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RADIOASTRONOMIE
RADIOASTRONOMIE

L’observation astronomique a été longtemps limitée à l’utilisation des ondes auxquelles l’œil humain est sensible, c’est-à-dire celles dont la longueur est comprise entre 0,4 et 0,8 猪m. Dans la seconde moitié du XXe siècle, son domaine s’est étendu à l’ensemble du spectre des ondes électromagnétiques, grâce aux développements de la radioélectricité et des techniques spatiales. En particulier, l’observation des ondes radioélectriques émises par les astres a donné naissance à la radioastronomie , dont les résultats s’ajoutent à ceux de l’astronomie classique. Les premiers essais de détection d’ondes radioélectriques en provenance des astres datent de la fin du XIXe siècle, mais les techniques de l’époque étaient trop archaïques pour qu’ils soient couronnés de succès. Malgré les progrès rapides de la radioélectricité, notamment pendant et après la Première Guerre mondiale, ces essais ne furent pas renouvelés. C’est en 1932 que, tout à fait par hasard, l’ingénieur américain Karl Guthe Jansky découvrit le rayonnement radio de la Voie lactée. Il fallut attendre 1945, après la découverte, elle aussi accidentelle, des émissions solaires par l’Anglais James Stanley Hey pour que l’intérêt de cette nouvelle technique d’observation de l’Univers apparût aux astronomes. Depuis cette date, la radioastronomie s’est développée d’une façon spectaculaire, découvrant des objets nouveaux (pulsars, quasars) et apportant des vues nouvelles sur les objets déjà connus, ce qui a amené à réviser profondément les idées qui prévalaient jusqu’alors à propos de nombreux problèmes d’astronomie et d’astrophysique.

Les succès de la radioastronomie tiennent principalement au fait que les ondes radioélectriques prennent naissance dans des conditions très différentes de celles qui engendrent des ondes lumineuses; par conséquent, leur étude donne des précisions sur des phénomènes inobservables dans le domaine visible. La plupart des astres connus sont sources d’un rayonnement radioélectrique analysable: Soleil, planètes du système solaire, étoiles particulières, gaz interstellaire, galaxies... Comme dans toute science d’observation, les progrès de la radioastronomie ont été déterminés par le perfectionnement des instruments: radiotélescopes et récepteurs. Le problème des radiotélescopes est particulièrement important, car ces instruments, destinés à recevoir des ondes d’une longueur beaucoup plus grande que la longueur des ondes visibles, ont des pouvoirs séparateurs bien moins élevés que ceux des télescopes optiques. Cela a conduit à la construction d’instruments de très grandes dimensions et à l’utilisation des techniques de l’interférométrie, qui ont connu un développement considérable.

La connaissance des mécanismes d’émission des ondes radio est essentielle pour l’interprétation des observations radioastronomiques. Elle seule permet, en effet, de remonter des caractéristiques du rayonnement reçu aux conditions physiques régnant dans les sources et aux phénomènes qui s’y déroulent. Les radiotélescopes détectent des radiosources qui sont soit des objets galactiques, comme des nuages gazeux (régions H II) ou des restes de supernovae, soit des objets extérieurs à notre Galaxie [cf. RADIOSOURCES]. Ces astres sont généralement des émetteurs à spectre large et à émission quasi constante. Ils diffèrent en cela des pulsars, dont l’émission est formée d’impulsions brèves se répétant à intervalles réguliers [cf. PULSARS], et d’autres sources, comme le Soleil et la planète Jupiter, qui émettent un rayonnement très irrégulier. Par ailleurs, on observe dans le gaz interstellaire le spectre de raies d’atomes et de très nombreuses molécules. Leur étude permet d’obtenir l’abondance des éléments correspondants et d’élucider les conditions physiques et la chimie du milieu où ils se trouvent. De plus, l’effet Doppler-Fizeau subi par ces émissions rend compte des mouvements de ces sources de rayonnement. Enfin, le domaine de la radarastronomie , bien qu’utilisant des ondes radioélectriques, fait l’objet d’une technique différente de celle de la radioastronomie (cf. Radarastronomie , chap. 5). Si, en effet, dans cette dernière science le corps céleste étudié constitue l’émetteur d’ondes, en radarastronomie l’astre considéré (Lune, planètes et satellites du système solaire, astéroïdes...) sert de surface réfléchissante qui renvoie l’écho d’une onde émise depuis la Terre.

1. Ondes radioélectriques

Nature des ondes

Les ondes radioélectriques émises par les astres possèdent les propriétés générales des ondes électromagnétiques. Elles sont donc définies par leur fréquence f (exprimée en hertz) ou par leur longueur d’onde dans le vide, le produit de ces deux quantités étant égal à la vitesse c de la lumière: f 憐 = c . Dans le vide, ces ondes se propagent à la vitesse c , mais, dans l’espace interstellaire, qui n’est pas parfaitement vide, leur vitesse est inférieure à c . Elles subissent, comme les ondes lumineuses, les phénomènes de réfraction, de diffusion, de scintillation, lorsque le milieu traversé n’est pas homogène.

Pour la majorité des sources, les ondes ont la nature d’un bruit, c’est-à-dire que leur amplitude, leur phase et leur polarisation varient d’une manière aléatoire dans le temps, sur une échelle de temps de l’ordre de l’inverse de la fréquence. Elles ont donc des propriétés analogues à celles de la lumière émise par les astres.

L’observation radioastronomique consiste à déterminer:

– la direction précise dans laquelle se trouve la source et les caractéristiques apparentes de celle-ci (forme et étendue), de manière à pouvoir l’identifier à un objet visible;

– l’intensité du rayonnement et ses variations dans le temps ainsi que son spectre de fréquences;

– l’état de polarisation des ondes émises, qui renseigne sur l’existence et les propriétés du champ magnétique dans la source et sur le parcours entre la source et la Terre, état généralement lié au mécanisme d’émission des ondes.

Domaine de la radioastronomie

Une grande partie des ondes électromagnétiques qui se propagent dans l’Univers est arrêtée par l’atmosphère terrestre ou l’ionosphère avant d’atteindre la surface de la Terre. Seuls les ondes visibles et le proche infrarouge (0,35 猪m 麗 麗 20 猪m) ainsi que les ondes radio comprises entre 0,8 mm et 15 mètres peuvent être observés au niveau du sol. Du côté des courtes longueurs d’onde (fréquences élevées), les ondes radio sont absorbées par l’oxygène et la vapeur d’eau de la basse atmosphère, particulièrement dans le cas des longueurs d’onde inférieures à 1 centimètre. Des «fenêtres» plus transparentes existent (fig. 1). Dans certains sites exceptionnels (sommets de très hautes montagnes comme le Mauna Kea à Hawaii ou l’Antarctique), on peut observer à des longueurs d’onde encore plus courtes, notamment aux environs de 350 micromètres; mais on peut aussi s’affranchir de l’atmosphère terrestre en observant à partir d’avions (Kuiper Airborne Observatory américain), de ballons (programme français Pronaos – Programme national d’astronomie submillimétrique) ou de satellites (projet F.I.R.S.T. – Far-Infrared and Submillimeter Telescope – de l’Agence spatiale européenne).

