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échapper

échapper [ eʃape ] v. <conjug. : 1>
escaper v. 1100; lat. pop. °excappare « sortir de la chape », de ex- et bas lat. cappa
I V. intr. ANe plus être pris. ÉCHAPPER DE, À (qqch., qqn).
1Vieilli S'enfuir (d'un lieu), fausser compagnie à (qqn). s'évader, se sauver. Échapper des mains de ses gardiens, à ses gardiens. « Si jamais nous échappons de cette tempête » (Fénelon). réchapper; rescapé.
Mod. ÉCHAPPER À... :se tirer, sortir indemne (d'un danger, d'un état fâcheux). Échapper à un accident, à une rafle. Elle y a échappé.
Fig. Échapper à sa condition, à une influence. « Vous continuerez de voir le même horizon. Échappez donc à tout cela » (Louÿs).
2(Sujet chose) Cesser d'être tenu, retenu. Objet qui échappe des mains. glisser, 1. tomber. « Sa main tremblera, le couteau lui échappera » (Romains). Laisser échapper un plat. 1. lâcher.
Fig. Ne pas pouvoir être retenu, conservé. « Le temps m'échappe et fuit » (Lamartine). Elle sentait que son fils lui échappait, cessait de subir son influence. ⇒ se détacher. « Sa mémoire ne laissait rien échapper » (Green). Son nom m'échappe, ma mémoire ne peut le retrouver en ce moment.
3Être émis, prononcé contre la volonté du sujet. Laisser échapper un cri. Cela m'a échappé. « Nous nous sommes quittés sur des paroles très dures [...] je regrette celles qui me sont échappées » (Bourget). Impers. « Il lui échappa un cri » (Laclos).
B ♦ ÉCHAPPER À... : ne pas être pris.
1(Sujet personne) Éviter (qqn, qqch. de menaçant qui peut atteindre). Échapper à ses poursuivants. Il a échappé à la police, à toutes les recherches. « Je le pourchasse, et je jure qu'il ne m'échappera pas » (A. Gide). « Kyo échappait à la peur par manque d'imagination » (Malraux). Échapper à une corvée, à l'impôt. Vous n'y échapperez pas, cette fois (cf. Ne pas y couper). « Cette obligation à laquelle nul de nous ne peut échapper » (France). se dérober, se soustraire. « Le compositeur a échappé à cette vulgarité » (Baudelaire). éviter.
2(Sujet chose) N'être pas touché, contrôlé, compris par. Tout ce qui échappe à notre vue. Ce détail m'avait échappé. Rien ne lui échappe : il remarque tout. Toute l'ironie du texte lui a échappé, il n'y a pas été sensible. — Impers. Il n'a échappé à personne que son nom n'a pas été prononcé.
II V. tr.
1Vx Échapper à, éviter. « Nulle puissance ne peut échapper les mains de Dieu » (Bossuet ). Mod. Loc. L'échapper belle : échapper de justesse à un danger. Ils l'ont échappé belle.
2(a. fr. eschapper « laisser partir »; dial. échaiper [Morvan]) Région. (Canada) Laisser (involontairement) tomber ou échapper; ne plus pouvoir tenir. « Il suivit leur regard et, de stupeur, il échappa son colis sur ses pieds » (Lemelin). Échapper un poisson. Échapper son cheval.
III V. pron.
1(Sujet être animé) S'enfuir, se sauver. Elles se sont échappées à toutes jambes. L'oiseau s'est échappé de sa cage. « Il y a des prisonniers qui s'échappent » (Green). s'évader.
S'en aller, sortir discrètement. Elle s'échappa pour aller chercher des rafraîchissements. s'éclipser, s'esquiver.
Sport Faire une échappée.
2(Sujet chose) Sortir. « Une haie vive d'où s'échappent des ronces » (Balzac). Eau, gaz qui s'échappe d'un tuyau. « Un flot de sang échappé de la bouche » (Cocteau). « Une note plaintive, une note bizarre s'échappa » (Baudelaire). Impers. « Il s'échappait de ces boîtes je ne sais quelle odeur fanée » (Alain-Fournier).
⊗ CONTR. Entrer, rester.

Échapper être prononcé par mégarde.

