ROBOTS
L’exécution par des acteurs autres que lui-même de tâches ou d’activités qu’il considère comme aliénantes, fatigantes, dangereuses, ou simplement ennuyeuses ou non gratifiantes, psychologiquement ou économiquement, figure parmi les aspirations les plus profondes de l’être humain.
Ces acteurs ont d’abord été d’autres hommes, les esclaves. L’apparition progressive des machines puis de la notion d’automatisation a permis de modifier la nature des travaux effectués par les hommes, donc de déporter les réponses sociales à cette aspiration vers des réponses issues des progrès des techniques et des sciences. Le stade ultime de l’automatisation, dont on ne saurait prévoir ni la date ni les moyens techniques disponibles à cette échéance, ni même la possibilité effective d’atteindre un tel stade, autoriserait la satisfaction complète de ce désir pour l’ensemble des êtres humains. Tout commentaire contemporain relatif à ce stade ultime relève de la pure science-fiction, mais, ce qui n’en relève pas, c’est l’existence d’un progrès de l’automatisation: la voie qui est aujourd’hui empruntée vise, à très long terme, le stade ultime, mais les bifurcations futures peuvent être nombreuses.
Ce long chemin a déjà été marqué de plusieurs pierres correspondant chacune à une nouvelle impulsion du phénomène d’automatisation. La dernière en date est apparue au cours des années 1960 et ses conséquences s’affirmeront encore durant des années: il s’agit de l’émergence des robots et de ce qui est relié à leur présence, la robotique.
Les deux origines du robot
La machine appelée robot est l’héritière de deux courants d’idées longtemps éloignés l’un de l’autre et qui n’ont fusionné que récemment.
L’un de ces courants part du principe que le robot doit se substituer totalement à l’homme dans l’exécution d’une tâche (ou de tâches) pour laquelle (lesquelles) on l’a en quelque sorte programmé. Le rôle de l’homme se limite à ordonner le départ de l’exécution de la (ou des) tâche(s). On parle alors de robot de substitution . Ses ancêtres sont nombreux mais relèvent soit du mythe – comme la femme en or forgée par Vulcain, les golems du Moyen Âge et, en général, les deus ex machina , quelle qu’en soit la date d’apparition –, soit de la notion d’automate – comme les mécanismes de Vaucanson ou de Jacquet Droz, aux immuables gestes cycliques.
L’autre courant est tout aussi ancien. Il prend sa source dans la notion d’outil, prolongement de l’homme, autorisant ce dernier à exécuter des tâches impossibles ou dangereuses à mains nues. Parmi ces outils, ceux qui conservent les propriétés de manipulation jouent un rôle particulier. C’est ainsi que l’évolution des outils de préhension, c’est-à-dire des pinces, a conduit au robot de coopération . L’étape décisive s’est inscrite entre les deux dernières guerres mondiales, lorsqu’on a pris conscience du caractère terriblement dangereux des produits radioactifs dont il fallait étudier la physique et la chimie. L’amélioration des pinces permettant de travailler à l’abri d’une paroi a conduit à l’apparition des systèmes de téléopération qui sont restés cantonnés dans les applications nucléaires jusqu’après 1970.
Du point de vue de la recherche, la fusion des deux courants a été concomitante de la constatation de deux phénomènes opposés.
Du côté des robots de substitution, utilisés principalement pour la production (robots dits industriels), les concepteurs ont pris conscience, dès les premières applications concrètes, qu’on était très loin d’un comportement imitant convenablement le comportement humain, qui se caractérise par une grande capacité à faire face aux perturbations. Cette propriété est issue de la présence chez l’homme d’un cerveau et de capteurs – les sens – très puissants. Dès lors, deux réactions se sont manifestées. La première concerne les tentatives de perfectionnement devant aboutir à des robots dotés de dextérité et d’«intelligence». Mais la route s’avère très longue pour atteindre en pratique un tel objectif. D’ailleurs, la seconde réaction a conduit à proposer une possibilité d’action de l’homme sur la commande du robot en fonctionnement afin de pallier de temps à autre ses insuffisances. Ce concept se nomme supervision .
Du côté des robots de coopération téléopérés par l’homme, le développement des minicalculateurs puis des microprocesseurs a permis d’adjoindre à l’opérateur humain une sorte de second cerveau l’assistant dans la conduite du système et le soulageant dans l’exécution de quantité de sous-tâches impliquées dans la tâche principale visée. À mesure des progrès réalisés, l’homme se dirige là aussi vers une position de superviseur .
La recherche fondamentale s’applique donc aussi bien aux robots dits de substitution qu’aux robots dits de coopération. On pense arriver à des résultats concrets à moyen terme en travaillant sur le concept de supervision. Le robot capable d’exécuter seul des tâches complexes dans des environnements mal connus ne sera opérationnel qu’à long terme.
Originalité du robot
Le robot est une machine qui agit physiquement sur son environnement afin d’atteindre un objectif, l’exécution correcte d’une tâche.
