serrer [ sere ] v. tr. <conjug. : 1>
• 1160; lat. pop. °serrare, altér. bas lat. serare, de sera « barre, verrou »
1 ♦ Vx Fermer.
♢ (mil. XIIIe) Mod. Région. Mettre à l'abri ou en lieu sûr. ⇒ 1. ranger, remiser. Un grenier où « on serrait en hiver les jeux de jardin » (P. Benoit).
2 ♦ Saisir ou maintenir vigoureusement de manière à ne pas laisser échapper, à comprimer. ⇒ empoigner, presser. « Il lui avait pris le poignet [...] et il le serrait si violemment qu'elle se tut » (Maupassant) . Serrer la main à qqn (cf. Donner une poignée de main). Serrer le cou, le kiki à qqn. ⇒ étrangler.
♢ Prendre (qqn) entre ses bras et tenir pressé (contre soi). ⇒ embrasser, enlacer, étreindre. « Il la serra passionnément contre lui » (Martin du Gard).
♢ (Sensation) Faire peser une sorte de pression, d'oppression sur (la gorge, le cœur). « Une crampe lui serrait le gosier, l'étranglait » (Martin du Gard). ⇒ comprimer, oppresser. « Son cœur était serré par une horrible angoisse » (A. Dumas). — Cela me serre le cœur, j'en ai le cœur serré, j'en ai de la peine, cela me fait pitié.
3 ♦ Disposer (des choses, des personnes) plus près les unes des autres afin d'occuper moins d'espace. ⇒ rapprocher. Serrer les lettres, les mots, en écrivant. ⇒ resserrer. Serrez les rangs ! ou absolt Serrez ! Fig. Serrer les rangs : se grouper, se rapprocher pour affronter un danger, une difficulté. — Se serrer les coudes.
4 ♦ Maintenir énergiquement fermé. ⇒ 2. contracter, crisper. M. Charles « serra les poings, dans un élan d'indignation exaspérée » (Zola ).
♢ Rapprocher énergiquement. Serrer les mâchoires, les dents. « Les lèvres serrées, en proie à cette colère » (France). ⇒ pincer. Fam. Serrer les fesses.
5 ♦ Comprimer en entourant ou en s'appliquant. Ce pantalon te serre trop. ⇒ boudiner, brider, mouler. Chaussures neuves qui serrent le pied. Une ceinture « serrait à la taille leurs petites robes » (Mac Orlan). — Mar. Serrer une voile, la plier et la fixer le long d'une vergue, d'un mât.
♢ Rendre plus étroit (un lien). « Il serra sa ceinture d'un cran » (Mac Orlan). Serrer un nœud, en tirant sur chaque extrémité de la corde. — Se serrer la ceinture.
♢ Réduire le plus possible. Serrer les prix, les délais.
6 ♦ Tourner, faire mouvoir (un élément mobile, un organe de fixation, un volant, une manette) de manière à rapprocher deux choses, à fixer une pièce, à mettre un dispositif en position fermée. Serrer un frein, un robinet, une vis. (⇒ resserrer) . Fig. Serrer la vis à qqn. Serrer les boulons.
7 ♦ (XVIe) Être comme appliqué ou pressé contre, rester tout près de (qqn qu'on suit, qu'on pousse). Serrer de près l'ennemi. ⇒ poursuivre, talonner. — Fig. et fam. Serrer une femme de près, lui faire une cour pressante.
♢ Fam. Arrêter, appréhender. Se faire serrer par les flics. ⇒ pincer.
8 ♦ Pousser, presser (qqn) contre un obstacle. Le bus a serré le cycliste contre le trottoir. ⇒ coincer.
♢ Mar. Longer en passant au plus près. ⇒ raser. Le navire serrait la terre. Serrer le vent : naviguer au plus près. — Intrans. Pour telle direction, serrez à droite, rapprochez-vous de la droite.
♢ (Abstrait) « Serrer de plus près l'idée d'église » (Proust),la considérer, l'étudier de plus près.
9 ♦ SE SERRER v. pron. Se mettre tout près, tout contre (qqn). ⇒ se blottir, se coller, se pelotonner. Jacques « se serrait contre Antoine, avec un appétit soudain de tendresse » (Martin du Gard).
♢ (Récipr.) Se rapprocher jusqu'à se toucher. « La grande table où l'on se serrait pour être plus ensemble » (Zola). Se serrer l'un contre l'autre.
⊗ CONTR. 1. Écarter, éclaircir, espacer. Desserrer, ouvrir.
⊗ HOM. Serre :sers (servir).
● serrer verbe transitif (latin populaire serrare, du latin classique serare, fermer, de sera, verrou) Exercer une double pression sur quelque chose pour le tenir, l'empêcher de s'échapper, le maintenir en place : Serrer une pièce de métal dans un étau. Refermer avec vigueur sa main sur quelque chose : Il serrait la pièce dans sa main. Refermer ses bras autour de quelqu'un, quelque chose et les tenir appliqués contre soi : Il serrait son enfant dans ses bras. En parlant d'un vêtement, comprimer le corps : Une large ceinture la serrait à la taille. Rapprocher les éléments d'une partie du corps et les maintenir en contact étroit : Serrer les mâchoires. Comprimer quelque chose, en réduire le volume en tirant sur le lien qui l'entoure, le ficelle : Serrer davantage un paquet. Tendre un lien, en réduire la longueur pour qu'il s'applique plus étroitement sur ce qu'il entoure : Serrer son nœud de cravate. Rapprocher des choses, faire se rapprocher des personnes pour les faire tenir en plus grand nombre dans un espace donné : Remplir une caisse de livres en les serrant au maximum. Agir sur un dispositif de fixation, de fermeture, de commande mécanique de façon à assujettir plus solidement quelque chose ou à le bloquer : Serrer une vis. Pousser quelqu'un, le presser contre un obstacle pour gêner ses mouvements, l'empêcher de se dégager : Serrer son adversaire dans une encoignure. Argot. Arrêter, appréhender quelqu'un. Approcher au plus près de quelque chose, avec le véhicule que l'on conduit : Vous ne serrez pas assez le trottoir en vous garant. Littéraire, Antilles ou Canada. Enfermer quelque chose, le ranger, le mettre à l'abri en lieu sûr : Serrer des bijoux dans un coffret. Procéder au serrage d'une pièce, d'un matériau. ● serrer (citations) verbe transitif (latin populaire serrare, du latin classique serare, fermer, de sera, verrou) Émile Chartier, dit Alain Mortagne-au-Perche 1868-Le Vésinet 1951 Qui serre toujours serre mal. Minerve ou De la sagesse Gallimard ● serrer (difficultés) verbe transitif (latin populaire serrare, du latin classique serare, fermer, de sera, verrou) Emploi Au sens de « ranger, enfermer », le mot est littéraire ou régional :serrer ses économies dans un coffre. ● serrer (expressions) verbe transitif (latin populaire serrare, du latin classique serare, fermer, de sera, verrou) Serrer la main, le poing, la bouche, les maintenir fermés. Serrer de près, poursuivre quelqu'un à une faible distance, être sur le point de le rejoindre ; saisir ou exprimer quelque chose avec exactitude et précision, au terme d'un effort de réflexion, d'analyse. Serrer les dents, supporter avec fermeté la souffrance physique, les épreuves, les difficultés. Serrer la main à quelqu'un, saisir dans sa main droite la main droite de quelqu'un pour le saluer, le féliciter ; se réconcilier avec un adversaire. Serrer une voile, l'amarrer, pliée sur la vergue au moyen des rabans de ferlage. ● serrer (homonymes) verbe transitif (latin populaire serrare, du latin classique serare, fermer, de sera, verrou) séré nom masculin ● serrer (synonymes) verbe transitif (latin populaire serrare, du latin classique serare, fermer, de sera, verrou) Exercer une double pression sur quelque chose pour le tenir, l'empêcher...
