reconnaître [ r(ə)kɔnɛtr ] v. tr. <conjug. : 57>
• reconnoistre 980; lat. recognoscere « reconnaître; inspecter; examiner »
I ♦ Saisir (un objet) par la pensée, en reliant entre elles des images, des perceptions; identifier par la mémoire, le jugement ou l'action. « Reconnaître un homme consiste à le distinguer des autres hommes; mais reconnaître un animal est ordinairement se rendre compte de l'espèce à laquelle il appartient » (Bergson).
1 ♦ Penser (un objet présent) comme ayant déjà été saisi par la pensée. ⇒ se rappeler, se souvenir. Hamilcar « reconnaissait les trirèmes qu'il avait autrefois commandées » (Flaubert). Reconnaître un lieu. — Reconnaître qqn (qu'on avait perdu de vue). Après tant d'années, je l'ai parfaitement reconnu. — Animal qui reconnaît son maître.
2 ♦ Penser, juger (un objet, un concept) comme compris dans une catégorie ou comme inclus dans une idée générale. ⇒ identifier. Caractère qui permet de reconnaître, fait reconnaître qqch. (⇒ indice, signe ) . Reconnaître une chose sans pouvoir la nommer. « Dans ce bloc de verdure [...] il fallait, pour reconnaître une église, faire un effort » (Proust). ⇒ discerner. — Reconnaître un air dès les premières notes. Reconnaître une voix, en identifiant la personne qui parle. Reconnaître le pas de qqn. — Reconnaître un malfaiteur grâce à son signalement. La victime a reconnu son agresseur (parmi des suspects). Reconnaître qqn sous un masque, sous un déguisement. — Spécialt Reconnaître le corps (d'un mort) :identifier le cadavre. — Allus. hist. « Tuez-les tous ! Dieu reconnaîtra les siens » : paroles du légat du pape, lors du massacre des albigeois. — (Avec un compl. au plur.) ⇒ distinguer. Des jumeaux impossibles à reconnaître.
♢ Par ext. (1671) Retrouver (une chose, une personne) telle qu'on l'a connue; en avoir la même impression. Je le reconnais bien là, je reconnais bien là sa paresse. On ne le reconnaît plus : il n'est plus le même.
♢ RECONNAÎTRE (qqch., qqn) À..., l'identifier, pouvoir le nommer grâce à (tel caractère, tel signe). Reconnaître un arbre à ses feuilles. « Je reconnais le bourgeois [...] au niveau de ses pensées » (A. Gide).
II ♦ Accepter, tenir pour vrai (ou pour tel).
1 ♦ (1080) Admettre, avouer qu'on a commis (un acte blâmable, une faute). ⇒ avouer, confesser. Reconnaître ses torts. L'accusé a reconnu les faits. Je reconnais m'être trompé. « Regardant et parcimonieux [...] , je reconnais l'être à l'excès » (A. Gide).
2 ♦ Vx ou littér. Admettre (qqn) pour chef, pour maître. Reconnaître qqn pour maître, pour chef. — P. p. adj. C'est le chef reconnu de la rébellion.
3 ♦ (XIVe) Admettre pour vrai après avoir nié, ou après avoir douté, accepter malgré des réticences. ⇒ admettre. On a fini par reconnaître son innocence. Reconnaître la valeur, la supériorité de qqn. — (Avec que et l'indic.) Je reconnais qu'il a fait ce qu'il a pu. ⇒ convenir (de). — Reconnaître une aptitude, une qualité à qqn, considérer qu'il la possède. ⇒ attribuer, concéder. Il faut lui reconnaître une certaine franchise.
4 ♦ Tenir pour vrai après une recherche; être conduit à connaître, à savoir. ⇒ constater, découvrir. Après l'examen du médecin, on reconnut qu'il fallait opérer. Reconnaître peu à peu les difficultés d'un sujet.
5 ♦ (1557 milit.) Chercher à connaître, à déterminer. Reconnaître le terrain, les positions. ⇒ éclairer. « Nous étions de patrouille [...] Il s'agissait de reconnaître un nouveau poste d'écoute allemand » (Barbusse). — Reconnaître des terres inconnues. ⇒ explorer. Reconnaître une côte, s'en approcher et la longer.
6 ♦ Admettre officiellement l'existence juridique de... Reconnaître un gouvernement. Reconnaître la compétence d'un tribunal. Reconnaître un droit à qqn.
♢ Reconnaître un enfant, s'en déclarer légalement le père ou la mère.
♢ Reconnaître sa signature, une lettre, un billet, admettre qu'on en est l'auteur et en accepter les conséquences juridiques. — Reconnaître une dette.
7 ♦ (XVe) Rare Témoigner par de la gratitude (⇒ reconnaissance, III) que l'on est redevable envers qqn de (qqch.). Reconnaître un bienfait, un service.
III ♦ SE RECONNAÎTRE v. pron.
1 ♦ (fin XVIIe) (Réfl.) Retrouver son image, s'identifier. Ne plus se reconnaître en se regardant dans une glace. — Par ext. Se reconnaître dans, en qqn : trouver de la ressemblance entre une personne et soi-même. Se reconnaître dans un personnage de roman.
♢ Se reconnaître (et adj.) :avouer, admettre qqch. concernant soi-même. Se reconnaître coupable.
♢ Être capable d'identifier les lieux où l'on se trouve, la position qu'on y occupe. ⇒ se retrouver. Ne plus se reconnaître quelque part. « En un instant, le petit fut [...] fourré dans le trou sans avoir eu le temps de se reconnaître » (Hugo). — Fig. Se reconnaître dans un raisonnement. Ne plus s'y reconnaître, s'y perdre. ⇒ s' embrouiller.
2 ♦ (Récipr.) Ils ne se sont pas reconnus, après dix ans de séparation.
3 ♦ (Pass.) Être reconnu ou reconnaissable, se distinguer par. « Le grand cuisinier se reconnaît à [...] l'assaisonnement d'une salade » (Maurois).
⊗ CONTR. Confondre; oublier. — Contester, dénier; méconnaître, refuser; protester.
● reconnaître verbe transitif (latin recognoscere) Juger quelqu'un, quelque chose, les déterminer comme déjà connus à une date antérieure : Reconnaître un air de musique. Identifier quelqu'un, quelque chose, le nommer en fonction d'un caractère donné : Reconnaître quelqu'un à son pas. Retrouver quelqu'un, quelque chose tel qu'on l'a toujours connu, dans sa permanence et avec ses vrais caractères : Je reconnais bien là sa paresse. Visiter un lieu, l'explorer pour en découvrir la situation, la disposition, les caractéristiques : Chercher à reconnaître le terrain. Accepter quelque chose, le tenir pour vrai ou réel, l'admettre, le constater : Je reconnais combien vous aviez raison. Avouer un acte critiquable ou répréhensible : Reconnaître ses fautes. Compter quelque chose à l'actif de quelqu'un, à son avantage : Un ministre auquel on reconnaît de la compétence. Admettre quelqu'un en telle qualité : Reconnaître un parent pour son héritier. Se déclarer l'auteur de quelqu'un, quelque chose et en assumer la responsabilité : Reconnaître un enfant. Reconnaître une dette. Considérer un État, une institution comme légitimes : Reconnaître un gouvernement. Recevoir un bienfait, un service rendu, etc., avec gratitude. Exécuter une reconnaissance militaire ; arrêter quelqu'un, un groupe en leur demandant le mot d'ordre. ● reconnaître (citations) verbe transitif (latin recognoscere) Arnaud Amalric vers le milieu du XIIe s.-1225 Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. Commentaire Cri du légat pontifical Arnaud Amalric, abbé de Cîteaux, au sac de Béziers, où plus de 30 000 personnes périrent sous le fer des soldats de la croisade albigeoise (1209). Authenticité contestée… ● reconnaître (synonymes) verbe transitif (latin recognoscere) Juger quelqu'un, quelque chose, les déterminer comme déjà connus à une...
