yeux → œil
● yeux nom masculin pluriel Ensemble des deux yeux considérés comme exprimant le caractère, les sentiments, etc. : Lire dans les yeux de quelqu'un. Vue : Avoir de bons yeux. Personne qui surveille, observe : Se méfier des yeux indiscrets. Petits cercles de graisse qui se forment à la surface d'un liquide gras : Les yeux du bouillon. ● yeux (expressions) nom masculin pluriel Aux yeux de quelqu'un, suivant sa manière de voir. Avoir les yeux gros, avoir les paupières gonflées par les larmes. Familier. Avoir les yeux plus grands (plus gros) que le ventre, se servir d'aliments, d'un plat plus qu'on ne peut en manger ; s'exagérer ses capacités. Avoir les yeux sur quelqu'un, quelque chose, les surveiller attentivement. Caresser, couver, dévorer, manger des yeux, regarder avec avidité, avec un intérêt passionné. Familier. Entre quatre yeux (entre quat-z-yeux), en particulier, en tête à tête. Familier. Être tout yeux, regarder très attentivement. Faire les doux yeux, les yeux doux à quelqu'un, regarder tendrement, amoureusement, chercher à séduire. Faire les gros yeux, regarder avec sévérité. Fermer les yeux à quelqu'un, de quelqu'un, l'assister à sa dernière heure. Fermer les yeux à quelque chose, se refuser à le croire, à l'admettre, en dépit des preuves qui l'établissent : Fermer les yeux à l'évidence. Fermer les yeux sur quelque chose, faire semblant de ne pas s'en apercevoir. Jeter les yeux sur quelque chose, quelqu'un, songer à prendre, à acheter quelque chose, convoiter quelque chose ou quelqu'un. Les yeux dans les yeux, en se regardant avec franchise ou tendresse. Les yeux fermés, en toute confiance, sans examen. Lever les yeux sur quelque chose, sur quelqu'un, les désirer, les convoiter. Mettre quelque chose sous les yeux de quelqu'un, le lui montrer avec l'idée de le confondre ou de lui faire connaître une réalité désagréable. N'avoir d'yeux que pour quelqu'un, avoir pour lui un attachement exclusif. N'avoir plus que ses yeux pour pleurer, avoir tout perdu. Familier. Ne pas avoir les yeux dans sa poche, être très observateur, très curieux, indiscret. Ne pas avoir les yeux en face des trous, ne pas avoir une vision nette. Ouvrir de grands yeux, les écarquiller ; être très étonné. Ouvrir les yeux à quelqu'un (sur quelque chose), lui donner des informations sur ce qu'on lui cachait. Pour les beaux yeux de quelqu'un, gratuitement, pour rien. Regarder quelqu'un dans les yeux, dans le blanc (le fond) des yeux, droit dans les yeux, le regarder bien en face pour dissiper toute équivoque. Familier. Sortir par les yeux, se dit de quelque chose dont on est rassasié jusqu'au dégoût. Sous les yeux, devant les yeux de quelqu'un, en sa présence. Voir avec les yeux de la foi, de l'amour, considérer avec des sentiments que la foi, l'amour inspirent et qui cachent une part de la réalité. Voir avec les yeux de quelqu'un, former ses jugements sur les siens. ● yeux nom masculin pluriel Pluriel de œil. ● œil, yeux nom masculin (latin oculus) Organe pair de la vue, formé, chez les mammifères, du globe oculaire et de ses annexes (paupières, cils, glandes lacrymales, etc.) : La prunelle de l'œil. Cet organe considéré du point de vue de son aspect, de sa forme et en particulier l'iris pour sa couleur : Avoir les yeux bleus. Cet organe considéré comme l'expression du caractère, du sentiment ; regard : Il a l'œil vif. Regard attentif, surveillance, vigilance : Rien n'échappe à l'œil de la mère. Manière de voir, de comprendre, d'interpréter, etc. : Regarder les événements d'un œil froid. Agroalimentaire Synonyme de ouverture. Armement (pluriel œils) Ouverture ménagée dans un obus pour y introduire la charge d'éclatement et visser la fusée. Horticulture Point végétatif situé à l'aisselle d'une feuille et pouvant évoluer l'année même en rameau ou en bouton à fleur. Dépression en couronne laissée par les traces du calice au sommet des fruits des pomacées (pommes, poires). Petite cavité sur le tubercule de pomme de terre, d'où sortira un bourgeon. Imprimerie (pluriel œils) Partie du caractère représentant le dessin de la lettre reproduit à l'impression sur le papier pendant le tirage. Marine (pluriel œils) Boucle formée à l'extrémité d'un filin. Outillage (pluriel œils) Trou pratiqué dans la tête d'un marteau pour y fixer le manche. Technique (pluriel œils) Judas optique. Théâtre Trou pratiqué dans le rideau d'un théâtre et permettant de regarder la salle depuis la scène. Viticulture Bourgeon de vigne laissé lors de la taille. ● œil, yeux (citations) nom masculin (latin oculus) Auguste Angellier 1848-1911 Les caresses des yeux sont les plus adorables. À l'amie perdue Chailley Jean Anouilh Bordeaux 1910-Lausanne 1987 […] J'aurai beau tricher et fermer les yeux de toutes mes forces… Il y aura toujours un chien perdu quelque part qui m'empêchera d'être heureuse… La Sauvage, III, Thérèse La Table Ronde Guillaume Apollinaire de Kostrowitzky, dit Guillaume Apollinaire Rome 1880-Paris 1918 Le pré est vénéneux mais joli en automne Les vaches y paissant Lentement s'empoisonnent Le colchique couleur de cerne et de lilas Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-là Violâtres comme leur cerne et comme cet automne Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne. Alcools, les Colchiques Gallimard Hans Arp ou Jean Arp Strasbourg 1887-Bâle 1966 Si quelqu'un a des oreilles, qu'il voie, si quelqu'un a des yeux, qu'il entende. Jours effeuillés Gallimard Samuel Beckett Foxrock, près de Dublin, 1906-Paris 1989 N'importe quel imbécile peut fermer l'œil, mais qui sait ce que voit l'autruche dans le sable. Murphy Éditions de Minuit Yves Bonnefoy Tours 1923 Il y a des yeux grands ouverts au secret des yeux fermés. L'Improbable Mercure de France André Breton Tinchebray, Orne, 1896-Paris 1966 L'œil existe à l'état sauvage. Le Surréalisme et la Peinture Gallimard Frédéric Sauser, dit Blaise Cendrars La Chaux-de-Fonds 1887-Paris 1961 Si l'on a baptisé Jules Renard « l'œil », j'appellerai Picasso le « regard ». Aujourd'hui Grasset Pierre Corneille Rouen 1606-Paris 1684 Sur mes pareils, Néarque, un bel œil est bien fort. Polyeucte, I, 1, Polyeucte Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 Je suis plus sûr de mon jugement que de mes yeux. Pensées philosophiques Jean-Baptiste Louis Gresset Amiens 1709-Amiens 1777 […] Elle a d'assez beaux yeux… Pour des yeux de province. Le Méchant Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 L'œil était dans la tombe et regardait Caïn. La Légende des siècles, la Conscience Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Mais enfin je l'ai vu, vu de mes yeux, vous dis-je ! Fables, le Dépositaire infidèle Jean de La Fontaine Château-Thierry 1621-Paris 1695 Il n'est, pour voir, que l'œil du maître. Fables, l'Œil du maître Maurice Maeterlinck Gand 1862-Nice 1949 Allez où vos yeux vous mènent, Dieu les fermera demain. Treize Chansons de l'âge mûr Fasquelle Jean-Baptiste Poquelin, dit Molière Paris 1622-Paris 1673 Je l'ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu, Ce qu'on appelle vu […]. Le Tartuffe, V, 3, Orgon Germain Nouveau Pourrières 1851-Pourrières 1920 Le jour est moins charmant que les yeux de la nuit. La Doctrine de l'amour Gallimard Pablo Ruiz Picasso Málaga 1881-Mougins 1973 On devrait crever les yeux aux peintres comme l'on fait aux chardonnerets pour qu'ils chantent mieux. Conversations avec Christian Zervos, 1935 in Cahiers d'art Jean Racine La Ferté-Milon 1639-Paris 1699 Seigneur, l'amour toujours n'attend pas la raison. N'en doutez point, il l'aime. Instruits par tant de charmes, Ses yeux sont déjà faits à l'usage des larmes. Britannicus, II, 2, Narcisse René François Armand Prudhomme, dit Sully Prudhomme Paris 1839-Châtenay-Malabry 1907 Académie française, 1881 Bleus ou noirs, tous aimés, tous beaux, Des yeux sans nombre ont vu l'aurore. Stances et poèmes, le Vase brisé Lemerre Bible Tu donneras vie pour vie, œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied, brûlure pour brûlure, meurtrissure pour meurtrissure, plaie pour plaie. Ancien Testament, Exode XXI, 23-25 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Écoutez donc ceci, peuple stupide et irréfléchi : avec leurs yeux, ils ne voient rien, avec leurs oreilles, ils n'entendent rien ! Ancien Testament, Jérémie V, 21 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Si un homme blesse un compatriote, comme il a fait on lui fera : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent. Tel le dommage que l'on inflige à un homme, tel celui que l'on subit. Ancien Testament, Lévitique XXIV, 19-20 Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». Bible Elles ont une bouche et ne parlent pas, elles ont des yeux et ne voient pas, elles ont des oreilles et n'entendent pas. Ancien Testament, Psaumes CXV, 5-6 les idoles Commentaire Citation empruntée à la « Bible de Jérusalem ». ● œil, yeux (difficultés) nom masculin (latin oculus) Orthographe Le pluriel normal de œil est yeux , sauf dans quelques cas. 1. Dans les mots composés : des œils-de-bœuf, des œils-de-chat, des œils-de-perdrix, des œils-de-pie, des œils-de-tigre, etc. 2. Employé comme terme technique, au sens de « trou, ouverture » : des œils épissés ; les œils des meules, des caractères d'imprimerie. 3. Clin d'œil → clin. 4. L'expression familière entre quat'z-yeux est en général orthographiée ainsi, telle qu'elle est prononcée. Emploi Avoir l'œil sur qqn = le surveiller. Avoir les yeux sur qqn = avoir les yeux fixés sur lui, le regarder attentivement. ● œil, yeux (expressions) nom masculin (latin oculus) Familier. À l'œil, gratuitement, pour rien : J'ai eu trois places de théâtre à l'œil. À l'œil nu, par la vue seule, sans l'aide d'un instrument d'optique. À vue d'œil, autant qu'on en peut juger par la vue seule : À vue d'œil, la maison est à trois cents mètres ; très rapidement et d'une façon très sensible : Un enfant qui grandit à vue d'œil. Avoir le coup d'œil, avoir le jugement sûr et rapide, l'évaluation exacte. Avoir l'œil (à tout), être attentif, tout remarquer. Avoir l'œil sur quelqu'un, avoir quelqu'un à l'œil, le surveiller étroitement. Familier. Avoir un œil à Paris et l'autre à Pontoise, avoir un œil qui dit zut, qui dit merde à l'autre (dans la langue populaire), loucher fortement. Coup d'œil, regard, examen rapide : Jeter un coup d'œil sur un livre ; aspect, vue, spectacle : De la terrasse, le coup d'œil était magnifique. Familier. Faire de l'œil à quelqu'un, cligner de l'œil dans sa direction en signe de connivence ou pour l'aguicher. Familier. Jeter un œil sur quelque chose, y jeter un regard rapide. Mauvais œil, influence maléfique. Familier. Mon œil !, marque le doute, le refus. Ne pas (pouvoir) fermer l'œil (de la nuit), ne pas (pouvoir) dormir. Ne voir que d'un œil, voir superficiellement ou d'un point de vue particulier. Familier. Ouvrir l'œil, ouvrir l'œil et le bon, surveiller ce qui se passe ; se montrer vigilant, prêt à toute éventualité. Sous l'œil de, sous la surveillance de. Voir quelque chose d'un bon œil, d'un mauvais œil, de façon favorable, défavorable. L'œil du maître, vigilance de celui à qui rien n'échappe. Œil dormant, œil qui ne se développe qu'au printemps suivant la greffe. Œil poussant, œil qui se développe immédiatement après la greffe estivale en écusson. Taille à deux, à trois yeux, taille d'un arbre fruitier dans laquelle on conserve deux, trois bourgeons sur le rameau coupé. Œil de verre ou œil artificiel, imitation de l'œil, en verre ou en émail, qu'on met à la place d'un œil énucléé. Œil d'un cyclone, partie centrale d'un cyclone tropical, constituant une zone (temporaire) de calme. Œil électrique, cellule photoélectrique servant à la commande de dispositifs automatiques. Œil latent, bourgeon du vieux bois qui donne naissance à un gourmand. Œil pinéal, chez certains agnathes, poissons (chondrostéens) et reptiles (hattéria, lézards), organe photosensible impair issu d'une évagination de l'épiphyse. ● œil, yeux (synonymes) nom masculin (latin oculus) Médecine. Œil de verre ou œil artificiel
Synonymes :
- prothèse oculaire
Synonymes :
- Agroalimentaire. ouverture
oeil plur. yeux
n. m.
rI./r
d1./d Organe de la vue (le globe oculaire: iris, pupille, etc.; les paupières). Avoir les yeux bleus, noirs.
— Fig. et prov. (Allus. biblique.) OEil pour oeil, dent pour dent, formule de la loi du talion.
— Avoir de bons yeux, une bonne vue.
— Loc. fig. Avoir bon pied, bon oeil: être en bonne santé.
— Faire les gros yeux à qqn, le regarder d'un air sévère.
d2./d Ouvrir, fermer les yeux, les paupières. Ouvrir des yeux ronds (sous l'effet de la surprise).
— Fig. Ouvrir (ou avoir) l'oeil: être très attentif.
— Fig. Ouvrir les yeux à qqn, faire en sorte qu'il se rende à l'évidence.
|| Fig. Fermer les yeux sur une chose, faire semblant, par complicité, par indulgence ou par lâcheté, de ne pas la voir.
|| Cligner de l'oeil, des yeux. Faire un clin d'oeil à qqn.
d3./d Regard. Jeter un oeil sur qqch, l'examiner rapidement. L'oeil du maître.
