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FLEUR
FLEUR

La fleur n’est pas un organe morphologiquement défini. Chez les Angiospermes les moins évoluées, la fleur est évidemment, comme Goethe lui-même l’avait découvert, un rameau feuillé (système d’axes foliarisés) très contracté, dans le prolongement de dispositifs déjà réalisés chez des Végétaux vasculaires archaïques (Coniférophytes, Cycadophytes et même Cryptogames vasculaires); chez les Angiospermes les plus évoluées, la fleur se présente comme un organe sui generis , profondément différent, dans son ontogenèse et sa morphologie, de la tige feuillée. Les recherches sur la morphologie florale comparée des Végétaux vasculaires et fossiles, d’une part, les études de tératologie et de morphologie expérimentale (perturbations naturelles ou provoquées du développement floral), d’autre part, ont mis en évidence les procédés, exprimés sous des formes extrêmement variées, par lesquels les états floraux les moins différenciés ont évolué jusqu’aux états les plus spécialisés: des rameaux feuillés et sporangifères diffus sont devenus des systèmes floraux primitifs; ces premières fleurs se sont condensées et associées de plus en plus étroitement jusqu’à ressusciter des systèmes ressemblant à des fleurs primitives, mais de signification morphologique très différente.

La seule définition simple qu’il est possible de donner de la fleur est fonctionnelle : quelles que soient son origine phylogénique et sa signification morphologique, la fleur est un système dans lequel sont produits, par réduction de moitié du nombre chromosomique, les tétraspores, puis les prothalles (gamétophytes) mâles (grains de pollen) et femelles (sous forme de «sac embryonnaire» chez les Angiospermes), et aussi un système assurant la pollinisation, c’est-à-dire le transport des grains de pollen sur les organes femelles (ovules chez les Gymnospermes; pistils chez les Angiospermes). Cette définition fonctionnelle recouvre, surtout en ce qui concerne la pollinisation, des mécanismes extrêmement divers, mais dont on ne peut donner une explication simple et générale: au cours de l’évolution, la sélection naturelle a constamment favorisé et développé les systèmes floraux permettant ou même imposant l’allogamie, c’est-à-dire, par le transport des produits sexuels d’un individu à un autre individu, le mélange des génotypes et leur remaniement continu. De nombreuses structures florales compliquées, les différences dans les dates de maturation des éléments mâles et femelles à l’intérieur d’une même fleur, la tendance à l’unisexualité des systèmes floraux, la résistance du pollen aux intempéries (grâce à la paroi imperméable des grains de pollen), la dispersion du pollen par les animaux et par le vent sont autant de manifestations de cette convergence de mécanismes variés vers une allogamie de plus en plus efficace, avantageuse dans la lutte pour la vie parce que génératrice d’organismes toujours plus divers, plus rigoureux et mieux adaptés.

Un phénomène essentiel dans la vie de toute plante, phénomène unique précédant la mort ou, plus généralement, phénomène répété suivant un rythme continu ou discontinu, est la transformation des bourgeons végétatifs en bourgeons floraux, c’est-à-dire la floraison: le méristème végétatif, massif de cellules embryonnaires indifférenciées, dissimulé dans le bourgeon et dont la prolifération détermine la croissance de la tige feuillée, se transforme en un autre méristème, différemment conformé, qui va produire le système floral. Ce passage de l’état végétatif à l’état sexualisé est soumis à un déterminisme complexe, dans lequel interfèrent des facteurs internes, liés aux modalités spécifiques du métabolisme, et des facteurs externes (température et, surtout, durées respectives des jours et des nuits). Connaître ce déterminisme au point de pouvoir influer sur les rythmes de la floraison et, par conséquent, de la fructification (la fleur aboutit normalement à la formation du fruit et des graines) est de la plus haute importance du point de vue de la science fondamentale et de l’amélioration des rendements en agriculture.

Conformation et fonctionnement des systèmes floraux, signification morphologique diverse de ces systèmes révélée par la phylogénie, floraison représentent les principales questions qui permettront de découvrir et de souligner l’originalité des fleurs.

1. Organographie florale chez les Angiospermes

À l’aisselle d’une feuille apparaît le bourgeon floral; puis, le pédoncule floral s’allonge plus ou moins et s’élargit au sommet en un réceptacle, sur lequel sont disposés des cycles successifs de pièces stériles – feuilles plus ou moins modifiées – et de pièces fertiles.

Les premiers cycles comprennent les sépales, dont l’ensemble forme le calice, et les pétales, qui forment la corolle; calice et corolle constituent le périanthe (étymologiquement: «pourtour de la fleur»). En leur absence, la fleur est dite «nue»; les fleurs apétales n’ont que le calice alors appelé périgone. Les pièces fertiles sont semblables dans les fleurs unisexuées ou appartiennent à deux types dans les fleurs bisexuées: les unes mâles, ou étamines, forment l’androcée ; les autres femelles, ou carpelles, forment le gynécée ou pistil.

L’étude des structures florales ou organographie s’exprime par des diagrammes et des coupes longitudinales (fig. 1). Beaucoup mieux que la morphologie des appareils végétatifs, le nombre des éléments floraux, leur agencement les uns par rapport aux autres permettent de déterminer espèces, genres, familles, ordres. Ils apportent aussi, dans les classifications naturelles, des critères évolutifs, souvent ardemment discutés; ainsi, la réduction du nombre des pièces florales, leur concrescence sont généralement considérées comme des caractères évolués, alors que l’individualité de ces pièces et leur nombre élevé sont des caractères primitifs.

Si la plupart du temps les pièces florales sont disposées en cycles ou verticilles (fleurs cycliques), elles peuvent aussi s’insérer sur une spirale (fleur acyclique du nénuphar). Les deux dispositions peuvent coexister dans une même fleur (renoncules à périanthe cyclique, à étamines et carpelles acycliques).

Les fleurs symétriques par rapport à l’axe du pédoncule floral sont dites actinomorphes ; irrégulières ou zygomorphes lorsqu’elles sont symétriques par rapport à un plan (Orchidées, Labiées); enfin certaines sont asymétriques (Canna ).

En général, les fleurs sont trimères chez les Monocotylédones et pentamères chez les Dicotylédones ; cette mérie s’exprime par les formules florales: on compte 3 sépales + 3 pétales + (3 + 3) étamines + 3 carpelles chez la tulipe; 5 S + 5 P + (5 + 5) E + 5 C chez le géranium. De nombreuses irrégularités affectent cette ordonnance, soit dans sa totalité (tétramérie de l’épilobe: 4 S + 4 P + 8 E + 4 C), soit dans certains de ses cycles (4 S + 4 P + 6 E + 2 C chez les Crucifères; 5 S + 5 P + 5 E + 4 C chez la bourrache; 5 S + 5 P + n E + 3 C chez l’hélianthème; 5 S + 5 P + n E + n C chez la mauve; 4 S + n P + n E + n C chez le nénuphar; 5 S + 5 P + 2 E + 2 C chez la véronique).

Organogenèse

L’extrémité d’un rameau consiste en un point végétatif ou méristème. Au cours de la floraison, celui-ci subit des transformations liées à de nouvelles activités physiologiques.

L’anneau initial méristématique, subterminal, qui engendre normalement les feuilles, produit aussi les sépales entre lesquels apparaissent les pétales, dernière production de cet anneau initial. La partie supérieure du méristème jusqu’alors inactive, d’où son nom de méristème d’attente, donnera les éléments fertiles: étamines et carpelles.

Toutes les pièces florales se présentent d’abord comme des mamelons (primordiums ) formés simultanément, ou successivement à la surface du réceptacle de la périphérie vers le centre.

L’agencement des sépales et des pétales avant l’épanouissement de la fleur définit la préfloraison : lorsque les pièces de chaque verticille apparaissent en même temps, ou bien elles sont simplement contiguës (préfloraison valvaire), ou bien elles se chevauchent (préfloraison tordue des Contortales); lorsqu’elles apparaissent successivement, la préfloraison est quinconciale ou imbriquée. Calice ou corolle peuvent avoir des préfloraisons différentes; chez le fraisier, par exemple, la préfloraison est valvaire pour le calice, quinconciale pour la corolle.

Réceptacle floral

Le réceptacle révèle parfois sa nature originelle d’axe quand tératologiquement une pousse feuillée prolifère au milieu des pièces florales (fleurs «virescentes»). Il peut être allongé en thalamus (Magnolia ) mais plus souvent il prend la forme d’un bouton, d’un plateau plan, concave ou convexe, ou même d’une urne. Dans ce cas, il enrobe le gynécée entraînant l’insertion des autres pièces florales au-dessus de l’ovaire qui devient infère ou adhérent. On dit alors que la fleur est épigyne. La fleur est dite hypogyne, et l’ovaire supère ou libre quand ce dernier domine le reste de la fleur. Dans de rares cas, le réceptacle s’allonge en un pédicelle portant au-dessus du périanthe étamines et pistil (androgynophore des Passifloracées) ou seulement le pistil (gynophore des Capparidacées).

Le réceptacle porte encore des organes nectarifères: glandes disposées entre les étamines (nectaires) ou disque le recouvrant (Vitacées).

Calice et corolle

Les sépales sont le plus souvent verts, comme des feuilles végétatives: on les dit alors «sépaloïdes»; mais ils peuvent être aussi développés et colorés que les pétales (tulipes), d’où leur qualificatif de «pétaloïdes». Ils se réduisent parfois à un bourrelet (vigne) ou à des poils (séneçon). Chez certaines Rosacées et chez les Cistacées, le calice est doublé extérieurement d’un calicule.

Les pétales sont souvent colorés par des pigments variés (anthocyanes, flavonoïdes, caroténoïdes), à moins qu’ils ne soient verts comme les sépales. Ils comportent toujours une partie étroite, l’onglet, et un limbe de taille et de morphologie extrêmement variables, parfois même dans une seule fleur: corolle des Papilionacées divisée en étendard, ailes, carène; corolle des Orchidées où l’on distingue un labelle parfois très structuré. Les pétales peuvent se prolonger par des éperons (Delphinium , Asclépiadacées, etc.), porter des glandes nectarifères (renoncule). Certains libèrent des essences volatiles et odorantes.

Calice et corolle sont en général caducs; toutefois ils persistent dans certaines espèces: calice marcescent du muflier, corolle marcescente des bruyères; chez l’alkékenge (Physalis ) les sépales s’accroissent après la fécondation et enveloppent le fruit (calice accrescent).

Enfin sépales et pétales sont libres ou soudés entre eux. Le degré de liberté des pétales est un caractère important dans la classification des Angiospermes (surtout des Dicotylédones).

Étamines et pollen

Les étamines comportent habituellement un filet prolongé par un connectif sur lequel s’attachent le plus souvent quatre sacs polliniques (ou microsporanges); ceux-ci élaborent et dispersent les grains de pollen. Les étamines, dépourvues de sacs polliniques, donc stériles, sont appelées staminodes; ceux-ci consistent en un filet non modifié ou prennent l’aspect de pétales ou, au contraire, sont réduits à des nectaires. Connectif et sacs polliniques constituent l’anthère. Dans le cas le plus fréquent, les quatre sacs sont orientés vers l’intérieur de la fleur: l’anthère est introrse; elle est extrorse dans le cas inverse, latérale si les sacs sont portés latéralement. Le nombre des étamines est très variable: de plusieurs dizaines (Cactacées, Renonculacées) à une seule chez les valérianes, une demie chez les Canna , ou même aucune (fleurs femelles et fleurs stériles, par exemple celles du pourtour d’un capitule de bleuet). Le plus souvent indépendantes, les étamines peuvent être soudées soit par leurs filets en une seule (Malvacées), deux (certaines Papilionacées) ou plusieurs (Hypéricacées) «fraternités»; d’où les qualificatifs respectifs de mono-, di-, polyadelphes, soit par leurs anthères (étamines synanthérées des Composées). Par ailleurs, elles peuvent être plus ou moins concrescentes avec les pétales (étamines «corolliflores» des primevères), ou avec le gynécée, constituant alors avec celui-ci un gynostème (Orchidées). Le plus souvent, les étamines s’ouvrent par deux fentes longitudinales qui intéressent chacune deux sacs polliniques contigus; mais la libération du pollen peut se faire par un pore apical (Éricacées) ou des valves (Berbéridacées).

Le pollen est formé de minuscules grains sphériques (2,5 à 250 micromètres), anguleux, oblongs ou même filamenteux, dont l’enveloppe, extérieurement doublée d’une pellicule de sporopollénine, matière imperméable et imputrescible, présente une surface lisse ou épineuse parfois caractéristique de genres ou de familles, pourvue d’un ou de plusieurs pores par où germera le tube pollinique. Si petits soient-ils, les grains de pollen sont de véritables organismes formés à l’issue de la méiose des cellules-mères ou microsporocystes. Les microspores sont donc des cellules haploïdes (n chromosomes), groupées d’abord par quatre (tétrades). Puis chaque microspore produit une cellule dite végétative et une cellule reproductrice. Cette dernière se divise à l’intérieur même du grain de pollen (Composées) ou, plus souvent, au sein du tube pollinique en donnant deux gamètes mâles ou spermatozoïdes, indispensables à la double fécondation angiospermienne.