Synonymes :
- presser
Refermer avec vigueur sa main sur quelque chose
Synonymes :
Refermer ses bras autour de quelqu'un, quelque chose et les tenir...
Synonymes :
- enlacer
- enserrer
- étreindre
En parlant d'un vêtement, comprimer le corps
Synonymes :
- brider
- écraser
- étrangler
- gainer
- mouler
- sangler
Rapprocher les éléments d'une partie du corps et les maintenir...
Synonymes :
- crisper
- pincer
Contraires :
- écarter
- ouvrir
Tendre un lien, en réduire la longueur pour qu'il s'applique...
Contraires :
- relâcher
Rapprocher des choses, faire se rapprocher des personnes pour les...
Synonymes :
- tasser
Contraires :
- disséminer
- éparpiller
- espacer
Agir sur un dispositif de fixation, de fermeture, de commande...
Synonymes :
- bloquer
Contraires :
Pousser quelqu'un, le presser contre un obstacle pour gêner ses...
Synonymes :
- coincer
Approcher au plus près de quelque chose, avec le véhicule que...
Synonymes :
- frôler
- raser
Contraires :
- s'écarter
- s'éloigner
Littéraire Enfermer quelque chose, le ranger, le mettre à l'abri en lieu...
Synonymes :
- ranger
● serrer
verbe intransitif
Se rapprocher les uns des autres, en parlant des rangs d'une troupe en marche.
● serrer (expressions)
verbe intransitif
Serrer à droite, à gauche, conduire un véhicule en se rapprochant progressivement de la file de droite, de gauche de la voie qu'on suit.
● serrer (homonymes)
verbe intransitif
serrer
v.
rI./r v. tr.
d1./d Tenir, entourer en exerçant une pression. Serrer qqn, qqch contre soi. Serrer la main de qqn, pour le saluer, pour prendre congé.
|| Fig. Cela serre le coeur, excite la compassion, le chagrin. L'émotion lui serrait la gorge, l'oppressait, l'empêchait de parler.
d2./d (Sujet nom de chose.) Gainer très, trop étroitement. Col qui serre le cou.
d3./d Rendre très étroit (un lien, un noeud). Serrer une ficelle autour d'un paquet.
d4./d Appliquer fortement (une chose) contre une autre en tournant, en pressant. Serrer un écrou, un frein.
— Loc. fig., Fam. Serrer la vis à qqn.
d5./d Rapprocher (des personnes, des choses espacées). Serrer les rangs.
— Serrer les dents: crisper les mâchoires; fig. rassembler son énergie pour résister à qqch de pénible.
d6./d (En parlant d'un véhicule.) Longer de très près. Serrer le trottoir.
— Absol. Serrer à droite.
— MAR Serrer le vent: naviguer au plus près du vent.
|| Serrer qqn de près, le suivre à faible distance.
d7./d Vieilli Mettre à couvert, en sûreté. Serrer son argent dans une cachette.
|| (France rég., Québec, Réunion) Ranger, remiser. Serrer la vaisselle.
rII./r v. Pron.
d1./d Entourer une partie de son corps en la comprimant. Se serrer la taille.
— Loc. fig., Fam. Se serrer la ceinture: réduire sa consommation de nourriture; par ext. restreindre ses dépenses.
d2./d Se rapprocher les uns des autres. Serrez-vous pour nous faire un peu de place.
|| Se serrer contre qqn.
⇒SERRER, verbe trans.
I. — Vieilli ou région. Qqn serre qqc. Mettre à l'abri en lieu sûr, ranger. Serrer du linge dans un placard, du vin dans une cave; serrer des sous dans un mouchoir; hangar où l'on serre des outils; serrer des papiers dans un coffre-fort. Tout l'ameublement d'une famille arabe consiste en un ou deux coffres où l'on serre les hardes et les bijoux (LAMART., Voy. Orient, t. 2, 1835, p. 227). Papadakis (...) serre les miches de pain frais dans sa cambuse (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 170).
II. — Qqn/qqc. serre qqc.
A. — 1. Tenir ou maintenir étroitement en exerçant une pression.
— [Le compl. d'obj. dir. désigne un inanimé concr.] Serrer un morceau de fer dans un étau, avec une tenaille; serrer qqc. dans sa main, contre son flanc; serrer sa pipe entre ses dents, son stylo entre ses doigts. Il tient son bâton, il serre son bâton dans son poing « pour si on cherchait à l'arrêter » (RAMUZ, Gde peur mont., 1926, p. 211). Laure serre entre ses doigts une tige d'herbe (DUHAMEL, Nuit St-Jean, 1935, p. 179).
♦ En partic., vieilli. Presser, écraser pour exprimer un liquide. Un troisième [voisin], qui avait un pressoir, serrait le marc (ZOLA, Terre, 1887, p. 355).
— [Le compl. d'obj. dir. désigne un animé ou une partie du corps] Serrer le bras, la taille de qqn. La fermière, sur un escabeau, serrait entre ses jambes une dinde qu'elle empâtait avec des gobes de farine (FLAUB., Bouvard, t. 1, 1880, p. 22). Trois fois, en vue d'immobiliser ma main pour allumer sa cigarette à la mienne, elle me tient et me serre le poignet (MONTHERL., Pte Inf. Castille, 1929, p. 656).
♦ Empl. pronom. réfl. indir. Le vieux Rebbe (...) imitait la façon de rire de Kobus avec des grimaces si grotesques que (...) Fritz lui-même dut se serrer l'estomac pour ne pas éclater (ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p. 33).
♦ Loc. verb. Serrer qqn (dans ses bras, contre soi, contre son cœur). Prendre quelqu'un dans ses bras et le tenir contre soi. Synon. étreindre. Petite fille qui serre une poupée. Il serre Mathilde dans ses bras; elle frémit et le repousse (COTTIN, Mathilde, t. 1, 1805, p. 296). Prends-moi dans tes bras, mon bien-aimé, et serre-moi de toutes tes forces (SARTRE, Mouches, 1943, II, 2e tabl., 8, p. 83). Serrer le cou, le kiki (fam.) à qqn. V. kiki, quiqui I B. Serrer la main, la cuiller (pop.), la pince (fam.) à qqn. V. main 1re Section I E 2 c. Serrer les pouces à qqn (au fig.). V. pouce I B 2.
b) Loc. verb. fig.