— Fam. Faire de l'oeil à (qqn): cligner de l'oeil avec un regard appuyé pour exprimer une invite amoureuse.
— Fam. Taper dans l'oeil de qqn ou (Belgique) tomber dans l'oeil de qqn: plaire vivement à qqn.
— Sous les yeux de qqn: à sa vue; juste devant lui.
— Cela saute aux yeux, crève les yeux: cela est d'une évidence criante.
— Visible à l'oeil nu, sans l'aide d'un instrument d'optique.
|| Coup d'oeil: regard rapide.
|| Mauvais oeil: regard qui est censé porter malheur, faculté de porter malheur; malédiction, acharnement du sort. Conjurer le mauvais oeil.
d4./d Loc. fig. Coûter les yeux de la tête: coûter excessivement cher.
— Tourner de l'oeil: s'évanouir.
|| Loc. adv. à l'oeil: gratuitement.
d5./d (En tant qu'indice des qualités de l'âme, du caractère.) L'oeil mauvais, fourbe, etc.
|| Disposition, état d'esprit. Voir qqn, qqch, d'un bon oeil, d'un mauvais oeil: considérer qqn, qqch, favorablement, défavorablement.
rII./r Par anal. (de fonction).
d1./d OEil de verre: oeil artificiel en verre ou en émail qui remplace, dans l'orbite, un oeil perdu.
d2./d OEil électrique: cellule photoélectrique.
rIII/r Par anal. (de forme).
d1./d TECH (Plur. oeils). Ouverture, trou, sur divers articles ou instruments.
— L'oeil d'une aiguille, son chas.
— OEil d'une roue, par lequel passe son axe.
— OEil d'un marteau, dans lequel on fixe le manche.
d2./d Bulle de graisse qui nage à la surface d'un bouillon.
d3./d ARBOR Bouton, bourgeon.
Encycl. Anat. - L'oeil humain est un organe irrégulièrement sphérique, de 2 à 3 cm de diamètre, qui pèse de 7 à 8 g. Calé dans l'orbite par un coussinet adipeux, il est fixé à l'os par 6 muscles moteurs. L'oeil est formé de 3 enveloppes (de l'extérieur vers l'intérieur): la sclérotique, la choroïde et la rétine. La sclérotique (le "blanc" de l'oeil), cartilagineuse, devient transparente à la partie antérieure de l'oeil, formant la cornée. Derrière, la choroïde se prolonge par les procès ciliaires et l' iris, qui limite la pupille, ouverture à diamètre variable, derrière laquelle se trouve une lentille biconvexe, le cristallin. La rétine, seule membrane sensible aux rayons lumineux, contient les cellules visuelles à cônes et à bâtonnets (V. encycl. vision). On distingue sur la rétine: la tache jaune, où se forment le plus nettement les images, et le point aveugle, où s'épanouit le nerf optique et qui est insensible aux rayons lumineux. Entre la cornée et le cristallin se trouve un liquide, l' humeur aqueuse et, à l'intérieur de l'oeil, l' humeur vitrée. Princ. anomalies de l'oeil: courbure défectueuse du cristallin ou de la rétine (hypermétropie, presbytie, astigmatisme); anomalie chromatique (daltonisme).
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yeux
n. m. pl. V. oeil.
⇒OEIL, YEUX, subst. masc.
I. —[L'oeil en tant qu'organe de la vue] Le globe oculaire et les divers milieux qu'il enferme constituant l'appareil optique de l'homme et de nombreux animaux.
A. —[L'oeil tel qu'il voit; anat., pathol., physiol. de l'oeil] J'ai un peu mal aux yeux; c'est une maladie courante et très peu de chose (NAPOLÉON Ier, Lettres Joséph., 1805, p.104). Sire Maurice, je ne vous voyais pas; excusez-moi, j'avais le soleil dans les yeux (MUSSET, Lorenzaccio, 1834, I, 4, p.107):
• 1. Ce souci singulier de vouloir observer ce qui observe et imaginer ce qui imagine, n'est pas sans quelque naïveté: il fait songer à ces vieilles gravures sur bois, comme on en trouve dans la Dioptrique de Descartes, qui expliquent le phénomène de la vision par un petit homme posté derrière un gros oeil, et occupé à regarder l'image qui se forme sur la rétine.
VALÉRY, Variété IV, 1938, p.214.
SYNT. OEil droit, gauche; yeux dilatés, faibles, fatigués, malades; oeil humide, mouillé, sec; yeux composés, à facettes (chez certains animaux); le blanc, le globe de l'oeil; l'angle externe, interne de l'oeil; l'accommodation, la convergence des yeux; inflammation, lésion de l'oeil; maladies, troubles des yeux; avoir une poussière dans l'oeil; s'essuyer, se frotter les yeux; se faire examiner, soigner les yeux; ne voir que d'un oeil, perdre un oeil (devenir borgne), les deux yeux (devenir aveugle); avoir de bons yeux.
♦Se casser, se crever les yeux. Regarder des objets, lire des signes, des caractères trop petits ou peu visibles en raison de la lumière insuffisante. (Dict. XXe s.).
♦Avoir une coquetterie dans l'oeil; avoir un oeil qui dit merde (vulg.)/zut (fam.) à l'autre. Loucher. V. coquetterie B 1 a ex. de Pagnol et ARAGON, Beaux quart., 1936, p.366.
B. —[L'oeil, tel qu'il est vu: forme, éclat, couleur, expression de l'oeil] Même, il s'était promené déjà avec son successeur, un abbé maigre, aux yeux de braise rouge (ZOLA, Germinal, 1885, p.1361). Les lèvres closes, ses yeux riaient d'un rire d'enfant (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p.93):
• 2. Les gens ordinaires ne connaissent pas ce repos qu'on éprouve à fixer les yeux blancs d'un aveugle, les yeux vagues d'une fille, comme on ferait des aveux à un sourd, ou rarement, les yeux des hommes qui partagent vos secrets.
NIZAN, Conspir., 1938, p.204.
SYNT. Yeux beaux, énormes, grands, gros, jolis, splendides; yeux bridés, globuleux, ronds, à fleur de tête, en vrille; yeux battus, bouffis, boursouflés, caves, cernés, creux, enfoncés, fiévreux, gonflés, morts, plissés, pochés; le mouvement des yeux; baisser, lever les yeux; écarquiller les yeux, faire de gros yeux, rouler les yeux; fards, crayon pour les yeux, se farder les yeux; couleur, nuances, teinte des yeux; yeux bleu d'azur, de braise, bruns, clairs, foncés, glauques, gris, de jais, jaunes, marrons, noisette, pers, rouges, rougis, vairons; l'éclat, la pureté de l'oeil; oeil ardent, brillant, éteint, étincelant, illuminé, morne, pâle, terne, vif, voilé; l'oeil brille, étincelle; yeux bons, calmes, coquins, durs, égarés, étonnés, fins, froids, fous, ingénus, inquiets, intelligents, malins, mauvais, méchants, narquois, profonds, rieurs, tendres, terribles, tristes.
— [L'oeil de l'homme comparé à celui d'un animal] OEil de biche, de carpe, de chien (battu, fidèle), de gazelle, de hibou, de lynx, de veau; yeux bovins; avoir des yeux de chat (voir dans l'obscurité). Son oeil d'aigle voyait tout à la fois. Il possédait la présence d'esprit, la mémoire, la connaissance des hommes, le sens des foules (A. FRANCE, Vie fleur, 1922, p.341). Gise n'avait pas bougé. Dans son visage bistre, ses grands yeux noirs et ronds, ses beaux yeux de chien fidèle, luisaient d'un tendre éclat qu'avivait la stupeur (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p.1286).
♦Fam. Les yeux bordés d'anchois (aux paupières rougies); oeil au beurre noir (poché); yeux en boules de loto (gros et saillants); yeux de merlan frit (regards énamourés). François s'emporta contre elle, la traita de garce et de bonne à rien, et il appuyait ses injures de coups de poing et de coups de pied. Elle rentra avec un oeil poché. Elle expliqua qu'elle avait buté dans un caillou et s'était flanquée par terre (QUEFFÉLEC, Recteur, 1944, p.168).
C. —[L'oeil et la lumière]
♦Ouvrir, rouvrir les yeux; j'ouvre les yeux (je m'éveille); (avoir, tenir) les yeux ouverts, grand ouverts; ouvrir de grands yeux (par surprise, par étonnement). Ses yeux s'ouvrirent, et la prunelle disparut sous la paupière (SUE, Atar-Gull, 1831, p.36).
♦Fermer les yeux; les yeux clos, mi-clos; fermer un oeil (pour viser); ses yeux se ferment (s'endormir); ciller, cligner les deux yeux, plisser les yeux; clignement d'yeux; yeux papillotants; ne pas fermer l'oeil (de la nuit) (ne pas dormir):
• 3. L'auberge et les environs ne retentissaient que de chants lubriques: il ne nous fut pas possible de fermer l'oeil.
DUSAULX, Voy. Barège, t.1, 1796, p.336.
♦En un clin d'oeil (v. infra II A à vue d'oeil). Rapidement, sur le champ. Aussitôt les grenouilles reparurent en plus grand nombre que jamais, sautillant et coassant; en un clin d'oeil la terre en fut couverte (GAUTIER, Rom. momie, 1858, p.332).
— P. méton. ou au fig.
1. [L'oeil ouvert à la lumière, image de naissance et de connaissance]
♦Ouvrir les yeux au jour, à la lumière, au monde. Naître. Qu'on ne s'étonne donc pas de voir une nation qui, à peine, ouvre les yeux à la lumière, se tourner vers la constitution d'Angleterre, et vouloir la prendre pour modèle en tout (SIEYÈS, Tiers état, 1789, p.61).
♦Ouvrir l'oeil (et le bon). Être vigilant. Mon colon, v'là l'moment d'ouvrir l'oeil et le bon, et de faire attention au mouvement (COURTELINE, Train 8 h. 47, 1888, 2e part., III, p.124).
♦Ouvrir les yeux de qqn. Lui faire découvrir la vérité. Madeleine: Ces derniers mois, quel cauchemar! J'ai tenté l'impossible pour vous ouvrir les yeux. Vous ne vouliez rien voir, rien entendre (COCTEAU, Parents, 1938, II, 9, p.251).
2. [L'oeil fermé à la lumière image de la mort, de l'ignorance, de la confiance (aveugle)]
♦Fermer les yeux à la lumière. Mourir. Ainsi, prêt à fermer mes yeux à la lumière, Nul espoir ne viendra consoler ma paupière: Mon ame aura passé sans guide et sans flambeau De la nuit d'ici-bas dans la nuit du tombeau (LAMART., Médit., 1820, p.179).
♦Fermer les yeux (à qqc.), (sur qqc.). Ignorer ou feindre l'ignorance. Nos officiers fermaient les yeux, ils savaient que pour des choses qui tiennent au coeur, des Français ne se laissent pas commander (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t.2, 1870, p.116).
♦Aller les yeux fermés. Sans hésitation, comme par automatisme. Si Agathe ne peut pas vous donner cette adresse, me cria un caporal, il faudra que vous alliez la demander à mon lieutenant, qui pourrait y aller les yeux fermés (JANIN, Âne mort, 1829, p.141).
♦(Faire qqc.) les yeux fermés. En toute confiance. Aussi vais-je de ce pas à Melun, où des fermiers que j'y connais m'achèteront les Bordières les yeux fermés (BALZAC, U. Mirouët, 1841, p.202).
II. —[L'oeil en tant que regard]
A. —[L'oeil dans son action et sa fonction de voir]
♦Voir de ses yeux, de ses propres yeux, du coin de l'oeil; invisible à l'oeil; regarder qqn (les yeux) dans les yeux, dans le blanc des yeux, entre deux yeux; baisser, lever, relever les yeux vers; avoir les yeux dans le vague; se dérober aux yeux de qqn. Chercher, suivre qqn des yeux, jeter les yeux sur, diriger, tourner ses yeux vers, sur; promener ses yeux, porter, arrêter, fixer ses yeux sur, mes yeux tombèrent sur; les yeux à terre; éviter les yeux de qqn; (ne pas) quitter des yeux; boire des yeux, couver des yeux; dévorer, manger des yeux; (dé)tourner ses yeux; cacher, exhiber une chose aux yeux de qqn; avoir devant, sous les yeux; mettre une chose devant, sous les yeux de qqn; parcourir des yeux; sous l'oeil de; les yeux dans les yeux (en se regardant en face, avec franchise). Cependant sa maladie augmentait à vue d'oeil (RESTIF DE LA BRET., M. Nicolas, 1796, p.212). Toutefois, quand ses yeux s'arrêtèrent sur la page des annonces, ils se mirent à briller (MONTHERL., Célibataires, 1934, p.836).
♦À l'oeil nu. Directement, sans le recours à des verres grossissants:
• 4. Faisait-il beau? Notre père, excité par les étoiles, se lançait dans la cosmographie. Sirius, qui fut Sothis, Bételgeuse, les Rois mages, Proxima du Centaure, que l'on ne voit pas à l'oeil nu, mais qui semble être notre voisine immédiate, Vénus et quelques autres clous du ciel me percent depuis lors la sclérotique, avec la même familiarité dont usaient les hibous pour nous percer le tympan.
H. BAZIN, Vipère, 1948, p.109.
♦Entre quat'z'yeux (fam.). En privé. Présentement je m'amuse beaucoup, étant en train d'éreinter mon petit ami Sainte-Beuve dans le silence du cabinet et entre quatre z'yeux (FLAUB., Corresp., 1862, p.310).
— Proverbes
♦Avoir des yeux pour ne pas voir. Ne rien voir (volontairement ou non).
♦Loin des yeux, loin du coeur. L'éloignement distend les liens affectifs.
— Coup d'oeil
♦Regard furtif, rapide. Un coup d'oeil circulaire, furtif, général, inquiet, observateur, pénétrant, rapide, satisfait, soupçonneux; échanger un coup d'oeil amusé; jeter, lancer un coup d'oeil; il jeta un coup d'oeil autour de lui; jeter un dernier coup d'oeil; d'un seul coup d'oeil, au, du premier, dès le premier coup d'oeil; (donner) un dernier coup d'oeil; doué d'un coup d'oeil infaillible; coup d'oeil juste, sûr; coup d'oeil professionnel; avoir le, du coup d'oeil (avoir la faculté de voir vite et bien). «D'un coup d'oeil», tout un ensemble complexe de notions est appréhendé concrètement (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p.57):
• 5. Elle sortit lentement, regardant sa bourse avec regret, jetant un coup d'oeil satisfait sur ma psyché, puis un autre sur moi-même qui s'efforçait d'être méprisant, qui n'était rien, pas même colère: la colère est la dernière des vertus qui veulent du coeur.
