Akademik

retourner

retourner [ r(ə)turne ] v. <conjug. : 1>
XIIe « détourner »; returner 842; de re- et tourner
I V. tr. A
1(1336) Tourner de manière que l'une des extrémités ou l'une des faces vienne à la place qu'occupait précédemment l'extrémité ou la face opposée; tourner à l'envers. renverser. Retourner un matelas. Retourner un morceau de viande sur le gril. Retourner une crêpe en la faisant sauter. Retourner une crème dans un plat.
(1680) Retourner une carte, la placer de manière qu'on puisse en voir la figure. — Loc. cour. (1790) De quoi il retourne : de quoi il est question. « Savez-vous de quoi il retourne ? dit-il à Julien » (Stendhal).
2(1660) Retourner la terre, la travailler de manière à enfouir la couche superficielle et à exposer à l'air la couche profonde. ⇒ fouiller. Retourner la terre avec une bêche (bêcher), avec une charrue (labourer). « il ôta la bêche des poings de Lise pour achever de retourner un carré » (Zola). Fam. Mettre sens dessus dessous. Il a retourné toute la maison pour retrouver ce papier.
3(1669) Mettre la face intérieure de (qqch.) à l'extérieur. Retourner un sac. Retourner ses poches. Retourner un habit, le refaire en mettant l'envers de l'étoffe (moins usagé) à l'endroit ( retournage) . — P. p. adj. Mouton retourné : peau de mouton dont la fourrure est tournée vers l'intérieur du vêtement. Veste en mouton retourné. Fig. Retourner sa veste : changer brusquement d'opinion, de parti (cf. Tourner casaque).
Fam. Retourner qqn, le faire changer d'avis, d'attitude. Loc. Retourner qqn comme une crêpe, comme un gant, le faire changer complètement d'avis.
Inverser le sens, l'orientation de. renverser. Retourner la situation en sa faveur. Événements qui retournent une tendance économique.
4Fig. et fam. Causer une violente émotion à (qqn), faire une profonde impression sur. bouleverser, choquer, traumatiser. Cette nouvelle l'a tout retourné.
5Modifier (une phrase) par la permutation de ses éléments. intervertir, inverser, renverser. Retournez cette maxime, elle restera vraie.
BDiriger dans le sens inverse.
1Orienter, diriger dans le sens opposé à la direction antérieure. Le meurtrier retourna ensuite l'arme contre lui-même. Retourner contre l'ennemi les canons qu'on lui a pris.
2Renvoyer. Retourner un effet de commerce ( retour) . Retourner une lettre, une marchandise, etc. réexpédier. Retourner une critique à qqn, lui adresser la même critique qu'on en a reçu. Iron. Retourner à qqn son compliment : répondre à une parole désagréable par une autre.
C(Avec le v. tourner) Tourner de nouveau, encore. « il tournait et retournait dans ses grosses mains velues son calot » (Perec). Fig. Tourner et retourner une idée, une pensée, l'exprimer de plusieurs manières, la présenter, l'examiner sous ses différents aspects. Tourner et retourner un projet dans son esprit. ruminer. « Tournant et retournant dans son cœur l'insoluble problème » (Martin du Gard). II V. intr. RETOURNER À, DANS, CHEZ.
1(XIIIe; returner 1080) Aller au lieu d'où l'on est venu, à l'endroit où l'on est normalement (et que l'on a quitté). revenir. Il vient de Paris, mais il va y retourner. Retourner à l'école, dans son appartement, en France, chez soi. regagner, réintégrer, rentrer. Retournez à votre poste. « Il était revenu à la Paix comme le paysan retourne au village » (Sartre). Retourner sur ses pas : refaire le chemin qu'on vient de faire, en sens inverse. — (Suivi d'un inf.) « Et puis est retourné plein d'usage et raison Vivre entre ses parents le reste de son âge ! » (du Bellay). Il est retourné chez lui prendre son parapluie.
2(XIVe) Aller de nouveau (là où on est déjà allé). Je retournerai à Venise dès que je pourrai. Je ne retournerai jamais chez lui (cf. Je n'y remettrai plus les pieds). Fig et vx Retourner sur : repenser à, reparler de. ⇒ revenir (sur). « Je ne puis retourner sur ce passé sans une grande tendresse et une grande douleur » (Mme de Sévigné).
3 ♦ RETOURNER À : retrouver (son état initial, un stade antérieur d'une évolution). Retourner à l'état animal, à la vie sauvage. Retourner au néant.
Se remettre à (une activité), adopter de nouveau (une croyance), aimer de nouveau (qqn). revenir(fig.). Retourner à son ancien métier. Converti qui retourne à sa première religion. Retourner à ses premières amours.
Aborder de nouveau (un sujet dont on s'était écarté). Retourner à son propos (cf. Revenons à nos moutons).
4(Choses) Être restitué à (qqn). revenir. « La maison et la terre retourneraient à sa sœur » (Zola).
III ♦ SE RETOURNER v. pron.
1(1050) S'EN RETOURNER : repartir pour le lieu d'où l'on est venu. S'en retourner chez soi. rentrer, revenir. Absolt S'en aller. 1. partir. « Je m'en retournerai, seule et désespérée ! » (Racine). Loc. S'en retourner comme on est venu, sans avoir rien obtenu, sans avoir rien fait.
2Absolt (1560; h. XVe) Changer de ligne de conduite afin de s'adapter à des circonstances nouvelles. Un homme qui sait se retourner. Ne pas laisser à qqn le temps de se retourner, le prendre de court, le harceler. Il faut payer demain, on ne nous laisse pas le temps de nous retourner.