♦ Serrer le cœur (à/de qqn). Provoquer de l'angoisse ou une profonde tristesse chez quelqu'un. Chagrin, douleur, émotion, souvenir qui serre le cœur. Il ne sentait que le profond isolement qui serre le cœur quand vous entrez dans une ville étrangère, quand vous voyez cette multitude de personnes à qui votre existence est inconnue (STAËL, Corinne, t. 1, 1807, p. 48). Il y a des gens qui en sont tourmentés [d'être treize à table]. Moi-même, cela me serre le cœur (DUHAMEL, Nuit St-Jean, 1935, p. 156).
♦ Serrer la gorge de/à qqn. V. gorge I B 2 a.
2. a) Maintenir vigoureusement appliqué; assujettir fortement.
— IMPR. Serrer (une forme). Assujettir solidement la composition dans la forme à l'aide de coins de bois ou de métal. Empl. abs. On serre également à l'aide de (...) coins mécaniques qui se meuvent avec une clef sur ou dans une crémaillère (DES.-MULLER Impr. 1912).
— MAN. Serrer l'éperon (à un cheval). ,,Lui donner de l'éperon`` (LITTRÉ). Serrer la botte (à un cheval) (vx). V. botte2.
b) Rapprocher les bords, les extrémités de quelque chose. On utilise des agrafes métalliques spéciales que l'on place à cheval sur la fente et que l'on serre à la pince (GARCIN, Guide vétér., 1944, p. 165):
• 1. Il ployait la maille à la pince, la serrait d'un côté, l'introduisait dans la maille supérieure déjà en place, la rouvrait à l'aide d'une pointe (...) la chaîne s'allongeait peu à peu...
ZOLA, Assommoir, 1877, p. 426.
3. [Le compl. d'obj. dir. désigne une partie du corps et, en partic., des parties symétriques] Maintenir fortement rapproché ou fermé. Serrer les épaules, les genoux, les mâchoires, les paupières. Il est bien décidé à tout affronter. Il prend une pose raide, serre ses jambes et s'enhardit, au mépris d'une gifle (RENARD, Poil Carotte, 1894, p. 140):
• 2. Tu ne sais même pas très bien dire papa. Tu retires à la consonne p une grande part de sa force explosive. P... P... Serre les lèvres, puis desserre-les brusquement.
DUHAMEL, Combat ombres, 1939, p. 35.
— Loc. fig. Serrer les dents. V. dent C 5. Serrer les fesses. V. fesse A 1 b. Serrer les poings. V. poing A 4 a.
— En partic. [Le suj. désigne un animal] Serrer la queue. Porter la queue entre les jambes, en signe de peur, de soumission, de désappointement. (Dict. XIXe et XXe s.).
B. — 1. Diminuer le volume d'une chose en rapprochant les différents éléments qui la constituent, et les maintenir étroitement assemblés à l'aide d'un lien. Serrer un bouquet, un fagot, un paquet.
— MAR. Serrer (une voile). Plier une voile et l'assujettir le long d'une vergue ou d'un mât. En haut, dans la mâture, on essayait de serrer les huniers (LOTI, Mon frère Yves, 1883, p. 131).
2. Tendre un lien ou en réduire la longueur pour qu'il s'applique étroitement autour de quelque chose. Serrer une courroie; serrer un câble sur un treuil, une corde avec un garrot; serrer les lacets de ses chaussures. Il serre chaque jour, d'un cran, son ceinturon (ROSTAND, Cyrano, 1898, V, 2, p. 206). Serre un peu ta cravate, ça te fera venir le sang aux joues et on croira que tu es heureux (MONTHERL., Songe, 1922, p. 52). V. garrot ex. de Barrès.
♦ Empl. abs. Il entortille son poignet d'un chiffon, serre tant qu'il peut. Les doigts sont violets maintenant (BERNANOS, Mouchette, 1937, p. 1280).
— Serrer un nœud. Tirer sur l'extrémité ou les extrémités d'un nœud pour le rendre plus solide, plus difficile à défaire. Un nœud qu'on serre en voulant le délier (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 370).
— Loc. verb. fig. Serrer le bouton à qqn (vx). V. bouton C 2 a. Serrer, tenir serrés les cordons de la bourse. Être très économe ou manquer de générosité. (Dict. XXe s.). Se serrer la ceinture (fam.). V. ceinture I A 1.
3. a) [Le compl. d'obj. dir. désigne un vêtement] Appliquer étroitement contre le corps; réduire l'ampleur d'un vêtement et le maintenir près du corps.
— Qqn serre qqc.1 (avec, au moyen de, etc. qqc.2). Serrer un peignoir autour de la taille. On serre son manteau contre soi, vu que le froid vous pince fort (FLAUB., Corresp., 1849, p. 135). Tiens bon! serre tes jupes! méfie-toi du salopiaud, derrière toi!... Sacré tonnerre, la voilà culbutée, et ces mufes [mufles] qui rigolent! (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 698).
♦ Empl. pronom. réfl. Celle-ci se serre pauvrement dans son châle (CLAUDEL, Feuille Saints, 1925, p. 629).
— Qqc.2 serre qqc.1 Des épingles de bicyclette serrent le bas de son pantalon (ALAIN-FOURNIER, Meaulnes, 1913, p. 283). Il me reçoit vêtu d'une longue blouse bleue que serre à la taille une ceinture de cuir (GREEN, Journal, 1946, p. 78).
♦ P. anal. [Le compl. d'obj. dir. désigne la chevelure] Une bandelette où s'implantaient deux plumes d'autruche divergentes serrait leur épaisse chevelure (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p. 216). La vieille femme était là, toute seule. Un bonnet rond, immaculé, serrait ses cheveux en arrière (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 236).
b) [Le compl. d'obj. dir. désigne le corps ou, souvent, une partie du corps]
— Qqn serre qqc.1 (avec, dans, au moyen de, etc. qqc.2). Maintenir à l'étroit, comprimer. On serra dans des guêtres de soie rouge ses jambes (ABOUT, Roi mont., 1857, p. 227). Comme toute véritable femme elle avait serré ses charmes dans un corset majestueux (JOUVE, Scène capit., 1935, p. 36).
♦ Empl. pronom. réfl. Se serrer la taille dans une ceinture. La belle Lisa se serrait davantage dans ses corsets (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 675).
♦ Empl. pronom. réfl. indir., au fig., pop., fam. Se serrer la ceinture, le ventre. Se priver par souci d'économie. Quand on n'avait pas su mettre un sou de côté, on faisait comme les camarades, on se serrait le ventre (ZOLA, Assommoir, 1877, p. 523).
— Qqc.2 serre qqc.1 Épouser (trop) étroitement la forme du corps. Robe, veston qui serre la taille; large ceinture qui serre les hanches; chaussure qui serre le pied. Un corsage de soie bleue qui serre et marque la taille et remonte un peu entre les deux seins (TAINE, Notes Paris, 1867, p. 152). Nous raccourcirons les manches, dit le tailleur (...): le pantalon ne vous serre pas trop? (GREEN, Moïra, 1950, p. 71).