JANIN, Âne mort, 1829, p.63.
♦Spectacle de la nature beau à voir, généralement contemplé d'un lieu en surplomb. Montrer un coup d'oeil ravissant, un beau coup d'oeil; coup d'oeil féérique. Le coup d'oeil du Prado est réellement un des plus animés qui se puissent voir, et c'est une des plus belles promenades du monde (GAUTIER, Tra los montes, 1843, p.90):
• 6. ... là un brouillard épais nous a surpris, et je tremblais que cette ascension ne fût encore inutile, lorsque après avoir gravi jusqu'au sommet, nous avons eu le coup d'oeil immense et magique des montagnes du Marboré couvertes de neige dans toute leur étendue...
MAINE DE BIRAN, Journal, 1816, p.171.
B. —[L'oeil foyer de l'activité mentale]
1. [L'oeil instrument d'observation] Attirer, captiver, fasciner, frapper, retenir l'oeil; ne pas quitter de l'oeil; avoir des yeux pour voir (être un observateur attentif); ne pas avoir les yeux dans sa poche (ne rien laisser échapper de son observation); arrêter les yeux à qqn (retenir son attention); tirer l'oeil (attirer l'attention); au doigt et à l'oeil (en observant strictement les ordres donnés); l'oeil aux aguets; avoir l'oeil à, dessus, sur; avoir, tenir à l'oeil; ne dormir que d'un oeil; où avez-vous les yeux? n'avoir pas les yeux en face des trous (fam., voir mal, ne pas être bien réveillé); sous l'oeil de; l'oeil de l'observateur. Avant que nous eussions pénétré dans la péninsule, des hommes habiles nous avaient fait toucher au doigt et à l'oeil les impossibilités dont nous allions être murés et dans l'enceinte desquelles, ainsi que dans un amphithéâtre, nous serions exposés aux assauts de toutes les calamités (CHATEAUBR., Mém., t.3, 1848, p.249). Nigaud... Nigaud... ça t'étonne, hein? Eh bien je l'ai vu, de mes yeux vu: ce sont les Ricains qui ravitaillent l'Allemagne en essence! (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p.204):
• 7. Fritz, voyant que tout le monde l'observait, comprit l'imprudence qu'il venait de commettre. Le vieux rebbe David surtout ne le quittait pas de l'oeil, et semblait vouloir lire au fond de son âme.
ERCKM.-CHATR., Ami Fritz, 1864, p.149.
♦L'oeil du maître. [P. allus à la fable de La Fontaine IV-21] La surveillance efficace du maître.
♦L'oeil de Moscou. L'espion qui observe et communique ses informations:
• 8. Tout parent préoccupé de l'éducation de son enfant devrait: —s'adresser aux associations de parents d'élèves: leurs délégués sont d'excellents mentors, «L'oeil de Moscou» dans les conseils de classe, les commissions d'appel, les commissions d'affectation.
Madame Figaro, 7 mai 1983, p.49.
♦Avoir l'oeil américain. Être vigilant et perspicace. J'ai vu ça, moi, du premier coup en entrant. J'ai l'oeil américain (FLAUB., Mme Bovary, t.2, 1857, p.101).
♦Être tout yeux (tout oreilles). Être très attentif (aux propos de quelqu'un). À l'endroit le plus éclairé de la classe, Roubaud a disposé deux cercles de chaises; au centre de chacun, une sellette. Que va-t-on poser là-dessus? Nous sommes tout yeux. L'examinateur factotum disparaît et revient porteur de deux cruches de verre à anse (COLETTE, Cl. école, 1900, p.210).
— Loc. proverbiale. Deux yeux valent mieux qu'un (LITTRÉ).
2. [L'oeil instrument de jugement] Connaître de ses yeux, par, de ses propres yeux; se boucher les yeux; jeter de la poudre aux yeux; dessiller les yeux de qqn; oeil critique, exercé, expérimenté; d'un bon, d'un mauvais oeil (voir); avoir un bandeau sur les yeux; crever les yeux, parler aux yeux, sauter aux yeux; ne pas en croire ses yeux; se mettre le doigt dans l'oeil (pop., commettre une erreur); voir avec les yeux de la foi; les yeux de l'esprit, l'oeil de Dieu. En voilà un qui s'est mis le doigt dans l'oeil, s'il a cru nous épater avec son rôtissage (ZOLA, Nana, 1880, p.1423). Il aurait vu d'un bon oeil l'avenir d'Agélina assuré par le mariage et, du même coup, comme il prenait de l'âge, le fort des travaux de la terre retomber sur les épaules d'un gendre vigoureux et vaillant (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p.28). Ça saute aux yeux qu'ils ont eu raison d'agir comme ils l'ont fait! dit Henri (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p.251):
• 9. On retrouve partout ces habitudes de faire tout avec apparat, ce besoin de jeter de la poudre aux yeux, que l'on déguise sous le nom de bienséance, de décence, de décorum.
DELÉCLUZE, Journal, 1827, p.398.
♦Avoir le compas dans l'oeil (fam.). Apprécier avec exactitude. V. compas B 2 b.
— Proverbe. Voir la paille dans l'oeil du voisin et ne pas voir la poutre dans le sien (P.allus. à l'Évangile selon saint Luc VI, 41).
— Aux yeux de. Au jugement de. Aux yeux du monde, du public, de la raison, du sage, de tous; à ses propres yeux, aux yeux d'autrui. Flagorneries abjectes et stupides qui nous dégradent et nous avilissent aux yeux des étrangers! (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.303). En somme le phénomène plaisir était sauvé aux yeux de la raison, par des arguments de finalité jadis, assez solides (VALÉRY, Variété IV, 1938, p.243).
Mon oeil! (pop., exclam. iron. d'incrédulité). Tu veux repartir en vadrouille!... —Où ça? dans le fond des mers?... —Fond des mers!... Fond des mers!... Mon oeil!... (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p.522).
♦P. méton. [L'oeil est la personne qui observe ou qui juge]:
• 10. Victor Hugo aveugle, un oeil sévère fermé à jamais, cela plaisait aux hontes du temps présent.
HUGO, Corresp., 1865, p.510.
3. [L'oeil miroir de l'âme] Un oeil attendri, hagard, inquiet, ironique, jaloux, langoureux, provocant, ravi, suppliant; le langage des yeux; les yeux de l'âme, de l'esprit; oeil de défi, d'envie, de mépris, de pitié; lire dans les yeux de qqn; se parler des yeux, avec les yeux; avoir la larme à l'oeil; voir d'un oeil sec. L'imagination est l'oeil de l'âme (JOUBERT, Pensées, t.1, 1824, p.158). Car Grazia lui apportait en dot le trésor le plus rare, que jamais Olivier n'avait possédé: la joie. La joie de l'âme et des yeux. La lumière (ROLLAND, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1461). J'ai renversé sa tête pour lire dans ses yeux (SAINT-EXUP., Citad., 1944, p.559):
• 11. Baisse un peu l'abat-jour, veux-tu?
Nous serons mieux.
C'est dans l'ombre que les coeurs causent,
Et l'on voit beaucoup mieux les yeux...
GÉRALDY, Toi et Moi, 1913, p.27.
♦Faire les gros yeux à qqn (fam.). Regarder avec sévérité, adresser des regards de réprobation. Beau Rubens:Jésus-Christ donne les clefs à saint Pierre. Saint Pierre reçoit comme un mendiant; derrière est un homme qui fait les gros yeux au spectateur, comme dans la Flagellation (MICHELET, Journal, 1832, p.105).
♦Les yeux lui sortent de la tête. Être très en colère; être dans un état de forte excitation. Mais ce soir les yeux leur sortent de la tête parce que c'est un Français qui a repris la tête du classement (MONTHERL., Célibataires, 1934, p.836).
♦Faire de l'oeil (fam.), des clins d'oeil à qqn; faire les doux yeux, les yeux doux, des yeux en velours; (avoir) des yeux en coulisses (v. oeillade). Adresser des regards amoureux. Mme de Flahaut fait quand elle veut des yeux de velours (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1811, p.62). Dis donc! Le forgeron te fait de l'oeil, s'écria Coupeau en riant, quand il apprit l'histoire (ZOLA, Assommoir, 1877, p.492). Les tendres pressions du genou, les yeux en coulisse, devenaient en ce cas une hypocrisie abominable (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1932, p.272).
♦Donner dans l'oeil; taper dans l'oeil (fam.). Plaire, séduire, faire une impression vive et agréable. Je crois [dit Jory à Claude] que tu lui as tapé dans l'oeil [à Irma], elle nous parle toujours de toi (ZOLA, L'OEuvre, 1886, p.190).
♦Ne pas avoir froid aux yeux. Manifester de la hardiesse et de l'effronterie. Vous ne savez donc pas que la petite Micheline a plu au baron Gouraud?... Allez, c'est une gaillarde. Elle n'a pas froid aux yeux... (ZOLA, Curée, 1872, p.504).
III. —Expressions
A. —[L'oeil, objet de prix, symbole de richesse]
♦Coûter les yeux de la tête. Coûter très cher. Déjà deux fois il avait fallu remplacer les vitres brisées, et maintenant pour remplacer les vitres! Premièrement il n'y en a pas, et secondement elles coûtent les yeux de la tête! (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p.212).
♦N'avoir plus que les yeux pour pleurer; il ne reste plus que les yeux pour pleurer. Être dénué de tout. Je viens de me voir en mendiante à ma propre porte, quel avis du ciel! Dans quelque temps, il ne nous restera que les yeux pour pleurer (BALZAC, C.Birotteau, 1837, p.17).
♦Pop. Pas plus que mon oeil, pas plus que dans mon oeil (d'apr. HAUTEL t.2 1808). Pas du tout.
♦Fam. Pour les beaux yeux de qqn. Sans intérêt, gratuitement, pour le seul plaisir. Ce qu'il y a de plus fâcheux, c'est que le pape est bien convaincu qu'il ne nous a aucune obligation, et que c'est le ciel qui a tout fait pour ses beaux yeux (MÉRIMÉE, Lettres à une inconnue, t.2, 1867, p.319).
♦Pop. S'en battre l'oeil. N'attacher aucun prix à, se moquer de. Vous comprenez, Copeau s'en bat l'oeil du Mirabeau et du petit père Chérouvier (DUHAMEL, Suzanne, 1941, p.64).
♦Tenir (à), chérir, soigner une chose comme (à) la prunelle de ses yeux. Attacher beaucoup d'importance, accorder beaucoup de valeur à. M. de Seigneulles avait là, à deux lieues de Juvigny, au milieu de la forêt du Grand-Juré, une belle ferme qu'il chérissait et soignait comme la prunelle de ses yeux (THEURIET, Mariage Gérard, 1875, p.109).
— Pop. À l'oeil. Gratuitement, sur la mine, sans autre garantie que la bonne apparence (v. pour les beaux yeux de qqn, supra). Travailler à l'oeil. Vous pouvez baiser à l'oeil la terre entière, mais pas une putain en maison, à moins d'être son maquereau, ce qui est encore être un soutien de l'ordre et ce que nous n'étions assurément pas (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p.66).
B. —[L'oeil, reflet d'un état de santé]
♦Fam. Frais comme l'oeil. Dispos, en excellente santé. J'avais fait une demande pour être reversé dans mon régiment et on m'avait dit: «Démerde-toi et occupe-toi z'en.» J'tombe sur un sergent, un p'tit poseur, frais comme l'oeil, à lorgnon d'or, —des lunettes à galon (BARBUSSE, Feu, 1916, p.130).
♦Pop. et fam. Tourner de l'oeil. S'évanouir; p. euphém. mourir. Et j'ai amassé une bonne pacotille de contrebande assez honnête, dont nous vivrions, et que je vous laisserais lorsque je viendrais à tourner de l'oeil, comme on dit poliment (VIGNY, Serv. grand. milit., 1835, p.40). Ah! toi, tais-toi! Dès qu'elle tourne de l'oeil, tu sanglotes, et dès qu'elle va mieux, tu recommences! (PAGNOL, Fanny, 1932, I, 2e tabl., 6, p.95).
♦Avoir bon pied, bon oeil. Être en excellente santé. Toujours bon pied bon oeil, après tout (ARAGON, Beaux quart., 1936, p.238).
C. —[L'oeil image de la plénitude, de la satiété, de l'enivrement]
♦Avoir les yeux plus grands, plus gros que le ventre. Voir trop grand, s'exagérer ses possibilités. C'est un grand reproche à faire à Dieu, qu'il nous ait fait, en tout, les yeux plus grands que le ventre, le désir supérieur à la capacité de jouissance (GONCOURT, Journal, 1865, p.131).
♦Dévorer, manger des yeux. Regarder avec convoitise. Voici qu'un vieux renard affamé de victimes Arrive au pied de l'arbre, et, levant le museau, Voit l'écureuil sur un rameau. Il le mange des yeux, humecte de sa langue Ses levres qui de sang brûlent de s'abreuver (FLORIAN, Fables, 1792, p.135).
♦Pop. Enceinte jusqu'aux yeux. Dans un état de grossesse très avancé. Non, Naudy n'est pas fou de vouloir rentrer en France. — [...] Pierrette est enceinte jusqu'aux yeux, Raymond veut que leur enfant naisse sur le sol de la patrie (BORNICHE, Le Gang, 1975, p.297 ds REY-CHANTR. Expr. 1979).
♦Pop. (S'en mettre) jusqu'aux yeux, par-dessus les yeux. (En prendre) à satiété. (Dict. XIXe et XXe s.).
♦Se rincer l'oeil (fam.). Regarder avec jouissance une scène érotique, une femme (pour un homme). Je vous mets en rapport avec lui: un homme charmant, tout rond, une jolie femme et deux jolies filles; vous vous en rincerez l'oeil (VOGÜÉ, Morts, 1899, p.289).
