1. penser [ pɑ̃se ] v. <conjug. : 1>
• 980 intr.; bas lat. pensare, class. pendere « peser », au fig. « réfléchir » → peser; panser
I ♦ V. intr.
1 ♦ Appliquer l'activité de son esprit aux éléments fournis par la connaissance; former, combiner des idées et des jugements. ⇒ 1. juger, raisonner, réfléchir, spéculer. La faculté de penser. « Penser, c'est juger » (trad. de Kant). « Penser, c'est oser » (Alain). « Avant donc que d'écrire apprenez à penser » (Boileau). Un maître à penser. « L'homme ne commence pas aisément à penser, mais sitôt qu'il commence, il ne cesse plus » (Rousseau).
♢ Exercer effectivement son intelligence. « “Quand je ne parle pas, je ne pense pas” disait-il très naïvement » (A. Daudet). « Par cela seul qu'il pensait, il était un être étrange, inquiétant, suspect à tous » (France). — Une chose qui donne, qui laisse à penser, qui fait réfléchir. ⇒ méditer, réfléchir.
♢ (Caractères de la pensée) Penser juste. « L'homme est visiblement fait pour penser; c'est toute sa dignité; [...] et tout son devoir est de penser comme il faut » (Pascal). « Enfin je tâche de bien penser pour bien écrire » (Flaubert). « Il pense faux, même quand il dit des choses qui paraissent justes » (Martin du Gard). Façon de penser : opinion personnelle. Je leur montrerai, je leur dirai ma façon de penser ! ⇒ voir. « Ils appelaient traîtres, ceux qui ne pensaient pas comme eux » (R. Rolland).
2 ♦ Exercer son esprit, son activité consciente (d'une manière globale : sentir, vouloir, réfléchir). « Je pense, donc je suis » (Cogito, ergo sum) (Descartes). Penser tout haut, dire ce qu'on a en tête. Dire tout haut ce que les autres pensent tout bas. Penser dans une langue, avec les structures de cette langue.
♢ Avoir un esprit humain, être capable d'une pensée abstraite. ⇒ pensant. Les animaux pensent-ils ?
II ♦ V. intr. ind. (1250) PENSER À :appliquer son esprit à (un objet concret ou abstrait, actuel ou non). ⇒ songer (à).
1 ♦ Appliquer sa réflexion, son attention à. ⇒ réfléchir. Penser vaguement à qqch. ⇒ rêver. À quoi pensez-vous ? N'y pensons plus : oublions cela. Faire une chose sans y penser, machinalement. « Je pense comme je respire, sans y penser » (Aymé) . Pensez à ce que vous dites.
2 ♦ Évoquer par la mémoire ou l'imagination. ⇒ imaginer, se rappeler, se souvenir. Je « m'efforçais de ne plus penser à Marthe, et par cela même, ne pensais qu'à elle » (Radiguet). Il pense souvent à elle. Je penserai à vous. — FAIRE PENSER À. ⇒ évoquer, suggérer. « Sa voix doucement musicale faisait penser à la plainte poétique d'une fée » (Proust). Elle me fait penser à qqn.
3 ♦ S'intéresser à. ⇒ s' occuper (de). Penser aux autres au lieu de ne penser qu'à soi-même. « malgré sa passion pour moi, au fond, elle ne pensait qu'à elle » (Queneau et H. Mills, « Monsieur Ripois », film). Penser à l'avenir, au lendemain : être prévoyant. Elle ne pense qu'à s'amuser. — Penser à qqn (pour un poste), le lui réserver. « J'avais pensé à Olivier pour la direction d'une revue » (A. Gide).
4 ♦ Avoir dans l'esprit, en tête. « “Vous êtes content ?” demanda la vieille. Il dit que oui, mais il pensait à autre chose » (Camus)(cf. Il est ailleurs). — Sans penser à mal : innocemment. Ne penser à rien : avoir l'esprit complètement libre. Essayez de vous détendre et de ne plus penser à rien. — Loc. fam. Avoir (bien) autre chose à penser (cf. Avoir d'autres chats à fouetter). — Ne penser qu'à ça, qu'à l'amour, qu'au sexe. — Spécialt Garder en mémoire. J'essaierai d'y penser. Mais j'y pense, c'est aujourd'hui son anniversaire ! ⇒ se souvenir.
♢ Considérer (qqch.) en prévision d'une action. J'ai pensé à tout. ⇒ prévoir. Je n'avais pas pensé à cela (cf. Faire attention, prendre garde à). « On ne saurait penser à tout » (Musset). C'est simple, mais il fallait y penser. « Pendant que j'y pense, je veux vous faire compliment de votre ami Dechartre » (France). — Pensez à fermer les fenêtres en partant. Faire penser à qqch. par une allusion. ⇒ rappeler. Faites-moi penser à poster ma lettre.
III ♦ V. tr. (XIIe)
A ♦ Avoir pour idée, pour pensée (I, B).
1 ♦ Avoir pour opinion, pour conviction. ⇒ estimer. « Je ne pus m'empêcher de lui dire tout ce que je pensais » (Lesage). « Penser une chose, en écrire une autre, cela arrive tous les jours » (Gautier). « Il ne pense rien [...] ça lui évite de penser faux » (Saint-Exupéry). Laisser, donner à penser qqch. Cela laisse à penser ce qu'il est capable de faire. ⇒ imaginer, 1. juger.
♢ Penser du bien, du mal de qqn, de qqch. Honni soit qui mal y pense. Qu'en pensez-vous ? (cf. Qu'en dites-vous ?). Que faut-il en penser ? Il ne sait (plus) que penser. Il ne dit rien mais il n'en pense pas moins : il se tait, mais il a son opinion; il tait ce qu'il sait. « Tout homme est stupéfait par ce que les autres pensent de lui » (Maurois). Que va-t-on penser de nous ?
2 ♦ (Dans un sens affaibli et moins affirmatif) Avoir l'idée de. ⇒ admettre, croire, imaginer, présumer, soupçonner, supposer. Contrairement à ce que j'avais pensé. Jamais je n'aurais pu penser cela ! m'en douter. Il n'est pas si désintéressé qu'on le pense. « Le plus âne des trois n'est pas celui qu'on pense » (La Fontaine). Qu'est-ce qui vous fait penser cela ?
♢ Exclam. (Fam.) Tu penses ! (cf. Tu parles !). « Vous pensez si j'étais rouge et si j'avais peur ! » (A. Daudet). Penses-tu ! pensez-vous ! mais non, pas du tout. « Ils ne vont pas se battre ici, au moins ? — Pensez-vous, maman : ils sont pas fous » (Sartre). Vous n'y pensez pas ! c'est inconcevable, irréalisable. — Fam. Quand je pense qu'il a failli accepter ! (étonnement, indignation).
♢ (Vieilli) « Je pense mes raisons meilleures que les vôtres » (Molière). ⇒ croire , 1. juger.
♢ En incise Il aurait, pensait-il, l'appui de sa famille. Ce ne sera pas, je pense, la première fois.
3 ♦ PENSER QUE : croire, avoir l'idée, la conviction que. Vous pensez bien que je n'aurais jamais accepté ! « Pensez-vous qu'Hermione, à Sparte inexorable, Vous prépare en Épire un sort plus favorable ? » (Racine). Pensez-vous qu'il puisse refuser ? Je ne pense pas qu'il puisse; je pense qu'il peut. De là à penser qu'il va vous trahir ! Tu te trompes si tu penses qu'elle te suivra partout. « J'ai pensé que tu avais peut-être besoin de compagnie » (Sartre). Ne penses-tu pas que tu devrais intervenir ?
♢ Fam. PENSER SI, COMME, COMBIEN. « Alors tu penses comme on va te laisser entrer ici sans regarder tes poches » (Sartre). Tu penses si on a dû se dépêcher pour arriver à temps !
♢ (Suivi de l'inf.) Nous pensons avoir résolu ces problèmes. ⇒ espérer. « Je ne pensais pas vous revoir, dit-il dignement » (Sartre). — Par ext. Vieilli ou littér. ⇒ faillir, manquer. J'ai pensé mourir. « Daniel pensa se trouver mal » (Martin du Gard).
B ♦
1 ♦ Avoir dans l'esprit (comme idée, pensée, image, sentiment, volonté, etc.). Dire ce que l'on pense, ce qui passe par la tête. « Un homme qui dit tout ce qu'il pense et comme il le pense est aussi inconcevable dans une ville qu'un homme allant nu » (France). « Car s'il disait que la noblesse était peu de chose, qu'il considérait ses collègues comme des égaux, il n'en pensait pas un mot » (Proust). — Par euphém. Il a marché dans ce que je pense, dans la crotte. Il lui a flanqué un coup de pied où je pense, au derrière (cf. Quelque part). « Tantôt c'est des claques ou son pied où je pense, tantôt le martinet ou le nerf de bœuf » (Aymé). — (Employé et construit comme dire) « Vous dites “vérité” et vous pensez “authenticité” » (Martin du Gard).
♢ (En incise) « Il est dur, pensait-il, d'être un juge » (Saint-Exupéry). « Je me demande — pensa tout haut M. Teste — en quoi la “destinée” [...] de l'homme m'intéresse ? » (Valéry).
♢ PENSER QUE : imaginer. ⇒ se représenter. « Je n'ai jamais vu un enfant sans penser qu'il deviendrait vieillard » (Flaubert). Pensez qu'elle n'a que vingt ans ! (cf. Rendez-vous compte).
2 ♦ PENSER (et l'inf.) :avoir l'intention, avoir en vue de. ⇒ compter, projeter. Que pensez-vous faire à présent ? — Avoir la conviction, croire. Il pense avoir réussi son examen.
C ♦ Philos. ou littér. Considérer clairement, embrasser par la pensée. ⇒ concevoir. « penser l'histoire en fonction de la dialectique maîtrise et servitude » (Camus). « ma vraie devise d'homme : me penser moi-même le moins possible, et penser toutes choses » (Alain).
♢ Concevoir la réalisation matérielle (d'objets concrets). « les murs ayant été pensés par un maître maçon, comme la charpente par un maître charpentier » (Aymé). — Voilà qui est pensé ! ⇒ senti. Un roman bien pensé. Un équipement (bien) pensé, intelligemment conçu, pratique.
⊗ CONTR. Oublier; désintéresser (se).
⊗ HOM. Panser, pensée.
penser 2. penser [ pɑ̃se ] n. m.
• 1155; subst. de 1. penser
1 ♦ Vx Faculté de penser; esprit, imagination.
2 ♦ Vx Façon de penser. « Ce penser mâle des âmes fortes » (Rousseau).
3 ♦ Littér. « Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques » (A. Chénier).
● penser verbe intransitif (latin pensare, peser) Former et combiner des idées, construire des raisonnements : Apprendre à penser. Avoir une intelligence, un esprit humains ; être capable d'une pensée abstraite : Les animaux pensent-ils ? Exercer sa capacité de juger, de raisonner : Il faut penser avant d'agir. ● penser (citations) verbe intransitif (latin pensare, peser) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Apprendre à ne plus penser, c'est une partie, et non la moindre, de l'art de penser. Esquisses de l'homme Gallimard Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Penser (peser) est fonction de peseur, non fonction de balance. Histoire de mes pensées Gallimard Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Jamais un orateur n'a pensé en parlant ; jamais un auditeur n'a pensé en écoutant. Propos sur l'éducation P.U.F. Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Penser c'est dire non. Propos sur la religion P.U.F. Louis Aragon Paris 1897-Paris 1982 On pense à partir de ce qu'on écrit et pas le contraire. Je n'ai jamais appris à écrire ou les Incipits Skira Georges Bataille Billom 1897-Paris 1962 Je pense comme une fille enlève sa robe. Méthode de méditation Gallimard Maurice Blanchot Quain, Saône-et-Loire, 1907 Penser est désormais ce pas toujours à porter en arrière. Le Livre à venir Gallimard Nicolas Boileau, dit Boileau-Despréaux Paris 1636-Paris 1711 Avant donc que d'écrire, apprenez à penser. L'Art poétique Georges Louis Leclerc, comte de Buffon Montbard 1707-Paris 1788 Être et penser sont pour nous la même chose. Histoire naturelle, De l'homme Étienne Bonnot de Condillac Grenoble 1714-abbaye de Flux 1780 Je regarde la grammaire comme la première partie de l'art de penser. Cours d'étude pour l'instruction du prince de Parme André Isaac, dit Pierre Dac Châlons-sur-Marne 1893-Paris 1975 Rien ne sert de penser, faut réfléchir avant. L'Os à moelle Julliard René Descartes La Haye, aujourd'hui Descartes, Indre-et-Loire, 1596-Stockholm 1650 Je pense, donc je suis. Discours de la méthode Commentaire « Cogito, ergo sum. » Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Ô combien l'homme qui pense le plus est encore automate ! Discours sur la poésie dramatique Paul Fort Reims 1872-Argenlieu, près de Montlhéry, Essonne, 1960 Laisse penser tes sens, homme, et tu es ton Dieu. Ballades françaises, La Vision harmonieuse de la terre Flammarion Jean de La Bruyère Paris 1645-Versailles 1696 Il y a des gens qui parlent un moment avant que d'avoir pensé. Les Caractères, De la société et de la conversation Alphonse de Prât de Lamartine Mâcon 1790-Paris 1869 Je suis concitoyen de toute âme qui pense : La vérité, c'est mon pays. Poésies diverses, la Marseillaise de la paix Claude Lévi-Strauss Bruxelles 1908 Nous ne prétendons donc pas montrer comment les hommes pensent dans les mythes, mais comment les mythes se pensent dans les hommes, et à leur insu. Le Cru et le cuit Plon Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale. Pensées, 347 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. Edgar Quinet Bourg-en-Bresse 1803-Paris 1875 S'il est difficile d'empêcher de penser les peuples qui y sont accoutumés, il est cent fois plus difficile de forcer à penser ceux qui l'ont oublié ou désappris. La Révolution, XXIV, 3 Jules Renard Châlons, Mayenne, 1864-Paris 1910 Penser ne suffit pas : il faut penser à quelque chose. Journal, 18 juillet 1899 Gallimard Arthur Rimbaud Charleville 1854-Marseille 1891 C'est faux de dire : Je pense. On devrait dire : On me pense. Correspondance, à Georges Izambard, 13 mai 1871 Denis de Rougemont Neuchâtel 1906-Genève 1985 La vraie condition de l'homme, c'est de penser avec ses mains. Penser avec les mains Gallimard Charles Augustin Sainte-Beuve Boulogne-sur-Mer 1804-Paris 1869 Moins on parle, et bien souvent mieux l'on pense. Correspondance, à la princesse Mathilde, 8 février 1865 Auguste, comte de Villiers de L'Isle-Adam Saint-Brieuc 1838-Paris 1889 J'ai trop pensé pour daigner agir. Axel, I, 2, Axel Simone Weil Paris 1909-Londres 1943 Les collectivités ne pensent point. Oppression et Liberté Gallimard Simone Weil Paris 1909-Londres 1943 Rien au monde ne peut empêcher l'homme de se sentir né pour la liberté. Jamais, quoi qu'il advienne, il ne peut accepter la servitude ; car il pense. Oppression et Liberté Gallimard Baltasar Gracián y Morales Belmonte 1601-Tarazona 1658 Penser avec le petit nombre et se faire entendre de la masse. Sentir con los menos y hablar con los más. Oráculo manual y arte de prudencia William Shakespeare Stratford on Avon, Warwickshire, 1564-Stratford on Avon, Warwickshire, 1616 Il pense trop. Ce genre d'homme est dangereux. He thinks too much : such men are dangerous. Jules César, I, 2, César Léonard de Vinci Vinci, près de Florence, 1452-château de Cloux, aujourd'hui Clos-Lucé, près d'Amboise, 1519 Qui pense peu se trompe beaucoup. Chi poco pensa, molto erra. Carnets ● penser (expressions) verbe intransitif (latin pensare, peser) Donner, laisser à penser, faire réfléchir. Façon de penser, manière de voir, de juger. Familier. Penser bien, être bien-pensant. Familier. Penses-tu !, pensez-vous !, expriment l'incrédulité, la dénégation. ● penser (homonymes) verbe intransitif (latin pensare, peser) panser verbe pensée nom féminin ● penser (synonymes) verbe intransitif (latin pensare, peser) Former et combiner des idées, construire des raisonnements
Synonymes :
- cogiter (vieux)
- réfléchir
Avoir une intelligence, un esprit humains ; être capable d'une pensée...
