travers [ travɛr ] n. m.
• v. 1150; en traver « directement » 1080; lat. tra(ns)versus « transversal, oblique »
I ♦ (En loc.)
1 ♦ EN TRAVERS : dans une position transversale par rapport à un axe de position ou de direction habituel. ⇒ transversalement. Sur le lit « il vit l'habillement qu'on lui avait vu la veille, posé en travers en façon de couvre-pied » (Balzac). En travers de... Il gisait, « les bras écartés, en travers du lit » (Martin du Gard). Fig. et littér. Se mettre, se jeter en travers de : s'opposer, faire obstacle à. « Il ne faut pas, pour nos goûts personnels, [...] nous mettre en travers de ce que fait notre temps » (Renan).
♢ (XVe; « de travers » XIIe) À TRAVERS : par un mouvement transversal d'un bout à l'autre d'une surface ou d'un milieu qui constitue un obstacle. À travers qqch. ⇒ entre, milieu (au milieu de), 1. par, parmi. Passer à travers champs, à travers la foule : couper, traverser. La troupe « escalade le talus de la berge à travers les broussailles épineuses » (Le Clézio). « De tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes » (Baudelaire). Voir, distinguer à travers un verre, à travers le prisme de... « Quels cheveux sans couleur... On dirait que le jour passe à travers » (Stendhal). — Fig. À travers les âges. « l'art ne naît de la vie qu'à travers un art antérieur » (Malraux).
♢ (v. 1210) AU TRAVERS : en passant d'un bout à l'autre; de part en part. « Lunettes noires ou mélancolie éteignent les couleurs du monde; mais, au travers, le soleil et la mort se peuvent regarder fixement » (Cocteau). Fig. Passer au travers : échapper à un danger, à une punition. — Au travers de... : en passant de part en part (d'un obstacle). « Elle regardait au travers de la grille blonde de ses cils » (Huysmans).
2 ♦ Mar. EN, PAR LE TRAVERS : perpendiculairement à l'axe longitudinal du navire. Apercevoir un phare par le travers. Bâtiment en travers, que le vent, le courant frappe sur le côté. « Les deux bâtiments s'approchent [...] , se mettent en travers » (Chateaubriand). — Être travers à la lame : présenter le côté du navire à la lame.
3 ♦ Loc. adv. (v. 1150) DE TRAVERS : dans une direction, une position oblique par rapport à la normale; qui n'est pas droit, qui est placé ou dirigé autrement qu'il ne faut. Avoir le nez, les dents de travers. ⇒ dévié. Mettre sa casquette de travers, sur l'œil (cf. De guingois, de traviole). Un peu, tout de travers. Avaler de travers. Les maisons « s'éparpillent joyeusement dans la plaine, sans ordre et tout de travers » (Hugo), en désordre. Les paysans « tous ivres, vont de travers, de gauche à droite, de droite à gauche » (Jouhandeau).
♢ Fig. Regarder qqn de travers, avec animosité, suspicion. — Raisonner, comprendre, entendre de travers, tout de travers. ⇒ 2. mal. « Encore un qui fait de travers ce qu'il pourrait faire comme il faut » (Supervielle).
4 ♦ À TORT ET À TRAVERS.
II ♦ UN, DES TRAVERS.
A ♦ (1545) Vieilli Étendue transversale, largeur. Un travers de doigt. Mod. Travers de porc : extrémité des côtes, coupées en travers. Mar. Vent de travers, perpendiculaire à la route suivie par un bateau.
B ♦ (1637) Mod. Léger défaut (d'une personne). ⇒ imperfection. « Elle avait de grandes qualités, malgré ses travers » (Martin du Gard). « Montrer les travers, les ridicules et les tares humaines, pour nous en faire rire » (Léautaud).
● travers nom masculin (latin traversus, variante de transversus, placé en travers) À travers (quelque chose), en traversant quelque chose dans son étendue ou son épaisseur : Marcher à travers la campagne. Voir à travers la vitre. Familier. Passer à travers (quelque chose), passer au travers, éviter de subir quelque chose de fâcheux, de pénible : Passer au travers d'une corvée. Voir, juger à travers quelque chose, se former une opinion en se référant strictement à une doctrine, à la pensée de quelqu'un. Au travers (de quelque chose), en traversant quelque chose de part en part : Il est passé au travers des dangers ; par l'intermédiaire de quelque chose : Au travers de cette allégorie, on perçoit la leçon de morale. De travers, de façon oblique, irrégulière : Un clou planté de travers ; de façon fausse, inexacte, dans de mauvaises dispositions : Mes propos ont été interprétés de travers. Aller de travers, ne pas se passer comme il faut. Avaler de travers, laisser pénétrer dans la trachée un peu de nourriture ou de boisson par suite d'un faux mouvement de la déglutition. Prendre quelque chose de travers, s'en irriter, s'en choquer. Regarder quelqu'un de travers, manifester à son égard de l'antipathie. En travers (de quelque chose), dans une position transversale par rapport à l'axe de quelque chose, à la direction d'un mouvement ; se dit de la position d'un bâtiment dont la direction de la quille est perpendiculaire à celle du vent, du courant ou d'un objet donné. Se mettre en travers de quelque chose, en travers de la route de quelqu'un, s'y opposer, y faire obstacle. ● travers (difficultés) nom masculin (latin traversus, variante de transversus, placé en travers) Construction 1. À travers :vous pouvez couper à travers le bois par un chemin forestier. Recommandation Ne pas employer à travers avec de (couper à travers de la forêt), sauf s'il s'agit de l'article indéfini ou partitif : « Le chemin contournait le village à travers des prairies »(Fr. Mauriac). 