mouche [ muʃ ] n. f.
• musche v. 1120; lat. musca
I ♦
1 ♦ Vx Petit insecte volant (mouche, abeille, guêpe, moucheron, moustique, taon). « Mouche guêpe » (Montaigne).
♢ Mod. Loc. Mouche d'Espagne : cantharide. — (1487) Région. Mouche à miel : abeille.
2 ♦ Mod. Insecte (diptères) aux nombreuses espèces, dont la plus commune est la mouche domestique. La larve (⇒ asticot) de la mouche vit dans les matières organiques en putréfaction. Mouche bleue, mouche de la viande. Mouche dorée ou mouche verte (lucilie). Mouche tsé-tsé (glossine). Mouche charbonneuse (stomoxe). Mouche du vinaigre (drosophile).
♢ Cour. Mouche domestique. Protection contre les mouches (chasse-mouche, insecticide, papier tue-mouche). Nuage de mouches. Chiures de mouches. — Fig. PATTES DE MOUCHES : écriture très petite, irrégulière et difficile à lire. — Loc. On aurait entendu une mouche voler : le plus profond silence régnait. On ne prend pas les mouches avec du vinaigre. — Fam. Il ne ferait pas de mal à une mouche : il n'est absolument pas méchant. — Enculage de mouches : minutie excessive. C'est une enculeuse de mouches (cf. Coupeur de cheveux en quatre). « j'aurai toujours plus de respect pour les enculeurs de mouches que pour les inventeurs de bombes à neutrons » (Desproges). — Mourir, tomber comme des mouches, en masse, en grand nombre. — (par allus. à la fable de La Fontaine « Le Coche et la Mouche ») Être, faire la mouche du coche : s'agiter beaucoup sans rendre de réels services. — Prendre la mouche : s'emporter, se mettre en colère. — Quelle mouche le pique ? pourquoi se met-il en colère brusquement et sans raison apparente ? (cf. Qu'est-ce qui lui prend ?).
II ♦ Par anal. (forme, couleur, etc.)
1 ♦ ( XVIIe) Vx Petite tache.
2 ♦ (1609 ) Petit morceau de taffetas noir que les femmes mettaient sur la peau pour en faire ressortir la blancheur.
3 ♦ (1846) Mouche artificielle : appât fait de plumes de couleurs fixées à un hameçon. « poissons articulés, jabots de coqs pour fabriquer des mouches, objets sacrés et quasi magiques » (M. Rouanet). Pêche à la mouche : pêche au lancer à la mouche artificielle.
4 ♦ Bouton que l'on fixe à la pointe d'un fleuret, pour le rendre inoffensif (⇒ moucheter).
5 ♦ Point noir au centre d'une cible. Loc. Faire mouche : toucher ce point; fig. toucher juste (cf. Mettre dans le mille). « Vous faisiez mouche à chaque mot » ( Aymé).
6 ♦ Tache qui apparaît dans le champ de l'œil. « Il avait des mouches devant les yeux, et des points d'or » (Aragon).
7 ♦ (1846) Touffe de poils au-dessous de la lèvre inférieure. Porter la mouche.
III ♦ Par allus. à la finesse, la mobilité de l'insecte
1 ♦ (1389 ) Vx Espion. ⇒ mouchard.
2 ♦ (1673) Mod. Fine mouche : personne habile, rusée.
3 ♦ Mar. Petit navire de reconnaissance, très mobile. Mouche d'escadre.
♢ (1870) Cour. Bateau-mouche.
4 ♦ Sport Poids mouche.
● Mouche apparition, dans le champ visuel, de points brillants ou de taches sombres qui se déplacent, dus à de petits éléments opaques du corps vitré, dont l'ombre se projette sur la rétine.
mouche
n. f.
rI./r
d1./d Insecte de l'ordre des diptères, dont les espèces sont très nombreuses; spécial., insecte de la Fam. des muscidés dont l'espèce la plus commune est la mouche domestique (Musca domestica). Les mouches sont les vecteurs de diverses maladies.
d2./d Loc. On entendrait une mouche voler: il règne un silence absolu.
|| Fam. Mourir, tomber comme des mouches, en grand nombre.
— Il ne ferait pas de mal à une mouche: il est inoffensif.
— La mouche du coche: personne qui s'agite beaucoup sans rendre service efficacement.
— Quelle mouche le pique?: pourquoi s'emporte-t-il si brusquement?
— Prendre la mouche: se vexer.
— Pattes de mouche: écriture difficilement lisible.
— Fine mouche: personne fine et rusée.
d3./d Mouche (artificielle): assemblage de petites plumes pour servir d'appât, que l'on fixe au bout d'un hameçon.
d4./d (Insectes volants d'ordres divers.) Mouche à boeuf: taon.
— Mouche tsé-tsé: glossine.
— Mouche noire: moustique partic. fréquent dans le Grand Nord, dont la piqûre est douloureuse.
— Mouche à feu: luciole.
|| (oc. Indien) Mouche jaune: guêpe.
|| (Afr. subsah.) Mouche maçonne: guêpe maçonne.
rII./r
d1./d Mouches volantes: petites taches sombres ou brillantes se déplaçant dans le champ visuel.
d2./d SPORT Poids mouche, en boxe, catégorie d'athlètes pesant entre 48,99 et 50,80 kg (professionnels). Poids mi-mouche, entre 47,63 et 48,98 kg (professionnels). Poids super-mouche, entre 50,80 et 52,16 kg (professionnels).
d3./d Point noir marquant le centre d'une cible.
— Faire mouche: atteindre le centre d'une cible; fig. toucher juste. Sa repartie a fait mouche.
d4./d (Québec) Mouche de moutarde: sinapisme utilisé en médecine traditionnelle contre le rhume et contre l'asthme.
⇒MOUCHE, subst. fém.