Synonymes :
- remettre
- se souvenir de
Contraires :
- oublier
Identifier quelqu'un, quelque chose, le nommer en fonction d'un caractère donné
Synonymes :
- deviner
- différencier
Contraires :
Retrouver quelqu'un, quelque chose tel qu'on l'a toujours connu, dans sa...
Synonymes :
Visiter un lieu, l'explorer pour en découvrir la situation, la...
Synonymes :
- examiner
- visiter
Accepter quelque chose, le tenir pour vrai ou réel, l'admettre, le...
Synonymes :
- affirmer
- convenir de
- croire à
Contraires :
- douter
- ignorer
Avouer un acte critiquable ou répréhensible
Synonymes :
- avouer
Compter quelque chose à l'actif de quelqu'un, à son avantage
Synonymes :
- concéder
Contraires :
- refuser
Considérer un État, une institution comme légitimes
Synonymes :
- légitimer
Recevoir un bienfait, un service rendu, etc., avec gratitude.
Contraires :
- méconnaître
reconnaître
v.
rI./r v. tr.
d1./d Percevoir (qqn, qqch) comme déjà connu, identifier. Elle ne l'a pas reconnu tellement il a changé. Je reconnais cette odeur.
|| Reconnaître (qqch, qqn) à: identifier (qqch, qqn) grâce à (un détail, un trait). Je l'ai reconnu à sa démarche.
d2./d Admettre comme vrai, comme certain. Je reconnais ses mérites.
d3./d Avouer, confesser (qqch). Reconnaître ses fautes.
d4./d Admettre, tenir (qqn) pour tel. Reconnaître qqn pour roi.
|| Reconnaître un enfant: déclarer officiellement qu'on est le père ou la mère d'un enfant naturel.
|| Reconnaître un gouvernement, admettre sa légitimité.
d5./d Examiner (un lieu) pour le connaître; essayer de déterminer l'emplacement de (qqch). Reconnaître les lieux.
rII./r v. Pron.
d1./d Retrouver son image dans qqch. Se reconnaître sur une photographie.
— Fig. Ce père se reconnaît dans son fils.
d2./d S'orienter. Ne pas se reconnaître dans une ville nouvelle.
d3./d S'avouer comme tel. Se reconnaître coupable.
⇒RECONNAÎTRE, verbe trans.
I. — Empl. trans.
A. — [Dans l'ordre des perceptions sensibles: mémoire, jugement] Identifier.
1. Qqn reconnaît qqn/qqc. Synon. vieilli ou littér. connaître.
— Reconnaître qqn en/dans qqn/qqc. [Le compl. d'obj. désigne la nature, ou un trait caractéristique ou générique de la pers.] La ligne du dessin (...) est (...) la trace d'un geste qui saisit et exprime la forme. C'est pourquoi, dans le dessin, on reconnaît aussi bien l'artiste que le modèle (ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 276). À cette débandade nous n'avions rien à opposer que notre silence, un silence plus douloureux certes que méprisant, car dans ces dos qui fuyaient chacun de nous reconnaissait un camarade, un ami, le compagnon de longues heures (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 294).
— Reconnaître qqn/qqc. à + compl. désignant le signe distinctif, la marque caractéristique. Dans un salon familier, je sens et reconnais la France à l'agrément de la conversation, à l'indulgence des mœurs, à je ne sais quelle générosité légère, à la grâce des visages féminins (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 125). Plusieurs fois elle crut reconnaître Daniel à sa démarche, dans la lueur des réverbères (MARTIN DU G., Thib., Cah. gr., 1922, p. 589).
♦ Loc. proverbiale. On reconnaît l'arbre à ses fruits. Synon. vx l'arbre se connaît à ses fruits (v. fruit1 B 1).
— Reconnaître qqn/qqc (pour) être + attribut désignant la nature, l'identité de la pers. ou de la chose. Une demi-douzaine de ces oiseaux moqueurs et chanteurs, que l'on reconnut être des « faisans de montagne » (VERNE, Île myst., 1874, p. 108). Si Noblet, de la brigade des garnis, ne s'était trouvé face à face, un soir, chez la Troyon, avec un homme qu'il reconnut pour être le vicomte Drouet d'Eslon, il aurait juré que l'homme qu'il venait arrêter (...) était Ballmeyer! (G. LEROUX, Parfum, 1908, p. 77). V. atterrage ex. 3.
— Reconnaître qqn pour/comme + attribut. Quand je pense à ce noble peuple d'Athènes (...) où une marchande d'herbes reconnaissait Théophraste pour étranger (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 322). Ce que j'appelle Lorraine, ce que je décris sous le nom de Lorraine, n'est peut-être qu'un sentiment très vif de mes limites. J'ai reconnu le vieil arbre lorrain comme le poteau où ma chaîne me rive (BARRÈS, Cahiers, t. 5, 1907, p. 288).
2. Découvrir dans une perception présente (principalement visuelle, auditive ou tactile) l'image, la notion ou le nom de quelqu'un ou de quelque chose dont on a déjà eu l'expérience ailleurs ou dans le passé. Synon. vieilli remettre. L'air de la marche était une espèce de pot-pourri composé de plusieurs morceaux parmi lesquels, à ma grande satisfaction, je reconnus la chanson du roi Dagobert (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 54). Elle avait d'ordinaire une bonne mémoire des lieux, qui se réveillait quand elle était sur place (...). Elle reconnut bien les alentours de la station (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 70).
— Reconnaître qqn. Reconnaître son maître, un vieux camarade. La duchesse (...) ne l'eût pas reconnu à le voir passer dans la rue; elle le trouvait ce qu'il était en effet, l'un des plus jolis hommes de l'Italie (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 125):
• 1. On lui présenta les jeunes filles et les jeunes gens qu'elle ne connaissait pas (...). Je me disposais à faire moi-même cette présentation. Mais, avant que j'eusse pu rien dire, la jeune fille s'avançait vers lui avec une décision et une gravité surprenantes: — Je reconnais Augustin Meaulnes, dit-elle. Et elle lui tendit la main.
ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 263.
— Reconnaître (bien) là qqn/qqc. Retrouver quelqu'un, quelque chose avec sa nature profonde, ses tendances véritables, son caractère propre. Sur mon lit d'hôpital, l'odeur de l'encens m'est revenue si puissante; gardien des aromates sacrés, confesseur, martyr... Je reconnais là ma sale éducation d'enfance (RIMBAUD, Saison enfer, 1873, p. 238). C'est très gentil d'avoir pensé à moi, répondit-elle (...), je vous reconnais bien là, mon cher monsieur Cabillaud (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 208).
SYNT. Reconnaître un accent, un air, un objet, un visage; reconnaître qqn/qqc. à peine, bien, parfaitement, vite, tout d'abord, aussitôt, soudain, immédiatement, tout de suite, sur-le-champ, aisément, facilement, sans peine, au passage, dans l'ombre; reconnaître qqn dans la rue; d'abord ne pas reconnaître qqn; croire reconnaître qqn; il semble à qqn reconnaître qqn/qqc.; reconnaître le pas, la voix, la démarche, l'écriture de qqn; reconnaître à l'odeur, à l'oreille; ne reconnaître personne, plus personne; faire reconnaître qqn; se faire reconnaître.