Cette définition n’est que partielle puisqu’il existe de nombreuses machines automatiques antérieures à ou contemporaines de l’existence des robots qui remplissent cette fonction, par exemple les machines-outils. Pour que l’on parle de robot, deux autres propriétés devraient être satisfaites:
– tout d’abord, la versatilité , qu’on appelle aussi quelquefois flexibilité , qui indique que le même robot est capable d’accomplir des tâches diverses (par exemple, transporter des pièces, puis les percer, les tarauder, etc.) mais aussi d’effectuer une tâche donnée de plusieurs manières (par exemple, pour sortir des pièces d’une caisse, commencer par une extrémité de la caisse, ou par le milieu, ou par tout autre endroit);
– ensuite, l’auto-adaptativité à l’environnement, qui signifie que lorsqu’on a donné l’ordre au robot d’exécuter une tâche, il doit pouvoir l’accomplir correctement même s’il rencontre des situations imprévues; il devra par exemple être capable de contourner un obstacle non enregistré antérieurement dans sa mémoire pour saisir un objet, ce qui suppose, bien évidemment, l’existence d’un système de perception de l’environnement et d’une faculté de «raisonnement».
Dans la pratique, une forte majorité des robots industriels ne possèdent que la première propriété, car ils ne comportent pas de système perceptif. Ce sont des automates mécaniques programmables, appelés robots de première génération . Les robots de deuxième génération et de troisième génération sont classés en fonction de la puissance de leur système perceptif et de leur faculté de «raisonnement».
Structure d’un robot
Un robot se compose de sept parties principales (fig. 1): la structure mécanique articulée, la source d’énergie, les actionneurs, les transmissions, les capteurs internes, les capteurs externes, le système de commande.
La structure mécanique articulée constitue en quelque sorte le squelette du robot; elle comprend des segments placés généralement les uns à la suite des autres, chaque segment étant articulé et mobile par rapport au précédent. Cette mobilité s’exprime en termes de degrés de liberté . La structure mécanique comporte trois grandes parties fonctionnelles: le véhicule , absent des robots à base fixe mais qui caractérise les robots mobiles; le porteur , généralement doté de trois degrés de liberté permettant de positionner son extrémité en un point quelconque de l’espace atteignable; l’organe terminal , doté de possibilités d’orientation (1, 2 ou 3 degrés de liberté).
Le porteur peut présenter plusieurs géométries suivant la nature de ses degrés de liberté (translation ou rotation). Les architectures les plus utilisées sont indiquées sur la figure 2.
L’organe terminal porte l’outil de travail, qui dépend des tâches que l’on désire réaliser. Il s’agit souvent de pinces à deux ou trois doigts que l’on nomme préhenseurs . Pour obtenir une liberté totale d’orientation de l’organe terminal, celui-ci doit posséder trois degrés de liberté (trois rotations autour de trois axes normaux entre eux). Dans la pratique, l’élaboration de ces derniers degrés de liberté est mécaniquement délicate et onéreuse. Aussi bien, un fort pourcentage des robots du commerce possèdent un organe terminal ne comportant que deux rotations, ce qui autorise néanmoins l’exécution de nombreuses tâches utiles.
La source d’énergie peut être d’origine pneumatique, hydraulique ou électrique. L’intérêt de chacune de ces sources se juge d’après les propriétés des actionneurs (les moteurs qui entraînent les articulations) qu’on peut réaliser, sur l’autonomie dans le cas des robots mobiles, et sur le coût de réalisation.
L’énergie pneumatique présente quelques attraits: elle est disponible dans les ateliers, sa mise en œuvre est simple, le fluide n’est pas polluant, elle est bon marché et la maintenance des systèmes pneumatiques est aisée. Mais elle possède des défauts non négligeables: les actionneurs sont bruyants et le fluide est compressible, ce qui rend très délicate la réalisation d’asservissements. On rencontre des actionneurs pneumatiques sur les robots (ou manipulateurs) dits séquentiels , c’est-à-dire ceux dont les articulations se déplacent d’une position sur butée à une autre position sur butée sans possibilité d’arrêt intermédiaire. Les outils portés par les organes terminaux des robots sont souvent aussi à motorisation pneumatique (pince, perceuse, etc.).
L’énergie hydraulique est celle qui développe la force la plus grande par unité de volume ou de poids d’actionneur. On la rencontre sur les robots devant déplacer des charges supérieures au millier de newtons. Elle nécessite la présence d’une centrale onéreuse, pose des problèmes d’étanchéité mais aussi de tuyauteries d’alimentation au niveau des articulations du robot. En effet, compte tenu des pressions utilisées, les tuyaux deviennent rigides et introduisent des couples parasites s’opposant aux déplacements des articulations.
L’énergie électrique rencontre en général la faveur des utilisateurs ainsi que celle des constructeurs de robots pour des charges à déplacer inférieures à 1 000 newtons. Il n’existe pas de risque de pollution ou de fuite, la commande peut être précise et fiable grâce à des asservissements robustes, l’électricité est disponible à peu près partout, et une autonomie par batteries est envisageable pour les robots mobiles.
Les actionneurs pneumatiques se présentent sous forme de vérins linéaires ou même rotatifs alimentés via des distributeurs à clapet ou à tiroir monovoie ou multivoie. Il en est de même pour les actionneurs hydrauliques, où l’on rencontre des vérins linéaires à simple ou double effet, ou à effet différentiel, ainsi que des moteurs rotatifs accompagnés de leurs servovalves. Pour garder une certaine souplesse aux liaisons et par souci de sécurité, les pressions utilisées se situent autour de 10 mégapascals (100 bar) avec des huiles dont la viscosité cinématique est comprise entre 20 et 26 憐 10 size=1漣6 mètre carré par seconde.