Vers les basses fréquences (grandes longueurs d’onde), les observations au sol sont limitées par la présence de l’ionosphère, qui réfléchit vers l’extérieur les ondes d’origine extraterrestre. Quand l’incidence est normale (radiosource au zénith), la fréquence limite est égale à f 0F2 fréquence critique de la couche 2 de l’ionosphère (au-delà de 200 km d’altitude), qui varie entre 3 et 12 mégahertz environ, suivant l’heure du jour, la saison, la latitude du lieu d’observation et l’activité solaire. Pour faire des observations, on utilise des fusées, des satellites artificiels et des sondes spatiales transportant des récepteurs au-dessus de l’ionosphère ou de l’atmosphère. On peut ainsi détecter des ondes jusqu’à 30 kilohertz, limite au-delà de laquelle le milieu interplanétaire ne propage plus les ondes radio.

Le domaine de la radioastronomie est en réalité extrêmement étendu. Alors que les ondes lumineuses ne couvrent qu’une «octave» de 0,4 à 0,8 猪m environ, le spectre radio en occupe plus de 10 (plus de 20, si l’on tient compte des fréquences inférieures à la coupure ionosphérique). Il faut donc s’attendre que les émissions des astres aient des caractéristiques très différentes d’une extrémité à l’autre du spectre.

Unités employées

Les unités employées en radioastronomie sont analogues aux unités photométriques [cf. PHOTOMÉTRIE]. La brillance (ou luminance) est définie, pour les sources étendues, comme étant la puissance reçue par mètre carré de surface réceptrice placée sur Terre, perpendiculairement à la direction de visée, par unité d’angle solide (stéradian, ou sr) et par hertz de bande. C’est généralement une fonction de la fréquence, B (f ), exprimée en W m size=12 Hz size=11 sr size=11.

La densité de flux est la puissance reçue de l’ensemble d’une source de dimensions finies, par unité de surface réceptrice placée sur Terre perpendiculairement à la direction de la source, par hertz de bande passante, soit S (f ), exprimée en W m size=12 Hz size=11.

Vu la faible intensité des radiosources, on utilise généralement un sous-multiple de cette unité, le jansky, qui est égal à 10 size=126 W m size=12 . Hz size=11.

Si 行 est l’angle solide sous lequel est vue la source, on aura, entre S (f ) et B (f ), la relation:

On utilise souvent, à la place de la luminance, la notion de température de brillance T b reliée à la précédente par la formule de Rayleigh-Jeans :

k étant la constante de Boltzmann et = c /f la longueur d’onde. Cette formule est une approximation seulement valable aux longueurs d’onde supérieures à quelques centimètres. T b est égale à la température réelle de la source dans le cas d’un corps noir ou d’un gaz ionisé optiquement épais, mais elle prend des valeurs quelconques, bien plus élevées, dans les cas où l’émission est due à des mécanismes autres que thermiques.

2. Radiotélescopes et récepteurs

Les radiotélescopes

Par analogie avec l’astronomie classique, l’instrument utilisé en radioastronomie est désigné sous le nom de radiotélescope. Il est constitué d’une antenne (ou d’un système d’antennes), destinée à capter les ondes et reliée à un récepteur très sensible qui analyse celles-ci, en mesure l’intensité, la fréquence et en détermine la polarisation, etc.

La première fonction d’un radiotélescope sera donc de capter les ondes en quantité suffisante pour permettre leur détection. Dans le cas idéal, la quantité d’énergie reçue dans une bande de 1 hertz est égale au produit de la densité de flux S de la source définie précédemment par la surface de l’antenne, supposée orientée perpendiculairement à la direction de la source. Dans la pratique, il faut généralement diviser ce résultat par un facteur 2, les antennes n’étant sensibles qu’à une seule polarisation (ce facteur est différent de 2 si les ondes provenant de la source sont partiellement ou complètement polarisées). Il faut aussi introduire un facteur de rendement 兀 qui correspond au fait que la «surface efficace» A eff du radiotélescope est inférieure à sa surface réelle A . On a alors:

ou, pour l’énergie totale captée:

si B est la bande passante du récepteur.

La perte d’énergie, qui est liée au facteur de rendement, provient en partie du fait que les ondes captées n’arrivent pas exactement en phase au niveau du récepteur, par suite de petites différences entre les longueurs des trajets des rayons tombant sur les divers points de la surface de l’antenne. Elle dépend donc de la précision avec laquelle le radiotélescope est construit.

Qu’il s’agisse d’une surface réfléchissante concentrant les ondes en son foyer ou d’un système d’antennes distinctes reliées par des câbles de transmission ou par des guides d’onde, la perte d’énergie reste négligeable tant que ces différences de trajets n’excèdent pas une petite fraction de la longueur d’onde (de l’ordre de /10). Donc, plus la longueur d’onde utilisée par un radiotélescope est petite, meilleure doit être sa surface. Cela explique que de nombreux instruments de surface égale à plusieurs milliers ou dizaines de milliers de mètres carrés aient été construits pour recevoir les ondes métriques et décimétriques, alors que les plus grands radiotélescopes fonctionnant jusqu’aux ondes millimétriques ne dépassent pas quelques dizaines de mètres.

La seconde fonction du radiotélescope est de déterminer la direction de la source d’émission et de pouvoir distinguer deux sources de directions légèrement différentes. C’est le problème du pouvoir séparateur , lequel est lié à la notion de diagramme de rayonnement (ou de réception) d’une antenne. Celui-ci est constitué d’un lobe principal, de grande amplitude dans l’axe, et d’un certain nombre de lobes secondaires plus faibles. Le pouvoir séparateur est égal à la largeur du lobe principal de réception, et il est donné approximativement en radians par l’inverse de la dimension du radiotélescope, mesurée en longueur d’onde: (radian) \# /D , ou (minute d’angle) \# 3 600 /D .