échapper
v.
rI./r v. intr.
d1./d S'enfuir, se soustraire à. échapper des mains de l'ennemi, à la surveillance d'un gardien.
|| Se détacher affectivement de. Elle sent bien que son mari lui échappe.
|| Laisser échapper: ne pas retenir (par maladresse ou par mégarde). Laisser échapper un objet. Laisser échapper un cri, un soupir, un secret.
Fig. Laisser échapper une occasion, la laisser se perdre.
d2./d N'être plus tenu, retenu. Le vase m'a échappé, m'a échappé des mains. Cet héritage pourrait bien vous échapper, ne pas vous revenir.
|| Son nom m'échappe, je ne l'ai plus en mémoire.
|| être dit ou fait par mégarde. Le geste, le mot lui a échappé.
d3./d échapper à: éviter, se dérober à (qqn ou qqch qui nous menace). échapper à ses poursuivants. échapper à des recherches.
échapper à un accident, à la mort.
Il échappe à toute critique.
échapper à une corvée.
d4./d Ne pas être perçu, compris. Ce détail, ce sens, cette allusion m'a échappé. Rien ne lui échappe: son attention n'est jamais en défaut.
d5./d être soustrait à, exempté de. Ces revenus échappent à l'impôt.
rII./r v. tr.
d1./d Dans la loc. l'échapper belle: éviter de justesse un danger. Sa maison a brûlé, il l'a échappé belle.
d2./d (Québec) Laisser tomber involontairement (qqch). échapper son crayon.
rIII/r v. Pron.
d1./d S'enfuir, s'évader. Les détenus se sont échappés.
Fam. J'essaierai de m'échapper un moment, de prendre un moment sur mes occupations.
d2./d SPORT Faire une échappée. Un coureur s'est échappé.
d3./d Sortir, se répandre plus ou moins brusquement ou abondamment. Sang qui s'échappe d'une blessure.
d4./d S'évanouir, disparaître.

⇒ÉCHAPPER, verbe.
A.— Emploi intrans.
1. Cesser d'être pris ou retenu.
a) [Le suj. désigne une pers.; un compl. indir. marque l'éloignement par rapport à une chose ou à une pers.]
[Le compl. indir. représente un lieu] Vieilli. S'enfuir d'(un endroit). Échapper de prison (LITTRÉ).
[Le compl. indir. représente un danger] Tirer d'(un danger, une maladie). Ce n'est rien, elle en échappera, si elle ne meurt pas du... (MÉRIMÉE, A. Guillot, 1847, p. 93) :
1. ... le désir bien naturel de revoir les croisés qui avaient échappé aux dangers de la route, y conduisait tous ceux qui avaient parmi eux des parens ou des amis...
MONTALEMBERT, Hist. de Ste Élisabeth de Hongrie, 1836, p. 187.
[Le compl. indir. représente une pers.] Fausser compagnie à, se soustraire à. Échapper à ses gardiens.
Au fig. Se détacher de :
2. Tu la connais, c'est celle qui est de ton âge, et qui t'attendait comme tu sais : mais c'est passé, et son attente pour un autre qui lui échappe également.
E. DE GUÉRIN, Journal, 1834, p. 27.
b) [Le suj. désigne une chose] Cesser d'être tenu. Or le hasard voulut qu'en causant, en riant et en gesticulant, cet éventail vînt à lui échapper (MUSSET, Mouche, 1854, p. 283). Mais, à peine eut-il regardé, qu'il poussa un cri et que le cliché faillit lui échapper des mains (VERNE, Île myst., 1874, p. 416).
P. anal. Être émis de façon incontrôlée :
3. C'est qu'aux premières affres de la nausée une grande détresse s'empare de moi (...) Les yeux dilatés, j'avale précipitamment une salive abondante et salée, tandis que m'échappent d'involontaires cris de ventriloque...
COLETTE, Sept dialogues de bêtes, 1905, p. 65.
Au fig. Ne plus être soumis à l'autorité, à la loi (de quelqu'un ou de quelque chose). Le pouvoir lui échappe (Lar. Lang. fr.).
Faire défaut après avoir été acquis. Le titre [de champion de France amateurs et indépendants] lui échappa [à Louis Claillot] (L'Œuvre, 14 mars 1941).
En partic. Sortir de la mémoire. René Fitament et son compagnon, dont le nom m'échappe (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 188).