La plupart des types de moteur électrique semblent avoir été testés sur les robots. Les moteurs pas à pas, attrayants parce que semblant par avance numérisés, c’est-à-dire facilement connectables aux ordinateurs, sont très difficiles à maîtriser, car ils sont sujets à une influence considérable de la charge transportée, instables aux basses fréquences et nécessitant une commande sophistiquée, donc onéreuse. On leur préfère les moteurs à courant continu à aimant permanent dont le couple de sortie, indépendant de la position et de la vitesse du rotor, permet une intégration aisée au sein de boucles classiques d’asservissement en position.
Les transmissions assurent le lien entre les sorties mobiles des actionneurs et les articulations à mouvoir. De nombreuses techniques sont utilisées: câbles, rubans métalliques, chaînes, courroies crantées ou non, engrenages, etc.
Les transmissions sont une source majeure de difficultés, car elles induisent des vibrations, des jeux et des frottements réduisant les performances des robots. La technique de l’entraînement direct supprime les transmissions par insertion du moteur au sein de l’articulation, l’axe du moteur devenant l’axe de l’articulation; mais ce que l’on gagne en qualité mécanique est partiellement perdu dans l’accroissement de difficulté du contrôle.
Les capteurs internes , nommés aussi capteurs proprioceptifs par analogie avec l’anatomie humaine, sont destinés à donner les grandeurs réelles de la position, de la vitesse et de l’accélération du couple développé à chaque articulation, afin d’assurer par asservissement le bon suivi des trajectoires commandées.
Les capteurs d’accélération restant d’un coût élevé, on préfère généralement avoir accès à cette grandeur par dérivation de la vitesse.
L’information sur la vitesse est obtenue soit à l’aide de génératrices tachymétriques classiques, soit par comptage d’impulsions (un disque à fentes tourne devant une tête optoélectronique), soit par dérivation de la position.
Pour mesurer la position, tous les capteurs habituels peuvent être rencontrés sur les robots: potentiomètres résistifs linéaires et rotatifs, transformateurs différentiels, résolveurs, capteurs capacitifs (pour des microdéplacements), capteurs optoélectroniques incrémentaux, codeurs absolus, etc. L’objectif des capteurs externes , ou capteurs extéroceptifs , est le prélèvement d’informations sur l’environnement afin d’être à même d’exécuter la tâche demandée.
Il tombe sous le sens que, suivant la tâche projetée et ce qu’on en sait à l’avance (information a priori), la nature et la quantité d’informations à prélever sur l’environnement varient largement. Or les constructeurs de robots ignorent forcément lors de la conception les conditions complètes d’utilisation future. Ils sont donc dans l’impossibilité de prévoir les capteurs externes adéquats.
Pour surmonter cette difficulté, les concepteurs s’inspirent d’une analogie anthropomorphique. On remarque aisément que, dans la majorité des actions physiques qu’un homme exécute, il utilise principalement ses sens de la vision et du toucher.
Un système perceptif faisant appel à des capteurs capables d’acquérir des informations à distance (comme la vision) ou au contact (comme le toucher) devrait aider à l’exécution correcte de nombreux types de tâches non déterminées à l’avance.
On divise usuellement ces capteurs en trois catégories:
– les capteurs au contact sont nommés tactiles lorsqu’ils sont utilisés pour la reconnaissance géométrique de l’environnement (par palpation); on parle de capteurs d’efforts lorsque l’information à acquérir concerne une force , un couple , ou un moment ;
– les capteurs à faible distance , ou capteurs proximétriques , donnent des images de quelques points de l’environnement local en utilisant les rayonnements infrarouges ou ultrasonores, ou les variations de champ magnétique (pour des objets sensibles à ce champ);
– les capteurs à distance fournissent des images détaillées d’un environnement plus global; il s’agit de caméras de type télévision ou de dispositifs à transfert de charges (charge-coupled device , ou C.C.D.).
Il faut remarquer que, si le prélèvement d’informations sur l’environnement pose de difficiles problèmes de capteurs, le tri de ces informations, leur compréhension et la recherche de l’information significative (ou pertinente) pour la tâche en cours constituent une partie algorithmique très délicate.
Le système de commande d’un robot comporte nécessairement deux modules fonctionnels pouvant cependant s’appuyer sur la même structure physique: le premier module sert à l’apprentissage du robot (cf. Techniques d’apprentissage ); le second module est utilisé lors de l’exécution de la tâche apprise.
Comme on classe souvent les robots à partir de leur système de commande (cf. Classement des robots ), ceux-ci peuvent être très divers. Les robots à fonctionnement séquentiel (ou «en tout ou rien», ou pick and place ) ne possèdent généralement pas de capteur externe. Leur système de commande fera appel à des logiques à relayage électrique ou à des logiques pneumatiques ou, le plus souvent, à des automates programmables . Pour les robots dotés d’asservissements, le système de commande est constitué généralement d’un minicalculateur ou de microprocesseurs.