3. Explorer, visiter pour observer la nature, la disposition, la configuration (d'un lieu); chercher à déterminer (la situation de). La promenade à pied était si agréable que l'Empereur a voulu la continuer. Au bout de quelque temps, comme le jour baissait, il a voulu que la calèche allât seule reconnaître le chemin jusqu'à la porte de Mlle Masson (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 1, 1823, p. 376). J'y serai avant toi! J'irai reconnaître le secteur et voir de jour la gueule des poules. La nuit, ça les avantage trop! (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 38).
— Spécialement
♦ DÉFENSE. Effectuer une reconnaissance sur le terrain pour repérer les lieux, observer la position de l'ennemi. J'étais parmi les éclaireurs. Nous ne voyions rien. C'est une des grandes finesses de la guerre. On envoie pour reconnaître l'ennemi des gens qui reviennent sans avoir rien reconnu, ni connu (A. FRANCE, Rôtisserie, 1893, p. 330).
♦ MAR. [Le compl. désigne une terre, une côte, un feu]
S'en approcher et en déterminer très exactement l'identité, les caractéristiques propres, ainsi que la position où l'on se trouve (d'apr. SOÉ-DUP. 1906 et GRUSS 1978). Synon. effectuer la reconnaissance de, arraisonner. Pour se rendre de France à la Louisiane, on va jusqu'à présent reconnaître Saint-Domingue; ensuite (...) on reconnaît le cap Catoche, celui de Saint-Antoine, et l'on va droit à l'embouchure du Mississipi (BAUDRY DES LOZ., Voy. Louisiane, 1802, p. 12). V. arraisonner ex. 3:
• 2. Il fallait veiller les navires qui, du Nord, du Sud et de l'Ouest, après des jours et des nuits au large venaient reconnaître la terre avant de s'engager dans la mer d'Irlande ou se diriger vers l'Est.
PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p. 59.
Découvrir (une terre, une côte inconnue jusqu'alors). Nous voyagions au nord de la terre de Grant, à la hauteur du quatre-vingt-troisième parallèle, détachés tous les deux, Samuel et moi, de la fameuse expédition Nordens-Kiold, avec, pour mission particulière, de reconnaître la mer de Lincoln, tout simplement (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p. 113).
♦ CHASSE, empl. abs. ,,On envoie reconnaître entre les chasses pour savoir s'il y a des cerfs courables dans un pays, ou bien dans les temps de sécheresse, parce qu'il est avantageux pour les valets de limier de savoir le jour de la chasse, à peu près ce qu'il y a de cerfs dans leur quête et de quel côté ils donnent`` (BAUDR. Chasses 1834). Empl. trans. J'en fais juge le général: j'avais reconnu mon cerf la veille; c'était un porte-six (JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 173).
♦ INFORMAT. Repérer par codage une forme en vue d'un traitement. V. reconnaissance A 1 b ex. du Monde aujourd'hui.
B. — [Dans l'ordre de la croyance, des opinions, du jugement ou des mœurs] Poser que quelqu'un ou quelque chose est tel qu'il est ou qu'il se prétend être.
1. Qqn reconnaît qqn. Admettre l'authenticité de. Reconnaître un Dieu, une religion, un culte. Si ces bêtes grossières [les hommes] s'accordent dans leur erreur pour reconnaître Dieu (...), ce sera un fait bien positif puisqu'il dure depuis que le monde est monde (DELÉCLUZE, Journal, 1827, p. 419). Et le prêtre ne peut pas plus renier le soldat que le soldat le prêtre. Et le centurion ne reconnaît pas moins Jésus-Christ sur l'arbre de la Croix, que Jésus-Christ ne reconnaît le centurion (PSICHARI, Voy. centur., 1914, p. 77).
— [P. allus. hist. aux paroles prononcées par le légat du pape au cours du massacre des Albigeois, pour justifier une position ou une démarche] Dieu reconnaîtra, saura reconnaître les siens. Fra Silvio: Dieu saura reconnaître les siens. Lucciana: Et vous, vous êtes parmi les siens? Fra Silvio: Dieu sait que je l'aime et que je le sers. Il me traitera pour l'éternité selon son bon plaisir (SALACROU, Terre ronde, 1938, II, 3, p. 204).
— DROIT
♦ DR. INTERNAT. PUBL. Faire acte de reconnaissance d'un gouvernement, d'un État. La France reconnaît les États et non les gouvernements (SAND-BÉA Pol. 1976).
♦ DR. CIVIL. Reconnaître un enfant (naturel). Faire acte de reconnaissance d'un enfant naturel. Son oncle est mort, laissant une fille naturelle qu'il n'avait jamais reconnue (MÉRIMÉE, Double mépr., 1833, p. 57). Reconnaître une écriture. Faire acte de reconnaissance d'une écriture. Reconnaître une dette. Faire acte de reconnaissance d'une dette.
2. Qqn reconnaît qqc.
a) Accepter pour vrai et déclarer comme tel(le) (une idée, un jugement, une opinion, la réalité d'un fait) après enquête ou après objection ou doute. Reconnaître les dégâts, les faits; reconnaître l'existence, l'évidence, le bien-fondé de qqc.; reconnaître qqc. sans peine, aisément, facilement; finir par reconnaître qqc. Les belles âmes arrivent difficilement à croire au mal, à l'ingratitude, il leur faut de rudes leçons avant de reconnaître l'étendue de la corruption humaine (BALZAC, Illus. perdues, 1843, p. 563):
• 3. ... le temps orne les beaux édifices, en dénudant la forme durable, et offre ainsi ces beaux modèles, hors desquels l'art architectural ne peut rien. Le génie humain n'a donc qu'à reconnaître ici le beau de ses propres œuvres.
ALAIN, Beaux-arts, 1920, p. 180.
— PHILOS. ,,Adhérer à une proposition après l'avoir mise en doute`` (PIGUET 1960).
♦ [Le suj. désigne une chose] Admettre. Dans tous les cas de ce genre, la délictuosité (...) ne dérive pas tout entière de la vivacité des sentiments collectifs qui sont offensés, mais reconnaît une autre cause (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 49).
— Tenir pour vrai en conclusion de recherches, d'études, en diagnostic final. Synon. constater, être amené à conclure, à connaître, à savoir. Reconnaître une maladie; reconnaître aujourd'hui, bientôt qqc. C'est dans ce cahos [sic] apparent, que nous avons commencé par porter la lumière. Nous avons cherché à en découvrir la composition, et à en reconnaître les premiers élémens (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p. 19).
— Admettre et proclamer le statut officiel, l'existence juridique de. Reconnaître une loi; reconnaître l'authenticité d'un document; reconnaître des droits à qqn. Le petit nombre des contrats que reconnaît l'ancien droit, dit Voigt, contraste de la manière la plus frappante avec la multitude des obligations qui naissent du délit (DURKHEIM, Divis. trav., 1893, p. 115). Après dix ans de plaidoirie, la compagnie déclare ne pas reconnaître la compétence des tribunaux ottomans et veut qu'on aille au consulat devant le consul allemand (BARRÈS, Cahiers Orient, 1914, p. 29).
