, p.157. —QUEM. DDL t.2, 6, 16. —SCHUCHARDT (H.). Romanische Etymologien. Sitzungsberichte der philosophisch-historischen Klasse der kaiserlichen Akademie der Wissenschaften. 1899, t.141, n° 3, p.175.

piquer [pike] v.
ÉTYM. 1130; lat. pop. pikkare, du lat. class. picus « pivert », « pic », d'orig. préromane et expressive. → aussi Poindre.
———
I
A V. tr.
1 Entamer légèrement ou percer avec une pointe (ou en parlant d'une pointe). || Piquer qqch. avec une épingle, une aiguille, un objet pointu… || Piquer la perche dans le butoir (au saut à la perche). Piquage. || Bec d'oiseau qui pique un mollusque (→ Filamenteux, cit.). || Piquer sa viande avec sa fourchette. || Saucisse qu'on pique à la fourchette (→ Frite, cit. 2).(Avec une arme acérée). Vx. || Les archers piquaient leurs victimes (→ Massacreur, cit. 1). || Piquer qqn au vif, jusqu'au sang (→ ci-dessous, I., A., 7.).Piquer le flanc des bœufs pour les faire avancer. Aiguillonner (→ Gaule, cit. 2). || Piquer (son cheval) des éperons (cit. 4). Éperonner. || Il piqua son cheval (cit. 22).Absolt. || Un objet qui pique. Piquant.
1 Pierre, qui mangeait des flageolets et les piquait un à un avec une pointe de sa fourchette, comme s'il les eût embrochés (…)
Maupassant, Pierre et Jean, IV.
2 Alors il piqua son cheval et s'élança derrière le loup.
Maupassant, Clair de lune, « Le loup ».
3 Debout sur son chariot, un bouvier nu, armé d'un aiguillon, pique ses deux bœufs bossus (…)
F. de Croisset, la Féerie cinghalaise, p. 40.
Loc. Vx. Piquer l'assiette ( Pique-assiette).Piquer la table : manger.
Techn. || Piquer un dessin, le tracer en perçant de petits trous. || Piquer avec une roulette.Piquer un moellon, une pierre, y pratiquer de petits trous superficiels pour faciliter l'accrochage du plâtre, du mortier, etc. (on dit aussi : pointer).
(Le sujet désigne un insecte, ou un animal comparable). Percer en enfonçant un aiguillon, un chélicère, un dard (pour se défendre) ou un suçoir, un stylet (pour sucer le sang). || Se faire piquer par une guêpe, une araignée, un moustique, une puce, un scorpion… || « La fourmi le pique au talon » (→ Apprêter, cit. 19). || Mouche qui pique les chevaux (→ Animer, cit. 19), l'échine du lion (→ Naseau, cit. 1).Absolt. || Un insecte inoffensif, qui ne pique pas. — ☑ Fig. Quelle mouche (cit. 9) le pique ? Mouche. || Être piqué de la tarentule. Tarentule; ci-dessous piqué, A., 2.
4 Elle a été piquée au doigt par un scorpion (…) L'on a aussitôt cautérisé la plaie et tué l'animal (…)
F. de Croisset, la Féerie cinghalaise, p. 95.
5 Eh bien ! ces cousins, dont tu te plains, sont une nuée de petits chirurgiens ailés qui viennent avec leurs petites lancettes te piquer et te tirer du sang goutte à goutte.
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 721.
Par ext. (Serpents). Mordre, enfoncer ses crochets (dents) dans la chair de. Mordre. || « Un serpent piqua Jean Fréron » (→ Crever, cit. 19, Voltaire).Par métaphore (→ Médisant, cit. 3).
Percer la peau de (qqn) avec une lancette, une aiguille. Piqûre, ponction; acupuncture. || On piquait les malades pour pratiquer des saignées. || Piquer qqn au bras, à l'épaule, à la fesse pour injecter un médicament, un vaccin. Vacciner. (Au passif). || Il a été piqué contre la variole.Faire piquer un animal domestique (malade, blessé, etc.), lui faire faire une piqûre entraînant une mort rapide.