Le pouvoir séparateur fixe évidemment la finesse des images que le radiotélescope fournit d’une région donnée du ciel. La formule précédente montre la différence considérable qui existe entre les radiotélescopes et les télescopes optiques. Ces derniers, même les plus petits, ont des dimensions de plusieurs centaines de milliers de longueurs d’onde et bénéficient donc aisément de pouvoirs séparateurs de l’ordre de la seconde d’angle. En pratique, le pouvoir séparateur des télescopes optiques est fixé par la turbulence atmosphérique et non pas par les dimensions de l’instrument. En revanche, les dimensions des radiotélescopes qui travaillent sur des longueurs d’onde de 104 à 107 fois plus élevées ne seront plus très grandes par rapport à la longueur d’onde. Par exemple, pour obtenir un pouvoir séparateur égal seulement à celui de l’œil nu (environ 2 minutes d’angle), il faut un radiotélescope de 2 000 longueurs d’onde, soit 20 mètres si = 1 centimètre, et 2 kilomètres si = 1 mètre. Cela correspond déjà à des instruments très grands et, dès que la longueur d’onde dépasse quelques centimètres, il est difficile d’obtenir un pouvoir séparateur convenable, d’autant plus que le radiotélescope doit pouvoir être orienté dans une direction quelconque du ciel. C’est la raison pour laquelle les techniques de l’interférométrie, dans lesquelles on utilise plusieurs antennes de dimensions modestes, ont connu un développement considérable.

Les grands paraboloïdes

Le type d’instrument le plus utilisé en radioastronomie est analogue dans son principe au télescope optique. Une surface réfléchissante, généralement en forme de paraboloïde de révolution, fait converger les ondes incidentes en un foyer où elles sont recueillies par une petite antenne auxiliaire et envoyées sur le récepteur. Pour obtenir une sensibilité et un pouvoir séparateur très élevés, les dimensions de l’ouverture de la surface réfléchissante doivent être importantes.

Les premières observations radioastronomiques furent faites avec des antennes de quelques mètres de diamètre. Les pouvoirs séparateurs correspondants étaient alors rarement inférieurs à une dizaine de degrés.

C’est vers 1950 qu’apparurent les premiers radiotélescopes ayant un diamètre de l’ordre de 25 mètres, mais le premier véritable radiotélescope géant fut achevé en 1957 à Jodrell Bank, en Angleterre. C’est un paraboloïde de 75 mètres de diamètre, en monture «alt-azimutale», qui permet de recevoir les ondes de longueur supérieure à 15 centimètres. Le plus grand radiotélescope parabolique est celui de 100 mètres de diamètre qui est situé dans l’Eifel, près de Bonn (Allemagne).

Les difficultés techniques rencontrées dans la construction des grands paraboloïdes sont de deux ordres. D’une part, la surface doit rester parabolique avec une bonne précision, quelle que soit la direction visée, malgré l’effet de la pesanteur. Plutôt que de construire une structure rigide, ce qui serait d’ailleurs impossible en pratique à la précision requise, on la construit de façon déformable, en s’assurant qu’elle reste parabolique: mais la longueur focale et l’orientation de l’axe sont fonction de la hauteur visée, ce qui est corrigé par des mouvements appropriés de l’antenne focale ou du miroir secondaire. D’autre part, il faut combattre les effets thermiques: la structure des antennes modernes, en particulier en ondes millimétriques, est soit enfermée dans une enceinte thermostatée (radôme enfermant toute l’antenne ou enceinte limitée à la structure elle-même), soit construite en matériaux de très faible coefficient de dilatation (fibres de carbone). Le radiotélescope de 30 mètres de l’Institut de radioastronomie millimétrique (Iram) franco-germano-espagnol ainsi que les antennes de l’interféromètre de ce même institut sont construits selon ces deux principes, respectivement.

Pour éviter, au moins partiellement, ces difficultés, on peut sacrifier la possibilité de viser n’importe quel point dans le ciel. Une première méthode consiste à construire un réflecteur parabolique méridien, c’est-à-dire mobile seulement autour d’un axe horizontal est-ouest. Un deuxième principe consiste à utiliser un réflecteur entièrement fixé au sol. Les déformations sont alors minimes. L’orientation de l’axe de visée se fait en modifiant la position de l’antenne qui, au foyer, collecte les ondes réfléchies. À Arecibo (Porto Rico), l’université américaine de Cornell exploite ainsi un radiotélescope de 305 mètres de diamètre, mis en service en 1963 (son diamètre était alors de 300 m), dans une cuvette naturelle qui avait approximativement la forme d’une calotte sphérique: quelques travaux de terrassement furent seulement nécessaires avant de placer la surface réfléchissante, faite d’un grillage posé sur des câbles tendus de manière à avoir une forme convenable. L’antenne focale est portée par une poutre suspendue à 150 mètres au-dessus du réflecteur, et sa position peut être modifiée de telle manière que la direction de visée se déplace jusqu’à 200 de l’axe vertical de l’instrument. Seule une bande de ciel de 400 en déclinaison est alors accessible à l’observation.

Interféromètres

Lorsqu’il n’est pas possible d’obtenir un pouvoir séparateur suffisant à l’aide d’une seule antenne, on utilise le principe de l’interférométrie. Si l’on dispose deux antennes aux extrémités d’une ligne est-ouest, à une distance l l’une de l’autre, et si l’on ajoute les signaux reçus par chacune d’elles, on obtient des franges d’interférences dont l’intensité est donnée par la formule:

凞 étant la longueur d’onde et l’angle entre la direction de la radiosource et le plan médian de l’interféromètre. La période des franges obtenues sera donc, au voisinage du méridien, = /l .

Quand une source passe devant l’interféromètre, par suite du mouvement diurne, devient une fonction du temps: on obtient, à la sortie du récepteur, un signal qui varie périodiquement, avec une période correspondant au pouvoir séparateur de l’interféromètre, c’est-à-dire = /l radian. La forme et la dimension des sources ne peuvent pas être déterminées avec un interféromètre à deux antennes fixes: on doit procéder aux observations avec différentes valeurs de la longueur l . La fonction qui représente la variation de l’intensité des franges par rapport à la longueur l n’est autre que la transformée de Fourier de la distribution de luminance sur la source.

Il existe plusieurs méthodes pour faire mieux qu’un interféromètre à deux antennes fixes.

On peut relier ensemble un plus grand nombre d’antennes fixes, formant en général un réseau d’antennes équidistantes de d sur une base est-ouest. S’il y a sur cette base 2n antennes, la longueur totale est D = (2n 漣 1) d ; le pouvoir séparateur /D est excellent dans la direction de la base mais médiocre (égal à /d ) dans la direction perpendiculaire. Il est donc souhaitable d’ajouter une base nord-sud pour obtenir un bon pouvoir séparateur dans cette direction. Une autre possibilité consiste à disposer les antennes sur un cercle. Ces réseaux d’antennes sont beaucoup utilisés pour les observations du Soleil (Nançay en France, Culgoora en Australie, etc.).