Synonymes :
- méditer
Exercer sa capacité de juger, de raisonner
Synonymes :
- réfléchir
● penser
verbe transitif indirect
Songer à quelqu'un, quelque chose, l'évoquer par la pensée, l'avoir présent à l'esprit : Je pense souvent à lui.
Prévoir quelque chose, y prêter attention pour ne pas l'oublier : As-tu pensé à fermer le gaz en partant ?
Concevoir la possibilité de faire quelque chose, avoir l'intention de le faire : Il pense à divorcer.
Ne pas oublier quelqu'un, en particulier dans un partage ; avoir une attention pour quelqu'un : Ne prends pas tout pour toi, pense aux autres.
● penser
verbe transitif
Considérer quelque chose comme vrai (ou non), comme probable (ou non) : Penses-tu qu'il est sincère ?
Considérer quelqu'un, quelque chose comme étant tels : Je le pensais diplomate, mais qu'il est maladroit !
Avoir telle ou telle opinion sur tel sujet : Que pensez-vous de ce film ?
Avoir la conviction de quelque chose, le croire : Il pense avoir réussi son examen.
Avoir l'intention de ; projeter : Je pense avoir fini ce soir.
Littéraire. Faillir, manquer : À cette nouvelle, elle pensa s'évanouir.
Se dire intérieurement (souvent en incise) : C'est raté, pensa-t-il.
Comprendre, déduire, etc. : Quand on lui dit vacances, il pense temps perdu.
Concevoir quelque chose dans ses moindres détails avant de le réaliser : Il faut bien penser l'aménagement des immeubles.
● penser (citations)
verbe transitif indirect
Émile Chartier, dit Alain
Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951
Le plus difficile au monde est de dire en y pensant ce que tout le monde dit sans y penser.
Histoire de mes pensées
Gallimard
Honoré de Balzac
Tours 1799-Paris 1850
Il n'y a que les gens médiocres pour penser à tout.
Pierre Grassou
Paul, dit Tristan Bernard
Besançon 1866-Paris 1947
Je suis comme tout le monde : je ne pense à rien.
Triplepatte
Librairie théâtrale
Georges Moinaux, dit Georges Courteline
Tours 1858-Paris 1929
Une dame disait un jour devant moi, d'elle-même, comme la chose la plus naturelle du monde : « Je ne pense jamais, cela me fatigue ; ou, si je pense, je ne pense à rien. »
La Philosophie de G. Courteline
Flammarion
Victor Hugo
Besançon 1802-Paris 1885
Je suis un homme qui pense à autre chose.
Tas de pierres
Éditions Milieu du monde
Louis XIV, roi de France
Saint-Germain-en-Laye 1638-Versailles 1715
On ne fait jamais rien d'extraordinaire, de grand et de beau, qu'en y pensant plus souvent et mieux que les autres.
Mémoires
Raymond Queneau
Le Havre 1903-Paris 1976
— […] Ça m'arrive souvent de ne penser à rien.
— C'est déjà mieux que de ne pas penser du tout […].
Pierrot mon ami
Gallimard
Boris Vian
Ville-d'Avray 1920-Paris 1959
On commence à avoir des malheurs quand on a cessé de ne penser qu'à soi.
En verve
P. Horay
● penser (expressions)
verbe transitif indirect
Faire penser (quelqu'un) à quelqu'un, à quelque chose, l'évoquer par une certaine ressemblance : Il me fait penser à mon père.
Faites-moi penser à, rappelez-le-moi.
Sans y penser, machinalement.
Vous n'y pensez pas !, c'est inconcevable.
● penser (homonymes)
verbe transitif indirect
● penser (synonymes)
verbe transitif indirect
Songer à quelqu'un, quelque chose, l'évoquer par la pensée, l'avoir présent...
Synonymes :
- évoquer
- imaginer
Prévoir quelque chose, y prêter attention pour ne pas l'oublier
Synonymes :
- se préoccuper
Concevoir la possibilité de faire quelque chose, avoir l'intention de le...
Synonymes :
- projeter
Ne pas oublier quelqu'un, en particulier dans un partage ; avoir...
Contraires :
- oublier
● penser (citations)
verbe transitif
Émile Chartier, dit Alain
Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951
Il y a une forte raison de ne pas dire au premier arrivant ce qui vient à l'esprit, c'est qu'on ne le pense point.
Éléments de philosophie
Gallimard
Émile Chartier, dit Alain
Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951
Il n'est pas difficile d'avoir une idée. Le difficile, c'est de les avoir toutes.
Propos
Gallimard
Émile Chartier, dit Alain
Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951
L'homme pense son propre chant, et ne pense rien d'autre.
Propos de littérature
Gallimard
Émile Chartier, dit Alain
Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951
Il n'y a qu'une méthode pour inventer, qui est d'imiter. Il n'y a qu'une méthode pour bien penser, qui est de continuer quelque pensée ancienne et éprouvée.
Propos sur l'éducation
P.U.F.
Émile Chartier, dit Alain
Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951
Rien n'est plus dangereux qu'une idée, quand on n'a qu'une idée.
Propos sur la religion
P.U.F.
Paul Bourget
Amiens 1852-Paris 1935
Académie française, 1894
Il faut vivre comme on pense, sinon tôt ou tard on finit par penser comme on a vécu.
Le Démon de midi
Plon
Georges Duhamel
Paris 1884-Valmondois, Val-d'Oise, 1966
Académie française, 1935
Il y a toujours du courage à dire ce que tout le monde pense.
Le Combat contre les ombres
Mercure de France
Anatole François Thibault, dit Anatole France
Paris 1844-La Béchellerie, Saint-Cyr-sur-Loire, 1924
Académie française, 1896
À mesure qu'on s'avance dans la vie, on s'aperçoit que le courage le plus rare est celui de penser.
La Vie littéraire
Calmann-Lévy
Sacha Guitry
Saint-Pétersbourg 1885-Paris 1957
Ce qui probablement fausse tout dans la vie c'est qu'on est convaincu qu'on dit la vérité parce qu'on dit ce qu'on pense.
Toutes Réflexions faites
Éditions de l'Élan
Victor Hugo
Besançon 1802-Paris 1885
On jugerait bien plus sûrement un homme d'après ce qu'il rêve que d'après ce qu'il pense.
Les Misérables
Romain Rolland
Clamecy 1866-Vézelay 1944
Penser sincèrement, même si c'est contre tous, c'est encore pour tous.
Clérambault
Albin Michel
Parménide d'Élée
Élée, Grande-Grèce, vers 515-vers 440 avant J.-C.
Car c'est la même chose qu'on peut penser et qui peut être.
De la nature, fg. 5 Diels (traduction J. Zafiropulo)
Commentaire
Phrase citée par Clément d'Alexandrie et Plotin ; son sens est très discuté et les traductions varient beaucoup.
Jacinto Benavente
Madrid 1866-Madrid 1954
Quand on ne pense pas ce que l'on dit, c'est qu'on dit ce que l'on pense.
Cuando no se piensa lo que se dice es cuando se dice lo que se piensa.
¡ No quiero, no quiero !, III, 4
Henry David Thoreau
Concord, Massachusetts, 1817-Concord, Massachusetts, 1862
Ce qu'un homme pense de lui-même, voilà ce qui règle ou plutôt indique son destin.
What a man thinks of himself, that it is which determines, or rather indicates, his fate.
Walden, Economy
● penser (difficultés)
verbe transitif
Accord
1. Aux formes conjuguées avec le participe passé, celui-ci reste invariable si le complément direct du verbe, exprimé ou non, est un infinitif ou une proposition subordonnée : une tâche plus ardue qu'il n'avait pensé (= qu'il n'avait pensé qu'elle serait) ; elles ont trouvé plus de compréhension qu'elles n'avaient pensé (= qu'elles n'avaient pensé en trouver) ou qu'elles ne l'avaient pensé (l', pronom neutre, ne reprend pas compréhension mais la proposition principale elles ont trouvé plus de compréhension).
2. Dans les autres cas, l'accord du participe passé se fait normalement avec le complément d'objet direct si celui-ci est placé avant le verbe : la solution qu'il a mÛrement pensée (= conçue, imaginée).
Construction
1. Penser que (+ indicatif ou conditionnel). À la forme affirmative, penser que est suivi de l'indicatif ou du conditionnel : nous pensons qu'il sera présent ; nous pensions qu'il serait présent. À la forme négative ou interrogative, penser que peut être suivi soit de l'indicatif ou du conditionnel (je ne pense pas qu'il viendra ; pensiez-vous qu'il viendrait ?), soit du subjonctif (je ne pense pas qu'il vienne), qui marque plus nettement que l'indicatif l'hypothèse ou le doute.
2. Penser v.i. = former des idées, avoir une activité de l'esprit consciente et organisée : « Je pense, donc je suis »(R. Descartes).
3. Meilleur que tu penses, que tu ne le penses. → le, → ne
● penser (expressions)
verbe transitif
Ce que je pense, où je pense, formules pour ce qu'on n'ose désigner par son nom, en particulier les excréments, les gros mots, le derrière, etc. : Marcher dans ce que je pense.
Je pense bien (que) !, bien sûr : Il viendra ? — Je pense bien qu'il viendra !
Ne pas en penser un mot, le premier mot, ne pas croire ce que l'on dit.
N'en penser pas moins, indique qu'on a, intérieurement, un avis sur le sujet.
Tu penses, vous pensez, renforcent une affirmation ; ou, ironiquement, expriment la dénégation, le refus.
● penser (homonymes)
verbe transitif
panser
verbe
pensée
nom féminin
● penser (synonymes)
verbe transitif
Considérer quelque chose comme vrai (ou non), comme probable (ou non)
Synonymes :
- admettre
- croire
- estimer
Considérer quelqu'un, quelque chose comme étant tels
Synonymes :
- estimer
- imaginer
- juger
Avoir la conviction de quelque chose, le croire
Synonymes :
- espérer
- supposer
Avoir l'intention de ; projeter
Synonymes :
- projeter
- songer à
Concevoir quelque chose dans ses moindres détails avant de le réaliser
Synonymes :
- élaborer
- étudier
- examiner
- mûrir
- pénétrer
- régler
- saisir
- voir
penser
v.
rI./r v. intr. Concevoir (par le travail de l'esprit, la réflexion, l'intelligence) des idées, des opinions, des notions intellectuelles. "Je pense, donc je suis" (Descartes).
rII./r v. tr.
d1./d Avoir dans l'esprit. Dire tout ce qu'on pense.
d2./d Imaginer, concevoir du point de vue de la commodité. Penser un appartement en fonction de ses occupants.
d3./d Rapporter par l'esprit à ce que l'on connaît déjà, à une théorie particulière, etc. Penser l'événement en marxiste.
d4./d Croire, juger, estimer. Penser du bien, du mal de qqn.
— Fam. Penses-tu! Pensez-vous!: certainement pas! Cela ne risque pas d'arriver, d'exister!
d5./d Penser (+ inf.): envisager de, compter. Je pense partir ce soir.
d6./d Penser que: croire que. Je pense que tu as raison.
rIII/r v. tr. indir. Penser à.
d1./d Réfléchir à (qqch). Pensez bien à ma proposition.
d2./d S'intéresser à, tenir compte de, faire attention à (qqn, qqch). La chose mérite qu'on y pense.
d3./d Ne pas oublier (qqn, qqch), se souvenir de (qqn, qqch). J'ai pensé à vous en cette occasion.
d4./d Loc. Sans penser à mal: en toute innocence.
|| Honni soit qui mal y pense: honte à celui qui verrait du mal à cela (devise de l'ordre de chevalerie anglais de la Jarretière).
I.
⇒PENSER1, verbe
I. —Empl. intrans.
A. —HIST. DE LA PHILOS. Exercer son esprit; mettre en oeuvre sa conscience. Le mot pensée (...) comprend dans son acception toutes les facultés de l'entendement et toutes celles de la volonté. Car penser, c'est sentir, donner son attention, comparer, juger, réfléchir, imaginer, raisonner, désirer, avoir des passions, espérer, craindre (CONDILLAC, La Log. ou les premiers développemens de l'art de penser, 1789, p.74):
• 1. ... sentir des sensations, sentir des souvenirs, sentir des rapports, et sentir des desirs, c'est toujours sentir. Quoique je ne vous l'aie pas encore démontré, je vous ai annoncé que ces quatre facultés composaient notre faculté de penser tout entière...
DESTUTT DE TR., Idéol. 1, 1801, p.79.
— [P. allus. à l'argument développé par Descartes dans le Discours de la Méthode puis dans les Méditations métaphysiques] [Descartes] produisit une grande sensation en appelant de toutes les vérités reçues à l'examen de la réflexion; on admira ces axiomes:Je pense, donc j'existe; donc j'ai un créateur (STAËL, Allemagne, t.4, 1810, p.59). Par la pensée nous prenons conscience de l'être, mais inversement il faut déjà exister pour penser (JANKÉL., Je-ne-sais-quoi, 1957, p.60). [Empl. lexicalisé à la 1re pers. du sing.] Le je pense. Trad. de cogito. Le «je pense» n'est pas un donné, il n'est pas une forme, il est un acte (G. MARCEL, Journal, 1914, p.37).
B. —PHILOS., lang. cour.
1. Former des idées; concevoir par l'esprit, par l'intelligence. Être lent à penser. Nous ne pouvons parler sans penser, c'est-à-dire sans attacher une idée à nos paroles (BONALD, Essai analyt., 1800, p.224). Penser c'est, comme agir ou sentir, réagir au milieu (LACROIX, Marxisme, existent., personn., 1949, p.103):
• 2. ... malgré leur fusion dans l'absolu, le moi et le non-moi se posent séparément et contradictoirement dans la nature, et nous avons des êtres qui pensent, en même temps que d'autres qui ne pensent pas.
PROUDHON, Syst. contrad. écon., t.1, 1846, p.14.
♦Penser dans/en une langue. Former ses idées en utilisant les signes, les structures d'une langue particulière. Nous pensons en une langue, et, quand nous avons suffisamment l'habitude d'un code, il nous arrive de penser en mots codés qui deviennent pour nous et les quelques personnes connaissant également le code un langage particulier (JOLLEY, Trait. inform., 1968, p.90).
♦Vieilli. Machine à penser (log., informat.). Appareil analogue aux machines à calculer et qui tire les conséquences logiques des données qui lui sont fournies préalablement. Les machines à penser, ou les machines à comportement mécaniquement finalisé, semblent confirmer l'utopie philosophique de l'homme pur, comme «être raisonnable» et non plus «animal raisonnable» (RUYER, Cybern., 1954, p.32).
2. Combiner, organiser des concepts, des idées, leur donner un sens; p.ext. exercer son sens critique, son jugement, élaborer des systèmes intellectuels, des théories. L'Empereur, à dix-huit et vingt ans, était des plus instruits, pensant fortement, et de la logique la plus serrée (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.85). Picasso ne pense pas. Il est l'anti-intellectuel type, alors qu'on le charge d'intellectualisme. Il ne pense pas, ou plutôt, il pense en actes (COCTEAU, Poés. crit. I, 1959, p.264):
• 3. Rester indifférent devant l'univers est chose impossible pour l'homme. Dès qu'il pense, il cherche, il se pose des problèmes et les résout; il lui faut un système sur le monde, sur lui-même, sur la cause première, sur son origine, sur sa fin.
RENAN, Avenir sc., 1890, p.18.
— Maître à penser. V. maître1 II C 2.
