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sensation

sensation [ sɑ̃sasjɔ̃ ] n. f.
• 1370, repris XVIIe; bas lat. sensatio « compréhension »
1Phénomène psychophysiologique par lequel une stimulation externe ou interne a un effet modificateur spécifique ( 1. sens, I ) sur l'être vivant et conscient; état ou changement d'état ainsi provoqué, à prédominance affective (plaisir, douleur) ou représentative (perception). « L'équivoque du terme sensation employé pour exprimer les modes passifs comme actifs de l'âme :ceux qui affectent comme ceux qui représentent » (Maine de Biran). Sensations externes et internes ( esthésie) . Sensations auditives, olfactives, tactiles, visuelles. Sensations thermiques. Sensation de brûlure, d'étouffement, de vertige.
2Cour. État psychologique à forte composante affective (distinct du sentiment par son caractère immédiat, et par un caractère physiologique plus marqué). émotion, impression. « Je ne puis dire quelles sensations j'éprouvai [...] :j'étais ému, tremblant, palpitant » (Rivarol). « Il eut la sensation d'être soulevé : ivresse joyeuse de l'acte » (Martin du Gard). « Elle rencontra le mur [...] et eut la sensation qu'on l'y clouait » (Green). Être avide de sensations nouvelles, intenses. Aimer les sensations fortes.
3Impression produite sur plusieurs personnes. « Sensation profonde et prolongée. L'audience est comme suspendue » (Hugo). Spécialt Forte impression. Loc. FAIRE SENSATION. « elle réunissait tous les charmes capables de faire sensation » (Sade). Loc. adj. À SENSATION : qui fait ou est destiné à faire sensation. ⇒ sensationnel. La presse à sensation. Film à sensations. thriller.

sensation nom féminin (bas latin sensatio, du latin classique sentire, percevoir) Phénomène qui traduit, de façon interne chez un individu, une stimulation d'un de ses organes récepteurs : Les sensations visuelles. État psychologique découlant des impressions reçues et à prédominance affective ou physiologique : Une sensation de bien-être.sensation (citations) nom féminin (bas latin sensatio, du latin classique sentire, percevoir) André Gide Paris 1869-Paris 1951 Toute connaissance que n'a pas précédé une sensation m'est inutile. Les Nourritures terrestres Gallimard Pierre Leroux Paris 1797-Paris 1871 Notre être est ce qui dure après la sensation, et non pas ce qui est dans la sensation. De l'humanité, de son principe et de son avenir Jean-Jacques Rousseau Genève 1712-Ermenonville, 1778 Les sensations ne sont rien que ce que le cœur les fait être. Julie ou la Nouvelle Héloïsesensation (expressions) nom féminin (bas latin sensatio, du latin classique sentire, percevoir) À sensation, de nature à causer de l'émotion, à attirer l'attention : Nouvelle à sensation. Avoir la sensation que, avoir l'impression que. Faire sensation, provoquer une forte impression d'intérêt, de surprise, d'admiration. Sensations fortes, peur, vertiges, vives émotions en particulier dans des jeux, des loisirs, des spectacles ou des lectures, etc. ● sensation (synonymes) nom féminin (bas latin sensatio, du latin classique sentire, percevoir) État psychologique découlant des impressions reçues et à prédominance affective...
Synonymes :
- impression
- sentiment
Faire sensation
Synonymes :
- choc
- commotion
- coup de théâtre
- effet
- saisissement
Sensations fortes
Synonymes :
- émotion

sensation
n. f.
d1./d Phénomène psychique élémentaire provoqué par une excitation physiologique. Les sensations peuvent être externes (tactiles, thermiques, visuelles, etc.) ou internes (faim, fatigue, vertige, etc.).
d2./d émotion. Ce concert nous a procuré des sensations inoubliables.
|| Faire sensation: produire une vive impression sur le public, dans une assemblée, etc.
|| événement à sensation: événement sensationnel (sens 1).

⇒SENSATION, subst. fém.
I. A. PSYCHOL., PHYSIOL. Phénomène par lequel une stimulation physiologique (externe ou interne) provoque, chez un être vivant et conscient, une réaction spécifique produisant une perception; état provoqué par ce phénomène. Éprouver, produire une sensation; sensation agréable, désagréable, douloureuse, pénible; sensation indéfinissable, vague, vive. Les sensations proprement dites, c'est-à-dire (...) celles que recueillent les organes spéciaux des sens (COURNOT, Fond. connaiss., 1851, p. 23). V. sensibilité I A 2 a ex. de Destutt de Tracy, Duhamel, Lamarck, Flaubert:
1. ... toute sensation appartient à un certain champ. Dire que j'ai un champ visuel, c'est dire que par position j'ai accès et ouverture à un système d'êtres, les êtres visibles, qu'ils sont à la disposition de mon regard en vertu d'une sorte de contrat primordial et par un don de la nature, sans aucun effort de ma part...
MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p. 250.
♦ [Constr. avec un adj. ou un compl. prép. de désignant le sens permettant la sensation] Sensation gustative, olfactive, tactile, visuelle; sensation du goût, du tact, du toucher, de la vue. Il faut avoir entendu une langue musicale (...) pour savoir ce que la sensation de l'ouïe peut ajouter aux sentiments de l'âme (TAINE, Philos. art, t. 2, 1865, p. 171). Ces lettres qui éliminent la parole et la suppléent, on cherche à les concentrer encore davantage en une sensation auditive plus simplifiée. Aujourd'hui, on ne dit même plus O N U; on pétrit cette suite de lettres séparées en une seule articulation continue: ONU (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 43).
♦ [Constr. avec un compl. prép. de désignant la nature de la sensation] Sensation de chaud, de froid; sensation de faim, de soif; sensation d'acidité, d'aigreur, d'oppression, de picotement. On avait l'estomac vide, le repas du soir ayant consisté en deux betteraves pour les six hommes, qu'ils n'avaient même pu faire cuire, faute de bois sec, et dont la fraîcheur sucrée s'était changée bientôt en une intolérable sensation de brûlure (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 445). — « Elle est perdue » (...). L'infirmière, qui passait, s'approcha, et baissant la voix: — « Vraiment, docteur, est-ce que vous la croyez... » Cette fois, Gregory se détourna pour ne plus entendre le mot. La sensation d'étouffement lui devint intolérable (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 612).
Sensation épileptique. Sensation sans objet constituant l'élément essentiel, souvent initial et parfois unique des crises épileptiques. Certaines crises d'épilepsie à séméiologie végétative s'accompagnent de symptômes sensitifs qui peuvent être considérés comme des sensations épileptiques végétatives (Méd. Biol. t. 3 1972).
Sensation externe. Sensation transmise par les organes sensoriels périphériques et se rapportant à des objets extérieurs. La grande erreur des sensualistes a été de voir dans les seules sensations externes la source de toute connaissance humaine; bien au contraire, la connaissance supérieure provient des mille sensations internes, dont le faisceau convergent constitue l'imagination, véritable faculté centrale (BÉGUIN, Âme romant., 1939, p. 58).
Sensation interne. Sensation que le sujet rapporte à son corps, à une partie de son organisme. V. supra ex. de Béguin.
Sensation primaire. ,,Sensation qui est le résultat direct d'un stimulus`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
Sensation réflexe. ,,Sensation ressentie à un endroit autre que celui où s'exerce un stimulus`` (Méd. Biol. t. 3 1972).
Rem. 1. La prédominance affective n'est pas toujours facilement dissociable de la prédominance représentative dans la sensation: En nous élevant dans l'échelle des sens, nous trouvons que la sensation commence à acquérir une valeur représentative, et à cesser d'être une simple affection (COURNOT, op. cit., p. 150). Il faut d'abord distinguer entre les sensations dites affectives et les sensations représentatives. Sans doute on passe graduellement des unes aux autres; sans doute il entre un élément affectif dans la plupart de nos représentations simples. Mais rien n'empêche de le dégager, et de rechercher séparément en quoi consiste l'intensité d'une sensation affective, plaisir ou douleur (BERGSON, Essai donn. imm., 1889, p. 36). 2. Jusqu'au déb. du XIXe s. sensation et sentiment ont pu être donnés comme synon.: Aucune de nos humeurs, ni aucun de nos organes, pas même nos nerfs, n'ont en propre la faculté de sentir. Ce n'est que par illusion que nous attribuons l'effet singulier qu'on nomme sensation ou sentiment, à une partie affectée de notre corps; aucune des matières qui composent cette partie affectée ne sent réellement et ne sauroit sentir (LAMARCK, Philos. zool., t. 2, 1809, p. 146).
B. — P. méton. Fait, faculté d'être sensible aux stimulations sensorielles. Faculté de la sensation. Elle connaissait trop la délicatesse de sensation de sa fille pour pouvoir lui exprimer ses douleurs, elle était donc forcée de les dévorer dans ce silence dont sont capables seulement les mères qui savent aimer leurs enfants (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 646). Elle possédait, à l'état d'instinct obscur et de sensation inconsciente, cette faculté qui fait les grands poètes et les grandes amoureuses, de s'oublier, de se disperser, de s'abîmer tout entière dans ce qui touchait son cœur (BOURGET, Disciple, 1889, p. 124).