♦Fam. Sortir par les yeux à qqn. Causer de l'exaspération par effet de répétition, de lassitude, par satiété. «Sire, nulle faveur ne pouvait m'être plus précieuse...» Foin! Foin! Tu me l'as fait répéter dix mille fois. Ça commence à me sortir par les yeux. Réciter, d'abord, c'est mentir. Mentir m'irrite très fort (AUDIBERTI, Mal court, 1947, I, p.150).
D. —[L'oeil, objet de violence et de malheur]
♦Le mauvais oeil (jeter). Lancer un mauvais sort. L'animal, comme tous les chevaux arabes, portait au cou sa généalogie, suspendue dans un sachet en poil, et plusieurs amulettes pour le préserver du mauvais oeil (LAMART., Voy. Orient, t.2, 1835, p.223).
♦S'arracher les yeux, se manger le blanc des yeux (fam.). Se disputer violemment. Sous l'Empire, les réunions étaient possibles: on pouvait être d'opinion contraire sans s'arracher les yeux (Mme DE CHATEAUBR., Mém. et lettres, 1847, p.39).
♦OEil pour oeil, dent pour dent. [P. allus. au Lévitique XXIV, 17-22] Loi du talion qui punit l'offense par une peine du même ordre. C'est ainsi qu'on lit dans le Lévitique: «On punira aussi de mort celui qui aura frappé de mort quelque personne que ce soit. Celui qui aura frappé une bête à mort la rendra; vie pour vie... fracture pour fracture, oeil pour oeil, dent pour dent» (DURKHEIM, Divis. trav., 1902, p.III).
IV. —Emplois anal.
A. —[P. réf. à la forme]
1. AGRIC. et ARBORIC.
— Petit bourgeon rudimentaire à l'extrémité des rameaux ou à l'intersection des feuilles; il devient au printemps suivant bourgeon à bois ou à fruit (d'apr. PLAIS. 1969). OEil dormant, oeil poussant (Agric. 1977). Tailler à deux ou trois yeux (BÉN.-VAESK Jard. 1981).
— ,,Renfoncement dans le corps de la pomme de terre signalant l'endroit où percera un germe`` (BÉN.-VAESK Jard. 1981).
2. ALIMENTATION
♦Yeux du fromage, du pain. Trous qui se forment dans la pâte. (Dict. XIXe et XXe s.).
♦Yeux du bouillon. Ronds de graisse qui apparaissent à la surface du bouillon. La soupe était froide, couverte d'yeux de graisse qui se figeaient (ZOLA, Terre, 1887, p.190).
3. ARCHIT. ,,Ouverture ronde ou ovale, pratiquée dans un comble, un dôme, un attique, un entrecolonnement, un dessus de porte, un tympan de fronton ou dans les reins d'une voûte`` (BACH.-DEZ. 1882).
♦OEil de pont. ,,Ouverture ronde dans une pile d'avant ou d'arrière bec de pont`` (BARB.-CAD. 1963).
4. ÉLECTRON. ,,Système optique signalant une présence`` (BOISSIER 1975). OEil optique d'une cellule photo-électrique (BOISSIER 1975).
♦OEil magique. ,,Petit tube à rayons cathodiques permettant d'effectuer le contrôle visuel du réglage d'un récepteur de radio`` (GITEAU 1970).
5. IMPR. ,,Dessin en relief du caractère d'imprimerie (la partie imprimante). Petit, gros oeil, oeil moyen`` (COMTE-PERN. 1974).
6. MAR. ,,Boucle formée à l'extrémité d'un filin`` (GRUSS 1952).
♦OEil de cordage. ,,Boucle terminale d'un cordage quand elle est constituée définitivement par une épaisseur`` (LE CLÈRE 1960).
7. MÉTÉOR. Point central d'un phénomène atmosphérique. OEil d'un cyclone. V. cyclone A ex. de Claudel.
8. OPHTALMOL. OEil de verre. OEil artificiel que l'on met à la place d'un oeil énucléé:
• 12. Les nouveaux amis que nous faisons après un certain âge, et par lesquels nous cherchons à remplacer ceux que nous avons perdus, sont à nos anciens amis ce que les yeux de verre, les dents postiches et les jambes de bois sont aux véritables yeux, aux dents naturelles et aux jambes de chair et d'os.
CHAMFORT, Max. et pens., 1794, p.54.
9. THÉÂTRE. Trou pratiqué dans le rideau d'un théâtre et permettant de regarder de la scène dans la salle. (Dict. XIXe et XXe s.).
10. TECHNOL. ,,Ouverture pratiquée dans certains outils pour recevoir le manche`` (BOISSIER 1975). L'oeil d'un marteau (BOISSIER 1975).
♦Arg. OEil de bronze. ,,Sphincter anal`` (LE BRETON 1960).
B. —[P. réf. à l'aspect]
1. [En parlant d'étoffes, de pierres précieuses] Lustre, éclat. Ces perles ont un bel oeil (Ac.):
• 13. Je n'hésitai point à me mettre à la besogne pour substituer ceux-ci aux autres, et les dix boutons à l'oeil de perle et aux reflets d'argent ne tardèrent pas à resplendir à mes yeux enchantés comme autant de jolis miroirs.
NODIER, Fée Miettes, 1831, p.88.
♦Avoir de l'oeil. Avoir belle apparence, de l'allure, produire de l'effet. Nous aurons un municipal à la porte... C'est ça qui aura de l'oeil!... Enfoncés les bourgeois! (GONCOURT, Man. Salomon, 1867, p.226).
2. [En parlant d'un produit léger] Faible quantité de, une légère couche de. Un oeil de poudre. Il y a à notre table Flaubert, Saint-Victor, Scholl, Charles Edmond, et en femmes, Julie et Mme Doche, une résille rouge sur ses cheveux, qui ont un oeil de poudre (GONCOURT, Journal, 1860, p.684).
3. [OEil, yeux employés à la place de ocelle] Au-dessous d'un petit chapeau rond, qui n'est qu'un diadème d'oeils de plumes de paon, où le vert bleu est entouré d'or vert-de-grisé, au-dessous de cette couronne d'arc-en-ciel en plumage, une petite tête de blonde cruelle, avec un teint d'une diaphanéité rosée (GONCOURT, Journal, 1864, p.65).
— En partic. Représentation, imitation de ce genre d'oeil. La toilette sombre (...) garnie de broderies en oeil de paon, le chapeau (...) enserrent délicieusement la taille souple, l'ovale en pâleur rosée de cette Esther sûre de son Assuérus (A. DAUDET, Rois en exil, 1879, p.295).
C. —[P. réf. à la lumière]
1. Ce qui éclaire, projette une lumière. OEil du ciel, du monde. Le soleil. L'oeil de la nuit. La lune. Pour lui donner la voix et l'ame, Il faut que de sa chaste flamme L'oeil du jour lui lance un rayon (LAMART., Médit., 1820, p.126). Une vapeur se déroule, monte et enveloppe l'oeil de la nuit d'une rétine argentée (CHATEAUBR., Mém., t.4, 1848, p.286):
• 14. Il en serait de même de la terre, si nous la considérions du soleil: nous la verrions avec l'astre qui fait tout voir. Nous l'observerions à travers cette atmosphère merveilleuse de lumière qui, comme un cristallin vivant, entoure l'oeil de notre univers.
BERN. DE ST-P., Harm. nat., 1814, p.348.
2. Ce qui éclaire, sert de guide. Ce temple courbé à terre, prosterné devant la nature qu'il célébrait, anéanti par elle-même, c'est grand. La source continue jour et nuit sa prodigalité. Les proportions sont admirables. (...). Elle est pensée divine, aisée, sereine, héroïque. Comment l'imaginaient-ils? Vie, pensée, oeil de la nature, force créatrice, fécondité, mère (BARRÈS, Cahiers, t.11, 1914, p.15).
Rem. Dans les sens techn. comme dans les mots comp. (v. oeil-de-boeuf, oeil-de-perdrix, etc.) le plur. de oeil est oeils: les oeils d'une voile.
Prononc. et Orth.:[oej], plur. [jø]. Att. ds Ac. dep. 1694. Ds les comp., oeil(-)de(-) boeuf, etc., plur. oeils. Étymol. et Hist. A. 1. Fin Xe s. «organe de la vue», plur. olz (Passion, éd. D' Arco Silvio Avalle, 52: sos olz torned); ca 1050 id. oil (Alexis, éd. Chr. Storey, 222); 1170 uel (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec et Enide, éd. M. Roques, 4418); plur. ialz (ID., ibid., 436); 1342 oeil (J. BRUYANT, Le Chemin de povreté et de richesse ds Ménagier, éd. Sté Bibliophiles, t.II, p.15); plur. yeulx (ID., ibid., p.14); a) ca 1265 oil pour oil (BRUNET LATIN, Trésor, éd. Fr. J. Carmody, I, XVIII, p.31); b) XVe s. avoir bon pié et bon oeil (J. DE BUEIL, Jouvencel, éd. L. Lecestre, I, 198); c) 1580 avoir les yeux plus grands que le ventre (MONTAIGNE, Essais, éd. Villey-Saulnier, I, XXXI, p.203); d) 1666 s'en battre l'oeil ([BRÉCOURT], La Nopce de village, 15 [Ribou] ds QUEM. DDL t.19); e) 1690 entre quatre yeux (FUR., s.v. entre); 1740 entre quatre-z-yeux (PIRON, OEuvres posthumes, 77 [Dentu] ds QUEM. DDL t.19); f) 1690 oeil de verre (FUR.); g) 1793 ne laisser que les yeux pour pleurer ([LEMAIRE], La Trompette du père Duchêne, n° 142, 326 ds QUEM. DDL t.19); 2. ca 1100 «oeil comme partie du visage, et élément de physionomie» (Roland, éd. J. Bédier, 283: Vairs out les oilz); a) 1640 pour les beaux yeulx de qqn «par amour pour quelqu'un» d'où «gratuitement» (OUDIN Curiositez); b) 1640 bel oeil «jolie femme» (CORNEILLE, Polyeucte, I, 1); 3. ca 1100 «l'oeil dans sa fonction de vision» (Roland, 316: ja nel verrai des oilz); a) fin XIIe s. en croire ses yeux (CHRÉTIEN DE TROYES, Chansons, éd. W. Foerster, II, 34: fors de tant que mes iauz an crui); b) 1203 (voir, regarder) de ses ieuz (CHASTELAIN DE COUCI, Chansons, éd. A. Lerond, V, 17); c) ca 1208 veoir a oil «voir à l'oeil nu» (VILLEHARDOUIN, Conquête Constantinople, éd. E. Faral, § 120); 1690 regarder à l'oeil nu (FUR., s.v. nud); d) 1450-65 un trait d'ueil «regard prompt et de courte durée» (CH. D'ORLÉANS, Rondeaux, XXII, 4 ds Poésies, éd. P. Champion, II, 303); 1668 coup d'oeil (MOLIÈRE, Amphitryon, I, 1); 1699 jeter un coup d'oeil sur qqc. (MASS[ILLON], Avent, Épiphan. ds LITTRÉ); [4e quart XIVe s. jetter ses ieux et voir (FROISSART, Chron., éd. G. Raynaud, XI, 28)]; e) 1640 du coin de l'oeil (OUDIN Curiositez, s.v. coin); f) 1562 a veuë d'oeil (PARÉ, Anat., II, 9, éd. J.-Fr. Malgaigne, I, 185); 4. ca 1100 «l'oeil dans les mouvements qui lui sont propres» (Roland, 2285: uvrit les oilz); a) 1550 fermer les yeus à qqn (RONSARD, Boccage, VIII, 48 ds OEuvres, éd. P. Laumonier, II, 183); 1721 fermer les yeus «mourir» (MONTESQUIEU, Lettres persanes, éd. A. Adam, CXLII, p.367); b) 1686 ne pas fermer l'oeil (DANCOURT, Les Fonds perdus, I, 4 ds LITTRÉ); 5. ca 1100 «la vue, le regard» (Roland, 1131: a vos oilz veez les Sarrazins); 1538 devant les yeux (EST.); ca 1470 avoir la preuve aux yeux (G. CHASTELLAIN, Chron. Ducs de Bourgogne, éd. Kervin de Lettenhove, III, 331); 1671 sous les yeux de qqn «en sa présence directe» (POMEY); 1701 mettre qqc. sous les yeux de qqn (MASS[ILLON], Carême, Parole ds LITTRÉ); 1649 couver des yeux (DESCARTES, v. couver). B. OEil en tant qu'il manifeste les traits permanents du caractère, les émotions, les sentiments 1. a) 1155 de bon oeil veeir «d'un oeil bienveillant» (WACE, Brut, éd. I. Arnold, 1923); ca 1200 ex vairs et rians (Aucassin et Nicolette, éd. Mario Roques, II, 13); b) 1558 regarder ... de fort mauvais oeuil (DES PÉRIERS, Nouv. récréat. et joyeux devis, éd. K.Kasprzyk, 78, p.277); c) 1611 servi au doigt, & à l'oeil «ponctuellement, au premier signe» (COTGR.); 1812 obéir au doigt et à l'oeil «id.» (BOISTE); d) 1611 faire les doux yeux à [qqn] (COTGR.); e) 1665 faire de l'oeil «avec un air d'intelligence» (LA FONTAINE, Cas de conscience, 137 ds OEuvres, éd. H. Régnier, V, 352); f) 1667 se parler des yeux (MOLIÈRE, Le Sicilien, II); g) 1698 ouvrir de fort grands yeux (RACINE, Corresp., à Jean-Baptiste Racine, 24 juill. ds OEuvres compl., éd. R. Picard, t.2, p.624); 2. ca 1203 «oeil, symbole de la faculté d'observation, de la perspicacité, de l'attention» (CHASTELAIN DE COUCI, op. cit., II, 18); a) 1505 bender les yeulx à (GRINGORE, Les Folles entreprises ds OEuvres compl., éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, I, 41); 1690 avoir un bandeau sur l'oeil (FUR.); b) fin XVIe s. fermer les yeulx à qqn «faire comme si on ne voyait pas ses agissements» (D'AUBIGNÉ, Lettres diverses ds OEuvres, éd. Réaume et de Caussade, I, 480); 1644 fermer les yeux sur qqc. (CORNEILLE, Rodogune, III, 3); c) 1631 n'avoir d'yeux que pour qqn (ID., Don Sanche, I, 3); d) 1640 crever les yeux «être évident» (OUDIN Curiositez); 3. a) ca 1188 «oeil, symbole de méfiance ou de vigilance» avoir les iex ... a (Partonopeus de Blois, éd. J. Gildea, 3448); ca 1470 avoir l'oeil à tout (G. CHASTEL., Chr. des d. de Bourg., II, 1 ds LITTRÉ); b) fin XIVe s. avoir bonne oreille ... bon oeul (E. DESCHAMPS, Ballades de moralitez, XCII, 4 ds OEuvres, éd. G. Raynaud, I, 198); c) fin XVIe s. l'oeil du maître (PASQ[UIER], Rech., VI, p.453 ds LA CURNE); d) 1669 dormir de plus que de deux yeux (LA FONTAINE, La Coupe enchantée, 463 ds OEuvres, éd. citée, V, 143); 1704 ne dormir que d'un oeil (REGNARD, Fol. amour., I, 1 ds LITTRÉ); e) 1798 tenir qqn à l'oeil (Ac.); 4. fin XIVe s. «personne qui observe, surveille» (E. DESCHAMPS, Le Miroir de mariage, 1631 ds OEuvres, éd. citée, IX, 56). C. P. anal. 1. P. réf. à l'éclat a) 1re moitié XIIIe s. [ms.] «ce qui éclaire, permet de voir» ici poét. al oel del jor «à l'aube» (Partonopeus de Blois, éd. citée, 1955); 1550 le clair oeil de la nuit «la lune» (RONSARD, Odes, A Joachim du Bellay, ode XXIV, 51 ds OEuvres, éd. citée, II, 70); b) 1572 «ce qui éclaire, sert de guide» (R.BELLEAU, Bergeries, t.I, p.2 ds LITTRÉ); 2. p. réf. à la forme a) ca 1393 bot. «sans doute noeud qui est à l'extrémité du fruit, opposé à la queue» (Ménagier, éd. citée, II, p.247); 1653 oeil dormant (LE GENDRE, Arbres fruitiers, p.57); oeil poussant (ID., op. cit., éd. 1676, p.60); b) 1547 archit. oeuil de la Volute «milieu de la voûte du chapiteau ionique» (J.MARTIN, Architecture, troysieme livre, p.38); 1694 id. «ouverture en haut d'une coupole» (CORNEILLE); 1694 id. oeuil de pont (ibid.); c) 1660 «trou dans le pain et dans le fromage» (OUDIN Fr.-Esp.); d) 1676 «ouverture pratiquée dans certains outils, p. ex. pour le manche» (FÉLIBIEN); 1721 oeil d'une roue (Trév.); 1751 oeil d'une aiguille (Encyclop. t.1, s.v. aiguille); e) 1690 mar. «trou par où les câbles entrent et sortent» (FUR.); f) 1690 impr. «grosseur des caractères d'imprimerie» (ibid.); 3. p. réf. à l'aspect a) 1611 «aspect d'une chose, du lustre d'une étoffe, de l'éclat d'une pierrerie» (COTGR.); 1779 «nuance, teinte légère» (BUFFON, Oiseaux, t.6, p.52); b) 1798 oeil de poudre (Ac.). Du lat. class. oculus «oeil», en partic. terme de bot., également terme d'archit. oculus volutae «oeil de la volute» chez Vitruve. Le plur. yeux représente régulièrement l'acc. plur. oculos. Fréq. abs. littér. OEil: 15495. Yeux: 56338. Fréq. rel. littér. OEil: XIXe s.: a) 21523, b) 26340; XXe s.: a) 23465, b) 19306. Yeux: XIXe s.: a) 69124, b) 85228; XXe s.: a) 95503, b) 77509.
