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souffrir

souffrir [ sufrir ] v. <conjug. : 18>
• v. 1050 sofrir; lat. pop. °sufferire, lat. class. sufferre, de ferre « porter »
I V. tr.
1Littér. Supporter (qqch. de pénible ou de désagréable). endurer. « Qui sait tout souffrir peut tout oser » (Vauvenargues). Il « n'avait nul sens du comique, ne pouvait souffrir la caricature » (France). tolérer. Fam. Ne pas pouvoir souffrir (qqch.) : ne pas aimer, détester. Il ne peut pas souffrir les haricots verts. (Avec de et l'inf.) « Je ne pus souffrir de les voir si bien ensemble » (Molière).
(Surtout dans des tours négatifs) Supporter (qqn), supporter la présence, l'activité de (qqn). Ne pas pouvoir souffrir qqn. sentir. Pronom. Des hommes qui « ne peuvent se comprendre entre eux, ni même se souffrir » (Duhamel).
2Littér. Permettre, tolérer. Il ne souffrirait aucun acte d'autorité. « S'il m'arrivait de me “convertir”, je ne souffrirais pas que cette conversion fût publique » (A. Gide).
(Sujet chose) admettre. Cela ne souffre aucun retard, aucune discussion.
3Cour. Éprouver douloureusement. « Tout ce que j'ai souffert, mes craintes, mes transports » (Racine). Souffrir le martyre. Souffrir mille morts.
II V. intr.
1(v. 1480) Éprouver une souffrance, des douleurs physiques ou morales (cf. Avoir mal). Où souffrez-vous ? « Plutôt souffrir que mourir » (La Fontaine). Souffrir en silence. Souffrir comme une bête, comme un damné, beaucoup. « Souffrir, c'est peut-être un enfantillage [...] j'entends souffrir, quand on est femme par un homme, quand on est homme par une femme » (Colette). Il a souffert toute sa vie. Loc. fam. Il faut souffrir pour être belle. Faire souffrir. affliger, martyriser, torturer, tourmenter. « Notre besoin de voir nos souffrances apaisées par l'être qui nous a fait souffrir » (Proust).
♢ SOUFFRIR DE (origine, cause). Souffrir des dents, de la tête. Souffrir de rhumatismes. Souffrir du froid. « Il souffre de la solitude, il souffre de soi-même et des autres » (Suarès). « Le mal dont j'ai souffert s'est enfui comme un rêve » (Musset). (Avec l'inf.) « Comme tu dois souffrir de ne pas souffrir » (Sartre).
Fam. Avoir bien du mal, se donner beaucoup de peine. J'ai souffert pour lui expliquer son problème. Nous avons gagné le match, mais ils nous ont fait souffrir !
2Éprouver, subir un dommage, un préjudice. pâtir. Pays qui souffre d'un retard technique ( victime) . « Mes rosiers et mes œillets ont souffert cette année » (Zola). Le moteur a souffert dans l'accident. Sa réputation en a souffert.
⊗ CONTR. (du II) Jouir; bénéficier. ⊗ HOM. Souffre :soufre (soufrer).

souffrir verbe transitif (latin populaire sufferire, du latin classique sufferre, supporter) Littéraire. Endurer, supporter une chose pénible, éprouvante, un mal : Souffrir la torture, la faim. Littéraire. Permettre quelque chose, le tolérer, l'admettre : Ne pas souffrir la critique. Admettre tel caractère, telle modification, etc., en être susceptible : Ce travail ne doit souffrir aucun retard.souffrir (expressions) verbe transitif (latin populaire sufferire, du latin classique sufferre, supporter) Ne pas pouvoir souffrir quelqu'un, quelque chose, éprouver une antipathie profonde pour quelqu'un, une aversion marquée pour quelque chose : Ne pas pouvoir souffrir la vulgarité. Souffrir le martyre, le calvaire, mille morts, souffrir beaucoup. ● souffrir (homonymes) verbe transitif (latin populaire sufferire, du latin classique sufferre, supporter)souffrir (synonymes) verbe transitif (latin populaire sufferire, du latin classique sufferre, supporter) Littéraire. Endurer, supporter une chose pénible, éprouvante, un mal
Synonymes :
- endurer
- supporter
Admettre tel caractère, telle modification, etc., en être susceptible
Synonymes :
- admettre
Ne pas pouvoir souffrir quelqu'un, quelque chose
Synonymes :
- sentir (familier)
souffrir verbe intransitif Ressentir une vive souffrance, avoir mal à une partie du corps : Mes dents me font souffrir. Éprouver des souffrances morales, être particulièrement affecté par des difficultés, des peines, être malheureux. Être endommagé : Les cultures ont souffert de la sécheresse. Avoir des difficultés à faire quelque chose : J'ai souffert pour lui expliquer la situation.souffrir verbe transitif indirect Avoir, subir telle maladie : Il souffre de son ulcère d'estomac. Ressentir douloureusement les effets d'un mal : Le pays souffre de la crise économique. Être particulièrement fragile par rapport à quelque chose : Pour ceux qui souffrent du froid, ces sous-vêtements sont indispensables. Être affecté d'un défaut : Appareil qui souffre d'un défaut de fabrication.souffrir (citations) verbe intransitif Henri Frédéric Amiel Genève 1821-Genève 1881 Plus on aime, plus on souffre. La somme des douleurs possibles pour chaque âme est proportionnelle à son degré de perfection. Journal intime, 26 décembre 1868 Anonyme L'homme a beaucoup appris qui a beaucoup souffert. Mult ad apris ki bien conuist ahan. Chanson de Roland Sidonie Gabrielle Colette Saint-Sauveur-en-Puisaye, Yonne, 1873-Paris 1954 Mais est-ce très grave, souffrir ? Je viens à en douter. La Naissance du jour Flammarion Fernand Crommelynck Paris 1886-Saint-Germain-en-Laye 1970 Il y a plus d'héroïsme à souffrir longtemps qu'à mourir vite. Le Cocu magnifique Gallimard Léon Dierx La Réunion 1838-Paris 1912 L'homme est né pour souffrir, oublier et se taire. Poèmes et poésies Sausset Gustave Flaubert Rouen 1821-Croisset, près de Rouen, 1880 Académie française, 1880 La manière la plus profonde de sentir quelque chose est d'en souffrir. Carnets Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Plutôt souffrir que