— En partic. [Le compl. d'obj. désigne un acte répréhensible] Synon. avouer, confesser, convenir de. Reconnaître son erreur, ses erreurs, ses faiblesses, ses torts. Il reconnut l'énormité de sa faute, et qu'il s'était d'une deuxième fois livré en vain, livré pour rien à Chantal comme jadis à Chevance (BERNANOS, Joie, 1929, p. 703).
— Reconnaître que + ind.; reconnaître + inf. Synon. admettre, avouer, concéder, convenir (de, que). Il faut bien reconnaître que; on doit reconnaître que; force est de reconnaître que. Si nous reconnaissons n'avoir d'aucun objet, fût-il même tout rationnel, un genre de certitude où notre personne au fond ne se trouve en jeu, il ne faudra pas nous étonner d'avoir été conduits à voir dans la liberté affirmée un acte de la liberté (RENOUVIER, Essais crit. gén., 3e essai, 1864, p. XXXVII). Je m'étais endormi sur la banquette et le contrôleur me secouait. « Votre billet! » Il me fallait reconnaître que je n'en avais pas (SARTRE, Mots, 1964, p. 90). [En incise] Il faut le reconnaître. Mais, reconnaissons-le, toutes ces révolutions, avec leurs exagérations parfois éphémères, ont eu un mérite: celui de rendre manifeste, en les caricaturant, certaines possibilités que l'essence même de l'art plastique devait receler (Jeux et sports, 1967, p. 743).
— Reconnaître qqc. à qqn. [Le compl. d'obj. désigne une qualité, un défaut, un attribut de la pers., un trait de comportement] Synon. accorder, attribuer. Reconnaître un don, un mérite à qqn. L'aliment ne diffère pas assez chez ces deux peuples d'Occident (...) pour qu'on soit tenté de lui reconnaître une action trop considérable sur le caractère de leurs génies respectifs (FAURE, Espr. formes, 1927, p. 89). Certes elle n'éprouve pour Gurau rien qui ressemble à la passion que décrivent les auteurs. Et pourtant, elle lui reconnaît une espèce de beauté (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p. 151).
b) Qqn reconnaît qqc. [Le compl. d'obj. désigne un bienfait] Se souvenir de, en manifestant de la reconnaissance, de la gratitude. Synon. gratifier, savoir gré de. Reconnaître un service, de bons offices:
• 4. — Voilà comme tu reconnais les bontés qu'on a pour toi! voilà comme tu me recompenses des soins tout paternels que je te prodigue! Car, sans moi, où serais-tu? que ferais-tu? Qui te fournit la nourriture, l'éducation, l'habillement (...)!
FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 95.
II. — Empl. pronom.
A. — Empl. pronom. réfl.
1. Vx ou littér. Reprendre ses esprits. Synon. reprendre connaissance, reprendre conscience, se retrouver. Le cœur lui battait encore et il eut l'impression de n'être plus tout à fait la même personne depuis quelques minutes. Il s'assit sur un banc pour se calmer, pour se retrouver et se reconnaître (GREEN, Chaque homme, 1960, p. 319).
2. a) Retrouver son identité. À présent, une apparence de froide politesse couvre à la fois caractère et actions. Aussi je n'estime pas que beaucoup puissent se reconnaître aux portraits effarés que l'on fait de nous (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 134). Quand il se regarda dans la glace, il ne se reconnut pas et salua (ÉLUARD, Donner, 1939, p. 108).
b) Se reconnaître en/dans qqn, dans qqc. Retrouver des traits de sa personnalité dans une autre personne, dans une chose. Se reconnaître dans son fils, dans un récit, dans un personnage. Ô l'aveugle qui ne se reconnaît pas dans l'étranger rencontré face à face, tout à coup, déjà ennemi par le regard et le pli haineux de la bouche, ou dans les yeux de l'étrangère! (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 163). Le grand scandale de Rousseau fut sa passion pour la solitude. Chez des âmes sensibles qui par ailleurs se reconnaissaient en lui, il était honni à cause de cette singularité (MAURIAC, Trois gds hommes dev. Dieu, 1947, p. 79).
3. Se reconnaître + attribut du compl. d'obj.
a) S'avouer être. Se reconnaître coupable. N'est-ce pas se rapprocher des choses, se fondre en elles, que se reconnaître étranger à son propre entendement? (MILOSZ, Amour. init., 1910, p. 130). Il n'y a point d'orgueil dans un cèdre à se reconnaître le plus grand arbre des arbres (VALÉRY, Variété IV, 1938, p. 108).
b) Empl. pronom. réfl. indir. Avouer avoir. Se reconnaître des torts. Une poésie fort acceptable monta de son cœur à sa tête; il se reconnut une enfance rêveuse, une adolescence mélancolique, une jeunesse contemplative (GOBINEAU, Pléiades, 1874, p. 187).
B. — Empl. pronom. réciproque. [Corresp. à supra I A 2 a] Se reconnaître mutuellement, réciproquement; se reconnaître aussitôt. Dès que Louis XIV et lui [Bossuet] se furent trouvés en présence et reconnus, ils sentirent, l'un qu'il avait trouvé son monarque (...) l'autre son évêque (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t. 2, 1862, p. 351). V. madrigalique dér. s.v. madrigal ex.
C. — 1. Se retrouver, se repérer dans un lieu. Synon. s'orienter. Il nous désigna deux chambres (...). Mon premier soin fut de me reconnaître. Nos chambres donnaient sur les champs (A. FRANCE, Rôtisserie, 1893, p. 71). À force de déambuler d'un bord de l'ombre à l'autre, on finissait par s'y reconnaître un petit peu, qu'on croyait du moins... Dès qu'un nuage semblait plus clair qu'un autre on se disait qu'on avait vu quelque chose (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 34).
2. Au fig. S'y retrouver. Soutiendra-t-on que c'est le nombre des suffrages qui fait la vérité, et qu'avant Galilée la terre ne tournait pas? Je suis un peu embarrassé pour me reconnaître au milieu de tant de sophismes dont l'humanité se leurre (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 82). Je parcours à nouveau la dernière partie du volume, ces Nouvelles Nourritures que la plus récente édition joint aux premières; et m'y reconnais mal (GIDE, Journal, 1943, p. 220).
— [En cont. nég.] Ne pas, ne plus se/s'y reconnaître. S'embrouiller. Synon. s'y perdre, perdre le fil, perdre les pédales (fam.). Elle tire de derrière le comptoir le « livre de police » (...). — On s'y reconnaît plus dans ces paperasses. Maltaverne, Prosper... Ça, au moins, c'est facile à retenir (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 116). Elle portait une robe d'intérieur mauve avec du chantilly et des passementeries, qui faisait toutes sortes de drapés, si bien qu'on ne s'y reconnaissait pas pour la défaire (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 307).
D. — Empl. pronom. passif. Être reconnu ou reconnaissable.
1. [Le suj. désigne un animé] Ce n'est pas à son collier que se reconnaît le chien. On a mal posé, depuis toujours, la question de la conscience créatrice (FAURE, Espr. formes, 1927, p. 137).
2. [Le suj. désigne qqc.] On ne distingue ni le haut, ni le bas de ce corps [un cadavre en boule]; dans le tas qu'il forme, seule se reconnaît la poche béante d'un pantalon (BARBUSSE, Feu, 1916, p. 163).
