PHOTOGRAPHIE
La perception de l’apparence du monde matériel par notre organe visuel a comme support la lumière visible ou les autres radiations électromagnétiques, rendues visibles par l’intermédiaire de phénomènes auxiliaires. L’emploi direct de l’ensemble de ces radiations à la formation d’images, aptes à être conservées et étudiées à loisir, s’appelle photographie ; monochrome à l’origine, elle reproduit à présent toutes les couleurs que nous apercevons.
Similairement à d’autres techniques modernes, la photographie a profondément pénétré notre vie et contribue de façon fondamentale à son évolution. Aucune période antérieure à la présence de la photographie n’a offert à l’homme, en effet, la possibilité généralisée d’être témoin oculaire intime de tous les événements importants ou anodins qui se déroulent ailleurs dans le monde, sans y être présent, faculté encore amplifiée par l’enregistrement durable des instants les plus fugitifs qui permet d’en étudier à loisir tous les détails et de saisir les facettes frappant le sentiment et l’imagination. Ces propriétés d’archives et de support de diffusion mondiale, liées à la rigueur documentaire de l’image photographique, en font un témoin juridique, politique ou scientifique irréfutable. Une bonne photographie, révélant en un clin d’œil plus de détails significatifs qu’une longue description, a une valeur didactique telle que l’enseignement et le niveau général de la connaissance du monde en ont été remarquablement avancés. Le moyen photographique participe enfin, par sa contribution intégrée, à de nombreuses techniques essentielles qui ne pourraient exister sans lui.
Les applications de la photographie sont si nombreuses qu’il est presque impossible de les énumérer toutes; la mention de quelques-unes de ses utilisations les plus fréquentes donne toutefois un aperçu de l’importance de son rôle. Les photographies d’amateurs, sur papier et diapositifs, sont si nombreuses que leur quantité ne peut être que très vaguement estimée; la production des pays évolués se chiffre par centaines de millions par an et son ordre de grandeur mondial dépasse plusieurs milliards. Le cinéma est fondé sur une technique encore entièrement photographique; la télévision et le cinéaste amateur, en revanche, utilisent la bande vidéo, commode et d’utilisation rapide. Grâce à la contribution de la photographie, l’édition illustrée connaît une extension rapide et toujours croissante; non seulement les journaux et les revues, mais aussi les dictionnaires, les livres d’enseignement et les traités techniques et documentaires sont abondamment illustrés. Ils transmettent, grâce à la photographie, une quantité énorme d’information claire et immédiatement compréhensible; en outre, la connaissance des œuvres d’art du monde entier est ainsi mise à la portée de tous.
Donner à une image photographique toute la valeur d’expression dont le moyen est capable exige une somme de connaissances et d’expériences qui en fait un métier difficile: c’est la photographie professionnelle, destinée à la représentation de scènes et d’objets, la réalisation de portraits, de vues de mode, d’architecture, de reportage, bref surtout de documents employés dans l’édition. Souvent de grande qualité, les photographies professionnelles ont fréquemment une valeur esthétique qui les rend proches de la photographie artistique proprement dite (cf. PHOTOGRAPHIE - Sociologie et esthétique).
Rigoureuse et documentaire, la photographie scientifique et technique permet d’atteindre des domaines autrement inaccessibles ou d’enregistrer des processus ultracourts et fugitifs. Elle est, dans ce contexte, l’élément intégré (micrographie, spectroscopie, holographie, explorations aérienne et spatiale) ou l’élément documentaire (astronomie, histoire naturelle, médecine et sciences physiques). Elle est également à la base de la radiographie médicale et industrielle et de l’enregistrement de traces d’oscillographes ou de sorties de calculatrices optiques.
La photocomposition permet la composition typographique directement sur des films ou papiers; la copie photographique instantanée de documents est employée dans les bureaux. Dans les banques, enfin, dans les postes et télécommunications et dans les archives, l’enregistrement photographique sur microfilm accélère les opérations et permet de classer des masses de documents dans des espaces très restreints.
1. Histoire des techniques
Le terme photography (du grec 﨏諸精礼﨟, lumière, et 塚福見﨏晴兀, inscription ou écriture) a été créé en 1836 par sir John William Herschel, en Angleterre, pour désigner l’action «scriptrice» de la lumière sur certaines surfaces sensibles (comme le nitrate et le chlorure d’argent, étudiés, à l’époque, par Fox Talbot). À l’avènement du daguerréotype en 1839, ce terme fut naturellement traduit en photographie et compris dans le sens général d’un mode d’enregistrement des images optiques. On a pu dire, ainsi, que la photographie est l’art de rendre permanent, par des moyens autres que ceux du dessin manuel, les images perçues dans la chambre noire (G. Potonniée), ou encore l’art de former et de fixer sur une surface sensible l’émission lumineuse (directe ou réfléchie) d’un objet. On peut dire aussi que la photographie est un procédé physico-chimique de reproduction picturale, par le moyen d’un système optique et d’une surface sensible. D’une façon plus générale, nous désignerons par processus photographique toute modification matérielle décelable, produite par l’action de la lumière.
Il est peu de branches de la science technologique aussi intimement liées à leur histoire, aussi imprégnées de leur passé que la science photographique. Cela parce que les bases fondamentales établies par ses pionniers, dans le cours d’un siècle, sont d’une importance telle que, malgré le luxe incroyable de sophistication, d’automatisation et de miniaturisation auquel nous assistons, elles n’en demeurent pas moins des bastions directeurs inébranlables. D’ailleurs, la qualité artistique ne dépend pas du progrès purement technique; la preuve en est la qualité des œuvres hautement personnalisées que nous ont laissées nos anciens, en dépit de – ou plutôt grâce à – la nature rudimentaire de leur matériel et à l’effort passionné qu’il impliquait.
La photographie traditionnelle résulte de l’association de deux disciplines distinctes: l’optique et la photochimie, respectivement matérialisées par la chambre noire et la plaque sensible. Or l’histoire de chacune a suivi des chemins différents, la première remontant au milieu du XVIe siècle et la seconde au début du XVIIIe siècle.
Il est depuis longtemps admis que la célèbre description de la camera obscura (chambre noire) que fit Giovanni Battista della Porta, en 1558, dans son Magiae naturalis a été précédée par celle de G. Frisius en 1545. Cette chambre primitive était, en fait, une pièce d’habitation, à un mur de laquelle on avait percé un petit trou, l’équivalent d’un sténopé actuel; mais très peu de temps après, en 1550, Jérôme Cardano y substitua une lentille biconvexe – le premier objectif – agrémentée en 1568, par Barbaro, d’un diaphragme et, en 1573, par Danti, d’un miroir redresseur. La destination de la chambre noire était le dessin; aussi, des modèles portatifs furent-ils rapidement imaginés, modèles courants vers le milieu du XVIIe siècle, notamment ceux du père Athanasius Kircher (1646), de Sturm (1676), et de J. Zahn (1685), ce dernier avec une lentille améliorée et un verre dépoli. Le cours d’optique du professeur Christian Wolff, publié à Halle en 1707, en décrit trois, et l’abbé Jean Antoine Nollet, dans ses Leçons de physique expérimentale , parues en 1743, traite longuement de ce sujet et des changements de focale. Le modèle de Guyot (1770), ancêtre de l’épidiascope, permettait de dessiner à plat. Entre-temps, en 1747, Leonhard Euler avait découvert la correction chromatique, mais le perfectionnement le plus important fut le ménisque imaginé par William Hyde Wollaston en 1812: la netteté était améliorée par la mise en place d’un diaphragme que Nicéphore Niépce transforma dix ans plus tard en iris. Telle était la situation en ce début du XIXe siècle, du point de vue optique: bagage considérable, pour des esprits préparés, ce qui exclut toute idée de génération spontanée d’une invention qui était, pourtant, révolutionnaire. Les principaux perfectionnements qui suivirent furent ceux des objectifs à grande ouverture pour le portrait, grâce auxquels les poses devinrent accessibles: celui de C. Chevalier et celui de Joseph Petzval (fabriqué par Voigtländer), en 1840-1841; puis, un peu plus tard, l’objectif rectilinéaire rapide imaginé par J. H. Dallmeyer et Carl August von Steinheil, indépendamment, en 1866; l’anastigmat de P. Rudolph et Ernst Abbe (Zeiss) en 1890; et le triplet Cooke, de H. D. Taylor en 1893.
La découverte d’un élément suffisamment sensible pour être exposé dans une chambre noire constitue le second volet, tout aussi indispensable, de l’histoire de la photographie. Le nitrate d’argent était connu depuis mille ans, on l’utilisait pour teindre en noir le bois, les fourrures, les plumes; pourtant personne, avant le début du XVIIIe siècle, ne s’était avisé de rechercher la cause de son noircissement. Ce fut Johann Heinrich Schulze qui, en 1725, découvrit que cette cause était la lumière. Trente ans plus tard, Giovanni Battista Beccaria fit la même observation sur le chlorure d’argent, connu (ou plutôt méconnu) depuis le XVIe siècle. Il fallut donc attendre 1777 pour voir le chimiste suédois Carl Wilhelm Scheele étudier enfin sérieusement le papier au chlorure d’argent exposé au spectre solaire. Ce n’est qu’à la suite de cela que les observations se multiplièrent sur les sels d’argent, d’or, de mercure et de fer, ainsi que sur les substances organiques (ce que nous avons redécouvert de nos jours): J. Senebier, notamment, fit des expériences sur la plupart des résines naturelles connues à cette époque et, entre autres, la résine de bois de gaïac que la lumière colore en bleu. Mais obtenir une image à la chambre noire était tout autre chose.
Le premier à avoir eu l’idée d’essayer d’obtenir une image à la chambre noire semble avoir été le physicien allemand Johann Wilhelm Ritter en 1801; mais son chlorure d’argent était trop peu sensible. Les deuxièmes furent Thomas Wedgwood et Humphry Davy en 1802; ils utilisaient du papier au nitrate d’argent mais n’obtinrent que peu de succès, sauf quelques traces. Le troisième fut Joseph Nicéphore Niépce, en 1816, avec du chlorure d’argent dont il obtint quelques pâles négatifs; il fut d’ailleurs confronté, comme tous les autres, au problème important du fixage. Après avoir essayé divers autres produits, Niépce se tourna vers le bitume de Judée – l’ancêtre de nos photopolymères – qui donna des résultats encourageants mais encore insuffisants (1822). Deux modifications de sa technique furent décisives, après la plaque d’étain: l’utilisation d’une plaque d’argent (ou plutôt de cuivre argenté) comme support du bitume, à cause de son pouvoir réfléchissant, et l’exposition de la plaque dépouillée aux vapeurs d’iode, métalloïde que Bernard Courtois venait tout juste de découvrir en 1811. Cette ioduration avait pour but de noircir les régions mises à nu. Mais c’est Louis Jacques Mandé Daguerre qui saura mettre en valeur ces deux éléments, à la suite de son association avec Niépce, en 1829 (lequel mourra en 1833). Deux découvertes dues au hasard mirent Daguerre sur la voie; il remarqua tout d’abord que les plaques d’argent ioduré sont sensibles à la lumière, puis que les vapeurs de mercure, en s’amalgamant à l’argent des parties insolées, rendent l’image visible, dans sa forme positive parfaite. Le procédé était extrêmement laborieux, exigeant une boîte à iode et un cabinet à mercure chauffé; les temps de pose étaient de vingt à trente minutes, mais le résultat fut prodigieux et la perfection picturale atteinte du premier coup. Le procédé, acheté par le gouvernement français, fut divulgué le 19 août 1839, et la nouvelle de l’invention qualifiée d’incroyable. Il convient d’ajouter que le procédé ne devint pratique que grâce à l’addition de brome, au fixage à l’hyposulfite au lieu d’eau salée, et aux objectifs de Chevalier et de Petzval, à grande ouverture.
Le nom de Daguerre est resté, mais son procédé oublié. Son plus grand mérite fut de familiariser le public avec le concept de photographie dont il ne pourra plus se passer désormais; mais les fondements chimiques de la technique moderne sont issus d’une autre source expérimentale, les travaux de William Henry Fox Talbot, contemporain de Daguerre. Talbot marque le retour au chlorure d’argent. En 1834, il avait réussi à en augmenter la sensibilité par un excès de nitrate d’argent; plus tard il ajoutera aussi de l’iodure, puis de l’acide gallique (produit réducteur), et soumettra le tout, après exposition, à un développement physique par une solution d’acide gallique en présence de nitrate d’argent. C’était le procédé Calotype, procédé négatif, dont il fallait huiler le papier pour le rendre transparent et en tirer un positif. En 1840, Hippolyte Bayard en fit un procédé positif direct, par solarisation et ioduration. Autre fait d’importance capitale: sir John William Herschel avait découvert en 1819 que l’hyposulfite de sodium est un excellent solvant des sels d’argent, fait qu’il communiqua en 1839. C’est grâce à ce fixateur que la photographie a pu faire des progrès et même exister!
Le papier négatif n’était pas une surface idéale. En 1851, Frederick Scott Archer inventa la plaque au collodion humide et à l’iodobromure d’argent sensibilisé au nitrate que l’on développait à l’acide gallique ou au sulfate ferreux. Ce procédé était effroyablement compliqué et laborieux, mais les plaques assez rapides donnaient des images très fines; c’est pourquoi il fut universellement adopté. Les positifs étaient tirés sur du papier salé albuminé, indiqué par L. D. Blanquart-Évrard, papier qu’il fallait préparer encore soi-même (il ne fut fabriqué industriellement qu’en 1870). En 1851, J. M. Taupenot proposa les plaques au collodion sec, auquel C. Russell ajouta du tanin en 1861: elles étaient plus pratiques mais bien moins rapides, de même que le collodiobromure prêt à l’emploi de Sayce et Bolton (1864). Cependant, les grandes découvertes ne vont pas tarder à se succéder:
– 1861: premier développement chimique par C. Russel, au pyrogallol ammoniacal, pyrogallol proposé indépendamment en 1851 par H. V. Regnault et par Justus Liebig;
– 1868: premières émulsions au gélatinobromure d’argent, par W. H. Harrison, puis en 1871 par R. L. Maddox. Déjà en 1856 on avait vu la Norris Dry Plate à la gélatine;
– 1873: J. King découvre la nécessité du lavage de l’émulsion gélifiée et réduite en nouilles, pour éliminer les sels solubles, sous-produits de la précipitation. La même année, J. Johnston découvre une autre nécessité: celle d’effectuer la précipitation du bromure d’argent en présence d’un excès de bromure, puis la possibilité d’ajouter de l’ammoniaque (1877);
– 1878: autre observation primordiale, C. Bennett constate l’augmentation considérable de la sensibilité, dans le cas de maturation à chaud;
– 1880: W. de W. Abney élève encore la sensibilité par addition d’une faible quantité d’iodure. Et il introduit l’usage de l’hydroquinone, développateur encore en faveur aujourd’hui;
– 1882: autre date importante, la découverte du sulfite comme agent de préservation des révélateurs contre l’oxydation, par H. B. Berkeley. On alcalinise par le carbonate;
– 1884: sensibilisation chromatique réalisée au moyen d’une cyanine, premier terme d’une famille de colorants aux propriétés fondamentales. Il est à noter que cette découverte de la sensibilisation chromatique, par Hermann Wilhelm Vogel en 1873, a marqué un tournant décisif pour la photographie;
– 1887: apparition du réducteur de H. E. Farmer, au ferricyanure-hyposulfite;
– 1887: premier brevet pour la fabrication du film en nitrate de cellulose, par H. Goodwin;
– 1888: la paraphénylènediamine est proposée par Auguste et Louis Lumière et A. Seyewetz; le Métol (ou Génol) par A. Bogisch (et fabriqué par Hauff). De nombreux autres développateurs moins importants voient aussi le jour, mais il faudra attendre 1940 pour la Phénidone de J. D. Kendall;
– 1888: conditionnement en bobines, par George Eastman;
– 1912: Rudolf Fischer invente le film multicouches couleurs à coupleurs incorporés et à développement chromogène unique. Son idée sera matérialisée d’une façon éclatante, vingt-trois ans plus tard, avec des coupleurs non diffusibles.
2. Le processus photographique
Le processus photographique est la relation qui s’établit entre deux systèmes physiques complémentaires: un émetteur de lumière modulée et un récepteur photosensible.
L’émetteur de lumière localement modulée, et de composition spectrale donnée, peut être la face réfléchissante d’un objet éclairé, un cliché transparent (ou translucide), une source radiologique au-dessus de la main d’un patient, mais, conventionnellement, on se le représente plus précisément comme l’image optique formée au plan focal de l’objectif d’une chambre noire. L’émission est, ici, spatiale et simultanée, ainsi que l’enregistrement. Elle est «punctiforme» et temporelle si l’émetteur est un faisceau explorateur unique d’intensité variable, dont le mouvement de balayage construit l’image optique selon une succession de points (scanner), que la lumière du faisceau soit incohérente (normale) ou cohérente (rayon laser). La succession de points (de la dimension desquels dépend la finesse de l’image) est soit de type analogique (intensité variable donnant des demi-teintes), soit de type digital (par tout ou rien, c’est-à-dire noir et blanc). L’élément pictural élémentaire est appelé pixel, par abréviation, et un pixel digital peut être formé lui-même de plusieurs bits.
Le récepteur photosensible, dans le cas d’une image spatiale, est une couche chimique uniforme (mode habituel), ou un assemblage de semi-conducteurs alignés mais individuellement séparés. Il faut que la lumière incidente puisse provoquer, au sein de son composant principal, une différenciation physique ou chimique exploitable. La différenciation physique la plus simple est la fusion locale d’une couche holographique de cire, par un rayonnement diffracté infrarouge, ou celle, par un faisceau laser modulé, de la mince couche de tellure d’un vidéodisque enregistreur. La différenciation électronique se résume, quant à elle, à une simple charge électrique temporaire si la couche sensible est un semi-conducteur au sélénium ou à l’oxyde de zinc, ou encore la cible d’un tube enregistreur à rayons cathodiques. La différenciation chimique est aussi de nature électronique, mais par des chemins beaucoup plus complexes, comme on l’observe dans les halogénures d’argent des émulsions photographiques, les autres sels métalliques, les substances organiques photochromes et photopolymères.
L’intérêt des systèmes photosensibles chimiques est qu’ils peuvent donner lieu à des phénomènes d’amplification particulièrement importants (plusieurs ordres de grandeur) et facilement réalisables, soit au moyen d’une substance initiatrice jouant le rôle d’activateur (cas des couches organiques), soit par multiplication des germes résultant de la réaction photochimique primaire (cas des halogénures d’argent des films et papiers photographiques habituels). Dans ces conditions, la mise en œuvre d’un mode opératoire photographique doit obligatoirement passer par trois phases distinctes: la différenciation (exposition), l’amplification (développement chimique ou physique) et la stabilisation (fixage).
La stabilisation de l’image consiste soit à éliminer la matière sensible résiduelle (films et papiers), soit à la neutraliser, ce que l’on fait avec certaines couches photosensibles organiques. Par simplicité, ce dernier travail peut s’effectuer par la lumière elle-même (ce que l’on appelle le «fixage optique»).