mourir, C'est la devise des hommes. Fables, la Mort et le Bûcheron Julie de Lespinasse Lyon 1732-Paris 1776 Mon Dieu, que ne puis-je souffrir tout ce que je crains que vous ne souffriez ! Lettres, à M. de Guibert Michel Eyquem de Montaigne château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1533-château de Montaigne, aujourd'hui commune de Saint-Michel-de-Montaigne, Dordogne, 1592 Qui craint de souffrir, il souffre déjà de ce qu'il craint. Essais, III, 13 Alfred de Musset Paris 1810-Paris 1857 Après avoir souffert, il faut souffrir encore ; Il faut aimer sans cesse après avoir aimé. Poésies, la Nuit d'août Alfred de Musset Paris 1810-Paris 1857 L'homme est un apprenti, la douleur est son maître, Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert. Poésies, la Nuit d'octobre Charles Nodier Besançon 1780-Paris 1844 Académie française, 1833 Il y a dans le cœur d'une femme qui commence à aimer un immense besoin de souffrir. Smarra Alfred, comte de Vigny Loches 1797-Paris 1863 Gémir, pleurer, prier, est également lâche. Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler, Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler. Les Destinées, la Mort du loup souffrir (difficultés) verbe intransitif Conjugaison Construction et registre 1. Souffrir de (+ infinitif) : je souffre de vous voir si malheureuse. Emploi courant. Remarque On distinguait autrefois deux constructions de ce verbe : souffrir de, si la souffrance était d'ordre moral, et souffrir à, si la souffrance était d'ordre physique (il souffre à marcher). Cette distinction n'a plus cours, car la construction souffrir à est sortie de l'usage : on dirait aujourd'hui il souffre quand il marche, il souffre en marchant. 2. Souffrir de ce que (+ indicatif ou subjonctif) : il souffre de ce que ses enfants n'ont pas (ou n'aient pas) réalisé les rêves qu'il avait pour eux. Les deux constructions sont correctes. Celle avec l'indicatif insiste davantage sur la réalité du fait énoncé. 3. Souffrir que (+ subjonctif) = admettre, permettre. Souffrez, madame, que je prenne congé.Registre soutenu. Accord Pour l'accord du participe passé, bien distinguer l'emploi intransitif du verbe (souffrir = avoir mal) de l'emploi transitif (souffrir qqch = le tolérer) : les mois qu'il a souffert (= il a souffert pendant des mois), mais les exceptions que cette règle a longtemps souffertes (= cette règle a longtemps souffert des exceptions). ● souffrir (homonymes) verbe intransitifsouffrir (synonymes) verbe intransitif Ressentir une vive souffrance, avoir mal à une partie du...
Synonymes :
- avoir mal
Être endommagé
Synonymes :
- pâtir
- s'abîmer
- se détériorer
- s'étioler
souffrir (homonymes) verbe transitif indirect

souffrir
v.
rI./r v. intr.
d1./d éprouver une sensation douloureuse ou pénible. Souffrir du froid.
(Sens moral.) Il a beaucoup souffert de cette séparation.
d2./d éprouver un dommage. Les semis ont souffert de la sécheresse.
rII./r v. tr.
d1./d Endurer, éprouver, supporter. Cette maladie lui fait souffrir le martyre.
Cour. (Avec comp. de personne.) Ne pas souffrir qqn: ne pas pouvoir le supporter; l'exécrer.
|| v. Pron. Ils ne peuvent se souffrir, se supporter.
d2./d Litt. Tolérer, admettre. Ne souffrez pas de tels caprices.
(Sujet n. de chose.) Affaire qui ne peut souffrir aucun retard.

⇒SOUFFRIR, verbe
I. — Empl. trans.
A. — Qqn souffre qqc. [Le compl. d'obj. désigne qqc. de douloureux, de pénible ou seulement désagréable]
1. [Avec une idée de douleur physique ou morale] Littér. Éprouver douloureusement. Souffrir le calvaire, le supplice, les tourments de l'enfer, une mort lente. Marguerite est entrée en agonie cette nuit à deux heures environ. Jamais martyre n'a souffert pareilles tortures, à en juger par les cris qu'elle poussait (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 294):
1. Jos-Mari entendait cependant contre sa poitrine la prière, la voix étouffée de Kate, et souffrait son dernier, son plus poignant cas de conscience: devait-il n'écouter que la règle du guide, obliger sa voyageuse à redescendre sur le champ, l'emporter même s'il le fallait?
PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p. 277.
Rare. Qqn1 fait souffrir qqc. à qqn2. Faire subir cette chose à quelqu'un. Le vénérable P. du Breuil (...) traîna de prison en prison les sept dernières années de sa vie. L'histoire n'est pas belle. Mais seul Arnauld nous occupe, lequel porte assez gaillardement les « traitements assez rudes », c'est son mot, que l'on fait souffrir à ses amis (BREMOND, Hist. sent. relig., t. 4, 1920, p. 287).
Souffrir le martyre, mille maux, mort et passion.
[Le compl. d'obj. n'est précédé d'aucun art.] C'est Dieu qui me châtie quand la misère me dévore, et que je souffre persécution pour la justice (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 320).
♦ [P. méton. du suj.] Je sais (...) que la charité souffre honte et déshonneur, parce que l'individu qui la réclame est trop souvent, hélas! suspect d'inconduite, et que rarement la dignité des mœurs et du travail le recommande (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t. 1, 1846, p. 331).
2. [Avec une idée d'effort et d'endurance dans l'épreuve] Synon. de supporter. Souffrir des contrariétés, des déconvenues. Je sais que son altesse souffre avec impatience tout ce qui n'est pas elle (MONTHERL., Reine morte, 1942, II, 1er tabl., 1, p. 166).
Empl. abs. Supporter la douleur, la fatigue. Le sport influe grandement sur les qualités de persévérance et de volonté, de courage et d'audace: le sportif doit savoir souffrir et vaincre sa souffrance, il doit savoir oser et cependant mesurer ses efforts (R. VUILLEMIN, Éduc. phys., 1941, p. 105).