— [P. allus. à La Bruyère (Caractères I, 1): Depuis qu'il y a des hommes et qui pensent] Si depuis 2 000 ans qu'il y a des hommes et qui pensent, il a toujours existé des poètes, des chroniqueurs, des conteurs, des romanciers pour donner aux hommes de la distraction et du rêve au milieu de leurs préoccupations, ces poètes, ces chroniqueurs, ces conteurs et ces romanciers n'ont jamais trouvé dans l'usage de leur talent une juste rémunération de leur travail (Arts et litt., 1936, p.84-1).
— Penser sur + subst. Exercer son jugement, faire une construction logique, élaborer une théorie à propos d'un sujet déterminé. Tout de suite il [Malebranche] eut son système en philosophie, une manière générale de penser sur Dieu, sur le monde, sur la nature (MASSIS, Jugements, 1923, p.38). Le droit du journaliste à penser sur la chose publique (MORIENVAL, Créateurs gde presse, 1934, p.58):
• 4. ... si l'on commence à penser sur la chaleur ou seulement sur les pressions, sans y être préparé par la considération des rapports plus simples, on risque de former des singes pensants; et l'on n'en voit que trop.
ALAIN, Propos, 1921, p.322.
C. —Avoir une opinion. Vous avez peut-être raison de penser ainsi, mais vous n'avez pas raison de soutenir votre opinion contre un vieillard (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.223). Nous pensons l'un comme l'autre sur mon père, qui n'est plus l'homme que nous avons connu (BARB. D'AUREV., Memor. pour l'A... B..., 1864, p.415). La passion sans contre-poids de la justice rend l'homme injuste pour ceux qui ne pensent pas comme lui (FAURE, Hist. art, 1909, p.115).
— Loc. et expr.
♦Penser par soi-même. Avoir une opinion personnelle. Les esprits cultivés qui se piquent de penser par eux-mêmes (Arts et litt., 1936, p.42-5).
♦Bien/mal penser (souvent p.iron.). Avoir en matière de politique ou de religion, des opinions conformes ou non à celles du moment. Il prêta le serment et même fut grand-vicaire constitutionnel, homme qui s'est assis dans la chaire empestée; il a contre lui toute sa robe. Tout ce qui pense bien le tient dûment battu, et applaudit au maire (COURIER, Pamphlets pol., Gazette du village, 1823, p.184).
♦Façon/manière de penser. Manière de voir, de juger. [Les] plus vieilles façons de penser et de sentir dont chacun de nous hérite au jour de sa naissance (L. FEBVRE, Face au vent, [1946] ds Combats, 1953, p.39). Les chefs-d'oeuvre du passé nous montrent que chaque génération eut sa manière de penser, ses conceptions, son esthétique (LE CORBUSIER, Charte Ath., 1957, p.87). Opinion. De l'un à l'autre les mots passaient, et chacun amplifiait, déformait, disait sa façon de penser et ses remarques (PEISSON, Parti Liverpool, 1932, p.74). Fam. Dire (à qqn) sa façon de penser. Donner franchement son opinion; être sans nuance, sans détour dans son expression. J'avais envie de te voir aussi, mais pas seulement pour le plaisir, dit-il avec un demi-sourire. Plutôt pour te dire ma façon de penser: c'est dégueulasse d'avoir passé cet article sur Dubreuilh, le mois dernier (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.285).
D. —Synon. de réfléchir. M. des Lourdines se laissait emporter, sans penser, mort de fatigue (CHÂTEAUBRIANT, Lourdines, 1911, p.113). Relaxez-vous. Ne pensez plus (AYMÉ, Mouche, 1957, p.37):
• 5. Ils ne veulent absolument pas que la vie soit une chose triste: alors, tu comprends, ils pensent le moins possible; ils jouent.
MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p.1320.
— Locutions
♦Penser tout haut. V. haut1 II C 2 a.
♦[Le suj. désigne une chose, un événement, une attitude] Donner à penser. Faire réfléchir. Toutes ces remarques vous excitent l'esprit et vous donnent à penser (L. FEBVRE, La Nationalité, [1926] ds Combats, 1953, p.191). Donner lieu à des suppositions, des soupçons, des inquiétudes. Onze heures sonnaient dans le clair de lune; Même d'Artiailh ouvrait la porte, sans tousser ni frapper, et désespérait de surprendre les jeunes gens dans une attitude qui donnât à penser (MAURIAC, Baiser Lépreux, 1922, p.167).
II. —Empl. trans. dir.
A. —Penser qqn/qqc.
1. Synon. de concevoir.
a) [P. oppos. à percevoir, sentir] Surtout dans le domaine de la réflexion, de la connaissance sc. et philos. Saisir par la pensée; former, construire l'idée d'un être ou d'une chose. Naturellement, je ne pouvais pas clairement penser ma mort, mais je la voyais partout, sur les choses, dans la façon dont les choses avaient reculé et se tenaient à distance, discrètement, comme des gens qui parlent bas au chevet d'un mourant (SARTRE, Mur, 1939, p.28). La distance, comme toutes les autres relations spatiales, n'existe que pour un sujet qui en fasse la synthèse et qui la pense (MERLEAU-PONTY, Phénoménol. perception, 1945, p.295). V. intellectuel C 1 ex. de Joubert:
• 6. Le mouvement n'est perçu que par un jugement qui lie plusieurs images, dessinant de l'une à l'autre une trajectoire continue. Mais si vous pensez une position seulement, vous pensez l'immobile, comme le fameux Zénon d'Élée se plaisait à dire autrefois; la flèche, à chaque instant, disait-il, est où elle est, donc elle ne se meut point.
ALAIN, Beaux-arts, 1920, p.279.
— Empl. pronom. réfl. Faites maintenant surgir la réflexion: cette conviction [vécue] s'évanouira; l'homme va se percevoir et se penser comme un point dans l'immensité de l'univers (BERGSON, Deux sources, 1932, p.186).
— Part. passé en empl. subst. masc. sing. à valeur de neutre. Ce qui est ou peut être pensé. Éviter avec soin la confusion [dans ma pensée] (...) entre les fictions et les vrais actes psychiques, entre le vu, le pensé, le raisonné, le senti (VALÉRY, Lettres à qq.-uns, 1945, p.106).
— En partic. Rapporter par l'esprit (un fait, un événement) à une conception, à une attitude déjà connue. Qu'ils s'en doutent ou non, ils [les Africains, les Asiatiques qui veulent réhabiliter leur culture] réinterprètent les traits culturels anciens à travers une mentalité qui est devenue occidentale; ils pensent l'Afrique ou l'Asie en «Européens» (Traité sociol., 1968, p.329).
— P. ext.
♦Créer par la pensée. Nous pensons des formes, elles deviennent vivantes sur le papier ou sur la toile sans avoir aucun rapport avec les formes de la vie (COCTEAU, Crit. indir., 1932, p.120).
♦Prendre conscience (de). Dans le cours qu'il [Victor Upshaw] donne trois fois par semaine dans un théâtre parisien, il jette ses nouveaux élèves dans le rythme comme on met un enfant à l'eau pour lui apprendre à nager. Il dit: «Si vous savez marcher, vous saurez danser.» Il s'attache surtout à leur faire comprendre la musique, à penser le rythme (L'Express, 30 janv.-5 févr. 1967, p.69, col. 2).
Empl. pronom. réfl. [Avec attribut de l'obj.] Faire sienne une qualité. Certes, ils [les Juifs] rêvent de s'intégrer à la nation mais en tant que juifs, qui donc oserait le leur reprocher? On les a contraints de se penser juifs, on les a amenés à prendre conscience de leur solidarité avec les autres juifs (SARTRE, Réflex. quest. juive, 1946, p.188).
♦Former l'image d'un être ou d'une chose. Ne me regardez pas et pensez-moi simplement d'après le son de ma voix, mon rayonnement, ma syntaxe, mon inimitable façon de prendre haleine et de renifler (ARNOUX, Écoute, 1923, p.108).
b) [Corrél. de faire, exécuter]
) Penser un sujet, un projet, une activité, une oeuvre. Y réfléchir profondément, s'en donner une représentation rationnelle. Les hommes politiques n'ont pas su penser cette guerre. Elle a débordé tous les cerveaux, celui de Briand, celui de Lloyd George (BARRÈS, Cahiers, t.11, 1918, p.365):
• 7. Son métier, jusqu'à présent, il l'a fait d'instinct, il l'a construit à l'aide de successives mais incomplètes vérifications. Maintenant il le pense...
VIALAR, Fusil, 1960, p.148.
— Au passif. À qui ferez-vous croire que le hasard préside à vos entreprises nocturnes? Elles sont trop parfaites pour qu'elles ne soient pas solidement pensées (GIONO, Angelo, 1958, p.196).
) En partic., cour.
— [S'agissant d'un ouvrage de l'esprit, d'une oeuvre d'art] Fréq. part. passé en empl. adj. Qui est bien construit, harmonieux, solide. C'est un livre [Les Caractères de La Bruyère] fait d'après nature, un des plus pensés qui existent et des plus fortement écrits (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t.1, 1861, p.122). Tout, dans cette remarquable composition [les Sabines de David], est pensé, étudié, cherché et poussé à la limite de perfection dont l'artiste était capable (GAUTIER, Guide Louvre, 1872, p.8):
• 8. Le Banquet des Phaeaciens [de Max Bruch], avec le chant des Rhapsodes accompagné par les harpes, les plaintes d'Ulysse soupirant après sa patrie, est plein de charme; les choeurs y sonnent magnifiquement et l'impression qui s'en dégage est celle que doit donner toute musique bien pensée et bien écrite.
SAINT-SAËNS, Portr. et souv., 1909, p.195.
— [S'agissant d'équipements, d'urbanisme] Concevoir selon un plan précis; organiser dans le détail. Avoriaz est à 30 minutes seulement de Genève: les responsables de son établissement l'ont «pensée» comme une station internationale, en la rattachant au complexe Morzine-Les Gets-Châtel (Elle, 17 févr. 1966, p.76, col. 3). Transports, santé, délinquance, égouts, pollution, tout ce qui implique un minimum de prévision renvoie à la même conclusion: Sáo Paulo a poussé mais n'a pas été pensée (Libération, 14 mars 1985, p.26, col. 1).
2. [Le compl. d'obj. est le plus souvent un pron. neutre] Avoir pour jugement, pour opinion, pour conviction, pour avis.
a) [Sans compl. d'obj. indir. déterminé] Comment avez-vous pu seulement aborder l'idée que nous vous permettrions de vivre autre part qu'au milieu de nous? Que penserait le monde? (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p.140). On pense ce qu'on pense et on laisse dire (VALÉRY, Corresp. [avec Gide], 1899, p.357):
• 9. La politique, c'est un art, c'est d'être le plus malin. S'ils [les députés] le sont, on les garde. Moi je ne juge pas leurs raisons. C'est des gens qui vous disent ceci quand ils pensent cela, alors à quoi bon les entendre.
BARRÈS, Cahiers, t.5, 1907, p.246.
— [Avec attribut de l'obj.] Synon. de estimer, considérer (que). Élodie (...) songea tout de suite à rattraper son ami (...) elle pensa meilleur de lui donner un rendez-vous sentimental et romanesque (A. FRANCE, Dieux ont soif, 1912, p.48). Jamais je ne m'engage dans une entreprise si je la pense vouée à l'échec (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.210).
♦Empl. pronom. réfl. Tu te penses plus raisonnable que tout le monde (CLAUDEL, Échange, 1954, II, p.757). Ceux qui, de bonne foi, se croient capables de corriger parce qu'ils «aiment lire» et se pensent «soigneux et attentifs» (GOURIOU, Mémento typogr., 1961, p.XII).
— Loc. et expr.
♦[En incise] À ce que je pense. Selon mon opinion, à mon avis. M. Dubois me témoignait une bienveillance d'autant plus précieuse qu'elle venait d'un vieillard qui n'aimait pas les jeunes gens. Je la gagnai, à ce que je pense, en l'écoutant avec attention (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p.339).
♦Dire ce qu'on pense. Donner son opinion. Dans cette enquête solennelle où l'Académie m'invite, j'ai plus que le droit de dire la vérité, j'ai le droit de dire ce que je pense (PROUDHON, Syst. contrad. écon., t.1, 1846, p.32). Fam. Dire quelque chose avec franchise, sans détour. Je suis fâché, c'est mon opinion; je suis un ancien, un franc marin, et je dis ce que je pense (SUE, Atar-Gull, 1831, p.20). Moi, je dis toujours ce que je pense: eh bien, je suis déçu par le commencement de ma croisade (SALACROU, Terre ronde, 1938, II, 1, p.174). [Par recoupement de infra II A 4] Dire ce qu'on a dans l'esprit, dans la tête. Un homme qui dit tout ce qu'il pense et comme il le pense est aussi inconcevable dans une ville qu'un homme allant nu (A. FRANCE, Mannequin, 1897, p.223).
♦Dire tout haut ce que les autres pensent tout bas. Nous n'avons d'autre mérite que de dire tout haut ce que la foule pense tout bas (Déclaration des anarchistes, 1883 ds Doc. hist. contemp., p.46).
♦[À la forme nég.] Il n'en pense pas un (traître) mot (de ce qu'il dit). Ce n'est pas sa conviction, son opinion; il n'est pas sincère. Je te connais. Tu as mauvaise tête, mais, en cas de mobilisation, nous marcherons tous deux, et ce que tu chantais là, tu n'en penses pas un mot! (R. BAZIN, Blé, 1907, p.23). Georges! Vous ne pensez pas ce que vous dites. Vous ne le pensez pas (COCTEAU, Parents, 1938, II, 9, p.252).
♦(Ne rien dire mais) n'en penser pas moins. Avoir, bien qu'on ne l'exprime pas, une opinion bien établie et souvent défavorable sur un sujet. Car enfin si je ne parle pas aussi facilement que lui, je n'en pense pas moins, et mes idées sont plus justes que les siennes (CRÈVECOEUR, Voyage, t.2, 1801, p.6).
b) [Avec compl. d'obj. indir. déterminé]
) [S'agissant d'une pers. ou d'une chose; avec compl. prép.de] Souvent je ne sais que penser de ce que j'éprouve (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p.1717). Qu'est-ce que les autres allaient penser de lui? (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p.156).
— Loc. Penser du bien (du mal) de qqn ou de qqc. Avoir de lui ou de cela (en avoir) une bonne (une mauvaise) opinion. Je désire, me dit-il, vous introduire au collège et faire entendre au proviseur le bien que je pense de vous (FROMENTIN, Dominique, 1863, p.63).
) [S'agissant de choses, notamment abstr.; avec compl. prép.sur] C'était le droit exclusif des théologiens de toutes les sectes de nous prescrire ce que nous devions penser sur ce point; et nul ne pouvait ni n'osait pénétrer dans leur empire (DESTUTT DE TR., Idéol. 2, 1803, p.7). C'étaient des choses dont on ne devait pas causer tout haut, personne n'avait besoin de savoir ce qu'ils pensaient là-dessus (ZOLA, Terre, 1887, p.81).
— P. euphém., fam. [S'agissant d'une pers.] Je ne peux pas lui dire tout ce qu'on pense sur lui (ROB.).
3. a) Synon. de croire, supposer, (s')imaginer. J'avais eu seul l'idée de cette excursion. J'avais eu toutes les difficultés que tu penses pour en faire agréer en haut lieu le principe (BENOIT, Atlant., 1919, p.54). Contrairement à ce que l'on pourrait penser, l'héraldique, science des symboles héréditaires, est une science moderne (L'Hist. et ses méth., 1961, p.740). V. être1 2e section I B 3 a ex. de Simenon:
• 10. Il y a moins loin que l'on ne pense de l'impassibilité stoïque à l'abnégation de l'insensé sous le froc, à la démence du faquir qui mérite la béatitude du vingtième ciel, en fixant la lumière bleue...
SENANCOUR, Rêveries, 1799, p.132.