3. Les systèmes photographiques
Le procédé classique (procédé argentique)
Dans son principe, la photographie classique au gélatino-bromure d’argent est fondée sur les opérations suivantes (fig. 1): on expose d’abord la couche sensible à l’ensemble des radiations modulées pour former l’«image». Pendant cette exposition a lieu une première transformation chimique à l’échelle submicroscopique, appelée image latente , invisible même aux plus forts grossissements comme ceux du microscope électronique. Elle sert à distinguer les microcristaux d’halogénure d’argent exposés de la couche sensible de ceux qui n’ont pas été exposés. Suit l’opération de développement , qui permet de tirer parti de cette différenciation et d’apporter l’énergie nécessaire à la transformation entière des cristaux insolés pour former l’image visible, constituée soit d’argent métallique dans les procédés en noir et blanc, soit de colorants dans les procédés en couleur.
Les parties claires du sujet photographié, renvoyant une quantité importante des radiations vers la couche sensible, donnent lieu à plus de noircissement ou de formation de colorant que ses parties sombres, qui absorbent une fraction importante de la radiation incidente et n’en renvoient ainsi que peu vers la couche sensible. L’image primaire enregistrée se trouve donc inversée: on la qualifie par conséquent de négative . Pour restituer l’aspect initial, il est nécessaire de répéter l’opération pour obtenir l’image positive. On effectue dans ce but la copie du négatif soit par contact, soit par agrandissement sur un autre matériau photographique de caractéristique appropriée.
Cette succession d’opérations peut être retrouvée dans tous les procédés photographiques, mais, suivant les besoins spécifiques de ceux-ci, elles sont souvent assemblées ou au contraire subdivisées. Dans les procédés par inversion, par exemple, le négatif n’existe que temporairement pendant le traitement et disparaît après la formation de l’image positive; dans la photographie en couleur, les colorants sont formés pendant le développement en même temps qu’une image argentique qui est ensuite éliminée pour ne laisser subsister que l’image en couleur.
Bien que supplantée en de nombreux domaines par la couleur, la photographie traditionnelle en noir et blanc est encore en usage pour les travaux professionnels et scientifiques, et même amateurs. Toute une gamme de films de haute sensibilité et de granulation encore fine est offerte à l’utilisateur averti dans les chromatismes les plus divers, pour le jour ou la lumière artificielle, certains avec une sensibilité spectrale intermédiaire s’accommodant des deux. L’emploi de plusieurs couches différemment rapides, sur le même support de certains films, permet une très grande latitude de pose et de développement, ce qui les dispense d’indice de sensibilité nominale.
La tendance générale de la technique photographique est de réduire au minimum la durée de traitement, cela aussi bien pour le noir et blanc que pour la couleur. Il suffit de développer à haute température (de 30 à 40 0C), à condition que la gélatine soit suffisamment tannée, sous peine de réticulation; aussi, la plupart des films sont-ils aujourd’hui tannés en fabrication, ce qui leur permet d’être traités à chaud. Dans les procédés de papier couleurs, on a de plus supprimé les bains intermédiaires et accessoires. Le traitement en machine automatique s’est avéré de ce fait indispensable, car les températures élevées sont difficiles à contrôler manuellement; ce traitement s’est donc généralisé partout où il y a des séries à effectuer, par exemple en radiologie, où il suffit de 90 secondes. D’ailleurs, dans les ateliers de façonnage, des cadences élevées ont toujours été observées, et des machines hautement perfectionnées, à recirculation par pompes, filtrage permanent et réajustement automatique des bains sont depuis longtemps utilisées.
Au procédé classique au gélatino-bromure d’argent et gélatino-chlorure d’argent on peut rattacher le procédé par inversion-transfert, qui consiste à faire migrer l’halogénure d’argent résiduel, après développement, vers une couche réceptrice contenant des germes de réduction en argent ou sulfure d’argent, où il se forme une image positive. À ce système se rattachent les procédés de copie Copyrapid, Copyproof, Copychrome et P.M.T., ainsi que le procédé Polaroid pour l’obtention de photographies dites «instantanées», et qui permet d’atteindre, en noir et blanc, de très hautes sensibilités.
Procédés non argentiques
Les composés minéraux photosensibles
L’étude des sels minéraux autres que ceux d’argent en vue de leur utilisation comme substances photosensibles remonte à la fin du XVIIIe siècle. Ceux du fer ont, à la suite de Herschel et de Talbot, reçu des applications industrielles bien connues (cyanotypie, ou papier au ferroprussiate). Pour des usages spéciaux, on utilise encore les acétylacétonates ferrique et de molybdényle, les sels d’uranyle et de palladium II, l’oxalate et divers complexes cuivriques dont le noircissement direct est amplifié cent fois par développement physique, ainsi que l’iodure de plomb.
Les oxydes métalliques , notamment de titane et de zinc: leur photosensibilité permet, après exposition, d’opérer une nucléation par laquelle on forme des germes de Ag, Hg, Au ou Pd, tenant lieu d’image latente que l’on renforce ensuite par développement physique, complété par placage chimique d’un métal conducteur. Cette technique est appliquée à grande échelle par Philips et Itek pour la production de circuits imprimés, intégrés ou non. On obtient aussi des images métallochromiques développables par voie physique, à partir de benzospirannes associés à un sel de cuivre, et utilisées aux mêmes fins.
Les systèmes à transition de phase sont constitués par des semi-conducteurs amorphes (vitreux) dont on modifie la structure vers l’état cristallisé, par irradiation. Ils ont reçu le nom de verres chalcogénures, utilisés surtout en holographie: ils peuvent être binaires (InSe, As2S3, CdS, GeS), ternaires (AsxSySez ou AsxSyTez) ou quaternaires (GexAsySezIw). Leur noircissement est considérablement amplifié par photodopage, et encore renforcé par diffusion thermique d’une couche d’argent [cf. HOLOGRAPHIE].
Les composés à réfraction photo-induite comme le niobate de lithium donnent des hologrammes à lecture et à effacement.
Les composés organiques photosensibles
Le nombre des composés organiques photosensibles est considérable, mais on peut retenir cinq types principaux: les photochromes, ceux à radicaux libres, les diazoïques, les photopolymères et les colloïdes bichromatés.
Photochromie. Caractérisée par un changement réversible de coloration, la photochromie se manifeste dans les composés aussi bien minéraux qu’organiques. Parmi les premiers, les verres photochromiques à l’argent occupent une place spéciale, mais ce sont surtout les composés photochromes organiques qui ont retenu le plus l’attention et reçu des applications en «microcopie»; les plus utilisés sont les spiropyrannes. La sensibilité étant très faible, l’exposition se fait de préférence par réduction, mais le pouvoir résolvant est très élevé, puisqu’on a pu copier les 1 200 pages de la Bible sur un film de 12 centimètres carrés.
Composés à radicaux libres. Un premier type de ces composés comprend les radicaux libres (à valence ouverte) temporaires. C’est le cas du tétrabromure de carbone. Ce radical libre provoque l’oxydation de nombreuses substances, comme la diphénylamine, en matières colorantes (en noir). Une postexposition avec un rayonnement de plus grande longueur d’onde amplifie le nombre de molécules colorantes et fixe le reste optiquement. Avec la leuco-base du violet cristallisé, on a même un film sensible aux rayons X et aux électrons. Un second type comprend les radicaux libres stables avant exposition: ce sont les hydrazyls, verdazyls, phénoxyls, iminoxyls, nitroxydes et nitrones. Un exemple réussi de fixage optique est fourni par les papiers et films Dylux Du Pont: le papier donne une image positive lorsqu’il est exposé en ultraviolets sous un négatif, durant de dix à vingt-cinq secondes, et se fixe tout seul à la lumière ambiante. Le film qui se manipule de même donne des images bleues inactiniques.
Diazoïques. La diazotypie consiste à produire des photocopies positives à partir de calques ou de clichés positifs, à l’aide de composés diazoïques, en présence d’un coupleur phénolique. L’exposition aux rayons ultraviolets décompose le diazoïque, ce qui lui fait perdre la faculté de se combiner au coupleur et de donner une matière colorante azoïque. Si la couche sensible contient le sel diazoïque (par exemple le chlorozincate stable) et le coupleur, le développement se fait à sec, par l’ammoniac gazeux. Si elle contient seulement le sel diazoïque, le développement se fait par contact avec une solution alcaline ou neutre de coupleur (c’est le développement dit semi-humide). La particularité de ce second mode de développement est qu’il nécessite des diazoïques à vitesse de réaction chimique plus rapide, pour éviter la diffusion.
Certains papiers sont développables par la chaleur: ce sont les papiers diazothermiques. Leur image est aussi positive. On a, par contre, une image négative avec les diazosulfonates et les diazosulfures, qui peuvent servir à la mise en œuvre de systèmes à nucléation par le mercure et l’argent, eux-mêmes susceptibles d’être amplifiés par développement physique (procédé Philips). Les films vésiculaires Kalvar, constitués par une résine thermoplastique, sont eux aussi sensibilisés par des diazoïques: ils fonctionnent par production d’azote gazeux au cours de l’exposition, lequel, dispersé en fines vésicules, forme des images par diffusion optique.
Photopolymères. Certaines matières ont la propriété soit de se polymériser, soit de se dépolymériser sous l’action de la lumière ultraviolette, des rayons X ou des électrons. Dans le premier cas, il y a insolubilisation, dans le second solubilisation. La différenciation apparaît par dépouillement dans un solvant, aqueux alcalin ou organique, suivi éventuellement de cuisson. La liste des photopolymères connus est fort longue, aussi pour mémoire nous ne citerons que les acrylamides, les méthacrylates, le cinnamate de polyvinyle, les caoutchoucs cyclisés (Photo-Resists Kodak) et les résines phénoliques (dépolymérisables). Dans la plupart des cas, on fait appel à un sensibilisateur : diazoïque, diazorésine, azide (groupes RN3), quinone-diazide, méthylène-bis-acrylamide, radical libre, colorant (bleu de méthylène par exemple), trinitro-aniline, benzanthraquinone, etc. Les photopolymères ont pris une importance considérable dans plusieurs domaines, notamment les arts graphiques (Nyloprint, Dycril, plaques offset présensibilisées, etc.), l’enregistrement sur vidéodisques et la micro-électronique – circuits intégrés fabriqués au moyen de réserves photographiques: après dépouillement, le substratum est soumis à une morsure ou métallisé (fig. 2). Des séries d’opérations combinées permettent d’obtenir toutes sortes d’éléments miniaturisés, allant du simple circuit multiple au système complexe de résistors, capacitors, transistors et diodes diverses. Les réseaux colorés des écrans de télévision sont aussi obtenus par cette voie photographique.
Colloïdes bichromatés. Plus anciennement connus que les précédents (à l’exception du bitume de Niépce), ils comprennent la gélatine, la colle de poisson (ou colle-émail des photograveurs), la gomme arabique, l’albumine, l’alcool polyvinylique et la gomme laque, sensibilisés par un bichromate alcalin. La photographie au charbon en est une des nombreuses applications. Signalons que la sensibilité à la lumière des bichromates a été découverte par Mungo Ponton en 1839, et appliquée en 1855 par Alphonse Poitevin. Les révélateurs tannants permettent, aussi, de durcir localement la gélatine: les reliefs obtenus sont utilisés dans le procédé de coloration par imbibition appelé dye transfer qui a servi à Technicolor.
Thermographie. La thermographie est une opération photographique réalisée au moyen de radiations infrarouges (calorifiques), qu’il ne faut pas confondre avec le développement par la chaleur de substances chargées de révélateur, et exposées à un rayonnement ultraviolet ou visible. Son principe est étudié au chapitre 5. D’autres opérations thermiques simples, déjà signalées, sont la fusion de couches holographiques en cire par des faisceaux infrarouges diffractés, ou celle de certains papiers pour télécopie, et la fusion par laser modulé de fines couches de tellure ou de bismuth de vidéodisques enregistreurs. La thermographie par cristaux liquides est un autre procédé intéressant.
Électrophotographie. La technique électrophotographique a révolutionné la photocopie. Suggérée par Selenyi en 1935 et mise au point par Carlson en 1938, elle consiste à détruire localement, par la lumière, la charge électrostatique, produite par effet couronne, d’une couche photoconductrice recouvrant un support métallique. L’image résiduelle chargée est rendue visible par projection d’une poudre colorée tribo-électrique de charge opposée, le toner (poudre colorée). Deux solutions s’offrent alors, suivant que le photoconducteur (qui est un semi-conducteur) est un élément séparé transitoire appartenant à l’appareil, ou fait partie intégrante du papier récepteur. Dans le premier cas, le photoconducteur est un tambour recouvert de sélénium déposé par sublimation sous vide, et dont la sensibilité peut être accrue par des couches de séléniure d’antimoine et d’indium. Le sélénium peut être remplacé par du sulfure de cadmium ou de gallium, de l’arséniure de sélénium dopé par du cuivre ou de l’or, ou du silicium hydrogéné. Une fois l’image formée et poudrée, elle est transférée sur du papier ordinaire inversement chargé, et fixée par chauffage, lequel provoque la fusion du composant thermosensible du toner. Ce système, appelé xérographie, est mis en œuvre par des appareils entièrement automatiques très perfectionnés.
Le second système (Électrofax) emploie, comme photoconducteur, de l’oxyde de zinc directement appliqué sur le papier récepteur, donc sans intermédiaire, et le toner peut être sous forme liquide. L’avantage est une plus grande simplicité d’appareillage; le désavantage un aspect moins attrayant du papier gélatiné spécial, ce qui l’a fait délaisser.
Les photoconducteurs organiques, dont le type classique est le polyvinylcarbazol (P.V.K.) sensibilisé par la trinitrofluorénone (T.N.F.), ont été particulièrement étudiés ces dernières années, et on en connaît un très grand nombre. Une de leurs applications a été le film électrographique Kodak, mais plusieurs autres systèmes ont été aussi proposés, certains à mémoire photo-induite. Parmi les autres techniques électrographiques, il faut citer la photo-électrothermoplastie, par laquelle les déformations locales de la couche chauffée se traduisent par des réticulations, visibles par réflexion spéculaire.
Photographie électronique. Dernière-née des systèmes photographiques, la photographie électronique est apparue comme un redoutable concurrent de la photographie sur film argentique. Cette concurrence est, en fait, limitée au film cinématographique privé ou télévisé (reportage, émissions différées), et ne touche pas la photographie classique dont elle est plutôt le complément, notamment avec les intensificateurs d’image, très utiles en astronomie, et les microscopes électroniques. Son principe consiste à former une image optique sur la cible photoconductrice d’un tube cathodique, laquelle est explorée par un faisceau ponctuel d’électrons. Cette cible est constituée par de l’oxyde de plomb (Plumbicon), du sulfure d’antimoine ou du silicium (Vidicon), du sulfure de cadmium (Chalnicon), ou une combinaison sélénium-arsenic-tellure (Saticon). Une autre technique utilise des alignements de photodiodes à charge couplée p-n (appelées C.C.D.) à base de silicium dopé, formant des hétérojonctions de barrières dites de Schottky. D’autres photodiodes sont à l’arséniure de gallium. Dans tous les cas, les signaux électriques modulés sont amplifiés et enregistrés, soit sur bande magnétique, soit sur disquette numérique gérée par un logiciel (still camera video ou camera back ), ou sur cristaux liquides (stockage holographique d’informations).
La bande magnétique vidéo est du même type que la bande audio à l’oxyde de fer Fe23 gamma, mais de largeur et de vitesse de défilement différentes. Il y a quatre types d’enregistrements professionnels normalisés: longitudinal quadruplex 2 in (inches) (50,8 mm), hélical (ou hélicoïdal) A, à champ continu en 1 in (25,4 mm) ainsi que 3/4 et 1/2, hélical B, à champ segmenté, et hélical C à champ continu, 1 in. Pour les besoins privés, il y a le système hélical V.H.S. (Video Home System; puis super V.H.S.) proposé par les Japonais Victor et Matsushita, en 1/2 in (12,7 mm) avec une vitesse de défilement de 33 mm/s, et le système hélical Beta, de Sony, à 40 mm/s, contre 244 mm/s pour le type professionnel C, et 388 pour le longitudinal qui est une technique de haute qualité. En ce qui concerne encore les petits formats, un des derniers-nés a été le camescope vidéo 8 mm de Philips et Kodak, devenu H8 et super H8 (ou Hi8), conçu pour les prises de vue d’amateurs. Dans tous ces systèmes, l’enregistrement est normalement analogique, mais de très grands efforts sont faits en direction de l’enregistrement digital, notamment pour les besoins informatiques.
Les vidéodisques appartiennent à quatre types: L.O.R. (laser optical reflective ), L.O.T. (laser optical transmissive ), C.E.D. (capacitance electronic disc ) et V.H.D. (video high density ). Le premier (M.C.A., Philips) travaille par réflexion d’une couche métallisée portant des dépressions. Le deuxième (C.S.F.-Thomson) a un disque transparent dont les sillons ont des points en relief. Le troisième (R.C.A.) comporte des variations de capacitance électrique entre des crêtes et des creux. Le quatrième (J.V.C.) fonctionne aussi par capacitance, mais sans sillons matériels de guidage. L’enregistrement se fait soit par fusion d’une mince couche de métal (Te ou Bi) recouvrant le disque (Philips), soit par impression au laser d’une résine photosensible sur plaque de verre (J.V.C., Thomson), soit par gravure électromécanique (R.C.A.). Quant à la copie, elle se fait par l’intermédiaire d’un maître disque obtenu par galvanoplastie, moulage et finition. Le compact disc ou C.D., vidéodisque à usage privé, qui nécessite un appareil de lecture, et dont le lancement fut un moment incertain, a été définitivement adopté.
4. Appareillages
Les appareils photographiques vont des plus simples appareils d’amateurs en matière plastique aux plus perfectionnées des caméras professionnelles, employées en studio, pour les reportages et pour la photographie documentaire et scientifique. Les premiers ne comportent que les éléments essentiels: la chambre noire, l’objectif en matière plastique et à diaphragme fixe, un obturateur très simple et les logements du film, tandis que les dernières sont de véritables instruments d’optique de la plus haute précision, permettant l’échange rapide de nombreux objectifs, et sont équipées de systèmes de visée reflex à miroirs escamotables et prismes pour la mise au point exacte et l’observation du sujet jusqu’au moment même de l’exposition. Ces appareils comportent en général des systèmes électroniques destinés à régler avec précision l’obturateur et le diaphragme pour ajuster l’exposition aux conditions d’éclairage et aux mouvements du sujet. La construction actuelle des appareils photographiques se distingue radicalement de celle qui était pratiquée pendant le premier siècle de la photographie; faisant, à l’origine, exclusivement appel à des techniques d’ébénisterie et de mécanique de précision, ressemblant à celles de la moyenne et grosse horlogerie, la conception des appareils, même les plus simples, a évolué vers des combinaisons très élaborées d’éléments métalliques et de matière plastique de haute précision, de commandes électriques et électroniques reliées par des circuits intégrés (cf. photos).