Prononc. et Orth.:[], (il) reconnaît [-]. Ac. 1694, 1718; reconnoistre: 1740-98: -oître; dep. 1835: -aître. Étymol. et Hist. I. Saisir, distinguer, identifier, connaître par la mémoire, le jugement 1. « retrouver dans sa mémoire l'idée d'une personne, d'une chose, quand on vient à la revoir ou à l'entendre » a) fin Xe s. reconnostre [aucun] (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 415: Dunc reconnossent lo senior, si l'adorent [les tres femnes] cum redemptor); ca 1050 (St Alexis, éd. Chr. Storey, 272; 287); ca 1100 recunoistre [aucun] a [aucune rien] (Roland, éd. J. Bédier, 1639: En mi sa veie ad encuntret Rollant, Enceis nel vit, sil recunut veirement Al fier visage e al cors qu'il out gent); av. 1784 réfl. « trouver de la ressemblance entre une personne, une image et soi-même » (DIDEROT, Essai sur la peinture, V ds Œuvres, éd. Club fr. du livre, t. 6, 1970, p. 305: Qui ne se reconnaîtrait pas dans Molière? Et si l'on ressuscitait les héros de nos tragédies, ils auraient bien de la peine à se reconnaître sur notre scène); b) ca 1165 reconoistre [aucune rien] (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 30221 ds T.-L.), 1580 (MONTAIGNE, Essais, II, 12, éd. P. Villey et V. L. Saulnier, p. 467: la plupart des animaux qui vivent avec nous reconnoissent nostre voix); 2. ca 1165 réfl. « savoir où l'on se trouve grâce au souvenir d'un lieu qu'on revoit; se retrouver » (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, 25110 ds T.-L.); 3. a) « identifier, trouver, vérifier (grâce à un signe, un caractère) » 1172 reconnoissanz adj. sens passif « facilement reconnaissable » (CHRÉTIEN DE TROYES, Chevalier au lion, éd. M. Roques, 3242: Qui est as armes puissanz [Yvains] Et desor toz reconoissanz, Si con cierges antres chandoiles Et la lune antre les estoiles...); ca 1200 reconnoistre [aucune rien] a [aucune rien] (CHATELAIN DE COUCY, Chans., éd. A. Lerond, V, 42: Si coiement est ma doleurs celee Qu'a mon samblant ne la recounoist on); b) 1376 spéc. cynégét. soy recongnoistre « avoir connaissance des caractéristiques d'une bête d'après certains signes » (Modus, éd. G. Tilander, 36, 24, p. 68); c) 1636 « retrouver avec son véritable caractère » (CORNEILLE, Cid, I, 5: Je reconnais mon sang à ce noble courroux); 4. ca 1276 réfl. « reprendre conscience de la situation, examiner ce que l'on doit faire; reprendre ses sens » (ADAM DE LA HALLE, Jeu de la Feuillée, éd. E. Langlois, 171); 5. 1580 « discerner, découvrir grâce à un examen » (MONTAIGNE, Essais, II, 11, p. 429: ceux qui reconnoissoient en sa physionomie [de Socrate] quelque inclination au vice); 6. a) 1580-88 milit. « chercher à connaître, à déterminer la situation, la disposition d'un lieu » (ID., ibid., 34, p. 739); 1664 mar. reconnoître la côte et les ports (ABLANCOURT, Ar. [trad. Arrian] l. 7 ds RICH. 1680); b) 1690 reconnoistre l'armée ennemie (FUR.); 1835 reconnaître une patrouille (Ac.). II. Admettre, tenir pour vrai, pour tel A. 1. a) Xe s. trans. « admettre, avouer (un tort, une faute commise) » (Passion, 196: Terce vez Petre lo neiez. Jesus li bons lo reswardet, Lui recognostre semper fiz); ca 1100 reconoistre sun tort (Roland, 3588); déb. XIIIe s. recunussant adj. « qui avoue » (CHARDRY, Sept dormants, 1236 ds T.-L.); b) 1174-76 réfl. « reconnaître sa faute » (GUERNES DE PONT-STE-MAXENCE, St Thomas, éd. E. Walberg, 5624); 1er quart XIIIe s. id. « se repentir » (Courtois d'Arras, éd. E. Faral, 437); 2. a) ca 1100 dr. médiév. « faire hommage de » reconoistre sun feu (Roland, 2680); b) 1160-74 « admettre [une personne] pour chef, maître » recongnoistre [aucun] a er e a seignor (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, II, 1534); id. spéc. recunoistre Deu « reconnaître la toute puissance de Dieu » (ID., ibid., III, 752); 3. « admettre pour vrai, réel (après avoir douté, malgré des réticences) » a) 1160-74 recongnoistre le droit de [aucun] (ID., ibid., C.A., 132; III, 7588); b) ca 1170 reconoistre la verité « admettre (après un doute) que quelqu'un a dit la vérité » (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec, éd. M. Roques, 1208); ca 1240 (Coll. agn. Mir. Vierge, 55, 91, p. 234 ds T.-L.: sa vertu [de l'image de la Vierge] est tant fine Ke la reconeisent gent saresinee); c) 1174-87 reconoistre que (CHRÉTIEN DE TROYES, Perceval, éd. F. Lecoy, 2838); d) 1588 réfl. (MONTAIGNE, Essais, III, 13, p. 1115: D'autant es tu Dieu, comme Tu te recognois homme); 4. « admettre, déclarer comme sien » a) 1549 recognoistre son sing (EST.); b) 1675, 11 sept. reconnaître un fils (Mme DE SÉVIGNÉ, Lettres, éd. E. Gérard-Gailly, t. 1, p. 850); 5. 1580 « attribuer (une faculté, une vertu...) » (MONTAIGNE, op. cit., II, 12, p. 469: ces effets que nous reconnoissons aux autres animaux); 6. 1595 recognoistre (qqn) pour + attribut recognoistre pour le meilleur orateur du temps (ID., ibid., I, 26, p. 174). B. 1. 1er quart XIIIe s. réfl. « être reconnaissnt, se déclarer satisfait » (Courtois d'Arras, éd. E. Faral, 88); 1355 recognoissant adj. « qui témoigne de la gratitude » (BERSUIRE, Tit. Liv., BN 20312 ter, fol. 31 v ° ds GDF. Compl.); 2. ca 1470 « donner un témoignage de gratitude, récompenser » (GEORGES CHASTELLAIN, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t. 5, p. 284); 1583-90 part. passé adj. recogneu « récompensé » (BRANTÔME, Capitaines estrangers, Prince de Melfe ds Œuvres, éd. L. Lalanne, t. 2, p. 228). Du lat. recognoscere « retrouver, revoir dans son esprit, rappeler à sa mémoire; passer en revue, inspecter, examiner » à l'époque class.; « connaître, comprendre, se rendre compte »; « avouer sa faute » trans., dans la lang. chrét. (culpam recognoscere, IVe s., ST AMBROISE ds BLAISE Lat. chrét.), l'empl. réfl. de ce sens étant relevé au Moy. Âge (se recognoscere « reconnaître son tort, faire des aveux » 852 ds NIERM.) Le mot est adopté par le vocab. féod. aux sens de « faire l'aveu d'un fief, reconnaître les droits d'un seigneur féodal » (recognoscere aliquid de aliquo, 1102, ibid.), et de « reconnaître, confirmer les droits de quelqu'un sur un bien » (recognoscere aliquid alicui, 1063, ibid.). Fréq. abs. littér.:15 982. Fréq. rel. littér.: XIXe s.: a) 21 119, b) 20 267; XXe s.: a) 22 900, b) 25 317. Bbg. FENNELL (T. G.). La Morphol. du futur en moy. fr. Genève, 1975, p. 123.
reconnaître [ʀ(ə)kɔnɛtʀ] v. tr. [CONJUG. connaître.]