2. Ne pas être pris.
a) [Le suj. désigne un être vivant] Se dérober, éviter. Les circonstances le servirent singulièrement. Il échappa à la conscription, à titre de fils aîné d'une femme veuve (ZOLA, Fortune Rougon, 1871, p. 50) :
4. En admettant d'ailleurs que la mortalité due à l'inoculation soit moindre que celle qui est causée par la maladie naturelle, la différence n'est pas suffisante pour compenser les chances qu'ont les animaux d'échapper à la contagion.
NOCARD, LECLAINCHE, Les Maladies microbiennes des animaux, 1896, p. 306.
Au fig. Benozzo Gozzoli ne put échapper à l'influence des écrivains et des mécènes que parce qu'il menait cette vie-là (FAURE, Hist. art, 1914, p. 375). Pourtant, Spielmann et ses collègues ne désespérèrent point d'échapper à ce funeste dilemme (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 282).
b) [Le suj. désigne une chose] Être hors de. Ces lattes sont maintenues par des vis aux cornières et chevrons intermédiaires; la tête de ces vis échappe à l'ardoise par le relief de l'aile inférieure (VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1872, p. 346).
Au fig. Ne pas être concerné. Nous le savons, les intérêts ne se réglementent point; ils échappent à la loi (Doc. hist. contemp., 1864, p. 24).
N'être pas saisi par l'intelligence. Je me sens incapable d'aucune appréciation raisonnable, modérée, de faits dont le véritable sens m'échappe peut-être (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p. 1131).
N'être pas remarqué :
5. L'exploitation en grand la mieux préparée fait parfois apparaître des défauts ou des facilités qui ont pu échapper aux études.
BRUNERIE, Les industr. alim., 1949, p. 182.
Spéc. Échapper à la vue :
6. Il est très essentiel d'accoutumer les hommes à penser qu'il y a, dans la nature, des causes et des effets qui échappent à leur vue, et même à tous leurs sens.
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE, Harmonies de la nature, 1814, p. 136.
B.— Emploi trans., vx. Laisser tomber. Il semblait qu'un coup de vent fît voltiger de son tapis vert sur toute la France les « petits papiers » que ses mains tremblantes échappaient (BARRÈS, Leurs fig., 1901, p. 126).
P. ext. Éviter. Le Roman est aujourd'hui notre poème épique (...) quoique vous fassiez, vous ne pourrez absolument pas l'échapper (LISZT, Corresp. [avec ctesse d'Agoult], 1833-40, p. 42).
Expr. usuelle. L'échapper belle. Éviter un danger à la dernière minute. Avoir été blessé à G..., ça ne serait même pas à dire, — quoi qu'il l'eût échappé belle (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 74).
Rem. Certains auteurs accordent le part. passé d'après belle. Au fond il l'avait échappée belle (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 132).
C.— Emploi pronom.
1. [Le suj. désigne un être vivant] Se sauver, s'enfuir. Dans une de ces stations, le cheval le plus fringant de la bande s'est échappé, il a fallu le poursuivre longtemps (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 404).
P. anal. S'esquiver, sortir d'une manière discrète. J'étais allée à la Madeleine, pour entendre le commencement d'une conférence de l'abbé Levasseur, en me disant que je m'échapperais ensuite (ZOLA, Fécondité, 1899, p. 413).
2. [Le suj. désigne une chose] Sortir, se dégager. Les produits brûlés s'échappent par une cheminée C ou réchauffent une argile à fritter (C. DUVAL, Verre, 1966, p. 53).