Cette technique a rendu possibles non seulement l’automatisme de plus en plus poussé des appareils, mais aussi les fabrications en grande série, ce qui a donné une impulsion toujours accrue à la pratique de la photographie, et à sa popularité dans tous les pays du monde. On a donc le choix entre la chambre classique à soufflet pour professionnels du studio, avec raffinements de mise au point et de centrage, et les caméras de types variés, depuis les 24 憐 36 à réglage électronique jusqu’aux appareils à bon marché, dont beaucoup sont jetables. Ce qu’on peut classer comme suit:
– les appareils simples à foyer fixe et les jetables (voir statistiques en fin);
– les appareils professionnels pour portrait-film tels que Linhof ou Arca;
– les appareils conventionnels à soufflet et viseur, pour bobines;
– les appareils reflex 6 憐 6 à viseur jumelé type Rolleiflex;
– les appareils mono-reflex 6 憐 6 de type Hasselblad ou 6 憐 4,5, à grande surface de vision;
– les appareils miniatures compacts type Minox et autres 110 à viseur;
– les appareils compacts 24 憐 36 ou autres, à télémètre couplé (type Leica) ou autofocus (mise au point automatique);
– les appareils à chargement automatique, type Instamatic Kodak, très commodes d’emploi;
– les appareils compacts à la fois à chargement automatique et autofocus, formant le haut de la gamme;
– les appareils reflex 24 憐 36 électroniques, dont il existe de très nombreux modèles; certains sont à multipriorités (ou modes de programmation), à savoir que l’on peut choisir à volonté la vitesse d’obturation ou tout autre paramètre, ou laisser l’appareil agir comme il l’entend;
– les appareils à disque Kodak, également automatiques, comportant 15 négatifs 8 憐 10 mm;
– les appareils à développement instantané dont il a existé deux types (Polaroid et Kodak discontinué).
La plupart des appareils (cf. planche photos noir et blanc) ont une prise de flash ou un flash incorporé, et les plus perfectionnés un moteur d’avancement avec piles au lithium ou accus au nickel-cadmium. Les cellules sont au sulfure de cadmium, ou au silicium, ou encore à l’arséno-phosphure de gallium (photodiodes). L’obturateur vertical, contrôlé par quartz, peut aller jusqu’à 1/2 000 et 1/4 000, certains modèles ayant un poussoir de mémorisation et de retardement, avec affichage par cristaux liquides. Quant à la mise au point automatique, par le système autofocus, elle se fait par le moyen de rayons infrarouges émis par une diode laser et agissant sur un récepteur à mémoire, avec triangulation télémétrique. Un autre dispositif à mise au point presque automatique consiste à recevoir la lumière incidente à travers un réseau arachnoïde, sur trois alignements de cellules à charge couplée (C.C.D.), surmontés de prismes semi-transparents. Le codage des pellicules 24 憐 36, inauguré par Kodak, codage placé sur l’amorce, ainsi qu’en marge de chaque vue, devra permettre, de plus, sous condition d’aménagement des nouveaux appareils, l’indexation automatique sur la sensibilité du film et sa tolérance de pose. Il facilitera, également, le contrôle du traitement et du tirage, le tri et la finition. Il consiste en perforations de l’amorce, et en barres de lumination (ou code barre «préflashé») sur les marges.
La distance focale normale de l’objectif d’un appareil photographique est approximativement égale à la diagonale de l’image formée; le champ ainsi couvert, entièrement satisfaisant dans la grande majorité des cas, est trop restreint pour des vues d’architecture tant extérieure qu’intérieure et pour des vues étendues de paysages très vastes; il est au contraire trop large pour des objets éloignés. On emploie alors des objectifs soit à distance focale plus courte (appelés «courts foyers»), soit à distance focale plus longue que la normale, des téléobjectifs, ressemblant dans le cas extrême à de véritables télescopes et équipés comme ceux-ci d’optiques à miroirs.
Les obturateurs sont disposés soit entre les lentilles de l’objectif – agissant alors par le mouvement de lamelles placées symétriquement autour de l’axe optique –, soit immédiatement devant le plan de la couche sensible, où ils ont la forme d’une fente rectangulaire qui se déplace pendant l’exposition à vitesse linéaire constante. On appelle les premiers obturateurs centraux et les seconds, surtout employés dans les appareils perfectionnés à objectifs interchangeables et à visée reflex, obturateurs à rideaux , leur fente réglable étant formée par deux rideaux étanches à la lumière.
Depuis l’invention de la photographie, on assiste à une diminution progressive des dimensions des négatifs, accompagnée de la réduction de la taille des appareils, ce qui les rend facilement transportables. Les formats des négatifs actuellement les plus courants sont 26 憐 26 et 24 憐 36 mm, le premier surtout employé dans les appareils d’amateurs et le deuxième par les professionnels et les amateurs avertis, mais d’autres formats sont aussi disponibles: 110 (13 憐 17 mm), 120 (4,5 憐 6 cm, 6 憐 6 cm, 6 憐 9 cm), 126 (28 憐 28 mm), 127 (3 憐 4 cm, 4 憐 4 cm, 4 憐 6,5 cm), 220 (6 憐 6 cm), 620 (4,5 憐 6 cm, 6 憐 6 cm, 6 憐 9 cm), 135 (24 憐 36 mm, 12, 20 ou 36 poses). Les formats courants du film coupé vont du 6,5 憐 9 ou du 9 憐 12 au 18 憐 24 cm; ils ne sont pas exclusifs. Le format 6 憐 6 cm, format professionnel et technique, remplace de plus en plus fréquemment les grands formats des chambres professionnelles à châssis pour films semi-rigides. De nombreux appareils spéciaux servent à des usages scientifiques et techniques dans divers domaines (microscopie, astronomie, photographie aérienne et photogrammétrie, etc.).
Pour donner dans les conditions normales de notre vue une image satisfaisante sans qu’elle soit trop encombrante, les épreuves positives ont, dans leur grande majorité, une taille légèrement en dessous de celle d’une carte postale; les formats les plus fréquents des épreuves d’amateurs sont de 9 憐 9 et 9 憐 13 cm. On effectue leur exposition sur des tireuses , machines complexes, conçues pour le façonnage d’épreuves à l’échelle industrielle. Dans celles-ci, l’image du négatif est projetée à l’aide d’un objectif sur le papier sensible et, dans leur principe, elles ne sont autres que des agrandisseurs perfectionnés; elles sont dotées en effet de compte-poses photo-électriques et de systèmes d’avance automatique du papier ainsi que de nombreux mécanismes qui en font des postes de travail rationnels. Le négatif, placé devant une petite fenêtre lumineuse, est évalué relativement à ses caractéristiques photographiques, par rapport au sujet principal représenté, pour adapter à celui-ci la pose automatique. La figure très claire d’un personnage devant un fond sombre serait, sans correction, en effet, sous-exposée et trop pâle, puisque le fond transparent du négatif, transmettant un flux lumineux élevé, ferait arrêter prématurément l’exposition; en appuyant sur la touche correspondante, on corrige l’exposition en l’augmentant légèrement. De même, une figure bronzée, photographiée dans un paysage de neige, serait, sans correction, surexposée et trop foncée, puisque le négatif, très dense dans une partie importante de sa surface, abrite de la lumière l’élément photosensible du compte-pose et fait ainsi prolonger inutilement l’exposition; on corrige en diminuant légèrement le temps d’exposition par rapport à sa valeur correspondante normale. Des corrections similaires règlent l’équilibre des couleurs primaires.
Les épreuves plus grandes, jusqu’aux photographies murales publicitaires et décoratives, sont obtenues de façon plus artisanale à l’aide d’agrandisseurs de conception classique, composés d’une source de lumière éclairant le négatif et d’un objectif qui projette son image sur le papier sensible.
Les machines à développer sont de trois sortes: les unes imitent le traitement manuel en cuves profondes, en transportant mécaniquement les films séparément suspendus d’une cuve à la suivante puis à travers la sécheuse; d’autres font défiler de manière continue, en méandres, les films et papiers en bandes dans les cuves successives des étapes du traitement; dans le troisième type, les feuilles de surfaces sensibles sont transportées individuellement, au moment voulu, d’une cuve à l’autre, par un système de rouleaux rapprochés et disposés légèrement en quinconce qui les maintient sur un trajet similaire à celui des machines continues.
Beaucoup d’autres appareils et dispositifs existent, trop nombreux pour être décrits ici.
5. Technique et théorie du procédé classique
Supports et couches sensibles
Les matériaux photographiques se composent d’un support et d’une ou de plusieurs couches sensibles.
Supports
Le support des négatifs et des positifs destinés à la projection est transparent, celui des épreuves vues par réflexion est opaque et réfléchissant. Les supports transparents sont, dans la majorité des cas, des films souples et plus rarement des plaques de verre; les supports réfléchissants sont de façon générale des papiers.
Les supports des films sont faits soit en esters cellulosiques, soit en polyesters. Les premiers sont obtenus par l’action d’acides sur la cellulose, le plus fréquemment celle de l’acide acétique qui donne du triacétate de cellulose. On dissout ce dernier, et on le coule sur des surfaces métalliques parfaitement polies pour former le film par évaporation du solvant. Les supports en polyesters sont fabriqués par extrusion du matériau fondu, comme dans la fabrication de fibres artificielles. Après l’extrusion, on étire le film, d’abord relativement épais, en longueur et largeur; il acquiert alors ses propriétés de résistance mécanique, de souplesse et de solidité.
La stabilité dimensionnelle a une grande importance dans les applications où la restitution précise de dimensions données doit être observée dans la copie. Elle dépend des propriétés physiques du support et des contraintes exercées par la gélatine des couches sensibles, élevées lorsque celle-ci est sèche, mais relâchées lorsqu’elle est humide et gonflée au cours des traitements de développement. En photogravure ou en cartographie, les films sont conçus pour maintenir au maximum les dimensions originales; mais la fidélité de celles-ci n’est réalisée que par l’observation stricte d’un mode opératoire dépendant de l’humidité relative et de la température de l’air pendant l’exposition, le séchage et l’utilisation de l’image enregistrée. Lorsqu’il faut une stabilité absolue, on se sert de verre ou d’aluminium comme support.
Le papier photographique , composé comme tous les papiers de fibres de cellulose liées par un encollage, se caractérise par la pureté chimique de ses constituants, ses propriétés physiques à l’état humide ou sec, sa planéité, sa résistance à la déchirure et l’absence de jaunissement après traitement et en conservation.
Jusqu’en 1960, on n’utilisait que du papier baryté (le sulfate de baryum assurant le pouvoir réflecteur). Depuis lors, il a été progressivement remplacé par le papier plastifié au polyéthylène (par extrusion), le côté émulsion étant pigmenté par du blanc de titane. Ces papiers sont dits R.C. (resin coated ) ou P.E. (polyéthylène). La plastification assure une certaine imperméabilité qui réduit l’absorption d’eau et la durée de séchage. Elle supprime aussi l’opération de glaçage, le séchage se faisant à l’air chaud, mais sans dépasser 80 0C.
Couches photosensibles
Les couches photographiques se composent essentiellement de deux éléments: les cristaux photosensibles d’halogénure d’argent et la gélatine qui sert de liant.
Les halogénures d’argent – chlorure, bromure et iodure – sont en général employés dans leurs formes mixtes: chloro-bromures dans les papiers photographiques et les films destinés à donner des images positives de grande netteté; bromo-iodures, plus sensibles, dans les films négatifs. Leurs cristaux sont de structure cubique à face centrée et contiennent comme impuretés des inclusions de soufre, d’argent et d’or. Vus sous le microscope, ils apparaissent en général sous la forme de plaquettes hexagonales ou triangulaires tronquées (ou T), qui résultent de la cristallisation en diagonale à travers le réseau cubique, due à la polarité du milieu pendant la précipitation. Les dimensions des cristaux peuvent varier considérablement et s’étendent de tailles submicroscopiques, de l’ordre de 0,05 猪m, aux plus gros cristaux des films radiographiques très sensibles dont le diamètre dépasse le micron (fig. 3).
Les défauts de structure des cristaux, contribuant, avec les inclusions d’impuretés, à la haute sensibilité photochimique des halogénures d’argent, sont d’échelle soit atomique, soit cristalline. Les défauts atomiques consistent soit en l’absence d’une paire d’ions dans le réseau cristallin (défaut de Schottky), soit en celle d’ions argent (défaut de Frenkel), à température ordinaire beaucoup plus fréquents que les premiers. Les défauts de structure cristalline (cf. CRISTAUX - Défauts dans les cristaux) ont leur origine en général à l’intérieur des cristaux, mais leur activité provient surtout de la distribution non uniforme des charges électriques à leur surface (fig. 4). La conductivité électrique des cristaux d’halogénure d’argent contribue en effet de façon importante à leur sensibilité. Non conducteurs à l’obscurité, ils deviennent momentanément conducteurs sous l’effet d’une irradiation de lumière bleue ou de rayonnement ultraviolet. Les électrons de valence, à l’état de repos d’un niveau d’énergie trop faible pour atteindre la bande de conductivité, acquièrent sous l’impact des photons l’énergie nécessaire pour être libérés et se meuvent alors dans le cristal comme dans le cas d’un métal ou d’un autre conducteur. Les cristaux ont en outre aussi une conductivité ionique, résultant du déplacement de leurs ions argent, surtout interstitiels, de proche en proche dans le réseau. Le mouvement ionique est toutefois beaucoup plus lent que celui des électrons de photoconductivité. La conductivité ionique, contrairement à la photoconductivité, croît lentement avec la température. Aux températures très basses, à proximité de celle de l’air liquide, la conductivité ionique par le déplacement d’ions argent comme porteurs de charges est en effet pratiquement inexistante. La sensibilité des halogénures d’argent aux radiations dépend enfin de leur absorption optique, conformément à la loi de Grotthus-Draper qui admet qu’une réaction photochimique ne peut avoir lieu sans l’absorption de la radiation qui la provoque. La sensibilité spectrale intrinsèque des couches sensibles aux halogénures d’argent correspond par conséquent de très près à leur absorption spectrale.
Le liant de la couche photographique est la gélatine. Elle joue d’abord le rôle de colloïde protecteur pendant la précipitation des cristaux, qui restent ainsi de très faible taille et ne coalescent pas; coulée sur le support, elle donne des couches minces et uniformes, d’un indice de réfraction, à l’état sec, proche de celui des supports transparents; gonflable à l’eau et perméable aux solutions aqueuses des traitements, elle rend possibles le développement et les autres opérations, et donne enfin, après la formation des images, des couches stables en conservation. Préparées à partir d’os ou de peaux de veaux, la gélatine se présente sous la forme de paillettes; gonflées à l’eau et ensuite dissoutes par une légère élévation de la température, elles forment une solution colloïdale capable de prendre en gelée par refroidissement et de former après étalement et séchage des couches uniformes. Protéine composée d’acides aminés [cf. PROTÉINES], la gélatine a un caractère amphotère et change d’ionisation suivant le pH du milieu. En milieu acide, elle réagit par ses fonctions amines, en milieu basique par ses fonctions carboxyles. Ce comportement conduit, aussi bien à pH élevé qu’à pH faible, à un fort gonflement, et, à l’état d’équilibre intermédiaire, le point iso-électrique, au gonflement le plus faible. On tanne les couches de gélatine pour leur donner la solidité voulue pendant les traitements photographiques et pour les empêcher de se redissoudre. Cette insolubilisation est obtenue soit par des aldéhydes qui agissent à pH élevé sur les groupes amines, soit par des sels minéraux, en particulier par des aluns de potassium ou de chrome qui la tannent en milieu acide.
D’autres constituants des couches sensibles sont les colorants sensibilisateurs , nécessaires pour étendre la sensibilité spectrale des halogénures d’argent à l’ensemble des radiations visibles. Intrinsèquement sensibles seulement aux radiations ultraviolettes et aux lumières violette et bleue, les halogénures d’argent peuvent être rendus sensibles au vert, au jaune et au rouge. Absorbant eux-mêmes ces radiations de longueurs d’onde plus longues, les colorants adsorbés sur les cristaux leur transmettent par résonance l’énergie de la radiation incidente; l’image latente résultante est identique à celle qui est due à la sensibilité naturelle des cristaux. On emploie couramment plusieurs classes de colorants sensibilisateurs; caractérisés par la présence d’une chaîne conjuguée composée d’un nombre impair d’atomes de carbone à liaisons alternativement simples et doubles, ils appartiennent aux systèmes de l’ion amidinium, de l’ion carboxyle, ou au système amidique; ce sont des cyanines, des mérocyanines, etc.
Le mécanisme de la sensibilisation spectrale des cristaux d’halogénure d’argent est complexe. Les molécules de colorants, adsorbées à la surface des cristaux en agrégats de plans parallèles, tout comme les pages d’un livre debout, montrent dans cet état une absorption spectrale différente de celle en solution. On choisit donc les colorants pour qu’ils absorbent, à l’état adsorbé précisément, les radiations auxquelles il faut aussi sensibiliser les cristaux. Le transfert de l’énergie captée par les colorants s’effectue par des mécanismes dont le caractère n’est pas entièrement élucidé. Il a lieu soit par un transfert direct d’énergie du colorant activé par la radiation incidente, soit par un transfert d’électrons du colorant au cristal. Dans le premier cas, le potentiel d’ionisation du colorant deviendrait suffisant pour que ses porteurs de charges puissent atteindre le niveau énergétique de la bande de conductivité et créer ainsi une image latente; dans le second cas, l’énergie nécessaire serait directement transférée aux électrons.
Les couches sensibles contiennent enfin des coupleurs ou autres composés destinés à former les colorants des images en couleur. Dans la plupart des procédés, les colorants de la synthèse trichrome des couleurs sont formés au cours du développement, chacun dans sa couche respective, par une réaction de condensation entre un des développateurs de la classe des p -amino-N, N-dialkylanilines, oxydé par le développement, et les coupleurs, composés a priori incolores. Pour empêcher la diffusion des coupleurs d’une couche dans l’autre, on les fixe soit dans des globules d’un solvant organique ne pouvant diffuser à travers la gélatine, même gonflée, soit par adjonction de longues chaînes aliphatiques qui servent en quelque sorte de chaînes d’ancrage. Dans le système de photographie instantanée par transfert (Polaroid), les images sont formées par des colorants migrateurs liés à des développateurs.
L’image latente
Nature de l’image latente
Au cours de l’exposition des microcristaux d’halogénure d’argent, les photons incidents apportent aux électrons de valence des ions halogénure l’énergie nécessaire à leur transfert dans la bande de conductivité; dans le mouvement résultant des électrons à travers le réseau cristallin, certains sont piégés sur des impuretés, en particulier les ions soufre dont l’action fondamentale fut découverte en 1925 par S. E. Sheppard; ils attirent alors des ions interstitiels d’argent pour les neutraliser. Formée d’abord d’un seul atome d’argent, cette amorce de l’image latente s’agrandit rapidement par le même processus et atteint alors une taille suffisante pour ne plus se redécomposer par suite de l’agitation thermique. Ce mécanisme de la formation de l’image latente, proposé en 1938 par R. W. Gurney et Nevill Francis Mott à la suite de leurs recherches sur les processus électroniques dans les cristaux ioniques, repose sur deux réactions; la première, électronique, libère un électron:
elle est suivie de la deuxième, ionique:
qui conduit à la formation d’un atome d’argent. Seule la première résulte directement de l’exposition et ne dépend pas de la température; par contre, la vitesse de la deuxième, ionique, est fortement influencée par celle-ci. À la température de l’air liquide, par exemple, l’effet d’une exposition est presque entièrement perdu parce que la mobilité ionique est pratiquement inexistante.