P. ext. Avoir à supporter un dommage important. Synon. subir. Ce n'est pas diminuer un adversaire que lui faire avouer ce qu'il a souffert et les pertes qu'il a éprouvées, mais c'est marquer mieux notre force guerrière et les résultats obtenus par les soldats de Verdun (BORDEAUX, Fort de Vaux, 1916, p. 117).
♦ [P. méton. du suj.] Quelque parti que nous prissions, notre esprit en devait souffrir un grand dommage; car les sciences, séparées des lettres, demeurent machinales et brutes, et les lettres, privées des sciences, sont creuses, car la science est la substance des lettres (FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 346).
3. a) [Avec un sens affaibli] Permettre, tolérer. Brénugat n'est guère jaloux, mais il ne peut souffrir les façons qu'a Jean-Paul de regarder Florence et de lui tenir (...) toutes sortes de propos orduriers mêlés de considérations philosophiques (DUHAMEL, Désert Bièvres, 1937, p. 237).
[P. méton. du suj.] Prenez l'institution la plus odieuse, l'Inquisition. L'Espagne l'a faite, l'a soufferte, et apparemment s'en serait débarrassée, si elle l'avait voulu (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 384). Dieu sait ce que nous subissons, ce que notre malheureuse sensibilité doit compenser comme elle peut!... Elle supporte les vacarmes que vous savez; elle souffre les odeurs nauséabondes, les éclairages follement intenses et violemment contrastés (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 268).
Rare. Qqn1 souffre qqc. à qqn2. Souffrir des caprices à ses enfants (BESCH. 1845-46). Souffrir quelque chose à un jeune homme (CAPUT 1969).
Souffrir + inf. Je souffrirais être rudement heurté par mes amis (GUÉHENNO, Journal « Révol. », 1937, p. 41).
[À l'impér. ou dans la lang. épistolaire; corresp. à l'empl. intrans. II A 2 b infra; vieilli ou littér. dans les autres empl.] Souffrir que + subj. Permettre, consentir que. Souffrez que je vous fasse une remarque, que je vous dise la vérité, que je vous parle assis; souffrez que je me justifie. Souffrez que j'articule, contre le professeur d'éloquence au grand séminaire, des griefs qui ne sont que trop précis (FRANCE, Orme, 1897, p. 11). J'ai connu des hommes si jaloux de ce qu'ils admiraient éperdument qu'ils souffraient mal que d'autres en fussent épris et même en eussent connaissance, estimant leur amour gâté par le partage (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 43).
Ne pas (pouvoir) souffrir qqc. Ne pas (pouvoir) supporter quelque chose; fam., détester quelque chose. Ne pas souffrir le snobisme, la moindre censure, la critique. [Bonaparte] avait un goût impérieux pour la machine qui fonctionne, les hiérarchies respectées. Il ne pouvait souffrir les abus, le gaspillage, l'arbitraire, la concussion (J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 247). Phonsine (...) ne pouvait souffrir l'ail (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 102).
b) DR. Souffrir les servitudes. Accepter les servitudes existantes, les laisser s'exercer librement. Tout contrat de vente passé par devant notaire stipule que l'acquéreur devra « souffrir les servitudes passives conventionnelles ou légales, apparentes ou occultes, continues ou discontinues pouvant grever l'immeuble (...) » (ROLAND-BOYER 1983).
B. — 1. Qqn1 souffre qqn 2. Tolérer quelqu'un, tolérer sa personne, sa présence. Aucun changement efficace ne peut s'opérer que par la France; mais tant qu'elle souffrira Bonaparte, l'Europe sera obligée de le souffrir (J. DE MAISTRE, Corresp., 1807, p. 249).
Qqn2 se fait souffrir de qqn1. Avec huit ou dix ans de procédés adroits et avec deux cent mille francs de charités habiles on pouvait se faire souffrir de la noblesse française (STENDHAL, Nouv. inéd., 1842, p. 70).
Qqn2 est souffert. Le roi rentra (...) dans sa bonne ville de Paris (...) Mazarin vint bientôt après l'y rejoindre sans bruit (...) Il ne demandait qu'à être souffert en attendant d'être tout-puissant (FRANCE, Génie lat., 1909, p. 51).
Fam. Ne pas/plus pouvoir souffrir qqn. Trouver sa compagnie insupportable; avoir pour cette personne de l'antipathie, de l'aversion. Synon. pop., fam. ne pas pouvoir blairer, sentir; arg. ne pas pouvoir piffer. Ne pouvoir souffrir les bavards, les importuns, les indiscrets, les prétentieux. Rosalie, un peu trop battue, moralement parlant, à propos du jeune monsieur de Soulas, ne pouvait pas le souffrir, pour employer un terme du langage familier (BALZAC, A. Savarus, 1842, p. 18). Tu m'attribuais tous les vices, parce que j'étais franche, et que je grimpais aux arbres. Tu n'as jamais pu me souffrir (FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p. 223).
Empl. pronom.
réciproque. Se supporter réciproquement, les uns les autres. Des amants qui ne pouvaient se quitter, ne peuvent se souffrir étant mariés (BOISTE 1823). Écrire quoi? (...) Et cette enfantine marque d'ennui (...) cette impuissance bizarre à laisser paisiblement une journée se perdre; et le temps, et l'orgueil, et l'être apparent que l'on est, se ressentir et se souffrir entre eux (...) tels quels (VALÉRY, Tel quel II, 1943, p. 14).
réfl. Se supporter soi-même, s'accepter. Cet esprit a reçu quelque profonde blessure: peut-être ne pouvant se souffrir, dans le sentiment de son impuissance, cherche-t-il à se donner le change en ne trouvant qu'impuissance partout? (DELACROIX, Journal, 1854, p. 260).
Ne pas pouvoir se souffrir quelque part. Trouver insupportable d'être quelque part. Dès qu'il était sur la porte, le vent lui parlait. Il ne pouvait plus se souffrir ici (POURRAT, Gaspard, 1930, p. 38).
2. Spéc. [Le suj. désigne un animal]
a) MANÈGE. Souffrir l'éperon. Être insensible à l'éperon. (Dict. XIXe et XXe s.).
b) ZOOTECHNIE. [Le suj. désigne une jument en chaleur] Souffrir l'étalon. Tolérer son approche (Dict. XIXe et XXe s.).