3(XIXe) Changer de position en se tournant dans un autre sens; s'agiter en se tournant dans tous les sens. Se retourner sur le dos. Voiture qui se retourne, les roues en l'air. 2. capoter (cf. Faire un tonneau). Le bateau s'est retourné, a chaviré. « Un malade qui se retourne dans son lit pour dormir » (A. Gide). Se retourner dans sa tombe.
4Tourner la tête en arrière; faire un demi-tour. Il est parti sans se retourner, sans regarder derrière lui. Se retourner pour faire des adieux. On se retournait sur son passage, après l'avoir croisé. On se retourne sur elle (pour admirer son physique). « On l'aurait appelée voleuse, dans la rue, qu'elle ne se serait pas retournée » (Zola).
5 ♦ SE RETOURNER CONTRE : lutter contre ses anciens alliés, ou ce qu'on défendait. — (Choses) Ses procédés se retourneront contre lui. Entreprendre une action récursoire afin de reporter sur un tiers les charges d'une faute ou d'un dommage dont on est responsable civilement. Il s'est retourné contre son employeur.
6 ♦ SE RETOURNER VERS (qqn, qqch.) :demander de l'aide à (qqn), recourir à (qqn, qqch.). Ne plus savoir vers qui se retourner. Se retourner vers une solution extrême.

retourner verbe transitif (de tourner) Mettre quelque chose à l'envers, le tourner de façon à placer le dessus en dessous, le devant derrière, etc. : Retourner une grillade. Retourner un matelas. Mettre un local sens dessus dessous, bouleverser tout ce qui s'y trouve : On a retourné toutes les pièces de son appartement. Tourner quelque chose en divers sens : Retourner la salade. Tourner et retourner une idée dans sa tête. Troubler quelqu'un profondément, lui causer une violente émotion : La nouvelle de cette mort nous a tous retournés. Orienter quelque chose ou quelqu'un dans une position inverse, sur quelqu'un ou quelque chose d'autre : Retourner son arme sur soi-même. Retourner sa colère contre ses proches. Renvoyer à l'expéditeur son envoi, renvoyer à un commerçant, un fabricant une marchandise qui ne convient pas : L'éditeur lui a retourné son manuscrit. Familier. Faire changer quelqu'un, un groupe d'opinion, de camp : On le retourne comme une crêpe. Familier. Adresser à quelqu'un des propos similaires : Il lui a retourné ses insultes. Démonter un vêtement et le refaire en utilisant pour l'endroit l'envers du tissu moins usé. ● retourner (difficultés) verbe transitif (de tourner) Conjugaison Se conjugue avec avoir quand il est transitif (il a retourné les matelas) et avec être quand il est intransitif (il est retourné plusieurs fois à New York). Emploi Retourner au sens de « renvoyer, réexpédier » (retourner une lettre, un manuscrit), considéré naguère comme du « style commercial », est aujourd'hui admis dans tous les registres. ● retourner (expressions) verbe transitif (de tourner) Retourner une situation, en inverser le sens, l'orientation ; renverser. Retourner la terre, la remuer à l'aide de la bêche ou de la charrue, de façon à ramener à la surface sa partie profonde. ● retourner (synonymes) verbe transitif (de tourner) Mettre quelque chose à l'envers, le tourner de façon à placer...
Synonymes :
Orienter quelque chose ou quelqu'un dans une position inverse, sur quelqu'un...
Synonymes :
Renvoyer à l'expéditeur son envoi, renvoyer à un commerçant, un...
Synonymes :
- réexpédier
retourner verbe intransitif Aller de nouveau en un lieu où l'on est déjà allé : Retourner chaque été à la mer. Revenir à l'endroit d'où l'on est parti, regagner son domicile ou le lieu que l'on a quitté : Retournez à votre place. S'occuper à nouveau de quelque chose, de quelqu'un : Après cette pause, le médecin retourna à ses patients. Revenir à un état antérieur : Ces conceptions vont nous faire retourner au Moyen Âge. Être restitué à quelqu'un, à un groupe : L'exploitation retournera à la collectivité.retourner (expressions) verbe intransitif Retourner dans une couleur, jouer une carte de la couleur qui a déjà été jouée. Savoir de quoi il retourne, savoir exactement de quoi il s'agit, être fixé sur une question. ● retourner (synonymes) verbe intransitif Aller de nouveau en un lieu où l'on est déjà...
Synonymes :
Revenir à l'endroit d'où l'on est parti, regagner son domicile...
Synonymes :
- chambarder (familier)
- chambouler (familier)
- réintégrer
Revenir à un état antérieur
Synonymes :

retourner
v.
rI./r v. tr.
d1./d Faire tourner (une chose) sur elle-même de manière à mettre en avant la partie qui était en arrière, ou à mettre au-dessus la partie qui était au-dessous; mettre à l'envers. Retourner un matelas. Retourner une carte à jouer, en faire voir la figure.
|| Retourner qqn, le faire changer d'avis.
|| Retourner le sol, la terre, les travailler de manière à exposer à l'air une couche profonde.
d2./d Tourner plusieurs fois, dans divers sens. Il tournait et retournait l'objet entre ses mains sans en comprendre l'utilité.
Loc. fig. Retourner le fer, le couteau dans la plaie: raviver une souffrance morale en évoquant sa cause, les circonstances qui l'ont fait naître.
|| Fig. Examiner sous tous les angles. Retourner un problème dans sa tête.
d3./d Diriger dans le sens opposé. Son forfait accompli, l'assassin a retourné l'arme contre lui-même.
|| Renvoyer. Retourner une lettre à son expéditeur. Retourner un compliment.
rII./r v. intr.
d1./d Aller de nouveau (dans un lieu où l'on a déjà été). Retourner dans son village natal.
d2./d Revenir, rentrer (du lieu où l'on est allé). Retourner chez soi.
d3./d Retourner à: être rendu à (qqn). Ces biens retourneront à leur légitime possesseur.