I. A. — Insecte volant au corps rayé de gris, aux ailes transparentes, à la trompe molle, familier des habitations et parasite des aliments (mouche commune ou domestique). Le bourdonnement d'une mouche, des mouches harcelantes; être incommodé, tourmenté, persécuté par les mouches; un essaim de mouches; attraper les mouches au vol; écraser une mouche; papier tue-mouche, oiseau gobe-mouche ; une mouche attirée par une viande avariée. La mousseline de son petit lustre couverte de chiures de mouches (ZOLA, Conquête Plassans, 1874, p.952). Mais elle croit tout ce qu'ils disent, n'importe quoi, absolument comme une grenouille gobe une mouche (BERNANOS, Journal curé camp., 1936, p.1134):
• 1. La vie qu'il y a dans une mouche. Son arrière-train transparent de mie de pain. Elle frotte ses deux pattes de devant l'une contre l'autre, et sa trompe entre ses pattes.
RENARD, Journal, 1895, p.290.
♦[En parlant d'une chose] Noir de mouches. Couvert de mouches. Une auberge dégoûtante avec des morceaux de viande pendus au plafond, tout noirs de mouches (GONCOURT, Journal, 1882, p.189). Derrière ses murailles surchauffées et ses volets clos, dans ses pièces sans air, noires de mouches, Maupeyrou grouille et transpire (MARTIN DU G., Vieille Fr., 1933, p.1062).
— ENTOMOL. Insecte diptère du genre musca. Mouche à viande, mouche bleue, mouche des boeufs, mouche Coesar ou des cadavres, mouche bourreau. Il chassait les mouches avides de cette frissonnante bourrique (BARRÈS, Barbares, 1888, p.73). Les mouches à charogne (...) bombillaient sur la plaie tuméfiée et suintante (MARAN, Batouala, 1925, p.184):
• 2. Elle [la bestiole, un écureuil] s'était affaissée doucement sur le piège, dans un renoncement de souffrance abominable (...). Mais deux mouches vertes, déjà, étincelaient dans la fourrure rousse.
GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.283.
— Région. (Canada), p. anal. Mouche à marde. Importun. Tu es une vraie mouche à marde! avait-il dit à Momo quand celui-ci (...) l'avait assailli de questions (V.-L. BEAULIEU, Oh Miami, Miami, Miami, Montréal, éd. du Jour, 1973, p.316). Mouche noire. Brûlot. V. ce mot ex. 7.
B. — P. anal. [Du fait de la ressemblance avec la mouche] Insecte volant.
♦Mouche asile. Œstre ou taon (d'apr. BOUILLET 1859).
♦Mouche cantharide, mouche d'Espagne ou de St-Jean. Cantharide (d'apr. LITTRÉ-ROBIN 1858).
♦Région. (Canada). Mouche à feu. Ver luisant, luciole. Au départ, on se mouvait à la lueur des mouches à feu ou des bougies (F. LECLERC, Moi, mes souliers, Montréal, Fides, 1971 [1955], p.60).
♦Mouche(-)à(-)miel. Abeille (d'apr. BRARD 1838). La mouche-à-miel active dans la ruche bien propre et bien fermée (CLAUDEL, Part. de midi, 1906, II, p.1107).
Arg. des écoles. Mouches à miel. [P. allus. à l'abeille d'or qui orne leur casquette et leur collet] Élèves de Centrale (d'apr. ESN. 1966).
♦Mouche tsé-tsé (d'apr. Méd. Biol. t.2 1971).
♦Mouche du vinaigre (d'apr. Méd. Biol. t.2 1971).
C. — Locutions
1. Tours comparatifs
♦Tomber, crever, mourir comme (des) mouches. Tomber, crever, mourir en grand nombre. Si le blé était à trente francs, je les verrais [les ouvriers] tomber comme des mouches (ZOLA, Terre, 1887, p.369).
Rem. ,,On n'emploie plus ici le mot sans article`` (DUPRÉ 1972).
♦Tuer comme des, les mouches. Tuer en grand nombre et facilement. Je suis en plein dans une bataille d'éléphants et je te prie de croire que je tue les hommes comme les mouches (FLAUB., Corresp., 1859, p.333).
♦Écraser qqn comme une mouche. Anéantir quelqu'un. Une machine sous laquelle Dieu lui-même serait écrasé comme une mouche. Elle réduirait un homme à l'état de papier brouillard (BALZAC, Peau chagr., 1831, p.238). M. Lévêque, moins venimeux, exaspérait ses subalternes sans méchante intention. Encombrant leur travail, il les talonnait pour des choses mesquines. Son bourdonnement donnait envie de l'écraser comme une mouche (HAMP, Champagne, 1909, p.201).
♦Être ennuyeux comme les mouches. Être profondément ennuyeux. Élisabeth trouva la comédie ennuyeuse comme les mouches et n'y voulut plus retourner (BALZAC, Employés, 1837, p.54).
♦Manger comme une mouche. Manger peu et sans appétit:
• 3. — Oui, approuva Madeleine (...) tous ces jours derniers tu as mangé comme une mouche. — Comme une mouche? répéta Marie-Dorée un peu surprise. — Oui, comme une mouche! enfin du bout des doigts...
L. DE VILMORIN, Lit à col., 1941, p.174.
♦Comme un tas de mouches au soleil. [En parlant de qqc. que l'on fait avec le contentement des mouches au soleil] L'arquebusier se prit à rire comme un tas de mouches au soleil (NERVAL, Nouv. et fantais., 1855, pp.207-208).
♦Dru comme mouches (vx). ,,En grand nombre`` (Ac. 1878).
♦Épi en mouche. ,,Épi qui ne peut se développer; qui n'est pas plus grand qu'une mouche`` (FÉN. 1970).