(Le compl. désigne la partie piquée) :
6 Il tire le flacon de sa poche, l'agite, ajuste l'aiguille à la seringue (…) « J'ai saigné le bras gauche », se dit Antoine, « piquons le droit ».
Il pince un pli de chair et lève la seringue (…) L'aiguille s'enfonce d'un coup sec. Une plainte échappe au dormeur; l'épaule a frémi. Dans le silence, la voix d'Antoine : « — Bouge pas (…) C'est pour te soulager, Père… » (…) Antoine retire l'aiguille d'un geste prompt, essuie la place gonflée où suinte une perle rose, puis il reboutonne la chemise et relève la couverture.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 184.
Argot. || Piquer qqn, lui donner un coup de couteau.
Loc. (En emploi absolu). Piquer des deux : piquer son cheval, les flancs de son cheval, avec les deux éperons (→ ci-dessous C.).
2 Cuis. Garnir d'un ingrédient, par des trous pratiqués en piquant. || Piquer de la viande. || Piquer d'ail un rôti.Au p. p. || Rôti piqué d'ail. Adj. Lardé. || Faisan piqué menu (→ Pâté, cit. 2). || Veau piqué.
3 Fixer en traversant d'une épingle, d'une aiguille, etc. || Piquer des papillons (cit. 1) avec des épingles. || Piquer un papier au mur avec une punaise.Cout. Attacher, assembler à l'aiguille en faisant passer un fil. || Piquer un tissu d'espace en espace. Capitonner.Vx. Assembler deux étoffes par un point de piqûre exécuté à la main. || Piquer une étoffe des deux côtés. Contrepointer.
4 (Par anal. d'aspect; le sujet désigne un animal, un insecte). Parsemer de petits trous. Trouer. || Les vers piquent le bois. Attaquer, ronger.Au p. p. || Meuble ancien piqué des vers. Vermoulu.
(1837). Fig. et fam. N'être pas piqué des vers, des hannetons (cit. 5) : être excellent, très réussi.
7 Si vous aviez mis le pied au faubourg où j'ai souvent passé les nuits, vous auriez vu un petit casse-noisette de mon invention qui n'est pas piqué des vers.
Balzac, César Birotteau, Pl., t. V, p. 507.
(Sujet n. de chose). Semer de points, de petites taches. || L'humidité pique les miroirs (→ ci-dessous Se piquer), le papier.P. p. || Des mains (cit. 5) piquées de taches de rousseur. || Tissus piqués de flocons (cit. 2) rouges. Moucheter, piqueter, tacheter. || Pénombre piquée de petites lumières. Parsemé. (Poét. à la forme active). || Étoiles (cit. 3) piquant le bleu pâle du zénith.(Avec un sing.). Rare. Marquer d'un point, trouer (fig.). || La campagne était piquée d'un feu rouge (→ Étoiler, cit. 2).
8 Son visage fin, très pâle, un peu piqué de rousseur, était penché et tourné vers nous (…)
Alain-Fournier, le Grand Meaulnes, II, III.
9 Au loin dans la plaine, du côté d'Amiens, des points lumineux piquèrent de leur éclat bref le ciel que poudrait l'or des étoiles.
A. Maurois, les Discours du Dr O'Grady, XI.
Techn. || Piquer un dessin, rehausser les blancs de petites touches de gouache.
Jeu. || Piquer une carte, la marquer pour la reconnaître pendant le jeu et pouvoir tricher.