2. Au travers de :« Des routes rares et mal entretenues le relient à la capitale au travers d'une région à demi désertique »(J. Gracq). Recommandation Ne pas employer au travers sans de (au travers une région désertique). Remarque On considérait naguère que au travers de comportait une idée de difficulté, d'obstacle à vaincre que n'impliquait pas à travers. Ainsi disait-on : ils progressaient au travers d'une jungle épaisse mais marcher à travers champs. Cette nuance est de moins en moins sentie de nos jours. Registre Passer au travers, employé absolument au sens de « échapper à un danger, à des difficultés », est familier : tout le monde a eu la grippe, mais lui est passé au travers. ● travers (expressions) nom masculin (latin traversus, variante de transversus, placé en travers) À travers (quelque chose), en traversant quelque chose dans son étendue ou son épaisseur : Marcher à travers la campagne. Voir à travers la vitre. Familier. Passer à travers (quelque chose), passer au travers, éviter de subir quelque chose de fâcheux, de pénible : Passer au travers d'une corvée. Voir, juger à travers quelque chose, se former une opinion en se référant strictement à une doctrine, à la pensée de quelqu'un. Au travers (de quelque chose), en traversant quelque chose de part en part : Il est passé au travers des dangers ; par l'intermédiaire de quelque chose : Au travers de cette allégorie, on perçoit la leçon de morale. De travers, de façon oblique, irrégulière : Un clou planté de travers ; de façon fausse, inexacte, dans de mauvaises dispositions : Mes propos ont été interprétés de travers. Aller de travers, ne pas se passer comme il faut. Avaler de travers, laisser pénétrer dans la trachée un peu de nourriture ou de boisson par suite d'un faux mouvement de la déglutition. Prendre quelque chose de travers, s'en irriter, s'en choquer. Regarder quelqu'un de travers, manifester à son égard de l'antipathie. En travers (de quelque chose), dans une position transversale par rapport à l'axe de quelque chose, à la direction d'un mouvement ; se dit de la position d'un bâtiment dont la direction de la quille est perpendiculaire à celle du vent, du courant ou d'un objet donné. Se mettre en travers de quelque chose, en travers de la route de quelqu'un, s'y opposer, y faire obstacle. ● travers nom masculin (de travers) Bizarrerie de l'esprit ou du caractère ; petit défaut. Maniement du bœuf pratiqué en plaçant le pouce dans le creux du flanc et en posant à plat les autres doigts sur la région du rein. Bande de 4 à 5 cm de large détachée sur le bord de la longe de porc. Dans un produit métallurgique, sens perpendiculaire à celui de la déformation mécanique par travail à chaud ou à froid. Côté d'un navire. ● travers (expressions) nom masculin (de travers) Par le travers, dans une direction perpendiculaire à l'axe longitudinal d'un navire. Vent de travers, vent soufflant perpendiculairement à la route suivie.
travers
n. m.
rI./r n. m.
d1./d MAR Direction perpendiculaire à celle suivie par le navire. Vent de travers.
d2./d Petit défaut ou bizarrerie (de l'esprit, de l'humeur). Les travers de son caractère.
rII./r Loc. adv. et Prép.
d1./d à travers (qqch): au milieu de, par un mouvement qui traverse d'un bout à l'autre (une surface, un espace). Courir à travers champs. Regarder à travers la vitre.
— (Espace de temps.) à travers les siècles.
— Fig. à travers son sourire perçait une colère contenue.
d2./d Au travers (de): d'un bout à l'autre, en traversant de part en part. Avancer difficilement au travers de la foule.
|| Fig. Passer au travers (de): échapper (à).
d3./d En travers de: dans une position transversale, par rapport à l'axe (d'un objet) ou à la direction habituelle. Barrage de troncs d'arbres placés en travers de la chaussée.
|| Fig. Se jeter, se mettre en travers de: empêcher l'accomplissement de, s'opposer à.
d4./d De travers: obliquement, dans une position ou une direction qui n'est pas droite, pas normale. Marcher de travers.
|| Fig. Mal, autrement qu'il ne faudrait. Il comprend tout de travers.
— Regarder qqn de travers, avec malveillance, animosité ou méfiance.
d5./d à tort et à travers: inconsidérément.
⇒TRAVERS, subst. masc.
I. — Étendue d'un corps, d'un espace, envisagée perpendiculairement à sa plus grande dimension (longueur ou hauteur), et qui constitue l'épaisseur, la largeur ou la profondeur de ce corps; distance correspondant à cette étendue. Il faudrait encastrer une bande de fer sur le travers de cette porte (JOSSIER 1881). De temps en temps, une voix se faisait entendre d'un travers de rue à l'autre (SAND, Péché de M. Antoine, t. 1, 1845, p. 7).
— Locutions
♦ Un travers de doigt, de main. (Étendue correspondant à) la largeur d'un doigt, d'une main. L'aspect de la blessure [du roi] (...) d'environ trois travers de doigt, les rassura [les chirurgiens] pleinement (BALZAC, Œuvres div., t. 1, 1830, p. 541). La partie inférieure de l'anse en U [de l'appareil d'extension] passe à un travers de main au-dessous de la plante du pied (JUDET, Fractures membres, 1948, p. 16).
♦ D'un travers à l'autre (région. (Canada)). De part en part Regarde-moi donc: j'suis mouillé quasiment d'un travers à l'autre! (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 134).
A. — [Pour désigner l'étendue, la direction, la partie transversale d'une chose, p. oppos. à sa longueur, à son étendue longitudinale]
1. Chemin permettant de couper perpendiculairement un lieu; traverse. M. Richard a pris le travers de la forêt (A. DAUDET, Pte paroisse, 1895, p. 260).
2. Spécialement
a) BOUCHERIE
) Partie musculaire située dans la région lombaire du bœuf, du mouton, entre la dernière côte et la partie antérieure du bassin. Synon. aloyau (pour le bœuf). Le travers ou l'aloyau. Cet endroit est indispensable à consulter [chez les bovins]. Son maniement permet d'apprécier l'épaisseur des plans musculaires situés au-dessus et au-dessous des apophyses transverses des vertèbres lombaires. (...) Pour les ovins, le travers est un maniement très important. Il permet d'apprécier l'état d'engraissement mais aussi le développement des muscles du rein (Boucher-charcutier, Paris, Delachaux, Niestlé, Spes, t. 1, 1980, p. 83).
) Travers de porc. Découpe transversale effectuée dans la partie haute des côtes du porc. Synon. haut(-)de(-)côtelette. Travers de porc laqué. Dans la cuisine américaine, morceaux de travers de porc (hauts de côtes) grillés au barbecue, après avoir macéré dans un mélange de sauce soja, de ketchup, de sucre et de gingembre (COURTINE Gastr. 1984, s.v. spare ribs).
b) MARINE
) Travers (d'un bâtiment, d'un navire, ...). Côté, axe transversal d'un bâtiment, d'un navire. Travers babord, tribord. Le navire, qui présentait le travers à la lame, roulait beaucoup (MALOT, R. Kalbris, 1869, p. 215).
) Direction perpendiculaire au cap d'un navire, à la route qu'il suit. Le commandant fit donc tenir le travers, afin de mettre garnison à bord du brick pour pouvoir continuer de donner la chasse à la goëlette (SUE, Atar-Gull, 1831, p. 27).