— [Dans la lang. parlée, p.ell. de ne le] Il faudra vous réconcilier avec Mlle Céleste, dit-il avec un sourire complice. Je vous y aiderai. Les vieilles gens sont plus faciles à séduire qu'on pense (BERNANOS, Crime, 1935, p.759).
— [Avec attribut de l'obj.] Synon. de penser que (infra II B 1 a ). Nous ne nous sommes point autrement inquiétées de son absence, le pensant à quelques pas de la charrette (GAUTIER, Fracasse, 1863, p.144). Je crois bien que cette dame, me pensant endormi déjà, s'était comportée comme si elle eût été seule (LARBAUD, Journal, 1934, p.315).
— Empl. pronom. réfl. [Avec attribut du suj.] Avoir l'impression de. Il se pensa devenu fou (MAUPASS., Bel-Ami, 1885, p.107):
• 11. Aujourd'hui, quand je m'assieds devant ces panneaux que je considère chaque fois avec tendresse et mélancolie, je me pense revenu à ces jours anciens où je ne connaissais personne à la brasserie.
FARGUE, Piéton Paris, 1939, p.160.
b) [En incise]
— [Sert à annoncer des propos rapportés] Les nuages, pense-t-on, tendent à se dissiper, quand les rayons de la lune les frappent (FLAMMARION, Astron. pop., 1880, p.219).
— [Sert à renforcer ou à légitimer une affirmation] M. de Sacy a jadis refusé de se marier, à cause de trois enfants naturels qu'il avait et qu'il a gardés, je pense (GONCOURT, Journal, 1860, p.730). J'acceptai avec joie, vous le pensez bien, la séduisante proposition (COPPÉE, Bonne souffr., 1898, p.82). Elle a tout sacrifié à ce joli gamin qui se moque d'elle, comme tu penses (A. FRANCE, Pt bonh., 1898, VII, p.525). Il n'y a pas de véritable éducation, pensons-nous, si l'on ne s'efforce à la fois de cultiver l'être humain et de le préparer à la vie (Hist. instit. et doctr. pédag., 1923, p.363).
c) Fam. [À la forme exclam.; dans un propos rapporté au style dir., sert à renforcer ou constitue une affirm.] Tu penses! Synon. de tu parles, en effet, évidemment, bien sûr! Ta femme à toi ça l'a retournée d'te voir partir? —Tu penses... (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p.14). Ah, celui-là!... —Vous le connaissez? —Je pense bien. La petite brute! (VERCEL, Cap.Conan, 1934, p.130).
— [Avec invers. du suj., exprime ou constitue une dénégation] Penses-tu! pensez-vous! Synon. de mais non, pas du tout, certainement pas, sûrement pas. Souffert! Pensez voir! Il a tombé d'un coup comme ça... V'lan! (BENJAMIN, op.cit., p.156). On aurait dit une petite bête qui grattait. Même qu'au premier coup d'oeil, avec l'air chaud qui tremblait, le camarade dit: «Mais non. C'est une bête.» «Penses-tu, je lui dis. C'est trop fin pour une bête. C'est une fille» (ANOUILH, Antig., 1946, p.172).
d) Fam. [À la forme interr.; dans un propos rapporté au style dir., sert à exprimer le scepticisme devant une affirm.] Pensez-vous? Synon. plus usité Tu crois? Vous croyez? (v. croire I B 3):
• 12. ... Ah! oui, de jolis parents j'ai là! Ils ne me reverront jamais. —Jamais? s'écria-t-il, ne dis pas de bêtises, Mouchette (...). On ne laisse pas les filles courir à travers champs, comme un perdreau de la Saint-Jean. Le premier garde venu te rapportera dans sa gibecière. —Pensez-vous? dit-elle. J'ai de l'argent. Qu'est-ce qui m'empêche de prendre demain le train de Paris, par exemple? Ma tante Eglé habite Montrouge —une belle maison, avec une épicerie. Je travaillerai. Je serai très heureuse...
BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p.77.
4. [Le compl. d'obj. est le plus souvent un pron. neutre] Synon. de avoir dans l'idée, dans l'esprit, dans la tête. Il peut en faire une martyre ou une femme heureuse, se dit-elle à elle-même en pensant ce que pensent toutes les mères lors du mariage de leurs filles (BALZAC, Cous. Bette, 1846, p.228). «Rassurez-vous, Madame: je n'aimais pas mon père.» Aussitôt, il se mordit les lèvres. D'avoir pensé cela le bouleversait plus encore que de l'avoir dit (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p.1314).
— [Dans un propos rapporté au style dir.; avec ell. du suj.] Empl. exclam., fam. Pensez! Pensez-donc! J'ai ma chambre au Quartier Latin (...) Au Quartier Latin! pense un peu! (A. DAUDET, Pt Chose, 1868, p.121). Quand elle entendait les gens la plaindre, elle excusait vite Coupeau. Pensez donc! Il avait tant souffert (ZOLA, Assommoir, 1877, p.490):
• 13. Tant qu'il souffle [le vent], ces diables de sapins font un bruit! Pensez: le bois pousse comme il veut, c'est plein de branches mortes, une vraie forêt vierge.
BERNANOS, Crime, 1935, p.747.
— P. euphém., fam. [Pour désigner qqc. que l'on ne veut pas nommer] Il a marché dans ce que je pense (ROB.). Le cochon qui a fait une chose pareille, vois-tu, je lui arracherais les yeux et aussi ce que je pense (SIMENON, Vac. Maigret 1948, p.99). Lorsque la morale s'émousse, il est temps de revenir à la saine politique des coups de pied où je pense (L'Est Républicain, 15 juin 1985, p.10, col. 6).
— [En incise, avec invers. du suj.] Ah! Mon Dieu, que vais-je devenir! pensait-elle en enfonçant sa tête brune dans l'oreiller (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.198). Il est dur, pensait-il, d'être un juge (SAINT-EXUP., Vol nuit, 1931, p.90).
— [Sert à introduire un discours dir.] Synon. se dire. J'ai rougi d'embarras; et puis j'ai pensé: «Ah! Si vous étiez mon Amélie!» Mais soudain je me suis reproché ma pensée comme un crime, et c'en était bien un (KRÜDENER, Valérie, 1803, p.26):
• 14. Il rit en montrant les dents, et je pense en moi-même: «Cause toujours: l'hiver prochain, je serai à Paris, et tu ne m'y rencontreras guère!»
COLETTE, Cl. école, 1900, p.312.
— [Suivi d'un subst. sans art.; corrél. de dire; p.ell. de la prép. à] Lorsqu'on pense à la condition des sexes dans la société, pour les femmes on pense plutôt malheur, pour les hommes on pense plutôt embêtements (MONTHERL., J. filles, 1936, p.1007). On a trop tendance devant un goitre banal à penser maladie grave, hyperthyroïdie de Basedow actuelle ou à venir (QUILLET Méd. 1965, p.474).
B. —[Le compl. est une prop.]
1. [Prop. complét. ou à valeur de complét.]
a) Penser que. [Suivi de l'ind. si la princ. est positive, de l'ind. ou du subj. si la princ. est nég., interr. ou si penser figure dans une hypothétique]
) Synon. de être d'avis (que), juger, estimer, considérer (que). Nous pensons qu'il faut leur chercher [à nos enfants] les plus grands exemples de vertu dans tous les pays (BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p.318). A. Comte ne pense pas que leur méthode [de V. Cousin et de ses disciples] puisse être féconde (Hist. de la sc., 1957, p.1647).
— [P. méton. du déterminé] Comme sa rédaction [d'un article] présentait une certaine ambiguïté, le Conseil d'État a pensé qu'il y avait lieu de définir le point de départ et la durée des publications (Code pêche fluv., 1875, p.70).
) Synon. de croire, supposer (que) ou de avoir le sentiment, l'impression (que). Si vous pensez que cela soit utile, je le prendrai [un ouvrage] à la Bibliothèque Royale (GOBINEAU, Corresp. [avec Tocqueville], 1843, p.66). J'ai toujours pensé que tu me tuerais (MÉRIMÉE, Carmen, 1847, p.69). Je ne pense pas que ce petit ait jamais été puni (GIDE, Journal, 1943, p.175):
• 15. Soldat avant tout, il m'accompagnait parce que c'était l'ordre, et je pense qu'il eût tiré sur moi sans hésiter si j'avais fait mine de m'échapper...
AMBRIÈRE, Gdes vac., 1946, p.320.
— Tournure impers., rare. Il est d'ailleurs à penser que, dans les délais nécessaires à une telle évolution, l'URSS, fortune faite et pressée par une Chine devenue dangereuse, rejoindrait sans discordances gênantes la famille occidentale (BEAUFRE, Dissuasion et strat., 1964, p.180).
— [Dans un propos rapporté au style dir.]
♦Ne pensez-vous pas, ne penses-tu pas (que) ou fam. vous ne pensez pas, tu ne penses pas (que). [Précaution oratoire empl. pour atténuer une question] Georgette avait hâte d'inaugurer avec Edmond une tout à fait nouvelle vie. À cette époque-là, il a eu plusieurs fois l'occasion de lui dire: «Maintenant que ça marche bien, tu ne penses pas que tu devrais aller à la mairie pour faire supprimer l'allocation des gosses?» (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1938, p.252).
♦Fam. [Sert à renforcer une affirm., la conviction d'une certitude] Vous pensez bien que les gens qui payent huit francs pour une consultation n'aiment pas trop qu'on leur indique un remède de quatre sous (ROMAINS, Knock, 1923, II, 1, p.7). Vous pensez bien qu'il ne m'a pas épousée pour ça (SARTRE, Mains sales, 1948, 5e tabl., 1, p.177).
Empl. exclam. [Pour exprimer une dénégation] —Alors, ils y sont restés là-haut, les deux sans-guides? Bon pour toi, la marmotte! Tu iras les descendre à minuit, ça te fera les bras... —Penses-tu que j'irai! (PEYRÉ, Matterhorn, 1939, p.206).
) Former dans son esprit l'idée ou l'image d'une réalité absente. Synon. penser à (infra IV A 2), prendre conscience, avoir l'idée, se rendre compte, se dire (que). Que notre famille est réduite, et je tremble en pensant que le cercle peut encore se rétrécir! (E. DE GUÉRIN, Journal, 1839, p.296). Edmond parlait ainsi (...) surtout pour conjurer l'image de Carlotta. Il venait de penser qu'il ne la reverrait jamais plus (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.281):
• 16. Devant son fourneau, elle pense que voilà son père et sa mère très vieux, et qu'ils vont bientôt mourir, que son fils sera soldat l'année prochaine, et elle se demande s'il ne sera pas trop malheureux.
RENARD, Journal, 1901, p.647.
— Souvent en empl. exclam., fam. [Dans un propos rapporté au style dir.] Quand je pense que; pensez (donc) que. Et quand je pense que mon père l'a décoré et fait comte et que le lendemain ce vilain n'a pas eu honte de porter la main sur lui (JARRY, Ubu, 1895, II, 5, p.51). Panisse: Oou! Non, non! Je veux dire que comparé à une voilure, c'est si petit un billet de mille francs, monsieur Brun! Plié en quatre, c'est rien du tout! Pensez que pour ce petit bout de papier, je vous fais tout ça! Réellement, c'est un cadeau entre amis (PAGNOL, Fanny, 1932, II, 2, p.114).
b) Penser combien, comme, si
) Synon. de s'imaginer, se représenter, se faire une idée. Un autre jour, qu'on la persécutait pour sortir, Sara, qui craignait que je ne voulusse pas l'accompagner, passa un billet sous ma porte: (...) L'on veut absolument que ta femme sorte, cher bon ami! Je te laisse à penser comme elle va s'amuser! (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p.86):
• 17. On pense si cela leur fit de la peine d'être forcés d'obéir à cet animal; mais comme ils auraient risqué leur tête en lui résistant, ils descendirent tout de suite.
ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t.2, 1870, p.231.
) Souvent en empl. exclam., fam. [Dans un propos rapporté au style dir.]
— Imaginer. Ne le retenez pas trop longtemps, je vous en supplie, Élisabeth! Vous pensez si maman et moi nous sommes impatientes! (MAURIAC, Mal Aimés, 1945, I, 2, p.165):
• 18. Mon fils, ai-je dit avec une inflexion tendre et grave, il ne faut pas t'abandonner ainsi à ces rêves qui préparent à l'amour et ôtent la force de le combattre. Pense combien il se passera de temps avant que tu puisses te permettre d'aimer, de choisir une compagne...
KRÜDENER, Valérie, 1803, p.260.
— [Exprime une dénégation] Voyons, mon petit pote, fais pas l'idiot. Je te dis qu'on nous a prévenus: il va y avoir du baroud un de ces jours. Alors tu penses comme on va te laisser entrer ici sans regarder tes poches (SARTRE, Mains sales, 1948, 3e tabl., 2, p.87).
2. [L'inf. compl. équivaut à une prop. dont le suj. est le même que celui de la prop.princ.]
a) Avoir pour conviction, estimer. Qui de nous ne pense Valoir ceux que le rang, les talents, la naissance, Élevent au-dessus de nous? (FLORIAN, Fables, 1792, p.45). Il pense avoir des droits sur toi (PAGNOL, Fanny, 1932, II, 8, p.153).
b) Avoir le sentiment, l'impression (de). Synon. croire. L'homme se remit à parler, avec cette volubilité des solitaires qui pensent avoir enfin rencontré une oreille bienveillante (DUHAMEL, Confess. min., 1920, p.135):
• 19. La légèreté entraîne ces imaginations trop promptes qui toujours vont au delà des bornes logiques, concluent avant d'avoir raisonné, volent d'une conclusion à l'autre, nient ou affirment sans distinction, et pensent être subtiles parce qu'elles sont superficielles.
OZANAM, Philos. Dante, 1838, p.105.
— En partic. Synon. de s'attendre à, espérer. Je retournai guetter encore, attendre en vain, pensant toujours voir la porte s'ouvrir et surgir enfin la haute silhouette d'Augustin (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p.297). Il eut un choc. Ah, il n'avait pas pensé le revoir! (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.564).
c) Vieilli. [À un temps passé, sert à exprimer qu'un fait a été très près de se produire] Synon. faillir, manquer (de). Je ressemble à un homme, qui, mesurant des yeux l'abyme où il a pensé tomber, est plus effrayé qu'au moment du danger (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p.1654):
• 20. À l'époque, une famille distinguée se devait de compter au moins un enfant délicat. J'étais le bon sujet puisque j'avais pensé mourir à ma naissance.
SARTRE, Mots, 1964, p.71.
— Vx. [L'agent est une chose] Vous êtes deux qui m'engagez à faire encore des pétitions. À votre aise vous en parlez, et vous n'irez pas en prison pour les avoir lues. Mais moi, voyez ce qu'a pensé me coûter la dernière (COURIER, Pamphlets pol., Réponses aux anon., 2, 1822, p.154). Le matin, à peine éveillée, elle [Catherine II] (...) étudiait au saut du lit; elle y prit même une pleurésie qui pensa l'emporter (SAINTE-BEUVE, Nouv. lundis, t.2, 1862, p.182).
d) Synon. de avoir l'intention/en vue de, avoir dans l'idée (de), compter, vouloir (faire qqc.). Si mes défaillances ne sont pas trop fortes et trop nombreuses, je pense avoir fini au jour de l'An (FLAUB., Corresp., 1861, p.441). Il avait pensé se faire aimer et c'était lui qui était tombé amoureux (LARBAUD, F. Marquez, 1911, p.118):
• 21. Un garde-barrière bordelais, dont les gamins pillaient les treilles, voulut en dégoûter ses voleurs, et couvrit les grappes, les aspergea d'une solution de sulfate de cuivre, pensant ainsi les rendre indigestes.
PESQUIDOUX, Livre raison, 1925, p.79.
— Par amphibologie [Pour atténuer une affirm.] Synon. de vouloir, croire. Elle se retira l'air vexé, en disant qu'elle avait pensé faire plaisir à Madame (ZOLA, Nana, 1880, p.1352).