Reprendre, retrouver (un état antérieur, initial); revenir vers. Animal domestique qui retourne à l'état sauvage. Retourner à ses premières amours.
rIII/r v. Pron.
d1./d Se tourner d'un autre côté. Il s'est retourné pour ne pas avoir à nous saluer.
|| Tourner la tête en regardant derrière soi. Partir sans se retourner.
d2./d Changer de position. Se retourner dans son lit.
d3./d Fig. Adopter une autre manière d'agir, changer les dispositions qu'on avait prises. Laisse-lui le temps de se retourner.
d4./d S'en retourner: repartir (vers le lieu d'où l'on vient). S'en retourner chez soi.
d5./d Se retourner contre: s'attaquer à, devenir défavorable à (après avoir été favorable). Se retourner contre ses alliés. Ses arguments se sont retournés contre lui.
rIV./r v. impers. De quoi il retourne: de quoi il s'agit.

⇒RETOURNER, verbe
I. — Empl. trans.
A. — 1. Faire tourner, pour mettre le dessus dessous, l'intérieur à l'extérieur (ou inversement). Retourner une crêpe, un matelas, un sablier. Superstitieux jusqu'à retourner le pain, quand il est sur le dos, signe de malheur! (GONCOURT, Journal, 1861, p. 966):
1. Ce muscle pénètre dans l'intérieur de la corne et va se fixer à son extrémité, en sorte que lorsqu'il se contracte (...), il tire cette extrémité de la corne en dedans, comme lorsqu'on veut retourner un bas.
CUVIER, Anat. comp., t. 2, 1805, p. 435.
♦ [Le suj. désigne un inanimé] Une bourrasque de vent retourna son parapluie (MALÈGUE, Augustin, t. 1, 1933, p. 96).
En partic.
Retourner une carte; p. méton., retourner atout, trèfle, etc. Obtenir une carte indiquant telle valeur, telle couleur. Je connaissais leurs points, je savais celui des deux qui retournait le roi comme si j'eusse vu les cartes (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 86). P. métaph. Le Christ (...) demandait à l'homme de tout risquer sur une carte retournée, celle de l'autre monde (J.-R. BLOCH, Dest. du S., 1931, p. 299).
Retourner (la terre, un champ). Bêcher, labourer. J'avais retourné la terre sur une superficie de plus de vingt pieds carrés et sur une profondeur de plus de deux pieds (DUMAS père, Monte-Cristo, t. 2, 1846, p. 116). P. anal. [Avec un compl. désignant un meuble, une pièce ou leur contenu] Fouiller, mettre le désordre. Synon. bouleverser, mettre sens dessus dessous (v. dessous1 II B 1 b). — Enfile voir... pas si vite... ça colle pas... ôte-moi ça. — Tu ne vas pas tout retourner?... — J'ferai c'que j'ai à faire! (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 14). La fureur d'Henri Mouraud fut insensée. Il retourna tout le grenier, dénicha l'engin, le mit en pièces à coups de talon (VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 221).
Retourner (un vêtement). Le refaire, en mettant à l'extérieur l'envers moins usagé. Napoléon était à Sainte-Hélène, et, comme l'Angleterre lui refusait du drap vert, il faisait retourner ses vieux habits (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 144).
LUTTE. Retourner qqn. Mettre l'adversaire sur le dos. Sur une ceinture de côté, il est retourné (L'Auto-vélo, 6 déc. 1901 ds PETIOT 1982). Fam. Retourner qqn comme une crêpe. Elle avait du répondant, un poitrail d'athlète, elle m'aurait retourné comme une crêpe si j'étais devenu très méchant! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 261).
Au fig., pop., fam.
Retourner les mains devant l'ouvrage. Refuser de travailler. Un gentil petit gars, tout franc et dessalé, qui ne r'tournait pas les mains devant l'ouvrage (BARBUSSE, Feu, 20 août 1916 ds l'Œuvre ds ESN. Poilu 1919, p. 466).
Retourner les poches (à qqn). Voler. Synon. faire les poches (v. poche1). La femme retournait les poches de son amant (PESQUIDOUX, Livre raison, 1928, p. 91).
Retourner sa veste. Renier ses idées par opportunisme. Cela paraît excessif à beaucoup: notamment aux ministres de Brisson, qui ont retourné leur veste gentiment (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 153). Retourner son habit (vieilli). Et pour Zola, toutes les tendresses!... pour Zola, en train de retourner son habit comme on ne l'a jamais si cyniquement retourné (GONCOURT, Journal, 1893, p. 354).
Retourner (qqn) sur le gril. Le presser de questions. Synon. mettre à la question (v. question2). C'est un casse-tête, un attrape-nigaud, un piège à cons. Et toi qui t'amuses, depuis deux heures à me retourner sur le gril (VAILLAND, Drôle de jeu, 1945, p. 93).
Retourner (qqn) comme une peau de lapin, comme un gant. Changer complètement, de fond en comble. En huit jours de temps (...) le godelureau fut retourné comme une peau de lapin! Non-seulement il avait une mine prospère, mais encore il jabotait, il batifolait, il godaillait à ravir (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 153). Vous m'avez retourné comme un gant (BERNANOS, Soleil Satan, 1926, p. 133).
2. a) Tourner une chose dans la direction opposée à celle vers laquelle elle était orientée.
Retourner les chevaux (vx). Faire faire demi-tour. [Fabrice] se trouvait à dix pas du valet de chambre qui ne chantait plus: il vit dans ses yeux qu'il avait peur; il allait peut-être retourner ses chevaux (STENDHAL, Chartreuse, 1839, p. 164).