) Direction perpendiculaire au sens du courant. Prendre le travers du courant. Ses mâts craquant sous la folie de la toile ivre de brise, elle [la barque] fila dans le travers des lames (HAMP, Marée, 1908, p. 34).
c) RELIURE. Filet doré gravé horizontalement sur le dos d'un livre relié. (Dict. XIXe et XXe s.).
d) SPORTS
) AUTOMOB. Fait, pour une voiture, de déraper, de se mettre en travers de la route. Abordant ce virage de plus en plus vite, il finit par un splendide travers (L'Équipe, 26 sept. 1970 ds PETIOT 1982).
) ÉQUIT. Faire un travers. Synon. de appuyer tête au mur. (Ds PETIOT 1982).
) TENNIS. Chacune des cordes transversales d'une raquette. Des cordes de boyaux de mouton sont tendues sur le cadre [de la raquette], les unes verticales (montants), les autres horizontales (travers) qui passent alternativement sur et sous les montants (PETIOT 1982, s.v. raquette).
e) TECHNOLOGIE
) BÂT. ,,Bande de marbre qui supporte la tablette d'un chambranle de cheminée et qui elle-même est supportée par les deux montants`` (JOSSIER 1881; dict. XIXe et XXe s.).
) MÉTALLURGIE
♦ ,,Amélioration de la résistance d'un acier laminé dans le sens de l'allongement, au détriment de la résistance transversale`` (PEYROUX Techn. Métiers 1985).
B. — 1. Vieilli. Irrégularité, déviation, tracé défectueux d'un bâtiment, d'une construction, d'un lieu. Il y a bien du travers dans ce bâtiment (Ac. 1798-1878).
2. Au fig. Léger défaut d'une personne, se manifestant dans son comportement. Travers d'esprit; donner, tomber dans un/des travers; plaisanter des petits travers de qqn. Un pastiche de ce journal dans une revue. C'est drôle sans méchanceté et cela m'a fait rire. J'ai reconnu beaucoup de mes travers et de mes tics, mais l'auteur ne me connaît pas bien (GREEN, Journal, 1955, p. 136):
• 1. ... la règle que je me suis faite de varier mes petites compositions, et de faire succéder, autant que je puis, une esquisse légère de nos goûts, de nos plaisirs, de nos travers ou de nos ridicules, à la peinture plus sérieuse de nos vertus, de nos malheurs ou de nos vices...
JOUY, Hermite, t. 4, 1813, p. 297.
II. — À travers, loc. prép. et adv.
A. — Loc. prép. En parcourant, en franchissant, en pénétrant quelque chose.
1. [Le compl. prép. est d'ordre spatial]
a) [L'idée dominante est celle de la pénétration d'un corps de part en part] Piquer une aiguille à travers une étoffe. J'ai reçu un coup d'épée dans la poitrine et un coup de dague à travers le bras (DUMAS père, Reine Margot, 1847, II, 4, p. 67).
b) [L'idée dominante est celle d'un mouvement, d'un déplacement, d'un parcours transversal d'un bout à l'autre d'un endroit, d'un milieu, d'une surface] Aller, marcher... à travers une chambre, une pièce, des couloirs, un jardin, un parc, des allées, des rues, la forêt, les champs, les bois, les prés, la campagne, la ville; voyager à travers la France, l'Europe, le monde; voler à travers les airs. On pouvait, ainsi que Platon l'indique assez positivement, chercher le beau à travers le monde, par le moyen du monde, dans le monde; l'extraire du monde, et le renvoyer au monde (P. LEROUX, Humanité, 1840, p. 78). Bernard dormait longtemps; le soir, il allait rôder à travers Paris (NIZAN, Conspir., 1938, p. 162).
) [Dans un cont. métaph.] L'annonce officieuse de son prochain mariage faisait déjà courir à travers les salons bien pensants un petit rire (BERNANOS, Joie, 1929, p. 629).
) [Dans des expr. souvent figées, avec ell. de l'art. déf.] À travers bois. Esquinté par treize jours de marche à travers monts et combes, presque mort de soif, il était arrivé sac au dos aux pierrières de la Grésigne (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 123). Ces marches de nuit, ces longs détours à travers champs et prés pour éviter le moindre village (AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p. 225).
c) [L'idée dominante est celle d'un obstacle à franchir] Se faufiler à travers la foule. Les défenseurs des barricades, à l'approche du cortège, écartaient pavés, tonneaux, voitures, pour ouvrir, à travers les obstacles, un passage au blessé (A. FRANCE, Pt Pierre, 1918, p. 186). Pour atteindre le boulevard Montparnasse, j'ai dû me frayer un chemin à travers les couples dansants (MAURIAC, Nœud vip., 1932, p. 202).
— [Dans un cont. métaph.] Cette méfiance lui permettrait de tirer toujours son épingle du jeu, de glisser, insaisissable, à travers les plus dangereuses aventures (PROUST, Sodome, 1922, p. 1034).
) [Le compl. désigne un corps, un objet, un ensemble de choses présentant des interstices, des espaces vides] Synon. entre. Regarder à travers ses cils, à travers les fentes du volet. Mon homme achète deux perdrix, qu'il met dans sa carnassière, et dont il a grand soin de faire sortir les pattes à travers les mailles du filet (JOUY, Hermite , t. 4, 1813, p. 186). Les enfants vinrent pépier autour de sa cage (...) lui passant à travers les barreaux de petits morceaux de biscuit et de gâteau (PERGAUD, De Goupil, 1910, p. 217).
— Loc. fig. Passer à travers les mailles (du filet). V. maille1.
) [Le compl. désigne un corps, un objet, une matière constituant un écran, un obstacle à la vue, à l'ouïe, au toucher] Écouter à travers la cloison, la porte; regarder à travers la vitre, les rideaux. [Le perroquet] tâchait toujours de le pincer [le garçon boucher] à travers sa chemise (FLAUB., Cœur simple, 1877, p. 53). Il se rappelait parfois qu'il avait, bien des années auparavant, essayé un jour de lire à travers l'enveloppe une lettre adressée par Odette à Forcheville (PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p. 523).
— [Dans un cont. métaph.] Je refermai ce livre dont les caractères m'apparaissaient vides de sens à travers le voile de mes doutes (DUMAS fils, Dame Cam., 1848, p. 233).
) [Le compl. désigne une réalité non tangible perçue comme un obstacle à franchir] Marcher à travers le brouillard, l'obscurité, les ténèbres. Nous étions à cet instant deux chasseurs lancés à travers la nuit (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 62).