Principe de fonctionnement
Un robot peut posséder trois boucles de contrôle superposées (fig. 1). Il s’agit là de l’une des caractéristiques importantes le distinguant des machines automatiques «classiques».
La boucle de régulation interne , ou boucle de bas niveau , met en jeu les asservissements des moteurs. Lorsqu’une trajectoire à parcourir (définie par une suite de positions de chaque articulation) est connue à l’avance , le rôle des asservissements en cours d’exécution consiste à comparer à chaque instant la valeur vraie de la position de chaque articulation (grâce aux capteurs proprioceptifs) avec sa valeur théorique et à agir sur le signal de commande des moteurs en fonction de cette différence, afin de l’annuler. Ces asservissements sont du même type que ceux que l’on rencontre sur les machines automatiques classiques. Leur gros défaut réside dans le fait qu’ils sont conçus pour fonctionner correctement si l’évolution dans le temps du système mécanique peut être représentée par des équations différentielles linéaires. Or l’évolution d’un robot est représentée de manière approchée par un système d’équations différentielles du second ordre non linéaires et couplées. Le réglage des asservissements d’un robot est une opération très délicate qui peut être fonction, par exemple, de la charge transportée.
La boucle réflexe de même que la boucle de réflexion sont liées à l’environnement du robot. Si la boucle de régulation interne consiste à suivre le mieux possible une trajectoire connue à l’avance, les boucles réflexes et de réflexion sont censées indiquer la trajectoire à suivre pour atteindre l’objectif. On recherche en fait un asservissement sur l’exécution de la tâche à réaliser. La boucle réflexe va indiquer la trajectoire instantanée à suivre, alors que la boucle de réflexion va renvoyer vers un niveau stratégique à plus long terme.
Un exemple typique de boucle réflexe met en jeu des capteurs proximétriques qui vont signaler avant le choc la présence d’une paroi. Si l’on sait par ailleurs (par le niveau de réflexion ou par une connaissance a priori) que cette paroi est un obstacle, la boucle réflexe génère une trajectoire éloignant le robot de l’obstacle (trajectoire bien suivie grâce au niveau de régulation interne). Si, au contraire, cette paroi est connue comme un objet d’intérêt sur lequel le robot doit agir, la boucle réflexe élabore une trajectoire rapprochant le robot de la paroi. Notons que dans la pratique les mouvements réflexes ne s’expriment pas en termes de trajectoires mais en termes de forces, artificiellement créées sur le robot, conduisant aux trajectoires en question.
Dans la boucle de réflexion s’introduit un raisonnement qui s’appuie sur des données: la description de la tâche à accomplir. Cette tâche est décomposée en une succession de sous-tâches grâce à un générateur de plan . Chaque sous-tâche peut être traduite en trajectoire(s) conduisant à son exécution. Mais ce déroulement s’appuie sur une connaissance de l’environnement donnée a priori ou acquise par les capteurs extéroceptifs dans une phase d’apprentissage. En cours d’exécution de la tâche, des perturbations peuvent surgir: l’environnement s’est modifié, une pièce n’est pas à l’endroit prévu, etc. Les capteurs externes permettent d’observer ces modifications et de les transmettre au générateur de plan, qui va modifier sa stratégie d’action en conséquence. Cette boucle assure bien l’auto-adaptativité du robot à son environnement. Elle fait souvent appel aux techniques classées en intelligence artificielle.
Techniques d’apprentissage
Le robot ne peut exécuter une tâche que si, dans une phase préliminaire, on lui a donné les éléments permettant cette exécution. Ces éléments peuvent être divisés en deux parties:
– ce qu’on pourrait appeler l’operating system , c’est-à-dire les algorithmes ou les moyens permettant d’accomplir un certain nombre de primitives , ou actions de base paramétrables; cette partie est figée;
– les éléments variant d’une tâche à l’autre, c’est-à-dire l’enchaînement des primitives et leur paramétrage (qui peuvent être remis en cause ou complétés de manière autonome par le robot lui-même en cours d’exécution).
La méthode d’apprentissage la plus avancée mais non encore opérationnelle fait appel aux techniques de la conception assistée par ordinateur. Elle permet la programmation du robot hors ligne, c’est-à-dire sans sa présence réelle. Si la programmation hors ligne des machines-outils à commande numérique est une réalité, c’est parce que le nombre de primitives est modeste, qu’elles ne mettent en jeu qu’un axe à la fois (rarissimement deux dans le contournage), qu’on a affaire à une mécanique de très haute précision (exempte de jeux) et que la machine-outil n’a pas de boucle perceptive (simplement des sécurités). Avec un robot, on est dans la situation opposée: ses modèles informatiques ou mathématiques sont encore trop éloignés de la réalité et les capteurs externes sont délicats à prendre en compte. Ainsi, on ne peut encore aujourd’hui s’appuyer sur la seule simulation pour programmer précisément un robot réel.
Les robots dotés d’une commande par ordinateur sont programmés via le clavier de celui-ci. Après quoi on lance l’exécution du programme et on vérifie étape par étape que le comportement du robot correspond bien à ce qu’on en attend. Sinon, ce qui est généralement le cas en ce qui concerne la précision de positionnement, on effectue des corrections sur le programme. On itère la méthode jusqu’à obtention du résultat recherché.