Retourner la tête, le visage. Tourner la tête, le visage dans la direction opposée à celle où l'on regardait. Lélia laissa retomber son bras et retourna lentement son visage vers l'homme de Dieu (SAND, Lélia, 1833, p. 65). Elle a dépassé la porte sans même retourner la tête (CÉLINE, Voyage, 1932, p. 581).
Au fig. Inverser le sens. Si, en inversant brusquement le champ, on retourne l'aimantation d'un petit barreau de fer doux, on renverse le sens de rotation, le moment d'impulsion de ses électrons magnétiques (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 245):
2. Le Maître de forges, c'est l'antique roman de la fille noble conquise par le beau roturier: seulement, ici, la conquête commence après le mariage: c'est, au fond, le Gendre de M. Poirier, les rôles étant retournés.
LEMAITRE, Contemp., 1885, p. 341.
Retourner un adage, une définition. Inverser le sens, en permutant l'ordre des mots ou des propositions. Les passions sont des femmes qui nous bercent et nous endorment dans leurs caresses. En retournant l'idée, on peut dire aussi que les femmes sont des passions (CHÊNEDOLLÉ, Journal, 1808, p. 36).
Retourner la situation. Prendre l'avantage alors qu'on avait le dessous. Les Américains comptaient sur lui pour prendre le commandement des troupes françaises d'Afrique du Nord et retourner la situation (DE GAULLE, Mém. guerre, 1956, p. 42).
b) Utiliser contre quelqu'un (les armes qu'il a fournies ou qu'on lui a prises). Les Vendéens avaient retourné nos pièces. Quel malheur d'être balayé par ses propres munitions (ERCKM.-CHATR., Hist. paysan, t. 2, 1870, p. 188). P. métaph. Ces armes que la bourgeoisie me fournit, je saurai bien les retourner contre elle (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 148).
Retourner une arme contre soi, sur soi. Se suicider. Il vient de tuer sa femme et ses enfants et a erré dans la campagne durant des heures sans trouver la force de retourner son arme sur lui (Le Monde, 9 déc. 1987, p. 23, col. 1).
P. anal. Retourner une accusation contre qqn. Imputer à l'accusateur le crime dont il a porté accusation. Ce fut contre les conservateurs qu'il [le parti républicain] retourna l'accusation d'être le parti de la guerre (BAINVILLE, Hist. Fr., t. 2, 1924, p. 235). Retourner un argument, une critique, etc. à qqn. Les appliquer à la personne qui les formule. Tu me maudis, vieux fantôme? Et moi, je te retourne ta malédiction dans les dents! (CLAUDEL, Tête d'Or, 1901, 2e part., p. 195).
c) Retourner qqn. Changer radicalement ses dispositions vis-à-vis de quelqu'un, le faire changer de camp. Ne te donne pas la peine, va! J'ai compris... Oh! du reste, je n'avais pas beaucoup d'illusions en partant. Je pensais bien qu'elle viendrait à bout de te retourner! (BOURDET, Sexe faible, 1931, III, p. 453). Retourner (un agent, un espion). Le contraindre à travailler contre son camp. Après avoir « retourné » un agent, elle [la Gestapo] le fait rouler en voiture, des heures durant, dans les quartiers où il a eu ses rendez-vous (G. PERRAULT, L'Orchestre rouge, 1971 [1967], p. 340).
3. Tourner (quelque chose) de façon continue ou répétitive. Retourner la salade.
Tourner et retourner. Tourner dans un sens puis dans l'autre. Elle revient à la vie, se laisse cajoler, tourne et retourne de gros yeux langoureux (BOYLESVE, Leçon d'amour, 1902, p. 226). Un moment, elle tourna et retourna la langue dans sa bouche sèche (BERNANOS, Crime, 1935, p. 867).
Retourner dans tous les sens. Le mouvement de bascule a pour effet de retourner le linge en tous sens, de le frotter sur lui-même, de le projeter sur les parois du tonneau (Lar. mén. 1926, p. 196).
Loc. fig.
Retourner le couteau, le fer dans la plaie, dans le cœur. Insister sur ce qui fait souffrir. Il reprit tout son sang-froid, et n'hésita point à retourner le poignard dans son cœur (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 467). Corignon: (...) Ah! Je ne t'aime plus... je ne t'aime plus...! Je n'en sais rien, si je ne t'aime plus!... La Môme, retournant le couteau dans la plaie: — Puisque tu te maries! (FEYDEAU, Dame Maxim's, 1914, II, 9, p. 52).
Retourner sept fois sa langue (usuel avec tourner, v. langue I B 1 b). Prendre le temps de réfléchir avant de parler. Cela doit apprendre (...) à votre sagesse, à retourner sept fois votre folle de langue dans sa jolie prison avant de la mettre à l'essor (M. DE GUÉRIN, Corresp., 1837, p. 261).
Retourner (un problème, une question) dans tous les sens. Les examiner longuement et sous tous leurs aspects. L'étudiant retournait dans sa tête des idées contradictoires (ARAGON, Beaux quart., 1936, p. 326).
4. Provoquer (chez quelqu'un) une intense émotion. Synon. bouleverser, mettre dans tous ses états (v. état I A 2). La première fois qu'on entame la peau d'un mort à la Clinique (...) je vous assure que cela fait un effet (...) ça vous retourne (GONCOURT, Sœur Philom., 1861, p. 138).
Retourner le cœur à qqn. Provoquer un sentiment de dégoût. Une nausée me retourne le cœur, me monte à la gorge impérieusement, m'affadit la bouche, me serre les tempes (MIRBEAU, Journal femme ch., 1900, p. 67).