C. — Agir sur une pièce mobile, un dispositif de fixation ou de fermeture, de manière à rapprocher deux éléments l'un de l'autre pour obtenir un blocage plus ou moins complet. Serrer un écrou, une vis; serrer un joint; serrer un robinet; serrer un frein à fond. Un bruit sourd, (...) comme en voiture lorsque l'on serre les freins des roues! (LOTI, Pêch. Isl., 1886, p. 133):
• 3. Pour le serrage correct d'un joint (...), on rapproche les deux pièces l'une de l'autre, puis on serre modérément deux boulons d'assemblage opposés. Ensuite, perpendiculairement à ceux-ci, on serre également deux autres boulons opposés et ainsi de suite jusqu'à mise en place de tous les boulons d'assemblage.
AMBROISE, Monteur mécan., 1949, p. 47.
— Au fig. Serrer la vis à qqn.
D. — Disposer des choses, placer des personnes le plus près possible les unes des autres; rapprocher.
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne une ou plusieurs choses] Je serre ma chaise tout près de la sienne, et je pose ma tête sur son épaule (COLETTE, Cl. école, 1900, p. 37). On serre les planches en longues chaînes bossuées qui permettront de rouler ensuite le foin (PESQUIDOUX, Chez nous, 1923, p. 81).
— En partic. Serrer les lettres (en écrivant); serrer son écriture. Leuwen eut soin de ne pas serrer ses mots et ses lignes, et fit si bien qu'il supprima les sept lignes relatives au général Fari sans qu'il y parût (STENDHAL, L. Leuwen, t. 3, 1835, p. 252). Pour apprécier la valeur de la philologie, il ne faut pas se demander ce que vaut (...) telle note que l'érudit serre au bas des pages de son auteur favori (RENAN, Avenir sc., 1890, p. 144). Empl. abs. Serrez, tout doit tenir sur une seule page. (Dict. XXe s.).
— Spécialement
♦ IMPR., empl. abs. ,,Diminuer l'espacement, restreindre les blancs afin de gagner de la place dans la page`` (COMTE-PERN. 1974).
♦ JEUX (tric-trac). Serrer son jeu. Ne pas étendre son jeu, pour ne pas se découvrir. (Dict. XIXe et XXe s.). Au fig. Serrer son jeu. Se montrer prudent. Ah! il faut serrer son jeu dans les affaires (REYBAUD, J. Paturot, 1842, p. 446).
2. [Le compl. d'obj. dir. désigne une ou plusieurs pers.] Serrer des convives autour d'une table. Réponds, le Borgne, combien peut-il tenir de noirs... en plus dans la goëlette? — Mais, en les serrant un peu... trente... — Pas plus?... — Non, car ils n'auraient pas même leurs coudées franches (SUE, Atar-Gull, 1831, p. 21). Il faudrait élever la barricade de cinquante centimètres, moins serrer les tireurs, et en mettre aux fenêtres (MALRAUX, Espoir, 1937, p. 537).
— Empl. pronom. Se serrer (contre qqn ou qqc.). Se presser, se blottir. Satin s'était serrée contre Nana, dans un petit frisson (ZOLA, Nana, 1880, p. 1374). Elle se serre contre le grand poêle de fonte, et bien que la chaleur du feu la pénètre elle continue à frissonner en pensant au pays glacé qui l'entoure (HÉMON, M. Chapdelaine, 1916, p. 152).
♦ Se serrer (autour de qqn/qqc., l'un contre l'autre, entre deux personnes). Se rapprocher de quelqu'un/les uns des autres pour occuper le moins d'espace possible. Serrez-vous, pour que tout le monde puisse entrer; se serrer autour d'une table. Les cuisiniers nous dévisagent, (...) d'un même mouvement, on se serre autour d'eux et des demandes se bousculent: — T'en es sûr? Mais on devait être relevés demain... (DORGELÈS, Croix de bois, 1919, p. 79). J'eus droit (...) à me serrer sur la banquette, entre le douanier mal réveillé et quelques bureaucrates (SAINT-EXUP., Terre hommes, 1939, p. 146).
— Loc. verb. fig., empl. pronom. réciproque indir. Se serrer les coudes. V. coude I B 1 a.
— En partic., dans le vocab. milit. Serrer les rangs. V. rang A 1 b .
3. Au fig. Parler ou écrire d'une manière concise. Serrer son style; serrer l'expression. Serre, serre les dialogues, on parle trop, et tes personnages parlent un peu tous de la même façon (FLAUB., Corresp., 1858, p. 293). Empl. abs. Ne te laisse pas tant aller à ton lyrisme. Serre, serre, que chaque mot porte (FLAUB., Corresp., 1852, p. 9).
E. — 1. Passer au plus près de quelque chose.
a) [Le suj. désigne une pers. ou un moyen de locomotion] Longer, passer au plus près de (quelque chose). Voiture qui serre le bas-côté; serrer le trottoir en garant sa voiture. (Dict. XXe s.).
♦ Serrer sa droite/sa gauche. Marcher, conduire un véhicule en se tenant le plus près possible du côté droit ou gauche de la route (Dict. XXe s.). Empl. abs. Serrer à droite, à gauche (Dict. XXe s.).
— MAR. Serrer la côte, la terre. Naviguer aussi près que possible de terre. Ils évitèrent les bancs de sable (...), puis ils se rabattirent sur la droite, à serrer la côte, pour chercher le courant (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p. 51). Serrer le vent [Dans la navigation à voiles] Naviguer aussi près que possible du lit du vent (d'apr. LE CLÈRE 1960). Bientôt la Hyène orienta ses voiles, et, serrant le vent au plus près, mit le cap au sud (SUE, Atar-Gull, 1831, p. 12). Papadakis (...) redonnait un coup de barre, serrait le vent, remontait grand large, plein nord (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 215).
b) P. anal. (sans mouvement). Serrer de près. Border étroitement. Montagne qui serre de près une côte. À Blois finit la jetée. La route serre de moins près la Loire (MICHELET, Journal, 1831, p. 102). À Nantes la barre de granit serre de près le fleuve et la ville (VIDAL DE LA BL., Tabl. géogr. Fr., 1908, p. 321).
c) Au fig. Serrer (de près). Analyser, définir, saisir (quelque chose), rendre compte (de quelque chose) avec exactitude et précision. Serrer de près un sujet, un problème, une notion, une question; serrer un texte, une traduction; serrer les idées de plus près. Pour M. Zola, le roman doit serrer la réalité du plus près qu'il se peut (LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 250). L'opinion (...) selon laquelle tout nouveau concept mathématique a son interprétation dans la nature, (...) serre la vérité de très près (Gds cour. pensée math., 1948, p. 325).