La majorité des robots sont dotés d’une commande manuelle qui peut prendre de nombreuses formes:
– un bras maître de même morphologie que le robot (appelé en la circonstance bras esclave);
– une boîte à boutons; chaque bouton commande une articulation du robot (une variable généralisée) ou un déplacement de l’organe terminal (une variable opérationnelle) aisé à appréhender par l’opérateur (haut, bas, droite, gauche, etc.);
– un manche à balai, ou joystick , possédant autant de degrés de liberté que le robot;
– un pantin, structure très légère ayant la même géométrie que le robot à commander.
L’apprentissage consiste à amener le robot, via la commande manuelle, dans une suite de configurations (ensemble des valeurs des articulations) qu’on enregistre. Un générateur de trajectoires automatique crée alors les trajectoires entre des configurations successives. Ces générateurs engendrent en général des lignes droites entre deux positions successives de l’organe terminal. Il faut donc choisir soigneusement les configurations à enregistrer pour éviter les obstacles et les butées articulaires.
La méthode d’apprentissage la plus ancienne (que l’on trouve sur les robots de première génération dont l’armoire de commande est cependant dotée d’une mémoire) consiste à saisir manuellement l’organe terminal du robot et à lui faire décrire la trajectoire désirée. Un système mémorise en permanence les valeurs des articulations, ce qui autorise par la suite une recopie des mouvements.
Performances des robots
Les performances d’une machine se mesurent lors de son utilisation, qu’on doit donc précisément connaître lors de la conception. Mais, par sa flexibilité, le robot peut s’adapter à plusieurs types de tâches non envisagées au stade conceptuel, d’où la difficulté de mesurer a priori les performances d’un robot, qui peuvent être excellentes dans une application et mauvaises dans une autre.
Pour contourner cet écueil, on se contente de mesurer, lorsque c’est possible, quelques grandes caractéristiques, parmi lesquelles le volume pouvant être atteint par l’extrémité du robot, les possibilités d’orientation de l’organe terminal, la charge utile, la précision en position (précision absolue et précision en répétition d’un geste), la résolution (plus petit déplacement possible de l’organe terminal), la vitesse de déplacement de l’organe terminal.
Toutes ces grandeurs sont difficiles à mesurer avec des instruments adéquats, mais le problème le plus important est lié à l’hétérogénéité de ces grandeurs, qui sont fonction de la configuration du robot. Ainsi, un robot dont la charge maximale prévue est de 100 newtons n’en portera plus que 70 pour certaines configurations. De même, une précision de 0,01 mm sur l’organe terminal obtenue au cours d’un mouvement répétitif ne sera pas forcément atteinte si on arrive à la même position par une trajectoire nouvelle, etc. Il faudrait en fait fournir une véritable cartographie des configurations dans l’espace.
Par ailleurs, le nombre de paramètres influant sur les performances est important (charge transportée, réglage des asservissements, des transmissions, etc.). Deux robots réputés identiques et fabriqués à la suite par un même constructeur n’auront jamais les mêmes performances. On devra probablement leur adjoindre une véritable carte d’identité.
Classement des robots
Un classement à partir des performances précédentes étant peu représentatif du robot et sujet à caution, on classe généralement les robots en fonction de leur système de commande. Bien que le Robot Institute of America (R.I.A.) et l’Association française de robotique industrielle (A.F.R.I.) s’appuient sur leur propre classification, c’est la proposition de la Japan Industrial Robot Association (J.I.R.A.) qui sert le plus souvent de référence.
Selon la J.I.R.A., les robots sont répartis en six classes:
– la classe no 1 regroupe les manipulateurs manuels , c’est-à-dire les mécanismes à plusieurs degrés de liberté actionnés par l’homme;
– la classe no 2 comporte les robots ou manipulateurs à séquence fixe qui exécutent des mouvements immuables, chaque articulation allant d’une butée à l’autre dans un ordre préétabli et non modifiable;
– la classe no 3 rassemble les robots ou manipulateurs à séquence variable , pour lesquels l’ordre aussi bien que l’amplitude de déplacement des articulations sont aisément réglables;
– dans la classe no 4, on trouve les robots playback , qui peuvent effectuer des trajectoires continues; dans une phase d’apprentissage, l’opérateur humain fait exécuter la tâche au robot en le pilotant manuellement ou depuis une console de commande; l’information utile est enregistrée et rappelée lorsque c’est nécessaire; le robot exécute alors seul la tâche autant de fois qu’on le désire;
– la classe no 5 est le domaine des robots à commande numérique ; l’opérateur humain fournit au robot un programme (informatique) de déplacement; il ne guide plus manuellement le robot, comme précédemment;
– la classe no 6 englobe tous les robots dits intelligents , dotés de moyens de compréhension de l’environnement et capables de modifier eux-mêmes leur comportement pour mener à bien la tâche demandée.
Si les robots concernés par les cinq premières classes sont proches de leurs limites technologiques, ce qui stabilise leur classement, ceux qui sont répertoriés en classe 6 doivent être l’objet d’un sous-classement, car il existe de nombreux niveaux d’«intelligence» ou, ce qui revient au même en l’occurrence, de nombreux niveaux d’interaction avec l’environnement, plus ou moins bien maîtrisés.