2. Loc. fig.
♦On entendrait (aurait entendu) une mouche voler. Il règne (régnait) un silence absolu. À ces moments-là, on faisait silence autour de lui, et on entendait voler les mouches, car on comprenait qu'il allait en dire une bien bonne (MOSELLY, Terres lorr., 1907, p.31). Il parle et le silence est tel qu'on entend les mouches voler et qu'on les entend si distinctement voler qu'on n'entend plus du tout le président parler (PRÉVERT, Paroles, 1946, p.10):
• 4. ... je ne vois point d'inconvénient à ce que le témoin nous dise tout de suite le nom de son assassin! On eût entendu voler une mouche.
G. LEROUX, Myst. ch. jaune, 1907, p.128.
♦Gober les mouches, regarder voler les mouches, attraper les mouches, compter les mouches (fam.). Perdre son temps à ne rien faire, s'ennuyer. On ne peut pas dire qu'il a l'air de s'amuser. Tenez, il regarde au plafond. Il compte les mouches, bien sûr (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.64):
• 5. J'étais au pair, comme vous. Pas un liard. On est couchée et nourrie, bien sûr; mais il y a la toilette, puis il est impossible de rester sans un sou, renfermée dans sa chambre, à regarder voler les mouches.
ZOLA, Bonh. dames, 1883, p.512.
Il ne faut qu'une mouche pour l'amuser (vx). En parlant d'une ,,personne oiseuse, d'un domestique musard`` (HAUTEL t.2 1808).
♦Prendre la mouche (fam.). Se fâcher brusquement et mal à propos. Le commissaire venait de partir. M. Chasle eut l'air si consterné, que l'employé prit la mouche: — «Puisque je suis là, c'est tout comme. Qu'est-ce que vous voulez?» (MARTIN DU G., Thib., Belle sais., 1923, p.888):
• 6. Je lui crie: — Ah! ça! est-ce que vous vous imaginez que je couche avec tout le monde... avec des vieux dégoûtants?... D'un ton froid, elle me répond: — Hé! ma petite, ne prenez pas la mouche. Il y a des vieux qui valent des jeunes...
MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p.168.
♦Quelle mouche le pique, l'a piqué? (fam.). Pourquoi se fâche-t-il brusquement? Voulez-vous me dire quelle mouche vous pique et ce que signifie cette jalousie, qui pourrait devenir inquiétante? Ça vous a pris tout d'un coup, sans crier gare... (BECQUE, Parisienne, 1885, I, 3, p.273).
♦Être piqué de la mouche de + subst. (vieilli, fam.). Donner dans, être pris par. Mais cette enfant de Mariette fut tout à coup piquée de la mouche de la coquetterie, et, retirant sa main, elle lui dit [à François] que ce n'était pas convenant à une jeune fille de donner comme cela dans la main à un garçon (SAND, F. le Champi, 1848, p.150). Au reste, quand le plus froid même et le plus sage est une fois piqué de cette mouche qu'on appelle l'esprit de parti et de coterie, il peut commettre des fautes d'entraînement (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t.1, 1861, p.20).
♦Connaître mouches en lait (vx, fam.). ,,Reconnaître l'évidence`` (REY-CHANTR. Expr. 1979).
♦En partic., fam. [P. allus. au peu d'importance qu'on attache à une mouche]
Ne pas faire de mal à une mouche; ne pas tuer une mouche. Être incapable de faire de mal à qui que ce soit. Et bien entendu qu'il y en a qui sont des braves gens, si on les considère isolément, ils ne feraient pas de mal à une mouche (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.123). Excellent choix. L'avocat qui défend le mieux l'assassin, c'est celui qui ne tuerait pas une mouche. Celui qui défend le mieux le voleur, c'est le plus honnête (GIRAUDOUX, Folle, 1944, II, p.139).
(C'est) à cause des mouches. [En réponse moqueuse à une question que l'on veut éluder] Cela ne vous regarde pas. Pourquoi n'es-tu pas venu à la boîte ce matin?... C'est à cause des mouches (BOUTMY 1883).
Avoir peur des mouches. Être pleutre. Non, je le veux faible, gémissant doucement, et qui ait peur des mouches (GIRAUDOUX, Amphitr., 1929, II, 2, p.92).
Faire d'une mouche un éléphant (vx). ,,Exagérer les choses`` (REY-CHANTR. Expr. 1979).
Faire querelle sur un pied de mouche (vx). ,,Intenter un procès pour une bagatelle`` (HAUTEL t.2 1808).
3. Loc. proverbiale. On ne prend pas les mouches avec du vinaigre; on prend plus de mouches avec du miel (ou du sucre) qu'avec du vinaigre. On n'obtient rien de personne par la force:
• 7. Enfin, cet homme politique, cet écrivain si original, ne nous chuchota-t-il pas son intime secret, à savoir qu'on ne prend pas les mouches avec du vinaigre...
BLOY, Journal, 1903, p.166.
4. Arg. et pop. Tuer les mouches (à quinze pas). ,,Avoir une haleine assez infecte pour empoisonner les mouches au vol`` (LARCH. 1880).
♦Enculer les mouches. ,,Pousser trop loin l'analyse, pinailler, être tatillon`` (CAR. Argot 1977).
♦Enfileur de mouches. ,,Homme qui aime les complications`` (CARABELLI, [Lang. fam.], s. d.).
5. [P. réf. à un cheval qui ne supporte pas les mouches] Fam. Il est tendre aux mouches. ,,Il est sensible aux moindres incommodités, il se choque de peu de choses`` (HAUTEL t.2 1808).
6. [P. allus. à la fable de La Fontaine, Le Coche et la mouche] Faire la mouche du coche. S'agiter beaucoup sans être efficace et réclamer à tort le mérite d'une action:
• 8. ... l'irrévérencieux courtisan et photographe zélé, soudain impatient et affairé plus que la mouche du coche, nous poussant, se répandant, saluant à la ronde avec importance, faisant mille et mille courbettes pour ne pas passer inaperçu...
CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.119.
7. Pattes de mouche ou pied(-)de(-)mouche. Écriture fine et peu lisible. Je pourrois vous montrer dans l'un de ces volumes manuscrits que vous voyez sur ma table, plusieurs pages chargées de mes pieds-de-mouches (J. DE MAISTRE, Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.128). Nous ne connaîtrons jamais d'autres traces de vie (...) que ce qui monte à la conscience sous traces d'écriture. Des pattes de mouche (CENDRARS, Bourlinguer, 1948 p.339).
8. ESCR. Chasser les mouches. ,,Parer au hasard, par des mouvements désordonnés`` (Lar. 20e).
II. — P. anal. Ce qui, par un aspect quelconque, ressemble à une mouche.
A. — PÊCHE
— Mouche artificielle ou mouche. Appât utilisé dans la pêche à la ligne fait en plume ou en poil qui imite un insecte et qui est fixé à un hameçon par de la soie:
• 9. La mouche artificielle flotte, on l'appelle mouche sèche, ou est immergée et se nomme, dans ce cas, mouche noyée. On l'utilise avec une canne à mouche pour pêcher le chevaine, la truite, l'ombre et le saumon.
SCHREINER 1975.
♦Pêche à la mouche. ,,Méthode de pêche fondée sur l'utilisation d'une canne spéciale, d'une soie et d'un moulinet pour lancer un insecte artificiel muni d'un hameçon`` (SCHREINER 1975). C'est une dame anglaise, Juliana Berners, qui écrivit le premier traité de la pêche à la mouche, en 1496 (Rustica, 10-16 sept. 1980, n°559, p.31).
♦Pêcheur à (la) mouche. Le gris, si difficile à obtenir, est la couleur tant recherchée par les pêcheurs à mouche (Rustica, 10-16 sept. 1980, n°559, p.31).
B. — P. anal. (de couleur, de forme, de taille)
1. Vx. Petite tache. Mouche de boue, de crotte. Une grande brune poussait la porte de la boutique (...) C'était la belle poissonnière (...) elle portait une vague odeur de marée; et, sur une de ses mains, près du petit doigt, il y avait une écaille de hareng, qui mettait là une mouche de nacre (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p.674).
2. Petit rond de taffetas ou de velours noirs, ou d'un point de crayon spécial, imitant le grain de beauté, que les femmes se mettaient parfois sur le visage ou sur le décolleté par coquetterie ou pour rehausser la blancheur de leur peau. Poser une mouche; boîte à mouches. Plus fine que la mouche qui ravive l'éclat un peu niais de l'œil (VERLAINE, Œuvres poét. compl., Fêtes gal., Paris, Gallimard, 1938 [1869], p.84):
• 10. C'est au XVIe siècle que vint d'Italie la mode de coller sur le visage de petits morceaux d'étoffe noire, taffetas ou velours, pour rehausser l'éclat du teint et que l'on nomma mouches par leur ressemblance avec l'insecte (...). Les grandes s'appelaient enseigne du mal de dent. Les petites mouches s'appelaient des assassines. Sous Louis XIV, certains élégants portèrent des mouches comme les femmes.
LELOIR 1961.
3. ,,Petite touffe de poils réservée sous la lèvre inférieure. C'est Louis XIII qui, en un jour de désoeuvrement, accommoda ainsi les officiers de sa maison. La mouche s'appela dès lors la Royale. La même mode, sous Napoléon III, se nomma l'Impériale`` (LELOIR 1961). Le ministre de la guerre vient de trancher la question du port de la mouche (LARCH. 1872, p.180).
4. COUT. Motif en forme de triangle au point passé et destiné à arrêter un pli. Ce sont encore, pour les tailleurs et les manteaux d'allure sport, des plis creux souvent superposés et piqués jusqu'à la hauteur du genou sans «mouches» surtout! qui ne sont souvent que la terminaison heureuse d'une «finition» malheureuse! (Psyché, nov. 1925, p.26 ds QUEM. DDL t.16).
5. MÉD., vx. Topique de petite dimension que l'on prépare, le plus souvent avec les cantharides, la belladone et qui est utilisé comme vésicatoire. Appliquer une mouche:
• 11. Je suis couvert de mouches, dit-il. Comme deux ou trois volent autour de lui, je crois qu'il a une maladie qui les attire; à la fin, j'ai compris qu'il s'agit de vésicatoires.
RENARD, Journal, 1904, p.911.
6. SPORTS, JEUX
a) TIR. Petit cercle noir placé au centre d'une cible que l'on vise dans un tir au pistolet ou au fusil. Les cartons de tir étaient divisés, selon la coutume, en un certain nombre de cercles se développant autour d'une mouche centrale mi-partie noire et blanche (FEUILLET, Honn. artiste, 1890, p.328).
♦Faire mouche. Placer une balle dans ce cercle noir. Synon. toucher le but. Faire mouche à tous les coups. L'adresse de ces tireurs qui font mouche les yeux bandés (MURGER, Scènes vie boh., 1851, p.13). Le canon de 25 est une arme à tir tendu, d'une extraordinaire précision. À six cents mètres, un tireur exercé fait mouche dans un carré d'un mètre, presque à tous les coups (ABELLIO, Pacifiques, 1946, p.303).
Faire une mouche. J'ai vu Casal, chez Gastinne, au visé, ne pas faire une mouche sur cinquante balles (BOURGET, Cosmopolis, 1893, p.332).
P. anal. (au combat à l'arme blanche). Toucher l'adversaire. Je sais que vous tirez très bien l'épée, je la tire passablement, je sais que vous faites trois mouches sur six, c'est ma force à peu près (DUMAS père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.293).