Retourner l'estomac à qqn. Même sens. À présent, rien que la vue d'un verre de vin lui retournait l'estomac (A. DAUDET, Évangéliste, 1883, p. 96).
Retourner les sangs à qqn. Bouleverser. Elle a vu dans la rue Vivienne un cheval emballé! Elle est revenue décomposée! Ça lui a retourné tous les sangs! (CÉLINE, Mort à crédit, 1936, p. 383). Avoir (les sangs, le cœur) retourné(s). Il n'avait guère mangé tant il se sentait le cœur retourné (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Père Amable, 1886, p. 232).
Être retourné. Être troublé profondément. Pour toute défense, elle mit sa main devant elle et murmura: « Jacquot... » d'une voix si déchirante que Jacques en fut d'un coup retourné (MARTIN DU G., Thib., Mort père, 1929, p. 1349):
3. Il y avait si longtemps que les Slavsky étaient sans nouvelles de Montparnasse, que la rencontre avec Mizzi les émut l'un comme l'autre, toute leur ancienne vie leur revenait, ils en étaient tout retournés.
TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 130.
5. Empl. impers. Comprendre, savoir de quoi il retourne, ce dont il retourne. Comprendre, savoir les données cachées d'une situation. Synon. comprendre, savoir le dessous des cartes (v. carte II A 2). Savez-vous de quoi il retourne? dit-il à Julien; ce maître de poste est un fripon. Tout en me promenant, j'ai donné vingt sous à un petit polisson qui m'a tout dit (STENDHAL, Rouge et Noir, 1830, p. 387). Le peuple, comprenant ce dont il retournait, écouta (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 186).
B. — 1. Renvoyer quelque chose (à l'expéditeur). Synon. réexpédier. Retourner les invendus. Souvent ils allaient alors voir charger les paniers vides sur les camions, qui, chaque après-midi, viennent les reprendre, pour les retourner aux expéditeurs (ZOLA, Ventre Paris, 1873, p. 782). Aussitôt votre choix fait, relativement à ce dernier point, veuillez bien lui retourner, avec votre commande, un morceau de l'étoffe marqué de son prix (MALLARMÉ, Dern. mode, 1874, p. 792).
Retourner le compliment. Répondre à un compliment par un compliment. Je dois noter qu'à mon arrivée, quand je me suis incliné pour lui baiser la main, Mme Valavert m'a dit — sur un ton de déjà vieille camarade —: « Vous êtes éblouissant! » Je lui aurais bien retourné le compliment, mais c'était un peu bête; et surtout ce n'eût pas été tout à fait exact (ROMAINS, Hommes bonne vol., 1939, p. 103). P. antiphr. Répliquer. Mais chaque changement trouve, hélas, ses prophètes, qui, par amour de l'humanité, comme dit Aurelle, mettent à feu et à sang ce globe misérable! — Cela est fort bien dit, docteur, dit Aurelle, mais je vous retourne le compliment: pourquoi, si tel est votre sentiment, vous donnez-vous la peine d'être vous-même homme de parti? (MAUROIS, Sil. Bramble, 1918, p. 31).
Retourner la politesse. Rendre la politesse. Il n'aimait pas qu'on lui rendît service, parce que cela l'obligeait à retourner la politesse (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 803).
2. SPORTS (tennis). Retourner (une balle, un service), ou simpl., retourner. C. retourne toujours aussi bien (L'Équipe, 2 juin 1980 ds PETIOT 1982).
II. — Empl. intrans.
A. — 1. Vieilli, empl. abs. Faire le chemin en sens inverse. Synon. faire demi-tour, rebrousser chemin (v. rebrousser I A 3). Le cocher retourna pour prendre le chemin de Chinon qui était meilleur que celui de Saché (BALZAC, Lys, 1836, p. 265). À chaque pas, on rencontrait des gens effarés qui vous criaient: « N'avancez pas, retournez, retournez! La troupe arrive, on tire sur tout le monde » (SAND, Hist. vie, t. 4, 1855, p. 113).
Retourner en arrière (cour.). Un mur lui barra la route: elle était dans une impasse. À la hâte elle voulut retourner en arrière (, Aphrodite, 1896, p. 148). P. métaph. Tout, dans la société actuelle, se dresse, à chacun de nos pas, pour nous humilier, pour nous faire retourner en arrière (ÉLUARD, Donner, 1939, p. 86).
Retourner sur ses pas (cour.). La paix faite, nous retournâmes sur nos pas, sous les ordres du prince Joseph, aujourd'hui roi (COURIER, Lettres Fr. et Ital., 1806, p. 731).
2. ARCHIT. [En parlant d'un corps de bâtiment] Former un angle. Être retourné d'équerre. Être orienté perpendiculairement à un autre corps de bâtiment. Si un bâtiment B, double en profondeur, est retourné d'équerre, il sera difficile d'éclairer la surface F (VIOLLET-LE-DUC, Archit., 1872, p. 292).
B. — Retourner + compl. locatif
1. Se rendre à nouveau dans le lieu d'où l'on est venu. Synon. repartir. Retourner à la maison, à sa place, chez soi. La campagne, une fois quittée, on n'y retourne guère (MICHELET, Peuple, 1846, p. 74).
[Le compl. désigne une activité, le lieu d'une activité] Retourner au lit, au travail. [Le verbe est suivi d'un inf.] Retourner dormir, travailler. La fusillade devenait plus pressée. Les marchands de vins étaient ouverts; on allait de temps à autre y fumer une pipe, boire une chope, puis on retournait se battre (FLAUB., Éduc. sent., t. 2, 1869, p. 110).
Locutions
Retourner à Dieu. [Dans la lang. des croyants] Mourir. Près de retourner à Dieu, il commanda de lever les stores de ses fenêtres et dit: « Quelle belle journée! » (CHATEAUBR., Mém., t. 3, 1848, p. 158).