5 (Par anal. de mouvement). Frapper vivement. || Le mulet (1. Mulet, cit. 1) pique le sable de coups de sabot.Mus. || Piquer une note. Détacher (→ Couper les sons, et ci-dessous, Note piquée). Billard. || Piquer la bille, la toucher perpendiculairement avec la queue.Techn. || Piquer la rouille : marteler une pièce métallique pour en faire tomber la rouille.Piquer une cloche, la frapper avec son battant.Mar. || Piquer la cloche, la faire sonner sans qu'elle n'oscille, en actionnant seulement le battant. || Piquer l'heure : frapper un coup par demi-heure écoulée depuis le début du quart. || Piquer deux coups. (Le sujet désigne ce qui marque l'heure) :
10 La cloche du vaisseau-amiral piqua deux coups doubles, — dix heures, selon la convention universelle des marins. — Et, sur tous les bâtiments, d'un bout à l'autre de la ligne, des cloches pareilles tintèrent et se répondirent.
Claude Farrère, la Bataille, XXV.
6 Par métaphore, fig. (Sujet n. de chose). a Donner la sensation d'entamer avec une pointe, des pointes. || Un lainage, un vêtement qui pique la peau. Démanger, gratter. || La pluie les pique de ses aiguilles (→ Fantassin, cit. 2). || Le froid (2. Froid, cit. 4) pique les yeux, la peau. Pincer. || La fumée pique les yeux, le nez. Picoter. || Saumure qui pique qqn à la gorge (→ Hareng, cit. 2). || L'eau oxygénée, la farine de moutarde piquent la peau. Cuire; brûler.Spécialt. (En parlant des boissons gazeuses). || La limonade (cit. 2) pique la gorge.(Animaux, végétaux urticants). || Les orties l'ont piqué.Au passif. || Être piqué par des orties, par une méduse.
(Le compl. est un pron.). Donner une sensation de piqûre à (qqn). || Sa gorge le pique. || Ses yeux le piquèrent comme s'il allait pleurer (→ Étrangler, cit. 15).(Avec un compl. direct désignant la partie piquée et un pron. compl. ind.). → cit. 11.
11 Il ne baissa le front qu'un moment pour une ortie qui lui piquait les jambes, et qui lui fit la sensation d'une bête.
Hugo, l'Homme qui rit, I, I, VI.
12 … la fumée qui piqua les yeux encore pendant longtemps…
Céline, Voyage au bout de la nuit, p. 22.
b Absolt. || Une barbe qui pique, dure, rêche. || Un garçon qui commence à piquer (quand on l'embrasse). → Homme, cit. 156. — La brise, le vent piquait (→ Grésil, cit. 3).
Vin qui pique, un peu aigre. Piquette.
Fam. || De l'eau qui pique, gazeuse, pétillante.
13 Déjà fini ? Remettez de l'éther, que ça pique au moins, que ça pique !
G. Duhamel, Récits des temps de guerre, I, Hist. Carré et Lerondeau.
7 (XVe). Vieilli ou littér. (Compl. n. de personne; sujet abstrait). Blesser, irriter vivement. Agacer, aigrir, atteindre, égratigner, fâcher, froisser, irriter, offenser, vexer (cf. Piqûre d'épingle; lancer des piques). || Cette remarque l'a piqué au vif, jusqu'au sang; l'a piqué.Passif et p. p. (→ les cit. 14 et 15). || De bien d'autres traits il s'est senti piqué (→ Jamais, cit. 26).
14 Je fus piqué de la froideur avec laquelle il m'en parlait (…)
Molière, les Fourberies de Scapin, I, 2.
15 La petite fille joue la dignité; elle dit avec une indifférence affectée à travers laquelle on voit aisément qu'elle est piquée : On ne voit plus ce monsieur; c'est qu'apparemment il ne veut plus qu'on le voie; à la bonne heure, c'est son affaire (…)
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 702.
16 (…) Perrault s'appliqua de plus en plus à développer ses doctrines avec esprit et un mélange de légèreté et de bon sens qui ne laissait pas de séduire les indifférents et de piquer les adversaires.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 29 déc. 1851.
Mod., cour. Piquer au vif : blesser l'amour-propre de. || Le blâme (cit. 4) piquant au vif les cœurs généreux.
17 Si je l'avais rencontrée dans le monde pour lequel j'étais fait, et que j'aurais dû voir, cette impassibilité m'aurait très certainement piqué au vif (…)
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Rideau cramoisi ».