Utilisations pratiques des robots
Les robots industriels sont presque toujours des robots de substitution utilisés dans trois classes principales d’applications: la manipulation des pièces, la manipulation d’outils, l’assemblage.
La manipulation des pièces s’entend surtout comme une opération de transfert qu’on rencontre dans tous les systèmes de production, depuis les hauts fourneaux jusqu’aux verreries, pour le moulage, le pressage, etc. Une application très connue concerne le chargement-déchargement de machines-outils, auxquelles le robot est de plus en plus intégré. Le premier robot commercialisé dédié à cet usage date de 1961, avec le dépôt d’un brevet par la firme américaine Unimation.
La manipulation d’outils concerne une gamme très variée d’outils: chalumeaux pour la découpe de métal, meules pour l’ébarbage ou le ponçage de pièces, outils de marquage, etc. La soudure par points a pris une large expansion chez les constructeurs de voitures; la soudure en continu pose encore des problèmes (de reconnaissance de forme). Un autre champ d’application concerne le traitement de surface par projections diverses. Le premier robot peintre a vu le jour en 1966, proposé par la société norvégienne Trallfa.
Bien que la société Olivetti ait lancé sur le marché le premier robot pour l’assemblage en 1975 (robot Sigma), son utilisation était très restrictive sous cette forme commerciale car le robot agissait sans système perceptif capable d’ajuster à tout instant les conditions conduisant à un assemblage réussi.
Le marché est aujourd’hui très demandeur pour cette application qui exige un retour d’information sur l’environnement sous la forme de la sensation des forces présentes au niveau des pièces à assembler.
La méthode efficace suit en fait la même stratégie que celle de l’homme assemblant deux pièces. Prenons par exemple le vissage d’un écrou sur un boulon: nous amenons les deux pièces au contact en nous assurant, visuellement ou par l’utilisation d’un chanfrein, qu’elles sont approximativement centrées; nous commençons alors à faire tourner l’écrou; si nous sentons une résistance trop vive, nous dévissons et essayons de mieux orienter l’écrou par rapport au boulon et recommençons la tentative de vissage jusqu’à ce que celui-ci s’effectue en délivrant une force de résistance que nous jugeons minimale et satisfaisante. Nous pouvons effectuer cette tâche essentiellement parce que nos doigts ne sont pas rigides et que nous ressentons les efforts.
Un robot d’assemblage doit pouvoir reproduire ces deux propriétés, ce qui est possible grâce à l’adjonction entre l’extrémité du robot et l’outil d’un organe appelé «poignet compliant» ou «complaisant».
Il existe deux modes de compliance utilisés pour l’assemblage. En compliance passive , le poignet accepte de se déformer en présence d’une force externe, mais de telle sorte qu’une des composantes de la force de réaction qu’il développe ait tendance à favoriser l’assemblage de la pièce à insérer. C’est le cas par exemple d’un système à trois ressorts disposés entre deux plaques circulaires parallèles qui a tendance à maintenir un cylindre normal aux plaques bien que l’extrémité inférieure de ce cylindre ne soit pas exactement sur l’axe du système (parce qu’il commence à s’engager dans l’alésage qui doit l’accueillir).
En compliance active , le poignet est presque rigide. Il ne subit que des microdéformations face à un effort. Les trois composantes de la force ainsi que ses trois moments par rapport à un système d’axes trirectangulaires sont mesurés. L’interprétation de ces mesures permet le calcul de la modification d’orientation et/ou de position du poignet nécessaire à la poursuite correcte de l’assemblage. Cette modification est assurée par le système de commande de robot. L’opération est itérée si nécessaire jusqu’à réussite de l’assemblage.
Depuis les années 1980, les robots de coopération (avec l’homme comme superviseur) ont vu leur proposition de champ d’applications s’élargir considérablement dans des domaines aussi variés que le milieu sous-marin (pour l’exploration des fonds et l’aide à l’exploitation pétrolière), le milieu nucléaire (maintenance des centrales, démantèlement des installations), les mines (extraction automatique du charbon dans des gisements difficiles), l’espace (intervention sur des satellites et des stations orbitales), le génie civil, la construction et le nettoyage de bâtiments, l’exploitation agricole (tracteurs automatisés, cueillette des fruits et légumes, entretien des forêts), la sécurité civile (inspection et destruction des objets suspects), les domaines militaire (véhicules et robots fantassins) et médical (réhabilitation des handicapés moteurs), les jeux (robots ludiques), le service domestique (gardiennage des maisons inoccupées, robot «servante»...), etc.
Dans toutes ces applications, qu’il serait bien trop long de commenter, le robot est mobile. De nombreux problèmes technologiques (et financiers) demeurent à résoudre avant de sortir du stade du prototype.