Carpelles et ovules

Chez les Angiospermes , les carpelles sont très diversement conformés, mais chacun d’eux comporte, en principe, un ovaire portant sur son placenta l’ovule ou les ovules et un style terminal, plus rarement latéral ou basal, prolongé par un stigmate, récepteur du pollen. Dans une fleur, les carpelles peuvent être nombreux (renoncule), uniques (Papilionacées) ou absents (fleurs mâles et fleurs stériles), libres (Magnolia ) ou plus ou moins soudés entre eux (ovaire syncarpe). S’ils sont concrescents par leurs flancs, chacun délimite une cavité individuelle et les ovules sont insérés le long de la soudure axiale commune (placentation axile); quand les carpelles adhèrent par leurs bords, ils constituent une seule cavité ovarienne (ovaires uniloculaires) et les ovules sont répartis marginalement le long des lignes de suture (placentation pariétale), ou exceptionnellement sur un placenta central (placentation centrale).

L’ovule se présente comme un petit corps oblong et incolore. C’est, en réalité, un appareil assez complexe comportant essentiellement un nucelle (ou macrosporange indéhiscent) entouré d’une ou deux enveloppes multicellulaires, les téguments, ménageant une étroite ouverture, le micropyle, en face du sommet du nucelle. Chaque ovule est relié au reste de la plante-mère en un point (hile) où le corps ovulaire prolonge le pédicelle (funicule) émanant du placenta. On appelle orthotropes les ovules droits (noyer); campylotropes ceux qui sont arqués (haricot); anatropes ceux qui sont complètement retournés et adhèrent à leur funicule constituant une côte, le raphé, le long du corps ovulaire de 90 p. 100 des Angiospermes.

Au sein du nucelle, une cellule, le macrosporocyste, subit la méiose et engendre quatre macrospores dont une seule évolue en un gamétophyte femelle ou sac embryonnaire. Dans 70 p. 100 des espèces, celui-ci comporte huit noyaux issus de trois divisions nucléaires successives, suivies de cloisonnements cellulaires; du côté du micropyle, l’une des cellules, l’oosphère , se développe après la fécondation en un embryon, alors que les deux noyaux restés libres au centre du sac embryonnaire produiront l’albumen [cf. ANGIOSPERMES]; à l’opposé du micropyle, trois cellules antipodes peuvent être considérées comme des cellules végétatives. Toutefois, chez les œnothères, le sac embryonnaire, dépourvu d’antipodes, n’est constitué que de quatre cellules. Deux macrospores chez l’oignon, quatre chez le Plumbago participent à l’édification d’un seul sac embryonnaire, alors appelé di- ou tétrasporique.

Comparés aux gamétophytes mâles (grains de pollen), les gamétophytes femelles sont de taille beaucoup moins réduite; de plus, ils se développent sur place au milieu du macrosporange (nucelle) où ils ont été formés.

Chez les Gymnospermes (fig. 2), les ovules ne sont pas enfermés dans un carpelle mais disposés à la surface d’une feuille carpellaire. Au sein du nucelle, soudé au tégument unique, se développe comme précédemment le gamétophyte femelle, beaucoup plus volumineux que celui des Angiospermes, et comprenant de très nombreuses cellules. Vers le micropyle se différencient plusieurs archégones contenant chacun une oosphère et qui donneront naissance, après la fécondation, à autant d’embryons. Toutefois, un seul arrivera à maturité.

Groupements floraux (inflorescences)

Les fleurs peuvent être solitaires (tulipe) ou groupées en inflorescences, dont on distingue deux grands types: les inflorescences indéfinies et les inflorescences définies (fig. 3).

Chez les inflorescences indéfinies ou monopodiques, les fleurs sont insérées sur un seul axe et s’épanouissent de la base vers le sommet; leur initiation (différenciation) se poursuit longtemps (plutôt qu’indéfiniment). Le type en est la grappe (Delphinium ), caractérisée par des fleurs pédonculées; l’épi est une grappe de fleurs sessiles; les corymbes (Cerasus Mahaleb ) sont des grappes dont les pédoncules floraux sont d’autant plus longs que les fleurs sont plus âgées, c’est-à-dire situées plus bas, si bien que l’ensemble des fleurs est disposé approximativement dans un même plan; les ombelles à floraison centripète (la plupart des Ombellifères) sont des grappes dont les pédoncules floraux sont égaux et insérés au même niveau; les capitules (pâquerette) sont assimilables à des ombelles de fleurs sessiles ou à des épis dont l’axe serait télescopé. L’ensemble des bractées florales d’une ombelle ou d’un capitule constitue une collerette appelée involucre.

Les inflorescences définies ou sympodiques constituent des cymes. Dans ce type, la croissance d’un premier axe floral est stoppée par la production d’une fleur terminale d’ordre 1; une seule ou deux ramifications sous-jacentes à cette première fleur relaient la production florale en portant une seule ou deux fleurs terminales d’ordre 2, elles-mêmes relayées et ainsi de suite. Les cymes sont unipares dans le premier cas, bipares dans le second. Les cymes unipares sont dites scorpioïdes (myosotis) si les ramifications sont toutes émises d’un même côté, hélicoïdes si elles sont réparties en hélice.

Les inflorescences en ombelle et celles en capitule à floraison centrifuge (ce qui correspond à basipète) pourraient s’interpréter comme des cymes contractées de fleurs respectivement pédonculées et sessiles, parvenant ainsi, par convergence, à un type d’organisation analogue à celui des inflorescences indéfinies.

Il existe des inflorescences composées (grappes de cymes, de capitules, etc.) et, à l’opposé, on admet que certaines fleurs portées isolément puissent être considérées comme des inflorescences uniflores.

2. Les fleurs, organes reproducteurs

Les fleurs symbolisent, pour la plupart d’entre nous, une certaine gratuité associée à la beauté et à d’agréables parfums. Toutefois, s’il existe bien, dans la nature, des structures dont le rôle semble inutile aux organismes qui les engendrent, les fleurs, sous leurs aspects humbles ou éclatants, ont pour fonction première la reproduction sexuée. Comme on l’a vu ci-dessus, une fleur est un ensemble souvent complexe de pièces fertiles et stériles. Il est évident qu’une fleur mâle de Callitriche réduite à une étamine n’a qu’un rôle producteur de pollen; qu’une fleur essentiellement constituée d’un pistil (noyer) a une fonction purement maternelle, puisqu’elle développe une ou plusieurs graines au sein du fruit qu’elle devient, alors que les fleurs stériles du bleuet ou de la boule de neige constituent des «appareils d’affichage» déployés sur le pourtour des inflorescences. Une fleur aura un rôle d’abord dans la production des éléments mâle et femelle, individuellement, simultanément ou successivement chez les fleurs protandres et protogynes , puis dans la mise en présence, par la pollinisation, des éléments reproducteurs des deux sexes, et enfin dans la fécondation. Les grains de pollen, protégés par leur enveloppe imperméable, sont libérés et transportés passivement des anthères aux stigmates par l’intermédiaire d’agents pollinisateurs. Souvent, la seule pesanteur suffit: le pollen libéré tombe sur les stigmates; dans le cas du maïs, le pollen des fleurs mâles tombe sur le chevelu des stigmates des fleurs femelles. Plus fréquemment, le vent transporte les grains de pollen, particulièrement petits, légers et nombreux, sur les stigmates, étalés ou plumeux des Angiospermes (Graminées, nombreux arbres), qualifiés pour cette raison d’anémophiles («qui aime le vent»). Chez de rares plantes fleurissant sous l’eau (zostère, etc.), le pollen est formé d’éléments filamenteux relativement longs qui ont, de ce fait, d’autant plus de chances de rencontrer les stigmates.

Des agents pollinisateurs très efficaces sont les insectes; c’est pourquoi on appelle entomophiles les fleurs dont le pollen épineux (Composées), collant (Rosacées), agglutiné (Orchidacées) est propre à s’accrocher au corps de ces visiteurs attirés par le pollen lui-même ou par le nectar sécrété au fond des fleurs. Des chauves-souris, des oiseaux-mouches, des limaces véhiculent plus rarement le pollen indispensable à la survie des espèces végétales qui les nourrissent. D’étonnantes adaptations existent entre les formes des corolles et le corps des animaux pollinisateurs et l’on a parfois l’impression que ces organismes se sont adaptés l’un à l’autre au cours de l’évolution. L’orchidée porte-abeille différencie un pétale dont la forme, la couleur et la pilosité attirent les bourdons en quête de copulation; passant de fausses abeilles en fausses abeilles, ils effectuent, non pas la fécondation des abeilles, mais celle des Orchidées!

Avant même de connaître les processus cytologiques de la fécondation chez les plantes, l’homme pollinisait déjà les palmiers femelles, seuls cultivés dans ses palmeraies, avec des inflorescences mâles de palmiers sauvages. Les vanilliers cultivés (Antilles, Réunion, etc.) développent leurs gousses grâce à une «autopollinisation» manuelle, substituée au rôle du bombyx qui intervient dans l’habitat naturel de l’Orchidée (Mexique). Dans toutes les hybridations, enfin, l’homme accomplit consciemment, dans des conditions déterminées, des pollinisations dont le but est la création de nouvelles formes de vie.

3. Valeur morphologique et phylogenèse

Classiquement définie comme un axe court portant des feuilles modifiées, la fleur est dans la plupart des esprits étroitement associée à la notion d’Angiosperme. Finalement, la paléontologie, la morphologie comparée et de nombreux cas tératologiques ont montré que la fleur se retrouve chez tous les végétaux vasculaires. Elle s’ébauche déjà chez les Cryptogames vasculaires paléozoïques, et la fleur des Angiospermes n’est que l’étape actuelle de la phylogenèse que cet organe a parcourue au cours des temps.

Ces découvertes ont rénové la morphologie florale, qui, de statique, est devenue dynamique. Elles ont montré que la fleur a la valeur morphologique d’un système d’axes foliarisés, très contracté, et dont certaines pièces se sont unies par concrescence. La condensation extrême des organes est favorable à la reproduction. Elle confère à l’ensemble une physionomie particulière, qui précisément fait la fleur. La fleur est donc une unité biologique, non morphologique.

Phylogenèse de la fleur

Les moyens phylogénétiques fondamentaux mis en œuvre par la nature sont simples, peu nombreux et remarquablement constants, mais ils offrent, dans les détails, d’infinies variations dont l’immense diversité des fleurs est l’expression.

On trouve toujours à l’origine un système d’axes dichotomiques plus ou moins touffu, qui a subi, au cours des temps, des foliarisations, des contractions (réductions), des condensations et des concrescences (fig. 4 a).

Le système dichotomique de base constitué d’articles appelés cauloïdes ou télomes se transforme par avortement d’un des côtés, puis les ramifications du sommet deviennent fertiles, et l’axe principal se redresse. Ce système jusqu’alors entièrement à l’état d’axes va subir une foliarisation affectant toutes les ramifications latérales qui deviennent des feuilles. Ultérieurement, se produit une réduction de l’axe et une simplification des feuilles, en même temps que les sporanges s’unissent par deux, par concrescence et réduction de la ramification conduisant à la formation des étamines typiques. Ainsi la fleur acquiert-elle sa physionomie propre; une dernière concrescence aboutit au type «gamopétale».

Ce schéma général présente de nombreuses variantes. En comparant les divers stades de la figure 4 a, il apparaît que le quatrième stade déjà homologue de la fleur classique l’est également d’un axe fertile d’Arthrophytes paléozoïques (Hyenia elegans du Dévonien moyen); ce qui semble montrer que la structure florale existe déjà chez ces Cryptogames vasculaires.

Une phylogénie un peu différente, mais fondamentalement identique, est représentée dans la figure 4 b. Le point de départ est un ensemble dichotomique composé, c’est-à-dire formé d’un axe principal portant plusieurs systèmes d’axes déjà redressés, les pennes, et dont certains sont entièrement fertiles. Le raccourcissement de l’axe principal et la foliarisation des pennes aboutit à une structure voisine de celle d’une fougère à frondes dimorphes comme Thyrsopteris. Or, la fleur des Benettitinées (Cycadeoidea mâle) a une structure semblable. Sa contraction permet de comprendre des structures florales particulières comme celle du ricin, d’où se déduit aisément la fleur classique.

La chaîne phylétique des organes reproducteurs reliant les Cryptogames vasculaires aux Angiospermes est continue; pour un morphologiste, il n’y a pas de coupure entre plantes à fleurs et plantes sans fleurs. Mais, chez les Cryptogames vasculaires, les fleurs sont très archaïques; elles sont à l’état préfloral.

Une autre variante est représentée par la figure 4 c; elle n’a pas besoin d’être longuement commentée: seules les pinnules de l’axe principal du système ramifié originel sont foliarisées. Les simplifications engendreront une structure où l’on devine une inflorescence au sens classique; il suffit, en effet, du raccourcissement des axes latéraux, de la condensation en fleurs de leurs étamines et feuilles, pour qu’elle soit réalisée.