III. —Empl. pronom., pop. ou région. [Sert le plus souvent à introduire un propos rapporté au style dir.] Synon. de penser (supra II A 4), se dire, s'imaginer. Il en a pour son compte, me suis-je pensé, voilà qui est bon ([L'HÉRITIER], Suppl. Mém. Vidocq, t.1, 1830, p.313). Il fallait se tenir à quatre pour ne pas taper dessus [sur les Prussiens] (...) Heureusement que l'enfant marchait près de moi, et chaque fois que la main me démangeait trop, je me pensais en le regardant: «Chaud là, Bélisaire!... Prenons garde qu'il n'arrive pas malheur au moutard» (A. DAUDET, Contes lundi, 1873, p.84). Quand tu es venu me chercher à Peyruis et que tu m'as dit qu'elle avait un petit, je me suis pensé: elle te racontera tout elle-même parce qu'elle est franche (GIONO, Baumugnes, 1929, p.178).
IV. —Empl. trans. indir.
A. —Penser à
1. Appliquer son esprit à un objet abstrait ou concret, présent ou non. Synon. réfléchir, songer (à), se concentrer (sur). Il se consumait à tenter de composer le temps et le moment: tourment de tous les artistes qui pensent profondément à leur art (VALÉRY, Variété III, 1936, p.15). J'ai beaucoup pensé à tes récriminations. Ma conviction est que tu as rêvé (SALACROU, Terre ronde, 1938, II, 1, p.176):
• 22. Pourquoi me laisser dominer par tant de petites choses misérables, pour lesquelles j'éprouve au fond le mépris le plus absolu, quand j'y pense sérieusement?
MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p.128.
— Loc. et expr.
♦Penser à ce qu'on dit. Faire attention à ce qu'on dit, peser ses propos. Mme Bremontier, agréable jeune femme, nous a très bien récité sa petite conférence, avec des hésitations, des fautes, et un air de ne jamais penser à ce qu'elle disait qui mérite toute notre affectueuse indulgence (RENARD, Journal, 1904, p.880).
♦Penser à ce qu'on fait. Le faire en s'appliquant, avec toute son attention. C'était un grand garçon grandissant encore, tout pâle et dégingandé, avec de longs bras et de grandes jambes et qui quelquefois avait l'air de ne pas penser à ce qu'il faisait (VIGNY, Serv. et grand. milit., 1835, p.89).
♦Ne penser à rien. Avoir l'esprit complètement libre. Je rentre tranquillement, sans penser à rien, ne songeant qu'à me garer des chocs et des mouvements brusques (MIOMANDRE, Écrit eau, 1908, p.226). Ne (plus) penser à rien. Ne plus pouvoir se concentrer sur quoi que ce soit. Il semblait complètement repris par le travail de la pêche, par le train monotone des choses réelles et présentes, comme ne pensant plus à rien (LOTI, Pêch. Isl., 1886, p.180). Fam. Ne (jamais) penser à rien. N'avoir aucune idée, aucun projet. Vous m'agacez un peu, votre père et vous. «Vous ne pensez jamais à rien... Vous n'êtes pas bons à grand-chose... Vous ne savez pas...» Vous vous plaisez ainsi? (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p.158).
♦(Faire qqc.) sans y penser. Le faire sans en être conscient, sans s'en rendre compte. Synon. machinalement. D'instinct, sans y penser, il se baisa le pouce, pour conjurer le mauvais sort (MONTHERL., Bestiaires, 1926, p.533). Il avait dit ça sans y penser, il n'avait pas pu faire autrement, il ne savait pas qu'il allait le dire (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.303).
2. a) Se représenter mentalement un être ou une chose, par l'imagination, par la mémoire, le souvenir. Synon. s'imaginer, se rappeler, se souvenir, évoquer. Ici, je vivais en pensant à vous; ici, je regardais cette persienne, j'attendais des heures entières le moment fortuné où je verrais cette main l'ouvrir (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p.427). Qu'est-ce exactement que penser à un être? C'est concentrer son attention sur un certain système d'images cristallisant soit autour d'une image privilégiée, soit autour d'un nom (G. MARCEL, Journal, 1919, p.170). Si je pense à ma jeunesse, je revis les instants émus qui la tenaient parfois en suspens (J. BOUSQUET, Trad. du sil., 1936, p.173). V. agacer ex. 18:
• 23. Ainsi dans la forêt où mon esprit s'exile
Un vieux Souvenir sonne à plein souffle du cor!
Je pense aux matelots oubliés dans une île,
Aux captifs, aux vaincus!... à bien d'autres encor!
BAUDEL., Fl. du Mal, 1860, p.152.
b) En partic.
— [Le compl. d'obj. indir. désigne une pers.]
♦Avoir sans cesse présente à l'esprit l'image de la personne dont on est épris. Je comprends ce que tu veux dire: il y a, que tu penses toujours à lui et que par délicatesse, tu tiens à m'avertir et à me le répéter (PAGNOL, Fanny, 1932, II, 6, p.131).
♦[Notamment dans la correspondance] Avoir une pensée pour quelqu'un, se souvenir de lui. Écrivez-moi, et pensez à votre vieux fidèle qui est bien triste, et qui vous chérit (FLAUB., Corresp., 1872, p.30). [Formule épistolaire pour conclure une lettre] Du courage, mon ami. Je pense bien à toi. Jacques (RIVIÈRE, Corresp. [avec Alain-Fournier], 1907, p.292).
— [Le compl. d'obj. indir. désigne une pers. ou une chose] Faire dans son esprit, la liaison, le rapprochement entre des êtres, des choses, des événements. J'ai cherché quel roman de l'autre siècle cela me rappelait. J'ai pensé à Chateaubriand, à cause du style (ALAIN-FOURNIER, Corresp. [avec Rivière], 1907, p.177).
♦Fréq. tour factitif. Faire penser à. Synon. rappeler, évoquer. Le jour s'était levé tout à fait. Le chant d'un coq me fit penser à la trahison de saint Pierre (BILLY, Introïbo, 1939, p.133). La description du disparu ne vous fait pas penser à quelqu'un? (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.280):
• 24. Qu'on imagine une très grande femme, pâle et d'une invraisemblable maigreur, avec des traits étonnamment heurtés, un nez immense, des yeux profonds et lumineux et un menton de galoche. Elle faisait penser à la fois à Don Quichotte, à Henri IV et à Pierrot.
GYP, Souv. pte fille, 1928, p.82.
3. a) [Le compl. d'obj. indir. désigne une pers.] Se préoccuper, s'inquiéter d'elle, lui témoigner de l'intérêt. Il ne pense jamais aux autres, pas même à ses enfants (MAURIAC, Noeud vip., 1932, p.147). Tu ne pourrais pas t'arrêter, juste pour respirer un peu? Pense à José, qu'est-ce qu'il deviendrait sans toi (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.71):
• 25. ... il est toujours à m'appeler: «Lucie, donne-moi un mouchoir. Lucie donne-moi de la tisane, donne-moi ci, donne-moi ça.» Il pense qu'à lui comme tous les malades...
DABIT, Hôtel Nord, 1929, p.125.
b) [Le compl. d'obj. indir. désigne une chose] Synon. de faire attention (à), se soucier, se préoccuper (de). Lesable n'écoutait pas, n'entendait pas, ne pensant plus qu'à sa santé, à son existence menacée (MAUPASS., Contes et nouv., t.1, Hérit., 1884, p.513). Et le pavillon alors? T'as pensé aux traites? (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.544):
• 26. La hotte sur le dos pendant toute la froide saison il [le vigneron] remontera les terres entraînées jusqu'au pied des pentes par les pluies, et portera le fumier à ses vignes, car il faut déjà penser aux vendanges de l'année prochaine!
MENON, LECOTTÉ, Vill. Fr., 2, 1954, p.84.
— Loc. et expr.
♦Penser à l'avenir, à demain, au lendemain. Être prévoyant. [La petite bourgeoise qui] raisonne sur tout, a peur de tout, calcule tout et pense toujours à l'avenir (BALZAC, C. Birotteau, 1837, p.42).
♦Avoir (bien) autre chose à penser (souvent fam.). Avoir à penser à bien d'autres choses. Qui donc, dans ces temps de malheurs publics, se préoccupe de savoir s'il est profitable aux arts que l'Institut soit ou ne soit pas le maître de l'enseignement et de l'existence des artistes? On a bien autre chose à faire et à penser (VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1872, p.400). Avoir trop de choses à penser. Deux couverts étaient mis dans la salle à manger. Mademoiselle avait envoyé M. Chasle déjeuner chez lui. Quant à elle, Dieu bon! Elle avait «trop de choses à penser» pour pouvoir se mettre à table (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p.1274).
♦Ne penser qu'à ça (fam.). Ne penser qu'à l'amour. Le Bois, le soir. Des fiacres de gens qui ne pensent qu'à ça (RENARD, Journal, 1902, p.769).
c) [Avec compl. inf.] Synon. de avoir pour (unique) souci (de), s'occuper, prévoir (de). Tu es un gros égoïste, un homme qui ne pense qu'à boire et à manger (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p.6):
• 27. De l'autre côté de ces murs, il y a des types qui pensent nuit et jour à me descendre; et comme, moi, je ne pense pas tout le temps à me garder, ils finiront sûrement par m'avoir.
SARTRE, Mains sales, 1948, 4e tabl., 3, p.139.
— [Le suj. désigne une doctrine écon.] Le protectionnisme cherche à accroître le nombre des emplois, tandis que le libéralisme pense surtout à élever le niveau d'existence (Hist. sc., 1957, p.1604).
4. Avoir, mettre, se mettre dans l'esprit.
a) ) Avoir présent à l'esprit (une idée, une image, un sentiment, un projet). Teissier, tout en ramassant ses papiers: Ignorance, incapacité, emportement, voilà les femmes! À quoi pense celle-là, je me le demande! (BECQUE, Corbeaux, 1882, II, 3, p.111). Il rangea ses papiers et décampa, marcha au hasard. Oui, il n'avait pas pensé à cela, qu'elle attendait quelqu'un. C'était pourtant simple, mais il n'y avait pas pensé (MONTHERL., Célibataires, 1934, p.850):
• 28. Le philosophe, le physicien, le mécanicien, l'astronome, le biologiste et l'homme de la rue, en parlant du temps, ne pensent sans doute pas à la même chose.
DECAUX, Mesure temps, 1959, p.5.
— Loc. et expr.
♦(Sans) penser à mal. (Sans) avoir de mauvaises intentions. Cette fille farouche et pure qui, sans penser à mal, offrait de l'argent à un homme (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.169).
♦Penser à autre chose. Ne pas suivre une conversation; être distrait. Synon. être ailleurs. Oui, dit la jeune fille, l'oeil fixe, pensant à autre chose (DURANTY, Malh. H. Gérard, 1860, p.316).
♦C'est comme l'oeuf de Colomb, il fallait y penser. V. oeuf I C 4.
♦[Dans un propos rapporté au style dir.]
Empl. exclam., fam. [Exprime une vive dénégation face à un projet, une idée que l'on juge absurde, irréalisable] Tu n'y penses pas! Vous n'y pensez pas! Synon. vous êtes fou! vous n'êtes pas sérieux! Dêmo! Mais tu n'y penses pas, mon ami, c'et une fille des rues. On l'a pour une datte (LOUYS, Aphrodite, 1896, p.129). Maman, vous n'y pensez pas!... On ne peut pas la confier à un gamin comme Archambault! (GYP, Souv. pte fille, 1928, p.241).
N'y pensez plus. Oubliez cela. Elle m'aimait, celle-là! J'ai eu tort de ne pas saisir ce bonheur... Bah! N'y pensons plus! (FLAUB., Éduc. sent., t.2, 1869, p.274).
À quoi penses-tu? À quoi pensez-vous? [S'adresse gén. à une pers. qui a l'air pensive, soucieuse, préoccupée]. À quoi penses-tu, Gilbert? Le cafard? —Non, souvenirs... (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p.113).
) En partic.
— [S'agissant gén. de l'organ. pratique de qqc.] Synon. prévoir.
♦Penser à tout. Ne rien laisser au hasard. Ne lui donne jamais de mou [à un vautour], parce que cet aliment, faisant éponge sur l'estomac, le ferait éclater sans le nourrir. Achète-lui du foie, de la rate et du déchet de côtelettes... Tu vois que je pense à tout (MIOMANDRE, Écrit sur eau, 1908, p.242).
— Penser à qqn (pour un poste). Considérer qu'une personne correspond au profil d'un emploi; lui réserver cet emploi. J'avais pensé à Olivier pour la direction d'une revue (GIDE, Faux-monn., 1925, p.1194).
— Penser à une carrière. Envisager une carrière, un métier déterminé(e). [Ta mère] n'est pas riche, elle ne t'offrira pas le luxe de deux ou trois années d'études supplémentaires (...). Tu n'as jamais pensé à l'administration? (NIZAN, Conspir., 1938, p.236).
) [Avec compl. inf.] Ces êtres qu'on connaît si bien, ces êtres familiers et lointains, insaisissables, qui ont subitement un grain de peau, une plantation de cheveux, des ongles, une forme d'oreille, tous ces détails qu'on ne pense pas à imaginer (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.61). Je compris que jamais elle ne penserait à me questionner, à me délivrer parce que l'idée ne l'effleurerait pas et qu'elle estimait que cela ne se faisait pas (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p.88).
b) Garder en mémoire. Synon. se rappeler. Le matin, par exemple, elle rappelle à son mari qu'il doit rapporter à midi un litre de pétrole et un litre d'huile. Isabelle est priée de penser au sucre, au café (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p.61).
— [Dans un propos rapporté au style dir.]
♦[En incise; sert à présenter une remarque, une réflexion sans rapport apparent avec le sujet de la conversation; sert à rappeler qqc. à qqn] Pendant que j'y pense... Ah/mais/tiens j'y pense... Dis-moi pendant que j'y pense, me dit Robert, mon oncle Charlus a quelque chose à te dire. Je lui ai promis que je t'enverrais chez lui demain soir (PROUST, Guermantes 2, 1921, p.412). Il est parti depuis une heure et ne tardera pas à rentrer. Attendez-le... Mais, j'y pense... et votre examen? (GIDE, Faux-monn., 1925, p.1213).
♦Tour factitif. Faire penser qqn à qqc. ou à faire qqc. Ne te tourmente pas. Il sera toujours temps de réparer ça. Fais-m'y penser cet hiver (ROMAINS, op.cit., p.287). —Vous n'avez pas faim? —Si. Maintenant que vous m'y faites penser, j'ai grand faim, dis-je (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.306).
— [Avec compl. inf.] Penser à demander à Riesener mon étude d'arbres sur papier (DELACROIX, Journal, 1854, p.207).
B. — Penser de + inf. Synon. de avoir l'idée (v. ce mot I A 3 b), envisager (de). Lorsque je vis que mon mari faisait son préparatif pour s'en aller, il me fut impossible de penser seulement de vivre sans lui (NERVAL, Filles feu, Angélique, 1854, p.554). Son esprit comme son oreille sont devenus sensibles à des impressions que l'auteur n'avait jamais pensé de produire (VALÉRY, Variété [I], 1924, p.96). Vers neuf heures et demie, par gentillesse, je pense de lui téléphoner pour lui dire un petit bonjour (BOURDET, Sexe faible, 1931, III, p.417).
REM. 1. Pensailler, verbe intrans., hapax, péj. Réfléchir sans efficacité. V. mangeailler ex. de Balzac, rem. s.v. mangeaille. 2. Pensoir, subst. masc., fam., le plus souvent p.iron. Lieu, pièce où l'on se retire pour penser, pour réfléchir. Les autres [parmi les Français moyens] (...) affectent une épouvante horrifiée devant les spectres maçonniques, dont ils projettent la silhouette sur les murs de leur pensoir (L'OEuvre, 18 févr. 1941). Il ne reçut point de pension. Il s'évertua une dernière fois, à sa manière, sans bouger de sa retraite et de son pensoir (GUÉHENNO, Jean-Jacques, 1948, p.121).