DÉR. OEillé, -ée, adj. a) Garni d'ouvertures en forme d'oeil, qui rappellent l'oeil. La rue énorme et ses maisons quadrangulaires Bordent la foule et l'endiguent de leur granit OEillé de fenêtres et de porches, où luit L'adieu, dans les carreaux, des soirs auréolaires (VERHAEREN, Villes tentac., 1895, p.156). b) Qui porte, qui compose un dessin en forme d'oeil. Ces glaces, ces statues en marbre, ces lustres, ces globes, ces candélabres, ces meubles d'ébène et d'ivoire, ces damas chamarrés d'or, ces sophas oeillés d'argent, et là-bas, au fond, ce grand panneau de cristal (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p.359). Minér. Gneiss oeillé. ,,Gneiss où de grands cristaux lenticulaires de quartz ou de feldspath sont entourés de grains ou de fibres d'autres minéraux`` (Lar. Lang. fr.). — [oeje]. — 1res attest. a) 1581 «qui a des cercles concentriques (d'une pierre transparente)» (DE BARA, Le Blason des armoiries..., Lyon, p.147), b) 1886 gneiss oeillé (LAPPARENT, Abr. géol., p.147); de oeil, étymol. C 2, suff. -é.
BBG. —ARVEILLER (R.). Fr. mod. 1974, t.42, p.277. — CHARAUDEAU (P.). Procédure d'analyse lexico-sém. sur un corpus donné: oeil. Cah. Lexicol. 1972, n° 20, pp.53-63; 1973, n° 23, pp.3-34. — CHAUTARD. Vie étrange Arg. 1931, p.657. — DUCH. Beauté. 1960, p.21. — FURUKAWA (N.). Le Nombre gramm. en fr. contemp. Tokyo, 1977, p.8, 20-22 passim. — GEORGE (K.). Formules de négation et de refus en fr. pop. et arg. Fr. mod. 1970, t.38, p.312. — GUIRAUD (P.). Mél. d'étymol. arg. Cah. Lexicol. 1970, t.16, p.70. — QUEM. DDL t.3, 5, 9, 13, 14, 15, 17, 19.
œil [œj] plur. yeux [jø] n. m.
ÉTYM. 1380; oil, v. 1050; ol, v. 980; au plur. uels, XIe; ieus, yeus, XIIe; du lat. oculus, à l'accus. oculum, au plur. oculos. → Oculaire.
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1 Organe de la vue (globe oculaire et ses annexes). ⇒ Vision; visuel (appareil), voir, vue (→ Expansion, cit. 1, Buffon). || Œil rudimentaire des crustacés inférieurs; yeux lentifères des arachnides, des insectes. ⇒ Ocelle, stemmate. || Yeux composés, à facettes. — (Chez l'homme). || L'œil de l'homme, instrument d'optique précis. || Les deux yeux, les yeux de qqn., ses yeux (⇒ fam. Châsse, coquillard, mirette, quinquet et, enfantin, neuneuil). || L'œil droit (cit. 2), l'œil gauche. || Paire d'yeux. || Ne voir que d'un œil. ⇒ Borgne. || Monstre à œil unique. ⇒ Cyclope. || L'œil éteint des aveugles (cit. 39). || Blesser quelqu'un à l'œil. ⇒ Éborgner. || Perdre un œil (→ Bouillie, cit. 3), les yeux : devenir borgne, aveugle. || Œil crevé. || Il lui manque un œil (→ Dessert, cit. 1, Brillat-Savarin). || Arracher (cit. 3) les yeux à quelqu'un. — Myth. || L'homme, le géant aux cent yeux. ⇒ Argus.
1 Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler.
Racine, Phèdre, I, 3.
♦ ☑ Allus. bibl. Avoir des yeux pour voir et des oreilles pour entendre (cit. 55 et 57).
2 Elles (les idoles) ont des yeux et ne voient point, elles ont des oreilles et n'entendent point.
Bible (Segond), Psaumes, CXV, 5-6.
3 Auras-tu donc toujours des yeux pour ne point voir ? (…)
Racine, Athalie, I, 1.
♦ Étude médicale des yeux. ⇒ Oculistique, ophtalmologie. — Anat. || Le globe de l'œil (⇒ Oculaire) est logé dans la cavité orbitaire (⇒ Orbite). || Axes des yeux. || Membranes ou tuniques de l'œil. || Tunique externe (fibreuse) de l'œil; (cour.) le blanc de l'œil. ⇒ Sclérotique; cornée (cit.). || Tunique moyenne (vasculaire) de l'œil. ⇒ Uvée; choroïde, ciliaire (zone ou corps), iris (cit. 1, 2 et 3), prunelle, pupille. || Tunique interne (nerveuse) de l'œil. ⇒ Rétine (→ Image, cit. 12). || Le nerf optique pénètre dans l'œil par une papille. || Milieux transparents et réfringents de l'œil. ⇒ Cristallin (cit. 4); vitré (corps vitré : membrane hyaloïde, humeur vitrée); chambre (chambres [cit. 15] remplies par l'humeur aqueuse). || Annexes de l'œil. ⇒ Capsule (de Tenon); muscle (muscles droits et obliques; orbiculaire des paupières); sourcil (→ Cacher, cit. 52); paupière; cil (→ Abaisser, cit. 2); conjonctive; lacrymal (glande, voies lacrymales). || Angle externe ou petit angle de l'œil. ⇒ Commissure. || Angle interne ou grand angle de l'œil. ⇒ Larmier.
♦ Cour. || Écartement (cit. 2) des yeux. || Yeux rapprochés. || Bords, tour des yeux. || Rides au coin de l'œil. ⇒ Patte-d'oie (→ Carrefour, cit. 5). || Poches sous les yeux (→ Fanon, cit. 4; gonfler, cit. 15). || Humeur qui s'amasse au bord des yeux. ⇒ Chassie.
4 L'appareil périphérique de la vision est essentiellement composé par le globe de l'œil et le nerf optique. Il est contenu en entier dans une vaste cavité appelée orbite, située entre la partie antérieure de la base du crâne et le massif facial.
L. Testut, Traité d'anatomie, t. III, p. 541.
♦ Lumière qui éblouit les yeux. ⇒ Éblouir (cit. 21 et 22). || Avoir le soleil dans les yeux. || Le soleil me tire les yeux, me fait mal aux yeux, me fatigue les yeux… || Mettre la main sur ses yeux pour s'abriter (cit. 4) du soleil, sur le visage au niveau des yeux. || Se protéger les yeux par des lunettes de soleil, la visière d'une casquette, d'un casque. || Yeux qui s'habituent, se font (cit. 239) à l'obscurité (cit. 3).
♦ ☑ Loc. Avoir de bons yeux, une bonne vue. || Elle a de très mauvais yeux. — ☑ Fam. (1685). Avoir bon pied bon œil : être vigoureux, très valide (par rapport à l'âge). || Alors, père Jules, toujours bon pied bon œil ?
5 J'ai bon pied, bon œil, bonne santé. J'espère vivre encore assez pour savoir dans quel chemin vous mettrez les pieds.
Balzac, la Rabouilleuse, Pl., t. III, p. 1060.
♦ Œil bien conformé, dont l'accommodation est normale. ⇒ Emmétrope, emmétropie. || Convergence des yeux (→ Dimension, cit. 2).
♦ Vices de conformation (⇒ Lagophtalmie), anomalies, lésions, inflammations des yeux. || Troubles fonctionnels des yeux : achromatopsie, amaurose, amétropie, astigmatisme, cécité, daltonisme, hypermétropie, myopie, nyctalopie, presbytie, strabisme. || Maladies des yeux : albugo, cataracte, conjonctivite, exophtalmie, glaucome, kératite, kératocèle, staphylome, taie, trachome, uvéite. || Yeux déficients corrigés par des lunettes, des verres de contact (ou lentilles cornéennes), et, anciennt, par un monocle, un binocle, un face à main. || Mal (3. Mal, cit. 14) d'yeux. || Yeux faibles, fatigués, lourds, abîmés (cit. 4), usés par les veilles, l'insomnie. ☑ Se casser, se crever les yeux (fam.) : se fatiguer la vue (en lisant sans lumière, etc.). || Yeux qui pleurent continuellement. ⇒ Larme, larmoyer (cit. 1), pleur, pleurer. || S'essuyer les yeux. || Yeux rouges, éraillés (cit. 3 et 4). || Yeux révulsés (→ Méningite, cit.). || Ses yeux lui piquaient, lui picotaient, lui (cit. 12) cuisaient, lui brûlaient. || Yeux qui louchent. ⇒ Bigle (cit.), louche (cit. 3 et 4); loucher (cit. 2 et 3). ☑ Coquetterie (cit. 10) dans l'œil. — Phosphènes produits par un coup sur l'œil. || Escarbille (cit. 1) dans l'œil. — Appliquer (cit. 3) des compresses sur un œil malade, mettre un collyre, une œillère. || Se bander les yeux, avoir un bandeau sur les yeux. || S'inquiéter de ses yeux (→ Iris, cit. 2). || Se faire examiner, soigner les yeux par un oculiste, un ophtalmologiste, un opticien. || Ne voir que d'un œil à travers un monocle (cit. 1). — Chir. || Extirpation de l'œil. ⇒ Énucléation.
6 Une vue, dite tendre, force le digne notaire à porter des lunettes vertes pour conserver ses yeux, constamment rouges.
Balzac, Modeste Mignon, t. I, p. 360.
7 (…) son regard trahissait, sous les lunettes, cette douceur des yeux usés dans la science et dans la volupté.
France, le Lys rouge, X.
8 Les yeux lui faisaient mal : c'étaient, par instants, des pointes d'aiguille qui s'enfonçaient dans l'orbite; il avait des éblouissements et ne pouvait plus lire, il devait s'arrêter pendant quelques minutes.
R. Rolland, Jean-Christophe, Le matin, I, p. 145.
9 (…) nous ne regardons jamais un œil pour lui-même; chacun de nous ignore la couleur de l'iris de presque tous ses amis. L'œil est regard : il n'est œil que pour l'oculiste et pour le peintre.
Malraux, les Voix du silence, p. 277.
♦ ☑ (1878). Fam. Avoir un œil qui dit merde à l'autre, un œil qui joue au billard et l'autre qui compte les points; les yeux qui se croisent les bras : loucher.
♦ ☑ (1925). Fam. N'avoir pas les yeux en face (cit. 60) des trous : ne pas voir ce qui est pourtant bien visible, être mal réveillé.