Les phénomènes peuvent se poursuivre jusqu’à l’agglomération des fleurs de l’inflorescence par les mêmes mécanismes. Dans cette dernière hypothèse, on interprète le capitule des Composées comme un état phylogénétique issu d’une inflorescence lâche; il précéderait l’état de fleur solitaire. Des exemples de passages d’inflorescences à la fleur solitaire se rencontrent chez les chèvrefeuilles, les jasmins (fig. 5), certaines Moracées, etc.

États préfloraux des Angiospermes

Les faits précédents conduisent à se demander s’il n’y a pas, dans le monde actuel, des organes floraux considérés comme fleurs typiques, mais qui sont encore, en réalité, des inflorescences incomplètement condensées, c’est-à-dire des états préfloraux comparables à ceux signalés chez les Articulées paléozoïques. Ils confirmeraient le bien-fondé de la nouvelle interprétation de la fleur, et permettraient la compréhension de structures florales à morphologie ou phyllotaxie «aberrantes». En voici quelques exemples remarquables (fig. 6).

La cyathe des Euphorbiacées est une inflorescence composée de petites cymes de fleurs mâles, monostaminées et nues, d’une fleur femelle centrale et entourée d’un involucre foliacé. L’articulation des étamines est la marque de l’insertion de la corolle qui a disparu, mais qui existe encore dans certains genres. Or, chez Euphorbia hirta , les cymes sont réduites à une seule étamine de sorte qu’on a l’illusion d’être en présence d’une fleur formée de cinq pièces périanthaires avec cinq étamines; elle est très proche de l’état floral typique.

Chez les Graminées, l’inflorescence classique est l’épillet (formé de 2 à n fleurs). Or, chez Streptochaeta , il est uniflore et la fleur se place dans le prolongement de l’axe principal. Le diagramme est celui d’une fleur spiralée classique comportant un périanthe de dix pièces, six étamines et un gynécée monomère. Si les Streptochaeta étaient les seules Graminées existantes, on ne parlerait pas d’épillets mais de fleurs!

Chez les Moracées, les genres Lanessania et Antiaris ont des états préfloraux dont la valeur morphologique ne peut être correctement interprétée sans la comparaison avec les autres genres; Broussonetia mâle et Plectospermum montrent les étapes successives de cette phylogenèse.

La structure de la «fleur» des Crucifères avec ses six étamines inégales et ses nectaires peut être interprétée en fonction d’un état préfloral. Si l’on donne aux nectaires la valeur d’axes réduits, la fleur se divise en six cymules: deux cymules formées seulement par les deux sépales latéraux et les nectaires qu’ils axillent; deux cymules antéro-postérieures formées par les sépales internes, axillant un axe nectaire médian flanqué de deux axes nectaires latéraux, ceux-ci à l’aisselle des quatre pétales; deux cymules latérales internes formées du même nombre de pièces, mais les foliaires à l’état staminal; au sommet, deux paires opposées et alternes de carpelles.

Chez les Saururacées, les fleurs inférieures d’Houttuynia sont tristaminées; l’ovaire est avorté. Vers le sommet, elles se réduisent à deux, puis à une seule étamine en perdant leur réceptacle et leur bractée. Enfin, au sommet, il y a une «fleur terminale», formée de trois étamines entourant un ovaire tricarpellé. Or, il est indéniable que les étamines sessiles insérées solitairement sous la fleur représentent des fleurs réduites. Par conséquent, nous pouvons considérer la fleur terminale comme une inflorescence de trois fleurs mâles monostaminées et de trois fleurs femelles, très serrées les unes contre les autres.

Chez les Juncaginacées, une fleur de Triglochin étirée est exactement homologue de la partie sommitale d’Houttuynia dont les bractées n’auraient pas avorté. Cette fleur est nettement préflorale, et sa structure, longtemps obscure à cause de l’ordre d’insertion des tépales et des étamines, est maintenant clarifiée.

Chez les colchiques (Colchicum autumnale ), le cas est identique à celui du Triglochin , mais la fleur est si proche de l’état floral que son état préfloral, très discret, ne peut être mis en évidence que par l’étude de ses hétéroméries, qui troublent l’alternance des cycles, et par la phyllotaxie. Les méioméries sont difficilement explicables, si l’on considère que tépales et étamines sont des unités distinctes; mais elles deviennent compréhensibles et les difficultés de la phyllotaxie sont levées, si l’on admet que la fleur des colchiques est une inflorescence comportant six fleurs mâles formées chacune d’un tépale et d’une étamine. Ce que nous avons vu chez les Saururacées et chez les Juncaginacées légitime cette interprétation.

4. La floraison

On entend souvent par floraison l’épanouissement des fleurs. En fait, ce mot recouvre un ensemble de phénomènes très complexes qui constituent la transition entre l’état végétatif et l’état reproductif: l’induction florale aboutissant à la transformation du méristème végétatif en méristème floral; la formation des organes floraux; l’épanouissement de la fleur.

Même placée dans des conditions favorables, la première fleur ne pourra se former avant que la plante n’ait atteint un «certain âge physiologique» ou maturité de floraison. Les plantes passent donc par une phase juvénile.

Cependant, on observe parfois le développement de fleurs sur des plantules dites néoténiques (Chouard) n’ayant encore que leurs deux cotylédons et les ébauches des deux premières feuilles (fig. 7). Prise dans son ensemble, la floraison dépend de l’alimentation en carbone et en azote (facteurs macrotrophiques de Chouard) et de substances hormonales dont la synthèse et l’activité sont contrôlées par les facteurs du milieu (température, durée relative des jours et des nuits).

La vernalisation

Pour de nombreux végétaux, les facteurs déterminant l’induction florale n’auront aucun effet même si les bourgeons ont atteint leur maturité: ils doivent auparavant être soumis à des températures basses; c’est le phénomène de la vernalisation.

Il s’agit d’un processus préparatoire à la mise à fleur; après le traitement vernalisant la plante n’est pas en fleur et, même, aucune initiation de primordia de fleurs ne peut être détectée (Chouard). La vernalisation exige une exposition à de basses températures, généralement comprises entre 3 et 9 0C, pendant des durées qui varient entre 10 et 90 jours. Toutes les plantes monocarpiques, dont le cycle de vie se déroule sur deux années, présentent un besoin absolu de vernalisation. Ce sont les plantes bisannuelles telles que les céréales «d’hiver», la carotte, la chicorée. Elles passent l’hiver sous forme de rosettes. De nombreuses plantes vivaces ont aussi un besoin de vernalisation. Elles sont cependant pérennes parce que tous les bourgeons ne sont pas vernalisables.

La transmission possible de l’état vernalisé par greffe a laissé supposer l’existence d’une hormone de vernalisation ou vernaline. On a même pensé qu’il pouvait s’agir d’une gibbérelline, hormone qui chez certaines plantes (jusquiame noire) peut remplacer le traitement par le froid (Lang). En fait, il a été possible de dissocier les deux effets du froid: sur l’aptitude des plantes en rosette à s’allonger (les gibbérellines peuvent avoir la même action), sur la préparation du méristème à la mise à fleur (C. Picard, Margara). Il n’en demeure pas moins que la notion de vernaline est très confuse, d’autant plus que la transmission par greffe de l’état vernalisé n’est pas générale – en particulier chez les plantes vivaces.

L’induction florale

L’induction florale est l’étape fondamentale de la floraison. Le méristème végétatif est caractérisé du point de vue histologique par une nette zonation. On peut distinguer un anneau initial latéral dont l’activité est à l’origine des feuilles; la région axiale apicale est occupée par des cellules se divisant très rarement, c’est le méristème d’attente. Au cours de l’induction florale, les cellules qui le constituent se mettent à proliférer et la zonation s’estompe [cf. MÉRISTÈMES].

L’induction florale dépend de facteurs trophiques et des conditions du milieu (photo- et thermopériodisme).

Les facteurs trophiques

En 1918, Klebs a apporté la preuve que la floraison ètait étroitement liée au rapport carbone/azote (C/N) de la plante. Si ce rapport est élevé, la floraison est favorisée; pour une valeur faible, la croissance végétative l’emporte. Cette loi n’est naturellement pas valable si l’abaissement ou l’élévation du rapport C/N est dû à une insuffisance de glucides ou à une carence en azote; dans ce cas, la floraison et la croissance végétative sont inhibées.

L’importance du rapport C/N est particulièrement facile à observer sur les arbres fruitiers des régions tempérées. Un apport trop important en engrais azotés stimule la formation des rameaux à bois et retarde la floraison.

Le photopériodisme

L’induction florale dépend de la longueur relative des jours et des nuits (fig. 8); il s’agit donc d’une réaction photopériodique (Tournois, Garner et Allard). Certaines plantes fleurissent lorsque les jours sont courts, soit 8 à 9 heures par 24 heures (plantes scotopériodiques); d’autres forment des fleurs en jours longs, c’est-à-dire 14 à 16 heures par 24 heures (plantes héméropériodiques).

Notion de florigène

Les feuilles sont les organes de perception du stimulus photopériodique alors que la réponse se situe au niveau des bourgeons; on conçoit donc l’existence d’un initiateur floral endogène ou florigène (Chailakhyan). Il est même possible de déterminer la vitesse de migration du stimulus: elle est en moyenne de 2 cm par jour. Les tentatives d’extraction et de caractérisation du florigène n’ont guère été fructueuses. Cependant, la «fraction acide» d’extraits méthanoliques de feuilles de Xanthium soumises à des photopériodes favorables induit faiblement mais nettement la mise à fleur de plantes de la même espèce non induites. Cet «acide florigénique» n’est certainement pas une des hormones actuellement connues. L’acide gibbérellique favorise bien la floraison des plantes héméropériodiques, placées en conditions non inductives, mais n’a aucun effet sur les plantes scotopériodiques soumises à des jours longs. De plus, la possibilité de transmission du stimulus par greffage entre plantes héméropériodiques et scotopériodiques indique que le florigène doit être de même nature chez toutes les Angiospermes.

Chez certaines plantes, lorsqu’une feuille est soumise à des cycles photopériodiques alors que les autres sont placées en «dyspériodes», la floraison reste localisée au niveau du bourgeon axillaire de cette feuille; par contre, si les autres feuilles sont ôtées, la floraison est généralisée. Les feuilles placées en dyspériodes seraient une source d’inhibiteurs de la floraison et le virage floral dépendrait donc du rapport entre les concentrations en florigène et en inhibiteurs.

Le photorécepteur

Expérimentalement, on a montré que la floraison des plantes de jours courts, cultivées en jours courts, est inhibée si les nuits longues sont interrompues en leur milieu par un bref éclair de lumière blanche, ou mieux, de lumière rouge (600-700 nm), seule partie active du spectre. Par contre, cet effet inhibiteur peut être annulé par une courte exposition à la lumière dans le rouge lointain (700-800 nm). À l’opposé, les plantes de jours longs, placées en jours courts, ne fleurissent pas, mais l’interruption de la nuit longue par un bref éclairement de lumière rouge induit la floraison. Ces expériences montrent à l’évidence que le photorécepteur est le phytochrome.

D’autre part, il apparaît certain que l’induction de la floraison ou son inhibition dépend d’un couplage entre l’action du phytochrome et les rythmes endogènes circadiens, changements rythmiques d’activité dont la période est voisine de 24 heures, présents tant chez les végétaux que chez les animaux.

Lorsqu’une plante est placée continuellement en cycles non inductifs, la structure du bourgeon évolue; il ne conserve pas un aspect strictement végétatif bien qu’il continue à produire des feuilles: sa taille augmente et les caractères méristématiques des cellules constituant le méristème d’attente s’accentuent; de plus, la sensibilité aux photopériodes favorables est plus grande. Le méristème est dit être dans une phase intermédiaire entre le stade végétatif et le stade préfloral (Lance-Nougarède). Tout traitement qui permet au méristème d’atteindre très rapidement cet état transitoire favorisera la floraison; il en est ainsi de l’acide gibbérellique.

Le thermopériodisme

Les plantes non sensibles au photopériodisme, dites aphotiques, sont, par contre, très influencées par la température qui joue un rôle essentiel dans le virage floral. L’exemple classique est celui des plantes bulbeuses (tulipes, jacinthes). Au moment où les feuilles flétrissent, aucune ébauche florale n’existe; leur formation nécessite d’abord une période de 2 à 5 semaines à 25 0C, suivie d’une exposition à plus basse température (15 0C) et, enfin, de quelques semaines à 8 0C environ (Blaauw). On a parlé à ce sujet de thermopériodisme annuel (Chouard).

La formation de la fleur et son épanouissement

La phase préflorale du méristème est suivie par la phase reproductrice au cours de laquelle se forment les différentes parties de la fleur; ensuite, celle-ci s’épanouit. Ces différentes étapes dépendent du niveau de nutrition de la plante et également des conditions photopériodiques et thermopériodiques. Ainsi, l’induction florale du Soja biloxi est obtenue en jours courts. Le fait de replacer ensuite le Soja en jours longs conduit à un arrêt de l’évolution des ébauches de fleurs. De même, le Chrysanthemum hortorum , plante nyctipériodique, s’il est cultivé en jours longs, peut former un bouton à partir de son bourgeon terminal; mais ce bouton n’évoluera en fleurs que si les jours sont raccourcis. Chez le Camellia , les fleurs se forment à 25 0C en journées longues, mais leur épanouissement n’est rapide qu’en alternance de température: 25 0C le jour et 15 0C la nuit.