2. Qqn serre qqn
a) Serrer qqn (contre, dans,... qqc.). Pousser, presser quelqu'un contre un obstacle de manière à lui couper la retraite ou à gêner ses mouvements. Automobiliste qui serre un cycliste contre le bas-côté d'une route; serrer qqn dans un coin; serrer l'ennemi contre le fleuve, la montagne. (Dict. XIXe et XXe s.).
— Spéc. et p. anal.
♦ ART MILIT. Serrer une place, une ville. L'entourer, en couper les communications. (Dict. XIXe et XXe s.).
♦ ESCR. Serrer la botte. Presser vivement son adversaire (Dict. XIXe et XXe s.).
b) Serrer qqn de près. Se rapprocher de quelqu'un, le talonner. Les Prussiens nous suivaient (...). On mit huit pièces en avant du village de Roedelheim, et l'ennemi (...) fut reçu par quelques décharges à mitraille, qui le dégoûtèrent de nous serrer d'aussi près (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 85). Après quatre jours de courses dans la neige (...), j'arrive me réfugier ici. Je n'ai ni bu ni mangé ces quatre jours. Bougrelas me serrait de près (JARRY, Ubu, 1895, V, 1, p. 83).
— En partic. Serrer une femme de près. Lui faire une cour pressante. Votre monsieur ne vous a jamais proposé la chose? (...) Même, la matinée où il vous serrait de si près, dans le jardin? (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 168). Un peu plus loin, je dépasse Conan qui serre de près une belle fille rieuse (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 45).
c) Arg. Serrer qqn. Incarcérer. Donnez-moi cinq cents francs, et, demain matin, votre homme est serré, car nous l'avons couché hier (BALZAC, Comédiens, 1846, p. 312).
REM. 1. Serrante, subst. fém., arg. Serrure (d'apr. ESN. 1966). 2. Serreur, subst. masc., rare, technol. Ouvrier chargé de serrer quelque chose (supra II C). L'ancienne équipe de laminage est ainsi une équipe fortement structurée: autour du premier lamineur, le serreur de vis et les machinistes obéissent à ses ordres et agissent de concert (Traité sociol., 1967, p. 455).
Prononc. et Orth.:[], [se-], (il) serre []. PASSY 1914, BARBEAU-RODHE 1930, MARTINET-WALTER 1973 [-], [se-], MARTINET-WALTER dans la proportion de 7 à 11. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Verbe trans. 1. a) ca 1155 « fermer avec le verrou » (WACE, Brut, 5516 ds T.-L.); b) déb. XIIIe s. « enfermer, mettre en lieu sûr » (AUDEFROI LI BASTARS, BARTSCH, Rom. et Past., I, 57, 67 ds GDF.); c) ca 1485 « ranger, remiser » (Mist. Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 5783: ou on serre les sciences par nous escriptes); 1507 (ELOY, Diablerie, 172, 17 ds IGLF: Fauche son foin ou le serre); 2. déb. XIIe s. « saisir vigoureusement » (BENOÎT DE STE-MAURE, St Brendan, 498 ds T.-L.); 1616 serrer la main (D'AUBIGNÉ, Histoire, II, 272 ds LITTRÉ); 3. ca 1160 « joindre » part. passé (Eneas, 3999 ds T.-L.: menu serrees ot les denz); 1176 en parlant de soldats part. passé (CHRÉTIEN DE TROYES, Cligès, éd. A. Micha, 1667); d'où a) 1636 serrer son écriture, serrer les lignes (MONET); b) id. serrer les rangs du bataillon (ibid.); 1807 fig. (STAËL, Corinne, t. 3, p. 164); 4. a) 1276 « rapprocher vigoureusement » (RUTEBEUF, Voie de Paradis, 237, éd. E. Faral et J. Bastin, t. 1, 349: Que toz jors sont ses denz serrees, Qui ja ne seront desserrees Se n'est por felonie dire); 1548 serrant de rage les dens (N. DU FAIL, Baliverneries, p. 149 ds IGLF); b) 1480 genoulx serrez (G. COQUILLART, Monologue, 135, éd. M. J. Freeman, p. 279); c) id. serrer les fesses (ID., Nouveaulx Droitz, 1757, p. 218); 5. 1527 « tenir à l'étroit en rapprochant à l'aide d'un lien » (1er oct.-30 mars, Compte d'ouvrages, 6e somme de mises, A. Tournai ds GDF. Compl.); 6. a) 1540 « pousser, presser quelqu'un contre un obstacle de manière à gêner ses mouvements » (Amadis de Gaule, p. 207 ds IGLF: à force de le serrer l'ayant embrassé estoit tombé du cheval à terre); b) 1648 « longer, passer au plus près de » (SCARRON, Virgile travesti, V ds LITTRÉ); 1678 terme de mar. serrer le vent (GUILLET 3e part., p. 307); c) id. terme d'équit. serrer la demy-volte (ibid. 1re part., p. 207); d) 1679 terme d'escr. serrer les mesures ici fig. (Cardinal de RETZ, Mémoires, éd. A. Feillet et J. Gourdault, t. 3, p. 145); 7. 1690 « faire mouvoir un élément mobile de manière à rapprocher deux choses l'une de l'autre » (FUR.). B. Verbe intrans. ca 1165 « être contracté par la tristesse (en parlant du cœur) » (BENOÎT DE STE-MAURE, Troie, éd. L. Constans, 15851). C. 1. Ca 1165 « s'approcher de très près » (ID., ibid., 22804); 2. 1170-83 « se contracter par une émotion douloureuse (en parlant du cœur) » (WACE, Roman de Rou, 3e part., 2372, éd. A.-J. Holden); 3. a) 1593 « se comprimer la taille à l'aide d'un bandage » (G. BOUCHET, Serées, XXV ds GDF. Compl.); b) 1825 (BRILLAT-SAV., Physiol. goût, p. 45: se serrer le nez); 4. 1678 équit. « ne pas prendre assez de terrain (d'un cheval) » (GUILLET 1re part., p. 207). Du lat. pop. serrare, altér. du lat. tardif serare « fermer » (dér. de sera « serrure », à l'orig. « barre de bois qu'on fixait derrière la porte »), peut-être sous l'infl. de ferrum « fer » ou barra « barre » (v. FEW t. 11, p. 507a). Fréq. abs. littér.:7 474. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 7 035, b) 14 868; XXe s.: a) 13 308, b) 9 814. Bbg. KEMNA 1901, p. 91 (s.v. serreur). — QUEM. DDL t. 7 (s.v. serreur). — Sculpt. 1978, p. 628 (s.v. serreur).
ÉTYM. Fin XIe, au sens A., 2., mais le sens A., 1. est étymologique; lat. pop. serrare, altér. du lat. tardif serare « fermer avec une barre (sera), clore » (peut-être par croisement avec ferrum « fer »), de sera « barre, verrou ».