Problèmes de recherche posés par les robots
La multifonctionnalité recherchée pour les robots et la connotation anthropomorphique dont ils bénéficient à tort ou à raison conduisent plus que dans d’autres domaines de recherche à bien distinguer les besoins ou la demande immédiate des souhaits pour le futur. La demande ne s’exprime plus en termes de robots mais en termes de travaux ou de tâches à automatiser . Le concept de robot peut répondre à tout type de demande, mais les robots que nous savons faire ne peuvent satisfaire que des besoins limités. Autrement dit, le problème posé doit présenter certaines caractéristiques compatibles avec le savoir-faire pratique. Ce dernier permet malgré tout d’apporter une solution viable à l’essentiel des problèmes industriels dès lors que l’on peut passer par des robots à poste fixe (dont on peut modéliser à l’avance l’environnement). Il n’en est pas de même avec les robots mobiles, qu’on ne sait pas rendre véritablement autonomes faute d’une maîtrise suffisante des procédés de compréhension automatique de l’environnement via des systèmes perceptifs (la vision artificielle constitue le meilleur exemple). Sur ce sujet, on se trouve en définitive face à un problème de représentation des connaissances dont la solution est recherchée à travers les sciences cognitives .
La recherche en robotique s’est quelque peu réorientée par suite des échecs sur l’autonomie qui ont obligé à de nouvelles réflexions. En effet, pendant longtemps les efforts ont été dirigés vers la maîtrise du niveau de régulation qui permet à la machine de suivre au plus exact un comportement (des trajectoires) strictement connu à l’avance . Les difficultés résident, d’une part, dans l’écriture d’un modèle réaliste, c’est-à-dire exact, du robot, d’autre part, dans la découverte du type de contrôle adéquat, sachant qu’on doit faire face à un système très non linéaire. La littérature fourmille de propositions dont aucune n’est vraiment parfaite. Les contrôles flous et les réseaux de neurones sont les approches les plus récentes. Toute application réelle trouve une solution acceptable grâce à des astuces liées à cette application, mais la méthodologie générale reste encore à trouver.
Ce premier thème de base laisse largement la place à ceux qui essayent de répondre à l’autre jeu de questions, qui peut se résumer comme suit: nous connaissons la tâche à réaliser; le robot peut-il trouver seul le comportement qu’il doit adopter pour l’exécuter, et, en cas de réponse positive, quelles sont les propriétés à mettre en évidence pour que l’exécution soit «correcte»?
Parmi les tentatives de réponse à ces questions, on peut noter les directions importantes suivantes. Tout d’abord, l’approche sur la coopération d’agents . On s’est ainsi aperçu que la notion de robot en tant que machine isolée (fig. 3 a) n’avait pas de sens. Un robot est toujours un système robotique qui comporte trois agents: l’homme, le robot lui-même et l’environnement. Le système de contrôle est un quatrième agent spécifique qui gère les relations ou interactions entre les trois acteurs précédents (fig. 3 b). Chacun de ces derniers suit une boucle de fonctionnement du type information-décision-action-nouvelle information, etc. Ces notions d’acteurs permettent de mieux appréhender la compréhension et la modélisation des interactions.
Une deuxième évolution dans la recherche sur les robots a trait à l’attention portée à la notion de réactivité ou de réflexe . La situation peut être résumée ainsi. Depuis longtemps, un grand effort a été fait pour doter les robots d’une intelligence s’appuyant sur des processus de raisonnement ou, ce qui est la même chose, des modèles de décision. On a constaté que ce qu’on cherchait à traiter par ces méthodes pouvait en partie trouver une solution (plus simple) en exploitant des comportements réflexes. Comme les approches par les techniques de l’intelligence artificielle «classique» s’avéraient très décevantes et relativement sans issue, il s’en est déduit un très fort regain d’intérêt pour les contrôles réactifs. Le principe en est simple. Le robot suit un trajet et, grâce à des capteurs externes locaux fournissant une information à très peu de paramètres (présence-absence d’un ou de quelques signaux, amplitude de ces signaux, par exemple), il détecte la présence d’un obstacle. Cette détection et la valeur des paramètres impliqués commandent un comportement préprogrammé. Dans cet exemple, ce comportement se manifeste par l’évitement de l’obstacle et la réintégration postérieure éventuelle sur le chemin souhaité. Cela nourrit trois objets de recherche: tout d’abord, comment rejoindre, via le réflexe, un état qui fait progresser la tâche à exécuter? ensuite, en ne se limitant pas au seul déplacement du robot, peut-on via des réflexes doter un robot de tropismes qui l’attirent vers l’exécution d’une tâche physique (manipulation d’objets, par exemple)? enfin, on a remarqué, en particulier grâce à des simulations sur la vie des fourmilières, que, en dotant un assez grand nombre de robots à titre individuel de quelques réflexes comportementaux indépendants d’un objectif et qu’on «lâche en liberté» ces robots, une auto-organisation ou un comportement de groupe émerge sans passer par la moindre attribution de propriétés décisionnelles. Cette observation ouvre vers des travaux sur le thème de la «vie artificielle».