Action de l’image latente
L’action de l’image latente est essentiellement catalytique et auxiliaire de la réduction des cristaux insolés par le révélateur (fig. 5). Cela fait que la croissance des germes au cours du développement est autocatalytique. Chaque accroissement de taille est suivi d’une élévation de potentiel d’électrode plus électropositif. Dans la configuration électronique du cristal, un niveau énergétique, le niveau de Fermi, est par définition celui dont la moitié est remplie d’électrons; l’autre en est exempte. Les ions développateurs de la solution de révélateur possèdent également leur niveau propre de Fermi; lors de l’immersion de la couche sensible dans le révélateur, ces deux niveaux se compensent, et il s’établit à l’interface cristal-révélateur un gradient stationnaire de potentiel. Aucune réduction rapide en argent métallique d’un cristal non insolé ne peut alors avoir lieu. Dans les cristaux insolés, au contraire, l’image latente introduit à leur surface des zones de niveau énergétique plus bas que le niveau de Fermi, aptes à recevoir un électron de l’ion développateur; celui-ci neutralise alors un premier ion d’argent. Ce processus se poursuit par la fixation d’autres électrons réduisant à leur tour d’autres ions argent, jusqu’à la réduction entière en argent métallique des cristaux exposés. L’hypothèse de ce mécanisme souligne la similitude entre la formation de l’image latente, réduction de quelques ions argent résultant de la seule énergie apportée par l’exposition, et le développement, qui n’en est que la continuation à grande échelle avec l’apport massif d’énergie par le révélateur.
Topologie
Malgré la taille submicroscopique de l’image latente, on possède une bonne connaissance de ses propriétés physiques et de leurs répercussions pratiques. Un facteur important est sa topologie au sein des cristaux ; formée à leur intérieur, elle est inaccessible aux espèces actives du révélateur, mais, déposée à leur surface, elle initie le développement. Suivant le mode d’exposition, les agglomérats d’atomes d’argent sont, en outre, soit de taille relativement importante et peu nombreux, soit au contraire de faibles dimensions et finement dispersés à travers les cristaux. Cette disposition géométrique des images latentes a une incidence importante sur les propriétés pratiques des matériaux photographiques, et sa connaissance permet de concevoir les couches sensibles de sorte qu’elles soient exactement adaptées à leur utilisation particulière. Une autre propriété importante de l’image latente est sa stabilité en conservation; le laps de temps qui s’écoule entre l’exposition d’un matériau photographique et son développement peut en effet être extrêmement variable, de même que les conditions physiques de sa conservation.
Effets photographiques
La taille minuscule et les propriétés intrinsèques des images latentes donnent lieu à des phénomènes appelés défauts d’intégration et effets photographiques , dont les plus marquants sont la non-observation de la réciprocité, l’effet d’intermittence, l’effet Clayden, l’effet Herschel, et d’autres comme la solarisation, l’effet Villard, l’effet Sabattier, etc. Suivant la loi de Bunsen-Roscoe, la masse d’un composé formé par une réaction photochimique ne dépend que de la totalité de la radiation absorbée, mais reste indépendante de la vitesse de cette absorption. Le résultat d’une réaction photochimique proprement dite est par conséquent proportionnel au produit du flux actif par la durée de son action; ces deux grandeurs étant inversement proportionnelles, on appelle aussi «loi de réciprocité» la loi de Bunsen-Roscoe. La complexité de la formation de l’image photographique conduit à la non-observation de cette loi, et on appelle les phénomènes qui en résultent effets de réciprocité. Une exposition très courte de forte énergie ou une exposition à un rayonnement faible pendant une durée longue, tout en ayant la même valeur globale, ne donnent en général pas le même résultat. Dans le premier cas, l’afflux massif de photons libère trop de photo-électrons; ils ne peuvent trouver tous des pièges pour amorcer la formation d’images latentes, et une partie de l’énergie est perdue. Dans le cas contraire de l’incidence lente de faible énergie, un nombre suffisant de pièges est disponible, mais les atomes d’argent isolés résultant de l’exposition acquièrent de par l’agitation thermique l’énergie nécessaire à leur ionisation et se perdent à nouveau dans le réseau cristallin. Ce n’est qu’à un niveau intermédiaire d’exposition que le résultat reste optimal; dans les conditions habituelles de l’utilisation des produits photographiques, l’effet de réciprocité passe inaperçu, puisque les matériaux sont conçus pour les temps de pose le plus fréquemment employés.
Les causes des autres effets sont du même ordre: l’effet d’intermittence , par exemple, résulte directement de l’effet de réciprocité. Une exposition fractionnée, composée de plusieurs courtes poses, ne donne pas nécessairement le même résultat qu’une seule exposition d’un temps égal à l’ensemble des expositions partielles. Cet effet se manifeste en pratique lorsque l’exposition se compose d’une succession d’éclairs ou de décharges individuelles, par exemple lors de la photographie d’écrans d’oscilloscopes.
L’effet Clayden est la désensibilisation envers une exposition donnée, soit par une exposition préalable très courte d’énergie élevée, soit par des rayons X, ou encore par une contrainte mécanique comme une flexion très forte de la couche sensible qui entraîne la pliure ou la rupture des cristaux. Cet effet fut observé par Clayden en 1889 lors de l’étude de décharges atmosphériques; la photographie d’éclairs désensibilisait en effet ses plaques envers l’exposition lente du ciel nocturne. L’exposition intense ou aux rayons X forme des images latentes de très faible taille et largement dispersées dans les cristaux. Elles agissent pendant la deuxième exposition, d’intensité plus faible, comme multiples pièges à électrons et forment un grand nombre d’images latentes internes, inaccessibles au révélateur. L’effet d’une contrainte mécanique a des conséquences similaires.
L’effet Herschel , de nature différente, est la disparition de l’image latente à la suite d’une deuxième exposition à une lumière de grande longueur d’onde, donc, dans le cas pratique, à la lumière rouge ou à des radiations infrarouges. Cette désensibilisation résulte de l’effet photoélectrique, qui consiste en l’éjection d’un électron d’un réseau cristallin.
L’effet d’une exposition excessive peut être inférieur à celui d’une exposition optimale donnant un maximum de densité optique. Cet effet, dû à la réhalogénation de l’image latente superficielle par l’excès d’halogène libéré, s’appelle solarisation . Dans la littérature photographique pratique ou artistique, ce terme est employé avec une signification différente, liée à une technique photographique particulière qui permet de souligner les contours et d’inverser certaines valeurs: c’est, correctement désigné, l’effet Sabattier .
L’effet Villard , enfin, ressemble à l’effet Clayden, mais résulte de la désensibilisation envers une exposition d’intensité normale, en particulier de rayons X, par une exposition préalable uniforme d’éclairement faible.
Traitement photographique
Le traitement photographique comprend les opérations de développement, de fixage, de blanchiment, de lavage et de séchage des produits photographiques exposés. L’image formée par le développement ne devient utilisable qu’après achèvement complet de chaque opération.
Développement
Le développement sert à réduire entièrement en argent les cristaux d’halogénure exposés et à former en même temps les colorants dans les produits donnant des images en couleur. On distingue deux types de développement: le développement direct et le développement physique . Dans le premier, l’argent de l’image est fourni par la réduction des cristaux eux-mêmes; tandis que, dans le second, les cristaux d’halogénure d’argent sont dissous avant ou après le développement, et l’argent, puisé dans la solution de révélateur physique, est déposé par précipitation sur les minuscules amas d’argent de l’image latente, laissés intacts, qui servent de germes catalytiques de précipitation. Dans les révélateurs habituels, légèrement solvants pour les halogénures d’argent, les deux types de développement coexistent en général.
Le développement direct ou chimique n’est autre qu’une réaction d’oxydoréduction mettant en équilibre les deux systèmes argent-halogénure d’argent et développateur-développateur oxydé. L’image latente, agissant comme électrode, accélère cette réaction par son action catalytique. L’énergie nécessaire au transfert direct des électrons du révélateur au cristal est, en effet, bien plus élevée que celle qui est nécessaire au transfert en deux étapes par l’intermédiaire de l’électrode constituée par le couple argent de l’image latente-halogénure d’argent du cristal. Elle donne d’abord lieu au transfert au cristal d’un électron libéré par l’oxydation de l’ion développateur:
et ensuite à la réduction d’un ion argent:
Suivant l’hypothèse déjà mentionnée de Trautweiler sur l’image latente, cette réaction n’est autre chose que la continuation de sa croissance, amorcée pendant l’exposition et poursuivie pendant le développement par l’égalisation du niveau de Fermi des cristaux d’halogénure d’argent et de celui des ions réducteurs du révélateur.
Le rendement de l’opération photographique dépend de l’absorption optique du dépôt obtenu par le développement. La morphologie de l’argent développé a par conséquent une grande importance; lorsque les microdépôts d’argent développés forment en chaque grain une masse comprimée, l’absorption résultante de lumière est faible de même que le rendement optique de l’opération. Lorsque, au contraire, la croissance des dépôts d’argent est telle qu’il en résulte des minces filaments enchevêtrés d’argent, l’absorption de la lumière par la couche exposée et traitée est élevée. Le développement direct donne en général ce genre de dépôt très absorbant, tandis que celui qu’on obtient par développement physique est plus compact et absorbe moins de lumière (fig. 6). On appelle pouvoir couvrant d’une couche photographique traitée le rapport de sa densité optique à la masse de l’argent déposé, évaluée en grammes par centimètre carré.
Les quatre constituants principaux des révélateurs sont les agents développateurs , destinés à réduire en argent les cristaux exposés, l’ion sulfite ou d’autres composés assurant la conservation du bain, des composés réglant par leur action tampon le pH , en général alcalin, et des halogénures solubles ou des antivoiles organiques . Les combinaisons d’agents développateurs le plus souvent employés en noir et blanc sont celles du génol (méthylparaminophénol, aussi appelé élon et métol ) et de l’hydroquinone, par suite de leur action suradditive; les agents développateurs chromogènes sont, en général, des N-alkylparamino-anilines. Le sulfite, protégeant par son action réductrice les développateurs de l’oxydation spontanée, surtout par l’oxygène de l’air, agit aussi comme solvant des halogénures d’argent et contribue ainsi au développement physique auxiliaire. L’action des composés antivoiles est complexe; on distingue en effet deux genres de voile: le voile propre à la couche et dû à des inclusions d’ions soufre ou de traces d’argent ou d’or à la surface des cristaux, et le voile dû à une trop forte activité du révélateur. Les ions halogénure contenus dans le révélateur agissent d’abord en recouvrant les impuretés des cristaux, promoteurs de voile, et aussi par leur adsorption sur les aspérités et dislocations superficielles des cristaux qui, non protégées, risqueraient d’amorcer leur développement spontané.
Les agents développateurs, oxydés par la réaction de développement, ne peuvent plus servir dans le cas du noir et blanc; en photographie en couleur, au contraire, on en tire parti pour former dans chaque couche les colorants nécessaires. Cette opération, appelée développement chromogène , se déroule en trois étapes, qui sont: la réduction des cristaux exposés, la copulation donnant un leuco-dérivé, la formation du colorant par son oxydation (fig. 7, réactions a, b, c).
Après la formation du colorant, on élimine l’image argentique, formée accessoirement pendant le développement chromogène, en la rebromurant dans un bain oxydant (opération appelée blanchiment) et en dissolvant ensuite le bromure d’argent ainsi formé dans un fixateur. Le blanchiment oxyde aussi les leuco-dérivés résiduels et contribue ainsi à la formation des colorants.
Les produits d’oxydation des développateurs peuvent aussi servir à tanner la gélatine des couches photographiques. Les formes quinoniques, dues à l’oxydation des développateurs à deux fonctions hydroxyles au moins, par exemple l’hydroquinone, tannent la gélatine par formation de ponts inter-et intramoléculaires. Ce mécanisme est utilisé dans les procédés hydrotypiques (Technicolor) et dans le développement instantané d’images en couleur dans l’appareil de prise de vue (Polaroid couleur). Dans les premiers, on forme par tannage des reliefs de gélatine corrrespondant aux images positives, on les imbibe de solutions de colorants et on transfère ceux-ci sur des films ou papiers servant de surfaces réceptrices. Dans le développement instantané par diffusion-transfert, le tannage est effectué par des colorants développateurs, composés réunissant la constitution d’un développateur et celle d’un colorant (fig. 8). Oxydés par la réaction de développement, ils se fixent dans la gélatine du négatif aux endroits exposés, mais diffusent dans les aires non exposées à la prise de vue vers la couche réceptrice mordancée, où ils précipitent et forment l’image positive.
Lorsque l’agent développateur est incorporé dans la couche sensible, le bain de traitement ne contient que les composés régulateurs du pH et les antivoiles; on l’appelle alors activateur. C’est la méthode de traitement dite par stabilisation , employée pour donner des épreuves en quelques secondes.
On désire souvent, en vue d’une économie de prix ou de temps, obtenir l’image positive directement sur le matériau exposé à la prise de vue; lorsqu’il s’agit de n’avoir qu’une seule image, le négatif est en effet inutile. On obtient alors les images positives directes par un traitement appelé par inversion (pl. couleur II, bas). On développe d’abord le film exposé de la façon habituelle, mais, après avoir formé les négatifs dans leurs couches respectives, on utilise le résidu d’halogénure d’argent, non encore exposé, pour former les positifs. En noir et blanc, on dissout dans ce but l’argent formé au cours du premier développement, on réexpose le film uniformément et on développe l’image positive dans un deuxième révélateur. En couleur, il n’est pas nécessaire de dissoudre les images négatives avant la réexposition, puisque toutes les images argentiques sont éliminées plus tard, après la formation des colorants; on réexpose donc, dans ce cas, immédiatement après le premier développement, et on effectue le développement chromogène pour former les positifs en couleur. La totalité de l’halogénure d’argent des couches se trouve donc réduite en argent; on l’élimine, comme dans le développement chromogène négatif, par une réhalogénation de l’argent dans un bain oxydant (blanchiment) suivie d’un fixage. Dans les procédés employant des couches sans coupleurs et des bains chromogènes contenant chacun le coupleur approprié (Kodachrome), le processus est similaire et ne se distingue des autres que par le nombre (trois) de ses réexpositions et de ses révélateurs chromogènes.
Dans l’inversion par diffusion-transfert instantanée en noir et blanc (Polaroid), la couche exposée est imbibée d’un «monobain», révélateur contenant aussi un solvant ou complexant des halogénures d’argent (par exemple l’ion hyposulfite), et mise en contact avec une feuille réceptrice qui ne contient dans sa couche que de minuscules germes de cristallisation (par exemple l’argent colloïdal). L’image négative se développe dans la couche exposée, et le résidu d’halogénure d’argent, dissous par le complexant contenu dans le révélateur, migre vers la couche réceptrice, où l’argent précipite sur les germes et forme l’image positive.
Compléments de traitement
Après achèvement du développement, il est nécessaire d’éliminer ou de neutraliser ceux des constituants des couches sensibles en excès qui sont indésirables ou pourraient avoir une influence nocive sur la bonne conservation des images. En noir et blanc, ce sont les halogénures d’argent résiduels, et, en couleur, les images argentiques accessoires du développement chromogène et les coupleurs résiduels. Dans presque tous les traitements, on effectue par des rinçages et des lavages l’élimination intermédiaire ou finale des composés devenus inutiles, après les avoir rendus solubles.
La neutralisation des halogénures d’argent résiduels peut être obtenue soit par leur élimination par dissolution, appelée fixage , soit par leur transformation en composés insensibles à la lumière et stables à l’humidité et à la chaleur, appelée stabilisation. Le fixage est fondé sur le déplacement de l’équilibre des deux espèces ioniques de l’halogénure d’argent, pour les solubiliser, par un complexant capable de former des complexes stables; les composés se prêtant le mieux à cette réaction sont les hyposulfites. Les agents de la stabilisation forment aussi des complexes, solubles ou insolubles; dans les premiers, on trouve également les hyposulfites, souvent en combinaison avec les sulfocyanures et des dérivés de la thio-urée, et, dans les seconds, des composés organiques sulfurés, tels les mercaptans, le monothioglycérol, le thioglycol et d’autres.
Dans les procédés en couleur, on élimine l’argent formé au développement chromogène par blanchiment et fixage (films) ou blanchiment-fixage simultanés (papiers). L’oxydant courant est le ferricyanure. Polluant, il a été remplacé par le persulfate (cinéma) et le sel ferrique de l’EDTA (acide éthylènediamine-tétracétique) puis d’autres séquestrants moins nocifs, dont le DTPA (diéthylène-triamine-pentacétique) ou encore un dérivé phosphonique. Tous les bains de blanchiment contiennent aussi d’habitude des ions halogénure introduits sous forme de sels solubles. Ils réagissent avec l’argent réduit et forment à nouveau des halogénures d’argent qui sont ensuite dissous par fixage comme dans les traitements en noir et blanc. Pour neutraliser les coupleurs résiduels, on bloque leurs fonctions réactives par des aldéhydes; non protégés, certains réagiraient avec les colorants formés et dégraderaient ainsi les couleurs des images.
Des opérations non négligeables, parmi les traitements photographiques, sont les lavages et le séchage. Les lavages, aussi bien entre les diverses étapes des traitements qu’à leur fin, tout en étant simples dans leur principe, influent considérablement sur la qualité physique et la conservation des images. Par l’élimination de tous les résidus solubles, ils les protègent contre la détérioration après une longue conservation, par exemple par sulfuration de l’argent ou par d’autres réactions lentes qui pourraient faire perdre des documents précieux et irremplaçables. Paradoxalement, malgré cet impératif de pureté, la coutume s’est établie de remplacer le lavage des films et des papiers couleur par un bain stabilisant, dit superstabilisant , où les produits résiduels du développement et du blanchiment, ainsi que du fixage, sont séquestrés à demeure, le pH alcalin étant ramené à la neutralité. En même temps, le formol est réduit et un bactéricide ajouté. Ce système, appelé washless , s’est imposé pour raison de facilité.
6. Théorie des procédés non argentiques
Les mécanismes intrinsèques des procédés non argentiques sont essentiellement chimiques; leurs principes se résument à la discussion de la photochimie de certaines classes de composés, surtout organiques.
Un grand nombre de composés à une ou plusieurs liaisons éthyléniques se transforment, sous l’effet d’une irradiation ultraviolette, de leur forme cis- en isomère trans- avec apparitions de pontages et de nouvelles structures cycliques, souvent accompagnées de la formation de réseaux tridimensionnels qui les rendent insolubles dans leurs solvants initiaux. L’exemple classique de cette isomérisation trans-cis est la transformation (réaction 5) de l’acide maléique (cis- isomère) en acide fumarique (trans- isomère).