— Loc. fig. Lire à travers les lignes. Découvrir un sens caché à un texte, p. ext. à une réalité quelconque. Synon. lire entre les lignes (v. lire1 I B 3). À travers les lignes du même texte, que déchiffrait Van Gogh, Cézanne lit la sûreté de construction du travail plutonique. « Pour bien peindre un paysage, je dois découvrir d'abord les assises géologiques » (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 93).
2. P. anal. [Le compl. prép. est d'ordre temporel] D'un bout à l'autre d'une certaine période, d'un certain laps de temps. Remonter, voyager à travers l'histoire, les siècles, le temps. Ces saintes douairières (...) mortellement haineuses, n'avaient jamais voulu parler la langue des conquérants, passées, sans contact, à travers plusieurs générations, ces bonnes vieilles hablaient toujours la divine langue castillane (BOREL, Champavert, 1833, p. 105). Les mythes sont la manifestation de la spiritualité à travers les âges (DURRY, Nerval, 1956, p. 80).
3. Au fig.
a) En dépit de, malgré (une difficulté, un obstacle). Ce n'est (...) pas assez de la décréter [l'action voulue] ni même de la produire; il en faut étudier la production à travers les obstacles ou les résistances (BLONDEL, Action, 1893, p. 144). Le travail de modelage intérieur auquel depuis vingt ans, à travers tant d'alternatives, d'échecs et de partielles réussites, je me reprends sans cesse (DU BOS, Journal, 1927, p. 239).
b) Par le biais, l'intermédiaire de quelqu'un, quelque chose; en se référant à quelqu'un, quelque chose. Ce soir visité l'horrible énormité de Saint-Pierre. Je vois Rome à travers Stendhal, malgré moi (GIDE, Journal, 1895, p. 65):
• 2. ... à travers les citations, les énumérations précises, les faits qui ne tiennent qu'une place relative, il lui faut [à l'historien] conserver cette chaleur qui anime le récit et en fait autre chose qu'un extrait de gazette.
DELACROIX, Journal, 1850, p. 393.
B. — Loc. adv. D'un bout à l'autre; de part en part. Une espèce de cabane dans le genre des constructions que les enfants exécutent avec des feuilles de carton, des murs de crépi et un toit rouge, rien de plus insolemment ouvert et banal, on voit à travers (CLAUDEL, Convers. Loir-et-Cher, 1935, p. 77).
III. — Au travers (de), loc. prép. et adv.
A. — Loc. prép. En franchissant, en pénétrant quelque chose.
1. [Le compl. prép. est d'ordre spatial]
a) [L'idée dominante est celle de la pénétration d'un corps de part en part] Un pêcher n'est pas mieux défendu qui pousse au travers d'un figuier de Barbarie (CLAUDEL, Soulier, 1944, 1re part., 1re journée, 2, p. 948).
b) [L'idée dominante est celle du franchissement, d'un bout à l'autre, d'un endroit, d'un milieu, dans lesquels existent généralement des obstacles] Aller, marcher au travers des fourrés, des ronces; passer au travers des balles, des lignes ennemies. Ce fleuve coulait lentement au travers d'une majestueuse forêt (SUE, Atar-Gull, 1831, p. 4). Chouteau devait avoir entendu les paroles de Maurice, son plan de fuite au travers d'un taillis (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 472).
) [Dans un cont. métaph.] Et ma vie solitaire, rêveuse, poétique, marchait au travers de ce monde de réalités, de catastrophes, de tumultes, de bruit (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 3).
) [Le compl. désigne un corps, un objet constituant un écran, un obstacle à la vue, à l'ouïe, au toucher] Écouter au travers d'un mur. Je le trouvai considérant avec la plus grande attention au travers d'une fiole remplie d'un liquide bleuâtre (TOEPFFER, Nouv. genev., 1839, p. 145). Elle n'entendait plus que ces coups précipités du tambour au travers d'un épais coussinet (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 221).
) [Le compl. désigne une réalité non tangible, perçue comme un obstacle à franchir] Je conduirai les Natchez, et les mènerai, au travers des ombres, à l'escalade du fort (CHATEAUBR., Natchez, 1826, p. 486).
2. P. anal. [Le compl. prép. est d'ordre temporel] D'un bout à l'autre (d'une certaine période). Les chefs d'œuvre immortels s'avancent en silence au travers des siècles à venir (STENDHAL, Hist. peint. Ital., t. 2, 1817, p. 235).
3. Au fig.
a) En dépit de, malgré (une difficulté, un obstacle). Il venait pourtant de sauver encore Maurice, puisque c'était lui qui l'avait rapporté là, au travers de tant de dangers (ZOLA, Débâcle, 1897, p. 619).
b) Par le biais, l'intermédiaire de quelqu'un, quelque chose. La musique concrète va se manifester au travers d'une série de transformations brutales dont le seul parallèle possible se trouve dans la peinture, et ce depuis l'impressionnisme (SCHAEFFER, Rech. mus. concr., 1952, p. 192).
B. — Au travers, loc. adv. En parcourant, en pénétrant (un corps, un objet, une matière) de part en part. Je trouve une porte (...) je pousse de toutes mes forces, et vlan! je passe au travers (DUMAS père, L. Bernard, 1843, III, 8, p. 251). La Révolution s'en est prise aux lieux célèbres: les souvenirs du passé sont obligés de pousser au travers et de reverdir sur des ossements (CHATEAUBR., Mém., t. 2, 1848, p. 68).
— Loc. fig.
♦ Aller tout au travers. Progresser tant bien que mal. Quant au style [de Benjamin Constant dans ses premières lettres], il est ce qu'il peut, il n'est pas formé encore, mais l'esprit va son train tout au travers (SAINTE-BEUVE, Portr. littér., t. 3, 1844, p. 191).
♦ Passer au travers (fam.). V. passer1 1re Section I B 1 a.
En partic. Manquer une affaire, une rémunération; ne pas avoir sa part dans une distribution. (Ds ESNAULT, Notes compl. Poilu, [1919] 1956 et CARABELLI, [Lang. fam.], s.d.).
IV. — De travers (à), loc. prép., adj. et adv.
A. — Loc. prép., MAR. (Naviguer) de travers à la lame, au vent. Naviguer perpendiculairement à la direction de la lame, du vent. (Ds MERRIEN 1958).
B. — Loc. adj. [Le subst. désigne une partie du visage] Dévié, tordu. Avoir la bouche de travers. Ses yeux luisaient de reconnaissance; son nez de travers semblait tout attendri (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 86). Le vieux rigolait de son œil de travers, sous un sourcil tellement touffu qu'il semblait postiche (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p. 521).