Prononc. et Orth. :[], (je m')échappe []. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1100 intrans. Se uns escapet morz ies e cunfunduz « s'enfuir » (Roland, éd. J. Bédier, 3955); ca 1140 Et tendrai quatre pomes ... en mon poing ... Se pome m'en eschapet « [d'une chose] cesser d'être retenu » (Pèlerinage Charlemagne, 503 ds T.-L.); ca 1160 pronom. un poi de gent s'en eschapa, (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 3183); ca 1200 trans. les laiz de la mort ne püent il eschapeir (Moralités sur Job, 363, 37 ds T.-L.); 1559 fig. Perseus ... se laissa echapper de la bouche des paroles si lasches (AMYOT, P. Alm., 44 ds LITTRÉ); 1580 Un seul exemplaire de Tacite n'a peu eschapper la curieuse recherche de ceux qui desiroyent l'abolir (MONTAIGNE, I, 23 ds HUG.); 1640 l'échapper belle (OUDIN Curiositez). Du lat. vulg. excappare, dér. du b. lat. cappa « sorte de coiffure; manteau, chape, froc », v. chape, proprement « quitter la chape, jeter le froc aux orties » ou « sortir de la chape en la laissant aux mains du poursuivant ». Cette 2e hyp. est retenue par VÄÄNÄNEN, Mél. Gardette, 1966, p. 482. Fréq. abs. littér. :9 602. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 13 628, b) 14 534; XXe s. : a) 12 743, b) 13 753. Bbg. FALK (P.). L'Échapper belle. St neophilol. 1938/39, t. 11, pp. 1-38. — GOTTSCH. Redens. 1930, p. 53, 116, 287, 343. — GREVISSE (M.). L'Auxil. avec échapper. Fr. monde. 1965, n° 30, p. 29. — HASSELROT (B.). Z. rom. Philol. 1942, t. 62, p. 196. — LERCH (E.). L'Échapper belle... Rom. Forsch. 1940, t. 54, pp. 202-226. — PICHON (É.). Fr. mod. 1940, t. 8, pp. 175-179. — ROQUES (M.). Romania. 1940, t. 66, p. 112.

échapper [eʃape] v.
ÉTYM. V. 1100, escaper, au sens I, 1; du lat. pop. excappare, proprt « sortir de la chape », de ex-, et bas lat. cappa « sorte de coiffure; manteau ». → Chape.
———
I V. intr.
A (Ne plus être pris). || Échapper de, à qqch.; échapper à qqn. Aller (s'en), partir.
1 (Sujet n. de personne, d'animé). a Vieilli. || Échapper de… : s'enfuir (d'un lieu), fausser compagnie à (qqn). Enfuir (s'), sauver (se).REM. On emploie plus couramment dans ce sens s'échapper, v. pron. || Échapper de prison, du bagne. Évader (s').Absolt. || Laisser échapper un détenu. || Échapper des mains de ses gardiens. → Tromper la surveillance de…
Vieilli. Se tirer, sortir (d'un danger, d'un état fâcheux). || Échapper d'un naufrage, d'un danger, en sortir indemne. Réchapper; rescapé. || Échapper d'une maladie. Guérir.Absolt. || Il en a échappé. → Passer à travers, s'en tirer.
1 Vous avez beaucoup à remercier Dieu d'en être échappé à si bon marché.
Racine, Lettre à son fils, 41.
2 (…) si jamais nous échappons de cette tempête, je me défierai de moi-même comme de mon plus dangereux ennemi (…)
Fénelon, Télémaque, I.
2.1 (…) mon épitaphe me plaît toujours. Elle illustre un point de grammaire (…) pour pouvoir m'exhumer il faudra d'abord me trouver, et j'ai bien peur que l'État n'ait autant de mal à me trouver mort que vivant. C'est pour cela que je me dépêche de la consigner à cette place, avant qu'il ne soit trop tard :
Ci-gît qui y échappa tant
Qu'il n'en échappe que maintenant (…)
S. Beckett, Premier amour, p. 10.
b Mod. || Échapper à… : sortir indemne, vivant de… || Échapper à un naufrage, à un accident. || Il a seul échappé à l'accident, au massacre.
3 Lireux, un écrivain saisi pour être fusillé et qui a échappé par miracle, déclare avoir vu « plus de huit cents cadavres ».
Hugo, Histoire d'un crime, III, XVI.
REM. Pour la construction analogue, avec un compl. n. de personne, → ci-dessous, I., B., 1.
Fig. Sortir de… || Échapper à sa condition, à son milieu. || Échapper à des habitudes, à une influence…
4 Vous continuerez d'habiter les mêmes chambres, le même fauteuil, de voir le même horizon dans le cadre de la même fenêtre. Échappez donc à tout cela ! Il y a si peu de jours dans la vie : faites que pas un d'eux ne ressemble au suivant.
Pierre Louÿs, les Aventures du roi Pausole, I, IX.
2 (V. 1140). Sujet n. de chose. Cesser d'être tenu, retenu. || Objet qui échappe des mains. Glisser, tomber. || Le verre lui a échappé des mains.(Sans compl. ind.). || Laisser échapper le plat, le vase que l'on portait. Lâcher (→ Boucan, cit. 2).