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A V. tr.
b Enfermer (des hommes, des animaux) dans un lieu clos, un espace étroit (→ Parc, cit. 1, Marot).
c (V. 1240). Régional. (Le mot le plus usuel est ranger). Mettre à l'abri des intempéries, en réserve; remiser. || Serrer du vin, des pommes de terre dans une cave, du blé dans un grenier, des marchandises dans des magasins (→ Fertilité, cit. 2; germer, cit. 3; requin, cit. 4). — Mettre en place, en ordre, en lieu sûr. ⇒ Cacher, enfermer, enserrer (vx), placer, ranger (cit. 3), renfermer; → Frottement, cit. 6; havresac, cit. 1; pierre, cit. 26. || Serrer des bijoux dans une cassette, du linge dans un placard. || « Laurent, serrez ma haire avec ma discipline » (cit. 1, Molière).
1 Un simple grenier, où, du temps de Jacques, on serrait en hiver les jeux de jardin (…)
P. Benoit, Mlle de la Ferté, p. 101.
1.1 — Je ne trouve pas mes gants ! où as-tu mis mes gants ? (…)
— Tu es insupportable ! Tu les as serrés toi-même dans le tiroir de la commode (…)
E. Labiche, Les 37 sous de M. Montaudoin, 7.
1.2 (…) la grande armoire de noyer où était serré le linge.
Ed. et J. de Goncourt, Sœur Philomène, p. 53.
2 a (Sujet n. de personne ou de chose). Saisir ou maintenir vigoureusement, de manière à ne pas laisser échapper, à comprimer, à écraser… ⇒ Empoigner, harper (2. Harper, vx), pincer (supra cit. 1), presser; → Arracher, cit. 26; frottement, cit. 6. || Serrer qqch. dans un étau (au propre et au fig.), avec des tenailles. ⇒ Mordre (I., 2.). || Serrer qqch. dans sa main, entre ses dents, entre ses bras, ses genoux (→ Casser, cit. 3; guimbarde, cit. 1; oreiller, cit. 3). || Serrer qqch. sur son flanc (cit. 2), contre soi. || Serrer le cou à qqn. ⇒ Étrangler. || Serrer le gavion (cit., vx), la gorge, le kiki (fam.) à qqn. — ☑ Loc. Vx. Que la fièvre te serre, t'étouffe (→ Molière, l'Avare, II, 5).
♦ Absolt. (→ Cou, cit. 11; diabète, cit.). || Tenir fermement, mais sans serrer. || Serrez bien (→ Prise, cit. 8).
2 (Pays) qui nous aurait échappé plus d'une fois, si nous ne le tenions serré, comme dans des pinces et des tenailles, entre quatre villes françaises d'un génie rude et fort : Nantes et Saint-Malo, Rennes et Brest.
Michelet, Hist. de France, III.
3 Il lui avait pris le poignet avec une brutalité sauvage, et il le serrait si violemment qu'elle se tut, une plainte lui déchirant la gorge.
Maupassant, l'Inutile Beauté, I.
b (Sujet et compl. n. de personne). Prendre (qqn) entre ses bras et le tenir étroitement pressé (contre soi). ⇒ Caresser, embrasser (cit. 9), enlacer, entourer, étreindre (supra cit. 1); → Enthousiasme, cit. 16; étreinte, cit. 8. || Serrer qqn à l'étouffer (cit. 9).
♦ (XVIe). || Serrer la main (cit. 24), les mains, le bras de qqn, pour lui manifester son affection, le réconforter, etc.
4 Tous les mots qui jamais ne viennent
Les mots qu'on remet à demain
De serrer ma main dans la tienne
Longuement simplement ma main (…)
Aragon, le Roman inachevé, p. 208.
c ☑ Loc. Serrer la main à qqn : lui prendre la main en l'abordant, en le quittant etc. (geste de politesse). ⇒ Main (supra cit. 22); poignée (de main), shake-hand; → Maître, cit. 100; préséance, cit. 2. — Ils ne se serrent plus la main : ils sont brouillés, ils ne se saluent plus. — ☑ Fam. Serrer la cuiller, la pince à qqn : lui serrer la main.
d (V. 1265). Le sujet désigne une sensation, un sentiment pénible. Faire peser une sorte de pression, d'oppression sur (la gorge, le cœur). ⇒ Angoisse, oppression. || Crampe (cit. 1) qui serre le gosier. || Ce nœud (cit. 5) qui lui serrait la gorge. ⇒ Étrangler (supra cit. 13), étreindre (supra cit. 8). || Amertume (cit. 2), chagrin, douleur, émotion; tristesse qui serre le cœur.
♦ Pronominal :
5 C'était un de ces jours froids et tristes où les cœurs se serrent, où les esprits s'irritent, où l'âme est sombre, où la main ne s'ouvre ni pour donner ni pour secourir.
Maupassant, Contes, « Le gueux », p. 295.
♦ (XVe). Vx (langue class.). Étouffer (dans des imprécations). || Que la fièvre, la peste te serre !
e Spécialt. (Compl. n. de chose). Écraser, comprimer pour extraire le suc, le jus. ⇒ Épreindre (vx), presser; → Moût, cit. 2.
3 Maintenir appliqué avec force contre qqch. — Spécialt (t. de manège). || Serrer l'éperon à un cheval : presser un cheval de l'éperon. — Assujettir fortement. ⇒ 2. Caler, coincer. || Serrer une plaque sur un châssis au moyen de vis. ⇒ Assembler (2.), visser. — Imprim. || Serrer une forme : fixer solidement (à l'aide de coins, etc.) la composition dans la forme (→ Pédaler, cit. 1).
4 (V. 1175). Disposer (des choses), faire placer (des personnes) plus près les unes des autres. ⇒ Presser (I., A., 4.), rapprocher. || Serrer les lignes, les mots en écrivant. — Absolt. || Serrez, tout doit tenir sur une seule page. — Milit. || Serrez les rangs ! ou, absolt, Serrez !
♦ Fig. || Serrer l'expression, le style. — (1690). Absolt. Écrire, rédiger d'une manière plus concise. || Serrez, votre style est diffus.
5 (XIIe). Maintenir (la mâchoire, la main, etc.) énergiquement fermée; contracter. ☑ Serrer les dents (cit. 9). || Serrer les lèvres, la bouche, les mâchoires. ⇒ 2. Contracter, crisper, pincer (supra cit. 7). → Assombrir, cit. 12; haineux, cit. 5; hostile, cit. 8. — ☑ Serrer les poings (cit. 1). — Maintenir rassemblés ou rapprochés. || Serrer les genoux. ⇒ Joindre (1.). — Serrer les épaules (cit. 2). — ☑ Fam. Serrer les fesses. — (1668). || Animal qui serre la queue, en signe de peur, de soumission, de désappointement (→ Bas, cit. 63).