C. — Qqc.1 souffre qqc.2
1. Synon. de essuyer, subir. Si la dot comprend des obligations ou constitutions de rente qui ont péri, ou souffert des retranchemens qu'on ne puisse imputer à la négligence du mari, il n'en sera point tenu, et il en sera quitte en restituant les contrats (Code civil, 1804, art. 1567, p. 290). La grâce de Dieu, la vie surnaturelle s'établit dès lors en moi dans une certaine solidité, qui a souffert bien des affaiblissements, mais qui ne s'est guère démentie gravement (DUPANLOUP, Journal, 1851-76, p. 31).
2. a) Synon. de admettre, tolérer. Souffrir du retard, une exception, (certaines) atteintes, des dispenses, d'importantes dérogations; cette règle souffre exception. L'œil pouvait facilement y saisir la ligne où les terrains réchauffés par les rayons solaires commencent à souffrir la culture et laissent apparaître les végétations de la flore norvégienne (BALZAC, Séraphita, 1835, p. 180).
[Notamment dans des tournures nég.] Ne pas souffrir le moindre délai, examen, retardement; ne pas souffrir de comparaison, d'exception; ne souffrir aucune difficulté; une raison qui ne souffre point de répartie, de réplique; ne plus souffrir de contradictions. J'ai découvert ma ligne de conduite. Elle est simple, et ne souffre pas de discussion (BENOIT, Atlant., 1919, p. 189).
Loc. proverbiale. Le papier souffre tout. On peut écrire sur le papier tout ce que l'on veut, vrai ou faux, bon ou mauvais:
2. Le langage politique est riche de formules de conciliation impossible, car le papier souffre tout. On parlera, par exemple, de « réaliser la volonté de la majorité dans le respect des droits de la minorité » (...) sans admettre ce qui est pourtant évident: à savoir que ce qui est donné à l'un des termes de la formule est nécessairement enlevé à l'autre.
VEDEL, Dr. constit., 1949, p. 247.
♦ [P. allus. à ce proverbe] Et sur l'inscription [de sa tombe], c'est là qu'on en lira des gosses! le marbre est comme le papier, il souffre tout (VIDOCQ, Mém., t. 4, 1828-29, p. 214). Ces fresques [à Munich], le livret l'avoue, sont traitées par de simples élèves. C'est une économie de toiles. Les murs souffrent tout (NERVAL, Voy. Orient, t. 1, 1851, p. 31).
b) Synon. de offrir, présenter. La connaissance réservée au fils, Matth, il l'étend d'une vision et d'une compréhension semblable à celle que le père a du fils. Cette solution générale souffre difficulté pour quelques passages (Théol. cath. t. 4, 1 1920, p. 1096). Cette classification souffrait contestation, tant du point de vue juridique qu'au nom de l'histoire (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 184).
II. — Empl. intrans.
A. — [Le suj. désigne un être animé]
1. a) Qqn souffre. Éprouver une douleur physique ou morale. Synon. pâtir. C'est que j'ai souffert depuis dix mois, horriblement — souffert à devenir fou et à me tuer! (FLAUB., Corresp., 1871, p. 238). L'homme qui a beaucoup souffert est pareil à celui qui connaîtrait beaucoup de langues, et serait capable de comprendre tous les hommes (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 300).
[P. méton. du suj.] Loin de la calme Trinité, À ces bouches pleines de soufre, Vous verseriez la volupté D'un chant qui jouit et qui souffre (NOAILLES, Éblouiss., 1907, p. 326). Quel cœur ayant aimé et souffert n'en serait reconnaissant à Beethoven? (ROLLAND, Beethoven, t. 1, 1937, p. 161).
♦ [Le suj. désigne un coll.] En France même, la résistance, à mesure qu'elle souffrait et agissait davantage, resserrait son unité (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 90).
P. métaph. Entre Ortach et les Casquets (...) la mer est resserrée et gênée, et l'état de malaise pour la mer détermine localement l'état de tempête. La mer souffre comme autre chose; et là où elle souffre, elle s'irrite (HUGO, Homme qui rit, t. 1, 1869, p. 116).
Fam. Se donner du mal. J'ai souffert pour lui faire comprendre cela (HANSE Nouv. 1983).
Qqn1 souffre à qqn2 de faire qqc. Permettre à quelqu'un de faire quelque chose. Souffrir à ses proches de faire parfois du bruit (CAPUT 1969).
Loc. verb. Ne plus souffrir ou avoir cessé de souffrir. Être mort. Mourir! Dormir! et rien de plus, et puis ne plus souffrir! (DUMAS père, Hamlet, 1848, III, 4, p. 210).
b) Souffrir à. Avoir mal à. Souffrir à toutes les jointures (Ac.).
c) Souffrir dans. Éprouver du dommage. Souffrir dans son commerce, dans ses intérêts. L'armée a beaucoup souffert dans sa marche, faute de provisions (Ac.).
En partic. Souffrir dans sa chair. Être mutilé. J'ai à peine souffert dans ma chair. C'est une mutilation terriblement propre et simple. Quand je pense à mes camarades, à ceux que j'entendais crier près de moi, à Chartres, pendant ma guérison, oui, ma guérison, car mes plaies se sont fermées très vite! (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 123).
d) Souffrir par/pour qqn. Pâtir par la faute de, pour le bien de. Jésus-Christ a souffert pour les hommes. Combien ma mère, physiquement et moralement, a souffert pour moi! (MICHELET, Journal, 1856, p. 303):
3. ... écoute-moi donc! Et ne pâlis pas comme tu fais!... Est-ce à un homme que je parle? ou à un enfant? (...) à un enfant, mon père, qui souffre, et qui a déjà beaucoup souffert par vous! Épuisé par la contrainte qu'il s'imposait pour ne pas crier toute sa douleur, Michel se renversa sur un fauteuil, et baissa la tête.
R. BAZIN, Blé, 1907, p. 148.
e) Souffrir pour qqc. [Les héros] luttent pour l'amour, ils mentent et ils trompent pour l'amour, et la société qui vient de voir mourir et souffrir pour l'ambition, pour le pays, et plus souvent encore, pour une définition juste de Dieu, oublie tout cela au théâtre et dans le livre (BRASILLACH, Corneille, 1938, p. 107).