Dans les applications pratiques, on fait plutôt appel, par extension de ce principe, à la photopolymérisation, et en particulier à l’emploi de composés déjà polymérisés, les polymères photosensibles , que la transformation par l’irradiation rend insolubles. Un exemple typique de ce pontage entre molécules organiques est la transformation (réaction 6) de l’acide cinnamique en acide 見 ou 廓-truxillique.
Le mécanisme fondamental de ces réactions photochimiques est la rupture des doubles liaisons, conduisant à la création de nouvelles structures et modifiant profondément les propriétés physiques des composés. L’énergie nécessaire à cette transformation est exclusivement puisée dans la radiation incidente, et la photopolymérisation ne bénéficie donc pas de l’amplification par le développement, inhérente au procédé photographique classique. On y remédie dans une certaine mesure par l’action de composés qui sensibilisent la réaction photochimique des polymères: le polyvinyl-cinnamate, par exemple, peut être sensibilisé par des nitroaryls, des anthrones, des quinones, des imides de la diamidobenzophénone, des diaminodiphényl-cétones et carbinols, des nitrofluorènes, des diphtaloylnaphtalènes, etc.; mais sa sensibilité reste évidemment très inférieure à celle des halogénures d’argent.
Les procédés thermographiques utilisent des réactions déclenchées par une élévation locale de la température entre deux composés contenus soit séparément dans une couche «matrice» et une couche «réceptrice», soit dans la même couche. Utilisés surtout en copie de documents, ils servent à la reproduction de textes imprimés ou dactylographiés; l’exposition à une source de radiation infrarouge donne par réflexion sur le noir de fumée des caractères l’augmentation voulue de la température, mais celle-ci n’a pas lieu par réflexion sur le fond blanc du papier. Une réaction thermographique typique est celle du béhénate d’argent et d’un réducteur organique approprié, par exemple de l’acide protocatéchuique; d’autres réactions sont celles de dérivés d’indole et de composés phénoliques, de sels métalliques organiques et de thio-urée, ou de leuco-dérivés diazoamines ou triazines, incolores, avec un coupleur du type naphtol.
7. Possibilités et limites de la photographie
La valeur technique de l’enregistrement photographique dépend de ses propriétés optiques et physiques . On juge la qualité d’une image photographique – abstraction faite de toute considération esthétique – soit à l’échelle macroscopique, en évaluant la répartition de ses luminances et couleurs, soit à l’échelle microscopique, en considérant la reproduction des détails et l’enregistrement et le transfert de l’information. Chacune de ces évaluations peut être faite de deux façons: l’observation et l’inspection directe de l’image par un observateur révèle ses aspects subjectifs; la mesure précise de ses propriétés à l’aide d’instruments de physique donne ses aspects objectifs. Ces deux approches sont indispensables pour connaître les limites, mais surtout les étonnantes possibilités de la photographie.
La reproduction des valeurs
On appelle «image» tout ce qui fait apparaître sur une surface uniforme des lignes et des formes par des différences de luminances et de couleurs. Une photographie, résultat direct des radiations lumineuses provenant du sujet, peut donc être jugée par la fidélité matérielle de leur enregistrement. L’expérience montre que ce jugement s’appuie davantage sur les variations des luminances que sur celles des couleurs; un des attributs de base des couleurs étant leur luminosité, il suffit donc de comparer les progressions de luminances, ou échelles de valeurs du sujet et de l’original, pour trouver dans leur relation fonctionnelle une évaluation quantitative de la qualité de la reproduction macroscopique. Dans ce contexte, le moyen photographique sert essentiellement de photomètre, et l’étude repose ainsi sur la photométrie objective et la sensitométrie d’une part, sur la photométrie subjective d’autre part.
Éléments de l’étude objective
La reproduction objective des valeurs fait appel à un petit nombre seulement d’unités photométriques: l’intensité I d’une source lumineuse en candelas ; le flux lumineux 淋 dirigé par cette source dans l’espace, en lumens; l’ éclairement E , en lux, d’une surface frappée par ce flux; la luminance L , en candelas par mètre carré, fraction du flux réfléchie ou transmise vers l’observateur. À ces unités purement photométriques s’ajoutent celles qui sont employées en sensitométrie, technique de mesure destinée à l’évaluation quantitative de la sensibilité des matériaux photographiques et à la détermination des paramètres qui caractérisent leurs propriétés. On évalue l’absorption de la lumière par les dépôts d’argent ou de colorants dans les couches traitées, respectivement, par leur transmittance T ou encore par leur réflectance R , rapports du flux lumineux transmis 淋 size=1糖, ou réfléchi 淋 size=1度, au flux incident 淋0:
ou surtout en unités logarithmiques correspondantes, par leurs densités optiques mesurées soit par transparence:
soit par réflexion:
La quantité totale de radiation reçue par une couche sensible, égale au produit de son éclairement I et du temps d’exposition t , est appelée exposition ou lumination . Le symbole habituel de cette grandeur est E :
La relation de noircissement est la progression de la densité optique en fonction de l’exposition:
on la représente habituellement par un graphique donnant la courbe caractéristique ou sensitométrique du système constitué par le matériau sensible et son traitement (fig. 9); on en déduit plusieurs paramètres, dont les plus importants sont la sensibilité, le contraste et le voile.
La sensibilité S des films en noir et blanc est, selon la norme internationale ISO, dérivée de la norme américaine ASA ou ANSI, donnée par la formule:
dans laquelle E 0,1 est la lumination en bougies-mètres-seconde capable de produire une densité de 0,1 au-dessus du voile (au point M de la fig. 10), la densité entre M et N étant 0,8 et le gamma moyen 0,7.
Pour les négatifs couleur, la sensibilité S est donnée par la formule:
où E 0,15 correspond à une densité minimale de 0,15 (et non plus 0,1). On prend à cet effet la moyenne du rouge et du vert.
Pour les inversibles couleur, on prend les luminations E correspondant à D = 2,2 et 0,2, et on fait la moyenne E m. On a:
Le contraste photographique est la mesure du taux d’accroissement de la densité en fonction de l’exposition, exprimée par la différentielle de la fonction de noircissement d = f (lg E ):
il est égal à la pente de la tangente à la courbe caractéristique au point d’inflexion.
On appelle voile la densité globale du matériau non exposé et traité; tout matériau photographique développé, fixé et séché, même sans avoir été frappé par une radiation actinique, possède en effet une absorption due d’une part au support et d’autre part à la couche; on mesure le voile par la densité minimale de la courbe caractéristique.
Évaluations subjectives
En observant une image photographique, on juge sa qualité de reproduction des valeurs suivant les oppositions et transitions de la luminosité de ses aires élémentaires; celles-ci sont fortement influencées par l’environnement immédiat du point observé et par son entourage plus général. La luminosité apparente d’une plage de luminance physique donnée dépend en effet de l’adaptation générale et locale de la vue de l’observateur et des effets de contraste simultané, éléments de base de la photométrie subjective.
L’adaptation générale permet à notre vue de couvrir l’étendue très vaste des niveaux d’éclairement journellement rencontrés, qui s’étendent d’une fraction de lux en ambiance sombre jusqu’aux niveaux cent millions de fois plus élevés en plein soleil. Elle est caractérisée par sa lenteur: l’adaptation complète lors d’un changement brusque du clair au sombre peut en effet durer plusieurs minutes.
L’adaptation locale à l’environnement proche de la plage observée est beaucoup plus rapide; quelques secondes suffisent pour faire apparaître plus clairs ou plus sombres des détails d’une image en fonction de la luminosité des aires avoisinantes.
Le contraste simultané , enfin, résultat de la juxtaposition directe de plages contiguës de luminosités très différentes, est un phénomène instantané; il accentue leurs différences et contribue ainsi à la visibilité des limites et des détails.
Le problème fondamental de la photométrie subjective, essentiel pour son application à la photographie, est celui des échelles de valeurs , progressions de luminosités apparentes en fonction des luminances effectives correspondantes. On les établit par des égalisations visuelles des deux moitiés d’un champ photométrique – constitué en général par la surface intérieure d’un cercle partagé par son diamètre vertical, une moitié comportant un éclairement de référence et l’autre la luminance à évaluer – pour déterminer la luminosité apparente de chaque échelon comme l’attribut destiné à classer sa perception par équivalence à celle d’une plage de référence prise dans une série allant du noir au blanc [cf. PHOTOMÉTRIE]. Pour un état d’adaptation donné, de niveau moyen en vision photopique, cette relation est approximativement exprimée par la «loi», ou relation psychophysique, de Weber-Fechner, qui stipule que la sensation visuelle S est proportionnelle au logarithme de la luminance L:
où k 1 et k 2 sont des constantes. Fondée sur l’hypothèse fallacieuse de la constance de l’échelon liminaire de luminance (la plus petite différence discernable de la luminance de deux plages contiguës), cette relation n’exprime toutefois pas entièrement les résultats expérimentaux, et on la remplace souvent par une relation exponentielle de la forme:
l’exposant n dépend surtout de l’influence du champ environnant, qui détermine l’état d’adaptation générale et varie de 0,3 environ sans adaptation par ce champ jusqu’à 3,0 environ pour des champs environnants de luminance très élevée.
La reproduction photographique des luminances
Pour remplir son rôle documentaire, une image photographique doit transmettre à l’observateur l’information enregistrée par ses échelles de luminances. Celles-ci, déterminées par la réponse sensitométrique du procédé utilisé, dépendent des conditions de la prise de vue , de celles de la confection du positif et des conditions matérielles de l’observation de l’image .
La réponse sensitométrique conditionne les progressions des luminances dans les parties claires (ou lumières), dans les teintes moyennes et dans les ombres; elle doit être rapide dans les premières et les dernières, mais plus faible dans le milieu des échelles pour donner à l’image tout l’éclat de la réalité. Dans les lumières, le contraste élevé fait ressortir les finesses du modelé du sujet et évite qu’elles ne disparaissent dans des aplats presque blancs; un contraste élevé dans les parties sombres de l’image n’est pas seulement exigé par les propriétés subjectives des échelles de luminosités pour rendre visible le détail d’objets sombres ou noirs, mais il augmente par l’effet de l’adaptation locale l’apparence lumineuse des parties claires. Une progression lente, enfin, dans les demi-teintes améliore leur visibilité et évite des transitions brusques qui donneraient à la reproduction une apparence heurtée. La réalisation satisfaisante de ces caractéristiques résulte d’un ajustement judicieux de la réponse des matériaux négatifs et positifs et de leurs traitements.
Les conditions d’exposition à la prise de vue dépendent de l’éclairage du sujet, de la répartition des luminances dans le champ de l’image et de la qualité optique de sa formation. Un bon éclairage est primordial: il fait ressortir tous les détails et détache le sujet principal du fond ou de l’arrière-plan. L’automate de la figure 11 en est un exemple: avec un éclairage plat et sans effet (à gauche), de nombreux détails manquent de relief; tout en apparaissant avec un éclairage latéral (au centre), celui-ci reste insuffisant avant d’avoir été accentué par un éclairage à contre-jour. Le sujet, découpé et sans volume avec l’éclairage plat, gagne alors tout son volume et apparaît tel qu’il se présente dans la réalité.
La répartition des luminances dans le champ de l’image agit, en outre, conjointement avec la qualité du système optique, sur l’effet de la lumière diffuse . Une grande étendue très claire, par exemple le ciel dans une vue de paysage, forme sur la surface sensible à l’intérieur de l’appareil photographique une tache très lumineuse qui éclaire tout l’intérieur; la lumière réfléchie crée ainsi un éclairement uniforme dans l’espace qui devrait constituer une chambre noire. Insensible dans les lumières, cet éclairement non modulé fait disparaître le modelé du sujet dans les ombres et y efface le relief. Cet effet de la lumière diffuse peut être atténué par un parasoleil efficace et par l’emploi d’un système optique très propre, à surfaces non réfléchissantes.
Le tirage du positif reste une opération essentielle pour le rendu des valeurs; il doit être adapté au sujet, à son éclairage et à la qualité du négatif. Dans la photographie professionnelle en noir et blanc, on adapte en général le papier à ces données en utilisant plusieurs grades de contraste. En couleur, où l’on ne dispose que d’un seul contraste, le résultat ne dépend que de l’éclairage du sujet et de l’exposition du négatif; il peut être ajusté, toutefois, par un choix judicieux de l’exposition au tirage et par une filtration colorée appropriée. Pour les épreuves d’amateurs, tant en noir et blanc qu’en couleur, obtenues sur les tireuses à grand rendement, on applique ce même ajustement du temps d’exposition, automatique dans ce cas, mais conjoint au réglage supplémentaire selon la répartition des luminances entre le sujet principal et le fond.
En photographie documentaire, scientifique et technique, l’écart des luminances extrêmes du sujet peut dépasser les possibilités de reproduction des valeurs d’un procédé donné. On est alors obligé de comprimer l’échelle de luminances de l’épreuve finale ou de la déformer, soit par des méthodes photographiques, soit par exploration lignée du négatif original, similaire à celle de la télévision, et restitution de l’image sur un écran après correction appropriée des signaux électriques à l’aide d’un ordinateur. On emploie aussi des échelles de valeurs, intentionnellement déformées, par exemple en publicité ou pour créer des effets particuliers. Le principe de la reproduction correcte des valeurs s’applique, en revanche, même aux cas où l’événement initial n’est pas visible, par exemple en radiographie, ou trop fugitif, comme dans la spectroscopie de phénomènes transitoires. On y crée une «image» visible que l’on désire interpréter comme telle, et on exige alors, par extrapolation, des échelles de valeurs harmonieuses, même si elles n’étaient pas décelables dans la réalité du phénomène.
La reproduction correcte des luminances dépend enfin des conditions d’observation de l’image; celles-ci déterminent la perception par l’observateur du résultat de l’enregistrement, étape finale de tout procédé photographique, aussi importante que l’établissement matériel de l’épreuve. Relativement à l’adaptation générale de l’observateur, l’image doit être suffisamment éclairée; dans la pratique, les valeurs absolues de ses luminances varient en effet considérablement comme le montrent les chiffres du tableau ci-après. Aux faibles valeurs du dernier éclairage (lampes à incandescence), on ne distingue plus tous les détails consignés dans les épreuves; pour assurer une observation critique satisfaisante, la norme française NFS-20 007 recommande en conséquence un éclairement de 1 500 梁 500 lux pour l’examen visuel d’épreuves en couleur. Les luminances d’images projetées sont également très variables: le blanc d’un écran clair moyen de projection est de l’ordre de 50 cd/m2, plus faible que celui d’un tube de télévision qui varie entre 70 cd/m2 en monochrome et 150 cd/m2 environ en couleur. L’observation correcte d’une image exige, en outre, une bonne uniformité de l’éclairement et, pour éviter des reflets nuisibles, une disposition adéquate des sources de lumière par rapport au plan de l’épreuve et à la position de l’observateur.
Projection fixe de diapositifs
Les diapositifs ou diapositives selon la terminologie anglaise sont généralement projetés sur un écran perlé. Les conditions d’examen sont les mêmes que pour les projections animées, dont le contraste est influencé par l’éclairement périphérique. On observe cet effet dans la rétroprojection sur écran translucide effectuée à la lumière ambiante: la densité maximale de l’image diapositive n’a pas besoin, dans ces conditions, d’être aussi élevée que pour une projection normale (c’est le cas du film Ektachrome pour rétroprojection). Autrefois, les diapositifs étaient des plaques sur verre de grand format; aujourd’hui, on se contente de films 24 憐 36 mm ou 6 憐 6 cm, maintenus dans des montures en carton ou en plastique, mais les professionnels préfèrent les montures en verre. Les projecteurs les plus courants sont généralement destinés au 24 憐 36, mais on trouve aussi des modèles pour images 6 憐 6 et 6 憐 4,5 (Hasselblad), à décentrement simultané de la lampe, du collecteur et de l’objectif, pour rattraper le parallélisme quand l’appareil est plus bas que l’écran.
Les diapositifs sont placés soit dans des paniers droits standards de 36 ou 50 vues (certains ont 40 ou 100 vues), soit dans des paniers circulaires horizontaux de 80 vues, ou verticaux de 100 vues. La lampe de 150 ou 250 watts, au quartz-halogène, est alimentée par un transformateur basse tension de 24 volts, et refroidie par une soufflerie, tandis que la mise au point se fait automatiquement par autofocalisation, au moyen d’une cellule sensible à l’infrarouge et un petit servomoteur. La télécommande, quand elle existe, se fait aussi par infrarouge. L’objectif dépend de la dimension de la salle: 50, 90, 150 ou 250 mm de focale, ou variable de 70 à 120 mm. Un variateur temporel, ou timer , permet de fixer la durée individuelle de passage entre 5 et 30 secondes, tandis qu’un retour automatique à zéro, en fin de projection, permet de contrôler les séries. Un effet recherché est le fondu enchaîné (de 0,5 à 5 ou 6 s), ce que l’on peut réaliser soit avec un appareil à deux objectifs, soit avec deux appareils reliés à un synchronisateur qui module l’intensité de chaque lampe (Simda, Philips, Electrosonic, Kodak, Leitz, Alpa Varidia, etc.), la programmation pouvant être faite sur bande magnétique. Les modèles de projecteurs courants sont conçus pour la monoprojection, avec une prise à six broches de synchronisation sonore par magnétophone. Celui-ci suffit si le déclenchement des vues est manuel, mais le synchronisateur est nécessaire si le déclenchement est automatique, synchronisateur qui peut être indépendant, accouplé par câble ou incorporé (Uher Royal, Philips, Revox, etc.). Si le son est enregistré sur la piste 1 de la bande, l’opération consiste à inscrire, à intervalles donnés, un top de 1 000 hertz, de 0,25 à 0,5 seconde, sur la piste 2, top qui commande le passage à une autre image, par le moyen d’un relais. Certains projecteurs (Prestinox) font la synchronisation de l’image et du son. D’autres, comme Carousel S-AV 2050 et 1050, sont plus spécialement destinés à la multivision (ou multiprojection) professionnelle: à cet effet, 12 broches permettent le branchement des périphériques. Le dispositif de fondu enchaîné programmable Kodak S-AV permet d’encoder et de décoder les programmes de diapositifs avec plusieurs projecteurs (jusqu’à 10 paires) en synchronisant le son et l’image. Les signaux de synchronisation du S-AV sont compatibles avec le système de signaux du système Mate-Trac de la société Arion, ce qui permet de commander jusqu’à 4 paires de projecteurs, chacune pouvant être commandée indépendamment des autres paires (cf. infra ).
La reproduction des couleurs
Le contenu d’une image, rendu visible par des différences de luminance, est incomplet s’il n’inclut pas les couleurs des sujets représentés. L’ajout de la couleur, entité intrinsèquement tridimensionnelle [cf. COULEUR], augmente en effet considérablement l’information retransmise par l’image. La reproduction photographique des couleurs est fondée sur le principe physique de leur restitution exacte, c’est-à-dire colorimétriquement fidèle; c’est la phase objective de leur reproduction par la méthode trichrome. Les subtilités de la vision et du jugement des images exigent en outre quelques ajustements de second ordre, nécessaires pour tenir compte aussi de la mémoire des couleurs et des préférences subjectives des observateurs.