II. A. — État de conscience plus affectif qu'intellectuel; perception immédiate (d'un état physique ou moral). Sensation agréable, délicieuse, exquise, enivrante, forte, subtile, vive; sensations violentes; sensation d'attente, de dégoût, d'écœurement, de fatigue; accroître, diminuer les sensations. À l'idée de la voir s'approcher de moi, animée d'une vie véritable, je me sentais comme oppressé par une sensation pénible, et incapable de conserver auprès d'elle ma sérénité et ma liberté d'esprit (BAUDEL., Salon, 1846, p. 160). Il sait qu'à chacun de ses retours à Paris, il éprouve une sensation analogue, le sentiment confus qu'on s'est détaché de lui, qu'on lui cache quelque chose, qu'il n'a plus de contact direct avec ses camarades, qu'il est devenu un étranger, que son retour dérange (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 187).
P. ext. Connaissance immédiate et intuitive; intuition (de quelque chose qu'on ne peut vérifier, ou qui n'existe pas encore). J'eus soudain la sensation aiguë, la certitude presque physique qu'il existait un autre monde, une réalité dont nous ne connaissions que l'ombre (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 51):
2. J'ai la fièvre, une fièvre atroce, ou plutôt un énervement fiévreux, qui rend mon âme aussi souffrante que mon corps. J'ai sans cesse cette sensation affreuse d'un danger menaçant, cette appréhension d'un malheur qui vient ou de la mort qui approche, ce pressentiment qui est sans doute l'atteinte d'un mal encore inconnu, germant dans le sang et dans la chair.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, Horla, 1886, p. 1099.
B. — Gén. au plur. Émotion forte, vive impression faite sur les sens produisant du plaisir. Avide de toutes les sensations; rechercher des sensations rares. Vous voulez des sensations fortes, des émotions extrêmes: c'est la soif d'une âme généreuse, et votre âge peut encore y être trompé (SENANCOUR, Obermann, t. 2, 1840, p. 144). Kimberly enthousiasmait follement les femmes, car il avait la spécialité des subtils récits de péché et des sensations extraordinaires (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 202).
C. — Forte impression, effet de surprise (produit sur un groupe de personnes). Les quatre premiers actes (...) ont produit beaucoup d'effet sur les spectateurs. L'apparition de l'ombre, la scène de l'ombre avec Hamlet, celle où le jeune prince fait confidence à ses amis de la visite que lui a faite le spectre de son père, tout cela a produit une véritable sensation sur le public qui est fort bien entré dans les intentions de l'auteur (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 455). Le duc accompagna Marguerite à Paris, où il continua de venir la voir comme à Bagnères. Cette liaison, dont on ne connaissait ni la véritable origine, ni le véritable motif, causa une grande sensation ici (DUMAS fils, Dames Cam., 1848, p. 15).
Locutions
Faire sensation. Attirer fortement l'attention; susciter un intérêt subit (de façon favorable ou défavorable). Notre entrée fit sensation au Gambrinus, une brasserie ouverte la nuit, débordante de petits bourgeois italiens qui venaient s'initier aux mœurs internationales (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 234). Partout se manifeste cet appétit de surprise et de crudité. Ouvrez votre journal: depuis le titre des articles (et leur esprit) jusqu'à l'annonce des dernières pages, tout vise à « faire sensation » (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 52).