Vx. Piquer qqn d'honneur.
8 (XVIe). Exciter, faire une vive impression sur… Piquant (I.). || Piquer la curiosité de qqn. Chatouiller, éveiller, exciter (→ Paroxysme, cit. 2). || Cette lettre piqua ma curiosité. Intriguer.(Vx). Impressionner agréablement (qqn). || Des accents qui le piquent ou l'amusent (→ Effet, cit. 33; assortir, cit. 14).
18 Les contemporains de Périclès et de Platon n'ont pas besoin d'effets violents et imprévus qui piquent leur attention émoussée ou troublent leur sensibilité inquiète.
Taine, Philosophie de l'art, t. II, p. 165.
Absolument :
18.1 La grande victoire n'est plus de plaire ni de séduire : il faut avant tout piquer par la mine, par une légère irrégularité de lignes, par la fraîcheur, l'enjouement, l'étourderie, par tout ce qui sauve de l'administration ou du respect.
Ed. et J. de Goncourt, la Femme au XVIIIe s., t. II, p. 44.
B V. tr. (XIVe, E. Deschamps, en emploi absolu : « Chacun qui peut prend, happe et pique, pour avoir grand état et mise »). Fig.
1 Fam. a Voler. Barboter, chiper, dérober, faire, faucher… || On m'a piqué mon stylo. || Il s'est fait piquer son portefeuille. Pick-pocket; tirer. || Piquer des alliances (→ Macchabée, cit. 2).Absolt. || Il pique : il vole, il vole habituellement.
18.2 Gaspard, furieux. Et moi, ils m'ont pris mes timbres, deux carnets tout neufs !…
Manu. C'est tout ?… Ils ont rien fauché d'autre ?…
(Monseigneur, Gaspard, Géo et Roland qui passent leurs affaires en revue hochent la tête.)
roland. Dans les provisions, y manque rien.
Monseigneur. Ici non plus.
Géo. Ben moi, j'ai de la veine… Je crois qu'on m'a rien piqué.
J. Becker et J. Giovanni, le Trou (scénario), in l'Avant-Scène, no 13, p. 32.
(Au p. p.). || Il a essayé de revendre des fringues piquées.
b Par ext. Prendre, emprunter. || Tu m'as encore piqué mon crayon.
2 (Compl. n. de personne). Arrêter, se saisir de. Cueillir, épingler, pincer, prendre, sauter (argot). || Les flics l'ont piqué à la descente du train.
3 Argot a Argot scol. Attraper. || Piquer un zéro. || Se faire piquer à pomper pendant une compo.
b Attraper (une maladie).
C V. intr. et tr.1528; de piquer (son cheval) des deux (éperons).
1 V. intr. Vx. S'élancer sur son cheval. || Piquer au grand galop.Par ext. S'élancer rapidement en ligne droite. || Oiseau qui pique vers le ciel.
19 Il rebrousse hâtivement chemin et pique à travers le taillis pour rejoindre la grand'route.
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 121.
Cour. Tomber, s'enfoncer brusquement. || Mouette (cit. 3) qui pique dans l'eau et remonte en tournoyant.(1914). || Avion qui pique, qui descend brusquement presque à la verticale. Piqué (n. m.).Piquer du nez : tomber, le nez en avant. || Il piqua du nez et s'abattit sur le perron (→ 1. Partir, cit. 26). || L'avion pique du nez. || Navire qui pique de l'avant (→ aussi ci-dessous, II., piquer une tête).
20 (…) nos deux ivrognes piquèrent tête baissée dans la porte, l'enfoncèrent, et s'abattirent au milieu des choses avec une volée d'imprécations.
Baudelaire, Trad. E. Poe, Nouvelles histoires extraordinaires, « Le roi Peste ».
2 V. tr. || Piquer un galop. Faire. — ☑ Fig. et fam. Piquer un cent mètres : se mettre à courir très vite (sur une distance assez courte).