Le principe physique de la trichromie fut démontré par le physicien James Clerck Maxwell, en 1859, lorsqu’il se servait de la photographie pour prouver la théorie trichrome de la vision de Young, énoncée presque soixante ans plus tôt. Lors de cette démonstration, Maxwell réalisa en effet la première reproduction photographique des couleurs par synthèse additive. Mais l’application effective de la trichromie à la photographie des couleurs fut inventée indépendamment, en 1869, simultanément par Charles Cros et par Louis Ducos du Hauron ; ce dernier réalisa par synthèse soustractive de nombreuses images photographiques en couleur et donna les principes de la plupart des divers procédés trichromes employés ultérieurement.
La méthode de ces deux inventeurs se résume ainsi: dans un premier temps, on procède à l’analyse en séparant les radiations visibles qui proviennent de la scène ou du sujet à reproduire dans les trois groupes rouge, vert et bleu. C’est la sélection trichrome, obtenue en pratique soit simultanément à l’aide de trois couches photosensibles superposées et sensibilisées en conséquence aux domaines correspondants du spectre visible, soit successivement à l’aide de trois films négatifs exposés respectivement avec interposition de filtres rouge, vert et bleu, méthode d’application à présent plus limitée et employée surtout en photogravure. Dans un deuxième temps, on effectue la synthèse de ces trois enregistrements: des positifs qui correspondent aux négatifs des fractions rouge, verte et bleue des radiations enregistrées à la sélection sont teintés respectivement en cyan (bleu-vert), en magenta et en jaune. On les obtient soit sur un deuxième matériau (film ou papier) à couches superposées, traité par développement chromogène, soit par inversion chromogène du matériau qui a servi à la sélection, ou encore par la superposition en repérage exact de trois positifs séparés.
Le mécanisme physique mis en jeu dans ces opérations, appelé principe de Maxwell , est celui de la synthèse additive, base de tous les procédés photographiques en couleur. Il se décompose comme suit:
– choix de radiations rouge, verte et bleue, comme couleurs primaires de la restitution;
– étalonnage du spectre visible, longueur d’onde par longueur d’onde, pour déterminer les jeux des trois fractions des couleurs primaires nécessaires à la restitution de chaque couleur monochromatique: cet étalonnage donne les fonctions spectrales de mélange;
– sélection trichrome à l’aide de trois récepteurs photographiques de sensibilités chromatiques proportionnelles à ces fonctions de mélange;
– enfin, restitution de l’image du sujet, par synthèse additive, constituée par la superposition, par projection sur un écran, des trois faisceaux de lumière rouge, verte et bleue modulés par les trois positifs de sélection, chacun d’eux étant copié d’après son négatif correspondant.
Le principe de Maxwell est valable aussi pour la synthèse soustractive qui n’est qu’une autre forme d’application de la même méthode (pl. couleur, fig. 2); on la réalise en remplaçant les trois positifs destinés à moduler les faisceaux de lumières primaires rouge, verte et bleue par des positifs géométriquement identiques, mais de couleurs complémentaires cyan (bleu-vert), magenta (pourpre) et jaune. Le point fondamental du principe de Maxwell reste toutefois pour les deux modes de synthèse la proportionnalité des sensibilités spectrales de sélection s i, avec i = r, v ou b, aux fonctions de mélanges 諾, 率 et 累 des couleurs primaires:
L’application pratique de ce principe nécessite quelques artifices. De façon générale, la synthèse colorimétrique à l’aide de trois primaires ne recouvre jamais le domaine entier des couleurs, et les fonctions de mélanges ont par conséquent des tronçons négatifs (fig. 12); il faudrait donc aussi en partie des sensibilités spectrales négatives, condition non réalisable puisqu’elles peuvent à la limite s’annuler, mais jamais changer de signe. En outre, les absorptions spectrales des colorants employés pour réaliser des images en couleur par synthèse soustractive ne satisfont pas les exigences du principe théorique. On élimine ces deux difficultés à l’aide de méthodes de correction par masques , à présent très perfectionnées et intégrées dans les procédés; dans les films négatifs, ces corrections sont réalisées par des coupleurs colorés ou des méthodes assimilées, et, dans les films inversibles, par des effets de développement qui ajustent dans chaque couche les quantités de colorants formés en fonction des images contenues dans les deux autres couches. Ces procédés correctifs, joints au principe physique de la restitution colorimétriquement fidèle des couleurs du sujet, donnent des reproductions pratiquement parfaites.
Pour tenir compte de l’évaluation subjective des images en couleur, on est obligé d’introduire de légers ajustements supplémentaires. Les sujets reproduits sur des photographies ne sont en général pas visibles pendant l’observation de leur reproduction, et celle-ci est vue, dans la plupart des cas, dans des conditions d’éclairage entièrement différentes de celles de la prise de vue. Pour évaluer la fidélité de la reproduction, l’observateur est donc obligé de se fier à sa mémoire des couleurs ou, s’il n’a jamais vu le sujet photographié, ce qui est le plus fréquent, de juger l’image suivant ses préférences. Les couleurs de mémoire sont celles qui rappellent à la majorité des observateurs des teintes fréquemment rencontrées dans la vie quotidienne; comme elles, les couleurs préférées de reproduction correspondantes ne sont pas entièrement conformes aux couleurs réelles. On tient compte de ces petites mais non négligeables différences par des ajustements appropriés des matériaux et de leurs traitements.
La réalisation pratique de la photographie en couleur
Si l’on excepte le procédé interférentiel de formation d’images argentiques stratifiées au sein d’une couche d’émulsion sans grain adossée à un miroir de mercure, procédé imaginé par Gabriel Lippmann vers 1891, et le procédé par dispersion de Rheinberg et Chéron au moyen d’un prisme, au début de ce siècle, les procédés pratiques de photographie en couleur font tous appel à la sélection trichrome. Il convient, dans ces conditions, de bien distinguer la phase d’enregistrement de la phase de restitution. L’enregistrement des trois images primaires correspondant aux filtres bleu, vert et rouge peut se faire soit suivant un mode extensif (trois images sur films séparés, trois images séparées sur le même film, ou imbriquées), soit suivant le mode superposé (films multicouches). Les images sur films séparés nécessitent un appareil à miroirs ou prismes séparateurs; leur construction a été abandonnée à la généralisation du film multicouches. Les images séparées, disposées côte à côte sur le même film, ont été utilisées seulement en cinématographie par projection additive à l’aide d’objectifs multiples, jusqu’en 1950. Les images imbriquées sur l’emplacement d’une seule image sont celles que l’on trouve derrière les trames et mosaïques colorées des systèmes additifs à microfiltres dont un type bien actuel est l’écran tramé de télévision. On a connu, pendant longtemps, dans cette catégorie, les autochromes Lumière (mosaïque de grains de fécule), les dioptichromes Dufay, puis le film Dufaycolor (trame colorée régulière), ou les plaques Finlay (mosaïque géométrique), pour ne citer que les plus connus; et, plus près de nous (1977), le film polavision de Polaroid, à développement instantané. Un autre système à images imbriquées est le film à éléments lenticulaires (ou film gaufré) imaginé en 1909 par Berthon et mis en œuvre par Keller-Dorian: les tentatives d’exploitation par Agfa et Kodak ont duré jusqu’en 1956. L’imbrication peut encore être produite à l’aide d’un triple réseau de diffraction, d’après une ancienne idée de Wood, développée par Ives en 1906: son application par Mueller, en 1969, a donné lieu au procédé T.O.C. (total optical color ) pour le stockage des documents par l’intermédiaire de spectres de Fourier. Le stockage d’images couleur est également possible par enregistrement holographique de faisceaux diffractés sélectionnés. Une autre façon d’enregistrer les images couleur par réseaux de diffraction, mais qui appartient à l’alinéa suivant, consiste à superposer trois minces réseaux en relief correspondant aux trois sélections, qui ne transmettent que la lumière de diffraction d’ordre zéro, les autres ordres étant rejetés: c’est le procédé Z.O.D. (zero order diffraction ), décrit en 1978. Les films à couches superposées, actuellement utilisés pour la couleur, sont tous issus du brevet fondamental de Rudolf Fischer, en 1912: la différenciation de chacune des trois couches, sensibles aux couleurs primaires du spectre, se fait par incorporation d’un coupleur particulier susceptible de se combiner au développateur chromogène unique, pour donner un colorant correspondant de ton complémentaire, et constituant partiel de l’image négative. Une copie de celle-ci fournit une image positive, par une réinversion des teintes. La réalisation pratique du film à couches superposées n’a été rendue possible que par la synthèse de coupleurs non diffusants à longues chaînes grasses, dès 1935 (film Agfacolor, par Schneider, Wilmanns et Frölich), mais avec adjonction d’un groupement acide salifiable pour les solubiliser et rendre possible l’incorporation. Un autre mode d’incorporation consiste à dissoudre le coupleur insoluble dans un solvant organique non volatil, et de l’émulsionner avec la gélatine, à l’aide d’un agent tensio-actif: c’est le procédé employé dans le film Kodacolor et ses analogues de la même marque. De nombreux autres détails importants ont permis, cependant, une amélioration constante, au fil des ans, de la qualité des films: d’abord une augmentation considérable de la sensibilité, qui a permis une réduction du grain à rapidité égale, et une répartition de chaque élément primaire en deux couches superposées (notamment ceux du cyan et du magenta, correspondant à la sensibilité au rouge et au vert), la couche la plus rapide étant vers l’extérieur; ensuite, l’utilisation de coupleurs colorés dont le résidu forme masque de correction (orange pour celui du cyan et jaune pour celui du magenta). Autre correction, celle qui est apportée par les coupleurs D.I.R. (development inhibitor releasing coupler ), ajoutés au coupleur normal, et qui, par diffusion dans la couche voisine, réduisent sa densité au niveau juste désiré (c’est l’effet interimage). Sont venus ensuite les coupleurs donnant des colorants (magenta et cyan surtout) de meilleure transmission spectrale, puis les coupleurs à haut rendement chimique, donc travaillant à plus faible dose (ce sont les coupleurs dits à deux équivalents dont la structure nécessite des groupes chimiques particuliers). L’adjonction d’autres groupes et le remplacement de certains ont permis, enfin, d’augmenter dans des proportions considérables non seulement la stabilité à la lumière des colorants formés, mais aussi la stabilité au noir des coupleurs résiduels (qu’on ne peut éliminer): le coefficient de conservation est ainsi passé de 1 à 100. Ajoutons, ce qui a été précédemment signalé, que le tannage en fabrication des couches permet le traitement à température élevée, donc à temps réduit.
Les surfaces sensibles couleur pour la prise de vue existent en deux types: négatif et inversible, eux-mêmes en deux variétés (jour et lumière artificielle) et plusieurs degrés de rapidité. La terminaison «color» indique un négatif, tandis que «chrome» indique un inversible. Certaines surfaces sont à usage professionnel, d’autres à usage amateur (par exemple Ektacolor ou Vericolor, et Kodacolor); d’autres encore à usage particulier, tels que Aerocolor, pour la photographie aérienne. Il y a aussi un type S pour poses courtes, et un type L pour poses longues. Les sensibilités (ex-ASA) varient de 25 et 32 ISO à 50, 100, 200, 400, 1 000 et 1 600 ISO. Signalons, enfin, qu’à côté des inversibles courants à coupleurs incorporés, comme Agfachrome et Ektachrome, il y a un inversible dont les coupleurs ne sont pas incorporés, mais introduits dans chaque révélateur individuel, la différenciation étant produite par une seconde pose sélective: c’est le film Kodachrome.
Les diapositifs peuvent être copiés sur film internégatif, et les négatifs originaux sur film intermédiaire: le positif obtenu, retiré sur ce même film, fournit un contretype négatif. Les négatifs (originaux ou contretypes) sont tirés soit sur film positif couleur (print ou slide ), soit sur papier couleur (Agfacolor, Ektacolor, Fujicolor, etc.), traités en deux bains. Quant aux diapositifs, ils sont copiés sur film inversible duplicating ou sur papier inversible (Agfachrome, Ektachrome), traités en trois bains. Un papier inversible Ektachrome est plus spécialement destiné à la copie directe des documents au banc de reproduction, et un autre à la rétroprojection.
Un papier pour copie de diapositifs fondé sur un principe différent est le papier Cibachrome, devenu Ilfochrome, dont les trois couches préteintes sont décolorées en fonction de la quantité d’argent. Le traitement consiste donc en développement, blanchiment et fixage, avec, comme avantage, la solidité à la lumière des colorants azoïques.
Une mention spéciale doit être faite du procédé de photographie en couleur à développement instantané Polaroid, fondé sur l’inversion-transfert par migration de molécules colorantes liées à un développateur, et formant un complexe D-C situé sous l’émulsion correspondante. Ces complexes sont solubilisés par l’activateur alcalin contenu dans une gousse, mais seulement dans les parties non exposées. Dans les parties exposées, ils restent insolubles proportionnellement à la quantité de l’argent réduit. Cela fait que la migration vers la couche réceptrice est régulée. La libération du colorant jaune suit un processus particulier, dit par «clivage argentique assisté» par le moyen d’une thiazolidine auxiliaire. Les films sont de deux types: à éléments séparables et à éléments non séparables. Polaroid Image est de ce dernier type, dit intégral.
La reproduction des détails
Toute bonne image photographique apparaît à première vue composée de surfaces uniformes et de contours nets jusque dans ses menus détails; examinée de plus près, elle s’avère toutefois de structure non homogène, d’autant plus visible que l’image est plus agrandie. L’observation à la loupe ou au microscope met en effet en évidence une granularité du dépôt argentique ou de colorant qui forme l’image, et des transitions graduelles entre les plages de densités différentes enlèvent la netteté des contours et diminuent la visibilité des détails (fig. 13).
Éléments de la structure d’image
On classe les propriétés d’une image, dues à sa structure intrinsèque, suivant leurs aspects les plus apparents. La structure granulaire évaluée objectivement s’apelle granularité , et l’aspect subjectif correspondant, la non-homogénéité visible d’aires de densité uniforme, la granulation . Le pouvoir séparateur ou pouvoir de résolution d’un matériau photographique est mesuré par le nombre de traits par millimètre d’une structure périodique reproduite que l’on distingue encore, par exemple dans l’image d’une trame lignée ou de celle d’un tissu; il met donc en jeu l’observation visuelle et la décision de l’observateur sur la limite de visibilité de la trame. Il a toutefois l’avantage de chiffrer par un seul nombre la capacité d’enregistrement de très fins détails d’un système donné. Similairement, la transition de densité à la limite de deux plages, évaluée objectivement, peut être exprimée par un seul paramètre que l’on désigne par le terme d’ acutance ; la notion subjective correspondante est la netteté apparente de l’image. Elle dépend de l’acutance, mais aussi du rapport de grossissement d’examen de l’image. Toutes ces propriétés sont évidemment liées entre elles: on les englobe par conséquent dans une notion subjective pratique, appelée définition de l’image qui réunit la netteté, la granulation et le pouvoir de résolution. L’une ou l’autre de ces propriétés prédomine suivant les conditions d’utilisation de l’image: à très fort grossissement, une image peut être nette mais trop granuleuse, ou des détails peuvent au contraire ne pas être résolus malgré une apparente netteté.
Diffusion de la lumière et effets de voisinage
Les deux phénomènes qui influent le plus sur la reproduction des détails fins, étroitement liés à la structure propre des couches sensibles, sont, pendant l’exposition, la diffusion de la lumière dans les couches et, au cours du développement, les effets de voisinage, soit à l’intérieur d’une seule couche, soit entre deux couches voisines.
Vierge, une couche photographique aux halogénures d’argent observée par transparence a l’aspect opalescent d’un milieu laiteux, dû à la différence des indices de réfraction des cristaux d’halogénure d’argent et de la gélatine. Les multiples réflexions à la surface des cristaux et les réfractions dans leur intérieur diffusent en effet la lumière incidente lors de son passage à travers la couche et modifient ainsi la distribution des éclairements imposés par l’exposition, destinés à former l’image. Pour chiffrer l’effet de cette diffusion de lumière, on détermine la forme et le degré de l’élargissement de l’image d’une fente étroite; on obtient ainsi la fonction de diffusion du matériau et de son traitement, qui permet d’évaluer la distribution à l’intérieur de la couche sensible lors de l’exposition effective résultant d’une distribution imposée quelconque (fig. 14). L’étalement de la lumière par la diffusion modifie les rapports de densité des détails; par conséquent ceux-ci se distinguent du fond de l’image d’autant moins qu’ils sont plus petits.
La différence géométrique entre la distribution d’éclairement imposée à la couche et l’image enregistrée a pour deuxième cause des effets de voisinage , dus à la diffusion, surtout latérale, des espèces actives du révélateur pendant le développement. Du révélateur neuf afflue en effet des parties non ou peu exposées vers les plages fortement exposées, et celles-ci fournissent en échange du développateur oxydé et des ions halogénure, retardateurs ou inhibiteurs du développement, et des ions hydrogène qui abaissent le pH et modifient localement la cinétique. Les effets de ces échanges sont surtout sensibles le long de bords nets entre plages de densités différentes; ils conduisent à une augmentation de la densité du bord de la plage plus dense (appelée «effet de bord») et à un abaissement de la densité du bord de la plage moins dense («effet de lisière»). De largeur appropriée au grossissement d’observation, ces effets avantagent la netteté apparente; les matériaux et leurs traitements sont par conséquent conçus pour tirer parti de cette amélioration de la structure d’image, particulièrement utile dans les cas de forts grossissements, par exemple en cinéma d’amateurs.
Analyse harmonique de la reproduction des détails
L’étude approfondie des trois aspects de la structure d’image – granulation, pouvoir séparateur et netteté – montre leur corrélation étroite. De par son action sur le transfert d’information, la structure inhérente d’une image photographique se montre par ailleurs similaire, dans le domaine spatial, à celle d’un système de télécommunication dans le temps. Comme en optique, on applique donc à son étude le traitement par analyse harmonique ou analyse de Fourier , en remplaçant la variable temps par la variable distance. On détermine la perte d’information par la reproduction à l’aide de distributions sinusoïdales de luminances, de fréquences spatiales successivement croissantes, en mesurant pour chacune d’elles la perte d’amplitude résultante. Le plus important avantage de l’analyse harmonique réside toutefois dans le traitement unique des trois aspects de la structure d’image photographique.