Retourner à ses moutons. V. mouton D 3.
Retourner avec qqn (pop.). Reprendre la vie commune, renouer une liaison amoureuse. Et vous croyez que je vais retourner avec vous? Ah! Tenez! Sous le couteau, je dirai non, non, jamais! (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 527).
2. Aller à nouveau dans un lieu où l'on est déjà allé. Je ne suis pas retourné en Algérie depuis la guerre. Je suis retournée deux fois chez elle sans la rencontrer (SÉNAC DE MEILHAN, Émigré, 1797, p. 1631).
3. Rare. [Le suj. désigne un inanimé] Revenir à un état antérieur. Puis la maison retourna à son silence sourd (GUÈVREMONT, Survenant, 1945, p. 80):
4. Le Négus alluma une cigarette; et tous ceux qui les suivaient firent de même à la fois: le retour à la vie. Chaque homme apparut une seconde dans la courte lueur de l'allumette ou du briquet; puis tout retourna à la pénombre.
MALRAUX, Espoir, 1937, p. 544.
Dans la lang. jur. Redevenir la propriété de, la possession de. Les actions en reprise, s'il en existe, ou le prix de ces biens aliénés, s'il est encore dû, retournent également aux frères et sœurs légitimes (Code civil, 1804, art. 766, p. 140).
III. — Empl. pronom.
A. — [Corresp. à supra I]
1. Faire un demi-tour. Il se tut enfin et je sentis ses yeux se poser sur moi, me suivre obstinément alors que, m'étant retournée, j'allai vers la fenêtre (F. TRISTAN, Le Dieu des mouches, 1984 [1958], p. 64).
Se retourner sur soi-même. Pivoter. Le venimeux roublard avait fini par accrocher au cou son naïf adversaire, et, prompt comme l'éclair, s'était retourné sur lui-même avec furie, pensant bien le « basculer » sur les reins, puis, coup sur coup, l'envoyer à terre en plein sur le dos (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 20).
2. Tourner la tête ou le haut du corps vers l'arrière. Les hommes qui l'avaient regardée de face se retournaient pour la voir par derrière (ZOLA, Th. Raquin, 1867, p. 218). Ils virent passer une femme à bicyclette, qui se retourna sur eux par deux fois (TRIOLET, Prem. accroc, 1945, p. 229).
Faire retourner ou se retourner qqn. Mais, tandis qu'Edward chevauche lentement, le trot d'un cheval le fait retourner; c'est Stephen qui le rejoint (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 293). Ce côté belle créature resplendissante qui fait se retourner les hommes (SAGAN, Bonjour tristesse, 1954, p. 99).
3. Prendre une position opposée, en roulant sur soi-même. Je me retournerai sur l'autre flanc et me rendormirai (MUSSET, Confess. enf. s., 1836, p. 79). Il se retourna avec l'aide d'un infirmier, et il s'appuya sur une cuisse (BENJAMIN, Gaspard, 1915, p. 72).
Se tourner et se retourner (tour fréq.). Un sommeil agité, où je me tourne et me retourne, me détends, me renoue (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 109).
Se retourner dans sa tombe. [Expr. hyperbolique par laquelle on exprime que ce qui est dit est partic. scandaleux] Mais, nom de Dieu! Si la famille avait eu le mauvais cœur de tolérer ça, les os du père Fouan se seraient retournés entre leurs quatre planches (ZOLA, Terre, 1887, p. 505).
4. Empl. pronom. passif. [Le suj. désigne un inanimé] Se mettre à l'envers. Son parapluie s'est retourné. La feuille imprimée d'un côté se retourne en passant au second cylindre qui imprime alors le verso (Civilis. écr., 1939, p. 8-12).
[Le suj. désigne un véhicule, un bateau ou p. méton., les occupants] Son kayak s'est retourné. Le plus adroit peut se retourner (L'Auto, 17 nov. 1905 ds PETIOT 1982).
Au fig. [En parlant d'une tendance] Le marché boursier s'est retourné. Puis, au fur et à mesure que se développait l'expérience nouvelle [de la IVe République], l'opinion se retourna et (...) revint à une appréciation plus favorable du régime de 1875 (VEDEL, Dr. constit., 1949, p. 93).
5. a) Vieilli. Manœuvrer pour faire face à une agression par surprise, ou lors d'une retraite. Les lions devenus chevreuils. Telle fut cette fuite. À Genappe, on essaya de se retourner, de faire front, d'enrayer (HUGO, Misér., t. 1, 1862, p. 409).
b) Cour., au fig., fam. Prendre des dispositions face à un événement imprévu, un changement de situation. Quant aux 200 fr. d'Henri, laissez-moi quelques jours pour me retourner (BALZAC, Corresp., 1835, p. 781). D'ici huit mois nous avons largement le temps de nous retourner (MONTHERL., Célibataires, 1934, p. 747).
6. Se retourner contre qqn. S'opposer, après avoir été allié, ami. Rien n'égale (...) le scandale et l'ignominie de la trahison des saxons, qui, nos frères de périls et de fortune, dans nos rangs mêmes se retournent subitement contre nous pour nous égorger (LAS CASES, Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 31). Cependant la population arabe, dit-on, commence à déchanter, à se retourner contre ceux qu'elle fêtait d'abord (GIDE, Journal, 1943, p. 197).
♦ [Le suj. désigne un moyen] Devenir dangereux, nuisible pour la personne qui a d'abord utilisé le moyen, avoir un effet de boomerang. Aujourd'hui, cette preuve, mensongère contre Dreyfus, se retourne contre ceux qui, en étant détenteurs, ont trahi les secrets d'État — sans avoir été jamais inquiétés (CLEMENCEAU, Vers réparation, 1899, p. 168).