(1840). Faire brusquement (le compl. désigne un mouvement).
21 Le Vieux, soudain, plongea la tête comme on pique un plongeon, rétrécit ses épaules d'un mouvement frileux et s'assit (…).
Ch.-L. Philippe, Père Perdrix, II, V.
REM. Dans piquer un plongeon, la valeur concrète de l'intransitif (« tomber ») est sentie, comme dans piquer une tête (ci-dessous, cit. 26).
(1886). Fam. Piquer un somme, un roupillon : faire un somme, dormir un moment.Piquer une colère : avoir soudain un accès de colère. || Piquer une crise de nerfs.Piquer un fard, un soleil : rougir d'émotion.
22 Volpatte manifeste l'intention de « piquer un roupillon » et il s'installe par terre, adossé à une paroi, les semelles butées contre l'autre paroi.
H. Barbusse, le Feu, II, XIX.
23 Vers le soir Marc pique une rage de dents (…) La douleur devient si forte que nous nous décidons à faire une piqûre.
Gide, Retour du Tchad, VIII.
———
II
1 Enfoncer (qqch.) par la pointe. || Piquer des épingles sur une pelote. || Piquer sa fourchette dans sa viande (→ Entrecôte, cit. 2). || Il a piqué la médaille (cit. 6) militaire sur sa chemise. || Piquer une fleur dans ses cheveux. || Piquer des banderilles sur le cou du taureau. Planter.
24 Songez bien à ceci : celui qui relève l'épingle et la pique proprement au revers de son habit sauve un peu de travail humain (…).
Alain, Propos, 11 mars 1914, Une épingle.
25 Sans hâte, Mme Vonlauth piqua son aiguille dans son ouvrage, et se leva.
Martin du Gard, les Thibault, t. VII, p. 14.
2 (1842). Faire tomber, faire aller plus bas (inusité sauf dans la loc.).Loc. Piquer une tête : tomber, se jeter la tête la première, partir la tête en avant. || Piquer une tête contre la porte (→ Embardée, cit. 1). || Piquer une tête dans l'eau : plonger.
26 (…) on y pourrait bien courir la poste même en charrette à bœufs et s'en aller piquer une bonne tête dans la rivière qui est en bas et qui n'avertit personne.
G. Sand, François le Champi, XV.
——————
se piquer v. pron.
ÉTYM. (1580).
1 (Réfl.). Recevoir une piqûre. || Se piquer avec une aiguille, avec un chardon. || Se piquer en cousant. — ☑ Prov. Qui s'y frotte s'y pique, se dit en parlant d'une personne ou d'une chose qu'on ne peut affronter sans danger pour soi-même.Spécialt. Se faire une piqûre. || Il se pique lui-même et se passe d'infirmière. || Se piquer à la morphine (cit. 3).Absolt. || Se piquer : s'injecter un stupéfiant. || Une morphinomane (cit. 1) lui conseilla de se piquer. Shooter (anglic.); piquouser (se).
26.1 Tous ses gestes revenaient à celui de se piquer (car il prenait de l'héroïne en solution).
Drieu La Rochelle, le Feu follet, p. 45.
2 (Passif). Se couvrir de petites taches. || Un miroir qui se pique. || Les livres exposés à l'humidité se piquent. || Quatre punaises piquées de rouille (→ Fixer, cit. 2). || Confitures qui se piquent, se couvrent de taches de moisissure. || Vin qui se pique, qui s'altère et s'aigrit.
3 Fig., littér. Se froisser, se vexer. Fâcher (se), formaliser (se), froisser (se), offenser (s'), vexer (se). || Il s'est piqué de mon refus. || « C'est un homme qui se pique du moindre mot qu'on lui dit » (Académie).Vx. || Se piquer contre quelqu'un.
27 (…) les véritables précieuses auraient tort de se piquer lorsqu'on joue les ridicules qui les imitent mal.
Molière, les Précieuses ridicules, Préface.