ÉTYM. 980, reconnoistre; du lat. recognoscere « reconnaître; inspecter; examiner », devenu reconoistre, reconnaistre. → Connaître.
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I Saisir (un objet) par l'esprit, par la pensée, en reliant entre elles des images, des perceptions qui le concernent; distinguer, identifier, connaître par la mémoire, le jugement ou l'action.
1 Reconnaître un homme consiste à le distinguer des autres hommes; mais reconnaître un animal est ordinairement se rendre compte de l'espèce à laquelle il appartient : tel est notre intérêt dans l'un et dans l'autre cas; il en résulte que notre perception saisit les traits individuels dans le premier, tandis qu'elle les laisse presque toujours échapper dans le second.
H. Bergson, les Deux Sources de la morale et de la religion, p. 192.
1 Penser (un objet présent) comme ayant déjà été saisi par la pensée. ⇒ Rappeler (se), remettre, souvenir (se); recognition, reconnaissance. || Reconnaître une chose qu'on a déjà vue (→ Pencher, cit. 13). || Reconnaître un lieu. Absolt. || Il lui semble reconnaître et se rappeler (→ Ajonc, cit. 2). — Reconnaître qqn (→ Grand-mère, cit. 2; grossir, cit. 1; oubli, cit. 6). ⇒ aussi Identifier (cit. 5). || Malade qui ne reconnaît personne (→ Effarement, cit. 3). || Chacun semblait me reconnaître (→ Instantané, cit. 2). — Le chien reconnaît son maître. — Reconnaître une phrase musicale (→ Identifier, cit. 4), une chanson (→ Mûre, cit.). || Ne pas reconnaître sa propre voix enregistrée (cit. 9).
2 À peine l'animal eut-il reconnu Jacques et son maître, qu'il se releva de lui-même, secoua sa crinière, hennit, se cabra, et approcha tendrement son mufle du mufle de son camarade.
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 724.
3 Je reconnais la vieille salle, rien n'est changé.
Voici la cheminée, la table.
Voici le plafond aux poutres solides.
Claudel, l'Annonce faite à Marie, IV, 4.
4 Pour les uns, reconnaître une perception présente consisterait à l'insérer par la pensée dans un entourage ancien (…) Si je la retrouve (une personne), je la reconnais, en ce sens que les circonstances concomitantes de la perception primitive, me revenant à l'esprit, dessinent autour de l'image actuelle un cadre qui n'est pas le cadre actuellement aperçu. Reconnaître serait donc associer à une perception présente les images données jadis en contiguïté avec elle (…)
Mais en réalité l'association d'une perception à un souvenir ne suffit pas du tout à rendre compte du processus de la reconnaissance.
Reconnaître un objet usuel consiste surtout à savoir s'en servir.
H. Bergson, Matière et Mémoire, p. 96, 98 et 101.
2 Identifier (qqch.) en établissant une relation d'identité entre un objet, une perception, une image… et un autre (une autre), au moyen d'un caractère commun déjà identifié; penser, juger (un objet, un concept) comme compris dans une catégorie (espèce, genre) ou comme inclus dans une idée générale. ⇒ Connaître, identifier (2. et 3.); et aussi subsumer, trouver, vérifier. — REM. Ce sens, à la différence du sens II, 5, implique l'activité de la mémoire. — Caractère, signe qui permet de reconnaître, fait reconnaître qqch. ⇒ Empreinte, enseigne, indice, marque, point (de repère), signe. || Faire reconnaître qqch. (à qqn). ⇒ Marquer, signaler. || Reconnaître un objet (→ Cécité, cit. 1; esquisser, cit. 6, Bergson). || Reconnaître une chose sans pouvoir la nommer (→ Palper, cit. 3). || Reconnaître un arbre, une plante, un animal (→ Fuselé, cit. 2; papillon, cit. 4). || Dans ce bloc de verdure, il fallait faire un effort pour reconnaître une église (cit. 13). || Il reconnut un visage de femme (→ Forme, cit. 2). — Reconnaître un air, un thème dès les premières notes (→ Désolation, cit. 7). || Reconnaître un instrument, reconnaître les sons qu'il émet. || Reconnaître une voix : identifier la personne qui parle (→ Frapper, cit. 33). || Reconnaître le pas de qqn (→ Dresser, cit. 22). — Reconnaître une écriture (→ Faire-part, cit. 1; lucidité, cit. 6; paquet, cit. 9). — Reconnaître les traits d'un modèle (cit. 7), l'original d'un portrait (cit. 12). — Il est célèbre, on le reconnaît dans la rue, on le reconnaît partout. || Reconnaître un malfaiteur grâce à son signalement. || Reconnaître qqn sous un masque, sous un déguisement… (→ aussi Gracieux, cit. 8; loque, cit. 2). || Cette histoire est si défigurée qu'il est impossible de la reconnaître (→ Métamorphose, cit. 8). — Reconnaître l'auteur d'une œuvre, reconnaître de quel artiste est une œuvre (→ Connaisseur, cit. 2). || Des coupes de phrases où l'on reconnaît la main d'un auteur (cit. 40).
5 Il voyait pour la première fois ce baron Pontmercy, et, malgré son déguisement, ce baron Pontmercy le reconnaissait, et le reconnaissait à fond.
Hugo, les Misérables, V, IV, IX.
6 (…) le cheval, abandonné, retournait à son écurie d'une allure flâneuse, en bête qui reconnaissait son chemin.
Zola, la Terre, II, II.
7 — Artiste peintre ! Ho ! Ho ! vous avez exposé ?
— Trois ans au Salon d'automne. Mais un jour on avait changé mes toiles de place, sans me le dire. J'ai cherché. Je n'ai jamais pu les reconnaître.
J. Romains, Donogoo, Prologue, II.
8 (…) pour identique qu'il soit physiquement, encore faudrait-il que je le reconnaisse (ce mot), c'est-à-dire que je le découpe et le stabilise dans le flux des phénomènes, que je le rapporte à ses apparitions d'hier et d'avant-hier et que j'établisse entre ces différents moments un lien synthétique d'identification.
Sartre, Situations I, p. 233.
8.1 En effet, « reconnaître » quelqu'un, et plus encore, après n'avoir pas pu le reconnaître, l'identifier, c'est penser sous une seule dénomination deux choses contradictoires, c'est admettre que ce qui était ici, l'être qu'on se rappelle n'est plus, et que ce qui y est, c'est un être qu'on ne connaissait pas; c'est avoir à penser un mystère presque aussi troublant que celui de la mort dont il est, du reste, comme la préface et l'annonciateur.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 939.
8.2 Ce moment approchait, l'église sentait bon, et Jean y respirait peut-être avec plus de plaisir que l'encens et les fleurs l'odeur du pain bénit que venait lui présenter Victor, le garçon de (l'épicier) déguisé en suisse et que Jean faisait semblant de ne pas reconnaître, comme au théâtre on ne salue pas sur la scène un acteur qu'on connaît dans la vie.
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 338.
♦ (Compl. au plur.). ⇒ Distinguer. || Des jumeaux impossibles à reconnaître (cf. Faire la différence).
9 La médisance ou la calomnie, ces Ménechmes qui se ressemblent tant qu'on ne peut les reconnaître, et qui écrivent leur gazette à rebours, comme si c'était de l'hébreu (n'en est-ce pas souvent ?).
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, « Dessous de cartes… », p. 207.