Prononc. et Orth.:[], (il) pense []. Homon. panser, (la) panse. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist.1. a) Fin Xes. «réfléchir, concentrer son esprit sur quelque chose» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 55); b) fin Xes. «estimer, imaginer» (ibid., 339); c) ca 1220 penser qqc. «avoir dans l'esprit (quelque chose)» (Barlaam et Josaphat, éd. C. Appel, 5623); d) 1534 penser come enfant (J. LEFÈVRE D'ETAPLES, trad. Bible, I Cor. 13, 11); 2. fin XIes. soi penser qqc. «songer à» (Roland, éd. J. Bédier, 355); 3. a) déb. XIIes. pensez de (+ verbe) «périphrase équivalent à l'impératif de l'infinitif substantivé» (BENEDEIT, St Brendan, éd. E. G. R. Waters, 398); b) ca 1160 penser d'aucun «évoquer mentalement quelqu'un, se le représenter par la mémoire ou l'imagination» (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 1223); ca 1165 penser à aucun «attacher sa pensée à quelqu'un qu'on aime» (Troie, 17621 ds T.-L.); c) 1160-74 penser de (+ inf.) «se mettre à, tâcher de» (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 10814); ca 1165 penser de (+ inf.) «id.» (Troie, 10078 ds T.-L.); d) ca 1200 penser à «songer à, se souvenir de, réfléchir à» (Poème moral, 161a, ibid.); ca 1274 penser à (qqc.) «avoir dans l'esprit» (ADENET LE ROI, Berte, éd. A. Henry, 2723); 1306 penser à «ne pas oublier» (JOINVILLE, éd. N. L. Corbett, § 419); e) 1306 penser à faire qqc. «avoir l'intention de» (ibid., § 612); f) 1636 penser à «pourvoir à» (MONET); 1762 penser à tout pour qqn (ROUSSEAU, Émile, II ds OEuvres, éd. B. Gagnebin et M. Raymond, t.4, p.360); 4. a) 1155 penser que «être d'avis que» (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 263); b) ca 1160 penser «être absorbé par un souci, par des pensées accablantes» (Éneas, éd. citée, 2221); c) ca 1160 penser «concevoir un projet» (ibid., 1692); d) ca 1165 penser (+ inf.) «croire» (Troie, 29997 ds T.-L.); e) ca 1170 mal penser d'aucun «avoir mauvaise opinion de, concevoir un soupçon» (BEROUL, Tristan, éd. E. Muret4, 110); 1863 penser du bien de qqn (FROMENTIN, loc. cit.); f) ca 1200 penser (+ inf.) «avoir l'intention de» (Hist. Joseph, 299 ds T.-L.); g) 1377 n'en penser pas mains (GACE DE LA BUIGNE, Roman des deduis, éd. Å. Blomqvist, 144); h) ca 1393 penser à mal «avoir une mauvaise intention» (Ménagier, éd. G. E. Brereton et J. M. Ferrier, I, VI, p.78); XVes. penser mal «songer à faire du mal» (Isopet III de Paris, éd. J. Bastin, t.2, p.401); i) 1798 penser tout haut (Ac., s.v. haut); j) 1823 bien penser «avoir en politique des opinions conformes aux principes convenus» (COURIER, loc. cit.); k) 1935 pensez-vous? «expression ironique et familière pour dire qu'on ne croit pas que les paroles de l'interlocuteur soient à prendre au sérieux» (Ac.). Forme sav. issue du lat. pensare «peser, apprécier, évaluer» et, prob., à basse époque, «penser», fréquent. de pendere «peser, réfléchir». V. aussi panser et peser. Pour l'évolution de la concurrence entre les verbes exprimant l'idée de penser, v. en partic. A. GREIVE, Rêver, songer, penser im Französischen Synchronie, Diachronie und Geistesgeschichte ds Rom. Forsch. t.85, pp.486-500. Fréq. abs. littér. Penser, v. penser2. Pensé: 4464. Fréq. rel. littér. Penser, v. penser2. Pensé: XIXes.: a) 5342, b) 4501; XXes.: a) 5555, b) 8674.
DÉR. Pensement, subst. masc., vx. Action de penser de quelque chose; résultat de cette action. Mais jusqu'à ces temps derniers, ce pensement avait été son plaisir et sa consolation (SAND, Fr. le Champi, 1848, p.232). Le pauvre homme suivit les archers en gros pensement et souci, car sa femme était sur l'heure d'accoucher (THARAUD, Chron. frères enn., 1929, p.22). — []. — 1re attest. 1188 (Florimont, 8397, 8450, etc. ds T.-L.); de penser1, suff. -ment1.
BBG. —BERLIN (M.I.). Rech. sur l'évolution de la concurrence entre les verbes exprimant l'idée de penser: du 11e au 16es. In: Mém. de l'Inst. Herzen .Leningrad. 1958, t.127, pp.5-98. —BRADEMANN (K.). Die Bezeichnung für den Begriff des «Erinnerns» im Alt.- und Mittelfrz. Tübingen, 1979, pp.293-296. —DARM. Vie 1932, p.53, 66, 110. —GOHIN 1903, p.236 (s.v. pensé). —IEREMIA (E.). Essai d'analyse sémique. B. de la Société roum. de ling. rom. 1974, t.10, pp.23-35. —IOPPICH-HAGEMANN (U.). Frz. songer und soigner, soin, besoin. Rom. Forsch. 1978, t.90, pp.35-36, 44-45. —LAVIS (G.). La Concurrence entre penser, cuidier, croire chez Chrétien de Troyes. In: [Mél. Delbouille (M.)]. Marche rom. 1973, n° spéc., pp.147-168; Rem. sur les valeurs syntactico-sém. des verbes anc. fr. penser, cuidier, croire suivis d'un inf. ou d'un subst. obj. dir. CONGRÈS INTERNAT. DE LING. ET PHILOL. ROM. 14. 1974. Naples, 1977, t.4, pp.467-487. —MIHAILESCU-URECHIA (V.), URECHIA (A.). Phénomènes inconnus de la lang. Orbis. 1971, t.20, p.11, 14, 15. —MORRISSEY (R.). Vers un topos littér. Mod. Philol. 1980, t.77, pp.261-290. —Penser, classer. Le Genre hum. 1981, n° 2, 128 p. —QUEM. DDL t.4, 17, 20. —SHIRT (D.I.). Les Verba cogitandi ds les constr. interr. en anc. fr. R. Ling. rom. 1975, t.39, pp.351-380. —SCKOMMODAU (H.). Das Frühe neufrz. Wort- und Begriffsfeld des Denkens. Z. fr. Spr. Lit. 1978, t.88, pp.313-325. —SUTHERLAND (D.R.). The Love mediation in courtly lit.In: [Mél. Ewert (A.)]. Oxford, 1961, pp.186-192.
II.
⇒PENSER2, subst. masc.
A. —Au sing.
1. a) Faculté de penser. Synon. pensée1 (v. ce mot I B). Au delà du penser, du sentir et de l'agir il y a l'être qui pense, qui sent et qui veut; et c'est jusqu'à lui qu'il faut remonter pour comprendre ses multiples réactions, intellectuelles ou sensibles (LACROIX, Marxisme, existent., personn., 1949, p.103):
• 1. Quelle image du monde M. France a-t-il donc tirée de la curiosité qui le poussa vers toutes les formes du penser humain, et d'où vient qu'il se sente si mal parmi les hommes?
MASSIS, Jugements, 1923, p.154.
b) Synon. vieilli ou région. de esprit, imagination, mémoire. Votre génie est grand, Ami; votre penser Monte, comme Élisée, au char vivant d'Élie (SAINTE-BEUVE, Consol., 1830, p.294). Allons! se dit-il (...) Madeleine Blanchet est là dans ton penser pour te dire: Garde-toi d'être oublieux, et songe à ce que j'ai fait pour toi (SAND, Fr. le Champi, 1848, p.117).
2. Action de penser à quelque chose; résultat de cette action. Synon. idée, pensée. Le temps m'appelle: il faut finir ces vers À ce penser défaillit mon courage (CHATEAUBR., Mél. et poés., Adieux, 1828, p.323):
• 2. Au seul penser d'affronter en chaire un public aussi raffiné que le nôtre, il a paru si malheureux que je n'ose le contraindre, et continue de mettre à la torture ma pauvre gorge.
BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p.120.
B. —Au sing. et au plur.
1. [Le plus souvent avec déterminatif de qualité] Manière de penser propre à une personne ou à un groupe de personnes. Le Dante reçut de la nature une manière de penser profonde; Pétrarque un penser agréable; Bojaldo et l'Arioste une tête à imagination; le Tasse un penser plein de noblesse (STENDHAL, Haydn, Mozart et Métastase, 1817, p.296). Ce penser silencieux qui refroidit l'homme et surcharge sa faiblesse (SENANCOUR, Obermann, t.2, 1840, p.217). Notre pays, comme obnubilé par les pensers anatomiques, a trop longtemps méconnu cette orientation nouvelle qui prenait essor en Amérique, en Allemagne, en Russie (Ce que la Fr. a apporté à la méd., 1946, p.159).
2. Lang. littér. et poét. Représentation mentale. Synon. idée, pensée1 (v. ce mot III B). Sur des pensers nouveaux faisons des vers antiques (CHÉNIER, Invention, 1794, p.18). Un penser d'amour et de haine Pourtant vous hante et vous fatigue (VERLAINE, OEuvres compl., t.3, Dédic., 1890, p.174). [Les arbres du bois de la Cambre] portaient aux vastes pensers (L. DAUDET, Rech. beau, 1932, p.66):
• 3. ... les syllabes qui se liaient sur les murs de cet atelier, cherchant un sens, s'attachaient à toutes les bribes de langues anciennes ou modernes qui me restaient de mes études, pour brûler en pensers bizarres.
BUTOR, Passage Milan, 1954, p.115.
— Loc., au plur. (Être) tout entier à ses pensers. V. pensée1 III B 2 a. Il s'asseyait contre un arbre, les coudes sur les genoux et le front dans les mains, tout entier à ses pensers, à ses souvenirs (SAINTE-BEUVE, Vie et pens. J. Delorme, 1829, p.7).
Prononc. et Orth.:[]. Homon. panser. Att. ds Ac. dep.1694. Étymol. et Hist. 1re moit. XIIes. «pensée» (Lapidaires anglo-norm., éd. P. Studer et J. Evans, I, 346, p.41). Empl. subst. de penser1.
STAT. —Penser1 et 2. Fréq. abs. littér.:43390 (pensers: 141). Fréq. rel. littér.:XIXes.: a) 46021, b) 50369; XXes.: a) 58014, b) 83397. Bbg. DARM. Vie 1932, p.194.
1. penser [pɑ̃se] v. intr. et tr.
ÉTYM. V. 980, intr.; bas lat. pensare, fréquentatif du lat. pendere « peser », au fig. « réfléchir ». → Peser; et aussi panser.
❖
———
I V. intr.
1 (980). Philos. et cour. Appliquer l'activité de son esprit aux éléments fournis par la connaissance (pour les élaborer, les organiser, leur donner un sens); former, combiner des idées et des jugements. || L'entendement et la raison par lesquels l'homme pense. ⇒ Pensée. — REM. Penser s'applique aux activités supérieures qui réalisent « un degré de synthèse plus élevé que la perception, la mémoire ou l'imagination » (Lalande). ⇒ Juger, raisonner, réfléchir, spéculer. — La faculté de penser (→ Homme, cit. 82). || Le pouvoir de sentir, de penser (→ Âme, cit. 15). || La machine (cit. 31) à penser : l'esprit. || « Penser, c'est juger » (Kant). || « Penser, c'est oser » (cit. 15, Alain). || « Depuis plus de 7 000 ans qu'il y a des hommes et qui pensent » (→ Dire, cit. 112). || Les hommes qui pensent (→ Gouverner, cit. 21), qui exercent plus que d'autres leur réflexion, leur sens critique. ⇒ Pensant. || On parle à Paris et on ne pense guère (→ Futilité, cit. 3). || « Les compilateurs ne pensent point, ils disent ce que les auteurs (cit. 36) ont pensé ». || La plupart des hommes ne pensent qu'autant (cit. 19) qu'ils parlent. || Penser est un art (cit. 42) qu'on apprend, qu'on acquiert (→ Intellect, cit. 2). || « Avant donc que d'écrire apprenez (cit. 20) à penser » (Boileau). || Un maître à penser. || L'habitude (cit. 39) de penser en donne la facilité. || Penser fut toujours pour moi une occupation pénible (Rousseau, → Délasser, cit. 3). || Avoir beaucoup pensé (→ Écrire, cit. 37). || Plus on écrit (cit. 42) moins on pense.
1 L'homme ne commence pas aisément à penser, mais sitôt qu'il commence, il ne cesse plus. Quiconque a pensé pensera toujours, et l'entendement une fois exercé à la réflexion ne peut plus rester en repos.
Rousseau, Émile, IV.
2 « Quand je ne parle pas, je ne pense pas », disait-il très naïvement, et c'était vrai. La parole ne jaillissait pas chez lui par la force de la pensée, elle la devançait au contraire, l'éveillait à son bruit tout machinal.
Alphonse Daudet, Numa Roumestan, II.
3 Par cela seul qu'il pensait, il était un être étrange, inquiétant, suspect à tous. Il troublait même le libraire Paillot.
France, l'Anneau d'améthyste, VI, Œ., t. XII, p. 98.
4 (…) penser c'est gouverner ses pensées, d'après le double modèle de l'univers résistant et du commun sens.
Alain, Propos, 2 juil. 1921, Fous.
5 J'ai toujours admiré que l'idée qui survient, fût-elle la plus abstraite du monde, vous donne des ailes, et vous mène n'importe où. On s'arrête, puis on repart, voilà ce qui est penser !
Valéry, Eupalinos, p. 84.
6 Penser, ce n'est pas unifier, rendre familière l'apparence sous le visage d'un grand principe. Penser, c'est réapprendre à voir, diriger sa conscience, faire de chaque image un lieu privilégié.
Camus, le Mythe de Sisyphe, p. 63.
♦ Une chose qui donne, qui laisse à penser, qui fait réfléchir (→ Doucement, cit. 7).
7 (…) je vais exposer, en littérature comme en philosophie, des opinions étrangères à celles qui règnent en France; mais soit qu'elles paraissent justes ou non, soit qu'on les adopte ou qu'on les combatte, elles donnent toujours à penser.
Mme de Staël, De l'Allemagne, Observations générales.
♦ Penser sur… : prendre pour sujet de réflexion. ⇒ Méditer, réfléchir; cogitation.
8 Il y a sans doute des gens très savants et très favorisés qui se proposent de penser sur un sujet et qui tiennent leur propos; il y a des gens capables de diriger leur esprit comme un navire sur une mer semée de brisants, des gens qui pensent réellement, c'est-à-dire qui pensent ce qu'ils veulent. Heureuses gens !
G. Duhamel, Salavin, I, X.
♦ Manière de penser (d'exercer la faculté de penser). || L'enfance (cit. 9) a des manières de penser qui lui sont propres. || La façon de penser du peuple (→ Dialectique, cit. 3); des sociétés primitives (⇒ Mentalité). || « Travaillons donc à bien (1. Bien, cit. 40) penser… » (Pascal). || Penser profondément (⇒ Méditer, recueillir [se], ruminer). || Penser juste (→ Habitude, cit. 18), fortement (cit. 3).
9 L'homme est visiblement fait pour penser; c'est toute sa dignité; et tout son mérite et tout son devoir est de penser comme il faut. Or l'ordre de la pensée est de commencer par soi, et par son auteur et sa fin.
Pascal, Pensées, II, 146.
10 Deux écrivains dans leurs ouvrages ont blâmé Montagne (sic)… L'un ne pensait pas assez pour goûter un auteur qui pense beaucoup; l'autre pense trop subtilement pour s'accommoder de pensées qui sont naturelles.
La Bruyère, les Caractères, I, 44.