Au fig. Toucher le point sensible. V. acéré ex. 23.
b) BILLARD. ,,Petite marque qui indique sur un tapis de billard l'endroit où doit se placer la bille`` (ROB.).
c) BOXE, emploi adj. Poids mouche, p. ell. mouche. Boxeur dont le poids est inférieur à 50,802 kg. Catégorie poids mouche. Un poids mouche, dont la détente est redoutable par la rapidité (Écho des Sports, 1936). Un second combat [de boxe] est à noter: celui des mouches Facovi et Reymond (L'Œuvre, 10 févr. 1941).
d) ESCR. ,,Petit morceau de peau fixé à la pointe du fleuret pour l'émousser et le rendre inoffensif`` (ROB.).
e) JEUX DE CARTES. La mouche est un jeu qui se joue avec cinq cartes et avec une retourne. La retourne détermine l'atout (BALZAC, Béatrix, 1839, p.41).
7. TECHNOLOGIE
a) ,,Extrémité tranchante d'une tarière de forage, de forme concave`` (BARB.-CAD. 1971).
b) ,,Morceau de zinc ou de cuivre de petites dimensions interposé dans les travaux de couverture, entre la tête du clou et la bande de plomb à fixer`` (BARB.-CAD. 1971).
c) ,,Outil servant à polir l'intérieur des canons de fusil et de pistolet`` (Lar. Lang. fr.).
d) ,,Il arrive que la peau [du parchemin] se perce de petits trous pendant le travail, on les dissimule au moyen de petites pièces de parchemin qu'on désigne sous le nom de mouches, par-dessus lesquelles on ajoute une mince pellicule nommée canepin`` (MAIRE, Manuel biblioth., 1896, p.578).
C. — P. anal. (avec la mobilité, la vivacité de la mouche)
1. Fam. Fine(-)mouche. Personne fine et rusée (dont l'intelligence est rapide et insaisissable, comme l'insecte, ou encore qui est témoin sans être vue). Cette petite femme, Madame Creton, est une fine mouche, une intrigante (CHAMPFL., Bourgeois Molinch., 1855, p.148). Miette, sa compagne roucoulante, une fine-mouche, un rien canaille, une colombine de faubourg, au corps souple, au coeur sensible, à l'esprit inventif (MARTIN DU G., Souv. autobiogr., 1955, p.LXXVIII).
2. Bateau-mouche. Bateau de promenade sur la Seine (à Paris) et p. anal. sur d'autres fleuves. P. ell. mouche. La mouche nous prend. Elle s'emplit. Nous partons directement pour Suez (FROMENTIN, Voy. Égypte, 1869, p.129). Un bateau à vapeur un peu moins grand qu'une des mouches qui vont d'Auteuil à Charenton, fait le service (BOURGET, Ét. et portr., Ét. angl., 1888, p.61).
— MAR., vx. Mouche d'escadre. Petit navire de guerre à évolution rapide chargé d'éclairer la marche d'une armée navale ou de surveiller les mouvements de l'ennemi pour en rendre compte à l'amiral. (Dict. XIXe et XXe s.).
D. — P. anal. (avec le vol en tous sens, l'importunité de la mouche)
1. MÉDECINE
♦ ,,Premières perceptions sensibles de l'accouchement, qui rappellent la sensation produite par des mouches se promenant sur la peau (concept désuet)`` (Méd. Biol. t.2 1971).
♦Mouches volantes, p. ell. mouches. Filaments, taches ou petits points brillants ou noirs, mobiles, qui apparaissent dans le champ visuel et qui sont dus à une trop vive impression produite sur la rétine par la lumière, ou aux éléments anormaux du vitré. Avoir des mouches dans les yeux. Ce n'était pas encore le film, car (...) des papillotements pareils à ces mouches lumineuses qui, parfois troublent les vues fatiguées, l'annoncent toujours (VIALAR, Hallali, 1953, p.51). Mouches volantes (...). Le plus souvent elles sont dues à un décollement postérieur du vitré (Méd. Biol. t.2 1971).
2. Arg., vx
— Espion, indicateur de police (qui, comme les mouches, entoure et suit ceux qui lui sont signalés pour les espionner). Ils [les examinateurs] s'informèrent de la personne à qui ils devraient remettre leur rapport. «À moi», fit la mouche de l'évêque (L. DAUDET, Ariane, 1936, p.47):
• 12. ... carrefour [Londres] de toutes les polices d'Europe, agents de Louis XV, mouches révolutionnaires, espions légitimistes, suppôts de la Terreur blanche, sbires autrichiens de la Sainte-Alliance, agents provocateurs des tsars...
MORAND, Londres, 1933, p.193.
— ,,Sobriquet donné vers 1840 aux jeunes femmes que les maîtresses de table d'hôte hébergeaient gratis pour attirer les clients mâles soit en raison de leur légèreté d'allure soit à cause de leur rôle de parasites`` (FRANCE 1907).
E. — P. anal. (avec le bourdonnement de la mouche). Grosse mouche. ,,Corde de la vielle formant une sorte de pédale`` (DG). 4 cordes métalliques montées directement sur la table [de la vielle] et qu'on excite avec les doigts constituent la mouche (BOUASSE, Cordes et membranes, 1926, p.327).
♦Bruit de mouche. ,,Bruit musical à timbre élevé entendu quand on appuie légèrement le stéthoscope sur la jugulaire externe d'une malade atteinte de chlorose`` (GARNIER-DEL. 1972).
F. — Région. (Centre). ,,Panique qui jette le désordre dans un troupeau de bêtes à cornes réunies sur un foirail; on croyait jadis qu'elle était due à des essaims de mouches attirées brusquement par l'odeur du bétail`` (FÉN. 1970).