♦ ☑ Allus. hist. Dieu reconnaîtra les siens (paroles attribuées au légat du pape lors du massacre des « Albigeois », à Béziers, en 1209).
10 Tuez ! tuez ! Jésus reconnaîtra les siens.
Leconte de Lisle, Poèmes barbares, « L'agonie d'un saint ».
♦ (1671). Retrouver (une chose, une personne) sans changement; avoir la même impression de… || Je le reconnais bien là, je reconnais bien là sa paresse. || On ne le reconnaît plus : il n'est plus le même. ⇒ Méconnaissable. — J'ai revu ce film après dix ans, je ne l'ai pas reconnu.
11 En vérité, Gil Blas, je ne te reconnais plus. Avant que tu fusses à la cour, tu avais toujours l'esprit tranquille. À présent, je te vois sans cesse agité.
A. R. Lesage, Gil Blas, VIII, XIII.
♦ Reconnaître dans le pain (cit. 2) une image, un symbole. || « Et dans tout ce qu'il dit De vous et de Joad je reconnais l'esprit » (→ Fidèle, cit. 25, Racine). — Reconnaître en qqn un camarade d'enfance (cit. 5).
12 (…) la nourrice fait souvent les plus ingénieuses suppositions concernant ce jeune caractère et ce qui lui plaît et déplaît; appelant même l'hérédité au secours, elle reconnaît déjà le père dans le fils (…)
Alain, Propos, 8 déc. 1922, Bucéphale.
♦ (V. 1170). || Reconnaître (qqch., qqn) à…, l'identifier, pouvoir le nommer grâce à (un caractère, un signe). → Musique, cit. 5; phrase, cit. 15; profil, cit. 1. || Reconnaître le cerf (cit. 4), une bête à ses fumées (cit. 11). — Je connais les hommes, et je les reconnais à leur conduite (→ 2. Pratiquement, cit. 2). ⇒ Juger; deviner. || Je reconnais le bourgeois (cit. 12) au niveau de ses pensées. || On reconnaît à cela leur noblesse (→ Épreuve, cit. 30; et aussi insoumis, cit. 1). — || « Je reconnais mon sang à ce noble courroux » (→ Digne, cit. 11).
13 Le hibou repartit : « Mes petits sont mignons,
Beaux, bien faits, et jolis sur tous leurs compagnons.
Vous les reconnaîtrez sans peine à cette marque. »
La Fontaine, Fables, V, 18.
14 Anacréon dit quelque part qu'il y a un petit signe, un je ne sais quoi auquel on reconnaît les amants (…)
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 1er oct. 1849.
15 Si je tourne mes yeux vers ces heures premières
Je ne reconnais plus à leurs gestes déments
Dans l'affolement des lumières
Ceux que nous fûmes un moment
Aragon, le Roman inachevé, p. 85.
♦ Reconnaître qqch. comme vrai (→ Douter, cit. 4). — Reconnaître pour (cit. 6)… || Reconnaître qqn pour une personne pieuse (→ Hypocrisie, cit. 12). || Reconnaître un peintre pour un génie, pour un maître (cit. 91).
16 Il s'arrêta devant un confrère, qu'il reconnut pour un ami.
Maupassant, Deux amis.
♦ Absolt. || Un homme qui ne reconnaît pas, qui est hors de ce monde (→ Penseur, cit. 5).
———
II Accepter, tenir pour vrai (ou pour tel).
1 (1080). Admettre, avouer qu'on a commis (un acte blâmable, une faute). ⇒ Avouer, confesser, endosser. || Reconnaître ses crimes, ses défauts, ses fautes (cit. 19), ses torts… ⇒ Accuser (s'). → Exécuter, cit. 25; et aussi paraître, cit. 5. || Reconnaître ses péchés. || Le coupable a reconnu son acte, l'accusé a reconnu les faits. — (Suivi d'un inf.). || Je reconnais m'être trompé. || Regardant et parcimonieux (cit. 2)…, je reconnais l'être à l'excès. — Vx. || Reconnaître de… (et l'inf.). || « Reconnaissant de l'avoir ruiné » (Mme de Sévigné, in Littré).
17 C'est sans doute un mal que d'être plein de défauts; mais c'est encore un plus grand mal que d'en être plein et de ne les vouloir pas reconnaître, puisque c'est y ajouter encore celui d'une illusion volontaire.
Pascal, Pensées, II, 100.
2 (1080). Vx ou littér. Admettre (une personne) pour chef, pour maître, etc. || Reconnaître son maître (cit. 18), un maître (Bourdaloue), un vainqueur (Racine). || Reconnaître un seigneur, un suzerain. — Se faire reconnaître roi (→ Inaugurer, cit. 1).
♦ Reconnaître qqn pour maître, pour chef (→ Église, cit. 1).
♦ Fig. || Reconnaître un joug (cit. 5), un frein (→ Obéir, cit. 11), s'y soumettre.
3 Par ext. || Reconnaître un Dieu (→ Athée, cit. 6; globe, cit. 1; 1. loi, cit. 52), deux dieux (→ Manichéen, cit.). ⇒ Confesser (4.). — Reconnaître une religion, une foi, une croyance.
4 (XIVe). Admettre pour vrai après avoir nié, ou après avoir douté, accepter malgré des réticences. ⇒ Admettre, avérer, déclarer… || On a fini par reconnaître son innocence. ⇒ Croire (à); → aussi Rendre hommage à… || On est forcé de reconnaître des divergences (cit. 1) entre certains textes… || Maintes fois, il le reconnaît lui-même, il manquait de bon sens (→ Grain, cit. 26). || Reconnaître la supériorité de qqn. ⇒ Céder (I., 3. : le céder à); proclamer… || Amener qqn à reconnaître. ⇒ Convaincre.
♦ Reconnaître que. ⇒ Admettre, avouer, convenir (de); → Boiteux, cit. 7; démarche, cit. 4; Dieu, cit. 47; malheur, cit. 39; oracle, cit. 4. || Ils ont tous reconnu qu'il a fait ce qu'il a pu. ⇒ Tomber (d'accord). || Vous n'hésiterez (cit. 14) pas à reconnaître que… || Je reconnais que… ⇒ Accorder; entendre (j'entends bien). — Quoi qu'on dise, on doit reconnaître que… (→ Canaille, cit. 12). || Force (cit. 58) lui était de reconnaître que… (→ Exciter, cit. 32). || Il faut bien, on doit reconnaître que… ⇒ Évidence (se rendre à l'évidence); → Mélodique, cit. 1.
♦ Reconnaître une aptitude (cit. 6), une qualité à qqn, considérer, admettre qu'il la possède. ⇒ Attribuer, concéder (→ Obstination, cit. 4).
5 (XIIIe, « se rendre compte », sous la forme reconnoisser). Tenir pour vrai après une recherche; être conduit à connaître, à savoir… ⇒ Constater, découvrir. || Reconnaître peu à peu les difficultés (cit. 11) d'un sujet. ⇒ Discerner, distinguer; éprouver. || Reconnaître le calibre d'un boulet (→ Mesurer, cit. 1). || Reconnaître l'identité (cit. 6) de deux astres. || Reconnaître après examen. ⇒ Examiner. || Après l'examen du médecin, on reconnut que… ⇒ Diagnostiquer (→ aussi Parole, cit. 20). || Il mouilla une sonde et reconnut que… (→ Fond, cit. 8).