6 a (V. 1670). Diminuer le volume de (un ensemble d'éléments en faisceau, etc.) en rapprochant les éléments et en les maintenant étroitement assemblés par un lien. || Serrer un fagot. ⇒ Attacher (supra cit. 1), lier. || Serrer une gerbe. — Au p. p. || Une gerbe (cit. 4) serrée dans un ruban vert pâle. ⇒ Entourer (de). — (1691). Mar. || Serrer une voile, la plier et l'assujettir le long de la vergue. ⇒ aussi Carguer. || Serrer les huniers (→ 1. Cape, cit. 6).
b (Déb. XVIe). Compl. n. de chose, désignant le lien. Appliquer plus étroitement, tendre avec force la bande, le lien, etc., qui entoure une chose, qui la maintient (→ 1. Mèche, cit. 5; nouer, cit. 1). || Serrer une corde avec un garrot. ⇒ Bander (supra cit. 4). || Serrer un corset. ⇒ Lacer. || Serrer un ceinturon. ⇒ Boucler (supra cit. 1). || Serrer sa ceinture d'un cran (cit. 5). — ☑ Loc. fam. Se serrer la ceinture. ⇒ Priver (se). — ☑ Serrer, tenir serrés les cordons de sa bourse : être très économe, peu généreux. — ☑ Fig., vx. Serrer le bouton (cit. 11) ou, mod., la bride à qqn (→ ci-dessous, 7. : serrer la vis). || Serrer un nœud, en réduire le volume en tirant sur ses extrémités, pour le rendre plus solide et plus difficile à défaire.
c (XIXe). Spécialt. Appliquer étroitement (un vêtement) contre le corps (→ 2. Enceinte, cit. 3). || Serrer un peignoir (cit. 4) autour de sa taille. — (Le sujet désigne le lien). || Une ceinture de cuir (cit. 6) serrait leur robe à la taille.
6 Serrant autour de lui son caban ciré, Bernard, penché en avant pour protéger son visage ruisselant, suivit lentement la longue allée.
A. Maurois, Bernard Quesnay, XXX.
d (Sujet n. de chose). Épouser étroitement la forme de…; tenir à l'étroit. || Un jersey (cit. 2) qui serrait son buste étroit. ⇒ Mouler (4.). || Chaussures qui serrent le pied. ⇒ Comprimer, gêner (infra cit. 2). — Se serrer la taille dans une ceinture de cuir. — ☑ Loc. fam. (vieilli; syn. mod. : se serrer la ceinture, ci-dessus). Se serrer le ventre : se priver, limiter ses dépenses.
7 Vous êtes seul, vous, vous pouvez vous serrer le ventre. Mais nous avons femme et enfants. Enfin, nous avons tout mis en gage (…)
Balzac, les Ressources de Quinola, III, 8.
7 (1690). Tourner, faire mouvoir (un élément mobile, un organe de fixation, un volant, une manette, etc.) de manière à rapprocher deux choses l'une de l'autre, à fixer une pièce, à mettre un dispositif en position fermée… || Serrer un frein (cit. 13). || Serrer les freins à bloc, à fond. ⇒ Bloquer. || Serrer un robinet, un joint. || Serrer un écrou (2. Écrou, cit. 1). || Serrer un boulon avec une clef (infra cit. 21), une vis avec un tournevis (⇒ aussi Visser). — Serrer la vis d'un pressoir.
♦ ☑ Loc. fig. (1889). Serrer la vis à qqn, le traiter avec sévérité, le mater. ⇒ Contraindre; → Dompter, cit. 4.
7.1 L'Amérique nous tient, elle serrera la vis à loisir, sous le regard de Nasser.
F. Mauriac, Bloc-notes 1952-1957, p. 283.
8 Aller tout près, tout contre. a (Escrime). Pousser en avant avec force. || Serrer la botte (à son adversaire) : avancer sur lui en le pressant vigoureusement. — ☑ Loc. fig. (vx). Serrer la botte à qqn au cours d'une discussion : le presser.
b (V. 1160). Milit., vieilli. || Serrer une place, une ville, l'entourer, l'isoler ou la presser. ⇒ Encercler.
c Pousser (qqn) contre un obstacle de manière à lui couper la retraite, à le gêner dans ses mouvements, ses manœuvres. || Serrer l'ennemi contre le fleuve. || Serrer qqn dans un coin. ⇒ Coincer, rencogner. — Véhicule qui serre un cycliste contre le trottoir. — Serrer de près un fuyard, le traquer, le talonner. ⇒ Poursuivre, presser (I., A., 4.). — ☑ Fig. Serrer de près : presser, attaquer avec mordant et vigueur dans une discussion.
8 (…) un grand soldat basané, qui la chatouillait, et la serrait de très près.
Aragon, les Beaux Quartiers, I, XXVII.
d Argot. Arrêter, incarcérer (→ Pincer, cit. 17).
♦ (1906). Dévaliser (qqn) en le serrant entre deux agresseurs, un complice le dépouillant (cf. Carco, in Cellard et Rey, qui emploie aussi serreur, n. m., dans ce sens).
e (1648). Longer, raser, passer au plus près de… ⇒ aussi Approcher (s'), frôler. || Voiture qui serre le trottoir. || Serrer sa droite (sa gauche) : marcher, conduire un véhicule en se tenant tout près du côté droit (gauche) de la route. — (T. de turf). || Serrer la corde (I., 3.). — (V. 1785). Mar. || Serrer la terre, s'en rapprocher autant qu'il est possible. — (1678). || Serrer le vent : naviguer au plus près. ⇒ Pincer (supra cit. 15).
f (1845). Abstrait. || Serrer de près : analyser, définir, exprimer avec précision. || Serrer de plus près une idée (→ Église, cit. 13). || Cette traduction ne serre pas le texte d'assez près.
1 (1876). Se rapprocher de…, venir tout contre. || Serrer à droite, sur sa droite.
2 Fam. Diminuer ses dépenses; compter.
8.1 L'hôtel me reviendrait trop cher : je ne suis pas riche, je dois serrer.
Hervé Bazin, Cri de la chouette, p. 35.
——————
se serrer v. pron.
1 (1845; « se tapir », 1538). Comprimer sa taille (dans un corset, une ceinture). || « Cette jeune fille s'abîme la santé à force de se serrer » (Littré).
♦ Fig., fam. Restreindre son train de vie, s'abstenir de toute dépense inutile.
2 (1553). Se mettre tout près de…, tout contre (qqn, qqch.). || Se serrer contre un mur. ⇒ Coller (se). || Se serrer contre qqn. ⇒ Blottir (se), pelotonner (se); → Appétit, cit. 26. — (1549). Se placer tout près les uns des autres. ⇒ Rapprocher (se); → Mouton, cit. 3. — Fig. || « À force de se serrer contre l'ennemi, les provinces se sont trouvées un peuple » (→ Préciser, cit. 2, Michelet).
9 (…) on occupait un bout seulement de la grande table, où l'on se serrait pour être plus ensemble.
Zola, Nana, VI.
3 (Sens réciproque indirect). ☑ Se serrer les coudes (supra cit. 7).
——————
serré, ée p. p. adj.
ÉTYM. (XIIe au sens 5., 6.).
1 Comprimé, contracté. || Avoir la gorge serrée. — Fam. || Avoir l'intestin serré : être constipé.
♦ Cœur serré de détresse (cit. 3), par l'angoisse. ⇒ Angoisser (→ Perler, cit. 2). — Absolt. ☑ Avoir le cœur (cit. 37) serré : avoir de la peine. ⇒ aussi Presser (vx, supra cit. 20).