11 Enfin je tâche de bien penser pour bien écrire. Mais c'est bien écrire qui est mon but, je ne le cache pas.
Flaubert, Correspondance, 1564, Déc. 1875.
12 (…) il pense faux, même quand il dit des choses qui paraissent justes.
Martin du Gard, les Thibault, t. V, p. 22.
♦ ☑ Façon de penser : manière de voir. ⇒ Pensée (→ ci-dessous v. tr., III., A., 1.). || Je leur montrerai ma façon de penser (→ Aviser, cit. 38). ⇒ Voir. || Emprunter (cit. 17) ses façons de penser. || Penser par idées toutes faites (cit. 270), par lieux communs, par clichés. || Penser par soi-même : avoir des idées personnelles. || Penser sagement (→ Absurde, cit. 4), hardiment (→ Épuiser, cit. 20). || Bien penser : penser selon l'ordre établi. ⇒ Pensant (3.). || « J'appelle bourgeois (cit. 12) quiconque pense bassement » (Flaubert). || Penser comme qqn, autrement que qqn (→ Désolidariser, cit. 1; mortifier, cit. 4). || Je pense comme vous. || Ils appelaient traîtres, ceux qui ne pensaient pas comme eux (→ Nationaliste, cit. 2). || Je pense bien différemment (→ Inanimé, cit. 4). || Liberté (cit. 29) de penser, d'affirmer, d'exprimer ses opinions. — Mal penser de qqn : en penser (tr.) du mal. || Penser favorablement (cit. 1 et 3) de qqn (vieilli). — Je pense comme vous sur ce point, sur ce sujet (→ Futilité, cit. 1).
13 Ces chers enfants pensent-ils bien ? — J'en suis très satisfait, répondit le magister. Le tout est d'être nourri dans les principes. Il faut bien penser avant que de penser. Car ensuite il est trop tard (…)
France, l'Île des pingouins, V, I.
14 Au rez-de-chaussée, c'étaient les libraires Trébuc, famille effacée où l'on pensait peu, mais bien; jusqu'à ne vouloir pas faire venir Salammbô, parce qu'il est à l'index (…)
P.-J. Toulet, la Jeune Fille verte, VII.
15 (…) vous avez cédé à l'orgueil, à l'esprit de contradiction, à la vanité de penser librement, à la tentation de vous insurger contre un ordre établi (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 303.
2 Faire agir les formes conscientes de la vie intérieure (perceptions, sentiments, idées, volitions…), exercer son esprit. || Je pense, donc je suis, ou Cogito, ergo sum (Descartes). ⇒ 1. Être (cit. 3). || « … une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser ». ⇒ Âme (cit. 41, Descartes). || « Je pense, donc (cit. 3) Dieu existe » (La Bruyère). || Content d'être et de penser (→ Montagne, cit. 6). ☑ Penser tout haut (cit. 107 et 108) : dire ce qu'on a en tête; parler lorsqu'on est seul. || Penser dans une langue, avec les éléments, les structures d'une langue particulière. || En quelle langue pensez-vous ? (→ Maternel, cit. 7). || Penser en langue (cit. 31) irlandaise. — Par ext. Avoir un esprit. ⇒ Pensant (adjectif).
16 Qu'est-ce qu'une chose qui pense; C'est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent.
Descartes, Méditations, IIe.
17 (…) pour moi, je n'ai besoin, quoi qu'en dise Locke, de connaître la matière que comme étendue et divisible, pour être assuré qu'elle ne peut penser; et quand un philosophe viendra me dire que les arbres sentent et que les roches pensent, il aura beau m'embarrasser dans ses arguments subtils, je ne puis voir en lui qu'un sophiste de mauvaise foi, qui aime mieux donner le sentiment aux pierres que d'accorder une âme à l'homme.
Rousseau, Émile, IV.
———
II (1250). || Penser à : appliquer son esprit à (un objet concret ou abstrait, actuel ou non). ⇒ Songer (à).
1 Appliquer sa réflexion, son attention à. ⇒ Réfléchir. || Penser à la mort. || Penser à l'avenir avec joie (→ Espérance, cit. 33). ⇒ Envisager. || J'ai bien pensé à votre proposition. ⇒ Examiner; délibérer (→ Négatif, cit. 5). || Je vais y penser, j'y penserai (⇒ Voir). || Pensez-y mûrement (cit. 1). || Penser vaguement à… ⇒ Rêver. || À quoi pensez-vous ? (→ Formuler, cit. 10; mais, cit. 11). || Je préfère ne pas y penser. ☑ N'y pensons plus : oublions cela. || Sans penser à rien; ne plus penser à rien (→ Fatiguer, cit. 18; feuilleter, cit. 2; 1. foin, cit. 4). ☑ Faire une chose sans y penser, machinalement (⇒ Automatique). || Elle avait franchi le seuil sans y penser (→ Nimber, cit. 3). || Pensez à ce que vous dites : pesez vos paroles avant de parler.
18 Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, ils se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point penser.
Pascal, Pensées, II, 168.
19 À quoi me résoudrai-je ? Il est temps que j'y pense.
La Fontaine, Fables, III, 1.
20 Parler en public. Il n'est pas nécessaire de penser ce qu'on dit mais il faut penser à ce qu'on dit : c'est plus difficile.
J. Renard, Journal, 22 nov. 1906.
21 Vous savez, docteur, dit-il, j'ai beaucoup pensé à votre organisation. Si je ne suis pas avec vous, c'est que j'ai mes raisons.
Camus, la Peste, p. 179.
2 Évoquer par la mémoire ou l'imagination. ⇒ Évoquer, imaginer, rappeler, souvenir (se). || On peut penser à une chose sans pouvoir l'imaginer (→ Intellection, cit. 1). || Penser à un objet concret (→ Dérouler, cit. 2; métropolitain, cit. 3; nom, cit. 30), à une ville (→ Image, cit. 63). || Je pleure chaque fois en y pensant (→ Douloureux, cit. 10). — Penser à qqn, à un absent (→ Affleurer, cit. 2; auprès, cit. 11; cruellement, cit. 2; déplacement, cit. 2; faire, cit. 48; force, cit. 84). || Tu as pensé à moi quelquefois ? (→ Maintenir, cit. 11). || J'ai beaucoup pensé à elle. || Vouloir oublier (cit. 6) qqn, c'est y penser. || Pensez à moi, ne m'oubliez pas.
22 Je voudrais vous donner un gage de mon amitié. Je penserai souvent à vous, qui m'avez paru bon et noble, jeune et candide au milieu de ce monde où ces qualités sont si rares. Je souhaite que vous songiez quelquefois à moi.
Balzac, le Père Goriot, Pl., t. II, p. 1060.
23 Elle pensa au loup; de tout le jour la folle n'y avait pas pensé (…)
Alphonse Daudet, Lettres de mon moulin, « La chèvre de M. Seguin ».
24 (je) m'efforçais de ne plus penser à Marthe, et, par cela même, ne pensais qu'à elle.
R. Radiguet, le Diable au corps, p. 39.
25 Elle admirait cette poitrine nue, bien carénée, elle pensait à un beau navire.
Saint-Exupéry, Vol de nuit, X.
25.1 Qu'est-ce que ça veut dire, « penser à quelqu'un » ? Ça veut dire : l'oublier (sans oubli, pas de vie possible) et se réveiller souvent de cet oubli. Beaucoup de choses, par association, te ramènent dans mon discours. « Penser à toi » ne veut rien dire d'autre que cette métonymie. Car, en soi, cette pensée est vide : je ne te pense pas; simplement, je te fais revenir (à proportion même que je t'oublie). C'est cette forme (ce rythme) que j'appelle « pensée » : je n'ai rien à te dire, sinon que ce rien, c'est à toi que je le dis (…)
R. Barthes, Fragments d'un discours amoureux, p. 187.
♦ Faire penser à…, se dit d'une personne ou d'une chose qui évoque, qui en rappelle une autre par ressemblance. || Le corps nous fait penser à une mécanique (→ Attitude, cit. 8). || Son cou maigre et son nez busqué font penser à un vautour (→ Bréchet, cit. 1). || Sa voix musicale (cit. 3) faisait penser à la plainte d'une fée.
26 Au sommet de la colline, à droite, au-dessus d'un fourmillement de pins, se hérissait un ensemble de murs blancs, vaguement oriental, faisant penser à une pièce de pâtisserie.
Edmond Jaloux, les Visiteurs, I.
3 Ne pas oublier, faire très attention à, s'intéresser à… ⇒ Occuper (s'occuper de), préoccuper (se préoccuper de). — (Compl. n. de personne, pronom). || Une occupation (cit. 2) qui détourne de penser à soi. || Ne penser qu'à soi : être égoïste. || Penser aux autres au lieu de penser à soi-même (→ Épargne, cit. 9). || Elles ne pensent qu'à leur fidélité (cit. 6) et jamais à leur mari. || Avez-vous pensé à moi ? (→ Maître, cit. 99). || Si l'on a besoin d'un gouvernement (cit. 5) pensez à moi je vous prie.
♦ (Compl. n. de chose). || Pensons à l'avenir : soyons prévoyants. || Penser au bonheur des autres (→ 1. Or, cit. 23). || Le directeur ne pense qu'à la recette (→ Mousser, cit. 5). — Fam. || J'ai bien autre chose à penser ! : j'ai des préoccupations plus importantes. — Des garçons (cit. 17) qui ne pensent qu'au mariage. || Ils nous reprochent de ne penser qu'à cela (→ Homme, cit. 128). — Avec l'inf. || Il pensait à faire une fin (cit. 13). || Elle ne pense qu'à s'amuser.
27 Les hommes ne veulent pas que l'on découvre les vues qu'ils ont sur leur fortune, ni que l'on pénètre qu'ils pensent à une telle dignité (…)
La Bruyère, les Caractères, VIII, 44.
28 J'aurais le temps de réfléchir plus tard : je ne pensais à rien qu'à trouver mieux.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, II, XVIII.
29 Nous sommes des travailleurs de l'esprit; mieux encore, nous sommes des esprits, et cependant, il nous faut penser sans cesse à notre subsistance matérielle, à notre nourriture, comme des animaux.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, V, XIV.
4 (Dans un sens affaibli). Avoir dans l'esprit, en tête. || Quand je dis « malheurs » (cit. 15) je pense plutôt à la détresse morale. — ☑ Loc. Sans penser à mal (3. Mal, cit. 41) : innocemment. — Je ne sais à quoi je pensais (→ Ordurier, cit.). || Il pensait à autre chose (→ Oui, cit. 14).
♦ Avoir présent à l'esprit, garder en mémoire. || N'oubliez pas ceci. — J'y pense, j'y penserai, j'essaierai d'y penser (⇒ Pense-bête). || Pendant que j'y pense. || Mais j'y pense, c'est aujourd'hui qu'il arrive ! ⇒ Aviser (s'), souvenir (se).
30 Pendant que j'y pense, je veux vous faire compliment de votre ami Dechartre.
France, le Lys rouge, V.
31 Pourquoi ne me suis-je pas tué le 29, après la ponction ? N'y ai-je pas pensé (Strictement vrai !).
Martin du Gard, les Thibault, t. IX, p. 257.
♦ Considérer (qqch.) en prévision d'une action; avoir l'idée de… (à des fins pratiques). || J'ai pensé à tout : j'ai tout prévu. ⇒ Prévoir (→ Paisible, cit. 9). || Je n'avais pas pensé à cela. ⇒ Attention (faire attention à), garde (prendre garde à). || On ne saurait penser à tout, titre d'un Proverbe d'A. de Musset. || C'est comme l'œuf (cit. 9) de Colomb, il fallait y penser.
♦ (Avec l'inf.). || Il pensa à manger (→ Lier, cit. 10). ⇒ Venir (l'idée lui vint de…). || Jamais ils ne pensent à m'embrasser (→ Appétissant, cit. 2). — Pensez à fermer les fenêtres en partant. || Avez-vous pensé à essuyer les bougies du moteur ? (→ Injection, cit. 3).
♦ Faire penser (qqn) à… : mettre en tête. || Faire penser à qqch. par une allusion. || Faire penser qqn à ce qu'il peut oublier. ⇒ Rappeler. || Faites-moi penser à ma lettre, à poster ma lettre. || C'est lui qui m'y a fait penser.
———
III V. tr. (XIIe).
A Avoir pour idée, pour pensée.
1 Avoir pour opinion, pour conviction (l'objet étant presque toujours un pronom neutre). ⇒ Estimer (→ ci-dessus, I., 1. : façon de penser). || Pour moi, voici ce que je pense (→ Absence, cit. 5). || On ne sait que penser (→ Démentir, cit. 11). || Dire ce qu'on pense : donner son opinion. || Elle dit toujours ce qu'elle pense : elle est franche, directe. || Je ne pus m'empêcher de lui dire tout ce que je pensais (→ Hasard, cit. 37).
32 Penser une chose, en écrire une autre, cela arrive tous les jours, surtout aux gens vertueux.
Th. Gautier, Mlle de Maupin, Préface.
33 Il ne pense rien (…) ça lui évite de penser faux.
Saint-Exupéry, Vol de nuit, IV.
♦ ☑ Loc. Laisser (qqch.) à penser. ⇒ Imaginer, juger. || Je laisse à penser si ce gîte était sûr (→ Blottir, cit. 2). || Cela laisse à penser ce qu'il est capable de faire. — Laisser à penser à qqn (et compl.). || Je vous laisse à penser si…, comment…
34 Sur un tapis de Turquie
Le couvert se trouva mis.
Je laisse à penser la vie
Que firent ces deux amis.
La Fontaine, Fables, I, 9.
♦ Penser (qqch.) de. || Ce qu'on pense des hommes (cit. 47). || Ce que je pense de lui, d'elle (→ Luxe, cit. 13; noix, cit. 8). || Penser du bien, du mal de qqn, de qqch. — ☑ Prov. Honni soit qui mal y pense (⇒ 3. Mal). — Que penser de la magie ? (→ Inconvénient, cit. 5). || Qu'en pensez-vous ? (→ Qu'en dites-vous, que vous en semble, quelle impression cela vous fait-il ?). || Dites-moi ce que vous en pensez. || Que faut-il que j'en pense ? (→ 1. Dire, cit. 50). || Il est difficile d'en penser quoi que ce soit, de juger. || Je ne sais qu'en penser. — ☑ Loc. N'en penser pas moins. || Il ne dit rien mais n'en pense pas moins : il se tait mais il a son opinion; il tait ce qu'il sait. || Si je n'en disais mot je n'en pensais pas moins.
35 — Oui, ma bile s'échauffe à toutes ces fadaises,
Et tout résolument je veux que tu te taises.
— Soit. Mais, ne disant mot, je n'en pense pas moins.
— Pense, si tu le veux; mais applique tes soins
À ne m'en point parler (…)
Molière, Tartuffe, II, 3.
36 De tout ce que je vois que faut-il que je pense ?
Racine, Bajazet, III, 7.
37 Tout homme est stupéfait par ce que les autres pensent de lui.
A. Maurois, Olympio, IV, V.
♦ Penser… sur (un objet abstrait). || Voilà ce que nous pensons sur ce sujet. || Ce qu'ils pensaient là-dessus (→ Haut, cit. 111). — REM. Penser… sur, s'emploie parfois avec un nom de personne pour compl. indirect, dans un sens plus fort que penser… de et en mauvaise part. Je ne peux lui dire tout ce qu'on pense sur lui.
2 (Dans un sens affaibli et moins affirmatif). Avoir l'idée de. ⇒ Admettre, croire, imaginer, présumer, supposer, soupçonner. || Contrairement à ce que j'avais pensé… || Ce n'était pas, comme on le pense bien… (→ Jardin, cit. 3). ⇒ Douter (s'en). || Je ne sais que penser. || Jamais je n'aurais pu penser cela ! — Il n'est pas si désintéressé qu'on le pense. Ellipt. || Il y a bien moins de généraux (cit. 13) qu'on pense. || Il n'est pas si facile qu'on pense de renoncer à la vertu (→ Abandonner, cit. 5). — Qu'est-ce qui vous fait penser cela ? : quelle raison avez-vous de croire cela ? || Tu le penses ?, et, ellipt, Tu penses ?, Vous pensez ? — ☑ Loc. exclam. Tu penses !, oui, en effet, bien sûr (→ Tu parles !). — ☑ Penses-tu !, Pensez-vous ! : mais non, pas du tout. || « Il a dû être content. — Penses-tu !, il était furieux. »
38 Le plus âne des trois n'est pas celui qu'on pense.
La Fontaine, Fables, III, 1.