On peut aussi utiliser un plus petit nombre d’antennes mobiles sur une ou plusieurs voies ferrées. Si le nombre d’antennes est suffisant, on réalise l’équivalent des réseaux précédents, avec l’avantage que l’on peut changer à volonté le pouvoir de résolution en disposant les antennes de façon plus ou moins compacte. Si on combine des observations faites à des moments différents avec des dispositions différentes des antennes, on a l’équivalent de ce que l’on obtiendrait avec le nombre total combiné d’antennes, donc plus de sensibilité et de meilleures images. On se rapproche des conditions d’observation avec une antenne unique de diamètre égal à la longueur des bases: c’est ce qu’on appelle la synthèse d’ouverture .

Enfin, on peut utiliser un des instruments précédents en poursuivant avec chacune des antennes la région observée au cours de son mouvement apparent dû à la rotation de la Terre. La distance entre les antennes vue de la source varie au cours de la journée, et cela revient à déplacer les antennes comme dans le cas ci-dessus. C’est ce qu’on appelle la super-synthèse d’ouverture . Tous les grands interféromètres modernes, par exemple le Very Large Array, aux États-Unis, ou l’interféromètre millimétrique de l’Iram, en France, utilisent à la fois la synthèse et la supersynthèse d’ouverture. Ces instruments fournissent des images excellentes [cf. RADIOSOURCES] et supplantent les radiotélescopes à antenne unique. Il est vraisemblable que le radiotélescope de 100 mètres de diamètre de Green Bank, aux États-Unis, géré par le National Radio Astronomy Observatory (N.R.A.O.), sera le dernier grand radiotélescope de ce genre.

Interféromètres à très grandes bases

Dans les interféromètres précédents, les antennes sont reliées par des câbles de transmission ou par des guides d’onde qui amènent les deux signaux au récepteur, ce qui fait que la distance entre les antennes est limitée. On peut aussi assurer la liaison par un faisceau hertzien: on obtient alors des «bases» de quelques centaines de kilomètres. Pour éloigner encore les antennes, et ainsi améliorer le pouvoir séparateur, une technique d’observation avec deux antennes complètement indépendantes a été mise au point. Cette technique a été rendue possible par les progrès des enregistreurs magnétiques et des étalons de fréquence. Les signaux reçus par chaque antenne sont stockés séparément par deux enregistreurs magnétiques, en même temps qu’un signal de synchronisation provenant de deux horloges atomiques. Les temps indiqués par ces horloges, dont la stabilité dépasse 1 microseconde par jour, sont comparés avant et après les observations, ce qui permet de corriger d’éventuels petits décalages. Il suffit alors de «rejouer» les deux bandes magnétiques en additionnant et en synchronisant les enregistrements à l’aide des signaux des deux horloges.

On peut ainsi faire des mesures interférométriques entre deux antennes situées en des points quelconques du globe, à condition que les deux instruments puissent observer l’astre en même temps: la base est donc limitée au diamètre de la Terre, jusqu’à ce qu’on réalise une base interférométrique entre la Terre et la Lune, ou qu’on utilise des sondes spatiales.

Les interféromètres à très grandes bases permettent d’obtenir de véritables images des radiosources en combinant des observations simultanées avec plusieurs antennes réparties en différents points du globe. Il existe en Europe et aux États-Unis des réseaux spécialisés qui comportent une dizaine d’antennes de 25 mètres de diamètre environ. On parvient à obtenir des franges d’interférence à des longueurs d’onde aussi courtes que 3 millimètres, ce qui permet un pouvoir séparateur d’environ 50 millionièmes de seconde d’angle. À ces résolutions, la structure des quasars est très complexe et montre des éjections à des vitesses proches de celle de la lumière. Dans ce domaine, la radioastronomie a réalisé des performances très supérieures à l’astronomie optique, mais le retard sera sans doute un jour comblé grâce aux progrès de l’interférométrie dans le proche infrarouge puis en lumière visible.

Les récepteurs et la sensibilité des radiotélescopes

La sensibilité d’un radiotélescope est fonction de sa surface efficace et de la quantité minimale d’énergie détectable par le récepteur, quantité qui peut s’exprimer en unités de température si on utilise la formule de Rayleigh-Jeans (cf. Unités employées ). Cette température minimale est reliée à la température de système T s à la bande passante du récepteur B et au temps d’intégration 精 par la formule:

k est une constante voisine de l’unité.

La température de système correspond à l’énergie reçue en provenance de toutes les sources autres que la source étudiée: rayonnement du sol dans les lobes secondaires de l’antenne, émissions de l’atmosphère terrestre, etc. La composante qui limite en général la sensibilité des radiotélescopes est le bruit propre du récepteur lui-même. Bien que les récepteurs radioastronomiques ne diffèrent pas, dans leur principe, des autres récepteurs radio, on s’attache donc par tous les moyens possibles à diminuer leur bruit propre. Des récepteurs dont la température de bruit est inférieure à 10 kelvins peuvent être construits sur ondes décimétriques et centimétriques. Des performances presque aussi bonnes sont atteintes en ondes millimétriques, et le domaine des récepteurs submillimétriques (surtout destinés à l’espace) est en pleine expansion. Par ailleurs, la formule précédente montre que l’on aura intérêt à utiliser des bandes passantes aussi larges que possible, et que la stabilité des récepteurs devra être particulièrement soignée pour permettre des temps d’intégration très longs.

3. Mécanismes d’émission

Le but de la radioastronomie, comme celui de l’astronomie en général, est de déterminer les conditions physiques existant à l’intérieur des sources de rayonnement (température, densité, champ magnétique, etc.), de manière à mieux comprendre les phénomènes qui s’y déroulent. Pour cela, il faut essentiellement comprendre, qualitativement et quantitativement, les mécanismes par lesquels les ondes radio y prennent naissance. Ces mécanismes sont nombreux, et la difficulté sera, après avoir déterminé par l’observation les caractéristiques d’une source, de préciser lequel d’entre eux intervient dans chaque cas particulier.

En ce qui concerne le rayonnement continu (sans fréquences privilégiées), les mécanismes d’émission des ondes radio sont, en général, très différents de ceux qui donnent naissance aux ondes lumineuses. Ces dernières proviennent surtout de milieux relativement denses. En revanche, ce sont les gaz dilués et fortement ionisés, appelés également «plasmas», qui constituent le plus souvent les sources d’ondes radio [cf. PLASMAS].

Les mécanismes naturels d’émission d’ondes radio se groupent en deux types:

– Les émissions thermiques , dans lesquelles l’énergie rayonnée est empruntée à l’énergie d’agitation thermique des particules du milieu, surtout des électrons. Tous les corps solides, liquides et gazeux émettent ainsi des ondes radio. Si le corps émetteur est opaque aux ondes radio, sa surface émet en général en radio comme un corps noir s’il n’est pas réfléchissant (métal), et l’intensité du rayonnement est donnée par la loi de Planck (cf. Émission thermique des solides et des gaz ). Si le corps n’est pas opaque (c’est souvent le cas des gaz interstellaires), l’intensité du rayonnement est inférieure à celle qui est donnée par cette formule. Dans le cas des gaz ionisés, le rayonnement est physiquement produit par les électrons libres du milieu lors de leur interaction avec le champ électrique des ions qu’ils rencontrent.