2. Souffrir de + subst. (désignant la cause)
a) ) [Le compl. prép. désigne une pers.] [Le maître de la troupe] est ardent, sensuel, sensible, égoïste avec les femmes, prêt à souffrir d'elles pourtant (BRASILLACH, Corneille, 1938, p. 352).
) [Le compl. prép. désigne un inanimé]
[En parlant de souffrances physiques] Ressentir une douleur à telle partie du corps. Souffrir de l'estomac, de la poitrine, de la tête; d'où souffrez-vous? souffrir de partout; ne souffrir de nulle part. L'on voit un invalide souffrir d'un membre qu'il n'a plus (PONCHON, Muse cabaret, 1920, p. 303). Les palombes aux yeux crevés et qui servent d'appeaux, s'agitaient, souffraient de la faim et de la soif (MAURIAC, Myst. Frontenac, 1933, p. 289).
Souffrir d'(une maladie). (En) être atteint; avoir (cette maladie). Souffrir d'un cancer (du foie), d'un lumbago, d'un ulcère (à l'estomac), de rhumatismes; souffrir de dépression, de neurasthénie, d'une rage de dents; (p. anal.) souffrir d'un défaut (de la vue), d'un handicap, d'un malaise, de certains troubles, d'une infortune physique. Il y a quelque temps, je voyais un ami qui souffrait d'un caillou dans le rein (ALAIN, Propos, 1911, p. 99).
[En parlant de souffrances morales] En ressentir les effets; en pâtir. Souffrir du mal du pays, du qu'en dira-t-on, d'un remords; souffrir des reproches (qu'on nous adresse, de sa propre conscience), de l'absence de ceux qu'on aime; souffrir de jalousie, de son impuissance, d'ingratitude. L'être pensant qui n'a que soi pour but souffre d'une vacance abominable (MAURIAC, Journal 1, 1934, p. 77). Une femme souffre plus de la perte de son enfant que de l'amputation d'un de ses propres membres (CARREL, L'Homme, 1935, p. 313).
[Le suj. désigne un attribut de l'homme] Si la sensibilité de l'homme moderne se trouve fortement compromise par les conditions actuelles de sa vie, et si l'avenir semble promettre à cette sensibilité un traitement de plus en plus sévère, nous serons en droit de penser que l'intelligence souffrira profondément de l'altération de la sensibilité (VALÉRY, Variété III, 1936, p. 264).
Rem. COLIN 1971 note: ,,Le tour avec de ce que signifie « éprouver de la souffrance du fait que ». Il se construit avec l'indicatif ou le subjonctif: Il ne pensait pas à souffrir de ce qu'un autre avait possédé Gisèle (Mauriac)``.
b) Souffrir de + inf. Éprouver du chagrin, de la peine de. Souffrir d'être incompris. Il ne pouvait pas souffrir de voir une femme malade à côté de lui (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 185).
[À l'impér., vieilli ou dans la lang. épistolaire; corresp. à l'empl. trans. I A 3 a supra] Souffrez de + inf. Veuillez + inf. Souffrez de m'en dire quelques mots (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 179).
3. P. anal. [Le suj. désigne]
a) [un animal] Avoir mal. Ils feront ce qu'ils disent! (...) Je connais ces diables acharnés! Il secoua la tête, comme un chien qui souffre d'une oreille (VERCORS, Sil. mer, 1942, p. 75).
b) [une plante] Subir des dommages, des dégâts du fait de. Les arbres et en particulier les jeunes semis pouvaient souffrir d'une insolation excessive ou de gelées tardives (COCHET, Bois, 1963, p. 133).
Empl. abs. Bogota, située à 2 600 mètres, sur un plateau où la végétation arborescente souffre déjà, est entourée de vastes étendues (BRUNHES, Géogr. hum., 1942, p. 97).
SYNT. Avoir peur de souffrir, de faire souffrir qqn, son entourage; faire une piqûre à un blessé, à un malade pour l'empêcher de souffrir; apprendre à souffrir; plutôt souffrir que mourir; cet animal souffre, a l'air de souffrir; les morts ne souffrent plus; souffrir beaucoup, cruellement, extrêmement; souffrir à en mourir, à en hurler; souffrir comme un damné, comme une bête; ce qui me fait le plus souffrir c'est de ne pouvoir (faire telle chose); souffrir avec qqn par sympathie; souffrir inutilement, en secret, en silence; souffrir dans son amour-propre, dans son honneur, dans son orgueil, dans sa réputation; souffrir d'un préjudice, d'un préjugé; souffrir par le départ de qqn, par sa (propre) faute, par une femme; souffrir pour une cause, pour le droit, la justice, la liberté, la paix, la vérité; souffrir pour son honneur, pour ses intérêts, pour sa foi, pour son pays, pour sa patrie, pour sa religion; souffrir pour le salut de qqn; souffrir sans une plainte.
B. — [Le suj. désigne un inanimé]
1. [Le suj. désigne un élément concr.] Subir des dégâts, des dommages.
a) [Le suj. désigne notamment une région, l'agriculture]
Souffrir de. Quand le soleil se leva, l'atmosphère était chaude et toute chargée encore de la poussière de la veille. Depuis six semaines, la terre souffrait de sécheresse (R. BAZIN, Blé, 1907, p. 232). De canton à canton, de département à département, les jeunes acquièrent plus de lucidité sur les maux véritables dont souffre l'agriculture (DEBATISSE, Révol. silenc., 1963, p. 164).
Souffrir dans. L'Italie obtint tous les accords commerciaux dont l'impécuniosité qui lui est naturelle avait le plus pressant besoin. Elle les obtint même parfois à nos dépens. Lyon fut atteint dans ses soieries, ainsi que le Comtat, la Drôme et l'Ardèche; le Languedoc souffrit dans ses vins (MAURRAS, Kiel et Tanger, 1914, p. 141).
Empl. abs. La moyenne et la grande culture souffrent profondément et ne peuvent échapper à la ruine qu'à force d'intelligence, de capitaux et de savoir (GUYOT, Agric. Lorr., 1889, p. 47).
b) [Le suj. désigne une construction, une ville]
Souffrir de. Herlem souffrait du bombardement (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 394).