C. — Loc. adv.
1. (Qui est placé, situé) dans une position déviée, oblique par rapport à la normale, d'une manière non conforme à ce qui est attendu; qui n'est pas d'aplomb, d'équerre. Synon. de biais, de côté, de guingois, de traviole (pop.). Aller, marcher de travers; poser du papier peint de travers. Tous les buveurs du dimanche, portant de travers leur feutre large, étaient attablés devant les portes (LOTI, Mon frère Yves, 1883 p. 54):
• 3. ... deux gamins s'accroupissent sur une planche supportée par quatre roues hautes de trois doigts; les camarades poussent, appuyés à la planche et au chargement; avec un formidable vacarme de cris et de roulement, le traîneau, mené de travers, heurte les boutiques ou verse sur la chaussée.
FRAPIÉ, Maternelle, 1904, p. 66.
a) [Précédé de l'adv. tout renforçant la loc.] Fô, que l'or noir des tisanes Enivre, ou bien ses vers, Chante, et s'en va tout de travers Entre deux courtisanes (TOULET, Contrerimes, 1920, p. 16).
b) Loc. fam.
♦ Avaler de travers. Laisser pénétrer involontairement, sous l'effet de la surprise ou de la contrariété, une petite quantité de boisson ou de nourriture dans sa trachée. Julie devint écarlate. Elle avala de travers son morceau de brioche (DABIT, Hôtel Nord, 1929, p. 164).
♦ (Avoir toujours un) pet de travers.
♦ Mettre/avoir mis son bonnet de travers.
2. Au fig.
a) [Accompagnant des verbes ou des loc. verb. indiquant une opération de l'esprit] D'une manière inexacte, contraire au bon sens. Comprendre, interpréter, raisonner, répondre de travers. Très intelligent, d'un esprit éveillé, il devinait plus qu'il ne comprenait; il devinait souvent de travers; il était le premier à rire de ses bévues (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p. 1499).
— [Précédé de l'adv. tout renforçant la loc.] Dans cet énivrement de joie, il prit son violon, et en joua tout de travers (SAND, Consuelo, t. 2, 1842-43, p. 315). Je m'y prenais tout de travers, laissant voir ma partialité, accumulant les exagérations et les invraisemblances (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p. 318).
b) [Accompagnant des verbes indiquant le déroulement d'une action] Aller, marcher... de travers. Ne pas se passer comme il convient, comme on l'espère. Depuis que ce mirliflor a mis le pied dans ma maison, tout y va de travers (BALZAC, E. Grandet, 1834, p. 116). Mon père et ses amis parlaient inlassablement de politique et je savais que tout allait de travers (BEAUVOIR, Mém. j. fille, 1958, p. 227).
c) [Accompagnant des verbes ou des loc. verb. traduisant un comportement, un propos, un regard] En manifestant de l'animosité, de l'hostilité. Jeter, lancer un mot, une parole, un regard de travers. S'il m'avait seulement répondu de travers, je l'aurais fichu dehors, il n'y a pas de curé qui tienne! (BERNANOS, Crime, 1935, p. 817):
• 4. Kléber se mit à rire dans l'épaule de Menou, au point de lui faire verser son verre sur un vieil aga, et Bonaparte les regarda tous deux de travers, en fronçant le sourcil. (...) il avait raison (...) en présence d'un général en chef, un général de division ne doit pas se tenir indécemment, fût-ce un gaillard comme Kléber...
VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p. 150.
Prendre (qqc.) de travers. Se fâcher, se vexer pour des actes, des propos généralement mal interprétés. Il employa son esprit à laisser entrevoir son trouble sans être ridicule. Si elle prend la chose de travers, se disait-il, je me perds à jamais (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 96).
V. — En travers (de), loc. prép. et adv.
A. — [L'idée dominante est celle d'une direction, d'une position d'un corps, d'un objet transversale par rapport à la normale ou par rapport à un autre corps ou objet pris comme référence] Le cadavre du comte se trouvait dans la ruelle du lit, presque en travers, le nez tourné vers les matelas (BALZAC, Gobseck, 1830, p. 434). Il avait mis sa carabine en travers de ses genoux, il s'est assis (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 214).
♦ En long, en large et en travers. Dans tous les sens; au fig., fam., sous tous les aspects. Parcourir des souterrains en long, en large et en travers. Il expliqua en long, en large et en travers les circonstances dans lesquelles il avait pris la stoppeuse à son bord (J. VAUTRIN, Billy-Ze-Kick, Paris, Mazarine, 1980 [1974], p. 137).
— MAR. (Être, se mettre, tomber...) en travers ou en travers à/de (la houle, la lame, le vent). À cause de ce danger de tomber en travers à la lame, on n'aurait pas pu s'arrêter (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 134). Pendant la nuit nous constatâmes la présence d'un courant violent qui malgré la forme du vent maintenait notre bâtiment en travers (CARCOT, Rapp. prélim. camp. « Pourquoi-Pas? », 1934, p. 9).
B. — [L'idée dominante est celle d'un corps, d'un objet dont la position constitue une gêne, un obstacle] Laisser une voiture en travers de la chaussée. Je mets ma lance en travers, de façon à barrer la rue, si bien que, de prime abord, les camarades furent arrêtés (MÉRIMÉE, Carmen, 1845, p. 36). La souche noire (...) restait là, dans mes yeux, comme un morceau trop gros reste en travers d'un gosier (SARTRE, Nausée, 1938, p. 168).
1. [Dans un cont. métaph.] Cela lui reste en travers du gosier. Pour lui, jamais rien ne représenterait plus tragiquement le passé que la dépouille de cet être omnipotent qu'il avait toujours trouvé en travers de sa route (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1306):
• 5. L'idée de démolition nous préoccupe et nous aveugle. Le christianisme, par exemple, n'est plus aujourd'hui qu'un barrage, une pyramide en travers du chemin, une montagne de pierres qui entrave les constructions nouvelles. A-t-on mal fait pour cela de bâtir la pyramide?
RENAN, Avenir sc., 1890, p. 383.
2. Au fig. [L'idée dominante est celle d'une action menée pour contrecarrer qqc., pour faire opposition à l'exécution de qqc.] Tout allait comme sur des roulettes [pour le canal de Gibraltar], quand les Anglais sont venus se mettre en travers (AUGIER, Contagion, 1866, p. 371). Le père se dressait en travers de l'avenir. Une même idée les effleura: « Comme tout s'arrangerait, si subitement... » (MARTIN DU G., Thib., Cah. gris, 1922, p. 716).