♦ Plaque serrée (sur un châssis).
♦ Dents, mâchoires serrées. || Poings serrés.
2 Dont les éléments sont rapprochés. || Bouquet serré. — Nœud trop serré. — Freins serrés. || Écrou très serré.
3 (1662). Vx. Qui occupe une faible surface, un faible volume, qui est borné, gêné par des limites étroites. || Ville serrée entre la montagne et une rivière, dans le méandre d'un fleuve, à l'intérieur de ses remparts. ⇒ Enserrer. || Vallée profonde et serrée. ⇒ Étroit (1.), resserré.
10 (…) le sol est-il ingrat et stérile, ou le pays trop serré pour les habitants ?
Rousseau, Du contrat social, II, XI.
11 À l'autre bout, c'est Brest (…) fort, arsenal et bagne, canons et vaisseaux, armées et millions, la force de la France entassée au bout de la France : tout cela dans un port serré, où l'on étouffe entre deux montagnes chargées d'immenses constructions.
Michelet, Hist. de France, III.
4 a (1809). En parlant d'un vêtement. Qui s'applique étroitement sur le corps. ⇒ Collant (2.). || Veston serré à la taille. ⇒ Ajusté (→ Étriquer, cit. 5). || Tunique courte et serrée (→ 1. Franc, cit. 3).
12 (…) un membre de l'Institut en costume, habit boutonné, serré et pincé à la taille, maigre, sec, la démarche vive, la tournure jeune.
Hugo, Choses vues, I, 1847, « Visite à la Conciergerie ».
b (Personnes). || Un grand garçon (cit. 7) serré dans sa tunique. ⇒ Boudiner (fam.), brider, sangler (1.). || Femme serrée dans son corset (⇒ Corseter). — Momie égyptienne serrée dans ses bandelettes. ⇒ Emmailloter (→ Linceul, cit. 2).
5 (V. 1155). En parlant de personnes ou de choses qui sont placées tout près les unes des autres. || Ils sont serrés comme des harengs (cit. 4) dans votre salon. ⇒ Entasser (supra cit. 6), presser (supra cit. 19), tasser. || Une multitude de tombes serrées, accumulées, empiétant (cit. 3) les unes sur les autres. — En rangs serrés. — Serré entre des objets (→ En sandwich).
12.1 Le village, un gros village, un bourg, apparaissait à quelques centaines de mètres, serré autour de l'église, une église de briques rouges devenues noires avec le temps.
Maupassant, Clochette, in Contes et nouvelles, t. II, Pl., p. 851.
6 (V. 1112). Dont les éléments constitutifs sont très rapprochés et laissent peu de vide entre eux. ⇒ Compact, dense (supra cit. 1). || Duvet serré. ⇒ Épais; → Fourrure, cit. 7. || Herbe serrée. ⇒ Dru. || Pluie serrée. || Écriture (cit. 7) serrée, aux lettres très rapprochées. || Typographie serrée. || Tissu serré. || Filet, réseau serré (→ aussi Rets, cit. 2, fig.). — Milit. || Ordre (supra cit. 11) serré. || Grouper ses hommes en une masse serrée. ⇒ Masser (supra cit. 3). — Techn. || Bois serré et compact. ⇒ Plein (infra cit. 17).
13 — (…) As-tu vu que les grappes sont déjà massives et teintes en bleu, si serrées qu'une guêpe n'y entrerait pas ?
Colette, la Naissance du jour, p. 160.
♦ (1694). T. de manège. || Cheval serré du devant (du derrière), dont les pieds de devant (de derrière) sont trop rapprochés.
♦ (1973). Cin., télév. || Montage serré, obtenu par des coupures et des raccords sans transition du support d'enregistrement sonore ou visuel.
7 (1559). Abstrait. Qui dit beaucoup en peu de mots. ⇒ Concis. || Style serré (→ 1. Maille, cit. 7). || Un parler nerveux (cit. 2), court et serré. — D'une stricte exactitude, d'une précision minutieuse; qui ne laisse rien passer. ⇒ Précis, rigoureux (supra cit. 4). || Étude, traduction serrée. || Critique, discussion serrée d'une doctrine. — Une gestion financière plus serrée. ⇒ Pointu (fam.). || Contrôle serré.
14 Sa logique serrée autant que narquoise et de bonne humeur était persuasive.
Georges Lecomte, Ma traversée, p. 45.
♦ Par métonymie. || Un écrivain serré. ⇒ Concis. || Un logicien (cit. 3) serré. ⇒ Rigoureux. (Au propre et au fig.). || Un jeu serré : un jeu prudent, mené avec une constante vigilance (→ ci-dessous, 9. : jouer serré). — Une lutte, une partie serrée, difficile, acharnée, où les adversaires sont de force sensiblement égale. || Un match serré.
15 — (…) Tu ne comprends donc pas que nous jouons une partie serrée, et que, pour la gagner, nous ne devons nous relâcher sur aucun point ?
Gide, Robert, III, II, 1.
8 Fig. Embarrassé par les difficultés financières. ⇒ Étroit (supra cit. 8), gêné. || Une vie serrée et mesquine.
16 Le Seigneur Harpagon est (…) de tous les mortels le plus dur et le plus serré.
Molière, l'Avare, II, 4.
17 (…) elle s'inventa des courses ménagères ici et là (…) toutefois plus serrée de bourse qu'avant les événements d'août, comme si quelque chose en elle s'était un peu contracté.
Montherlant, les Lépreuses, I, I.
9 En fonction d'adverbe. a De manière serrée. || Un garrot qu'il noua serré (→ Bretelle, cit. 1). || Écrivez plus serré. || Semer serré.
b (1847). Fig., vieilli. || Il vivait petitement (cit. 2) et fort serré. ⇒ Chichement. — ☑ (Déb. XVIIe). Jouer serré : jouer avec prudence, réserve; agir sans se compromettre (→ ci-dessus, 7. : jeu serré). — Discuter serré, avec acharnement, pied à pied. ⇒ Ferme (1. Ferme, supra cit. 13).
18 Que veut dire ceci ? c'est un piège sans doute, jouons serré.
Stendhal, le Rouge et le Noir, I, XXIX.
19 Ton grand-père (…) portait le melon et le costume rayé, avec la chaîne de montre en argent sur le ventre (…) raconte Bojena (…) il était serré, presque pingre.
F. Mallet-Joris, le Jeu du souterrain, p. 158.
c (1559). Vx. Fortement. || Il gèle serré : il fait très froid. || Dormir serré, profondément. — Mentir serré, avec effronterie.
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CONTR. Relâcher. — Écarter, éclaircir, espacer. — Desserrer, ouvrir. — (Du p. p.) Large. — Ample. — Clairsemé, écarté. — Lâche.
DÉR. et COMP. Desserrer, enserrer, entre-serrer, resserrer. — Serrage, 1. serre, serrement, serreur, serrure.
HOM. — (De certaines formes du v.) Serre. — Formes du v. servir (par ex. : je serre et je sers).
Encyclopédie Universelle. 2012.