– Les émissions non thermiques , dans lesquelles l’énergie provient d’une autre source qui est soit l’énergie de certains électrons, accélérés au préalable jusqu’à des vitesses voisines de celle de la lumière (électrons «suprathermiques» et relativistes; cf. Émissions de freinage magnétique [gyromagnétique et synchrotron] ), soit l’énergie cinétique contenue dans un jet d’électrons, soit encore l’énergie cinétique d’ensembles d’électrons oscillant dans le plasma. Dans ces cas, l’énergie rayonnée sous forme d’ondes n’est plus limitée par la température de la source mais par la source de l’énergie: elle peut donc être beaucoup plus grande. Les émissions non thermiques sont particulièrement intéressantes à observer, car elles renseignent sur les sources de l’énergie elles-mêmes, telles que particules de haute énergie, jets de matière, oscillations de plasma, par exemple.

Émission thermique des solides et des gaz

Un corps solide porté à une température T (mesurée en kelvins) émet un rayonnement électromagnétique dont l’intensité est donnée par la loi de Planck (émission dite du corps noir , cf. THERMODYNAMIQUE):

formule dans laquelle h et k sont les constantes de Planck et de Boltzmann, c la vitesse de la lumière et T la température de la source.

Dans le domaine radio, on a presque toujours hfkT , et la formule de Planck peut prendre la forme simplifiée (celle de Rayleigh-Jeans) déjà citée:

Le rayonnement thermique est maximal en infrarouge pour les températures généralement rencontrées dans l’Univers, mais son intensité dans le domaine radio n’est pas négligeable. Si l’on connaît les dimensions de la source, il est possible, en inversant la formule précédente, de déduire du flux reçu la température du corps émissif. On a ainsi mesuré la température de la Lune et des planètes. Les valeurs trouvées sont généralement différentes des valeurs déterminées à partir des mesures du rayonnement infrarouge émis par ces corps célestes, car les ondes peuvent provenir de régions différentes des infrarouges. Par exemple, la radioastronomie attribue à Vénus une température de 600 kelvins, nettement supérieure à celle que fournit l’observation infrarouge (225 K). Cela a permis de découvrir que la température de la surface de cette planète, cachée à l’observation optique par une épaisse couche de nuages, est beaucoup plus chaude qu’on ne le prévoyait. Cette température élevée est due à un effet de serre provoqué par la présence de l’atmosphère, qui bloque le rayonnement infrarouge de la planète et provoque une accumulation de chaleur au voisinage de la surface. En revanche, la mesure du rayonnement infrarouge ne permet d’observer que la surface de la couche nuageuse, qui est effectivement à une température beaucoup plus basse. Ces résultats ont été confirmés ultérieurement par l’exploration in situ de Vénus [cf. VÉNUS].

Dans les gaz rencontrés en astronomie, surtout constitués d’hydrogène plus ou moins ionisé, le rayonnement des électrons, quand ils passent au voisinage des protons (ions H+), sera le plus important. Le rayonnement dû à cette interaction électron-proton est appelé émission free-free (cf. RADIO- SOURCES).

La formule de Planck et celle de Rayleigh-Jeans s’appliquent également au rayonnement d’un gaz ionisé et chaud. Il faut alors tenir compte de l’épaisseur optique du gaz, qui dépend de la température et de la densité.

Une grande partie de la matière dans l’Univers se présentant sous forme de gaz, les exemples d’émission thermique sont nombreux. La couronne solaire est un gaz dont la température est de l’ordre de 1 million de degrés, et son émission radio est intense dans toute la gamme des ondes de longueur comprise entre quelques millimètres et plusieurs mètres. L’étude de cette émission pour différentes longueurs d’onde permet de déterminer la température et la densité à différentes altitudes au-dessus de la photosphère.

Les étoiles émettent certainement un rayonnement thermique analogue à celui du Soleil, mais ce rayonnement est trop faible pour être détecté. En revanche, le gaz interstellaire, quoique beaucoup plus dilué, émet un rayonnement parfaitement décelable, à cause de l’épaisseur et des dimensions considérables des régions émissives.

Enfin, une émission thermique a été découverte en provenance de toutes les directions du ciel. Elle correspond à une température très faible (2,735 K), et on l’interprète comme étant un résidu de la température extrêmement élevée qui devait régner dans l’Univers lorsqu’il était dans un état beaucoup plus condensé. La découverte de cette température résiduelle est d’une importance considérable pour la cosmologie.

Émissions de freinage magnétique (gyromagnétique et synchrotron)

Quand un électron se déplace dans un champ magnétique, en l’absence de collisions sur les ions, il décrit une trajectoire hélicoïdale autour des lignes de force du champ en émettant un rayonnement dont la fréquence, connue sous le nom de fréquence cyclotron , ou fréquence de Larmor , ne dépend que de l’intensité H du champ:

e et m étant respectivement la charge et la masse de l’électron. Cette formule est valable dans le cas des électrons de faible énergie, comme ceux dont le mouvement correspond uniquement à l’agitation thermique. Le rayonnement est alors peu intense, et on montre que, généralement, il ne peut se propager dans le milieu où il est émis, ni par suite être rayonné dans l’espace.

En revanche, quand l’énergie, c’est-à-dire la vitesse v des électrons, augmente à la suite d’une accélération par un processus quelconque (on parle alors d’électrons suprathermiques), la fréquence de Larmor devient:

c étant la vitesse de la lumière, et, ce qui est plus important, il apparaît une émission sur les harmoniques nf H de la fréquence de Larmor, qui se propage sans encombre jusqu’à la Terre.

Ce rayonnement se fait donc sur fréquences discrètes, l’intensité émise sur chaque harmonique dépendant de l’ordre de cet harmonique et de la vitesse de l’électron: plus cette vitesse est grande, plus l’ordre des harmoniques émis est élevé. Les formules donnant l’intensité de ce rayonnement (connu sous le nom de rayonnement gyromagnétique ) ne sont pas simples. Un cas très intéressant est celui des électrons relativistes, dont la vitesse est voisine de celle de la lumière: l’énergie cinétique est supérieure à l’énergie au repos W 0 = (1/2)mc 2. Leur rayonnement, appelé rayonnement synchrotron (d’après le nom des accélérateurs dans lesquels il fut d’abord mis en évidence), émet des ondes polarisées [cf. RADIOSOURCES], et est décrit par des formules plus simples. L’ordre des harmoniques émis est alors tellement élevé que le spectre est continu, avec un maximum situé au voisinage de la fréquence:

dans laquelle f m est exprimée en mégahertz, E en électronvolts et H en teslas.