À sensation(s). Qui fait ou est destiné à faire sensation, à provoquer des remous ou le scandale dans l'opinion. Journal, presse à sensation; écrivain à sensation; faire une entrée à sensation. Quand ils arrivèrent à la ménagerie, il y avait déjà beaucoup de monde. Tarascon, race héroïque, mais trop longtemps privée de spectacles à sensations, s'était rué sur la baraque Mitaine et l'avait prise d'assaut (A. DAUDET, Tartarin de T., 1872, p. 30). Blanche est un potinier alarmiste, cherchant des effets pour lui, — même dans les nouvelles à sensation qu'il colporte (GONCOURT, Journal, 1888, p. 872).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1370 sensacion « impression produite par les objets sur les sens » (N. ORESME, Ethiques, X, 6, éd. A. D. Menut, p. 506); repris au XVIIe s. 2. a) 1718 « impression produite par les objets extérieurs sur les sens et aboutissant au plaisir ou à la peine » sensation agréable, sensation douloureuse, sensations vives (Ac.); b) 1746 « état psychologique à forte composante affective » (Ch.-J. LA MORLIÈRE, Angola, Histoire Indienne, p. 225); 3. 1754 « impression exercée sur quelqu'un » (D'ARGENSON, Journal, VIII, 340 ds BRUNOT t. 6, 2, p. 1365); 1759 faire une sensation (BARBIER, Journal, t. 7, p. 133); 1761 faire sensation (ID., ibid., p. 394); 1869 écrivain à sensation (LAUTRÉAM., Chants Maldoror, p. 328). Empr. au lat. tardif sensatio « fait de comprendre » (IRÉNÉE, d'apr. A. SOUTER, A glossary of later latin) dér. du supin du verbe sentire « éprouver une sensation ou un sentiment ». Fréq. abs. littér.:7 262. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 11 131, b) 5 715; XXe s.: a) 11 485, b) 9 708. Bbg. GALL. 1955, p. 47, 49, 118, 154. — GOHIN 1903, p. 300, 339. — PETREI (A.). Zu frz. sentir v. und sensation. Klagenfurt, 1983, 88 p. — SCKOMM. 1933, pp. 31-36.

sensation [sɑ̃sɑsjɔ̃] n. f.
ÉTYM. 1370, « opération (action) des objets sur les sens », le mot semble rare jusqu'à Malebranche, Bossuet; bas lat. sensatio « compréhension ».
1 Physiol., psychol. Phénomène psychophysiologique par lequel une stimulation externe ou interne ( Impression, III.) a un effet modificateur spécifique sur l'être vivant et conscient; état ou changement d'état ainsi provoqué (observable par une réaction), à prédominance affective (plaisir, douleur) ou représentative (perception). 1. Sens (I.), sensibilité (cit. 3); sensitif, sensoriel.REM. La sensation est parfois considérée comme un état limite théorique (en psychol. humaine), la réalité observable étant la perception. — Interprétation perceptive de la sensation. Percevoir. || Sensations externes et internes ( Cénesthésie). || Sensation et système nerveux. Nerf, nerveux. || Le cerveau, considéré comme « siège des sensations ». Sensorium. || Éprouver une sensation. Sentir. || Sensations auditives ( Son), gustatives, du goût (cit. 1; Saveur), olfactives ( Odeur), visuelles, de la vue ( Couleur, lumière); tactiles, du tact, du toucher (→ Palpable, cit. 1). || Sensations thermiques, de chaud et de froid (2. Froid, cit 14). || Sensation agréable ( Plaisir, cit. 21); douloureuse, pénible ( Douleur, cit. 5, malaise, souffrance). || Une sensation vague, indéfinissable. || Produire une sensation vive et douloureuse (→ Cuire, mordre, pincer, piquer…). || Sensation d'acidité (aigreur), d'agacement, d'alourdissement (digestion…), d'astriction, de brûlure, de chatouillement, d'étouffement, d'oppression, de picotement, d'urtication, de vertige… || Sensations de faim, de soif.Sensation « subjective », sans objet. Hallucination (→ Objet, cit. 3).
1 Voilà beau temps que la sensation est reléguée au magasin des accessoires; c'est un rêve de la psychologie; pour le coup, ce n'est qu'un mot.
Sartre, Situations I, p. 240.
2 Chez les animaux possédant un système nerveux différencié, l'éveil de la sensation se produit au niveau de centres recevant le message sensoriel (…) L'existence et la réalité de l'éveil d'une sensation peuvent être établies par la corrélation entre des modifications observables (…) et les conditions de la stimulation (…)
Durup et Piéron, Voc. de la psychologie, art. Sensation.
REM. 1. Avant le XIXe s., le mot sensation désigne un concept plus large (cet emploi persiste dans la langue générale); la sensation a un contenu affectif (émotion) et représentatif (perception). Les sensations, « manières d'être… modifications de l'esprit » (Malebranche), « modifications de notre âme » (Condillac). Traité des sensations, célèbre ouvrage de Condillac. « Toutes nos connaissances (cit. 1) viennent des sensations » (→ aussi Expérience, cit. 30, Buffon; et cf. Rousseau, Émile, p. 44).
3 (…) l'équivoque du terme sensation, aussi généralement employé dans la doctrine de Condillac, que le mot pensée l'était dans celle de Descartes, pour exprimer indistinctement tous les modes passifs comme actifs de l'âme : ceux qui affectent comme ceux qui représentent; ceux qui sont dans la sensibilité pure, sans être dans la conscience, comme ceux qui s'éclairent de cette lumière intérieure, et sont inséparables du moi, si même ils ne le constituent.