La répartition des pertes d’amplitude de mires périodiques en fonction de la fréquence spatiale, mesurée en oscillations par millimètre, donne la fonction de transfert de modulation (FTM) du système photosensible. Sa signification physique est comparable à celle d’un spectre d’absorption en optique qui représente la modulation des lumières monochromatiques transmises, ou à celle de la courbe de réponse d’un filtre passe-bande en électronique. Elle indique comme eux l’atténuation de la transmission par le système des amplitudes des signaux sinusoïdaux en fonction de leur fréquence spatiale (fig. 15). On exprime ainsi à l’aide d’une seule fonction le comportement total d’un système photographique donné, contrairement à son évaluation à l’aide d’une mire composée de traits soit entièrement transparents, soit entièrement absorbants, qui donne par sa répartition de luminance «en créneaux» le pouvoir séparateur et, contrairement à son jugement par la reproduction d’un bord parfaitement net, à distribution de luminance «rectangulaire» qui ne permet d’apprécier que sa netteté: la mire à créneaux et le bord net changent de forme; au cours de la reproduction, ils s’émoussent en quelque sorte, tandis que la modulation sinusoïdale des éléments de mires employées pour la détermination reste sinusoïdale malgré la diminution d’amplitude qu’elle subit.
On incorpore la granularité du matériau photographique dans l’étude de la structure d’image par analyse harmonique par sa fonction d’autocorrélation . Mesurant, à l’aide d’un microdensitomètre, les fluctuations microscopiques de densité, dans une aire d’apparence uniforme mais montrant un degré donné de granularité, on obtient un enregistrement des fluctuations spatiales de la densité autour de sa valeur moyenne; on les caractérise par le degré de corrélation entre des valeurs correspondant à des points séparés par une distance choisie suivant le grossissement d’observation du matériau étudié. La caractéristique de la granularité ainsi déterminée est l’autocovariance qui donne, exprimée en fonction de la fréquence spatiale, la fonction d’autocorrélation. Si l’aire explorée correspond à ce que donnerait un objet de densité réellement uniforme, comme dans les échantillons uniformément voilés et développés, ses fluctuations autour de la valeur moyenne, dues à la granularité, s’annulent algébriquement; on évite cette difficulté en considérant le carré de leur transformée harmonique, appelée spectre de puissance ou spectre de Wiener , qui est aussi la transformée harmonique de l’autocovariance. Elle exprime la granularité par les composantes harmoniques de la fonction d’autocorrélation et permet ainsi d’introduire ses effets dans l’étude cohérente de la structure d’image, par simple multiplication des fonctions de transfert de modulation du système. L’application de cette méthode sert à l’étude des effets de successions d’opérations sur la structure d’image, par exemple de la copie successive dans une chaîne de plusieurs films intermédiaires, technique en usage dans le cinéma professionnel, ou du comportement d’un système composé, comme celui d’un film radiographique médical et de l’écran renforçateur utilisé pour son exposition.
L’enregistrement et le transfert d’information
Le but d’une photographie dans le sens le plus général est la conservation et la transmission des données; pour connaître cette capacité d’un système photographique, on utilise les méthodes d’analyse et de synthèse habituellement appliquées en télécommunication. Elles permettent non seulement d’évaluer exactement toutes ses possibilités, mais aussi d’améliorer sa capacité d’emmagasinage d’informations.
L’image photographique considérée comme support d’information
On désigne en photographie par le terme d’information la notion essentiellement statistique du contenu significatif d’une image; on la mesure par le rapport de la probabilité de présence d’un signal dans la reproduction à la fréquence d’envoi d’un message, c’est-à-dire par le rapport de la donnée de sortie à la donnée d’entrée. Cette définition découle du caractère quantifié de l’image photographique: le message atteint la couche sensible sous la forme d’impacts séparés de photons ou de quantums de radiations non visibles, et les signaux enregistrés se composent aussi de «grains» séparés d’argent. Chaque cristal d’halogénure d’argent, récepteur élémentaire de la couche, ne peut en effet se trouver après exposition et développement que dans un des deux états: il est soit réduit, soit éliminé par le fixage après être resté vierge. Il réagit ainsi comme un récepteur binaire, et on définit la capacité d’information de l’image par le nombre maximal de chiffres binaires, ou «bits» (binary digits ), que la couche est capable d’enregistrer de telle sorte qu’ils puissent tous être «lus» sans erreur. On considère ainsi le matériau photographique comme détecteur d’information: un signal de sortie est réel et détectable lorsque sa densité dans l’image est égale ou supérieure à l’écart type des fluctuations statistiques de la densité uniforme du fond, dues à la granularité qui, dans ce contexte, est équivalente au bruit d’un système de télécommunication.
L’incidence aléatoire et quantifiée de la radiation d’exposition conduit en outre à un critère similaire pour la définition d’un détecteur photographique parfait: celui-ci transmet un signal dès que son énergie dépasse l’écart type des variations statistiques du flux des photons, ou quanta. Dans un détecteur réel, par contre, une fraction seulement de ceux-ci déclenche des signaux observables de sortie, et son efficacité est donnée par le rapport de sa capacité de détection de signaux en présence d’un flux ambiant continu de radiation à celle d’un détecteur parfait soumis aux mêmes conditions, surtout de radiation ambiante. C’est l’efficacité quantique de détection , qualité du récepteur déterminée par sa capacité de distinguer entre un signal et le bruit qui l’accompagne; elle est définie par l’équation:
mais on l’exprime en pratique par la relation:
Limites de sensibilité et qualité d’image
On juge la capacité de détection d’un système photographique par l’énergie minimale qui donne un signal de sortie discernable. À la limite, sa sensibilité est donc déterminée, d’une part, par le plus petit nombre de quanta capables de rendre développable un cristal d’halogénure d’argent, d’autre part, par sa sensibilité de détection, égale à l’inverse de l’énergie équivalant au bruit. Quatre quanta, environ, par cristal sont nécessaires pour amorcer le développement d’un cinquième environ des plus sensibles cristaux d’un film négatif rapide, et dix à vingt-cinq par cristal pour que la moitié des cristaux contenus dans la couche deviennent développables; pour atteindre tous les cristaux, il faut une exposition de dix à cent fois plus grande que celle qui ne touche qu’une fraction juste perceptible des cristaux. La sensibilité de détection du matériau photographique, en outre, est proportionnelle d’abord à son contraste sensitométrique, mais surtout au rapport de sa sensibilité sensitométrique à sa granularité; celui-ci est en effet une propriété caractéristique des couches photographiques dont la sensibilité élevée actuelle est largement due à l’amélioration progressive de ce rapport. Toute tentative d’augmenter la sensibilité pour obtenir l’exposition efficace de chaque cristal par un seul quantum se heurte, en effet, à une détérioration du contenu d’information, soit par une granularité accrue, soit par la perte de définition qui en résulte.
La sensibilité limite est étroitement liée à la qualité d’image , propriété qui exprime la conformité de la reproduction au sujet original. Bien que la cellule élémentaire de l’image soit donnée par le signal équivalant au bruit, l’ensemble d’une image se compose d’un très grand nombre de ces éléments, et divers critères peuvent par conséquent servir à la définition de sa qualité, jugée, suivant le but recherché, du point de vue purement physique ou purement psychologique. Lorsque le sujet comporte surtout des détails fins, ce critère peut être la visibilité de la fréquence la plus élevée d’une mire à distribution sinusoïdale de luminance; pour un sujet de nature plus générale, on peut aussi considérer une «fonction d’évaluation» qui tient compte de l’ensemble du spectre spatial du sujet. D’autres critères de la qualité de l’image sont le pouvoir séparateur, la «bande passante équivalente» ou la capacité relative d’information; l’approche la plus moderne est l’application de la théorie statistique de décision.
Traitement d’images et reconnaissance des formes
La relation univoque entre une image photographique et l’espace-objet qu’elle représente est en général perturbée par divers mécanismes de dégradation; on compense la perte d’information qui en résulte par les techniques du traitement d’images dont on peut évaluer l’efficacité en comparant l’information enregistrée, intelligible à un observateur, avant et après leur application. Ces techniques sont fondées soit sur un traitement numérique approprié dans une calculatrice électronique, soit sur des soustractions holographiques . Celles-ci s’appliquent dans le domaine des fréquences spatiales, tandis qu’une autre méthode, celle de la déconvolution bornée , permet d’effectuer les corrections dans l’espace-objet.
Pour le traitement numérique d’images, on détermine la distribution de densité de tous les points de l’image par exploration lignée du genre de celle de la télévision; la calculatrice les transforme d’abord suivant les données sensitométriques et exécute ensuite le traitement correctif en modifiant le spectre de l’image. Dans la soustraction holographique, on agit aussi sur ce spectre, mais par des moyens purement optiques. Comme en holographie conventionnelle, une onde lumineuse est d’abord emmagasinée et ensuite employée pour générer une reproduction fidèle du champ d’onde initial; mais, pour éliminer un bruit, on la filtre en établissant la différence de deux champs d’onde similaires qui ne se distinguent que par des petites différences locales d’amplitude. Pour l’application de la méthode de déconvolution bornée, enfin, on définit les contraintes linéaires qui s’appliquent à des éléments choisis de l’image; on détermine ensuite les restaurations possibles et on réajuste à nouveau successivement les contraintes jusqu’à l’obtention d’une correction optimale, par introduction de données statistiques si nécessaire.
Les résultats pratiques des traitements d’images sont spectaculaires: on peut extraire d’un premier enregistrement qui a été réalisé dans des conditions imposées et défavorables – par exemple en exploration spatiale – la seule information pertinente recherchée, tout en effectuant simultanément plusieurs types de corrections, par exemple l’élimination d’images parasites, le redressement de vues obliques, l’amélioration de la netteté.
L’exploration finale de l’image en vue de l’extraction de toute l’information enregistrée repose, enfin, sur la visibilité des frontières de plages contiguës qui définissent les contours et font apparaître les formes et éléments du sujet. Or l’image qui résulte d’impacts individuels de photons est discontinue et limitée par la séparation de ses signaux élémentaires. En analysant cet enregistrement quantifié, l’observateur reconstitue une image à transitions continues, et il en extrait l’information pertinente en l’explorant visuellement pour déceler les variations juste perceptibles de luminance. Pour normaliser cette opération subjective, on emploie la reconnaissance automatique des formes , effectuée aussi sur des calculatrices électroniques. Après avoir transformé, à l’aide d’un transcripteur électro-optique, les données de l’image en impulsions électriques, on extrait de celles-ci, dans une unité de prétraitement, les propriétés paramétriques aptes à être introduites dans un réseau de décision logique; celui-ci fournit alors les données de sortie, qui indiquent, par exemple, la présence ou l’absence d’objets ou de formes géométriques.
8. Évolution et tendances des techniques photographiques
Le système argentique
Bien que concurrencé par les procédés électroniques, le système argentique reste irremplaçable en imagerie directe; d’abord par son support, ensuite par sa résolution très supérieure et l’extrême sensibilité des films, en accroissement: 1 600 ISO et 3 200 par surdéveloppement. Cela avec une qualité spectrale des couleurs améliorée. En noir et blanc, plusieurs papiers sur baryté sont restés.
Traitements
Effectués à haute température, les traitements permettent aux façonniers d’en diminuer la durée et d’en augmenter la rentabilité. La suppression des rinçages, le remplacement du lavage par une stabilisation et, pour les papiers, un bain unique de blanchiment-fixage ont encore raccourci le cycle (dit washless ), avec des machines sans raccordement (no plumbing ). Et par réduction de l’apport de régénérateur, plus l’accélération du blanchiment, on utilise le système Rapid Access: C-41 RA en film et RA-4 en papier Ektacolor 2001 (45 + 45 + 90 s).
Minilabs
Depuis 1980, l’usage s’est établi de faire toutes les opérations de développement et de tirage sur une seule et même machine entièrement automatisée, dite minilab, qui exécute tous les contrôles.
Procédés électrographiques et thermiques
Ces procédés se sont imposés pour la reproduction de documents. Les imprimantes thermiques, reliées à un logiciel qui transcrit les données par laser sur feuille sensible ou sublimation de colorants fixés sur ruban, sont plus récentes. Une autre méthode est le jet d’encre.
Photographie électronique, numérique et informatique
Par l’emploi de tubes cathodiques ou de capteurs à charge couplée (ou C.C.D.), elle marque une étape importante dans l’évolution de l’imagerie. Le support immédiat des données est la bande magnétique, le disque dur ou le vidéodisque, mais l’image peut être transférée sur papier par le moyen d’un copieur photo-, électro-ou thermographique. Quant aux appareils photoélectroniques dont le dos est l’élément sensible (still camera back ), ils nécessitent un logiciel de transfert numérique vers un imageur ou une imprimante. Leur accès n’est donc pas simple. À son stade supérieur, la technique de l’image tombe sous l’emprise de l’informatique, qui nécessite la décomposition du sujet en points par le moyen d’un scanner. Les données analogiques recueillies doivent être transformées en données digitales (ou binaires) par un interface. Étant susceptibles de stockage (mise en mémoire), il devient possible de les retoucher ou de les transformer, de faire des créations, publicitaires ou autres, comme de mettre au net les images qui viennent de satellites éloignés. La résolution dépend du nombre de pixels (éléments d’image). L’inconvénient de la numérisation, technique très en vogue, est qu’elle demande de gros moyens techniques et des investissements financiers très élevés. Il faut, au départ, un analyseur, ou scanner, et, à la sortie, un imageur. Mais la liaison doit s’effectuer au travers d’un ordinateur (workstation ), lequel est lui-même composé d’un interface avec moniteur visuel et d’un logiciel qui effectue les calculs, les contrôles et les corrections. En plus, des éléments de mémorisation – disques magnétiques durs, magnéto-optiques ou cassettes – sont nécessaires. Des moyens de réduction des informations permettent de gagner de la place. Les tailles de ces ensembles sont fonction de leur capacité de mémoire vive, mesurée en méga-octets ou en giga-octets (de bits), et leur résolution en pixels de couleur (cyan, magenta, jaune; plus noir en tramé graphique). Certains sont de véritables ateliers de retouche numérique, capables de photomontages et d’images de synthèse, avec le recours à des détourages par masques flous et à des fonctions mathématiques enveloppantes, si ce n’est de simulations complètes et de gestions de couleurs. De multiples effets géométriques peuvent être ainsi réalisés à l’aide d’appareils spéciaux.
Projecteurs de diapositifs informatisés
Concernant les projecteurs de diapositifs, il convient d’ajouter que la plupart des nouveaux appareils sont plus ou moins informatisés, c’est-à-dire gérés par microprocesseur, souvent avec affichage digital, tel Simda 3200 à logiciel relié à un I.B.M. PC qui surveille en permanence la multiprojection, ou Ektapro de Kodak. Un interface permet de synchroniser les programmes multimédia. Il y a aussi Rolleivision Twin Digital qui programme et stocke sur carte à puces grâce à un microordinateur. D’autres logiciels avec interface, liés au système Macintosh, sont aussi disponibles.
À signaler aussi les projecteurs diapo-vidéo, par lesquels l’image est transmise sur un écran de télévision par l’entremise de capteurs C.C.D., ainsi que les vidéo-projecteurs, tels que Eiki LC, qui projettent l’image au moyen de cristaux liquides: les rayons qui sont issus de trois matrices sont colorés en B.V.R., superposés par miroirs dichroïques et projetés par un objectif zoom, avec une résolution de 400 points par ligne.
9. Les industries photographiques
L’importance de la photographie dans la vie contemporaine a donné lieu à un développement spectaculaire des industries photographiques, productrices , d’une part, de surfaces sensibles, d’appareils et d’équipements, utilisatrices , d’autre part, de ces produits. Depuis ses débuts, qui remontent aux créations de Wratten et Wainwright à Londres et de la Liverpool Dry Plate Company en 1877, de l’usine de Van Monckoven en Belgique en 1878, de celle d’Antoine Lumière et de ses fils Auguste et Louis à Lyon en 1879, de l’Eastman Dry Plate Company de George Eastman à Rochester aux États-Unis en 1881 et de l’atelier de Gustave Guilleminot à Paris en 1883, l’expansion des industries des surfaces sensibles n’a pas cessé et se poursuit au rythme d’un accroissement annuel de 15 p. 100 environ. Estimé pour 1967 à 23 milliards de francs, le chiffre d’affaires mondial de l’industrie photographique a depuis lors très fortement augmenté, les États-Unis participant pour moitié du total. En France, il atteignait, en 1979, 5 milliards de francs, soit 5,4 p. 100 des dépenses de loisir et de culture, et 0,33 p. 100 de celles de la consommation des ménages. La progression a continué et, à la fin des années 1990, les chiffres atteignent des dizaines de milliards de dollars.
Le succès de l’industrie photographique est d’autant plus étonnant que la fabrication des surfaces sensibles reste, malgré son volume, une opération extrêmement délicate. Effectuée pour la majorité des produits «au noir», elle consiste essentiellement à étendre à l’état humide sur du support de plus d’un mètre de largeur plusieurs couches qui contiennent des taux exactement dosés de composés minéraux et organiques et qui ont chacune, après séchage, une épaisseur de l’ordre du micron. Cette opération, effectuée à des vitesses très grandes et toujours croissantes pour satisfaire les exigences de la production, n’admet presque pas de tolérance; il s’agit en effet d’assurer aux produits sensibles finis une qualité pratique conforme à leurs normes et une stabilité excellente en conservation, avant et après exposition et traitement. La plus grande révolution technique a été le couchage simultané, par extrusion à travers des filières accolées de plusieurs couches liquides, sur le même support, chose qui paraissait auparavant tout à fait incroyable.
Nombreuses sont les industries qui contribuent directement ou indirectement à la production des industries photographiques. Ce sont d’abord celles qui fournissent les matières premières: triacétate, polyesters et autres composés chimiques pour la fabrication des supports, os et peaux pour préparer la gélatine, argent, acide nitrique, colorants, coupleurs et autres produits pour la préparation des couches; enfin, les industries élaborant le matériel et les machines de fabrication des surfaces sensibles. De même, les productions des appareils, des accessoires et des équipements photographiques industriels font appel à la contribution d’un grand nombre d’industries non photographiques.
Le plus grand secteur des industries utilisatrices est celui du façonnage des films et des épreuves d’amateurs; il faut inclure ici, sous leur aspect photographique, les studios et laboratoires cinématographiques et les services radiographiques hospitaliers, qui sont devenus à présent pratiquement des utilisateurs industriels, ainsi que l’édition illustrée. Les ateliers de façonnage, véritables usines d’images, produisent d’excellentes épreuves en nombres très importants: 85 milliards d’images par an dans le monde, 1,8 milliard de films dont 85 p. 100 de négatifs couleur, avec un marché d’amateurs qui est réparti entre les États-Unis (36 p. 100), l’Europe (33 p. 100), le Japon et les autres pays (31 p. 100). En France, la vente annuelle des bobines après 1990 a été de l’ordre de 106 millions (86,5 millions de négatifs couleurs 86,5, 11,7 d’inversibles, 7,1 de noir et blanc et 0,9 de film 8/16). En 1993, le choix a porté sur 52 p. 100 de moins de 160 ISO, 34 p. 100 de 200 et seulement 5,8 p. 100 d’ultrarapides. 7,6 p. 100 sont des «prêts à photographier» pour appareils jetables. 27 millions de mètres carrés de papier couleur négatif ont été tirés pour 2,5 millions de mètres carrés en inversible par an. Au Japon, 390 millions de bobines ont été fabriquées et exportées, ce qui concurrence Eastman Kodak, le premier producteur mondial, Agfa et autres.