9.1 (…) extrême fatigue et insatiable besoin de sommeil — les yeux, comme on dit, pas en face des trous —, impression presque physique d'œillères coupant toute attention à ce qui ne concerne pas l'idée fixe (…)
Michel Leiris, Frêle bruit, p. 135.
♦ Partie visible de l'œil et les paupières.
REM. Dans les exemples qui suivent, œil peut dénoter « paupière » (yeux bridés, yeux bouffis), « iris » (œil bleu), « partie visible de l'œil » (grands yeux), « ensemble œil + paupière » (yeux enfoncés). On ne peut cependant distinguer ces valeurs, car il se produit souvent des interférences. Ex. : de grands yeux bleus. L'œil couramment observable est conçu comme une unité, qui ne s'oppose guère qu'à l'œil de l'anatomiste, au globe oculaire.
♦ Forme des yeux. || De grands yeux (→ Eau, cit. 19). || De petits yeux (→ Enfouir, cit. 6; faner, cit. 63). ☑ Des yeux en vrille, percés comme avec une vrille. || Gros (cit. 5) yeux (→ Fixité, cit. 3). — ☑ Yeux globuleux (cit. 2), ronds (→ Épater, cit. 10), en boules de loto (cit. 2), à fleur de tête, qui sortent de la tête (⇒ Exorbité). || Yeux caves (2. Cave, cit. 1), creusés, enfoncés. || Yeux admirablement fendus (cit. 16), coupés en amande (cit. 2). || Yeux bridés. || Yeux cerclés (cit.), cernés de noir. ⇒ Cerne (→ Assombrir, cit. 7). || Yeux dilatés (cit. 1 et 7), écarquillés (→ Dévisager, cit. 2).
♦ Couleur, nuances des yeux, de l'iris (→ 1. Franc, cit. 3). || Yeux clairs, pâles et yeux foncés, bruns (→ Gène, cit. 2). || De grands yeux bleus (→ Avaler, cit. 36). || Brune aux yeux bleus (cit. 4). || Des yeux d'un bleu de faïence (→ Blond, cit. 6). || Yeux bleu pâle (→ Allumer, cit. 16). || Le bleu, l'azur (cit. 4 et 5) de tes yeux. || Yeux de pervenche, de violette (→ Arc, cit. 13). || Yeux verts (→ Envers, cit. 14). || Yeux pers; glauques (cit. 1). || Yeux gris (→ Malhabile, cit. 3). || Yeux noirs (→ Brillant, cit. 7), très noirs (→ Funèbre, cit. 15), de jais (→ Éclat, cit. 22). || Des yeux roux, couleur de braise (cit. 3), de charbon en feu (→ Hérisser, cit. 34). || Yeux marrons. || De grands yeux noisette (→ Incroyable, cit. 11). || Yeux vairons (→ Bossuer, cit. 3).
10 Topinard admet cinq tons fondamentaux pour désigner la coloration des yeux : noir, foncé, marron, gris et bleu (…) les nuances foncées augmentent en passant des latitudes septentrionales aux latitudes méridionales (…) au contraire, les nuances claires, relativement rares chez les peuples méridionaux, atteignent leur maximum chez les peuples du Nord. En France, les yeux bleus se présentent avec une proportion de 44,5 p. 100; les yeux franchement noirs, avec une proportion de 4,5 p. 100 seulement.
L. Testut, Traité d'anatomie, t. III, p. 578.
♦ Éclat (cit. 22, 23 et 26), fraîcheur (cit. 12), limpidité (cit. 5), pureté de l'œil. || Yeux ardents, brillants (⇒ Braise, escarboucle). || Des yeux étincelants (cit. 4), flamboyants (cit. 2), luisants (cit. 2), perçants (→ Cupidon, cit.), pétillants, vifs (→ 1. Barbe, cit. 16). || Yeux fiévreux (→ Convenir, cit. 19). || Feu, flamme des yeux (→ Autorité, cit. 43). || « Des éclairs (cit. 12) de ses yeux l'œil était ébloui » (Racine). — Œil terne (→ Maladif, cit. 4), trouble (→ Gorge, cit. 16). || Yeux injectés (cit. 4) de sang. || Yeux endormis, mornes, atones (cit. 1), morts. — Des yeux d'une mobilité surprenante (→ Humide, cit. 12), d'une fixité (cit. 4) étrange.
11 Savez-vous que ses yeux ont des regards de flamme ?
Hugo, Odes et ballades, IV, I, III.
12 Ses yeux brillaient d'une fièvre un peu hagarde; un cerne les creusait, brun sombre, accentuant leur fixité.
M. Genevoix, Raboliot, IV, II.
♦ Expression (cit. 12 et 40) des yeux, du regard. || Les yeux sont appelés le miroir de l'âme. || Avoir l'œil bon, mauvais, méchant… || Yeux durs (→ Fuyant, cit. 6), d'une fixité gênante (cit. 2), froids (cit. 6) comme l'acier (→ Brillant, cit. 7), secs, cruels (cit. 8). || Œil candide, ingénu, pur (→ Candide, cit. 3). || Yeux rieurs, narquois, coquins, fripons (cit. 11), éveillés… || Des yeux, pleins de douceur, de bonté (→ Foudroyer, cit. 17). || Yeux tendres, veloutés, de velours. — Yeux intelligents (cit. 8), fins, finauds. || Des yeux profonds.
♦ Le mouvement des yeux (→ Artificiel, cit. 8). || Façon de remuer les yeux (→ Implicite, cit. 1). || Rouler les yeux. ⇒ Rouler. ☑ Lever (cit. 10 et supra), baisser (cit. 13 à 18) les yeux.
♦ De beaux, de jolis yeux (→ Eau, cit. 19; malicieux, cit. 5). || Des yeux splendides (→ Éclairer, cit. 25). — Spécialt. || Les (beaux) yeux d'une femme, le charme de son regard. — Allus. littér. || « Belle marquise, vos beaux yeux me font (cit. 179) mourir d'amour » (Molière). || « Votre œil en tapinois me dérobe mon cœur » (→ Garde, cit. 35, Molière). — || « Un regard indulgent (cit. 11) de ces yeux… » (Musset). — Son œil fascine et attire (cit. 28). || Les conquêtes que font ses yeux (→ Applaudir, cit. 18). || « Les larcins (cit. 5) de vos yeux ». || Yeux assassins (cit. 15). || Ces yeux où l'âme se désaltère (cit. 6).
13 Elle a d'assez beaux yeux
Pour des yeux de province (…)
14 Un jeune homme
Croit toujours de beaux yeux garants d'une belle âme.
André Chénier, Notes et vers épars, in Œ., t. II, p. 129.
15 Jamais deux yeux plus doux n'ont du ciel le plus pur
Sondé la profondeur et réfléchi l'azur.
A. de Musset, Poésies nouvelles, « Lucie ».
16 Tes yeux, où rien ne se révèle
De doux ni d'amer,
Sont deux bijoux froids où se mêle
L'or avec le fer.
Baudelaire, les Fleurs du mal, « Spleen et idéal », XXVIII.
17 (…) son grand œil bleu, levé vers les nuages, parut à Emma plus limpide et plus beau que ces lacs des montagnes où le ciel se mire.
Flaubert, Mme Bovary, II, V.
18 Quant aux yeux, il n'en exista jamais de pareils. Ils avaient une vie, une lumière, un magnétisme inconcevables. Malgré les veilles de chaque nuit, la sclérotique en était pure, limpide, bleuâtre, comme celle d'un enfant ou d'une vierge, et enchâssait deux diamants noirs qu'éclairaient par instants de riches reflets d'or : c'étaient des yeux à faire baisser la prunelle aux aigles, à lire à travers les murs et les poitrines, à foudroyer une bête fauve furieuse, des yeux de souverain, de voyant, de dompteur.
Th. Gautier, Portraits contemporains, « Balzac ».
19 (…) ses yeux bleus, ses yeux de pervenche me parurent une chose surnaturelle, et encore aujourd'hui je ne peux m'imaginer que ces deux joyaux animés aient subi les fatigues de la vie et la corruption de la mort.
France, le Crime de S. Bonnard, IV, in Œ., t. II, p. 391.
20 Tes yeux sont comme des lys d'eau bleus sans tiges, immobiles sur des étangs.
Pierre Louÿs, Aphrodite, I, I.
21 Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire
J'ai vu tous les soleils y venir se mirer
S'y jeter à mourir tous les désespérés
Tes yeux sont si profonds que j'y perds la mémoire.
Aragon, les Yeux d'Elsa, p. 1.
♦ ☑ (1633). Fig. Pour les beaux yeux de quelqu'un, par amour pour lui, dans le seul dessein de lui plaire, gratuitement.
22 Qu'aucun pour nos beaux yeux n'est notre soupirant,
Et qu'il faut acheter tous les soins qu'on nous rend.
Molière, le Misanthrope, III, 4.
23 — Depuis des années que je m'esquinte à l'amuser, conclut-elle, tu comprends que ce n'est pas pour ses beaux yeux.
Zola, la Terre, V, III.
♦ Par compar. (avec les animaux). ☑ Yeux d'aigle, de lynx (cit. 2), une vue perçante; de hibou (cit. 6), gros et fixes; de chat, qui voient clair la nuit; de biche, de gazelle (cit.), doux; de carpe, de merlan, de veau, ternes, morts. || Yeux bovins, chevalins (cit. 2). — Au sing. (dénotant la vision). || Avoir un œil de lynx, d'aigle…
♦ Fig. || Il, elle a les yeux de son père, de sa mère, semblables à ceux du père, de la mère (→ Issu, cit. 2).
♦ Le tour des yeux (paupières, etc.). || Avoir les yeux battus, boursouflés, bouffis, meurtris. || Se frotter les yeux. ☑ Œil poché, au beurre (cit. 4) noir. ⇒ Pochon (et fam. coquard). || Yeux collés (cit. 2) de sommeil. — Se farder (cit. 9) les yeux, les paupières. || Fards, crayons pour les yeux. || Yeux peints de kohol (cit. 2).
24 (…) l'œil noir, allongé, souligné par le crayon, encadré sous des sourcils énormes et factices.
Maupassant, Bel-Ami, I, I.
♦ Ouvrir les yeux : disjoindre les paupières en découvrant la partie normalement visible de l'œil. || Fermer les yeux : joindre les paupières.
a (Avec le v. ouvrir). || Rouvrir (→ Lèvre, cit. 23), refermer (→ Inconsciemment, cit. 1) les yeux. || L'aigle (cit. 4) ouvrit son œil fauve. || « J'ouvris les yeux, je vis l'étoile du matin » (→ Endormir, cit. 17). ⇒ Éveiller (s'). || On ne peut s'empêcher de voir quand on a les yeux ouverts (→ Attention, cit. 14). || Somnambule qui dort les yeux ouverts (→ Extatique, cit. 4). || Avoir, tenir les yeux grands (cit. 20) ouverts. || Elle ne pouvait tenir les yeux ouverts tant elle était lasse (1. Las, cit. 5). — ☑ Loc. Ouvrir de grands yeux, des yeux ronds, des yeux agrandis, arrondis par la surprise, l'étonnement. ⇒ Écarquiller (→ Lanterne, cit. 11). — Ouvrir les yeux au jour, à la lumière. ⇒ Naître (→ Instant, cit. 2). — ☑ Fig. Ouvrir l'œil (fam. Ouvrir l'œil et le bon) : être très attentif, vigilant. — ☑ Ouvrir les yeux de quelqu'un, lui découvrir ce qu'on lui tenait caché, faire cesser son aveuglement (cit. 6 et 15). ⇒ Dessiller (cit. 1 et 2). || Ouvrir les yeux des maris (→ Aviser, cit. 19).
b (Avec le v. fermer). || Fermer les yeux comme au soleil de midi (→ Blanc, cit. 3). || Il fermait à demi (cit. 22) les yeux. || Yeux mi-clos, presque clos (→ Furtif, cit. 10). || Fermer un œil pour viser. ⇒ Bornoyer, viser. || Il était somnolent, ses yeux se fermaient (→ Incliner, cit. 19). || Sentir ses yeux se fermer. ⇒ Dormir (cit. 7); endormir (s'). || Les yeux clos comme s'il dormait. ☑ Loc. Ne pas fermer l'œil de la nuit : ne pas dormir (→ Depuis, cit. 10). — Fig. || Fermer les yeux pour ne pas voir le danger (→ Bravoure, cit. 2). — Fermer les yeux à la lumière. ⇒ Mourir. || Bientôt (cit. 4) mes yeux se fermeront pour l'éternité. — ☑ Fermer les yeux de qqn, à qqn qui vient de mourir. — ☑ Fig. Fermer les yeux à qqch., sur qqch., ne pas le voir (⇒ Aveuglement) ou se refuser à le voir, faire, par tolérance, connivence, complaisance, lâcheté, etc. comme si on ne l'avait pas vu, feindre de l'oublier. || Fermer ses yeux à la vérité (→ Arracher, cit. 16). || « Sur tout ce que j'ai vu fermons plutôt les yeux » (→ Mieux, cit. 34). — ☑ Loc. J'irais là-bas les yeux fermés, sans avoir besoin de la vue (tant le chemin m'est familier). — Accepter quelque chose les yeux fermés, en toute confiance, sans examen, sans vérification.
25 Il voulait bien tolérer certains vices du régime, passer l'éponge sur certains scandales parlementaires, de même qu'il fermait les yeux sur les gaspillages de Léon et les petits profits de Clotilde.
Martin du Gard, les Thibault, VI, p. 124.
26 Quand elle se fut assurée que je n'abusais pas du plaisir, elle ferma les yeux sur mes sorties du soir, pourvu que je fusse rentré à minuit.