Dans certains cas, l’état floral peut être réversible. Le plus bel exemple de réversion de l’état floral à l’état végétatif est fourni par le mouron rouge Anagallis arvensis : la floraison est induite par des jours longs; si l’on replace la plante en journées courtes, le centre des fleurs se transforme en tige feuillée. On obtient alors des fleurs avec sépales, pétales et parfois étamines mais dont l’ovaire est remplacé par un rameau feuillé (Chouard).

La perpétuation des plantes dans la nature et leur meilleure utilisation par l’homme sont liées à l’adaptation aux conditions photopériodiques et thermopériodiques imposées par les saisons et la latitude. Malgré l’extrême complexité du processus de floraison, un certain nombre de découvertes ont reçu des applications en agriculture et horticulture: des variétés de blé, maïs, sorgho peuvent se reproduire sous des latitudes limites; les chrysanthèmes et les azalées, plantes de jours courts, peuvent à volonté être maintenus à l’état végétatif en interrompant la nuit par un bref éclair de lumière rouge, et, au contraire, fleurir lorsqu’on diminue la longueur du jour. Il ne faut pas non plus oublier que les conditions régnant pendant la floraison peuvent fortement retentir sur les caractéristiques des semences formées ultérieurement: les semences de Chenopodium polyspermum , dont la maturation a été réalisée en jours longs, ont des téguments épais qui ne permettent pas la saillie de la radicule.

fleur [ flɶr ] n. f.
flor XIIIe; flur 1080; lat. florem n. m., de flos, floris
I
1Cour. Production colorée, parfois odorante, de certains végétaux (souvent considérée avec la tige); bot. Organe caractéristique des végétaux supérieurs (phanérogames) comprenant des pièces protectrices et des pièces fertiles. -anthe, flor(i)-; flore . Parties de la fleur. périanthe, 2. étamine, pistil. Fleur mâle; fleur femelle; fleur hermaphrodite. Pollinisation, fécondation d'une fleur. Transformation de la fleur en fruit. Fleur composée. capitule, fleuron, inflorescence, ligule. Fleur double. Fleur en bouton, qui s'ouvre, s'épanouit ( éclosion) . Fleur qui se fane, se flétrit, coule. défloraison. Arbres en fleur(s). fleuri. Parfum, suc des fleurs. La rose, reine des fleurs. Couper, cueillir des fleurs. Bouquet, couronne, gerbe, guirlande de fleurs. Fleurs séchées. Porter une fleur à sa boutonnière. Offrir des fleurs. Loc. prov. Dites-le avec des fleurs : exprimez vos remerciements, vos souhaits en offrant des fleurs (formule publicitaire). Déposer des fleurs sur une tombe. Ni fleurs ni couronnes. Marché aux fleurs. Commerce des fleurs. bouquetière, fleuriste. Loc. Être belle, fraîche comme une fleur. La fleur au fusil. PROV. Il ne faut pas battre une femme, même avec une fleur.
2Cour. Plante considérée dans sa fleur; plante qui porte des fleurs (belles, grandes). Fleur cultivée, ornementale ( floriculture) . Fleurs coupées. Fleur de jardin, de serre. Exposition de fleurs. floralies. Massif de fleurs. Fleurs en pot, en caisse. jardinière. Pot de fleurs. Bac à fleurs.
3Reproduction, imitation de cette partie du végétal. Fleurs artificielles, en tissu, en papier, en plastique... Couronne de fleurs d'oranger. Papier, tissu à fleurs, représentant des fleurs. Assiettes à fleurs. Spécialt (XIIe) FLEUR DE LYS. lis.
4Par métaph. Couvrir qqn de fleurs. complimenter.
♢ FLEUR BLEUE. (Vieilli) La petite fleur bleue : sentimentalité un peu mièvre et romanesque. ⇒ sentimentalisme. « Un timide employé de banque, sentimental, prêt à tout croire, épris de petite fleur bleue » (Aragon). Adjt Il est très fleur bleue. sentimental. « Le côté fleur bleue de ses états d'âme » (A. Jardin).
Fam. COMME UNE FLEUR : très facilement. Il est arrivé premier comme une fleur.
Loc. fam. FAIRE UNE FLEUR À QQN : accorder une faveur, un avantage. Il ne lui a pas fait de fleur. cadeau.
5Ornement poétique. Les fleurs de rhétorique.
6Vx ou littér. LA FLEUR DE QQCH. : ce qui plaît, attire par sa fraîcheur, son innocence. « L'émotion perdrait sa fleur de spontanéité sincère » (A. Gide).
Mod. À LA, DANS LA FLEUR DE : en plein épanouissement. Elle « a pu lire, à vingt ans, Werther dans la fleur de sa nouveauté » (Henriot). « Elle périt à la fleur de la jeunesse et de la beauté » (Stendhal). Mourir à la fleur de l'âge, en pleine jeunesse.
7Ce qu'il y a de meilleur, de plus beau, de plus distingué. crème, élite (cf. Le dessus du panier). La fleur d'une civilisation, des arts. Paris « appelle continuellement à soi la fleur et la lie de la race » (Valéry). Loc. La fine fleur de qqch. : ce qu'il y a de mieux parmi le meilleur. ⇒ nec plus ultra. La fine fleur de la société. fam. gratin. Fam. et vieilli La fleur des pois : un homme à la mode, élégant, recherché.
Spécialt FLEUR DE FARINE : farine très blanche et très fine. Fine fleur de froment. gruau. Fleur de sel. Chim. anc. Fleur de chaux, de plâtre, de soufre.
IIPar anal. (1611) Fleurs de vin, de vinaigre : mycodermes qui se développent à la surface du vin, du vinaigre. III
1(XVIe) À FLEUR DE : presque au niveau de, sur le même plan que ( affleurer, effleurer) . Écueils à fleur d'eau. Yeux à fleur de tête, peu enfoncés dans les orbites. ⇒ saillant. Frisson à fleur de peau. superficiel. Fig. Sensibilité à fleur de peau, qui réagit à la plus petite excitation; vive mais superficielle. ⇒ épidermique. Avoir les nerfs à fleur de peau (cf. Avoir les nerfs à vif).
2(1611) Techn. Dessus, côté du poil d'une peau tannée. La fleur d'une peau (opposé à croûte) .

fleur nom féminin (latin flos, -oris) Organe des plantes supérieures, ou phanérogames, qui contient les organes reproducteurs entourés le plus souvent d'un périanthe, et dont les pièces peuvent être d'une couleur brillante ou d'un parfum agréable. Plante qui produit des fleurs : Cultiver des fleurs. Ornement en forme de fleur : Du papier à fleurs. Symbole dans la langue littéraire de l'éclat, de la fraîcheur, de la beauté : Être fraîche comme une fleur. Littéraire. Ce qui attire, séduit d'un attrait parfois artificiel : Semer de fleurs le chemin de la vie. Ce qu'il y a de meilleur, de plus distingué ; l'élite : La fine fleur de la société. Littéraire. Fraîcheur et spontanéité de ce qui est à son début : La fleur de la vie. Arboriculture et Horticulture Synonyme de efflorescence. Architecture Petite rosace placée au milieu de chacune des faces de l'abaque dans un chapiteau corinthien ou autre. Chimie Nom donné par les anciens chimistes à certains solides plus ou moins brillants, obtenus par sublimation ou par une oxydation prolongée au contact de l'air (fleur d'arsenic, fleur de soufre, etc.). Œnologie Voile blanchâtre, plus ou moins ridé, se formant en cuve ou en bouteille à la surface des vins, des bières ou des cidres au contact de l'air, et formé par des levures. ● fleur (citations) nom féminin (latin flos, -oris) Louis Aragon Paris 1897-Paris 1982 En France tout finit par des fleurs de rhétorique. Le Libertinage Gallimard Gaston Bachelard Bar-sur-Aube 1884-Paris 1962 Au fond de la nature pousse une végétation obscure ; dans la nuit de la matière fleurissent des fleurs noires. L'Eau et les Rêves José Corti René Daumal Boulzicourt, Ardennes, 1908-Paris 1944 La véritable nuit est dans le cœur des fleurs, des grandes fleurs noires qui ne s'ouvrent pas. Le Contre-ciel Gallimard Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Il y a des gens qui vous laissent tomber un pot de fleurs sur la tête d'un cinquième étage et qui vous disent : Je vous offre des roses. Tas de pierres Éditions Milieu du monde Pierre Jean Jouve Arras 1887-Paris 1976 La fleur est le regard riant de la ruine. La Vierge de Paris Mercure de France Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire. Fables, les Deux Aventuriers et le Talisman Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Je suis chose légère et vole à tout sujet ; Je vais de fleur en fleur, et d'objet en objet. Fables, les Deux Rats, le Renard et l'Œuf Maurice Maeterlinck Gand 1862-Nice 1949 Savons-nous ce que serait une humanité qui ne connaîtrait pas la fleur ? Le Double Jardin Fasquelle François de Malherbe Caen 1555-Paris 1628 La moisson de nos champs lassera les faucilles, Et les fruits passeront la promesse des fleurs. Stances Henri de Régnier Honfleur 1864-Paris 1936 Académie française, 1911 Si vous battez une femme avec une fleur, prenez plutôt une rose. Sa tige a des épines. « Donc… » Kra Edmond Rostand Marseille 1868-Paris 1918 Académie française, 1901 Si Job avait planté des fleurs sur son fumier, Il aurait eu les fleurs les plus belles du monde ! Les Musardises Lemerre Antoine de Saint-Exupéry Lyon 1900-disparu en mission aérienne en 1944 Telle fleur est un refus d'abord de toutes les autres fleurs. Et cependant, à cette condition seulement elle est belle. Citadelle Gallimard Tristan Tzara Moineşti, Roumanie, 1896-Paris 1963 Une fleur est écrite au bout de chaque doigt et le bout du chemin est une fleur qui marche avec toi. Indicateur des chemins de cœur J. Bucher Paul Verlaine Metz 1844-Paris 1896 Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches Et puis voici mon cœur, qui ne bat que pour vous. Romances sans paroles, Green Messein Joseph, baron von Eichendorff Lubowitz, près de Racibórz, Haute-Silésie, 1788-Neisse, aujourd'hui Nysa, Haute-Silésie, 1857 Il y a certains mots qui soudain, comme un éclair, découvrent au tréfonds de mon être un pays de fleurs. Es gibt gewisse Worte, die plötzlich, wie ein Blitzstrahl, ein Blumenland in meinem Innersten auftun. Œuvres posthumes William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Semblez être la fleur innocente, mais soyez le serpent qu'elle dissimule. Look like th'innocent flower, But be the serpent under't. Macbeth, I, 5, lady Macbeth Sigrid Undset Kalundborg, Danemark, 1882-Lillehammer 1949 Certains aiment les fleurs et les bêtes parce qu'ils sont incapables de s'entendre avec leur prochain. Retour à l'avenirfleur (difficultés) nom féminin (latin flos, -oris) Orthographe 1. Au pluriel : assiettes à fleurs, tissu à fleurs ; un pot de fleurs, un vase de fleurs, un bouquet de fleurs. Au singulier : eau de fleur d'oranger. 2. En fleur / en fleurs. On écrit en principe en fleur, au singulier, s'il s'agit de fleurs d'une même espèce, et en fleurs, au pluriel, s'il s'agit de fleurs d'espèces différentes : un pommier en fleur ; une prairie en fleurs. Aujourd'hui, cet usage n'est plus que rarement observé, et le pluriel se généralise dans tous les cas : un arbre en fleurs ; des haies en fleurs. ● fleur (expressions) nom féminin (latin flos, -oris) À la fleur, dans la fleur de l'âge, au tout début de la jeunesse, en pleine jeunesse ou au moment de plein épanouissement. Familier. Arriver comme une fleur, innocemment et fort mal à propos. Familier. Comme une fleur, avec une grande facilité. En fleur(s), à l'époque de la floraison ; dans tout son éclat, dans sa fraîcheur : Jeunes filles en fleur. Familier. Faire une fleur à quelqu'un, lui accorder un avantage, un privilège. Fleur bleue, sentimental, romanesque. Langage des fleurs, ensemble des significations symboliques, notamment dans le domaine des sentiments, attribuées aux fleurs. Ni fleurs ni couronnes, formule de faire-part d'obsèques où on demande de n'apporter ou de n'envoyer aucune fleur. Vieux. Perdre sa fleur, perdre sa virginité. Fine fleur de farine, farine de blé très pure, la première qui passe dans les tamis de bluterie. Fleur de farine, farine de blé très pure et de très belle qualité. Fleur d'amour, nom usuel commun à l'ancolie, à l'amarante, au pied-d'alouette. Fleur de coucou, nom commun à un lychnis, à la jonquille et à deux espèces de primevère. Fleur de la passion, nom usuel des passiflores. Fleur de saint Jacques, nom usuel d'un séneçon. Fleur de la Saint-Jean, autre nom du gaillet. Fleur de tan, nom commun d'un champignon myxomycète qui se développe sur la tannée. Fleur de lis ou de lys, figure très stylisée, que la tradition assimile aux végétaux ; emblème de la maison de France depuis le XIIe s. et symbole du royalisme en France. Fleur d'arsenic, arséniate hydraté de calcium naturel, qui se présente en petites houppes soyeuses et blanches. Fleur de bismuth, oxyde de bismuth naturel. Fleur de cinabre, variété pulvérulente de sulfure de mercure naturel. Fleur de manganèse, variété de bioxyde de manganèse naturel, qui tapisse quelquefois les géodes de fer hématite. Fleurs pectorales, mélange de sept fleurs utilisé en infusions contre la toux et servant à préparer le sirop pectoral. Fleur de soufre, soufre pur obtenu par sublimation, purifié par lavage et employé comme laxatif. ● fleur (homonymes) nom féminin (latin flos, -oris) fleure forme conjuguée du verbe fleurer fleurent forme conjuguée du verbe fleurer fleures forme conjuguée du verbe fleurerfleur (synonymes) nom féminin (latin flos, -oris)
Synonymes :
- Arboriculture et Horticulture. efflorescence ● fleur adjectif invariable Qui a la couleur de telle ou telle fleur : Une écharpe fleur de prunier.fleur nom féminin (de fleur) Couche superficielle d'une peau, caractérisée par les pores et les particularités de l'animal, et dont le dessin est visible lorsque les poils ou la laine ont été retirés. ● fleur (expressions) nom féminin (de fleur) À fleur d'eau, se dit d'un rocher, d'un banc de sable ou d'une épave alternativement couvert et découvert par la mer ; se dit d'un objet dont la partie supérieure affleure la surface de la mer. À fleur de peau, superficiel : Avoir des réactions à fleur de peau. À fleur de terre, à la surface du sol. Avoir les nerfs à fleur de peau, être dans un état de nervosité extrême. Yeux à fleur de tête, saillants. À fleur de coin(s) ou fleur de coin(s), se dit d'une monnaie ou d'une médaille d'une frappe parfaite (réalisée avec des coins neufs) et d'un état de conservation lui aussi parfait. ● fleur (homonymes) nom féminin (de fleur) fleure forme conjuguée du verbe fleurer fleurent forme conjuguée du verbe fleurer fleures forme conjuguée du verbe fleurer