5 (…) l'idée qu'il ne pourra pas faire ce crime, que sa main tremblera, que le couteau lui échappera.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. III, XXII, p. 294.
Fig. (Ne pas pouvoir être retenu, conservé). || Le temps nous échappe. Écouler (s'), fuir (→ Dépenser, cit. 8). || Il sent que son autorité va lui échapper. || La patience lui échappe.Absolt. || Le bonheur échappe vite. || Laisser échapper un avantage, une bonne occasion. Manquer.
6 Elle (la vérité) échappe aussitôt qu'on présume en jouir (…)
Corneille, Poésies diverses, Défense des fables dans la poésie.
7 (…) il me semble toujours que tout ce que j'aime, tout ce qui m'est bon, va m'échapper (…)
Mme de Sévigné, Lettres, 216, 1er nov. 1671.
8 (…) l'homme, à qui tout échappe, ne jouit que de ce qu'il sait perdre.
Rousseau, Émile, V.
9 Le temps m'échappe et fuit (…)
Lamartine, Premières méditations, « le Lac ».
3 (Sujet n. de personne). || Échapper à qqn : cesser de subir l'influence de qqn, s'en éloigner psychologiquement. || Échapper à qqn (en changeant de sentiment). Détacher (se). || Sa femme, son disciple lui échappe peu à peu. || Elle sentait que son fils lui échappait.
10 Madame de Montespan s'aperçut que le roi lui échappait lorsque le mal était sans remède.
Mme de Caylus, Souvenirs, p. 112, in Littré.
Littér. ou vx. || Échapper à qqn, aux soins de qqn, en quittant la vie. Mourir. || Il va nous échapper malgré nos soins.
11 La princesse leur échappait parmi des embrassements si tendres, et la mort plus puissante nous l'enlevait entre ces royales mains.
Bossuet, Oraison funèbre de Henriette-Anne d'Angleterre.
12 (…) l'enfant lui échappait, et son effort sombrait dans le vide. Il lâchait alors le mince poignet et retournait à sa place.
Camus, la Peste, p. 235.
Cour. (Le sujet désigne un signe du langage). Ne pouvoir être retrouvé dans la mémoire (se dit de ce dont on a perdu le souvenir). || Son nom m'échappe. || Le terme exact m'échappe pour l'instant ( Oublier).
13 Tant d'autres, dont les noms lui sont même échappés (…)
Racine, Phèdre, I, 1.
14 Sa mémoire ne laissait rien échapper et tout lui semblait précieux dans les cent petits détails qu'elle glanait chaque jour (…)
J. Green, Léviathan, III, p. 22.
4 Techn. (Sujet n. de chose). || Échapper à : ne pas être engagé dans. || « La tête de ces vis échappe à l'ardoise » (Viollet-Le-Duc, in T. L. F.).
5 Être émis, prononcé contre la volonté du sujet (en parlant d'un son que l'on émet involontairement).
Absolt. || Laisser échapper un soupir, un cri (cit. 8).Impers. || Il lui a échappé un gémissement de douleur, un juron.
15 (…) il lui échappa un cri, dans lequel je crus reconnaître plus d'amour que de surprise et d'effroi.
Laclos, les Liaisons dangereuses, Lettre LXXVL.
(Le sujet désigne ce qui est dit, fait par mégarde, imprudence ou maladresse.)REM. Se conjugue fréquemment avec avoir lorsque toute confusion est impossible avec le sens B., 2., b. || Quelques fautes lui sont échappées. || Une parole malheureuse lui est échappée, lui a échappé dans la discussion. || Mon secret m'a échappé.Absolt. || Laisser échapper une remarque, une protestation, un geste d'agacement…Impers. || Il lui échappa de la tutoyer en public.
16 Ce mot ne m'a jamais échappé sans remords.
Corneille, Œdipe, V, 7.
17 Il échappe à une jeune personne de petites choses qui (…) flattent sensiblement celui pour qui elles sont faites. Il n'échappe presque rien aux hommes; leurs caresses sont volontaires (…)
La Bruyère, les Caractères, III, 14.
18 On évita même de la nommer, car Landry devenait rouge, et tout aussitôt pâle, quand son nom échappait à quelqu'un devant lui (…)
G. Sand, la Petite Fadette, XXX, p. 204.
19 Nous nous sommes quittés sur des paroles très dures. Je veux t'avoir dit d'abord que je regrette celles qui me sont échappées.