La puissance totale émise par un électron est:

et peut atteindre des valeurs très élevées: le rayonnement synchrotron est un mécanisme particulièrement efficace pour la génération d’ondes radio.

Les rayonnements gyromagnétique et synchrotron se manifestent dans de nombreux astres. Ils rendent compte de certains grands sursauts solaires accompagnant les éruptions chromosphériques (sursauts de type IV, cf. SOLEIL), du rayonnement du milieu interstellaire sur basses fréquences et de l’émission de la plupart des radiosources, depuis les restes de supernovae jusqu’aux quasars.

L’intérêt de l’émission gyromagnétique, et surtout de l’émission synchrotron, est de permettre l’étude des électrons de grande énergie dans l’Univers, qui sont une des composantes des rayons cosmiques. On a vérifié, grâce à leur détection par les sondes spatiales, que ces rayons comprenaient, en plus de protons et d’ions plus lourds, une certaine quantité d’électrons (cf. rayons COSMIQUES). L’observation du rayonnement synchrotron des radiosources permet l’étude de cette composante électronique dans des régions très éloignées, où la détection in situ sera toujours impossible. La radioastronomie apporte, en particulier, des informations de première importance sur l’origine des rayons cosmiques. La découverte de sources intenses d’émission synchrotron, par exemple dans le Soleil au moment des éruptions ou dans les enveloppes gazeuses éjectées au moment de l’explosion des supernovae, montre que ces sources sont capables d’accélérer des électrons et donc très probablement des protons et d’autres noyaux jusqu’à des vitesses voisines de celle de la lumière. De même, les radiosources extragalactiques seraient des sources importantes de rayons cosmiques.

Les oscillations de plasma

À côté de l’effet synchrotron, où les électrons émettent d’une manière incohérente, existe une émission intense à partir d’électrons de faible énergie, si ceux-ci ont un mouvement d’ensemble périodique analogue aux courants électriques produits sur une antenne émettrice. C’est le cas, en particulier, des oscillations de plasma, qui peuvent être provoquées par le passage, dans un gaz ionisé, d’un jet de particules, électrons ou protons. Ce mécanisme, qualitativement bien connu, se prête cependant assez difficilement à une théorie quantitative.

Si un jet d’électrons entre dans un plasma, il provoque la formation d’ondes de charges d’espace (ou ondes de plasma), dans lesquelles les électrons se déplacent parallèlement à la direction de propagation de l’onde (ondes dites longitudinales ). Ces ondes sont excitées à la fréquence de résonance du plasma, qui ne dépend que de sa densité N e:

Elles ne peuvent se propager loin dans un milieu de densité variable, mais se transforment, sous certaines conditions, en ondes électromagnétiques ayant la même fréquence f p ou la fréquence harmonique 2 f p. Ce sont ces dernières ondes que l’on pourra recevoir sur Terre.

Ce mécanisme d’émission fait appel à un phénomène de résonance du plasma et donnera donc des émissions à spectre étroit. Il est particulièrement important pour expliquer les sursauts solaires sur ondes métriques et décamétriques, et il permet d’interpréter tous les sursauts à dérive de fréquence, généralement peu durables, à spectre étroit, apparaissant d’abord sur les hautes fréquences et dérivant plus ou moins rapidement vers les basses fréquences. C’est ce que l’on doit attendre d’une perturbation montant dans la couronne (gaz qui entoure la chromosphère, composé essentiellement d’hydrogène ionisé) et excitant à chaque instant l’émission d’ondes à une fréquence égale à la fréquence propre du plasma à l’altitude où elle se rencontre, c’est-à-dire à une fréquence décroissante avec le temps puisque la densité coronale diminue quand on s’éloigne du Soleil.

L’étude de ces sursauts permet donc de déterminer ces perturbations – jets de particules ou ondes de choc –, qui sont impossibles à observer dans le domaine visible.

Il est très probable que les émissions intenses en provenance de Jupiter sur ondes décamétriques soient aussi dues à des oscillations de plasma, mais le détail du mécanisme de ces émissions n’est pas encore tout à fait compris. Il en est de même de celui de plusieurs autres sursauts solaires: l’inventaire des nombreuses instabilités qui peuvent, dans un plasma, conduire à l’émission d’ondes radio n’est pas encore terminé.

Enfin, le rayonnement radio des pulsars est vraisemblablement produit par l’effet collectif d’électrons de haute énergie, et présente donc des similitudes avec ce rayonnement de plasma.

Le spectre de raies en radioastronomie

Le spectre de raies est considérablement plus riche dans le domaine radio que dans le domaine visible. Les ondes radio correspondent à des transitions de très faible énergie qui seront soit des transitions entre états très excités des atomes, soit des transitions de structure hyperfine des atomes, soit enfin des transitions moléculaires.

L’émission des états excités de l’hydrogène, entre les niveaux quantiques 50 et 200 environ, est détectable en radioastronomie, ainsi que les raies correspondantes de l’hélium et du carbone. La raie de l’hydrogène neutre, sur 21 centimètres de longueur d’onde (soit 1 420,405 6 MHz), la première qui fût détectée en radioastronomie et dont l’étude a bouleversé nos idées sur la structure de la Galaxie, est due à une transition entre deux états de la structure hyperfine de l’atome dans son état fondamental: elle correspond au changement de sens du spin de l’électron par rapport à celui du proton.

L’observation du spectre de raies apporte des informations très importantes à plusieurs points de vue. Tout d’abord, elle permet l’étude du mouvement des sources. Si le gaz émetteur a une vitesse v par rapport à l’observateur, la fréquence de la raie sera déplacée par effet Doppler-Fizeau d’une quantité 益 = 益 (v/c ) par rapport à la fréquence du gaz au repos. La résolution spectrale des récepteurs radio étant très supérieure à celle des instruments optiques, il sera possible de mesurer des vitesses avec une précision meilleure que quelques dixièmes de kilomètre par seconde.