fleur
n. f.
rI./r
d1./d Partie des végétaux phanérogames qui porte les organes de la reproduction. Les fleurs de l'hibiscus.
Un pommier en fleur, dont les fleurs sont écloses.
d2./d Cour. Plante qui produit des fleurs. Arroser des fleurs.
d3./d Figure ou représentation d'une fleur. Papier, tissu à fleurs.
Fleurs artificielles, en tissu, en papier, en matière plastique, etc.
|| (Plur.) Fig. Ornements de style. Les fleurs de la rhétorique.
d4./d Fig. Ce qui embellit, rend agréable et plaisant. Une vie semée de fleurs.
|| Loc. Couvrir qqn de fleurs, lui faire toutes sortes de compliments.
d5./d Fig. Le plus beau moment, l'apogée d'une chose périssable.
Loc. La fleur de l'âge: la jeunesse. Mourir à la fleur de l'âge.
d6./d Ce qu'il y a de meilleur en son genre; l'élite. La fine fleur de l'aristocratie.
|| La fleur de farine: la partie la plus fine, la meilleure, de la farine.
d7./d Loc. fig., Fam. Faire une fleur à qqn, lui accorder une faveur, un avantage.
|| être fleur bleue: être d'une sentimentalité naïve et un peu mièvre.
|| Loc. fig., Fam. Comme une fleur: sans aucune difficulté, très facilement. Il est arrivé premier comme une fleur.
rII./r Loc. Prép. à fleur de: presque au niveau de. Rochers à fleur d'eau.
|| Fig. Avoir les nerfs à fleur de peau: être très nerveux, facilement irritable.
Sensibilité à fleur de peau.
rIII/r Par anal.
d1./d TECH La fleur du cuir: le côté de la peau où se trouvent les poils (par oppos. au côté croûte).
(Belgique) La fleur du bois: dessin qui apparaît dans la coupe longitudinale du bois.
d2./d (Plur.) Fleurs de vin, de vinaigre, de bière: moisissures qui se développent à la surface du vin, du vinaigre, de la bière.
d3./d CHIM Substance provenant d'une sublimation. Fleur de soufre.
Encycl. Bot. - Une fleur complète est hermaphrodite et comprend un pédoncule floral, dont l'extrémité, renflée, est le réceptacle floral où s'insèrent: le périanthe, constitué du calice, formé de sépales généralement verts, et de la corolle, formée de pétales souvent de couleur vive; la partie sexuée contenant les ovules, lesquels seront fécondés par le pollen et donneront les graines.