Empl. abs. On a soin de faire en sorte de suivre le fil du bois, autant que faire se peut, pour que les pieds soient plus solides. Ils ont besoin de force, puisque c'est toujours la partie du meuble qui souffre le plus (NOSBAN, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 16).
c) [Le suj. désigne un objet, un vêtement, un coloris, un son]
Souffrir de. Les taux de compression [des moteurs] dépassent (...) fréquemment 6, souvent pour approcher 7, sans que le moteur ait à en souffrir (TINARD, Automob., 1951, p. 330).
Souffrir dans (ici, p. méton. du suj.). Nous avions beaucoup souffert dans nos agrès, et nos mâts étaient fortement endommagés (MÉRIMÉE, Mosaïque, 1833, p. 138).
Empl. abs. Il faut voir des morceaux, où comme ici [Joueur de violon de Raphaël], le coloris n'a pas souffert, et où le relief est intact (TAINE, Voy. Ital., t. 1, 1866, p. 257). Il tempête... sa redingote a souffert (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 539).
2. Au fig. [Le suj. désigne un fait, un événement, une action] Être victime d'un mécompte; subir une altération.
Souffrir de. Le pays souffre du chômage, de la crise économique; le niveau de vie souffre de l'inflation; le monde souffre de la confusion des valeurs. À l'intérieur de l'armée, l'activité dans le domaine de l'instruction et de la préparation à la guerre n'a pas souffert des événements politiques (Affaire Dreyfus, 1900, p. 241). Si le mouvement musical n'est pas respecté dans Couleur ou Senor, le mot est mal prononcé, mais la signification n'en souffre pas (Arts et litt., 1935, p. 50-5).
Empl. abs. Aucun pays européen ne pouvait prématurément faire cavalier seul et commercer sur la base dollar, car ses exportations vers ses voisins eussent souffert (Univers écon. et soc., 1960, p. 38-9).
REM. 1. Souffrir, subst. masc., rare. État ou fait de souffrir. Il est à moi ce visage [de sa femme] si plein de bonne humanité où je voyais la chair de mon contentement et de mon souffrir (GIONO, Bout route, 1937, I, 8, p. 43). 2. Souffroir, subst. masc. Endroit où l'on souffre. Entre Lariboisière et l'abattoir, ces deux souffroirs, je reste rêvant, à respirer un air chaud de viande (GONCOURT, Journal, 1863, p. 1279).
Prononc. et Orth.:[], (il) souffre []. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. ca 1050 sofrir « supporter, endurer quelque chose de pénible » (Alexis, éd. Chr. Storey, 230); 2. a) ca 1135 « permettre quelque chose » (Couronnement Louis, éd. Y. G. Lepage, 1979, réd. C); ca 1170 souffrir que + subj. « consentir, permettre » (MARIE DE FRANCE, Lais, Eliduc, éd. J. Rychner, 670); 1174-76 souffrir qqc. à qqn (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 443); 1542 souffrir de + inf. « pouvoir » (A. HEROET, La Parfaicte amye, 1er livre ds Œuvres, éd. F. Gohin, p. 7); 1588 ne (pas) pouvoir souffrir de + inf. « ne pas admettre de » (MONTAIGNE, Essais, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, 1, chap. 36, p. 227); b) 1677 ne pas pouvoir souffrir qqn « ne pas ou ne plus pouvoir le supporter » (FLECHIER, Lamoignon ds LITTRÉ); 1689 ne pas pouvoir souffrir qqc. (Mme DE SÉVIGNÉ, Corresp., éd. R. Duchêne, t. 3, p. 534); 3. 1548 le papier souffre tout (N. DU FAIL, Baliverneries, éd. J. Assézat, p. 145); 4. déb. XIIe s. « (d'une chose) supporter sans dommage » (St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 608); 1640 « (d'une chose) admettre, pouvoir recevoir » (CORNEILLE, Horace, II, 1); 5. a) 1re moit. XIIe s. « éprouver douloureusement » (Psautier Oxford, 58, 7 ds T.-L.); 1121-34 le martire que Deus sufri (PHILIPPE DE THAON, Bestiaire, 3004 ds T.-L.); 1498-1515 souffrir martire (GRINGORE, Vie Monseigneur St Loys, éd. Ch. d'Hericault et A. de Montaiglon, II, p. 171); 1666 id. fig. (MOLIÈRE, Misanthrope, II, 4); b) 1283 soufrir mort et passion (au sens propre) (PHILIPPE DE BEAUMANOIR, Coutumes Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 1, § 741, p. 381); 1690 cet importun m'a fait souffrir mort et passion « il m'a fort fatigué » (FUR.); id. souffrir mille morts (ibid., s.v. mort). B. Verbe intrans. 1. ca 1480 « éprouver une douleur physique ou morale » (Mistere Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 10170); 1835 il a cessé de souffrir « il est mort » (Ac.); 2. 1498-1515 souffrir de mal et d'engoise (GRINGORE, op. cit., p. 134); 1740 souffrir du pied, de la tête (Ac.); 1800 souffrir de la goutte (GEOFFROY, Méd. prat., p. 425); 3. 1668 « subir un dommage matériel » (LA FONTAINE, Fables, Le Chêne et le roseau, livre 1, p. 22). C. Verbe pronom. 1. av. 1188 « attendre, patienter » (Partenopeus de Blois, éd. J. Gildea, 7822, var.); 2. 1550 « être toléré, supporté » (LA GRISE, trad. GUEVARA, I, 2 ds HUG.); 3. 1578 « se tolérer, se supporter mutuellement » (GARNIER, Marc-Antoine, éd. W. Foerster, I, p. 197). D'un lat. pop. sufferire, altér. du lat. sufferre « supporter, endurer ». Jusqu'au XVIIe s., souffrir était en concurrence avec douloir, v. DUB.-LAG. 1960: ,,mot courant au XVIe s., encore conjugué par Oudin; pour Maupas, il existe seulement à l'infinitif; hors d'usage au milieu du siècle (le 17e), il est regretté par La Bruyère``. Fréq. abs. littér.:15 383. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 21 328, b) 21 060; XXe s.: 24 680, b) 21 092. Bbg. PICOCHE (J.). Le Schéma actanciel des verbes endurer,... souffrir. Colloque Internat. sur le Moy. Fr. 4. 1982. Amsterdam. Amsterdam, 1985, pp. 217-225. — QUEM. DDL t. 17.