L’intérêt principal des raies spectrales est qu’elles sont caractéristiques d’atomes et de molécules bien déterminées. C’est par l’étude de leurs raies dans le domaine des ondes millimétriques et centimétriques qu’on a pu établir l’existence, dans le milieu interstellaire et dans les enveloppes étendues d’étoiles froides géantes, de près d’une centaine de molécules différentes (fig. 2): auparavant, le nombre de molécules connues dans ces sources, grâce aux observations dans les domaines visible et ultraviolet, se comptait sur les doigts d’une main. Depuis la découverte, en 1963, de la première molécule observable en radio, la molécule OH, cette partie de la radioastronomie a connu un développement extraordinaire, surtout à partir de la mise en service des premiers récepteurs performants en ondes millimétriques, en 1970. Les molécules détectées vont des plus simples, comme OH, H2O, NH3, jusqu’à des molécules relativement complexes pouvant avoir jusqu’à onze atomes. La plupart des molécules rencontrées dans le milieu interstellaire sont très difficiles à fabriquer et à conserver dans les conditions du laboratoire: en fait, les conditions physiques qui règnent dans le milieu interstellaire, en particulier sa très faible densité, sont très différentes des conditions que l’on peut réaliser au laboratoire, si bien que la chimie dans ce milieu est très particulière. Elle présente l’intérêt de mettre bien en évidence les processus élémentaires de la physico-chimie, et, à ce titre, son importance dépasse notablement l’astrophysique. Il est possible que certaines molécules complexes, qui sont les éléments de base de la matière vivante (les acides aminés), puissent être naturellement synthétisées dans le milieu interstellaire; mais leur mise en évidence directe par la spectroscopie en ondes radio sera extrêmement difficile et peut-être impossible en raison de la complexité de leur spectre de raies et de la confusion qui règne dans le spectre des nuages émetteurs (les observations montrent une quantité innombrable de raies qui se chevauchent les unes les autres). Enfin, l’étude de l’intensité et de la forme des raies des molécules interstellaires permet d’obtenir des renseignements précieux sur les conditions physiques qui règnent dans les sources de leur émission. L’intensité émise dépend en effet du mécanisme d’excitation de l’état d’énergie supérieur de l’atome ou de la molécule. Si cette excitation est due aux collisions avec les autres particules du milieu, on peut en déduire la température. La densité du milieu émissif peut aussi être déterminée dans certains cas. C’est ainsi qu’on a découvert que la plupart des molécules interstellaires se trouvent dans des nuages optiquement invisibles car opaques, relativement froids et denses, que l’on nomme nuages moléculaires . Ces nuages sont les lieux où se forment les étoiles, et l’étude détaillée des raies qu’ils émettent jointe à des observations dans l’infrarouge permet de voir à l’œuvre la naissance des étoiles. Si nous n’en comprenons pas encore bien les détails, les grandes lignes sont connues, et c’est un des domaines de la recherche astronomique les plus actifs.

Certaines molécules (OH, H2O, SiO, alcool méthylique HCH2OH, etc.) produisent des émissions masers naturelles qui correspondent à des raies très intenses, étroites et variables au cours du temps. Les sources masers sont liées aux processus de formation d’étoiles d’une manière que nous ne comprenons pas encore bien. Les enveloppes de certaines étoiles géantes froides produisent aussi des émissions masers, celles-ci mieux comprises, qui apportent des informations très importantes sur leur physique.

4. Radioastronomie et astronomie optique

L’étude de l’origine même des ondes radio a apporté de nombreux résultats nouveaux à l’astronomie. Ces ondes, intéressantes en elles-mêmes, permettent d’observer des phénomènes invisibles, notamment certaines régions de l’Univers qui ont un rayonnement négligeable dans les autres domaines. L’interprétation du rayonnement radio permet aussi d’aborder le problème des rayons cosmiques et des mouvements de matière dans l’Univers.

La radioastronomie présente un autre intérêt qu’il ne faut pas sous-estimer. L’opticien astronome est, en effet, gêné dans ses recherches par la multitude des astres qui s’offrent à son investigation. Les grands télescopes optiques sont rares et, les temps de pose étant longs, ils ne peuvent être pointés que sur quelques centaines d’astres par an. Le choix de ceux-ci est donc d’une importance considérable.

La radioastronomie peut aider à faire ce choix, car, à côté de l’intérêt propre des ondes radio, la détection d’une émission intense en provenance d’un astre indique que ce dernier possède des propriétés particulières et qu’il est très probablement intéressant à étudier dans tous les domaines. De nombreux exemples peuvent être donnés de cette influence de la radioastronomie sur les recherches optiques.

Jusqu’à la découverte des radiosources intenses, comme Cassiopeia A, Puppis A, personne n’avait prêté beaucoup d’attention à de petites nébuleuses filamenteuses visibles dans certaines régions du ciel. Or une étude plus poussée, dans les domaines radio et visible, révéla qu’il s’agissait d’enveloppes gazeuses en expansion éjectées au moment d’explosions de supernovae (qui ont pu avoir lieu il y a des milliers ou des dizaines de milliers d’années), qui constituent une source importante de rayons cosmiques dans l’Univers.

Les quasars ont aussi été découverts grâce à leur rayonnement radio. Ils se présentent sur les clichés des grands télescopes optiques comme de simples étoiles. Mais une étude plus détaillée de leur spectre, après la découverte de leur rayonnement radio, montra qu’il s’agissait de galaxies dont l’éloignement était bien supérieur à celui de toutes les galaxies connues jusqu’alors [cf. QUASARS]. Bien que la nature du rayonnement radio des quasars soit en elle-même un problème passionnant, l’application de l’étude de ces objets célestes aux problèmes de l’origine et de l’évolution de l’Univers n’est possible que par leur observation optique, en particulier la détermination du déplacement vers le rouge de leur spectre (effet Doppler-Fizeau). La radioastronomie permet seule de détecter facilement les pulsars – étoiles à neutrons en rotation rapide –, qui sont très difficiles à observer dans le domaine optique.

Ainsi, la radioastronomie ne doit pas être tenue pour une science à part, mais pour une technique de l’astronomie (plus précisément de l’astrophysique) qui doit être utilisée conjointement aux méthodes classiques.

5. Radarastronomie

En 1946, le Hongrois Z. Bay obtenait pour la première fois un écho radar sur la Lune. Cette date marque le début de la radarastronomie, qui consiste à utiliser la technique du radar pour l’étude des astres. Contrairement à la radioastronomie, qui étudie les ondes émises par les astres eux-mêmes, la radarastronomie emploie des émetteurs situés sur Terre. Les ondes radio sont envoyées en direction d’un objet, et l’étude des caractéristiques de l’écho obtenu renseigne sur la nature de la surface réfléchissante, sa distance, ses mouvements.

La puissance nécessaire pour obtenir un écho radar étant proportionnelle à la quatrième puissance de la distance de l’émetteur à la cible [cf. RADAR], l’obtention d’un écho sur les astres nécessite des puissances considérables. C’est la raison pour laquelle, à l’heure actuelle, la radarastronomie est limitée à l’étude du système solaire. Ainsi des échos ont été enregistrés en provenance de la Lune, de planètes, de satellites naturels, d’astéroïdes, du Soleil. Par ailleurs, les échos obtenus sur les traînées météoriques dans la haute atmosphère terrestre apportent de nombreux renseignements sur l’origine des météorites et de la matière qui les constitue.