Paul Bourget, Un divorce, VI, p. 211.
19.1 Mais enfin, ça lui a échappé, c'est pas cela qu'il voulait dire. — Échappé ! échappé ! entre un général de l'armée française, le sous-chef d'État-Major de l'armée, et le Barreau, il n'y a pas de mots qui échappent.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 631.
B Échapper à… : se dérober à, ne pas être pris.
1 (Sujet animé). Éviter (qqn, qqch. de menaçant qui peut atteindre, saisir, prendre…). a Échapper à quelqu'un. || Échapper à la police, aux recherches. || Échapper à ses poursuivants. Semer (fam.). || Il ne nous échappera pas (→ 1. Coupable, cit. 8). || Proie qui échappe au moment où on allait la saisir.
20 Elle s'était réfugiée au Maroc espagnol, dans ce coin perdu du Djebel, afin d'échapper à la police de Rabat (…)
P. Mac Orlan, la Bandera, XI, p. 126.
Absolt. Vx. Se dérober à la discussion. || Il est fuyant, il échappe (Académie).
b Échapper à quelque chose. Éviter. || Échapper à la prison, à la potence. || Échapper au danger qui menace. || Il a échappé de justesse à la mort.
21 On le mène, comme elle, à la potence. On ne lui fait grâce que de la vie. Il échappe au gibet; mais on le réserve à la suite infinie des supplices.
André Suarès, Trois hommes, « Dostoïevski », III, p. 207.
Se dérober, se soustraire (à qqch.). || Échapper à un ennui, à une corvée. Couper (à). || Il n'y a pas moyen d'y échapper. || Échapper à une question embarrassante, à une difficulté. Éluder, esquiver. || Fait d'échapper à une tâche, à une obligation. Dérobade, échappatoire. || Échapper à la règle, à la loi. Exception (faire). || Échapper au service militaire. Exempt, exempté (être). || Vouloir échapper à son destin. || Nul n'échappe à la critique. Abri (être à l'abri de); → Chimérique, cit. 2. || Échapper à la peur, à l'ennui. || Échapper aux erreurs de son siècle, à la facilité, à la vulgarité.
22 (…) le compositeur (Wagner), dans la traduction musicale, a échappé à cette vulgarité qui accompagne trop souvent la peinture du sentiment le plus populaire — j'allais dire populacier (…)
Baudelaire, l'Art romantique, R. Wagner, III.
23 Je songeais à cette obligation à laquelle nul de nous ne peut échapper.
France, la Vie en fleur, XXIII, p. 263.
24 J'ai quelquefois désiré, je l'avoue, d'être tout à fait imbécile, afin d'échapper complètement aux sophismes de l'orgueil (…)
Léon Bloy, la Femme pauvre, I, XV, p. 90.
25 Est-ce que vous n'avez pas compris, cet été-là, qu'il y a une fatalité sur nous ? Et que nous ne lui échapperons pas ?
Martin du Gard, les Thibault, t. VI, p. 157.
26 Si Kyo échappait à la peur par manque d'imagination (…)
Malraux, la Condition humaine, VI, 10 h.
2 (Sujet n. de chose). a Être à l'abri de, en dehors de. || Une telle œuvre échappe à la banalité. || Mot qui échappe à toute définition. || Ses initiatives échappent à notre contrôle. || Cette question échappe à ma compétence. Sortir (de).
27 (…) il y a dans les producteurs multiples de l'art quelque chose de toujours nouveau qui échappera éternellement à la règle et aux analyses de l'école !
Baudelaire, Curiosités esthétiques, Exposition universelle, Pl., p. 683.
28 (…) leur liaison (…) échappait ainsi à ce qu'il y a de banal dans un adultère de gens du monde (…)
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, IV, p. 27.
b N'être pas touché, contrôlé, compris, remarqué. (Se conjugue avec l'auxiliaire avoir. Jusqu'au XVIIIe, on trouve quelques emplois avec être dans ce sens). || Tout ce qui échappe à notre vue. || Animaux microscopiques qui échappent au regard. || Ce détail a échappé à mon attention. || Faute qui échappe à un correcteur, qu'un correcteur laisse passer. || Il surveille tout, rien ne lui échappe : il remarque tout. → L'œil du maître. || Rien n'a échappé à leur prévoyance; ils n'ont rien négligé. || Les objets particuliers lui échappent. → Perdre, cit. 57. || Le sens de cette phrase m'échappe. || Toute l'ironie du texte lui a échappé. || Le surnaturel échappe à notre compréhension. Dépasser.Impers. || Il n'a échappé à personne que cette allusion était dirigée contre X. || Il ne lui a pas échappé que vous étiez mécontent.