F. Mauriac, le Nœud de vipères, II.
♦ Ciller les yeux. ⇒ Ciller. || Cligner l'œil, les yeux, de l'œil, des yeux. ⇒ Clignement, cligner, clin (d'œil). || Clignoter des yeux. || Yeux clignotants, papillotants. ⇒ Papilloter. — Plisser les yeux. ⇒ Plisser.
c (Avec voir, vue et les mots exprimant la vision). — ☑ Loc. Voir une chose de ses yeux, de ses propres yeux (→ Affirmer, cit. 3; appeler, cit. 40). — ☑ (1567, in D. D. L.). Du coin de l'œil. || Voir, regarder du coin de l'œil (→ Carrément, cit. 3). || Ce que mes yeux ont vu (→ Bouillon, cit. 3). || À l'œil nu. ☑ Objet, corps visible à l'œil nu, sans l'aide d'aucun instrument d'optique (→ Étoile, cit. 19; imperceptible, cit. 3; microscope, cit. 1). — ☑ À vue d'œil. ⇒ Vue. — Objet que l'œil distingue à peine. || Des yeux vous observent par l'entrebâillement (cit. 1) d'une porte. || Coller son œil au trou de la serrure. || Ses yeux regardent bien en face (→ 2. Air, cit. 10). ☑ Regarder quelqu'un dans les yeux, dans le blanc (cit. 24) des yeux, entre deux yeux, en face, avec insistance. — ☑ (1656). Du coin de l'œil : par un regard dérobé. || Lorgner un rôti du coin de l'œil (→ Bon, cit. 124). ⇒ Coin (cit. 9. → aussi Guigner, cit. 3). || Surveiller du coin de l'œil les gestes de son voisin (→ Expédier, cit. 7). — Se mesurer des yeux. || L'œil qui contemple (→ Harmonie, cit. 29). ⇒ Contempler (→ aussi Inanimé, cit. 3). || Avoir les yeux dans le vague.
2 L'œil, les yeux : le regard. ⇒ Regard, vision, vue. || Chercher, suivre (→ Broncher, cit. 8) quelqu'un des yeux. || L'œil ne peut embrasser tout le champ de bataille (→ Carnage, cit. 4). || L'œil s'égare au loin (→ Bâtir, cit. 45).
♦ Jeter les yeux sur qqch. (Littér.). || Jetez les yeux sur cette maison magnifique (→ Billet, cit. 5). || Diriger, tourner ses yeux vers quelqu'un (→ Avocat, cit. 20). || Porter, braquer (cit. 4), arrêter, fixer (cit. 9) ses yeux sur quelqu'un. || Elle l'interrogeait, les yeux fixés sur lui (→ Avide, cit. 18). || Il planta dans mes yeux deux yeux froids et brillants (→ Flamber, cit. 15). || Les yeux à terre, fixés, fichés (cit. 4) en terre : les yeux baissés, le regard dirigé vers le sol. || Leurs yeux se rencontraient sans cesse (→ Mêler, cit. 4). || Éviter (cit. 18) les yeux de quelqu'un. || Tous les yeux s'attachèrent (cit. 69 et 106) sur lui, sur eux. ☑ Ne pas quitter une chose des yeux (→ Dévidage, cit. 1). || Je ne pouvais détacher (1. Détacher, cit. 7) mes yeux de son visage. || Choisir une chose de l'œil avant de l'acheter. ☑ Fig. Avaler (cit. 14) une chose, boire des yeux. ☑ Couver, manger, dévorer (cit. 10 à 13) quelqu'un des yeux, convoiter. || Caresser (cit. 9) de l'œil la courbe d'un beau corps. — Détourner les yeux (→ Désir, cit. 17). || Ses yeux se détachèrent d'elle (→ Flamboyer, cit. 4). || Discourir (cit. 5), les yeux au plafond. || Cacher, dissimuler (cit. 8), découvrir, étaler, exhiber, exposer une chose aux yeux de quelqu'un. || « L'onde approche (cit. 33), se brise et vomit à nos yeux… » (Racine). || Brusquement ses yeux tombèrent sur la lettre (→ Lucidité, cit. 6).
27 (…) les yeux, qui avaient tant convoité toutes les somptuosités terrestres (…)
Flaubert, Mme Bovary, III, VIII (→ Convoiter, cit. 3).
♦ ☑ Avoir une chose devant les yeux, sous les yeux, sous son regard, devant soi. || Ôte-toi de mes yeux (→ Aller, cit. 80). || Ôtez-vous de devant (cit. 15) mes yeux. || Voir passer qqch., qqn devant ses yeux (→ Hydre, cit. 3). || Défiler devant les yeux comme un film (cit. 2). || Les documents (cit. 4) que j'ai sous les yeux. || Les enfants jouent sous l'œil indolent (cit. 8) des nourrices. || Mettre une chose devant les yeux, sous les yeux de quelqu'un, lui montrer, exposer à sa vue, poser devant lui.
♦ ☑ (Mil. XVIIe). Coup d'œil : regard rapide, prompt. || Un coup d'œil, des coups d'œil. || Coup d'œil furtivement (cit. 2) jeté. || Lancer un coup d'œil. || Jeter un coup d'œil au-dehors, par la fenêtre (→ Compulser, cit. 1) sur quelqu'un, sur quelque chose (→ Hôtel, cit. 7; manomètre, cit.). || Découvrir, voir, remarquer une chose d'un seul coup d'œil, du premier coup d'œil, dès le premier coup d'œil (→ Inimaginable, cit. 2; jauger, cit. 3). — Fig. || Saisir quelque chose d'un coup d'œil (→ Digression, cit. 1), du premier coup d'œil. ⇒ Examen (→ Aérolithe, cit. 1). — Jeter un coup d'œil sur le journal, sur un ouvrage, le parcourir rapidement, en lire quelques lignes (→ Mince, cit. 10). — Avoir (cit. 25) le coup d'œil juste, sûr, pénétrant, intuitif… (→ Intuition, cit. 4), l'art d'observer promptement, exactement les choses, de bien discerner. ⇒ Discernement, perspicacité. || Justesse et profondeur du coup d'œil (→ Hors, cit. 10 et 18). || Coup d'œil professionnel (→ Examiner, cit. 2). — Absolt. ☑ Avoir du coup d'œil, la faculté de voir vite et bien. || Le coup d'œil du « connaisseur » (cit. 3).
♦ (Fin XVIIe, Mme de Sévigné). Par ext. Vue que l'on a (d'un endroit, sur un paysage). || De la pointe de la jetée (cit. 2), le coup d'œil sur la ville est merveilleux. ⇒ Vue. || Coup d'œil féerique des jardins du Casino (→ Hôtel, cit. 7).
3 Fig. (Dans des expressions). Attention portée par le regard. || Objet qui attire, retient l'œil, les yeux (→ Infailliblement, cit. 3). || Ce qui frappe (cit. 35) l'œil. || Beautés, attraits (cit. 22) qui captivent les yeux, les fascinent (→ Bagatelle, cit. 17). — ☑ Sauter aux yeux : être évident, très visible. || Faute d'impression (cit. 5) qui saute aux yeux. — ☑ Cela crève les yeux à tout le monde. ⇒ Crever (cit. 33 à 35). — Où avez-vous les yeux ? comment n'avez-vous pas vu ça ? — ☑ Regarder de tous ses yeux, très attentivement.
♦ ☑ Loc. (où yeux au plur. correspond à l'attention). Être tout yeux, tout oreilles : regarder, écouter très attentivement (→ Loup, cit. 8).
27.1 (…) un physionomiste, en regardant d'un peu près ces deux étrangers, aurait nettement déterminé le contraste physiologique qui les caractérisait, en disant que si le Français était « tout yeux », l'Anglais était « tout oreilles ».
J. Verne, Michel Strogoff, p. 8.
♦ ☑ (1893). N'avoir pas les yeux dans sa poche : ne pas manquer d'observer ce qui pourrait échapper à quelqu'un de moins attentif; être très observateur. — ☑ Fam. Avoir de la merde dans les yeux : ne rien remarquer.
♦ (Avec le v. avoir). Attention exclusive. ☑ Avoir les yeux sur qqn, le regarder avec grande attention. || N'avoir les yeux que sur une même personne. ☑ Loc. N'avoir d'yeux que pour quelqu'un, ne voir que lui, et, au fig., lui porter une affection exclusive, ne s'intéresser qu'à lui (→ Lettre, cit. 15). || « Elle n'a d'yeux que pour son fils aîné, ses autres enfants lui sont presque indifférents » (Académie).
28 Il n'a d'yeux que pour toi (…)
Corneille, Clitandre, I, 4.
29 Quoi ? tu veux (…) qu'on n'ait plus d'yeux pour personne ? (…) je conserve des yeux pour voir le mérite de toutes (…)
Molière, Dom Juan, I, 2.
♦ ☑ Avoir l'œil… : exercer une attention constante, vigilante, une surveillance active. || Avoir l'œil aux aguets, au guet (cit. 3). || Avoir l'œil sur quelqu'un (→ Aller, cit. 91), sur quelque chose. || La police a constamment l'œil dessus (→ Gros, cit. 31). — Avoir l'œil à tout, les yeux partout, des yeux d'Argus. ⇒ Veiller.
30 Valère, aie un peu l'œil à tout cela (…)
Molière, l'Avare, III, 9.
31 Depuis longtemps Colbert avait l'œil sur les procédés de Fouquet, sur ses irrégularités et ses dilapidations; il avait adressé à Mazarin des mémoires détaillés à ce sujet (…)
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, 12 janv. 1852.
♦ ☑ Loc. fam. Avoir quelqu'un à l'œil, le surveiller. || Tenir à l'œil. || Voir tout par ses yeux. || L'œil du maître auquel rien n'échappe. — ☑ Prov. L'œil du maître engraisse le cheval.
♦ ☑ Loc. Ouvrir les yeux sur… ☑ Ouvrir l'œil : être attentif. ☑ Ouvrir les yeux de qqn sur… — ☑ Fermer les yeux sur…, refuser de voir.
♦ ☑ Loc. Avoir de l'œil : attirer le regard.
31.1 Il aimait qu'en argot de théâtre on dise d'un acteur que ses partenaires ne « rencontrent » pas, dont ils ne sentent pas la présence, qu'il « n'a pas d'œil ». Il admirait la sagesse concrète des superstitions italiennes sur le « bon œil » et le « mauvais œil ». Roger était un amateur d'yeux : l'œil tendre, l'œil qui foudroie, l'œil meurtrier, l'œil amical, l'œil fascinant.
Claude Roy, Nous, p. 222.
4 Fig. Disposition, état d'esprit, jugement, imagination, raison (d'une personne, d'un groupe).
♦ (Au plur. : les yeux). ⇒ Esprit. || Connaître de ses yeux. || Voir la vérité par ses propres yeux, par soi-même (→ Environner, cit. 4). || Les yeux d'autrui. || Ne rien voir que par les yeux de quelqu'un. || « Le bandeau (cit. 6) de l'erreur aveugle tous les yeux ». — ☑ Loc. métaphorique ou fig. (où yeux peut avoir un sens dénotatif concret, cf. ci-dessus 1., 2.). Se boucher les yeux pour ne pas, pour ne rien voir. — ☑ Avoir les yeux plus grands, plus gros que le ventre : préjuger de son appétit, s'imaginer que l'on mangera la totalité de ce dont on se sert trop copieusement, et que l'on ne pourra finir. Fig. (Attesté dès 1604, in D. D. L.). Entreprendre plus que l'on n'est capable de réaliser, avoir des ambitions au-dessus de ses ressources, de ses forces, etc. — ☑ Jeter de la poudre aux yeux. ⇒ Éblouir. — Plaire aux yeux de qqn (→ Imiter, cit. 13). || Aveugler, éblouir (cit. 7), dessiller (cit. 1) les yeux du peuple. || Vos yeux auront tout le temps de se satisfaire (→ Aise, cit. 11). || Le plaisir des yeux. || Une ivresse (cit. 20) pour les yeux. || Les écailles (cit. 8) tombèrent de ses yeux. ☑ Avoir des yeux, de bons yeux pour voir, pour n'être pas abusé, pour n'être pas dupe, mais pour connaître exactement les choses. || Nos yeux furent témoins de cette aventure. — Évidence (cit. 5) qui saute aux yeux. — Sans cesse l'antithèse (cit. 7) se dresse devant mes yeux. || Passé qui défile devant les yeux comme un film (cit. 2). || Images qui mettent les choses sous les yeux, devant les yeux du lecteur, de l'auditeur. ⇒ Représenter. || Ces documents (cit. 5) parlent aux yeux. ⇒ Parler.
32 C'est avoir de bons yeux que de voir tout cela.
Molière, les Femmes savantes, I, 3.
33 (…) je ne conseille de lire celle-ci (cette comédie) qu'aux personnes qui ont des yeux pour découvrir dans la lecture tout le jeu du théâtre.
Molière, l'Amour médecin, « Au lecteur ».
34 La raison décide en maîtresse.
Mes yeux, moyennant ce secours,
Ne me trompent jamais en me mentant toujours.
La Fontaine, Fables, VII, 18.
♦ (Au sing.). || Un œil exercé, expérimenté (cit. 5), fureteur (cit. 2), lucide, sagace. || Son œil semblait aller au fond (cit. 23) de toutes les questions.
♦ ☑ Voir quelque chose d'un bon œil, d'un œil content, satisfait, d'un mauvais œil : d'une manière favorable ou défavorable, avec satisfaction ou avec déplaisir. || Considérer une chose d'un œil critique (cit. 38). — (Dans le même sens, au plur.). → Avouer, cit. 12. || Les yeux d'une amante (→ Forme, cit. 22). || Avoir les yeux de qqn pour…
35 (…) si tout le monde vous voyait des yeux dont je vous vois (…)
Molière, l'Avare, I, 1.
36 Verrez-vous d'un même œil le crime et l'innocence ?
Racine, Mithridate, I, 2.
36.1 On se voit d'un autre œil qu'on ne voit son prochain.
La Fontaine, Fables, I, 7.
37 En vain contre le Cid un ministre se ligue :
Tout Paris pour Chimène a les yeux de Rodrigue.
Boileau, Satires, IX.
38 (…) personne ne voit des mêmes yeux ce qui le touche et ce qui ne le touche pas (…)
La Rochefoucauld, Réflexions diverses, 10.
39 La Reine les reçut fort mal; outre leur mission, qui les rendait peu agréables, elle avait d'autres motifs, et très différents, de les voir de mauvais œil.
Michelet, Hist. de la Révolution franç., V, II.
♦ Au plur. (avec à, aux). ☑ Aux yeux de qqn, à son jugement, selon son appréciation, sa manière de voir. ⇒ Pour, selon. || Il s'auréolait (cit. 3) de prestige à mes yeux. || Elle devint un monstre à ses yeux (→ Faire, cit. 101). ☑ Trouver grâce aux yeux de quelqu'un. || À ses propres yeux et aux yeux d'autrui (cit. 6). — Fig. || Aux yeux de l'avenir (cit. 34). || Aux yeux de tout Paris (→ Maître, cit. 64).