Dans la lang. jur. Agir en justice contre une personne pour la rendre responsable d'une faute ou d'un dommage dont les charges pèsent sur soi, ou faute d'un responsable direct. Si l'auteur est inconnu, ou ne peut être déterminé, on pourra alors se retourner contre l'éditeur ou l'imprimeur, mais ceux-ci ne seront pas considérés de plein droit comme responsables de l'article incriminé (Civilis. écr., 1939, p. 44-13).
7. Se retourner vers. Avoir recours (à quelqu'un ou quelque chose) après avoir échoué ailleurs. La première crise déclencha dans le midi de la France des troubles assez graves, puis, à la suite de l'échec prévisible de l'émeute, le vigneron se retourna vers le législateur, le syndicalisme et la coopération, toutes choses assez nouvelles dans les milieux agricoles (LEVADOUX, Vigne, 1961, p. 84). On s'était vite rendu compte que la force musculaire humaine était décidément insuffisante pour fournir la propulsion, et l'on s'était retourné vers le seul moteur connu, la machine à vapeur (P. ROUSSEAU, Hist. techn. et invent., 1967, p. 356).
B. — [Corresp. à supra II] S'en retourner. Aller là d'où l'on vient, là où l'on vit habituellement. Synon. repartir, rentrer. Je suis encore ici pour douze jours, après quoi je m'en retourne dans la capitale avec mon livre achevé (FLAUB., Corresp., 1862, p. 280). Vous allez partir? Quand reviendrez-vous? À l'automne, pour cueillir mon raisin. Revenez. Vous allez prendre le tramway pour vous en retourner, c'est plus commode (JOUVE, Paulina, 1925, p. 261).
S'en retourner comme on est venu. Repartir sans avoir obtenu ce qu'on souhaitait. Il n'avait pu rien distinguer. Et il s'en retourna comme il était venu... avec son rêve (BARB. D'AUREV., Memor. pour l'A... B..., 1864, p. 439).
S'en retourner gros Jean comme devant. Même sens. On rit à belles dents de « l'aspirant au trône », qui s'en retournerait Gros-Jean comme devant (CLADEL, Ompdrailles, 1879, p. 297).
REM. Retournable, adj., comm. [En parlant d'un matériau, d'un produit, d'un emballage] Qui peut être retourné à l'expéditeur. Le conditionnement moderne des fruits tend vers l'usage généralisé de l'emballage dit « perdu » (non retournable à l'expéditeur), qui est propre et limite beaucoup les manutentions (BOULAY, Arboric. et prod. fruit., 1961, p. 107).
Prononc. et Orth.:[], (il) retourne [-]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. I. Trans. A. 842 returnar « détourner (quelqu'un de quelque chose) » (Serments de Strasbourg ds BARTSCH Chrestomathie 1908, n ° 2, 19: si io returnar non l'int pois). B. 1. a) Ca 1165 retorner « renvoyer, rendre » (Troie, éd. L. Constans, 27011: qu'il retorna sa fille ariere); b) 1832 « renvoyer, réexpédier » (BALZAC, Corresp., p. 135: il faut me retourner le manuscrit); 2. 1170-83 « orienter, diriger dans un sens opposé » (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 2844: returné vers vostre vis); 3. a) XIVe s. [ms.] « utiliser (ses propres armes) contre quelqu'un » (Psautier [Mazarine 258], f ° 64 ds LITTRÉ: Sire Dieux, retorne à mes anemis leur maus [Ps. 53, 7]); 1466 (HENRI BAUDE, Vers, éd. J. Quicherat, p. 28: ses coups on luy retourne); b) av. 1564 « répliquer à quelqu'un en utilisant ses arguments, ses critiques, etc. » (CALVIN, s. réf. ds DOCHEZ: nous retournerons leur argument contre eux-mesmes); 1563 (RONSARD, Responce, 640 ds Œuvres, éd. P. Laumonier, t. 11, p. 149); 1662 (A. ARNAULD et P. NICOLE, Log., p. 286: retourner [un dilemme]); c) 1872 iron. (FLAUB., Corresp., p. 339: te retourner ton aimable mot); 1918 retourner le compliment (MAUROIS, Sil. Bramble, p. 31); d) 1878 fam. (RIGAUD, Dict. jargon paris., p. 17: Retourner atout, donner une gifle); 1964 retourner une gifle (Lar. encyclop.). C. 1. a) Déb. XIIIe s. retourner qqn « le faire changer d'avis » (Vie des Pères, ms. Lyon, 772, Bullet. A. T., 1885, p. 79 ds GDF. Compl.); b) fin XVe s. fig. retourner sa robe « changer d'opinion, de parti » (J. MOLINET, Chron., éd. G. Doutrepont et O. Jodogne, t. 2, p. 215); 1870 retourner sa veste (ZOLA, La Fortune des Rougon, ch. IV, in Le Siècle, 21 juill., p. 1 ds QUEM. DDL t. 16); c) 1862 retourner la situation (HUGO, Misér., t. 1, p. 112); 2. a) déb. XIVe s. « tourner à l'envers » (De la damoisele qui n'ot parler, 52 ds J. RYCHNER, Contribution à l'ét. des fabliaux, t. 2, p. 122: sa busche au soloil retorne); b) 1680 « tourner (une carte) pour qu'on en voie la figure » (RICH.); 1680 retourner de pique (ibid.); 1718 qu'est-ce qui retourne? il retourne cœur (Ac.); 1739 fig. de quoi il retourne « de quoi il est question » (CAYLUS, Écosseuses ds Œuvres badines, t. 10, p. 587); 3. a) fin XIVe s. « mettre sens dessus dessous » (FROISSART, Chron., éd. G. Raynaud, t. 11, p. 73: la ville retourner toute che desoulx deseure), attest. isolée; à nouv. 1822 (DELACROIX, Journal, t. 1, p. 18: une idée [...] retourne les résolutions); b) 1660 retourner la terre (OUDIN Fr.