souffrir [sufʀiʀ] v. [CONJUG. couvrir.]
ÉTYM. V. 1112; suffrir, 1080; soferre, 1050; lat. pop. sufferire, lat. sufferre, de sub, et ferre « porter ».
———
I V. tr.
1 Littér. Supporter (qqch. de pénible ou de désagréable). Endurer, supporter. || Souffrir avec constance les maux qu'on ne peut éviter (cit. 26 et 27). || De quoi souffrir la famine. (→ Réserve, cit. 9). Résister (à). || Ils souffrent les maux de la guerre avec une patience (cit. 2) d'ange. || Une constance (cit. 2) inébranlable à souffrir les plus indignes traitements. || « Qui sait tout souffrir peut tout oser » (cit. 1). || J'aurais souffert la mort (→ Entêtement, cit. 3). || Souffrir un affront, des insultes. Avaler, boire, essuyer.(Plur cour. en emploi négatif). || Ne pouvoir souffrir la vue de qqch. (→ Évaluer, cit. 5; horreur, cit. 42), la laideur (→ Intolérant, cit. 1), la musique (→ Mélomane, cit. 1)… Tolérer. || Je ne pouvais souffrir sa manie de raisonner (→ Immoralisme, cit. 1), l'idée que… (→ Glisser, cit. 23). || C'est une chose qu'on ne peut souffrir. Intolérable.Fam. || Il ne pouvait souffrir les haricots verts (→ Légume, cit. 4) : il ne les aimait pas du tout, il les détestait.
1 Un vieillard, me trouvant trop sensible à je ne sais quelle injustice, me dit : « Mon cher enfant, il faut apprendre de la vie à souffrir la vie ».
Chamfort, Caractères et anecdotes, Bon avis d'un vieillard.
2 Comme Lamartine, il riait rarement, n'avait nul sens du comique, ne pouvait souffrir la caricature et ne goûtait ni Rabelais, ni La Fontaine.
France, le Petit Pierre, I.
(Avec de et l'inf.). || Je ne pus souffrir de les voir si bien ensemble (→ Alarmer, cit. 4; et aussi devant, cit. 20; estime, cit. 6).
(Compl. n. de personne). Supporter (qqn), supporter sa compagnie, sa présence, son activité… || Souffrir indifféremment toutes sortes de personnes (→ Extravagant, cit. 1). || Des gens qu'on souffre auprès de soi (→ Attentif, cit. 15), dans l'État (→ Horoscope, cit. 2).(1677). Cour. (négatif). || Ne pas pouvoir souffrir qqn (→ Flatter, cit. 36; fugitif, cit. 15). Sentir; fam. blairer; et aussi antipathie, haine. || Personne ne peut le souffrir. Désagréable, insupportable.Pron. (sens récipr.). || Des êtres qui ne peuvent se souffrir, qui se détestent.
3 (…) Tout est si corrompu (…) Ils ne souffrent autour d'eux que des serviles, que des chiens couchants (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 90.
4 (…) des hommes qui, peut-être, ne peuvent se comprendre entre eux, ni même se souffrir (…)
G. Duhamel, Défense des lettres, II, VII.
(1690). Spécialt (en parlant d'une jument en chaleur). || Souffrir l'étalon : tolérer son approche.
2 (Compl. n. de chose) Littér., didact., style soutenu. Permettre, tolérer. || Il ne souffre aucune intervention entre lui et ses commis (→ Exercer, cit. 29). || Ces chants pernicieux (cit. 6) qu'ils ont soufferts complaisamment.(Suivi d'une complétive au subj. introduite par que). || Souffrez que… (→ Ajouter, cit. 4; appeler, cit. 36; arrêter, cit. 62; rêver, cit. 23). || Ne souffrez jamais que… (→ Atelier, cit. 2). || Ne pouvoir souffrir que… (→ 2. Brocard, cit. 2; coutume, cit. 3).Pron. (passif). || « Une impertinence qui ne peut se souffrir » (Molière).
5 S'il m'arrivait de me « convertir », je ne souffrirais pas que cette conversion fût publique.
Gide, Numquid et tu…, Avant-propos (éd. 1926).
Vx. || Souffrir qqch. à qqn, souffrir à qqn de faire qqch.
6 Souffre un peu de relâche à mes esprits troublés (…)
Corneille, Polyeucte, II, 3.
(1640). Sujet n. de chose. Admettre (infra cit. 18), recevoir (supra cit. 29). || Les exercices de la piété souffrent des intervalles (→ Divertissement, cit. 2). || Des lois qui ne souffrent pas d'exception (→ Déterminisme, cit. 2). || Les belles choses ne souffrent pas de description (cit. 3). Susceptible (de). || Ce qui ne souffre point de discussion (→ Obéissance, cit. 6), de contradiction (→ Infaillibilité, cit. 5). || Un devoir qui ne souffre plus aucun retard (→ Remettre, cit. 28).
7 (…) il était bien préférable, pour obtenir un bon rendement, de ne cultiver (…) qu'une seule « variété » de poire, si le mot de variété souffre un tel contresens.
G. Duhamel, Scènes de la vie future, XV.
Loc. prov. Le papier souffre tout : on peut tout écrire, tout est possible sur le papier.
7.1 De là ma mauvaise humeur d'hier contre les pieux élans qu'on ne redoute pas de confier à un journal intime, le papier souffrant tout.
J. Green, Journal 1958-1967 (Vers l'invisible), 15 août 1962, p. 338.
3 Cour. (Sujet n. de personne). Éprouver douloureusement, avec souffrance (→ Misérable, cit. 4).|| « Tout ce que j'ai souffert, mes craintes, mes transports… » (→ Essai, cit. 9; et aussi anesthésier, cit. 1; bouche, cit. 21; malheureux, cit. 5). || Souffrir le martyre (cit. 10 et 11), le supplice, d'atroces tortures (→ Pendaison, cit.), les tourments de l'enfer (→ Piqûre, cit. 3; et aussi rentrer, cit. 9).Souffrir mille morts; souffrir mort et passion.