III. — Emploi adj., arg., vieilli. ,,Mauvais, laid, désagréable, ennuyeux`` (DELVAU 1883). [Si la prostituée] est laide, Elle est mouche (LUCAS, Dangers prostit., 1841, p.32). Fût-ce la ville la plus (...) inhospitalière aux artistes, la plus écumée par les tournées précédentes les plus mouches (RICHEPIN, Miseloque, 1893, p.159).
REM. Moucher, verbe intrans. a) ,,Aller comme des mouches, aller et venir en parlant de lettres, de billets, de chansons`` (LITTRÉ). Les billets cachetés [entre Harlay père et fils] et avec le dessus [l'adresse] mouchaient [volaient comme des mouches] d'une chambre à l'autre (LA VARENDE, Saint-Simon, 1955, p.285). b) Pêche. Monter une ligne à la mouche (supra II A). De temps en temps un poisson sautait avec un plouf, je ne réussis pas à en avoir un, seulement les cercles concentriques [allant s'élargissant] autour de l'endroit où il avait mouché... (Cl. SIMON, La Route des Flandres, 1960, 139 ds ROB. Suppl. 1970).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Pas d'accent circonflexe pour s < musca. Étymol. et Hist. 1. 1re moitié XIIe s. «insecte diptère» musche (Psautier d'Oxford, 104, 29, éd. Fr. Michel, p.156); 2. nom donné à de nombreux insectes qui n'appartiennent pas à la famille des muscidés a) 1213 «mouche à miel, abeille» (Li Fet des Romains, éd. L.-F. Flutre et K. Sneyders de Vogel, 401, 18); b) 1552 mousches guespes (RABELAIS, Quart Livre, 58, éd. R. Marichal, p.235); c) 1636 mousche aus beufs «taon» (MONET); d) mousche aus chevaus (ibid.); e) 1768 mouche-araignée (VALM.); f) 1798 mouche bleue de la viande (ibid.); 3. loc. diverses a) ca 1350 prendre mouskes «s'irriter» (GILLES LI MUISIS, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, II, 196, 15); 1640 prendre la mouche (OUDIN Curiositez); b) 1485 quel mouche le point? (Le Mistére du Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 4443); 1611 quelle mousche l'a piqué (COTGR.); c) 1616 pieds de mouche «écriture très fine et peu lisible» (La Comédie des Proverbes ds Anc. Théâtre français, IX, 32); d) 1798 pattes de mouches (Ac.); e) 1718 on prend plus de mouches avec le sucre qu'avec le vinaigre (ibid.); 1740 on prend plus de mouches avec le miel qu'avec le vinaigre (ibid.); f) 1836 on eût entendu voler une mouche (STENDHAL, L. Leuwen, t.3, p.223); g) 1844 ne pas faire de mal à une mouche (BALZAC, Splend. et mis., p.135); 4. a) 1486 fine mouche «personne très fine et très rusée» (JEAN MICHEL, Le Mystère de la Passion, 17344, éd. O. Jodogne); b) 1574 «espion» (AMYOT, De la Curiosité, 27 ds LITTRÉ); c) 1814, 30 mai «petit navire de guerre» (Registre ds JAL, s.v. flotte, p.704b); d) 1867 «petit bateau à vapeur» (Revue des deux mondes, 72, 182 ds KEMNA, p.80); 5. a) 1618 «petit morceau de taffetas collé sur le visage» (La Descouverte du style impudique des courtisanes ds LIVET Molière t.2, p.124); b) 1690 «éclaboussure de boue sur un vêtement» (FUR.); c) 1759 «points de broderie dispersés sur une étoffe» (Mémoire présenté par Berry, brodeur de Mme la Duchesse de Valentinois ds HAVARD); d) 1801 pêche mouche artificielle (CRÈVECOEUR, Voyage, t.1, p.186); e) 1824 «emplâtre vésicatoire préparé avec les cantharides» (NYSTEN); f) 1834 «point noir placé au centre d'une cible» (MUSSET, Fantasio, I, 2, p.183); g) 1840 «petite touffe de poils qu'on laisse croître au-dessous de la lèvre inférieure» (Ac.); h) 1874 «petite marque qui indique sur un tapis de billard l'endroit où doit se placer la boule» (Lar. 19e). Du lat. musca «mouche (insecte)». Fréq. abs. littér.:1984. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 1644, b) 3246; XXe s.: a) 3194, b) 3373. Bbg. QUEM. DDL t.19.
mouche [muʃ] n. f.
ÉTYM. V. 1120, mosche, musche; du lat. musca.
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1 a Vx. Petit insecte volant (mouche domestique, abeille, guêpe, moucheron, moustique, taon…). || Mouche guêpe (cit. 1, Montaigne).
➪ tableau Classification des insectes.
b Mod. En loc., nom encore donné à certains insectes autres que les muscidés. || Mouche araignée ou mouche plate du cheval (Hippobosque). || Mouche de Saint-Marc ou de la Saint-Jean. ⇒ Bibion. || Mouche d'Espagne (⇒ Cantharide), à scie. ⇒ Tenthrède. || Mouche à bœufs : œstre, taon.
♦ (1487). Archaïque ou régional. || Mouche à miel. ⇒ Abeille.
♦ Mouche-maçonne : guêpe d'une variété ressemblant aux muscidés et construisant des alvéoles.
0.1 Une mouche-maçonne, de la plus grande espèce, commence à construire des alvéoles sur le chambranle de la porte (…) Je suis fort amusé à la voir apporter, puis enfermer dans l'alvéole une assez grosse larve (…) Elle bloque complètement la cellule, mastiquant et ensalivant la glaise qu'elle apporte, bouchant hermétiquement la petite ouverture par où elle a pu introduire sa proie. Cela est net, lisse, parfait comme un travail de potier, gros comme un noyau d'olive !
Gide, Retour du Tchad, in Souvenirs, Pl., p. 954.