En ce qui concerne les appareils photo-optiques, on comptait, en 1993, pour les compacts: en Europe 7,8 millions de ventes (33 p. 100), en Amérique du Nord 7 millions (30 p. 100), au Japon 4 millions (17 p. 100) sur un total de 23,6 millions. En revanche, les appareils réflex sont en chute: en Europe 1,2 million, en Amérique du Nord 0,8 million, au Japon 0,7 million, soit, au total, 3,4 millions. En France, en 1992, parmi les appareils 24 憐 36: 510 000 étaient à foyer fixe, 395 000 autofocus, 164 000 réflex autofocus, 47 000 réflex et 62 000 bifocaux, soit, au total, 1,18 million d’appareils. Les jetables ont mis la note discordante: au Japon, où ils sont fabriqués par dizaines de millions et exportés, ils prennent 16 p. 100 du marché. À signaler aussi la montée de Polaroid, avec 3,9 millions d’appareils, et celle du matériel électronique (vidéo et hybride), avec plus de 10 p. 100 du marché. À noter encore l’évolution en façonnage, où les minilabs progressent: 500 ventes en France en 1992, sur un parc de 4 215 appareils qui ont traité un tiers des films. Le marché mondial annuel de la photographie est de l’ordre de 70 milliards de dollars.
photographie [ fɔtɔgrafi ] n. f.
1 ♦ Procédé, technique permettant d'obtenir l'image durable des objets, par l'action de la lumière sur une surface sensible. ⇒ macrophotographie, microphotographie. Invention, débuts de la photographie. ⇒ daguerréotype. Photographie en couleurs.
♢ Sc. Obtention d'image par l'action de toutes radiations (infrarouges, ultraviolettes, etc.). Photographie photochimique, utilisant une surface sensible (⇒ émulsion) . Photographie électrostatique, utilisant une surface photoconductrice (⇒ xérographie) . Applications de la photographie aux mesures physiques (⇒ photogrammétrie) , à l'étude des mouvements (⇒ chronophotographie) , à la cartographie (photographie aérienne).
♢ Par ext. La technique, l'art de prendre des images photographiques. ⇒ photo. Photographie automatique. ⇒ photomaton.
2 ♦ (1858) Vieilli Une photographie. ⇒ photo. « une des photographies entre lesquelles un ami vous a prié de choisir » (Proust) .
3 ♦ Photographie de... : reproduction exacte, fidèle. « la photographie banale de la vie » (Maupassant).
● photographie nom féminin Procédé permettant d'enregistrer, à l'aide de la lumière et de produits chimiques, l'image d'un objet. Reproduction de l'image obtenue, qu'elle soit ou non un phototype. Ensemble des techniques d'enregistrement de rayonnements électromagnétiques par des procédés photochimiques. Description précise et objective visant à définir un état, à un moment donné : Les sondages sont une photographie de l'opinion. ● photographie (expressions) nom féminin Photographie aérienne, spatiale, photographie du sol prise à bord d'aéronefs, de missiles ou de satellites. ● photographie (synonymes) nom féminin Reproduction de l'image obtenue, qu'elle soit ou non un phototype.
Synonymes :
- cliché
- épreuve
- instantané
photographie ou, cour., photo
n. f.
d1./d Art de fixer durablement l'image des objets par utilisation de l'action de la lumière sur une surface sensible. Les applications de la photographie dans le domaine des sciences.
— Art et technique de la prise de vue photographique (on dit presque exclusivement photo, en ce sens). Faire de la photo; aimer la photo. Des appareils photo.
d2./d Image obtenue par photographie. Prendre, développer, tirer des photos.
— Spécial. Image d'une personne obtenue par photographie. Photo d'identité. Prendre une photo de qqn; prendre qqn en photo.
d3./d Fig. Image, reproduction exacte. Son rapport était une photographie très complète de la situation.
Encycl. Le procédé photographique repose sur deux principes: la formation de l'image dans la chambre noire, et la sensibilité à la lumière des composés halogénés de l'argent. Un appareil photographique comprend essentiellement: une chambre noire; un objectif avec diaphragme; un dispositif de mise au point déplaçant tout ou partie de l'objectif par rapport au plan de la surface sensible; un viseur destiné au cadrage et, parfois, au contrôle de la mise au point et des différents réglages; un obturateur; éventuellement, des appareils permettant de mesurer l'éclairement du sujet et la distance; un dispositif servant à contenir ou à introduire la surface sensible. La photographie, en outre, fonctionne selon d'autres procédés que ceux utilisant les composés halogénés d'argent.
⇒PHOTOGRAPHIE, subst. fém.
A. —Au sing.
1. Ensemble des techniques permettant d'obtenir des images permanentes grâce à un dispositif optique produisant une image réelle sur une surface photosensible. Invention, débuts de la photographie; atelier, appareil, instruments de photographie; photographie en noir et blanc, en couleurs, en relief; photographie au téléobjectif; photographie scientifique, aérienne. Mon paternel (...) avait mis au point un procédé de photographie en couleurs et de décalquage direct sur des boîtiers de montre, des pendentifs, des plaques d'identité et autres objets ou bijoux métalliques ou en émail (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.110). Il fallut attendre le procédé au collodion humide, qui se généralisa à partir de 1851, pour que la photographie naquît avec ses clichés de verre d'où l'on pouvait tirer une quantité de positifs sur papier (SADOUL, Cin., 1949, p.8). V. flou ex. 4:
• 1. Malraux, précisément, a souligné combien l'usage de la photographie et des procédés mécaniques qui la diffusent a retenti sur notre conception de l'art. De l'art seul? Celle que nous avons de la vie et du monde n'est-elle pas en cause? L'apparition de la photographie n'explique pas tout; il faut, elle aussi, l'expliquer.
HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p.13.
— Dans le domaine sc. Ensemble de techniques permettant d'obtenir les images des objets grâce à l'action de radiations infrarouges, ultraviolettes, des rayons X, etc. On pourrait multiplier les exemples et étudier maintes applications de la photographie aux rayons X, aux rayons ultra-violets (...) pour imaginer à quel point la photographie a pu renouveler, en quelques dizaines d'années, les connaissances scientifiques (PRINET, Phot., 1945, p.106). V. infrarouge ex. de Arts et litt.
2. En partic. Technique, art de celui (professionnel ou amateur) qui utilise l'ensemble des procédés permettant de prendre ces images. Aimer, pratiquer la photographie; photographie d'amateur; concours, exposition de photographie; salon de la photographie. Je compte faire de la photographie (...). J'ai acheté ce petit appareil à Vagnièze. Pendant mes vacances, je prendrai des coins du jardin (CHARDONNE, Épithal., 1921, p.307). Gisèle Freund insiste beaucoup sur les rapports qui unissent l'art photographique au caractère de l'époque et à ses façons de sentir et de penser (...) la photographie qui fixe exactement le contour des choses correspond au positivisme d'une société tout entière soucieuse de s'organiser scientifiquement (LHOTE, Peint. d'abord, 1942, p.171):
• 2. Il n'est plus possible de comprendre l'histoire de l'art contemporain sans tenir compte de la photographie; elle a ses maîtres, ses écoles, ses théoriciens, ses techniques et ses styles. C'est un art nouveau qui se définit par la précision, la fidélité, par de nouvelles harmonies de valeurs, par la nouveauté des sujets et des compositions, le mouvement, par la poésie de l'innombrable.
PRINET, Phot., 1945, p.121.
3. P. méton., vieilli, rare. Local, atelier où un photographe professionnel exerce son métier. Le gymnase était, paraît-il, une ancienne photographie hippique (A. DAUDET, Jack, t.1, 1876, p.42).
B. —P. méton., au sing. ou au plur.
1. [En parlant le plus souvent de l'image positive] Image obtenue par des procédés photographiques. Prendre une photographie; prendre qqc. en photographie; développer, tirer, retoucher une photographie; agrandissement d'une photographie; photographie d'actualité prise sur le vif; album, recueil de photographies; reproduction des photographies par photogravure, par photolithographie, par procédés photomécaniques, par l'héliogravure; une photographie ratée, réussie. Elle eût aimé que j'eusse dans ma chambre des photographies des monuments ou des paysages les plus beaux (PROUST, Swann, 1913, p.40). Le réalisme ne peut se passer d'un minimum d'interprétation et d'arbitraire. La meilleure des photographies trahit déjà le réel, elle naît d'un choix et donne une limite à ce qui n'en a pas (CAMUS, Homme rév., 1951, p.332). V. épreuve I A 4 d ex. de Benoit et instantané I A ex. de Bergson:
• 3. Les photographies aériennes de cette pointe de New-York sont d'une extraordinaire beauté; loin d'avoir la sécheresse des cartes, elles montrent Manhattan dans son cadre d'eau, rayé de hachures, orné par les lignes perpendiculaires de ses docks, qui l'entourent comme les rayons d'une gloire...
MORAND, New-York, 1930, p.48.
— En partic. Portrait photographique. Photographies d'actrices; dédicacer sa photographie; faire la photographie de qqn; prendre qqn en photographie. La première chose qu'il vit en entrant dans un joli salon fraîchement meublé, ce fut son propre portrait, une vieille photographie déteinte, datant de ses jours triomphants, pendue aux murs dans un cadre coquet de soie ancienne (MAUPASS., Contes et nouv., t.1, Fini, 1885, p.1018). Au fond de la pièce, sur le mur, une grande photographie était entourée de buis. À droite du portrait était accroché un petit drapeau de papier, à gauche une médaille militaire (ARLAND, Ordre, 1929, p.144):
• 4. Il fallait la dépravation d'un amant rassasié pour que Swann préférât aux nombreuses photographies de l'Odette ne varietur qu'était sa ravissante femme, la petite photographie qu'il avait dans sa chambre et où, sous un chapeau de paille orné de pensées, on voyait une maigre jeune femme assez laide, aux cheveux bouffants, aux traits tirés.
PROUST, J. filles en fleurs, 1918, p.861.
♦Photographie d'identité. Portrait photographique de format normé destiné à figurer sur une pièce officielle prouvant l'identité d'une personne. (Dict.XXes.).
— Dans le domaine sc. Image obtenue grâce à l'action de radiations infrarouges, ultraviolettes, de rayons X, etc. Le genre de vérité, peu flatteur certes, mais profond et utile, d'une photographie par les rayons X (PROUST, Guermantes 1, 1920, p.272).
2. P. ext. Reproduction d'une image obtenue par des procédés photographiques. Il me montre avec complaisance une liasse de grandes feuilles brunes sur lesquelles Pascal a collé des photographies d'hommes politiques découpées dans des périodiques (GIDE, Journal, 1926, p.824). J'ai collé à la dernière page de ce carnet une photographie de l'Arc de Triomphe découpée dans un journal (GREEN, Journal, 1943, p.56):
• 5. Je feuillette Le journal littéraire, d'ordinaire sans intérêt. Le numéro que j'ai dans les mains contient de nombreuses photographies de généraux et de camps d'Afrique. À la dernière page, une grande photographie intitulée: «L'armée française» représente trois soldats, l'un derrière l'autre...
ÉLUARD, Donner, 1939, p.23.
3. Au fig. Description, représentation exacte et fidèle d'une personne, d'une chose ou d'une situation. J'ai raconté comment mon attention s'est portée sur le péril des églises (...) je le raconte par une suite de photographies des divers états d'esprit où je suis passé (BARRÈS, Cahiers, t.10, 1914, p.289). C'était l'heure où Augustin prenait de son désespoir la photographie la plus détaillée et la plus clairvoyante, où il se sentait aussi le plus isolé, le plus séparé, dans l'affliction des siens (MALÈGUE, Augustin, t.2, 1933, p.338). Le compte rendu de tendances psychologiques, la photographie de l'opinion, les renseignements bruts sont eux-mêmes d'un grand intérêt économique (BELORGEY, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.148).
Prononc. et Orth.:[]. Att. ds Ac. dep. 1878. Étymol. et Hist.A. 1832 (RAYMOND: Photographie, s. f. Description de l'histoire naturelle qui traite de la lumière). B. 1. 1834 «technique de représentation de la réalité et de reproduction d'images à l'aide de procédés fondés sur des réactions chimiques à la lumière et de moyens optiques» (Carnets de R. FLORENCE, 21 janv. 1834 ds Cah. Lexicol. n° 43, p.90, v. bbg.); 1839 (ARAGO, Rapport à la Chambre des Députés le 3 juillet 1839 ds Le Moniteur universel, vendredi 5 juill. 1839, n°186, p.1232, col. c et p.1233, col. b); 2. 1854 «épreuve photographique» (A. SALZMANN, Jérusalem, Étude et reproduction photographique [...], p.10 et 23 ds Cah. Lexicol. n° 43, p.112, note 26). Formé sur le gr. , «lumière» avec l'élém. - (v. élém. formants photo-1 et -graphe, -graphie, -graphique), pour B, cf. all. Photographie (25 févr. 1839, Vossische Zeitung d'apr. M. WIEDEMANN, v. bbg.) et angl. photography introd. par J. Herschel en mars 1839 (v. NED). Fréq. abs. littér.:1287. Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 4, b) 1619; XXes.: a) 2827, b) 2897. Bbg. HARMANT (P.). Photographie: le mot et la chose. Caméra. 1980, pp.36-38. —QUEM. DDL t.9. — WIEDEMANN (M.). Le Vocab. de la photographie. Cah. Lexicol. 1983, n° 43, pp.90-93.
photographie [fɔtɔgʀafi] n. f.
ÉTYM. 1839, d'après l'angl. photography (1839, Herschel); « partie de la physique qui s'occupe de la lumière », 1835; de photo-, et graphie.
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1 Procédé, technique permettant d'obtenir l'image durable des objets, par l'action de la lumière sur une surface sensible. || Invention, débuts de la photographie. ⇒ Daguerréotypie. || Matériel de photographie. ⇒ Appareil, caméra, chambre (noire); cadrage, bonnette, cellule, diaphragme, écran, filtre, flash, focal, grand-angulaire, lampe, lentille, magasin, 2. objectif, obturateur, parasoleil, polaroïd, posemètre, reflex, soufflet, triplet (objectif), viseur, zoom; angle (de champ), focale, foyer, hyperfocale, profondeur (de champ); point (mettre, mise au point); accélérateur; armer. || Support de l'image, en photographie. ⇒ Film, papier (sensible), pellicule, plaque; bobine, rouleau (de pellicule); émulsion, sensibilisation, sensibiliser; anti-halo, panchromatique; collodion, bromure (d'argent), gélatine, gélatino-bromure (cit.). || Révélation (réduction des sels d'argent), fixation de l'image, en photographie. ⇒ Affaiblisseur, alunage, bain, désensibilisateur, développateur, développement, développer, fixage, fixatif, glaceuse, inactinique, réducteur, renforçateur, renforcement, révélateur, révéler, sensibilisateur, tirage, tirer, virage, virer; silhouettage, solarisation, solariser, sous-exposition. || Sels d'argent (bromure, chlorure, iodure), de palladium, de platine (⇒ Platinotypie) utilisés en photographie. || Atelier, appareils, instruments de photographie. ⇒ Agrandisseur, amplificateur, cache (et dégradateur), châssis (châssis à négatifs : boîte étanche; châssis-presse : cache servant au tirage), cuvette. — Photographie en couleurs (⇒ Autochrome, chromophotographie, héliochromie, photochromie, trichromie…), en relief. ⇒ Holographie. || Photographie au téléobjectif. ⇒ Téléphotographie.
♦ Photographie scientifique; applications de la photographie aux mesures physiques (photogrammétrie), à l'étude des mouvements (⇒ Chronophotographie), des petits objets (⇒ Macrophotographie), des phénomènes microscopiques (⇒ Photomicrographie), à l'astronomie, à l'astrophysique, etc. ⇒ aussi Radiographie. || Photographie aérienne, sous-marine. || Photographie et archives, et documentation. ⇒ Microphotographie. — Photographie numérique (s'oppose à la photographie argentique, ci-dessus).
♦ Par ext. (Surtout photo). La technique, l'art de prendre des images photographiques (⇒ Photographe). || Photographie automatique. ⇒ Photomaton. || La photographie primitive (→ Épreuve, cit. 36). || Gravure (cit. 2), peinture et photographie. || Photographie et cinéma. || Salon de la photographie.
1 Dès son origine, la photographie se trouva en face des problèmes du style et de la représentation. Le photographe se sentait pleinement maître de la pomme, et de la statue des natures mortes; mais pourquoi les photographier, pourquoi photographier une table de face, en pleine lumière ? Dès qu'il composait sa nature morte — dès qu'il composait — il retrouvait la peinture. La composition devenait le cadrage; l'idéalisation et le caractère devenaient l'éclairage (selon qu'il est éclairé en « flou » ou en « dur » un visage change d'âme); le mouvement devenait l'instantané. Ainsi la photo devenait-elle captive d'un réel isolé, devenu significatif par son isolement.
Malraux, les Voix du silence, p. 300.
♦ Sc. Obtention d'images par l'action de radiations quelles qu'elles soient (infrarouges, ultraviolettes; particules α…).
2 (1858, Année sc. et industr., p. 47). Vx. ou didact. || Une photographie. Image obtenue par le procédé de la photographie (spécialt, le cliché positif). ⇒ Image; cliché, épreuve, négatif, phototype; diapositive, photocopie (1.), photogramme (1.), positif. (REM. La langue courante n'emploie dans ce sens que photo). || Prendre une photographie. ⇒ Impressionner, instantané, pose, sous-exposer, surexposer. || Développer une photographie (→ Médailler, cit. 1). || Montage de photographies (photo-montage). || Reproduction des photographies par photogravure, photolithographie, procédés photomécaniques.
2 Et j'offre à ceux qui déjà l'ont
Dans le cœur, ma photographie.
Mallarmé, Vers de circonstance, « Photographies », VI.
3 Il en est des plaisirs comme des photographies. Ce qu'on prend en présence de l'être aimé n'est qu'un cliché négatif, on le développe plus tard, une fois chez soi, quand on a retrouvé à sa disposition cette chambre noire intérieure dont l'entrée est condamnée tant qu'on voit du monde.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. V, p. 131.
3.1 Comparant ces images avec celles que j'avais sous les yeux de ma mémoire, j'aimais moins celles qui m'étaient montrées en dernier lieu. Comme souvent on trouve moins bonne et on refuse une des photographies entre lesquelles un ami vous a prié de choisir, à chaque personne et devant l'image qu'elle me montrait d'elle-même j'aurais voulu dire : Non, pas celle-ci, vous êtes moins bien, ce n'est pas vous. Je n'aurais pas osé ajouter : Au lieu de votre beau nez droit on vous a fait le nez crochu de votre père que je ne vous ai jamais connu.
Proust, le Temps retrouvé, Pl., t. III, p. 935.
3 Photographie de…, reproduction exacte, fidèle.
4 Le réaliste, s'il est un artiste, cherchera, non pas à nous montrer la photographie banale de la vie, mais à nous en donner la vision plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même.
Maupassant, Pierre et Jean, Préface.
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DÉR. Photographe, photographier, photographique.
COMP. Astrophotographie.
Encyclopédie Universelle. 2012.