VI. — Par le travers (de), loc. prép. et adv.
A. — Loc. prép. Dans une direction perpendiculaire à quelque chose. Synon. en travers (de). Le vaisseau se trouvait par le travers de l'île de Corse (STENDHAL, Armance, 1827, p. 301). Tous ceux qui ont descendu la vallée du Rhône ont remarqué, aux approches de Valence, une montagne de forme conique (...) Isolée, presque insolente, elle se campe par le travers de la vallée (VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 268).
— Au fig. Par le biais, l'intermédiaire de quelque chose. Synon. à travers, au travers (de). Univers inconnaissable par les moyens actuels de la science, nous l'atteignons par le travers des mots, par cette méthode de connaissance qui s'appelle la poésie, et nous gagnons ainsi des années et des années sur le temps ennemi des hommes (ARAGON, Crève-cœur, 1941, p. 75).
B. — Loc. adv., MAR. Perpendiculairement à l'axe longitudinal d'un navire. Voilà le grain qui nous prend par le travers, il s'agit de tenir la barre (MÉRIMÉE, Jaquerie, 1828, p. 382). Le navire s'incline malgré l'abri des hautes terres situées devant nous, recevant la brise par le travers (BELLOT, Voy. mers polaires, 1863, p. 132).
REM. Travers-banc, subst. masc., mines. Galerie horizontale au rocher, creusée pour recouper perpendiculairement les veines de charbon. Pour reconnaître le gisement à un niveau inférieur au point le plus bas de l'affleurement, on sera obligé de percer une galerie (...) dite travers-banc (HATON DE LA GOUPILLIÈRE, Exploitation mines, 1905, p. 34).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. En travers a) ca 1100 en traver « par un chemin de traverse » (Roland, éd. J. Bédier, 3239); b) 1160-74 en travers « de part en part » (WACE, Rou, éd.A. J. Holden, III, 8273); 1885 fig. ça me reste en travers (ZOLA, Germinal, p. 1231); c) 1691 mar. « se dit de la position d'un bâtiment dont la direction de la quille est perpendiculaire à la direction du vent ou du courant » (OZANAM, p. 278); 1771 mar. mettre en travers (BOUGAINVILLE, Voy., II, p. 315 ds LITTRÉ); 1876 s'échouer en travers (Lar. 19e); d) 1829 en travers de « de manière à contrecarrer quelque chose » (DUMAS père, Henri III, I, p. 1); 1834 fig. se mettre en travers de (BALZAC, Œuvres div., t. 2, p. 669); 1861 en travers du chemin (de qqn) (AUGIER, Effrontés, pp. 373-374); e) 1847 « dans une position transversale par rapport à l'axe de l'objet considéré » (MÉRIMÉE, A. Guillot, p. 90); 2. à travers a) 1160-74 a travers (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, 1531); b) id. travers les chans (ID., ibid., III, 4467); 1606 à travers les champs (NICOT); 1640 à travers champs « sans suivre de chemin particulier » (OUDIN, Curiositez); c) 1573 ils gravirent à travers les roches (GARNIER, Hippolyte, éd. W. Foerster, sujet 30, II, p. 6); 1734 envisager à travers qqc. « conformément à » (MASSILLON, Or. fun. Villars ds LITTRÉ); 1861 à travers les âges (BAUDELAIRE, L'Art romantique, éd. de Le Dantec, p. 493); 3. de travers a) ca 1155 « en travers de » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 5310); ca 1200 « d'une extrémité à l'autre dans le sens de la largeur » (Godefroy de Bouillon, 245 ds T.-L.); 1588 « dans le mauvais sens, pas en place » (MONTAIGNE, Essais, I, 25, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 139); 1850 avaler de travers (LABICHE, Fille bien gardée, 2, p. 275); b) ca 1155 prendre de travers « entendre de travers » (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 1746); 1585 prendre tout de travers « dans un mauvais sens » (N. DU FAIL, Contes d'Eutrapel, éd. J. Assézat, II, p. 254); 1611 paroles de travers « de raillerie » (COTGR.); 1666 prendre (les choses) de travers « s'en fâcher » (MOLIÈRE, Misanthrope, IV, 1); c) ca 1280 regarder qqn de travers « de côté, de biais » (GIRART D'AMIENS, Escanor, 22887 ds T.-L.); cf. 1160 regarder qqn en travers (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 1791); d) ca 1440 repondre de travers « d'une manière contraire au bon sens » (Nat. de J. C., Mystère inédit du XVe, éd. A. Jubinal, II, p. 72); 1577 aller de travers « ne pas se dérouler dans un sens favorable » (R. BELLEAU, Reconnue, II, 4 ds Œuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, II, p. 387); 1679 aller tout de travers « d'une manière qui n'est pas conforme à ce qui est ou devrait être » (Mme DE SÉVIGNÉ, Corresp., 8 nov., éd. R. Duchêne, t. 2, p. 729); e) 1671 avoir l'esprit de travers « être peu intelligent » (LA ROCHEFOUCAULD, Maximes, 318 ds LITTRÉ); 4. au travers de ca 1210 « d'une extrémité à l'autre dans le sens de la largeur » (Folque de Candie, éd. O. Schultz-Gora, 10477); 1561 « au milieu de, parmi » (J. GREVIN, L'Olympe, éd. L. Pinvert, p. 281); 1667 « par l'intermédiaire de quelque chose » (RACINE, Britannicus, II, 2); 5. au travers ca 1225 « d'une extrémité à l'autre dans le sens de la profondeur » (RENCLUS DE MOLLIENS, Miserere, éd. A. G. Van Hamel, XCVI, 5); ca 1280 « de côté » (GIRARD D'AMIENS, Escanor, 9085); ca 1393 « à travers » (Ménagier, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, 223, 5); 6. a tort et a travers a) ca 1200 venir de tort en travers « venir se mettre en travers (du chemin de quelqu'un) » (Escoufle, 6228 ds T.-L.); ca 1316 a tort et a travers (GEFFROY DE PARIS, Chron. métrique, éd. A. Diverrès, 2763); b) 1511 parler à tort, à travers « sans réfléchir », « à mauvais escient » (P. GRINGORE, Le jeu du prince des sotz et mere sotte, éd. A. de Montaiglon et C. d'Héricault, I, p. 223). B. Subst. masc. 1. a) ca 1210 « chemin de traverse » (Folque de Candie, éd. O. Schultz-Gora, 8534); 1389-92 « étendue transversale d'un corps d'une extrémité à l'autre » (Compt. de Nevers, CCL, f° 35 r°, A. Nevers ds GDF. Compl.); 1585 travers de doigt (PARÉ, Œuvres, XVI, 27, éd. J.