Une troisième piste ayant quelques liens avec la précédente s’intéresse aux rapports de l’homme et du robot afin d’élucider ce que peut être l’homme en tant que modèle du robot. En effet, l’homme peut être vis-à-vis du robot son concepteur, son programmeur, son pilote, son copilote, son superviseur, son «romancier», enfin son modèle. L’analyse montre que seules les propriétés de l’«homme au travail» représentant une partie infinitésimale de l’homme «complet» intéresse la robotique. Ces propriétés se manifestent par une intelligence très réduite, une convivialité avec l’environnement et, surtout, une grande dextérité ou habileté. La dextérité est fondée sur l’apprentissage de réflexes comportementaux face à une situation. Mais ces réflexes n’aboutissent à une habileté que par la présence d’une structure mécanique potentiellement performante et d’un système de contrôle d’une exceptionnelle qualité. Aussi bien, il est inutile de travailler sur l’amélioration d’un contrôle si la structure à contrôler n’a pas les propriétés mécaniques pouvant lui permettre d’être habile. Cela conduit à mettre l’accent sur la nécessaire présence de structures élastiques, de fortes redondances des degrés de liberté et de topologies aptes à une manipulation et à une locomotion «souples». Cette partie assure la dextérité potentielle, qui ne sera mise en œuvre que si la présence en masse de capteurs extéroceptifs est possible. La convivialité se manifestant par la communication avec les sources externes d’information, le langage en est le support d’excellence. Et, de ce point de vue, la solution est à notre portée. Quant à l’intelligence, son apport en tant que raisonnement ne peut se définir que lorsque les propriétés du réflexe auront été bien maîtrisées.
Une autre caractéristique des travaux conforte la troisième piste évoquée précédemment. On pourrait presque la qualifier de «retour» vers l’homme en tant que modèle. Les recherches du passé semblaient indiquer qu’au niveau scientifique l’homme était trop complexe, trop performant, utilisant des moyens inabordables pour atteindre à la simple exécution des tâches visées. L’anthropomorphisme était considéré comme une sorte de piège. On devait faire mieux que l’homme mais par d’autres moyens. Ces moyens ne sont pas trouvés. L’homme est à nouveau scruté en tant que modèle, non pas pour l’imiter in extenso, mais pour comprendre les mécanismes qui font apparaître chez lui l’habileté, l’intelligence et la convivialité. Si ces mécanismes sont identifiés, alors une synthèse d’organes artificiels conduisant à améliorer ces propriétés chez le robot peut être envisagée.
Cette approche se découvre typiquement pour résoudre les problèmes de manipulation d’objets. La pince standard à deux doigts cède la place aux mains multidoigts à topologie proche de la main humaine avec ses multiples articulations.
On retrouve ce souci dans l’utilisation des techniques de réalité virtuelle appliquées à la robotique. La réalité virtuelle est devenue un thème porteur depuis 1990. L’objectif en est la création informatique d’un monde sans existence réelle mais qui, pour l’opérateur immergé en son sein, a toutes les apparences d’un monde réel. Pour cela, il suffit que le monde virtuel sollicite tous les sens de l’homme comme le fait un monde réel: vue, toucher, ouïe, odorat et goût doivent être excités convenablement et évoluer en fonction des mouvements de l’opérateur. Cette voie présente deux intérêts principaux en robotique. D’une part, en connectant le monde virtuel à un monde réel doté de robots, on augmente énormément les possibilités des systèmes de téléopération ou de travail à distance. D’autre part, les modèles nécessaires à la construction d’un monde virtuel obligent à y introduire d’autres données que la simple géométrie ou topologie (apanage des systèmes de conception assistée par ordinateur, ou C.A.O.). Le monde virtuel doit posséder les propriétés physiques du monde réel. Ainsi, une des applications visées est la programmation hors ligne des robots. En effet, même au niveau industriel, on en reste à la nécessité d’être en présence du robot pour le programmer conformément aux exigences du site d’utilisation. On ne peut toujours pas le télécharger sans y rajouter de longues périodes de corrections ou d’adaptation sur place.
Si le succès de curiosité qu’ont obtenu les robots dans leurs premières utilisations industrielles s’est un peu refroidi face aux butées scientifiques et technologiques qui sont assez rapidement apparues, une nouvelle donne semble se dégager avec les différentes approches énumérées ci-dessus, et qui devraient conduire à moyen terme à une certaine «invasion» des robots (accompagnée d’une invasion des systèmes de réalité virtuelle), semblable à celle que l’ordinateur a déjà réussie.
Robotique
Le terme robotique étant dérivé du mot robot, on pourrait penser qu’il s’agit de la science des robots. Cette définition est très ambiguë et laisse penser que la robotique ne s’intéresse qu’aux robots en tant que machines isolées ou groupées pour une collaboration uniquement inter-robots.
Ce point de vue est trop restrictif. Sur la voie de l’automatisation de grands secteurs de l’activité humaine, le robot constitue certes un nouvel outil – aux propriétés jamais égalées par les outils précédents –, mais ce n’est qu’un nouvel outil qui s’adjoint aux outils déjà présents: ordinateurs, automates programmables, machines-outils à commande numérique, systèmes de vision, systèmes experts, réseaux locaux, etc.
La robotique ne se limite donc pas à l’art de concevoir des robots mais à celui de les faire collaborer avec les autres outils de l’automatisation, à les intégrer dans un ensemble d’outils divers. Dans le cadre d’applications liées à la production de biens de consommation ou d’équipement, la robotique se confond souvent avec la productique . C’est en partie grâce à la présence de robots, outils éminemment flexibles, qu’on arrive à la notion de cellule flexible et d’atelier flexible [cf. AUTOMATISATION].
Encyclopédie Universelle. 2012.