6 (1587; milit.). Chercher à connaître, à déterminer. || Reconnaître l'ennemi, le terrain, les positions. ⇒ Reconnaissance; éclairer, éclaireur. || Reconnaître un poste d'écoute ennemi (→ Patrouille, cit. 5). — Par ext. (Compl. n. de lieu). || Reconnaître des terres inconnues. ⇒ Explorer. || Reconnaître les lieux, le terrain. ⇒ Battre (la campagne); et, au fig., tâter (le terrain). — Mar. || Reconnaître une côte, s'en approcher et la longer. || Reconnaître un écueil, un fond (⇒ Sonder). — Reconnaître un navire. ⇒ Arraisonner (cit.); reconnaissance. — (Vén.). || Reconnaître le pays : s'assurer s'il y a des bêtes courables.
7 (1559). Admettre officiellement l'existence juridique de… — Dr. internat. publ. || Reconnaître un gouvernement (cit. 31). ⇒ Reconnaissance. → aussi Péril, cit. 9. — Reconnaître un droit (→ Fixité, cit. 5). || Reconnaître l'autorité d'une assemblée, la compétence d'un tribunal… || Reconnaître à qqn le droit de…, son droit (→ Faire, rendre justice). — Par ext. || Je me suis reconnu le droit de… (→ Assumer, cit. 3; et aussi incliner, cit. 14).
18 (…) supposant des dangers imaginaires, il (Fouché) prétendait forcer la couronne à reconnaître les deux Chambres de Bonaparte (…)
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. IV, p. 42.
19 D'autre part, Clovis reconnut dans l'Église le droit le plus illimité d'asile et de protection. À une époque où la loi ne protégeait plus, c'était beaucoup de reconnaître le pouvoir d'un ordre qui prenait en main la tutelle et la garantie des vaincus.
Michelet, Hist. de France, II, I.
♦ Dr. civil. || Reconnaître qqn pour son héritier. ⇒ Nommer. || Reconnaître un enfant pour légitime (cit. 5). ⇒ Légitimer. — (Sans compl. second). || Reconnaître un enfant, s'en déclarer le père ou la mère. ⇒ Reconnaissance; paternité.
♦ Reconnaître sa signature, une lettre, un billet, admettre qu'on en est l'auteur et en accepter les conséquences juridiques. ⇒ Reconnaissance. || Reconnaître par certificat. ⇒ Certifier. — Reconnaître une dette.
———
III
1 (XIIIe). Témoigner par de la gratitude (⇒ Reconnaissance, III.) que l'on est redevable envers qqn de (qqch., une action). || Reconnaître un bienfait, un service (→ 1. Lieu, cit. 22), un soin (→ Assez, cit. 22; aussi ingrat, cit. 1). || Reconnaître les bons offices (cit. 13), les travaux de qqn. ⇒ Récompenser (→ Ordre, cit. 40).
20 Vous êtes bien payé de toutes vos caresses,
Et Monsieur d'un beau prix reconnaît vos tendresses.
Molière, Tartuffe, III, 5.
♦ Par antiphr. || Ne reconnaître la magnanimité (cit. 5) d'un souverain que par de nouveaux crimes.
2 (1226). Vx (langue class.). || Reconnaître qqn, témoigner de la reconnaissance (III.), de la gratitude à son égard. — Reconnaître qqn de… (un acte), lui en savoir gré.
——————
se reconnaître v. pron.
ÉTYM. (980, au sens relig. ci-dessous).
1 (Fin XVIIe). Réfl. Reconnaître, identifier sa propre image. || Ne plus se reconnaître en se regardant dans une glace. — Par ext. Trouver de la ressemblance entre une personne (réelle ou imaginaire), une image… et soi-même. || Se reconnaître dans un héros, croire se reconnaître dans un personnage de roman… (→ aussi Affubler, cit. 4; 1. héroïne, cit. 6). || Se reconnaître dans son fils.
21 Elle-même ne m'a servi que de point de départ pour mon héroïne et je ne pense pas qu'elle s'y soit beaucoup reconnue.
Gide, Et nunc manet in te, p. 9.
♦ Se reconnaître (et adj.). Avouer, admettre que l'on est… || Se reconnaître pessimiste (→ Croire, cit. 57). || Cet animal (l'homme) qui se reconnaît si faible (→ Miséricorde, cit. 5, Pascal). || Se reconnaître coupable (→ Dénoncer, cit. 15), pécheur. — (V. 980). Absolt et vx. Reconnaître ses fautes et les déplorer. ⇒ Confesser (se).
♦ (V. 1160). Être capable d'identifier, soit par la mémoire (ci-dessus, sens I), soit par une recherche, un examen (sens II, 5), les lieux où l'on se trouve, la position qu'on y occupe. ⇒ Retrouver (se); orienter (s'). || Ne plus se reconnaître quelque part. ⇒ Perdre (se); → Calanque, cit. 1. || Sans avoir eu le temps de se reconnaître (→ Fourrer, cit. 9). — Fig. || Se reconnaître dans un raisonnement. || Ne plus s'y reconnaître. ⇒ Embrouiller (s'); → Embrouiller, cit. 4; labyrinthe, cit. 5.
22 Heureux qui sait se reconnaître au bord du précipice et s'empêcher d'y tomber !
Rousseau, Lettre à d'Alembert.
♦ Absolt et vx. Reprendre conscience de son état, de sa situation.
23 Mon amour m'entraînait; et je venais peut-être
Pour me chercher moi-même et pour me reconnaître.
Racine, Bérénice, V, 6.
24 Il y a des gens à qui la faveur arrive comme un accident : ils en sont (…) surpris et consternés. Ils se reconnaissent enfin, et se trouvent dignes de leur étoile (…)
La Bruyère, les Caractères, VIII, 84.
2 (Récipr.). || Ils ne se sont pas reconnus, après dix ans de séparation.
25 Chapelier propose d'exiger l'uniforme de la garde nationale (…) La riche Bordeaux (…) protesta que pour se reconnaître, on pouvait se contenter d'un ruban.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., IV, I.
3 Se reconnaître à… : être reconnu ou reconnaissable. || Le grand cuisinier se reconnaît à… (→ Assaisonnement, cit. 1). — La vraie patience se reconnaît à… (→ Obstiner, cit. 3).
——————
reconnu, ue p. p. adj.
ÉTYM. (Fin XVIe).
1 (Sens I). || Aussitôt reconnu… (→ Escorter, cit. 5).
2 (Sens II). || Fautes sincèrement reconnues (→ Oublier, cit. 13). || Un fait reconnu (→ Fortune, cit. 27). ⇒ Indiscuté, notoire, public. || Chose généralement (cit. 4) reconnue. || Il est reconnu que… ⇒ Avéré (cit. 8). || Vérité universellement reconnue (→ Avoir, cit. 73). || Notions (cit. 6) reconnues. — Gloires reconnues (→ Correspondre, cit. 4). || Talents reconnus (→ Négliger, cit. 14). || Un leader (cit. 1) reconnu. || Acte officiel émanant d'une autorité reconnue.
♦ (Suivi de pour et inf.; d'un adj.). || Les êtres reconnus pour dire des choses tristes (→ Parti, cit. 22). || Biens reconnus pour imaginaires (cit. 1). — Une opération de rupture reconnue inévitable (→ Aigu, cit. 13).
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CONTR. Confondre; oublier. — Contester, dénier, discuter, douter; méconnaître, refuser; protester. — (Du p. p.) Apocryphe, caché, clandestin, illégitime, incognito.
DÉR. Reconnaissable, reconnaissance, reconnaissant.
Encyclopédie Universelle. 2012.