⇒FLEUR, subst. fém.
Partie de certains végétaux contenant les organes reproducteurs, souvent odorante et ornée de vives couleurs.
A.— Domaine concr.
1. BOT. ,,Une fleur complète comprend d'ordinaire quatre cercles concentriques ou verticilles de pièces florales insérées sur le réceptacle (...); ce sont, de dehors en dedans : 1. le calice (...); 2. la corolle (...); 3. l'androcée ou organe mâle, formé d'étamines (...); 4. le pistil ou organe femelle`` (Bot. élém., Classes de cinquième A et B. Paris, Larousse, s.d., p. 45). Pétale de fleur, fleur printanière, fleur double :
1. ... l'enfantement progressif du raisin s'élabore. Chaque grappe de fleurs se change en grappe de grains, aussi fournie qu'il y a de pistils, tandis que la parure embaumée qui enveloppait les parties vitales se dessèche et s'en va, à mesure que le fruit est conçu...
PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, p. 85.
2. Usuel
a) La fleur elle-même, le rameau qui la porte et, p. ext., plante que l'on cultive pour l'agrément. Fleurs coupées; planter des fleurs; arroser des fleurs; pot, parterre de fleurs. Le vent secouait les grands arbres en fleurs, et c'était une pluie de pétales d'un rouge de carmin qui tombaient jusque dans l'église (LOTI, Pêch. Isl., 1886, p. 157). Alors on voit, un bouton de rose se former, s'ouvrir, s'épanouir en fleur et mourir (BARRÈS, Cahiers, t. 10, 1914, p. 289); )cf. bouquet1 ex. 2 :
2. ... toutes les fleurs diverses, toutes les fleurs libres, bleues, rouges, jaunes, violettes, lilas, roses, blanches, si gentilles, si fraîches, si parfumées, toutes les fleurs de la nature qu'on cueille en se promenant et dont on fait de gros bouquets.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 2, M. Parent, 1886, p. 617.
Eau de fleur d'oranger (cf. KAPELER, CAVENTOU, Manuel pharm. et drog., t. 1, 1821, p. 239).
En fleur (au sing.), lorsqu'il s'agit de fleurs de la même espèce : arbre, pommiers en fleur; en fleur signifie : « dans le temps de la floraison ». En fleurs (au plur.), lorsqu'il s'agit de différentes espèces de fleurs : une prairie, un verger en fleurs; en fleurs évoque la multiplicité de fleurs, d'où le pluriel.
Fleur de la passion. Fleur dont les différents éléments représentent les instruments de la Passion du Christ. Synon. grenadille, passiflore.
Tisane des quatre fleurs. Tisane pectorale de fleurs de mauve, de pied-de-chat, de pas-d'âne et de coquelicot.
Locutions
Fleur au fusil. [En parlant des soldats partant en guerre avec des fleurs ornant le canon du fusil] Avec enthousiasme, joie, entrain. Fleur au fusil, tambour battant il va Il a vingt ans, un cœur d'amant qui bat (...) Quand un soldat s'en va t'-en guerre, il a (...) (F. LEMARQUE ds Le Livre d'or de la chanson fr., Paris, Éd. Ouvrières, t. 3, 1975, pp. 196-197). V. aussi PRÉVERT, Paroles, 1946, p. 111.
(La petite) fleur bleue. Cf. bleu.
Langage des fleurs. Signification symbolique attachée aux fleurs isolément (selon leur espèce, leur couleur) ou assemblées (selon leur disposition). Le langage des fleurs, à cause de sa nature même, ne peut être ni devenir un langage grammatical; il est et restera toujours un langage hiéroglyphique (L. DE LAERE, F. FERTIAULT, F. DE MELMECEY, La Fleuriste des salons, Bruxelles, Bruylant-Christophe et Cie, s.d. [1856], p. 186).
Passer fleur. [En parlant de la vigne et des arbres fruitiers dont les fleurs passent sans qu'aucune intempérie n'empêche la formation des fruits] Il fait beau ce soir, nous aurons une belle journée demain! — Un beau temps pour que les pommiers passent fleur! (BALZAC, Vieille fille, 1836, p. 349). L'expression passer fleur n'est pas, je dois le dire, de la façon de l'écrivain [Mme de Gasparin]. « Dans tout le centre de la France, m'écrit-on, dans l'Ouest, dans le Poitou, il n'y a pas un jardinier qui s'exprime autrement » (SAINTE-BEUVE, Nouv.. lundis, t. 9, 1863-69, p. 263).
Au fig. Alors on reconnaissait des figures de jeunes filles, d'autres ayant passé fleur depuis longtemps et jusqu'à des vieillardes (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 117).
(Prière de n'envoyer) ni fleurs, ni couronnes. [Dans un faire-part de décès] Prière de n'envoyer ni fleurs coupées, ni couronnes mortuaires. À son enterrement, où il n'avait voulu ni fleurs ni couronnes (PESQUIDOUX, Livre raison, 1932, p. 170). P. ext., fam. De manière simple.
Proverbe. Il ne faut pas battre une femme, même avec une fleur. Battre les femmes avec une fleur, eh, pourquoi faire? Ça ne leur ferait pas du tout de mal (P.-J. TOULET, Les Trois impostures, Émile-Paul, 1925, p. 29).
Loc. pop. et fam.
Comme une fleur. De manière douce, ingénument. Ce qu'il faudrait, c'est le filet des gladiateurs romains que j'ai vu un jour au ciné : avec ça, t'aurais le bul [Bulgare] comme une fleur et vivant! (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 145). Ingénument, de manière confiante.
Être fleur. [P. réf. à la fleur coupée, fauchée] Être démuni d'argent. Cf. CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 69.
P. métaph. Synon. de cadeau, pourcentage, avantage consenti à qqn. (sur une affaire). Faire une fleur à qqn. Il demandait pour lui-même qu'une « fleur »... si j'obtenais la commande... rien que cinq pour cent... C'était pas exagéré (CÉLINE, Mort à crédit, 1936 p. 204).
Arg. Fleur de nave.
b) P. compar. Couleur rose fleur de pêcher (LAPPARENT, Minér., 1899, p. 557). Couleur d'un rouge fleur de pêcher (LAPPARENT, Minér., 1899 p. 572).
3. [Reproduction de la fleur]
a) Fleur artificielle. Fleurs en papier. Fleurs artificielles en cire. — On les fait (...) en cire d'abeille, bien blanchie et de première qualité (ROUSSET, Trav. pts matér., 1928, p. 76). Cf. BARRÈS, Greco, 1911, p. 111; GUÉHENNO, Journal homme 40 ans, 1934, p. 39.
b) [En représentation dans l'art] Elle venait de jeter, sur une autre feuille, toute une grappe de fleurs imaginaires, des fleurs de rêve, extravagantes et superbes (ZOLA, Dr Pascal, 1893, p. 11) :
3. Le décor le plus fréquent semble avoir consisté en fleurs simples dans le goût de la décoration sur porcelaine; un peu plus tard, on rencontre des bouquets de fleurs, le dessin entourant la fleur faisant un cerne noir (la fleur ainsi exécutée est dite « chatironnée »); on voit aussi des fleurs en relief.
G. FONTAINE, Céram. fr., 1965, p. 66.
Fleur de lys/lis. Fleur de nature contestée, généralement connue comme fleur de lys d'eau ou d'iris, qui, stylisée, servait d'emblème à la royauté en France à partir du XIIe siècle; p. ext., symbole de la monarchie. L'œuvre polémique qu'accompliront, au cours du XVIIe siècle, contre la monarchie des fleurs de lys, tous les propagandistes comtois anti-français (L. FEBVRE, Combats pour hist., Langue en fr. XVIIIe s., 1926, p. 195). Une tente fleurdelisée montre qu'ils [les grands feudataires] sont « princes des fleurs de lis », c'est-à-dire proches parents du roi de France (L'Hist. et ses méth., 1961, p. 418) :
4. ... le sceau in absencia magni fit son apparition sous Philippe VI de Valois sous la forme de trois fleurs de lis surmontées d'une couronne.
L'Hist. et ses méth., 1961 p. 414.
B.— [P. réf. à une qualité particulière de la fleur]
1. [P. réf. à la position de la fleur à l'extrémité supérieure de la plante, du rameau] Ce qui est à la surface de quelque chose; ce qui est supérieur à quelque chose. [P. réf. à la floraison] Époque où certaines personnes ou certaines choses sont dans toute leur beauté, dans tout leur éclat. Façon ingénieuse, compréhensive et délicate de discourir sur toutes les surfaces des choses, de cueillir la fine fleur de tous les sujets, de se promener en observateur multiple dans un coin de l'universel (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 142) :
5. — J'aurais dit qu'en se peignant lui-même, La Fontaine avait fait le portrait de l'artiste, de celui qui consent à ne prendre du monde que l'extérieur, que la surface, que la fleur. Puis j'aurais posé en regard un portrait du savant, du chercheur, de celui qui creuse, et montré enfin que, pendant que le savant cherche, l'artiste trouve...
GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1142.
P. métaph. À l'ombre des jeunes filles en fleurs, roman de Proust.
a) [Sans valorisation]
Domaine techn.
CHIM. ANC. Substances réduites en poudre et sublimées. Fleurs de soufre, de zinc, d'arsenic, d'antimoine (Ac. 1932). Cf. KAPELER, CAVENTOU, Manuel pharm. et drog., t. 2, 1821, p. 554; GARCIN, Guide vétér., 1944, p. 143; LEVADOUX, Vigne, 1961, p. 81.
NUMISM. Fleur de coin (cf. coin1 B).
TANN. Côté de la peau tourné vers l'extérieur et qui portait les poils. Cf. côté ex. 6.
Loc. prép. À fleur de. Synon. à ras de, à même.
À fleur d'eau. Une flaque de lumière au loin, c'était la mer à marée basse. Quelques écueils à fleur d'eau trouaient de leurs têtes cette surface de clarté (SARTRE, Nausée, 1938, p. 73).
À fleur de sol. On laboure la vigne en rejetant la terre au milieu du sillon, on la déchausse pied par pied. On aère ainsi la souche, on détruit son système radiculaire à fleur de sol, on la force à chercher en dessous, dans la masse remuée par la charrue défonceuse et plus outre, les couches vierges où tout est substance (PESQUIDOUX, Chez nous, 1921, p. 110).
À fleur de peau. Il était tout en vif-argent. Il était pur. Et sensible comme un thermomètre. La sensibilité à fleur de peau. Et par là, il était moderne (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 334).
b) [Avec valorisation] La meilleure partie, la plus belle d'une chose. La fleur de la chevalerie. Synon. choix, élite. Ces travailleurs récoltaient du froment la plus pure des fleurs (JAMMES, Géorgiques, chants 1-2, 1911, p. 6). L'homme sélectionne pour tirer la fleur de tout (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 255). La bourgeoisie spirituelle, la vraie, la pure, la très vaticane, la non moins patriote, le sel de la terre, la fleur des élus (H. BAZIN, Vipère, 1948, p. 112) :
6. ... le clergé séculier ne peut être qu'un déchet, car les ordres contemplatifs et l'armée des missionnaires enlèvent, chaque année, la fleur du panier des âmes...
HUYSMANS, En route, t. 1, 1895, p. 72.
(Fine) fleur (de farine). Cf. fin2 II B 1 b.
Région. (Canada). Synon. de farine. Le lundi matin on ouvrait une poche de fleur et on se faisait des crêpes plein un siau (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 75).
Fam. [Souvent en parlant d'une pers.] La fleur des pois. Ce qu'il y a de plus élégant, de plus recherché. Le plus brillant, est le vicomte d'Escarel, une vraie fleur des pois, la coqueluche de ces dames (FEUILLET, Voyageur, 1884, p. 237).
2. [P. réf. à l'évocation, à l'aspect de la fleur]
a) P. métaph. Ces étranges fleurs minérales qu'on nomme roses du Souf (GIDE, Feuilles de route, 1896, p. 82). Papillon, fleur vagabonde (RENARD, Journal, 1908, p. 1191) :
7. Car ce sont de vraies fleurs que ces filles dans leur robe de danse, corolle renversée, leurs jambes en pistil secret que découvrent la volte ou certains pas chassant l'étoffe et son ampleur.
T'SERSTEVENS, Itinér. esp., 1963, p. 112.
b) Au fig. [Par évocation de la fleur, de sa fragilité, de sa fraîcheur, de son éclat] Je ne dirai point ces choses, car l'émotion perdrait sa fleur de spontanéité sincère, à être analysée, pour l'écrire (GIDE, Journal, 1890, p. 14). Car la femme estivale est belle, et une fleur de féminité (MONTHERL., Pte Inf. Castille, 1929, p. 666) :
8. Ceux [des portraits] exposés au présent Salon sont charmants, surtout celui d'une petite fille assise de profil, qui est peinte avec une fleur de coloris telle qu'il faut remonter aux anciens peintres de l'école anglaise pour en trouver une qui l'approche. Curieusement épris des reflets du soleil sur le velouté de la peau, des jeux de rayons courant sur les cheveux et sur les étoffes, M. Renoir a baigné ses figures dans de la vraie lumière et il faut voir quelles adorables nuances, quelles fines irisations sont écloses sur sa toile!
HUYSMANS, Art mod., 1883, p. 203.
Les Fleurs du Mal. Titre d'un recueil de poèmes de Baudelaire. Qu'est-ce qu'il a écrit, Baudelaire? — Les Fleurs du Mal. — Ah! — Rassurez-vous. Ce sont des fleurs de beauté, des confidences, des tendresses, des terreurs (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p. 134).
3. [P. réf. à la fleur considérée comme une production de la plante] Expression, fruit, résultat (de quelque chose).
a) J'ai rencontré dans les stades féminins quelques jeunes filles, extrêmes fleurs de ces familles de noblesse bretonne (MONTHERL., Olymp., 1924, p. 281) :
9. Aux deux phases de la pensée humaine correspondent, en effet, deux sortes de littératures : — littératures primitives, jets naïfs de la spontanéité des peuples, fleurs rustiques mais naturelles, expressions immédiates du génie et des traditions nationales; — littératures réfléchies, bien plus individuelles ...
RENAN, Avenir sc., 1890, p. 265.
b) Vous nous trouverez toujours prêts à faciliter l'éclosion de la plus humble fleur de justice sur le terreau décomposé de la société capitaliste (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 5). L'art lui-même, cette fleur délicate jaillie des profondeurs communes à tous les hommes (BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 199) :
10. Dans les merveilleux, dans les très douloureux jardins des âmes
Peuple jardinier qui as fait pousser les plus belles fleurs
De sainteté Par la grâce de cette petite espérance.
PÉGUY, Porche Myst., 1911, p. 272.
4. [P. réf. à l'épanouissement de la fleur et à la floraison] La plus belle époque.
a) Étape transitoire (maximum, plénitude, épanouissement au physique ou au figuré) précédant le début du déclin. Assurément elle avait perdu ce qu'on est convenu d'appeler la fleur de la jeunesse (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 20). Cela va bien (...) tant que la nation est saine et dans la fleur de sa virilité. Mais un jour vient où son énergie tombe (ROLLAND, J.-Chr., Maison, 1909, p. 985) :
11. Celui qui veut vendre, c'est moi, qui suis à la fleur de l'âge. Cinquante-et-un ans! Quoi! C'est le milieu de la vie.
DUHAMEL, Passion J. Pasquier, 1945, p. 166.
b) Vieilli. La première vue, le premier usage de. Voilà une étoffe qu'on n'a encore montrée à personne, vous en aurez la fleur (Ac. 1798-1878). Ce matin, elles ont tâché de se lever avant leurs voisines pour que leurs vaches aient la fleur de l'eau à la fontaine (POURRAT, Gaspard, 1931, p. 31) :
12. ... il lui restait à l'âme une singulière et inexplicable rancune contre feu Souris qui avait possédé cette femme le premier, qui avait eu la fleur de sa jeunesse et de son âme, qui l'avait même un peu dépoétisée.
MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Vengeur, 1883, p. 911.
c) Absol. La virginité (d'une femme). Trahie, vendue, outragée et goujatement lapidée d'ordures par celui même à qui elle avait sacrifié son unique fleur, quel châtiment rigoureux pour la folie d'un seul jour! (BLOY, Femme pauvre, 1897, p. 36). La fille du roi de France et de « la reine Constantine », enlevée par un chevalier, et voulant garder sa fleur, lui dit qu'elle est fille de lépreux, de sorte qu'il ne la touche pas (MONTHERL., Lépreuses, 1939, p. 1445).
5. [P. réf. à l'emploi, l'aspect décoratif, ornemental de la fleur]
a) Agrément verbal.
Compliment, louange décerné(e) à quelqu'un (oralement ou par écrit). Jeter des fleurs à qqn. Il devrait me couvrir de fleurs et il me jette à la porte. Il a sûrement un but (DUHAMEL, Combat ombres, 1939, p. 224).
Fleurs (de rhétorique). Ornements conventionnels ou poétiques du style, du discours; rhétorique. Justinien reprit; rien ne décourageait son éloquence. À présent, c'était le comte de Passavant qu'il couvrait de fleurs de sa rhétorique (GIDE, Faux-monn., 1925, p. 1166). Je ne peux plus lire Nolhac du tout : ce style tout en fleurs défleuries, ces pâles bénédictions académiques (DU BOS, Journal, 1928, p. 56) :
13. Ils se moquent de Realito, et des fleurs exubérantes du verbalisme andalou, héritier direct du style oriental. Ils réprouvent que, pour des entrechats de donzelles, Realito, transportant dans sa littérature le saint délire de la chorégraphie, invoque à tout bout de champ les glorieux ancêtres et la conquête des Indes...
MONTHERL., Pte Inf. Castille, 1929, p. 669.
b) Agrément de valeur morale.
Non indispensable à l'essentiel. En de certains jours comme aujourd'hui, par exemple, je m'étonne de n'en pas crever. Si vous saviez ce que je fais vous auriez pitié de moi! Et dans une vie si aride pas « une fleur », rien? Voilà le vrai (FLAUB., Corresp., 1879, p. 269). Il s'obstina, ne dit qu'une messe basse, expédia les cinq communiants, n'ajouta pas une fleur, pas un oremus de consolation (ZOLA, Terre, 1887, p. 272).
Ornement, agrément cachant la véritable nature de quelque chose :
14. Mais la vérité suprême, conclut-il avec lyrisme, c'est qu'au-dessus des maîtres apparents, il y aura les maîtres cachés. J'en suis et vous en êtes. Seulement, avant, pour nous, le chemin n'est pas précisément couvert de fleurs ...
ABELLIO, Pacifiques, 1946, p. 72.
Expression. [En parlant de qqc. qui est dangereux, caché sous des apparences séduisantes] Le serpent est caché sous les fleurs. Sans doute, reprit le moine, ce n'est qu'après l'avoir lu [Lamennais], quand on y réfléchit, qu'on aperçoit le serpent caché sous les fleurs de la séduction (SAND, Nouv. lettres voy., 1876, p. 78).
Prononc. et Orth. :[]. Enq. //. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 bot. flor (Roland, éd. J. Bédier, 2871); 2. ca 1100 flur « élite, le meilleur de quelque chose » (ibid., 2431); 3. 1121-34 « fine farine » (PH. THAON, Bestiaire, 983 ds T.-L.); 4. XIVe s. a la fleur de l'iaue (Modus et Ratio, 80, 69, ibid.). Du lat. flos, floris « fleur; partie la plus fine de quelque chose » au fig. « élite »; le sens 4 peut-être p. réf. à l'idée de « partie la meilleure de quelque chose » d'où « partie supérieure » et « surface de quelque chose » ou bien d'apr. les emplois agric. fleur de vin « moisissures à la surface » et surtout fleur de lait « crème », la loc. paraissant s'être formée en Normandie (cf. affleurer). Fréq. abs. littér. :15 502. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 23 765, b) 26 601; XXe s. : a) 24 900, b) 16 417. Bbg. BUYSSENS (E.). Le Double probl. de la fleur de lis. Archivum linguisticum. 1951, t. 3, pp. 38-44. — CHAUTARD (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 248. — DUCH. Beauté 1960, pp. 102-103. — GIESE (W.). Myosotis, ein Beispiel volkstümlicher Namengebung. Beitr. rom. Philol. 1966, t. 5, pp. 168-170. — LA LANDELLE (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 318. — LOMMATZSCH (E.). Blumen und Früchte im altfranzösischen Wörterbuch. Z. fr. Spr. Lit. 1966, t. 76, pp. 312-336. — QUEM. DDL t. 8, 14. — ROMMEL 1954, p. 112, 114, 117, 120. — SPITZER (L.). Fleur et rose, synon. par position hiérarchique. In : [Mél. Pidal (M.)]. 1950, t. 1, pp. 135-155.