4 Vx. || Se piquer à… : prendre à cœur, prendre au sérieux. (Vx au sens général). || Nous nous piquons à nos opinions (→ Discuter, cit. 8).Spécialt.Se piquer au jeu. Jeu (infra cit. 39); opiniâtrer (s'). || On se pique au jeu et cela devient une marotte (cit. 5).
5 Se piquer de… a Vx. Se vanter auprès des autres de la possession d'un bien, d'une qualité (→ Interrompre, cit. 7).
28 (…) se piquer d'avoir un ancien château à tourelles, à créneaux et à mâchicoulis (…)
La Bruyère, les Caractères, VIII, 19.
b Mod. Prétendre avoir (telle qualité, tel avantage) que l'on met son point d'honneur à posséder. Glorifier (se), vanter (se). → Avoir la prétention de, faire profession de… || Se piquer d'élégance (→ Laconique, cit. 1), de bel esprit, de ponctualité.Se piquer d'honneur. || Se piquer de littérature, de connaissances littéraires.(Suivi d'un inf.). Se faire fort de… || Se piquer d'être habile (→ Flatteur, cit. 5). || Peuple qui se pique d'être le plus subtil (→ Aujourd'hui, cit. 15). || Les familles qui se piquent le plus d'être honorablement établies (→ Abondance, cit. 3). || Il se pique à présent d'écrire des livres !
29 Faisant tel bruit et tel fracas
Que moi, qui, grâce aux dieux, de courage me pique,
En ai pris la fuite de peur (…)
La Fontaine, Fables, VI, 5.
30 Le vrai honnête homme est celui qui ne se pique de rien.
La Rochefoucauld, Maximes, 203.
31 Quant à son caractère, je le crois vif et emporté, mais vertueux et ferme; il se pique de philosophie, et de ces principes dont nous avons autrefois parlé.
Rousseau, Julie ou la Nouvelle Héloïse, I, XLV.
32 (…) félicitons-nous de ce que la noble langue de notre patrie soit parlée ou tout au moins bégayée, en quelque endroit qu'on se trouve, par quiconque se pique d'être bien élevé, instruit et intelligent.
Th. Gautier, Voyage en Russie, I, III.
33 (…) même il lui arrivait d'ouvrir un livre, car elle se piquait de littérature.
Zola, Nana, X.
34 (…) je me pique de délicatesse en matière de foi.
France, la Rôtisserie de la reine Pédauque, VI, Œ, t. VIII, p. 61.
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piqué, ée p. p. adj.
Emplois spéciaux; d'autres emplois sont mentionnés ci-dessus ou virtuels; cf. ci-dessus I., A., 1., avoir une main piquée (par une abeille), malade piqué, vacciné; 2., du veau piqué; 4., pas piqué des vers, cf. ci-dessous 4.; 7., une personne piquée, vexée; piquée au vif; 8., curiosité piquée; I., B., 1., objets piqués, volés; I., C., galop piqué; II., 1., fleurs piquées.Par compar. (de fruit piqué) :
34.1 Tais-toi…, ça me dégoûte… Et puis, ne parle plus de ce type… C'est un dégueulasse…, un fou…
Oh ! non, il n'est pas fou… Il est « piqué »… comme un fruit… gâté… Et il le sait… Alors, il abîme les autres, ça le console…
J. Prévert, le Jour se lève (scénario), in l'Avant Scène, no 53, p. 33.
A
1 Tracé avec de petits trous. || Dessin piqué.Taillé en laissant de petits trous. || Moellon piqué.
2 (1899). Fam. (Personnes; de la piqûre d'insecte). Cinglé, fou, timbré. || Il est un peu piqué.
34.2 Y a aussi d'quoi vous rendre piqué pour le restant d'ses jours ! I's étaient six frères, tu sais. Y en a eu quatre de clam'cés : deux en Alsace, un en Champagne, un en Argonne.
H. Barbusse, le Feu, t. II, p. 23.
35 Vous entendez ce que dit Janine ? Je me demande si cette enfant n'est pas un peu piquée ! Savez-vous ce qu'elle voudrait pour Noël ?