-Fr. Malgaigne, t. 2, p. 575); b) 1563 « distance représentée par la largeur ou l'épaisseur de quelque chose » (B. PALISSY, Recepte, p. 83); c) 1680 « filet doré placé sur le dos d'un livre relié », « corde transversale d'une raquette » (RICH.); d) 1704 mar. par le travers « parallèlement au flanc d'un navire » (25 août, Dossier du Comte de Toulouse, Arch. de la mar. ds JAL 1848); 1952 vent de travers (GRUSS); e) 1878 bouch. (Lar. 19e Suppl.); f) 1970 automob. « mise en travers d'une voiture » (L'Équipe, 26 sept. ds PETIOT 1982); 2. a) 1637 « défaut, imperfection d'une personne » (CORNEILLE, Lettre apolog. ds LITTRÉ); 1828-29 donner dans le travers « tomber dans l'inconduite » (VIDOCQ, Mém., t. 3, p. 411); 1906 donner dans ce travers (GIDE, Journal, p. 211); b) 1694 « défaut de ce qui n'a pas une ligne normale, de ce qui est dévié » (Ac.); 1803 « défaut de l'acier dans le canon d'un fusil » (BOISTE). Du lat. traversus, var. de transversus « oblique, transversal »; fig. « contrariant »; part. passé adj. de transvertere « tourner vers, à travers », « transformer », « détourner ». Fréq. abs. littér.:15 264. Fréq. rel. littér.:XXe s.: a) 16 300, b) 22 378; XXe s.: a) 22 313, b) 25 598. Bbg. DARM. 1877, p. 22. — QUEM. DDL t. 8, 10, 21. — REINER Doublets 1982, p. 105.
travers [tʀavɛʀ] n. m.
ÉTYM. V. 1150; en traver « directement », 1080; du lat. tra(ns)versus « transversal, oblique ».
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I Loc. adv., adj. et prép.
1 ☑ En travers : dans une position transversale par rapport à un axe de position ou de direction habituel. ⇒ Transversalement (→ Harde, cit. 5; palanquin, cit. 2; payable, cit. 2). || Coupe en travers. || La voiture s'est mise en travers de la route. — (V. 1213, « de part en part »). || En travers de qqch. (→ Branche, cit. 3; déraciner, cit. 3; épaule, cit. 9; passage, cit. 15). ☑ Fig. Se mettre, se jeter en travers de… : s'opposer, faire obstacle à… (→ Entreprise, cit. 9; scientisme, cit.).
1 Dieu conduit par la main
Le vengeur en travers de votre affreux chemin (…)
Hugo, la Légende des siècles, XV, III, XVI.
2 Il ne faut pas, pour nos goûts personnels, peut-être pour nos préjugés, nous mettre en travers de ce que fait notre temps. Il le fait sans nous, et probablement il a raison.
Renan, Souvenirs d'enfance…, Préface, Œ. compl., t. II, p. 717.
3 Il gisait, à demi-nu, les bras écartés, en travers du lit.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 14.
♦ ☑ (1458; « de travers », v. 1155). À travers : par un mouvement transversal d'un bout à l'autre d'une surface ou d'un milieu (avec l'idée d'un obstacle passé). || Passer à travers (→ Force, cit. 82). — Vx. || À travers de… (→ Éloignement, cit. 5). Mod. || À travers qqch. ⇒ Entre, milieu (au milieu de), par, parmi (→ Chemin, cit. 13). || Marcher, errer, passer à travers un champ, un bois… ⇒ Couper, croiser, pénétrer, percer, traverser (→ Course, cit. 9; distraire, cit. 16; éterniser, cit. 13). || À travers champ(s), à travers pré (→ Démêler, cit. 1; espace, cit. 11; franc-tireur, cit. 1). || Passer à travers la foule. || Lumière qui passe à travers les branches (→ Couvert, cit. 5; enchâsser, cit. 3), à travers un globe (cit. 12) de verre. || « (…) tes traîtres yeux, Brillant à travers leurs larmes » (cit. 5). || Voir, distinguer à travers les carreaux, à travers un verre… (→ Bréviaire, cit. 2; glacer, cit. 6; image, cit. 9), à travers un prisme, le prisme (cit. 4, 5 et 6) de… || « Déjà je ne vois plus qu'à travers un nuage » (cit. 9). || Une fourrure dont la caresse la réchauffait à travers sa robe (→ Boule, cit. 1). — Fig. || À travers les âges (→ Opprimer, cit. 7; résurrection, cit. 5), toute la vie (→ Exciter, cit. 7). || Aussi loin que je retourne en arrière (cit. 15) à travers ces souvenirs.
4 À travers toutes les exagérations bouffonnes, les plaisanteries souvent ordurières, perçait un sentiment vrai et profond de parfait mépris pour la femme (…)
Th. Gautier, Mlle de Maupin, V, p. 90.
5 (…) l'art ne naît de la vie qu'à travers un art antérieur.
Malraux, les Voix du silence, p. 309.
♦ ☑ (V. 1210). Au travers : en passant d'un bout à l'autre; de part en part. ⇒ Traverser (→ Cristal, cit. 3; éteindre, cit. 6; fondre, cit. 19). — ☑ Fig. (fam.). Passer au travers : échapper à un danger, à une punition; dans un autre sens (argot des joueurs) : n'avoir pas de chance, ne ramasser aucun bénéfice. — Au travers de… (→ Barreau, cit. 3; bouillon, cit. 2; dommage, cit. 5; effondrer, cit. 1; épée, cit. 4; 1. frayer, cit. 4; grille, cit. 22; minable, cit. 1). Par métaphore et fig. (→ Clair, cit. 27; couvrir, cit. 23; encourager, cit. 2; institution, cit. 18). || « Au travers de son masque (1. Masque, cit. 12) on voit à plein le traître ». — (Dans le même sens). || Il lui passa son épée par le travers du corps. ⇒ Part (de part en).
6 On regarde par une fenêtre ouverte, on observe à travers un rideau. L'idée est qu'il y a non seulement un point à passer, mais un obstacle à franchir. Les grammairiens ont prétendu réserver ce sens à au travers. La vérité est que l'on ne fait cette distinction que bien rarement : Les religieuses cloîtrées vous parlent à travers un ou au travers d'un grillage. Littré reconnaît que l'usage n'a pas accepté les règles qu'on a prétendu imposer.