fleur [flœʀ] n. f.
ÉTYM. XIIIe, flor; flur, 1080; lat. florem, n. m., de flos, floris « fleur; partie la plus fine de quelque chose ».
———
I
1 Bot. Partie des plantes phanérogames, qui porte les organes reproducteurs. les éléments Anth-, -anthe, -anthème; flor-, -flore. || La fleur provient d'une différenciation de la feuille; elle naît d'un bourgeon ( Bourgeon, bouton), se transforme en fruit puis en graines. || Parties de la fleur : attache ou tige ( Pédicelle, pédoncule; hampe); assise des verticilles ( Réceptacle); périanthe dont les folioles protègent les organes reproducteurs. Calice (sépale, calicule), corolle (pétale; lèvre, lobe…); organes mâles ou androcée. Étamine (filet, anthère, pollen); organes femelles ou gynécée. Pistil (carpelle, style, stigmate, ovaire ou fruit, ovule ou graine). || Fleur incomplète, dépourvue de certains organes. || Enveloppe de certaines fleurs. Glume, glumelle. || Nectaire, éperon, disque d'une fleur. || Nom donné aux fleurs suivant le nombre et la forme de leurs pétales ( les comp. de Pétale : monopétale), de leurs sépales ( les comp. de Sépale), le nombre de leurs étamines ( les comp. en -andre : monandre), de leurs pistils ( les comp. en -gyne). || Fleur prolifère. || Fleur hermaphrodite ou bissexuée, accomplissant à elle seule la reproduction (→ Protogyne). || Fleurs unisexuées, mâles ou femelles, sur le même individu ( Monoïque, polygame), sur deux individus différents ( Dioïque). || Fleurs des plantes trigames (⇒ Trigamie). || Pollinisation, fécondation d'une fleur (→ Fécondant, cit. 2). || Aspect des fleurs. || Fleur non composée; fleur composée, flosculeuse ( Fleuron). || Fleur régulière ou actinomorphe, irrégulière ou zygomorphe. || Fleur double, dont une partie des étamines est transformée en pétales. || Fleur solitaire. || Fleurs alternes, opposées, accolées, radiées. || Groupe de fleurs. Inflorescence (capitule, chaton, corymbe, cyme, épi, épillet, grappe, ombelle, panicule, strobile, sycone, trochet).Fleur diurne, nocturne, tropique. || Nom donné aux plantes d'après le nombre, la forme de leurs fleurs. → Biflore, gémelliflore, labiatiflore, liguliflore, multiflore, noctiflore, passiflore, pauciflore, spiciflore, triflore, uniflore. — Fleur en bouton (cit. 3 et 4) qui s'ouvre, s'épanouit (cit. 12), déploie ses pétales. Éclosion; (didact.) anthèse (cit.), aperture; → Éclore, cit. 6. || Fleur trop ouverte; fleur qui passe, se fane, se flétrit, s'effeuille, laisse choir ses pétales. Défleuraison ou défloraison, marcescence. || Fleur étiolée. || Fleur qui meurt à peine éclose (→ Aurore, cit. 21). || Fleur qui coule. Coulure.
Cour. Production colorée, souvent odorante, de certains végétaux, considérée le plus souvent avec le rameau (la tige) qui la porte (correspond à une partie de la notion botanique et parfois à inflorescence, etc.). || Couleurs vives, éclat, fraîcheur, fragilité des fleurs. || Velouté d'une fleur. || Parfum, suc des fleurs (→ Bouffée, cit. 3; effleurer, cit. 3; embellir, cit. 6; extraire, cit. 9). || Abeille (cit. 12) qui butine, papillon qui vole de fleur en fleur.Arbre, plante qui se couvre de fleurs ( Fleurir; floraison). || Arbres, arbustes en fleur, en fleurs (→ Agneau, cit. 2; avril, cit. 2; cytise, cit. 1; effluve, cit. 8).Prairie émaillée de fleurs (→ 2. Baiser, cit. 27; émail, cit. 6; émailler, cit. 1). || Les fleurs, parure, trésor du printemps (→ Beau, cit. 29). || La rose, reine des fleurs. || Couper, cueillir une fleur. || Effeuiller une fleur. || Bouquet (cit. 5), brassée (cit. 2), couronne, gerbe, guirlande de fleurs (→ Edelweiss, cit. 1). || Mettre, arranger (cit. 12) des fleurs dans un vase. || Piquer une fleur dans sa chevelure. || Porter une fleur à sa boutonnière.Envoyer, offrir des fleurs. || Déposer des fleurs sur une tombe.Ni fleurs ni couronnes : sans apparat (dans un enterrement). || Lancer des fleurs pour accueillir, féliciter quelqu'un. || Bataille de fleurs à l'issue d'un corso fleuri. || Tapis, jonchée de fleurs (notamment lors de la Fête-Dieu dans la religion catholique). || Marché aux fleurs. || Vente, commerce des fleurs. Bouquetière; fleuriste. || Collection de fleurs. Anthologie (vx). || Fleurs utilisées en parfumerie. Plante (plantes à parfum). || Album de fleurs desséchées. — ☑ Loc. Être belle, fraîche comme une fleur. — ☑ Prov. Il ne faut pas battre une femme, même avec une fleur. — ☑ Loc. adv. La fleur au fusil : joyeusement (→ Repartir comme en quatorze).
Plante considérée dans sa fleur; plante qui porte des fleurs (belles, grandes). || Le coquelicot, une fleur des champs. || Fleur cultivée, ornementale ( Floriculture), fleur de jardin, de serre.Fleur d'oranger.Cultiver, arroser des fleurs. || Parterre (cit. 5), bordure, corbeille, massif de fleurs. || Fleurs en pot, en caisse. Jardinière. || Fleurs coupées. || Pot de fleurs.Myth. || Narcisse changé (cit. 35) en fleur.
Principales fleurs d'ornement : achillée, aconit, adonide, ageratum, amarante, amaryllis, ancolie, anémone, angélique, aristoloche, arum, aspérule, asphodèle, aster, aubépine, azalée, balsamine, bégonia, belle-de-jour, belle-de-nuit, belle-d'onze-heures (ornithogale), bétoine, bleuet, boule-de-neige, bouton d'argent, bouton d'or, bruyère, calcéolaire, camomille, camélia, campanule, canna, capucine, catalpa, cattleya, centaurée, centhrante, chardon, chèvrefeuille, chrysanthème, cinéraire, clématite, colchique, coquelicot, corbeille d'or, corbeille d'argent, coréopsis, crête-de-coq, crocus, cyclamen, cytise, dahlia, datura, digitale, edelweiss, églantine, éphémère, filipendule, fraxinelle, freesia, fritillaire, fuchsia, gaillarde, gardénia, genêt, gentiane, géranium, giroflée, glaïeul, glycine, gueule-de-loup, gypsophile, hamelia, hélianthe (soleil), hélianthème, héliotrope, hémérocalle, hormin, hortensia, immortelle, iris, ixia, jacinthe, jasmin, jonquille, joubarbe, julienne, jussiée, laurier, lavande, lilas, linaire, lis (1. Lis), liseron, lobélie, magnolia, marguerite, mathiole, mauve, mignardise, millepertuis, mimosa, morelle, muguet, myosotis, narcisse, nénuphar, nielle, œillet, orchidée, pâquerette, passiflore (fleur de la passion), pavot, pélargonium, pensée, perce-neige, pervenche, pétunia, phlox, pied-d'alouette, pissenlit, pivoine, pois de senteur, primevère, reine-des-prés (ulmaire), reine-marguerite, renoncule, réséda, rhododendron, rose, rose trémière, saponaire, sauge, saxifrage, scabieuse (fleur de veuve), seringa, silène, soleil, souci, spirée, trèfle, tubéreuse, tulipe, valériane, véronique, verveine, violette, volubilis, yucca, zinnia. aussi Arbre, herbe, plante (plantes médicinales et plantes à parfum).
1 Ô nature, nous nous plaignons
Que des fleurs la grâce est si brève.
Baïf, Livre des poèmes.
2 C'était pour m'enseigner qu'il faut dès la jeunesse,
Comme d'un usufruit, prendre son passe-temps,
Que pas à pas nous suit l'importune vieillesse,
Et qu'Amour et les fleurs ne durent qu'un Printemps.
Ronsard, Sonnets pour Hélène, Premier livre, XLIV (→ aussi Durer, cit. 6).
3 Et les fruits passeront la promesse des fleurs.
Malherbe, Poésies, Prière pour le roi… (→ Faucille, cit. 2).
4 Le cercueil au milieu des fleurs veut se coucher;
Les fleurs aiment la mort, et Dieu les fait toucher
Par leur racine aux os, par leur parfum aux âmes !
Hugo, les Contemplations, « À celle qui est restée en France », VII.
5 La grotte disparaissait sous l'assaut des feuillages. En bas, des rangées de roses trémières semblaient barrer l'entrée d'une grille de fleurs rouges, jaunes, mauves, blanches, dont les bâtons se noyaient dans les orties colossales (…) Puis, c'était un élan prodigieux, grimpant en quelques bonds : les jasmins, étoilés de leurs fleurs suaves; les glycines aux feuilles de dentelle tendre; les lierres épais, découpés comme de la tôle vernie; les chèvrefeuilles souples, criblés de leurs brins de corail pâle; les clématites amoureuses, allongeant les bras, pomponnées d'aigrettes blanches (…) Des volubilis élargissaient le cœur découpé de leurs feuilles (…)
Zola, la Faute de l'abbé Mouret, II, VII.
5.1 Comme ils longeaient toujours la grande rue, ils marchèrent dans une odeur exquise qui traînait autour d'eux et semblait les suivre. Ils étaient au milieu du marché des fleurs coupées. Sur le carreau, à droite et à gauche, des femmes assises avaient devant elles des corbeilles carrées, pleines de bottes de roses, de violettes, de dahlias, de marguerites.
Zola, le Ventre de Paris, t. I, p. 34.
6 Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches (…)
Verlaine, Romances sans paroles, Aquarelles (→ Cœur, cit. 74).
6.1 (Le coquelicot) magnifique, dans la naïve monotonie de sa beauté, donnant au rare passant qui aperçoit tout d'un coup son pavillon rouge et élancé le plaisir d'une découverte, et ce sentiment mystérieux que leur plantation dans un jardin, leur disposition dans un bouquet ôte aux fleurs, mais qu'elles font naître si violemment en nous dans une prairie, au bord d'un étang, dans un bois, par la floraison soudaine d'une corolle isolée, ou l'inexplicable attroupement de fleurs pareilles (…)
Proust, Jean Santeuil, Pl., p. 301.
Fleur de la passion. Passiflore; et aussi grenadille.
Spécialt. || Fleurs pectorales. Plante (plantes médicinales). || Tisane des quatre fleurs, de mauve, pied-de-chat, pas-d'âne et coquelicot, aux propriétés adoucissantes.Passer fleur, se dit de la vigne dont la floraison passe sans qu'aucune intempérie n'empêche la formation des fruits (→ Couler, cit. 20).
Langage des fleurs : ce que les fleurs expriment symboliquement des sentiments amoureux, selon leur couleur, leur parfum ( Sélam).
Loc. Dire quelque chose avec des fleurs.
6.2 Nulle part on n'offre autant de fleurs qu'à New-York, et nulle part elles ne sont aussi chères. Say it with flowers, « dites-le en fleurs », est une de ces heureuses formules (mottos ou slogans) que sait inventer le commerce américain. Parler ce langage-là, c'est parler d'or.
Paul Morand, New-York, p. 216.
En appos. (pour exprimer une couleur). || Tissu fleur de pêcher.
Reproduction, imitation de cette partie du végétal; image de fleur.(Opposé à fleurs naturelles). || Fleurs artificielles ornementales, en tissu, en papier, en perles, en porcelaine. || Chapeau à fleurs. || Coiffure de fleurs (→ Cache-peigne).Fleur sculptée, ciselée. Fleuron. || Fleur de chapiteau corinthien.Fleur peinte, imprimée, brodée… || Papier, tissu à fleurs, représentant des fleurs (→ Cretonne, cit. 1). Liberty (anglic.). || Tapis à fleurs ( Fleurage). || Fleurs de dentelle. || Assiettes à fleurs (→ Faïence, cit. 1).
(XIIe; anciennt fleur de lys). || Fleur de lis : emblème de la royauté, représentant schématiquement cette fleur. || Tenture semée de fleurs de lis. Fleurdelisé. || Fleur de lis en pendentif. || La fleur de lis, figure de blason.
7 Beaucoup portaient la fleur de lys d'argent suspendue au ruban blanc moiré qui, en 1817, n'avait pas encore tout à fait disparu des boutonnières.
Hugo, les Misérables, I, III, V.
8 (…) tentures bleu de paon semées de fleurs de lis blanches (…)
J. Green, Léviathan, II, IX.
tableau Termes de blason.
Loc. fam. (t. d'injure). Fleur de nave : personne stupide.
8.1 — Eh conne, dit la voix de Gabriel, si y a personne tu boucles la lourde, si y a quelqu'un tu le fous dehors. T'as compris, fleur de nave ? — Oui, msieur Gabriel.
R. Queneau, Zazie dans le métro, p. 129.
Loc. métaphorique et fig. Couvrir quelqu'un de fleurs, jeter des fleurs à quelqu'un. Encenser, flatter, 1. louer. — ☑ Semer des fleurs sur la tombe de quelqu'un, faire son éloge après sa mort.Les fleurs du chemin, de la vie : ce qui est aisé, agréable. Agrément, facilité, plaisir.Une vie semée de fleurs, douce, facile, heureuse.Semer de fleurs le bord des précipices (Racine) : dissimuler un danger, un piège sous des apparences séduisantes.Les Fleurs du mal, poèmes de Baudelaire.