Colette, Belles saisons, p. 106.
N. || C'est un vrai piqué, une vieille piquée.
35.1 Tu t'es fait des illusions, voilà tout, et ta tante qui est une vieille piquée s'en est fait plus que tout autre. Moi, je suis là pour faire un coup et je vais le faire.
J. Anouilh, le Bal des voleurs, 1938, p. 186.
3 Cousu par un point de piqûre; souvent, cousu à la machine.Spécialt. Se dit d'un assemblage de deux tissus (entre lesquels on place parfois un molleton) maintenus par des piqûres formant des dessins réguliers. || Couvre-pied en soie piquée.
N. m. || Du piqué, tissu façonné de coton, de soie, de rayonne, de nylon… dont le tissage forme des côtes, ou d'autres dessins géométriques. || Piqué de coton. || Une robe bleue garnie d'un col de piqué blanc.
36 Un habit de pékin bleu de France, à très larges basques, à revers étroits, liserés d'or, laissait voir par devant un gilet de piqué anglais.
Nerval, le Marquis de Fayolle, Prologue, IV.
37 (…) ces grands et excellents couvre-pieds en indienne ouatée et piquée que les Juifs vendent assez bon marché à Palma.
G. Sand, Un hiver à Majorque, III, III.
38 Une vieille femme montra sa coiffe de piqué derrière une fenêtre, puis se retira vivement.
H. Bosco, le Jardin d'Hyacinthe, p. 47.
tableau Noms et types de tissus.
4 (Du sens I., A., 4.). Marqué par de petites taches sombres, en parlant du papier, des miroirs. || Livre ancien piqué. || Faire refaire une glace piquée.Diamant piqué, qui a de petites inclusions.
5 Altéré par un mycoderme, en parlant de boissons. || Un vin piqué. Acide.
6 (Du sens I., A., 5.). Mus. || Note piquée, qui se joue en frappant la touche et en la lâchant aussitôt, par oppos. note tenue. Détaché. || La note piquée est indiquée par un point qui la surmonte.Par ext. || Un passage piqué, joué piqué. Staccato (contr. legato).
N. m. || Un piqué léger.
B N. m.
1 Mouvement par lequel un avion se laisse tomber presque à la verticale et se redresse brusquement à l'approche du sol. || Un piqué à la verticale.En piqué. || Une descente en piqué. || Bombardement en piqué.
39 — Orage ! crie le pilote, montrant le mouvement de la main. C'est la manœuvre qu'on emploie pour se libérer du vent d'ouragan, quand les commandes ne répondent plus : piquer de tout le poids de l'avion. Magnin proteste (…) le phare (de D. C. A.) suivra le piqué. Il montre, de la main aussi, la glissade sur l'aile, suivie d'un virage.
Malraux, l'Espoir, II, I, I, II.
Mouvement par lequel on pique la bille, au billard. || « Elle réalise un “massé” par ci, un “piqué” par là… » (F Magazine, févr. 1981, p. 36).
2 Danse. « Suite de pas caractérisée par des alternances d'équilibre sur demi-pointes et d'élévations de jambes accompagnant la station d'un pied à plat » (M. Bourgat). || Exécuter un piqué.
3 Netteté extrême des moindres détails, dans une photographie.
40 (…) la reproduction des fréquences élevées a donné aux enregistrements une plus grande précision qu'on peut comparer au « piqué » ou à la finesse d'une photographie.
P. Gilotaux, l'Industrie du disque, p. 72.
DÉR. Picoter. — Piquage, piquant, 2. pique, 1. piquet, 1. piqueter (2.), 1. piquette, piqueur, piquoir, piqûre.
COMP. Dépiquer, pique-assiette, pique-bœuf, pique-bois, pique-crayons, pique-feu, pique-fleurs, pique-mouche, pique-nique, pique-notes, repiquer.

Encyclopédie Universelle. 2012.