Les radiotélescopes sont utilisables en radarastronomie, à condition d’être équipés d’un émetteur puissant. La technique employée est celle des radars terrestres: des impulsions sur fréquence radio sont envoyées en direction de la cible, et le délai écoulé entre la transmission et le retour de l’écho permet de calculer la distance de l’astre, tandis que le changement de sa fréquence par effet Doppler-Fizeau renseigne sur ses mouvements. De plus, les autres caractéristiques de l’écho (intensité et polarisation) donnent des indications sur la nature de la surface réfléchissante.

Mesure des distances dans le système solaire

Le délai entre l’émission d’une impulsion et la détection de son écho détermine la durée du trajet, aller et retour, de l’onde radio entre la Terre et l’astre étudié. Si l’onde se propageait dans le vide, il serait facile d’en déduire avec une grande précision la distance de l’astre. En pratique, le milieu interplanétaire n’est pas un vide parfait, et les ondes s’y propagent avec une vitesse qui dépend de la densité, encore mal connue, du gaz traversé; cette vitesse est inférieure à celle de la lumière dans le vide. Une autre cause d’erreur provient de ce que l’écho est souvent déformé et qu’il est difficile de définir exactement l’instant où l’onde touche la surface. Enfin, la précision est également limitée par la précision avec laquelle est connue la vitesse de la lumière.

Quoi qu’il en soit, les méthodes de la radarastronomie sont beaucoup plus précises (excepté dans le cas de la Lune) que les méthodes optiques de mesure de distance, et la détermination de l’unité astronomique (distance moyenne de la Terre au Soleil) a pu être réalisée avec trois chiffres significatifs supplémentaires. De même, les grandeurs caractéristiques des orbites de Mercure, de Vénus et de Mars ont pu être considérablement précisées.

Vitesse de rotation des planètes

La mesure de la vitesse de rotation des planètes sur elles-mêmes et de la libration de la Lune résulte de l’interprétation du spectre Doppler-Fizeau des échos radars. Ces mesures, en optique, nécessitent de longues et difficiles observations de petites structures visibles à la surface des planètes et de leur mouvement. Les mesures sont peu précises à cause de l’éloignement des planètes et de la variation d’éclairement par le Soleil suivant leur position.

Dans le cas de Vénus, la radarastronomie est l’unique technique qui a permis de déterminer la rotation de la planète elle-même, car seule la couche nuageuse entourant la planète peut être observée en optique (et il n’y avait aucune raison d’admettre qu’elle tourne avec la même vitesse que la surface; cf. VÉNUS). De même, dans le cas de Mercure, les mesures radars ont donné des résultats beaucoup plus précis que les mesures optiques, cette planète étant difficile à observer en raison de sa faible distance au Soleil. La période de rotation qui a été trouvée est bien plus rapide (59 jours) que celle qui fut longtemps admise (88 jours; cf. MERCURE [planète]).

Nature des surfaces réfléchissantes

Il est possible d’utiliser les radars pour établir de véritables cartes de la Lune et des planètes. Les précisions obtenues sont comparables à celles des cartes optiques. De plus, les ondes radio ont l’avantage de pouvoir traverser la couche nuageuse de Vénus, ce qui permet d’étudier le relief de la planète, étude impossible en optique.

Enfin, des caractéristiques de l’écho (forme, intensité, polarisation, par exemple) il est possible de déduire des informations sur la nature de la surface réfléchissante. Les premières recherches dans ce domaine ont été effectuées sur la Lune, dont on obtient des échos sur toutes les longueurs d’onde entre 8 millimètres et 15 mètres. On mesure ainsi, en fonction de la longueur d’onde utilisée, le coefficient de réflectivité et la constante diélectrique du sol lunaire.

On a aussi obtenu par réflexion des échos sur le Soleil en employant des ondes à basse fréquence (les ondes de fréquences supérieures à 50 mégahertz sont absorbées par la couronne solaire avant d’être réfléchies). Ces échos proviennent de masses de gaz montant dans la couronne et qui sont probablement éjectées par les centres d’activité. Il en résulte que l’intensité des échos et leur décalage Doppler-Fizeau sont très variables d’un jour à l’autre.

radioastronomie [ radjoastrɔnɔmi ] n. f.
• 1953; de radio- et astronomie
Astron. Branche de l'astrophysique qui étudie les rayonnements électromagnétiques des corps célestes ( radiosource).

radioastronomie nom féminin Branche de l'astronomie qui étudie le rayonnement électromagnétique des astres dans le domaine des ondes radioélectriques.

radioastronomie
n. f. ASTRO Branche de l'astronomie consacrée à l'étude des ondes radioélectriques émises par les astres.

⇒RADIOASTRONOMIE, subst. fém.
ASTRON. Branche de l'astronomie qui se consacre à l'étude des rayonnements électromagnétiques émis par les corps célestes (ou radiosources). Dans une perspective lointaine, il est probable que la découverte des radiosources extra-galactiques restera la contribution essentielle de la radioastronomie à notre connaissance de l'univers, et de très nombreux radioastronomes se sont penchés sur les problèmes extrêmement difficiles posés par leur étude (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 602).
REM. 1. Radioastronome, subst. masc. Spécialiste en radioastronomie. V. ex. supra. 2. Radioastronomique, adj. Qui se fait dans le cadre de la radioastronomie, au moyen des ondes électromagnétiques. Il appartint à Karl G. Jansky, ingénieur aux laboratoires des Bell Telephone, de faire la première observation radioastronomique (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 597).
Prononc.:[]. Étymol. et Hist. 1953 (Lar. 20e Suppl.). Formé de l'élém. radio-2 et de astronomie; l'angl. radioastronomy est att. dep. 1948 (v. NED Suppl.2). Bbg. STEINBERG (J.), LEQUEUX (J.). Radioastronomie. Paris, 1960, pp. 1-6.

radioastronomie [ʀadjoastʀɔnɔmi] n. f.
ÉTYM. 1953; de 2. radio, et astronomie.
Sc. Branche de l'astronomie (astrophysique) qui étudie les ondes radioélectriques des corps célestes dits radiosources. → Hertzien, cit. || Radioastronomie et radarastronomie.On écrit aussi (vieilli) radio-astronomie.
0 Avec eux (les instruments radioélectriques : radiotélescopes, interféromètres…), les physiciens se livrent à l'observation de la galaxie et des nébuleuses extragalactiques, des étoiles et du Soleil (…) La radio-astronomie apporte une extraordinaire moisson de résultats nouveaux qui nous aident à comprendre la structure de l'Univers.
E. Schatzman, Hist. de la science, Astronomie, in Encycl. Pl., p. 805.
tableau Noms de sciences et d'activités à caractère scientifique.
DÉR. Radioastronome, radioastronomique.

Encyclopédie Universelle. 2012.