9 Je leur semai de fleurs le bord des précipices.
Racine, Athalie, III, 3.
10 Aucun chemin de fleurs ne conduit à la gloire.
Je n'en veux pour témoin qu'Hercule et ses travaux.
La Fontaine, Fables, X, 13.
11 Je suis chose légère, et vole à tout sujet;
Je vais de fleur en fleur, et d'objet en objet;
À beaucoup de plaisirs je mêle un peu de gloire.
La Fontaine, Disc. à Mme de La Sablière.
12 J'avais une activité sans but, je voulais les fleurs de la vie, sans le travail qui les fait éclore.
Balzac, le Médecin de campagne, Pl., t. VIII, p. 476.
13 Talleyrand était d'ailleurs chargé de glisser, sous les fleurs dont il couvrait le triomphateur, de ces pointes où excellait ce pince-sans-rire supérieur.
Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Ascension de Bonaparte, XV, p. 213.
Loc. prov. Un serpent est caché sous les fleurs, se dit d'éloges perfides (→ Aspic, cit. 1).
Fleur bleue. || La petite fleur bleue, se dit d'une sentimentalité un peu mièvre et romanesque (dans le langage des fleurs, le bleu pâle exprime une tendresse inavouée, discrète et idéale). || Aimer la petite fleur bleue, la fleur bleue.En fonction d'adj. (invar.). || Il est très fleur bleue. Sentimental.
13.1 Il fut toujours sentimental : la petite fleur bleue avait en lui des racines de chêne. Les plus fortes tempêtes ont passé sur elle sans l'arracher. Elle se refermait un peu pour se rouvrir tout de suite, le temps calmé.
J. Renard, Journal, 25 avr. 1894.
14 Les jeunes ne savent plus s'amuser gentiment. Lorsque j'en fais la remarque à ma fille, elle me répond qu'elle a soupé de la petite fleur bleue, qu'on ne la mange plus qu'en salade, et patati et patata.
Bernanos, les Grands Cimetières sous la lune, p. 242.
15 Il vous faisait à volonté une missive qui, transmise à un graphologue, trahissait un homme d'affaires, riche, volontaire, mais au fond un cœur d'or, généreux avec les dames, ou un timide employé de banque, sentimental, prêt à tout croire, épris de petite fleur bleue.
Aragon, les Beaux Quartiers, p. 394.
15.1 Ah ! la grande amour, ça vient, on ne sait pas quand, on ne sait pas comment, et qui mieux est, on ne sait pas pour qui (…) Alors ce ne sont plus que clairs de lune, gondoles, ivresses éthérées, âmes sœurs et fleurs bleues.
R. Queneau, Pierrot mon ami, L. de Poche, p. 71.
Fam. Comme une fleur : très facilement, doucement, sans difficulté. || Il est arrivé premier comme une fleur, ingénument.
Les Cent Fleurs; la campagne, la politique des cent fleurs (en Chine).
15.2 (…) une nouvelle action révolutionnaire comparable à celle qui suscita les « Cent Fleurs », puis leur répression. Que veut-il ? Lancer la jeunesse et l'armée contre le Parti ? « Que cent fleurs différentes s'épanouissent, que cent écoles rivalisent ! » Mao lança ce mot d'ordre qui semblait une proclamation de libéralisme, en un temps où il croyait la Chine « remodelée ».
Malraux, Antimémoires, p. 546.
Loc. fig. (1954, argot, « cadeau intéressé »). Fam. Faire une fleur : accorder une faveur, un avantage, une préférence. || Je reconnais que, dans cette affaire, il m'a fait une fleur en me donnant la préférence sur mes concurrents. || Il ne lui a pas fait de fleur (→ Pas de cadeau).
15.3 (…) je suis justement d'humeur aimable ce soir… Je vais peut-être te faire une fleur, t'accorder le sursis, si tu réponds bien, si je vois que tu as pas la tête dure.
A. Simonin, Touchez pas au grisbi, p. 108.
Argot (emploi attribut). Être fleur, sans argent (→ Fauché comme une fleur coupée).
2 Littér. Se dit d'une femme jeune, gracieuse, jolie (→ par métaphore Capiteux, cit. 4; ciel, cit. 25; espérer, cit. 11; fille, cit. 15).
16 De cette fleur si tendre et sitôt moissonnée (…)
Racine, Athalie, IV, 3.
17 Quoi ! mortes ! quoi déjà, sous la pierre couchées !
Quoi ! tant d'êtres charmants sans regard et sans voix !
Tant de flambeaux éteints ! tant de fleurs arrachées (…)
Hugo, les Orientales, XXXIII.
17.1 Un' jolie fleur dans une peau d'vache
Un' jolie vach' déguisée en fleur (…)
Georges Brassens, Une jolie fleur.
Fam. et plais. || Fleur de macadam, de pavé, de bitume. Prostituée.
3 Fig. Vx ou littér. Beauté (cit. 24), 2. charme, éclat, fraîcheur. || La fleur du teint, du visage.
18 Un temps viendra qui fera dessécher
Jaunir, flétrir votre épanie (épanouie) fleur.
Villon, le Testament, « Ballade à s'amie ».
19 Sur la lèvre de rose et d'amour parfumée,
Cueillir la douce fleur d'une haleine embaumée.
André Chénier, Poèmes, Notes et vers épars.
20 N'es-tu pas riche et beau ? du moins quand la douleur
N'avait point de ta joue éteint la jeune fleur ?
André Chénier, Bucoliques, VI.
Première fleur (→ Faute, cit. 48). || Être dans toute sa fleur.
21 (…) j'ai assez estimé cette distinction pour désirer de l'avoir dans toute sa fleur et dans toute son intégrité (…)
La Bruyère, Disc. de réception à l'Académie franç.
La fleur de quelque chose : ce qui est le plus beau, le plus agréable dans (qqch.). || Fleur de l'innocence.
22 Je ne dirai point ces choses, car l'émotion perdrait sa fleur de spontanéité sincère, à être analysée pour l'écrire.
Gide, Journal, janv. 1890.
Littér. || Dans la fleur de : au premier moment de, au moment le plus neuf, le plus pur.
23 (…) une contemporaine d'un Tilly et d'un Lauzun, et qui a pu lire, à vingt ans, Werther dans la fleur de sa nouveauté.
Émile Henriot, Portraits de femmes, p. 239.
Cour. Dans la, à la fleur de : dans tout l'épanouissement de, au moment le plus beau de. || Être dans la fleur de sa jeunesse (→ Briller, cit. 9; à l'envi, cit. 5). — ☑ Loc. Mourir à la fleur de l'âge (cit. 5).
24 J'ai perdu, dans la fleur de leur jeune saison,
Six frères, quel espoir d'une illustre maison !
Racine, Phèdre, II, 1.
25 Elle périt à la fleur de la jeunesse et de la beauté en 1790, elle pouvait avoir vingt-huit ou trente ans.
Stendhal, Vie de Henry Brulard, III.
26 (…) Edmond Burat de Gurgy, enlevé à la fleur de son âge et de son talent par une maladie de poitrine (…)
Th. Gautier, Souvenirs de théâtre, p. 129.
Absolt. || Femme dans sa fleur.
27 Et dans l'ardeur de la femme en fruit il lui faut aussi la jeunesse, la fleur ou l'enfance même.
André Suarès, Trois Hommes, « Dostoïevski », IV.
En fleur : dans la fraîcheur de l'adolescence, de la croissance (→ Accord, cit. 4).À l'ombre des jeunes filles en fleurs, roman de Marcel Proust.Espérances en fleurs. Commencement, début (→ Écouler, cit. 13).
4 Fam. et vieilli (ou plais.). Virginité. 1. Rose. || Elle a perdu sa fleur.
28 (…) cette fleur, qui avait été réservée pour le beau prince Massa-Carrara, me fut ravie par le capitaine corsaire (…)
Voltaire, Candide, XI.
Loc. vieillie. Fleur de mari : virginité préservée en vue du mariage.
28.1 Sa fille (de Vatard) ne perdrait point la tramontane et ne chopperait point dans un moment de volonté perdue (…) Libre de riboter, tant qu'elle voudrait, elle n'en eut pas l'envie, elle gardait « sa fleur de mari », très décidée à ne la laisser prendre que pour le bon motif.
Huysmans, les Sœurs Vatard, III, p. 50-51.
5 Ce qu'il y a de meilleur, de plus beau, de plus distingué… Choix, crème, élite, gratin; → Le dessus (cit. 16) du panier. || La fleur de la chevalerie, d'une civilisation, des arts (→ Couronnement, cit. 6).La fine fleur. Fin (adj.).Ne prendre que la fleur d'un sujet (→ Épuiser, cit. 11). — ☑ Vx. Avoir la fleur de quelque chose, le premier usage. Primeur.
29 Dieu garde la cour des dames où abonde
Toute la fleur et l'élite du monde.
Clément Marot, Épîtres, LIX.
30 (…) ce voisin, en automne,
Des plus beaux dons que nous offre Pomone
Avait la fleur, les autres le rebut.
La Fontaine, Fables, IX, 5.
31 Ce M. de Chédeville, un ancien beau, la fleur du règne de Louis-Philippe, gardait au fond du cœur des tendresses orléanistes.
Zola, la Terre, II, V.
32 — Ah ! Dieu, dit Charles (Charlemagne)… Conseillez-moi selon le droit et l'honneur. C'est la fleur de douce France qu'ils m'ont ravie !
J. Bédier, Trad. de la Chanson de Roland, 178, p. 185.
32.1 — Tu retardes, petite, et tu ne sais pas encore que nous nageons en pleine démocratie. D'ailleurs, si tu veux voir le bois pur de tout mélange, viens le matin, tu n'y trouveras que la fleur, la fine fleur de la société.
Maupassant, Fort comme la mort, p. 88.
33 (Paris) qui appelle continuellement à soi la fleur et la lie de la race, s'est fait la métropole de diverses libertés et la capitale de la sociabilité humaine.
Valéry, Regards sur le monde actuel, p. 142.
Fam. La fleur des pois : un homme à la mode, élégant, recherché.
Fleur de farine : farine très blanche et très fine.
34 Dieu lui-même le compose (le pain)
De la fleur de son froment.
Racine, Poésies diverses, Cantique, IV.
Chim. anc. Substances réduites en poudre et sublimées. || Fleur de chaux, de soufre, d'antimoine.
6 (Métaphore du sens 1.). Rhét. Ornement poétique. || Les fleurs du discours, du langage (→ Classer, cit. 4). || Fleurs de rhétorique : expressions poétiques conventionnelles (→ Éviter, cit. 30). || Les fleurs de l'éloquence.
35 (Ils ont) semé dans la chaire toutes les fleurs de l'éloquence (…)
La Bruyère, Disc. de réception à l'Académie franç.
36 C'était bon à la rhétorique (…) de nous piper à ses fleurs et à ses règles.
J. Paulhan, les Fleurs de Tarbes, p. 121.
———
II (1611). Par anal. (au plur.). || Fleurs de vin, de vinaigre : mycodermes qui se développent à la surface du vin, du vinaigre.
———
III (XIVe). Par ext. (inus. au sens général). La superficie d'une chose.
1 Loc. prép. À fleur de : presque au niveau de, sur le même plan ( Affleurer, effleurer). || Abattre des arbres (cit. 18) à fleur de terre.Plus cour. || À fleur d'eau. || Les rochers, les icebergs à fleur d'eau sont dangereux pour les navires.Yeux à fleur de tête, saillants, peu enfoncés dans leur orbite.Frisson à fleur de peau. Superficiel. — ☑ Fig. Sensibilité à fleur de peau : sensibilité très grande, qui réagit à la plus petite excitation. (Dans le même sens). || Nerfs à fleur de peau.
(Dans d'autres expr.; littér.). || À fleur de mémoire, etc. (→ ci-dessous, cit. 38, 39 et 40).
37 (…) au-delà, la pleine mer, où paraissent à fleur d'eau quelques îlots inhabités (…)
Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, p. 13.
37.1 Elle lui causait à fleur de peau une irritation extraordinaire (…)
Zola, Son Excellence Eugène Rougon, t. I, p. 78.
38 Des pensées presque philosophiques lui venaient à fleur d'âme sur la facilité qu'on éprouve à gouverner les hommes.
France, l'Orme du mail, XI, Œ., t. XI, p. 110.
39 (…) puisque je ramène à fleur de mémoire ces souvenirs (…)
Gide, Ainsi soit-il, p. 124.
40 Les poissons apparaissent sur l'eau et jettent un éclat bref, comme les souvenirs remontent à fleur de mémoire.
J. Renard, Journal, 23 déc. 1897.
41 (…) un pantin de laine avec de gros yeux à fleur de tête et un ventre proéminent soigneusement cousu.
P. Mac Orlan, Quai des brumes, IX.
42 Je reconnais les femmes à fleur de leurs cheveux, de leur poitrine et de leurs mains. Elles ont oublié le printemps, elles pâlissent à perte d'haleine.
Éluard, À défaut du silence.
2 (1611). Techn. Dessus, côté du poil d'une peau tannée. || La fleur d'une peau (opposé à croûte).
3 Techn. || Monnaie à fleur de coin : monnaie ancienne d'une conservation parfaite, dont l'empreinte des coins est bien visible. Coin.
DÉR. 1. Fleurage, fleuraison, fleuré, 2. fleurer, fleurette, fleuriste, fleuron.
COMP. Affleurer, effleurer, enfleurer, chou-fleur, pique-fleurs. — Fleurdeliser.
HOM. Formes des v. 1. fleurer, 2. fleurer.

Encyclopédie Universelle. 2012.