2 Insecte (Diptères, Brachycères, Muscidés) aux nombreuses espèces, dont la plus commune, la mouche domestique (Musca domestica) vit volontiers dans les maisons. || La larve (⇒ Asticot) de la mouche vit dans les matières organiques en putréfaction. || Mouche bleue ou mouche carnaire, mouche de la viande (Calliphore). || Mouche grise de la viande (Sarcophage). || Mouche dorée ou mouche verte. ⇒ Lucilie. || Mouche charbonneuse (Stomoxe). || Mouche tsé-tsé. ⇒ Glossine. || Mouche des cerisiers, des oliviers (Dacus). || Mouche du vinaigre ou drosophile. || L'idie, mouche des régions chaudes et tempérées.
♦ Plus cour. Mouche domestique. || Mouche qui bourdonne (→ Échec, cit. 3). || Bourdonnement de la mouche. || Bout de viande faisandée qui attire (cit. 14) les mouches. || Chiasse, chiure (cit. 1) de mouches. || Essaim (cit. 4), nuage de mouches (→ Déplacer, cit. 6). || Mouches harcelantes (→ Affairement, cit. 2). || Attraper, écraser une mouche (→ Casser, cit. 5). || Protection contre les mouches. ⇒ Attrape-mouche, chasse-mouches, émoucher, émouchette, épissière, insecticide, tue-mouche (papier). || Oiseaux qui se nourrissent de mouches. ⇒ Gobe-mouche, moucherolle. — Allus. littér. || « Ce parasite ailé (cit. 2) que nous avons mouche appelé » (La Fontaine).
1 La puissance des mouches : elles gagnent des batailles, empêchent notre âme d'agir, mangent notre corps.
Pascal, Pensées, VI, 367.
2 La mouche et la fourmi contestaient de leur prix
« Ô Jupiter ! dit la première,
Faut-il que l'amour-propre aveugle les esprits »
La Fontaine, Fables, IV, 3, « La mouche et la fourmi » (→ Aveugler, cit. 6).
3 Ce volume contenait le poème d'un jésuite sur une mouche qui se noie dans une jatte de lait. Tout l'esprit était fondé sur l'antithèse produite par la blancheur du lait et la noirceur du corps de la mouche, la douceur qu'elle cherchait dans le lait et l'amertume de la mort.
Stendhal, Vie de Henry Brulard, 12.
4 Et des mouches ! des mouches ! jamais je n'en avais tant vu : sur le plafond, collées aux vitres, dans les verres, par grappes… Quand j'ouvris la porte, ce fut un bourdonnement, un frémissement d'ailes comme si j'entrais dans une ruche.
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « Les deux auberges ».
4.1 De temps en temps, une mouche dont le vol commençait à vibrer enflait le son d'une manière continue. Brusquement on ne l'entendait plus, elle s'était posée (…) Une mouche s'était posée sur sa joue, moineau des insectes, aux pattes actives, aux ailes brunes pas trop légères, bête innocente et étourdie. Jean d'un coup de main la chassait et riait d'être de nouveau tranquille.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 292-293.
5 Ce ne sont que des mouches à viande un peu grasses. Il y a quinze ans qu'une puissante odeur de charogne les attira sur la ville. Depuis lors, elles engraissent.
Sartre, les Mouches, I, 1.
5.1 Mesdames et messieurs : la face des mouches est sérieuse. Cet animal marche et vole à son affaire avec précipitation. Mais il change brusquement ses buts, la suite de son manège est imprévue : on dit que cet insecte est dupe du hasard. Il ne se laisse pas approcher : mais au contraire il vient, et vous touche souvent où il veut; ou bien, de moins près, il vous pose la face seule qu'il veut. Chassé, il fuit, mais revient mille instants par mille voies se reposer au chasseur.
Francis Ponge, le Parti pris des choses, p. 25.
♦ Par métaphore (→ Batteuse, cit. 2).
6 Les navires sont des mouches dans la toile d'araignée de la mer.
Hugo, l'Homme qui rit, I, II, IV.
3 ☑ Loc. (1588). Faire d'une mouche un éléphant : accorder beaucoup d'importance à une chose insignifiante. ⇒ Exagérer. — ☑ Vx. Peser gravement des œufs de mouche (→ 1. Balance, cit. 2, Voltaire). — ☑ On aurait entendu une mouche voler : le plus profond silence régnait. — ☑ Attraper (→ 2. Cancre, cit. 2), gober des mouches : perdre son temps dans l'oisiveté; être distrait, rêveur. — ☑ Attirer quelqu'un comme le miel attire les mouches.
♦ ☑ (1798). Prov. On prend plus de mouches avec du miel qu'avec du vinaigre (ou : on ne prend pas les mouches avec du vinaigre). — ☑ Fam. Il ne ferait pas de mal (3. Mal, cit. 6) à une mouche. — ☑ Mourir, tomber comme des mouches, en masse, en grand nombre. — Le coche et la mouche, fable de La Fontaine (→ Animer, cit. 19). ☑ Être, faire la mouche du coche : être empressé inutilement, être importun, s'agiter beaucoup sans rendre de réels services. — ☑ Quelle mouche le pique ? (→ 2. Critique, cit. 40) : pourquoi se met-il en colère brusquement et sans raison apparente ?
7 Après bien du travail le coche arrive au haut.
« Respirons maintenant, dit la mouche aussitôt :
J'ai tant fait que nos gens sont enfin dans la plaine.
Ça, Messieurs les chevaux, payez-moi de ma peine ».
Ainsi certaines gens, faisant les empressés (…)
La Fontaine, Fables, VII, 9 (→ Empressé, cit. 1).
8 (…) ayant peu d'esprit, il ne discernait pas les tons et les caractères, et prenait souvent la mouche sur rien.
Rousseau, les Confessions, III.