♦ ☑ Voir avec les yeux de la foi. — Les yeux de l'esprit (cit. 67). || Yeux intérieurs (→ Génie, cit. 40).
♦ (Au plur.). Personne qui observe, est dans une certaine disposition. || Des yeux étrangers. || Pour des yeux avertis, prévenus… — (Au sing.). || Pour un œil averti…
5 Les yeux, considérés dans leur expression passagère comme le reflet d'un état d'âme, d'une émotion, les interprètes d'un sentiment. || « Les yeux sont les interprètes (cit. 11) du cœur » (Pascal). || Le langage (cit. 10) des yeux. || Deux yeux bavards (cit. 5). || Se parler des yeux; ses yeux me disaient tout bas (cit. 82 et 86). || Lire une pensée dans les yeux de quelqu'un. || « Ce que dit votre bouche étincelle (cit. 6) en vos yeux ». || L'allégresse (cit. 5) brille dans leurs yeux. || Pleurer avec des yeux éperdus (cit. 7). || Yeux furibonds (cit. 1), enflammés de colère, inquiets, pleins d'effroi (cit. 4), hagards (cit. 2), suppliants (→ Face, cit. 50). — (Sing. collectif). || L'œil moitié égrillard (cit. 3), moitié attendri. || Œil étincelant (cit. 4) de luxure. || Regarder d'un œil jaloux (→ Entreprendre, cit. 14), d'un œil langoureux, languissant, mourant, provocant, d'un œil ironique, malicieux, malin. || Considérer d'un œil froid, dédaigneux, curieux, indifférent, d'un œil d'envie (cit. 15). || Jeter un œil d'envie (cit. 14), un œil de pitié, de mépris, de défi.
40 Je n'en suis point jaloux, et ma triste amitié
Ne le verra jamais que d'un œil de pitié.
Corneille, Rodogune, III, 5.
41 (…) nous nous sommes parlé des yeux (…)
Molière, le Sicilien, 2.
♦ ☑ (1611). Loc. Faire les doux yeux (vx; → Agencer, cit. 2), les yeux doux, les yeux en coulisse (cit. 2) [à qqn], le regarder tendrement.
42 M. de Sorgues était un jeune homme à la mode, grand amateur de chasse et de chevaux, qui venait souvent au Moulin de May, plutôt pour le comte que pour sa femme. Il était cependant assez vrai qu'il avait fait les yeux doux à la comtesse; car quel homme désœuvré, à douze lieues de Paris, ne regarde une jolie femme quand il la rencontre ?
A. de Musset, Nouvelles, « Emmeline », II.
♦ ☑ (XVIIIe, Diderot). Faire les gros yeux à quelqu'un, le regarder d'un œil sévère, d'un air de reproche, de mécontentement. — ☑ Faire des yeux de basilic.
6 ☑ Loc. (Où la valeur initiale de œil est souvent ambiguë et où le sens global échappe aux classements des valeurs décrites ci-dessus). Aimer quelqu'un comme ses yeux, mieux que ses yeux (→ Jupe, cit. 7). ☑ Tenir à une chose comme à la prunelle de ses yeux. — ☑ Coûter les yeux de la tête. ⇒ Coûter (cit. 2 et 3.1). — ☑ N'avoir plus que les yeux pour pleurer : être dénué de tout, après avoir éprouvé des pertes, des malheurs [cit. 10]. (1740, in D. D. L.). || Ne laisser à qqn que les yeux pour pleurer. — Allus. littér. || « Pleurez, pleurez mes yeux, et fondez-vous en eau » (→ Fondre, cit. 25, Corneille). — || Il pleure d'un œil, et il rit de l'autre (La Bruyère, VIII, 62).
♦ ☑ Fam. ou pop. Se battre l'œil de quelque chose. ⇒ Battre (cit. 74 à 76).
♦ ☑ (1734). Fam. Donner, (1867) taper dans l'œil à qqn, faire sur lui une vive impression.
♦ ☑ (1671). Fam. Faire de l'œil à quelqu'un, cligner un œil pour attirer son attention, le provoquer (⇒ Œillade) ou pour marquer qu'on est de connivence avec lui.
43 On fait de l'œil aux modistes, de l'œil à l'œil, histoire de rire, car on n'a pas le temps de descendre.
Maupassant, Toine, « Le père Mongilet ».
♦ ☑ Loc. adv. À l'œil. a (1827, aussi œil, n. m. « crédit, ardoise », 1843, in D. D. L.). Vx. À crédit, sans payer (proprt sur la vue, la bonne mine); mod. gratuitement.
44 (…) nous vous avons instruit et sauvé de la misère, régalé, et (…) amusé, dit Bixiou. — Et à l'œil ! ajouta Léon en faisant le geste des gamins quand ils veulent exprimer l'action de chipper (sic).
Balzac, les Comédiens sans le savoir, Pl., t. VII, p. 67.
45 À quelques mètres de moi passe un camion. Un gosse d'une douzaine d'années, a trouvé le moyen de se faire trimbaler à l'œil en se juchant à l'arrière du véhicule (…)
Gide, Ainsi soit-il, p. 12.
♦ ☑ Loc. fam. Se rincer l'œil. ⇒ Rincer.
♦ ☑ (1826, in D. D. L.). N'avoir pas froid aux yeux : ne pas avoir peur (à la différence de celui qui baisse les yeux par lâcheté, timidité, honte…), être hardi, décidé, et, parfois, effronté.
46 (…) tu ne peux t'imaginer comme elle était vive et moqueuse. Et elle n'avait pas froid aux yeux, comme vous dites.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, VII, XIX.
♦ ☑ S'arracher les yeux, se manger les yeux, le blanc des yeux : se disputer, se quereller violemment. — ☑ Faire les yeux blancs, comme quelqu'un qui va s'évanouir. — ☑ Tourner de l'œil : s'évanouir, ou, aussi, mourir.
47 (…) j'ai amassé une bonne pacotille de contrebande assez honnête, dont nous vivrions, et que je vous laisserais lorsque je viendrais à tourner de l'œil, comme on dit poliment.
A. de Vigny, Servitude et Grandeur militaires, I, V.
♦ ☑ Loc. exclam. Mon œil ! Se dit pour exprimer l'incrédulité, le défi, etc.
48 Si les sentiments de fierté qui sont au cœur de tout prolétaire … — Mon œil, coupa brutalement M. Lepage. Les prolétaires se souciaient de manger.
M. Aymé, le Confort intellectuel, VI.
➪ tableau Principales interjections.
♦ ☑ Fam. Se mettre, se fourrer le doigt dans l'œil. ☑ Avoir des yeux au bout des doigts. ⇒ Doigt. — ☑ Fam. Pas plus que dans mon œil : point du tout. — ☑ Frais comme l'œil. ⇒ Frais.
♦ ☑ (1832, in D. D. L.). Fam. Il, elle, ça me sort par les yeux : je l'ai assez vu, je ne peux plus le supporter.
♦ ☑ Loc. adv. (1631, in D. D. L.). Fam. Jusqu'aux yeux, par-dessus les yeux : à satiété, trop. || S'en mettre jusqu'aux yeux. || J'en ai par-dessus les yeux, de ce type. ⇒ Tête.
♦ ☑ (1740, in D. D. L.). Entre quatre yeux, et, fam., entre quatre-z-yeux : en tête à tête, seul à seul. || On va en discuter entre quatre yeux.
♦ ☑ Allus. bibl. Œil pour œil, dent pour dent, expression de la loi du talion.
49 Si quelqu'un fait une blessure à son prochain, on lui fera comme il a fait : fracture pour fracture, œil pour œil, dent pour dent; on lui fera la même blessure qu'il a faite à son prochain.
Bible (Crampon), Lévitique, XXIV, 19-20.
50 Vous avez appris qu'il a été dit : œil pour œil et dent pour dent. Et moi je vous dis de ne point résister à celui qui vous traite mal; au contraire, si quelqu'un vous frappe sur la joue droite, présentez-lui encore l'autre.
Bible (Sacy), Évangile selon saint Matthieu, V, 38-39.
♦ ☑ Voir une paille dans l'œil de son prochain (la paille et la poutre).
7 ☑ (1611; regarder qqn de mauvais œil, 1558). Le mauvais œil : faculté attribuée à certains individus de porter malheur à ceux qu'ils regardent; regard qui porte malheur. ⇒ Jettatura. || Porter une amulette pour conjurer le mauvais œil.
51 Même à la cour, on attribuait à Cornélius cette fatale influence que les superstitions italienne, espagnole et asiatique, ont nommée le mauvais œil.
Balzac, Maître Cornélius, Pl., t. IX, p. 914.
52 La vue d'un prêtre le jetait en des fureurs inconcevables; il lui montrait le poing, lui faisait des cornes, et touchait du fer derrière son dos, ce qui indique déjà une croyance, la croyance au mauvais œil.
Maupassant, les Sœurs Rondoli, « Mon oncle Sosthène ».
8 ☑ L'œil de Dieu : un regard, qui voit tout, pénètre tout (Académie; → Frontière, cit. 1, Lamartine). || L'Éternel (cit. 11), qui voit d'un œil profond. || Sous l'œil éternel (cit. 5). — L'œil de la conscience.
53 L'œil était dans la tombe et regardait Caïn.
Hugo, la Légende des siècles, II, « La conscience ».
9 (XIIe, œl del jor « le point du jour »). Par métaphore, vx. a Littér. Ce qui éclaire, permet de voir. || L'œil du ciel, de la nature, du monde : le soleil. — L'œil de la nuit : la lune (l'expression est chez Chateaubriand).
b (Abstrait). Ce qui éclaire, conduit. || « Antioche (…) qu'on appelait l'œil de l'Orient » (Bossuet).
———
II Par anal.
1 Œil de verre : œil artificiel en verre ou en émail qu'on met à la place d'un œil énucléé. || Des yeux de verre.
♦ ☑ Loc. fig. Faire l'œil de verre à qqn, faire semblant de ne pas le reconnaître.
53.1 Ce jour-là, un que tu connais t'a fait l'œil de verre. Tu t'en fous.
Edmonde Charles-Roux, Elle, Adrienne, p. 334.
3 Vx. || Œil électrique : cellule photo-électrique. — (Mil. XXe). Vx. || Œil cathodique, œil magique : petit tube à rayons cathodiques permettant d'effectuer le contrôle visuel du réglage d'un récepteur de radio.
4 Œil d'une porte : petit dispositif de visée. ⇒ Espion, judas.
REM. Aux sens 3 et 4, le plur., rare, serait plutôt des œils.
———
III Fig. (1611). Apparence, aspect extérieur. || Ces perles ont un bel œil. — Absolt. (1681, in D. D. L.). Fam. et vieilli. || Avoir de l'œil, un bel aspect.
54 Il disait volontiers : « Donnez-moi n'importe quoi, pourvu que ce soit cuit à point et que ça ait de l'œil ». Alors, maman mettait du persil sur les lentilles, et le plat avait de l'œil.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier, I, I.
♦ (1798). || Un œil de poudre : une légère couche, un « soupçon » de poudre. — REM. Le plur. ne semble pas usité.
———
IV (1676).
1 Ouverture, trou, ornement rond (cf. les composés ci-dessous). Plur. Des œils. || L'œil d'une aiguille (⇒ Chas). || Œil d'un battant de cloche. || Œil d'une meule, trou par lequel elle est fixée sur l'axe. ⇒ Œillard. — Techn. Trou ménagé dans un outil pour introduire le manche. || Œil d'un marteau.
♦ (1694). Archit. Ouverture ronde en haut d'une coupole. — Œil de pont : ouverture circulaire dans les piles et les culées, pour l'écoulement des eaux.
♦ Œil d'un obus, ouverture pour introduire la charge.
♦ (1874). Trou dans le rideau d'un théâtre, pour observer.
♦ Techn. Trou par lequel le montant de bride passe dans la branche du mors. Trou oblong (d'un étrier) par où passe l'étrivière. — Trou à l'extrémité du grand ressort d'une montre. — (1690). Mar. Trou, boucle ou ganse. || Faire des œils épissés.
55 C'était à cela que le maître d'équipage devrait accrocher l'œil de la remorque, un anneau d'acier ovale, entouré d'un bourrelet de chanvre.
Roger Vercel, Remorques, p. 75.
♦ Tissu à œil, où une armure en losange forme de petits dessins, dits œils de mouche, de fauvette, etc.
♦ (1660). Plur. || Yeux. || Yeux du fromage de gruyère, du pain, les trous qui se forment dans la pâte.
2 (1812). || Yeux de graisse d'un bouillon (→ Figer, cit. 4) : les ronds qui apparaissent à la surface du bouillon. — Rare au sing. || Il y a un œil.
3 (1690). Imprim. « Partie du caractère comprenant le dessin de la lettre formant relief, et qui s'imprime sur le papier » (H. Leduc, Composition. typogr., « Œil »). || L'œil de la lettre. || Gros œil, petit œil. || Lettre d'un autre œil… Plur. Des œils.
4 (Fin XIVe, euil). Arbor. Bourgeon naissant (⇒ 2. Œillet, 1. œilleton). || Greffe, écussonnage à œil dormant (utilisant des bourgeons à feuilles), à œil poussant. Plur. Des yeux. || Tailler une vigne à deux yeux, à trois yeux, en laissant sur la branche deux, trois boutons à fruit.
♦ ☑ Loc. Œil à bois, à fruit, à fleur. || Œil simple (à bois ou à fruit), double, triple (deux yeux à fruits encadrant un œil à bois, ou trois yeux à fleurs).
5 (1868). Arts. Point d'où partent plusieurs plans de cassure (d'une draperie).
b Œil d'un typhon : centre d'un typhon, zone de calme au maximum de la dépression.
7 ☑ Loc. argotique. L'œil de bronze, l'œil de Gabès… : l'anus (dans un contexte de sodomie).
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DÉR. Œillade, œillard, œillé, œillère, œillet.
COMP. Œil-de-bœuf.
Encyclopédie Universelle. 2012.