F. Brunot, la Pensée et la Langue, p. 432.
7 Je vis venir à moi, dans les grands roseaux verts,
La belle fille heureuse, effarée et sauvage,
Ses cheveux dans ses yeux, et riant au travers.
Hugo, les Contemplations, I, XXI.
2 ☑ Mar. En travers, par le travers : dans une direction perpendiculaire à l'axe longitudinal du navire; sur le côté du bâtiment. || Apercevoir un phare par le travers bâbord. || Aller par le travers, dériver. — Bâtiment en travers, que le vent, le courant frappe sur le côté. || Être en travers à la lame, présenter le côté à la lame (on dit aussi : être travers à la lame). || S'échouer en travers, sur le flanc. || Vent, mer de travers, qui frappe le navire sur les côtés (→ Fatiguer, cit. 16).
8 On se découvre mutuellement à l'horizon avec la longue-vue (…) Les deux bâtiments s'approchent, hissent leur pavillon, carguent à demi leurs voiles, se mettent en travers.
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, t. I, p. 260.
3 ☑ (V. 1150). De travers (loc. adv.) : dans une direction, une position oblique par rapport à la normale; qui n'est pas droit, qui est placé ou dirigé autrement qu'il ne faut. (→ Escarpin, cit. 1). || Sa casquette de travers, sur l'œil. ⇒ Traviole (de). → Gouape, cit. 2; gris, cit. 7; humeur, cit. 40. || Avoir, mettre son bonnet de travers. || Avoir le nez de travers. ⇒ Dévié, tortu. || Avoir les yeux, regarder de travers. ⇒ Loucher (cit. 3). — ☑ Fig. Regarder qqn de travers, en lui marquant de l'animosité, du mécontentement, de la suspicion (→ 1. Frais, cit. 23; froncer, cit. 10; 1. louche, cit. 9). ⇒ Torve (œil). — ☑ Avaler de travers. — Madriers (cit. 2) qui se présentent de travers. ⇒ Biais (de). || Les maisons s'éparpillent (cit. 11) sans ordre et tout de travers. ⇒ Désordre (en).
♦ (Avec un verbe). ⇒ Mal. || Juger, raisonner de travers (→ Impunité, cit. 1; paysan, cit. 1). || Interpréter tout de travers (→ Pressentiment, cit. 3). ⇒ Contresens (à). ☑ Prendre de travers : interpréter dans un mauvais sens (→ Hérésiarque, cit. 1). ⇒ Envers (à l'). || Répondre de travers, mal, à côté (→ But, cit. 3; muet, cit. 19).
9 Prélat, bien que notre âge aille tout de travers,
Âge vraiment de fer, de meurtres et de larmes (…)
Ronsard, Sonnets divers, Pl., t. I, p. 307.
10 L'abbé divague. — Et toi, marquis,
Tu mets de travers ta perruque.
Verlaine, Fêtes galantes, « Sur l'herbe ».
11 Encore un qui fait de travers ce qu'il pourrait faire comme il faut,
Encore un qui fait un faux pas pour ne pas regarder où il doit.
Supervielle, Fable du monde, Tristesse de Dieu.
12 Les paysans, croque-morts improvisés, tous ivres, vont de travers, de gauche à droite, de droite à gauche et le cercueil, comme une galère, avance, recule, plonge, rebondit.
M. Jouhandeau, Chaminadour, Contes brefs, « Enterrement civil ».
♦ ☑ Loc. adj. Vent de travers, perpendiculaire à la route du bateau. || C'est un esprit de travers, mal tourné. → Folie, cit. 2.
4 ☑ À tort et à travers. a (1485; de tort et de travers, XIIIe; var. en anc. franç., de tort en travers, en tort et en travers). Vx. De droite et de gauche, en long et en large, dans tous les sens. || « Bourdaloue, qui frappe toujours comme un sourd, disant des vérités à bride abattue, parlant à tort et à travers contre l'adultère » (Mme de Sévigné).
13 À tort, à travers, de çà, de là, par ci, par là, de long, de large, dessus, dessous, abattait bois comme un faucheur fait d'herbes (…)
Rabelais, Gargantua, XVI.
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II (Un, des travers).
A (1545). Vieilli.
13.1 Célidée et Hippolyte sont deux voisines dont les demeures ne sont séparées que par le travers d'une rue (…)
Corneille, la Galerie du Palais, Examen.
2 Techn. Vx. Traverse.
3 Bouch. Un des maniements des bovins, formé par les muscles des vertèbres lombaires et la graisse accumulée dans le tissu qui entoure les reins. ⇒ Aloyau.
♦ Travers de porc, côtes coupées en travers (plat classique de la cuisine extrême-orientale).
4 Équit. Appuyer tête au mur, dans l'équitation allemande. || Faire un travers.
5 Autom. || Un travers, un semi-travers : mise en travers (d'une voiture).
B (1637). Mod. Défaut, imperfection (d'une personne) → Inintelligent, cit. || Elle avait de grandes qualités, malgré ses travers (→ Douer, cit. 1). || De petits travers sans gravité. || Les travers et les ridicules (1. Ridicule, cit. 9; → aussi Faute, cit. 21; fonds, cit. 16; homme, cit. 47). || Être, constituer un travers (→ Fond, cit. 45; imperceptible, cit. 8). || Critiquer les travers de qqn (→ Finement, cit. 1; perdre, cit. 30). || Donner (cit. 65) dans un travers (→ aussi Fils, cit. 6).
14 Quoique vous nommiez folies les travers d'auteur où vous vous êtes laissé emporté (…)
Corneille, Lettre apologétique.
15 Si j'étais né pour être chef d'école, j'aurais eu un travers singulier : je n'aurais aimé que ceux de mes disciples qui se seraient détachés de moi.
Renan, Dialogues et fragments philosophiques, Œ. compl., t. I, p. 686.
16 Aussi ne tarda-t-il pas à ressentir une sourde irritation des travers de ses hôtes. Ceux-ci ne cherchaient point à les déguiser. Ils étalaient tout ce qu'ils avaient d'insupportable; et le meilleur restait en eux caché.
R. Rolland, Jean-Christophe, L'adolescent, I, p. 238.
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DÉR. Traversin, traversine.
COMP. Travers-banc.
Encyclopédie Universelle. 2012.