9 Comment ! sans y voir clair et sans savoir pourquoi,
Vous vous battez ainsi ! Quelle mouche vous pique ?
Florian, Fables, III, 8.
10 Sans les pleurs convulsifs de Gothard, on eût entendu les mouches voler.
Balzac, Une ténébreuse affaire, Pl., t. VII, p. 515.
♦ ☑ (1798). Loc. fig. Pattes de mouche : écriture très petite et difficile à lire.
11 Une lettre qu'elle faisait semblant d'écrire n'avançait guère, et les délicieuses pattes de mouche de son écriture s'entremêlaient follement (…)
Nerval, Pandora, I.
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1 (1690). Vx. Petite tache de couleur sombre. ⇒ Moucheture. || Une mouche de boue.
2 (1645). Petit morceau de taffetas noir que les femmes se mettaient autrefois sur le visage ou parfois sur la gorge par coquetterie, pour rehausser la blancheur de leur peau (→ Ajustement, cit. 6, La Fontaine). ⇒ Beauté (grain de). → Efféminé, cit. 6; futilité, cit. 5. || Mouche assassine. ⇒ Assassin (supra cit. 12).
12 Elle se posa une mouche au coin de la lèvre et fit mine de se lever (…) Vallombreuse, plongeant un doigt dans la boîte à mouches posée sur la toilette, en retira une petite étoile de taffetas noir. « Souffrez, continua-t-il, que je vous la pose; ici, tout près du sein, elle en relèvera la blancheur et paraîtra comme un grain de beauté naturel. »
Th. Gautier, le Capitaine Fracasse, VIII.
3 (1824, mouche). Vx. || Mouche de Milan : petit emplâtre de cantharides étendu sur du taffetas et utilisé comme vésicatoire.
4 (1846). || Mouche artificielle : appât utilisé dans la pêche à la ligne et fait de plumes de couleurs variées, qui sont fixées à un hameçon par de la soie. ⇒ Amorce, appât. — Pêche à la mouche : pêche au lancer qui utilise la mouche artificielle.
5 Petit point noir placé au centre d'une cible. ☑ Faire mouche : toucher ce point. ⇒ Balle (faire), but (toucher le). — Fig. et par métaphore. Atteindre le résultat visé, toucher le point sensible (→ Mettre dans le mille).
13 Quelle péroraison ! D'une concision, d'une violence, d'une aigreur ! Vous faisiez mouche à chaque mot.
M. Aymé, la Tête des autres, I, 4.
♦ Petite marque qui indique sur un tapis de billard l'endroit où doit se placer la bille.
6 Techn. Morceau de peau qu'on fixe sur le bouton d'un fleuret pour l'émousser et le rendre inoffensif. ⇒ Émoucher, moucheté, moucheter.
7 (1846). Petite touffe de poils au-dessous de la lèvre inférieure. ⇒ Barbe (→ Émerillonné, cit. 2). || La mouche était à la mode à l'époque d'Henri III, sous le Second Empire.
8 (1874). Techn. Petit outil utilisé pour polir l'intérieur d'un canon de fusil, de pistolet.
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III (Par allus. à la finesse, la mobilité, l'importunité de la mouche).
1 (1845). || Mouche volante : tache qui apparaît dans le champ visuel et suit les mouvements de l'œil.
14 Ah ! du pain d'abord. Et du café. Il rêvait d'un café bien noir et bien chaud. Il avait des mouches devant les yeux, et des points d'or. La crampe gastrique s'accentuait.
Aragon, les Beaux Quartiers, II, XXXVIII.
2 (1798). Plur. Méd. Douleurs légères, intermittentes, semblables à des piqûres d'insectes, et qui annoncent le travail de l'accouchement.
3 (XIXe). Mar. || Mouche d'escadre : petit navire de reconnaissance qui servait à éclairer la marche d'une escadre, à surveiller les mouvements de la flotte ennemie.
♦ (1878). Cour. || Mouche (vx), puis bateau-mouche : bateau à passagers qui circule sur la Seine, à Paris. || Des bateaux-mouches (⇒ Bateau, cit. 4 et 4.1).
14.1 La Seine est couverte de mouches qui chauffent, pavoisées du drapeau des ambulances, et toutes prêtes à aller chercher des blessés.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, t. IV, p. 114.
4 (1389; p.-ê. de moucher « cacher », de mucier, mucher, selon P. Guiraud). Vx. Espion. ⇒ Mouchard (1., 2.).
15 (…) je vis que j'avais été prévenu par un homme de mauvaise mine, qui me parut être une de ces mouches qu'on tient sans cesse à mes trousses. Tandis que cet homme lui parlait à l'oreille, je vis les regards du tonnelier se fixer sur moi d'un air qui n'avait rien d'amical.
Rousseau, Rêveries…, IXe promenade.
5 ☑ (1673). Mod. Une fine mouche : une personne très fine, habile, rusée.
16 Défie-toi de Marin; car tu sais que c'est une fine mouche (…)
17 La jeune femme (…) était des « deux Faubourgs » et Talleyrand se sentait à l'aise près de cette fine mouche qui, d'une intelligence déliée et d'esprit acéré, s'était jadis beaucoup poussée près de Joséphine (…)
Louis Madelin, Talleyrand, III, XXVII.
6 Sports. || Poids mouche. ⇒ Poids.
7 Jeu de cartes qui ressemble au mistigri (→ Balzac, Béatrix, Pl., t. II, p. 350). || Jouer à la mouche.
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DÉR. Mouchard, 2. moucher, moucherolle, moucheron, mouchet, moucheter, 2. moucheur.
COMP. Attrape-mouche, bateau-mouche, chasse-mouches, gobe-mouches, oiseau-mouche, tue-mouche.
HOM. Formes des v. 1. moucher, 2. moucher.
Encyclopédie Universelle. 2012.