29 (…) et puis, quand le sens m'échappe, je me mets en colère, et je jette tout.
Mme de Sévigné, 181, 5 juil. 1671.
30 (…) fouiller dans les archives de l'antiquité pour en retirer des choses (…) échappées aux esprits les plus curieux (…)
La Bruyère, Disc. de réception à l'Acad. franç.
31 Ces inconvénients n'étaient pas compensés à ses yeux par un pittoresque ou une poésie qui lui échappaient.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. V, XXIII, p. 201.
32 (…) la mise en question (…) de l'homme par tout ce qui lui échappe, par ce qui le dépasse, le transcende ou l'anéantit.
Malraux, les Voix du silence, p. 178.
———
II V. tr.
1 (V. 1200). Vx. || Échapper qqn, qqch., éviter. → ci-dessus Échapper à… || « Nulle puissance ne peut échapper les mains de Dieu » (Bossuet)
Laisser échapper, manquer.
2 Loc. (1640). L'échapper belle. a Vx. Manquer une balle qui était pourtant belle, c'est-à-dire de nature à être reprise, renvoyée.
b Mod. Échapper de justesse à un danger. || Elle l'a échappé belle.REM. Le participe, en principe, ne s'accorde pas avec belle; mais on trouve des exemples de cet accord : il l'avait échappée belle (Aragon, in T. L. F.). — Var. anc. : en échapper une belle :
32.1 — O Fée aux miettes ! lui dis-je, que le ciel m'est favorable de me faire trouver partout où vous avez besoin de moi pour vous retirer des périls de la mer ! Vous en avez encore échappé une belle, cette fois; mais aussi qu'aviez-vous à faire de retarder pendant deux ans votre voyage à Greenock ?
Charles Nodier, Contes, éd. Charpentier, p. 186.
3 Régional, notamment Canada, cf. anc. franç. eschapper « laisser partir », dial. échaiper (Morvan). Laisser (involontairement) tomber; ne plus pouvoir tenir. || « Il suivit leur regard et, de stupeur, il échappa son colis sur ses pieds » (Lemelin). || Échapper un poisson (à la pêche). || Échapper son cheval.
32.2 Il n'avait pu toucher une fois la balle sans « l'échapper », la reprendre en cafouillant dans ses mains autrefois si sûres.
René Fallet, le Triporteur, p. 379.
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s'échapper v. pron.
1 (V. 1160). Sujet animé. S'enfuir, se sauver. Partir.supra, Échapper, I., A., 1. || Les détenus se sont échappés de prison. Évader (s'). → Prendre la clef des champs. || S'échapper à toutes jambes. Déguerpir, filer (fam.). || Ne le laissez pas s'échapper ! || S'échapper pour gagner un refuge. Réfugier (se). || S'échapper des mains, des bras de quelqu'un. Dégager (se). || Jeunes gens qui s'échappent de chez eux ( Escapade). || Chien qui rompt sa chaîne et s'échappe. || L'oiseau s'est échappé de sa cage.
33 (…) le chien Macaire profita d'un mouvement qui se faisait au bout du petit corridor pour s'échapper dans l'escalier de service, et descendre les étages.
J. Romains, les Hommes de bonne volonté, t. IV, VIII, p. 76.
34 (…) je ne l'ai pas dénoncé parce que j'avais peur de sa vengeance. Même si on l'avait pris, il y a des prisonniers qui s'échappent. Qui sait s'il ne serait pas revenu par ici pour m'égorger ?
J. Green, Léviathan, II, VI, p. 186.
(1880, in Petiot). Sports. Faire une échappée. || Cyclistes qui s'échappent du peloton.
Fig. et vieilli. || Son esprit s'échappe. Égarer (s'); → Capricieux, cit. 1.
Vx. || S'échapper de qqn. Quitter.