Maine de Biran, Du physique et du moral de l'homme, II, §1.
4 Le temps était loin où j'avais bien petitement commencé à Balbec par ajouter aux sensations visuelles, quand je regardais Albertine, des sensations de saveur, d'odeur, de toucher. Depuis, des sensations plus profondes, plus douces, plus indéfinissables s'y étaient ajoutées, puis des sensations douloureuses. Bref Albertine n'était (…) que le centre générateur d'une immense construction qui passait par le plan de mon cœur. Robert, pour qui était invisible toute cette stratification de sensations, ne saisissait qu'un résidu (…)
Proust, la Fugitive, Pl., t. III, p. 438.
2. Sensation et sentiment. Au XVIIe s., les philosophes emploient d'abord sentiment (Descartes), puis les deux mots comme synonymes (Malebranche, Bossuet). Pour Condillac, la sensation passive est un sentiment; pour Buffon « la sensation n'est qu'un ébranlement dans le sens » (un phénomène physiologique; → aussi Nerf, cit. 6), et le sentiment est la « sensation devenue agréable ou désagréable ». Depuis le XIXe s., les mots s'opposent ou appartiennent à des domaines nettement séparés. → Sentiment.
2 Le fait, la faculté d'être sensible aux stimulations. Sensibilité. || Philosophie de la sensation. Sensualisme.
5 (…) cet enfant avait une faculté que je n'ai jamais rencontrée, poussée à ce développement, chez aucun autre : la faculté de la sensation. Je n'ai jamais vu un enfant jouir, comme lui, du parfum d'une fleur, de la vue d'une jolie femme bien habillée, du confort d'un bon fauteuil, du toucher d'une chose agréable.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 16 avr. 1874, t. V, p. 95.
3 Cour. État psychologique à forte composante affective, généralement intense (distinct du sentiment par son caractère immédiat, passif, et par un caractère physiologique plus marqué). Émotion, impression; → Éprouver, cit. 28. || Sensation subtile, vive, forte… || Sensation agréable, délicieuse. Bien-être, euphorie (→ Fixer, cit. 6). || Sensation enivrante (cit. 2), exquise (cit. 7). || Sensation agréable produite par l'idée d'un bien futur. Avant-goût. || La sensation de l'attente (cit. 20). || Une sensation d'écœurement (cit.), de fatigue… || La sensation que… (→ Arrêter, cit. 8; fasciner, cit. 3), de… (→ Intrus, cit. 3). || Accroître ( Exciter), diminuer les sensations ( aussi Blaser). || Sensations violentes ( Délire, ébranlement)Par ext. Connaissance immédiate et intuitive. Intuition, sentiment. || Avoir la sensation aiguë, la certitude que… (→ Réalité, cit. 9).
6 Je ne puis dire quelles sensations j'éprouvai quand je me trouvai à la porte de la maison : j'étais ému, tremblant, palpitant (…)
Rivarol, Rivarolina, III.
7 Et, de nouveau, il eut la sensation d'être soulevé : ivresse joyeuse de l'acte; confiance sans limite; activité vitale tendue à son paroxysme; et, par dessus tout, exaltation de se sentir superbement grandi.
Martin du Gard, les Thibault, t. II, p. 142.
Spécialt. Émotion forte; plaisir, jouissance. || Avide de toutes les sensations (→ Écumeur, cit. 2). || Grisé (cit. 3) de sensations.
4 (Dans des loc.). Forte impression produite sur plusieurs personnes ( Admiration, effet, étonnement, surprise).Faire sensation (→ Nom, cit. 23). || Elle a fait sensation sur l'assistance.
7.1 Cette jeune personne nommée Rosalie, venait d'atteindre sa quatorzième année, elle réunissait tous les charmes les plus capables de faire sensation; une taille de nymphe, une figure ronde, fraîche, extraordinairement animée, des traits mignons et piquants (…)
Sade, Justine…, t. I, p. 103 (1791).
8 Bientôt, chez Chérie devenue déraisonnablement mondaine, il n'y eut plus qu'une seule et unique pensée : faire sensation, là où elle se montrait. Être remarquée, être signalée, être trouvée jolie par tout le monde (…) ce fut là son effort, son travail.
Ed. et J. de Goncourt, Chérie, LXXIV.
Loc. adj. À sensation : qui fait ou qui est destiné à faire sensation (souvent par des moyens grossiers). || Presse, spectacle, littérature à sensation. Sensationnel.
DÉR. Sensationnel, sensationnisme, sensationniste.

Encyclopédie Universelle. 2012.