8 Qui craint de souffrir, il souffre déjà ce qu'il craint.
Montaigne, Essais, III, 13.
(Dans un sens affaibli). Éprouver, subir. || Souffrir une perte (→ Indiscipline, cit. 1), une défaite (→ Jeunesse, cit. 17).
———
II V. intr. Cour.
1 (1530). Sujet n. d'animé. Éprouver une souffrance, des douleurs (cit. 6) physiques ou morales; avoir mal (→ Chagrin, cit. 1; épuiser, cit. 22; plaindre, cit. 12). Languir.Souffrir comme un damné, un martyr. || Souffrez-vous ? (→ Piqûre, cit. 5). || « Plutôt souffrir que mourir » (cit. 4, La Fontaine. → aussi Audience, cit. 5; dévouer, cit. 9). || Chacun souffre ici-bas. Purgatoire (faire son). || Cet animal souffre, a l'air de souffrir. || Les morts (cit. 2) ne souffrent plus. || Souffrir en silence, sans une plainte. || L'appétit (cit. 28), la peur de souffrir. || Souffrir avec qqn par sympathie. || « Et nul ne se connaît tant qu'il n'a pas souffert » (→ Apprenti, cit. 9, Musset). || Souffrir pour la justice (→ Aimer, cit. 56; et aussi martyr, cit. 1). || Souffrir par une femme (→ Interférence, cit. 1).Faire souffrir qqn, un animal. Affliger, endolorir, lanciner, martyriser, tourmenter, torturer. || Un cancer (cit. 1) qui la faisait beaucoup souffrir (→ aussi Fracturer, cit. 2). || Il ne craint pas de me faire souffrir (→ Entamer, cit. 10; et aussi larme, cit. 19). || Mes coquetteries (cit. 7) vous ont fait souffrir. || La peur de faire souffrir (→ Cruauté, cit. 15).
9 Oh ! je ne savais pas qu'on souffrît à ce point !
Hugo, Hernani, V, 6.
10 Étrange chose, que l'homme qui souffre veuille faire souffrir ce qu'il aime !
A. de Musset, la Confession d'un enfant du siècle, IV, II.
11 (…) comment a-t-on le courage de souhaiter vivre (…) dans un monde où l'amour n'est provoqué que par le mensonge et consiste seulement dans notre besoin de voir nos souffrances apaisées par l'être qui nous a fait souffrir ?
Proust, la Prisonnière, Pl., t. III, p. 95.
12 Souffrir, c'est peut-être un enfantillage, une manière d'occupation sans dignité — j'entends souffrir, quand on est femme par un homme, quand on est homme par une femme.
Colette, la Naissance du jour, p. 31.
12.1 Souffrir est toujours idiot : c'est un des plus criminels bobards répandus par les chefs de masses (…), et repris ensuite par les littérateurs (…), que souffrir soit quelque chose de grand et de distingué.
Montherlant, Pitié pour les femmes, p. 42.
(Sujet n. de chose abstraite) :
12.2 (…) il est essentiel que l'infortune souffre; son humiliation, ses douleurs sont au nombre des lois de la Nature, et son existence, utile au plan général, comme celle de la prospérité qui l'écrase; telle est la vérité qui doit étouffer le remords dans l'âme du tyran ou du malfaiteur (…)
Sade, Justine…, t. I, p. 54-55.
Fam. Avoir bien du mal, se donner beaucoup de peine. || J'ai souffert pour lui expliquer son problème. || Nous avons gagné le match, mais ils nous ont fait souffrir !
2 (1740). Sujet n. de personne. || Souffrir de (le complément désigne l'origine, la cause) : éprouver de la douleur, de la souffrance à cause de… || Souffrir des dents, de la tête (→ Croître, cit. 3). 3. Mal (avoir). || Souffrir d'une maladie de cœur (→ Haletant, cit. 4), de rhumatismes (→ Ficelle, cit. 1). || Souffrir d'un malaise (cit. 5), d'une angoisse (cit. 6), du mal de mer (→ Passage, cit. 2). || Souffrir du froid (→ Friperie, cit. 3), de la faim et de la soif (→ Combat, cit. 7).Souffrir de certaines accusations (cit. 8), de la désaffection (cit. 1), des infidélités (cit. 11) d'une femme. || « Le mal (cit. 26) dont j'ai souffert s'est enfui comme un rêve ». || Elle souffrait cruellement de sa situation irrégulière (cit. 4).(Avec de et l'inf.). || Je souffrais beaucoup d'être hideusement fagoté (cit. 4; → aussi Attribuer, cit. 15; désordonné, cit. 2; jeune, cit. 15; justifier, cit. 22). || Souffrir de ce que…
13 Les mots désespérés sont ses propos d'habitude : il souffre de la ville, il souffre de la solitude, il souffre de soi-même et des autres (…)
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », I.
14 J'aurais dû souffrir de ce que mes enfants, de nouveau, s'écartaient de moi.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, II, XIX.
15 Je vois tes yeux secs et je sais que ton cœur est un enfer; pas une trace de souffrance, pas même l'eau d'une larme, tout est rougi à blanc. Comme tu dois souffrir de ne pas souffrir.
Sartre, Morts sans sépulture, III, 2.
3 (Sujet n. de personne ou de chose). || Souffrir de : éprouver un dommage, un préjudice. Pâtir.
Souffrir d'un profond retard technique (→ Jaune, cit. 12). Victime (être). || Vous pourriez bien en souffrir (→ Il vous en cuira).(Sans compl. en de). || « Le pot (cit. 3) de terre en souffre » (→ aussi Goudron, cit. 2). || La grêle est tombée, les arbres ont beaucoup souffert. Ravager (→ Menu, cit. 2; ravage, cit. 4).
16 (…) mes rosiers et mes œillets ont souffert cette année, et j'ignore ce qui se passe dans ma volière, tous mes oiseaux sont malades.
Zola, la Terre, IV, IV.
CONTR. (Du II.) Jouir; bénéficier.
COMP. Souffre-douleur.
HOM. Formes du v. soufrer.

Encyclopédie Universelle. 2012.