35 A peine ai-je eu loisir de lui dire deux mots,
Qu'aussitôt le fantasque, en me tournant le dos,
S'est échappé de moi (…)
Corneille, Mélite, II, 8.
S'en aller, sortir, partir discrètement. || S'échapper pour un moment, pour quelques instants. Absenter (s'). || Elle s'échappa pour aller ouvrir la porte. || Il s'échappa pour aller chercher des rafraîchissements. || S'échapper d'une réunion, d'une réception… Brûler (la politesse), disparaître, éclipser (s'), esquiver (s').
36 (…) j'aime avant tout la règle et trouve aussi mauvais de renvoyer un hôte quand il veut demeurer, que de le retenir quand il veut s'échapper.
Victor Bérard, Trad. Homère, l'Odyssée, p. 252.
Figuré :
37 Ainsi de l'aube au crépuscule, comme des mots railleurs, pinsons, mésanges, martins et pierrots s'échappent des jeunes arbres vers le vieux noyer.
J. Renard, Histoires naturelles, Merle !
Spécialt. Vx. S'emporter, se laisser aller à quelque parole ou action inconsidérée.
38 D'où vient que les mêmes hommes qui ont un flegme tout prêt pour recevoir indifféremment les plus grands désastres, s'échappent, et ont une bile intarissable sur les plus petits inconvénients ?
La Bruyère, les Caractères, XI, 148.
39 On s'est échappé dans une rencontre, on a parlé, agi mal à propos.
Bourdaloue, Pensées, Sur l'humilité et l'orgueil.
Régional. Absolt. S'en aller. || Je m'échappe.
2 (Sujet n. de chose). Sortir (souvent, par surprise, d'une manière non contrôlée). || Objet qui s'échappe des mains de qqn. Tomber. || Fumée qui s'échappe du toit. || Eau qui s'échappe par un trou, une fuite du récipient qui la contient. Épandre (s'). || Liquide qui s'échappe par des fissures, des pores… Suinter, transpirer. || Veillez à ce que le lait ne s'échappe pas. Déborder, sauver (se). || Les gaz s'échappent après la combustion ( Échappement). || Cheveux qui s'échappent d'un chapeau (→ Bonnet, cit. 2). || Couture, ourlet d'un vêtement qui s'échappe, se défait. Émaner, provenir, venir.Des pleurs s'échappèrent de ses yeux. Couler, répandre (se). || Note, son qui s'échappe d'un instrument. || Gémissement, soupir, sanglot… qui s'échappe de la bouche de quelqu'un.
40 Ah ! qu'un seul des soupirs que mon cœur vous envoie,
S'il s'échappait vers elle, y porterait de joie !
Racine, Andromaque, I, 4.
41 De chaque côté des pavillons, serpente une haie vive d'où s'échappent des ronces semblables à des cheveux follets.
Balzac, les Paysans, Pl., t. VIII, p. 13.
42 De vous, claire et joyeuse ainsi qu'une fanfare
Dans le matin étincelant,
Une note plaintive, une note bizarre
S'échappa (…)
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Confession ».
42.1 Soudain la main d'un des passagers s'est mise à trembler, le verre qu'elle tenait s'est échappé et a roulé sur le plancher (…)
N. Sarraute, le Planétarium, p. 76.
Impersonnel :
43 Il s'échappait de ces boîtes, je ne sais quelle odeur fanée, quel parfum éteint, qui, soudain, réveillaient en moi pour tout un jour les souvenirs, les regrets, et arrêtaient mes recherches.
Alain-Fournier, le Grand Meaulnes, p. 337.
Au participe passé :
44 Un flot de sang échappé de la bouche barbouillait son menton et son cou, imbibait la neige.
Cocteau, les Enfants terribles, p. 14.
Par métaphore :
45 Mon âme a comme une fissure par où s'échappe, goutte à goutte, l'enthousiasme.
F. Mauriac, l'Enfant chargé de chaînes, p. 98.
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échappé, ée p. p. adj.
|| Courir comme un cheval échappé.Parole échappée.N. || Un, une échappé(e). Échappé.
46 Un mot échappé tue un homme du premier ordre.
Valéry, Cahiers, t. II, Pl., p. 1454.
CONTR. Entrer, rentrer, rester. — Revenir. — Retenu (être).
COMP. Réchapper.
HOM. Échappé, échappée.

Encyclopédie Universelle. 2012.