39 Nos prêtres ne sont point ce qu'un vain peuple pense;
Notre crédulité fait toute leur science.
Voltaire, Œdipe, IV, 1.
40 Vous pensez si j'étais rouge et si j'avais peur !
Alphonse Daudet, Contes du lundi, « Dernière classe ».
41 (…) quoique je lui eusse dit, il m'interrompait par une locution « Vous pensez ! » ou « Pensez ! » qui semblait signifier ou bien que ma remarque était d'une telle évidence que tout le monde l'eût trouvée, ou bien reporter sur lui le mérite comme si c'était lui qui attirait mon attention là-dessus.
Proust, Sodome et Gomorrhe, Pl., t. II, p. 791.
42 Je vais avoir besoin de me suffire à moi-même, bien plus tôt que je ne pensais (…)
Martin du Gard, les Thibault, Pl., t. I, p. 1092.
43 — Ils ne vont pas se battre ici, au moins ?… — Pensez-vous, maman : ils sont pas fous.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 147.
♦ Vx. (Avec un attribut). ⇒ Croire, juger. || Lorsqu'il pensa le ressentiment de l'affaire amorti (→ Hasarder, cit. 19).
44 Je pense mes raisons meilleures que les vôtres.
Molière, les Fâcheux, II, 4.
♦ (En incise). || Il aurait, pensait-il, l'appui de sa famille, mais il n'en fut rien. — (À la première personne, pour légitimer une affirmation). || Ce ne sera pas, je pense, la première fois (→ 1. Dire, cit. 104; accroc, cit. 2; luxe, cit. 10).
3 Penser que : croire, avoir l'idée, la conviction que. || Nous (cit. 9) pensons que la vie est bonne. || Je pense que c'est fort bien ainsi (→ Gros, cit. 34). || J'ai souvent pensé, j'ai toujours pensé que… (→ Associer, cit. 10; mariage, cit. 23).
44.1 Je devrais penser qu'il est bien regrettable qu'ils m'aient tiré de là; mais non : j'accepte ce nouvel entracte, avec une joie lâche (…)
Martin du Gard, les Thibault, Pl., t. II, p. 997.
REM. D'une façon générale, on emploie l'indicatif si le verbe penser est positif, et le subjonctif s'il est à la forme négative ou interrogative. Cependant dans l'interrogation « la subordonnée se met au subjonctif ou à l'indicatif suivant que celui qui fait la question est incertain ou sûr de la réponse » (Nyrop, Grammaire historique de la langue française, V., p. 318). Le subjonctif s'emploie concurremment avec l'indicatif lorsque penser est précédé de si (ex. : Si vous pensez que ce soit possible, que c'est possible). Jusqu'à l'époque classique, le subjonctif d'éventualité était fréquent : || « Ces messieurs pensaient que ce fût un petit rien » (Mme de Sévigné).
♦ Avoir lieu (→ Grognard, cit. 1), avoir des raisons de penser que… (→ Détresse, cit. 10; nombre, cit. 11). || Il est permis, il n'est pas interdit de penser que… (→ Incestueux, cit. 4). || De là à penser que… (→ Manitou, cit. 2). || Qui donc oserait penser que… (→ Abuser, cit. 15). || Tu te trompes si tu penses que l'on t'en estime davantage (→ Attirail, cit. 4). || Je ne pense pas qu'il faille pousser les choses au noir (cit. 47). || Il ne pensait pas qu'il fût si dur de refuser (→ Âpre, cit. 15). || Que penses-tu qu'il fasse ? (cit. 60) il doit hésiter. — (Exclamatif). || Tu penses que j'y ai regardé ! (→ Inutile, cit. 7). || Vous pensez bien que je n'aurais jamais accepté !
45 Je pensais qu'à l'amour son cœur toujours fermé
Fût contre tout mon sexe également armé.
Racine, Phèdre, IV, 4.
46 Pensez-vous qu'Hermione, à Sparte inexorable,
Vous prépare en Épire un sort plus favorable.
Racine, Andromaque, I, 1.
47 Mais comment penser que le restaurateur, qui habitait la même maison depuis vingt et un ans, ne payât pas son loyer ?
France, le Chat maigre, Œ., t. II, VIII, p. 220.
48 C'est à cause de moi que tu es revenu (…) — J'ai pensé que tu avais peut-être besoin de compagnie.
Sartre, la Mort dans l'âme, p. 139.
49 Tu ne pensais pas que ce fût très grave, mais simplement que le plus sage était de bannir ce nom de nos propos.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, V.
4 (Suivi de l'inf.). Croire, avoir l'impression, le sentiment de… || Nous pensons avoir résolu ces problèmes ardus (cit. 2). ⇒ Espérer. || Je pense être noté (cit. 9) comme un collaborateur consciencieux. ⇒ Flatter (se). || Je pensais lui rendre service (→ ci-dessous, B., 3., rem.).
50 — Je ne pensais pas vous revoir, dit-il dignement. — Pourquoi ? — Parce que vous vous êtes conduit comme un goujat !
Sartre, le Sursis, p. 315.
♦ (Employé à un temps passé et suivi de l'inf.). Vieilli ou littér. ⇒ Faillir, manquer. || Il pensa se trouver mal (→ Douceâtre, cit.), mourir de dépit (cit. 1). || Je pensai tomber tout de mon haut (cit. 63).
51 Les loups mangent gloutonnement.
Un loup donc, étant de frairie,
Se pressa, dit-on, tellement
Qu'il en pensa perdre la vie.
La Fontaine, Fables, III, 9.
52 J'ai été condamné à l'amende pour avoir vu passer une chienne; j'ai pensé être empalé par un griffon (…) j'ai été sur le point d'être étranglé parce que la reine avait des rubans jaunes (…)
Voltaire, Zadig, X.
REM. Ce tour n'est plus usité que lorsqu'il exprime une impression personnelle; il ne peut être employé pour une constatation objective (sur une personne et même une chose) comme il l'était fréquemment dans la langue classique (→ cit. 53).
53 Le bal du mardi gras, pensa être renvoyé; jamais il ne fut une telle tristesse.
Mme de Sévigné, 134, 12-13 févr. 1671.
54 Victurnien pensa trahir sa joie en apprenant qu'il aurait deux mille francs par mois.
Balzac, le Cabinet des Antiques, Pl., t. V, p. 373.
1 Avoir dans l'esprit (comme idée, pensée, image, sentiment, volonté, etc.). || Il n'y a aucun rapport entre ce qui se passe dans l'inconscient (cit. 12) et ce que nous pensons. || L'écrivain exprime (cit. 25) ce que les autres pensent. || Écrire (cit. 2) ce qu'on pense. || Il dit tout ce qu'il pense (cf. Tout ce qui lui passe par la tête). || Je dis toujours naïvement ce que je pense (→ Ingénu, cit. 4). || « Un homme qui dit tout ce qu'il pense et comme il le pense est inconcevable (cit. 8) en société. » || « Combien tout ce qu'on dit est loin (cit. 30) de ce qu'on pense ! » || Il dit une chose et il en pense une autre. — ☑ Loc. Ne pas penser un mot de ce qu'on dit : mentir. || Il n'en pense pas un mot. — Je pensais : pourquoi suis-je sur la terre ? (→ Amertume, cit. 11). || Pensez, pensez donc ! : imaginez un peu ! || Pensez donc ! Venir s'enfermer ici ! (→ Long, cit. 21).
55 Ils croiraient s'abaisser, dans leurs vers monstrueux,
S'ils pensaient ce qu'un autre a pu penser comme eux.
Boileau, l'Art poétique, I.
56 Pensez ! depuis quarante ans, il était là, à la même place, avec sa cour en face de lui et sa classe toute pareille.
Alphonse Daudet, Contes du lundi, « Dernière classe ».
57 Non seulement je n'ai rien dit que ce que je pense; chose bien plus rare et bien plus difficile, j'ai dit tout ce que je pense.
Renan, Souvenirs d'enfance…, Œ. compl., t. II, III, p. 797.
58 Car s'il disait que la noblesse était peu de chose, qu'il considérait ses collègues comme des égaux, il n'en pensait pas un mot.
Proust, À la recherche du temps perdu, t. VIII, p. 116.
59 Je pourrais épouser mademoiselle Brugère !
(…) Non, je plaisantais; une première chez Dermas, pensez donc ! une femme superbe.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, XIV.
♦ Par euphém., fam. (Pour désigner des actions ou des choses qu'on ne veut pas nommer). || Il a marché dans ce que je pense, dans la crotte. ☑ Il lui a flanqué un coup de pied où vous pensez, au derrière. || Elle a le feu où je pense (→ Quelque part).
♦ (Employé et construit comme dire). || Vous dites « vérité » et vous pensez « authenticité » (cit. 8).
60 Que vienne la nuit, pour que se montre à moi quelque évidence qui mérite l'amour ! Pour que je pense civilisation, sort de l'homme, goût de l'amitié dans mon pays.
Saint-Exupéry, Pilote de guerre, I.
61 (…) lorsqu'on pense à la condition des sexes dans la société, pour les femmes on pense plutôt malheur, pour les hommes on pense plutôt embêtements.
Montherlant, les Jeunes filles, p. 167.
♦ (En incise). || J'aurais pu épouser un tel homme ! pensait Madame de Rênal… (→ 1. Feu, cit. 73). || Et mon diplôme (cit. 3), pensa-t-il tout à coup. || « Hélas, ai-je pensé… » (→ Homme, cit. 28, Vigny).
62 On dirait que quelqu'un joue du piano quelque part ? pensa-t-il.
Alain-Fournier, le Grand Meaulnes, I, XI.
63 Il est dur, pensait-il, d'être un juge.
Saint-Exupéry, Vol de nuit, p. 45.
64 Je me demande — pensa tout haut M. Teste — en quoi la « destinée » (…) de l'homme m'intéresse ?
Valéry, Monsieur Teste, p. 108.
2 Penser que : avoir la pensée de, imaginer. ⇒ Représenter (se). || Je n'ai jamais vu un enfant sans penser qu'il deviendrait un vieillard (→ Antithèse, cit. 7). || Je suis exaltée en pensant que… (→ Lis, cit. 12), à l'idée, à la pensée que… — (Exclamatif). || Pensez qu'elle n'a que vingt ans ! (cf. Rendez-vous compte). || Quand on pense que cela pourrait arriver à n'importe qui !
65 Quand je pense, disait Legrain, qu'Hélène aura bientôt seize ans et que, pendant seize ans, elle n'a jamais respiré un autre air que celui de l'arrière-boutique et de la rue des Lyonnais.
G. Duhamel, Salavin, V, XII.
3 (Suivi de l'inf., avec une valeur de futur). Avoir l'intention, avoir en vue de… ⇒ Compter, projeter. || Où pensez-vous aller ? (cit. 12). || Que pensez-vous faire à présent ? || Je voudrais bien savoir ce que vous pensez faire d'un maître à danser (→ Jambe, cit. 18). — REM. Cet emploi peut entraîner une ambiguïté avec la valeur analysée en A., 4. : nous pensons, nous avons pensé les imiter, leur rendre service… peut signifier « nous avons, nous avons eu l'intention de… » ou « nous croyons, nous avons cru… ».
66 Dites-moi, que pensez-vous faire ?
Ne quitterez-vous point ce séjour solitaire ?
La Fontaine, Fables, III, 15.
67 (…) je nourrissais le désir de m'illustrer sans retard et de durer dans la mémoire des hommes (…) C'est pourquoi je pensai devenir un saint.
France, le Livre de mon ami, Livre de Pierre, II, I.
68 Il avait pensé passer la nuit sur un fauteuil, chez son frère, pour ménager son pécule.
Aragon, les Beaux Quartiers, II, XXV.
C Penser (une chose).
1 Philos. ou littér. Considérer clairement, embrasser par la pensée. ⇒ Concevoir. || Il ne croit pas à sa mort, il ne la pense même pas (→ Enfant, cit. 16). || Penser un mystère (→ Identifier, cit. 5). || Penser l'histoire en fonction d'une dialectique (→ Maîtrise, cit. 1). || Penser son destin au lieu de le subir (→ 1. Masse, cit. 29). || Penser une œuvre d'art.
69 (…) les âmes des hommes que l'éternel créa par sa seconde idée, après avoir pensé les anges.
Chateaubriand, les Natchez, IV.
70 (…) ma vraie devise d'homme : me penser moi-même le moins possible, et penser toutes choses.
Alain, Propos, 25 avr. 1909, Mouflons.
71 Non seulement il la voit (la statuette), mais il la regarde, quoique son regard ne soit pas exactement actif; il la pense, quoique sa pensée ne soit pas exactement active. Il pense la statuette et il pense en même temps tous les autres objets de sa collection, et il pense en même temps toute la ville d'Uria (…)
Roger Vailland, la Loi, p. 91.
2 Concevoir en vue d'une exécution matérielle.
71.1 Au lieu de s'être faite à petites économies, avec des matériaux disparates, par ajoutures et flanquements de fortune, elle était d'une seule venue, les murs ayant été pensés par un maître maçon comme la charpente par un maître charpentier.
M. Aymé, la Vouivre, p. 23.
———
IV (1881, Daudet). Pron. Régional (rural) et fautif. (Contamination entre penser, v. intr., et se dire) :
71.2 Voilà plusieurs jours, la poule grise, je me pensais, mais enfin, bon sang, je me pensais, une poule qui mange bien, qui ne refuse pas le coq, elle doit pourtant faire des œufs.
M. Aymé, la Vouivre, p. 95.
——————
pensé, ée p. p. adj.
♦ Conçu avec vigueur, en parlant des idées, des ouvrages de l'esprit, des œuvres d'art. || Voilà qui est pensé ! ⇒ Senti. || Un roman bien pensé.
72 Je n'ai jamais rien vu de pensé comme la fin de ce billet, ni tourné si galamment.
Mme de Sévigné, 771, 12 janv. 1680.
❖
CONTR. Oublier. — Désintéresser (se).
DÉR. Pensable, pensé (n. m.), 1. pensée, 2. pensée, 2. penser, pensement, penseur, pensif.
COMP. Impensable, pense-bête, repenser.
————————
2. penser [pɑ̃se] n. m.
ÉTYM. V. 1155; inf. substantivé de 1. penser.
❖
2 (1690). Vx. Façon de penser. ⇒ Pensée (I., C., 3.). || « Ce penser mâle des âmes fortes » (Rousseau).
3 Vx ou littér. ⇒ Pensée (II.). || Dans ce penser… (→ Carrer, cit. 2). || Des pensers si bas (→ Foudroyer, cit. 1). || Inspirer des pensers qui ne sont pas funèbres (cit. 15). || « Sur des pensers nouveaux (cit. 2) faisons des vers antiques » (Chénier).
1 L'usage a préféré (…) pensées à pensers, un si beau mot, et dont le vers se trouvait si bien !
La Bruyère, les Caractères, XIV, 73.
2 Et la Lorraine, au seul penser de cette injure.
Verlaine, Jadis et Naguère, « La pucelle ».
3 (…) quant aux sons, je ne me tromperai pas, et loin de m'emballer contre ce penser profane et charmant de Joubert, je dirai : oui, des sons, il est nécessaire qu'il y en ait et dans Racine, il n'y a que cela (…)
Germain Nouveau, Lettre à Léonce de Larmandie, 23 oct. 1889, Pl., p. 876.
❖
HOM. Panser, 1. pensée, 2. pensée, 1. penser.
Encyclopédie Universelle. 2012.