-Esp. ds FEW t. 13, p. 64a); c) 1761 retourner la salade (J.-J. ROUSSEAU, Nouvelle Héloïse, VI, 2, éd. H. Coulet, Bibl. Pléiade, p. 644); 4. 1560 « modifier (un mot) par la permutation de ses éléments » (RONSARD, Continuation des Amours ds Œuvres, t. 7, p. 123, var.); 5. 1851 fam. « bouleverser, causer une violente émotion à » (SAINTE-BEUVE, Caus. lundi, t. 5, p. 132); av. 1860 (SCRIBE, s. réf. ds DOCHEZ: votre récit m'a tout retourné). D. 1. Ca 1320 « tourner dans tous les sens » (WATRIQUET DE COUVIN, Dits, éd. A. Scheler, p. 74, 26: Fortune [...] le plus haut tourne et retourne); 2. fin XIVe s. fig. « revenir sur, examiner, débattre » (FROISSART, op. cit., p. 104: pluiseurs parolles retournées); 1573 (GARNIER, Hippolyte, éd. W. Foerster, 1571: Elle tourne et retourne en elle Mainte mensongere cautelle). II. Pronom. A. 1. a) fin Xe s. « repartir, s'en aller » (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 422: cum se retornent); b) ca 1050 (Alexis, éd. Chr. Storey, 120: s'en returnerent); 2. 1130-40 « tourner la tête, faire demi-tour » (WACE, Ste Marguerite, éd. E. A. Francis, 401: au deable se retorna); 3. 1188 « changer de position » (AIMON DE VARENNE, Florimont, éd. A. Hilka, 7733 ds T.-L., 1151: El lit se viret et retorne). B. 1. Ca 1200 au fig. « se rapprocher de nouveau de quelqu'un » (Poème moral, éd. A. Bayot, 910: de tot vostre cuer a moi [Dieu] vos returneiz); 2. 1407-27 « changer d'opinion, de parti » (P. DE FENIN, Mém., éd. E. Dupont, 1413 ds LITTRÉ); 3. a) 1563 se retourner contre « lutter contre » (PALISSY, Recepte, Dédicace, éd. A. France, p. 15), attest. isolée; à nouv. 1794 (STAËL, Lettres L. de Narbonne, p. 217); b) 1804 se retourner contre « retomber sur, être néfaste à (sujet inanimé) » (CONSTANT, Journaux, p. 75); 4. 1723 « s'adapter à des circonstances nouvelles, prendre d'autres dispositions » (MARIVAUX, Spectateur fr., XIX, éd. F. Deloffre et M. Gilot, p. 219: une femme se retourne comme elle peut dans ces occasions-là); 5. a) 1834 « regarder en pensée ce qui a été accompli, vécu » (MUSSET, On ne badine pas, p. 50: on se retourne pour regarder en arrière); b) 1835 « redescendre en soi-même, se replier sur soi-même » (VIGNY, Chatterton, p. 235: [le grand écrivain] se tait [...] se retourne sur lui-même). III. Intrans. A. 1. ca 1100 returner « aller de nouveau (où on est déjà allé) » (Roland, éd. J. Bédier, 1060); 2. ca 1160 retorner « revenir sur ses pas, aller en arrière » (Eneas, éd. J. J. Salverda de Grave, 208); 3. ca 1170 « aller au lieu d'où l'on est venu, où l'on devrait être normalement » (CHRÉTIEN DE TROYES, Erec, éd. M. Roques, 2229: qu'au plus tost qu'il porra retort); 4. 1276 « (en parlant de quelque chose) être restitué à, redevenir la propriété de » (Hist. de Bourgogne, II, 44 ds GDF. Compl.: li heritages [...] retorneroit [...] a Robert). B. 1. Ca 1180 « retrouver son état initial, revenir à un stade antérieur » (MARIE DE FRANCE, Fables, éd. K. Warnke, p. 249, 80: Or me covient a returner E rencliner a ma nature); 2. a) ca 1180 « se remettre (à une activité), adopter de nouveau (une croyance, un comportement) » (ID., ibid., p. 82, 59: voldreit a lui [sun malvais us] returner); b) ca 1200 « se convertir, revenir à (Dieu) » (Poème moral, éd. A. Bayot, 921: a Deu returneir); 3. a) ca 1200 « aborder de nouveau (un sujet dont on s'était éloigné) » (ibid., 475: a ce dont voliens dire tens est de returner); ca 1230 (Fille du Comte de Ponthieu, réd. remaniée, éd. C. Brunel, SATF, p. 50: retournerons a parler de la Mulaine); ca 1480 retournons à nos moutons (v. mouton); b) 1376 « recommencer à, faire de nouveau » (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, § 97, 98: retourne à lui donner plume). Dér. de tourner; préf. re-. Fréq. abs. littér.:12 228. Fréq. rel. littér.:XIXe s.: a) 14 665, b) 20 425; XXe s.: a) 19 861, b) 16 595.
DÉR. 1. Retournage, subst. masc. a) Cout. Action de refaire un vêtement, une pièce d'étoffe en retournant l'étoffe. [Le] retournage des paletots (MONTHERL., Pte Inf. Castille, 1929, p. 625). b) Brass. Opération qui consiste à retourner l'orge en germination pour l'aérer, l'homogénéiser. L'installation du retournage mécanique [des couches d'orge] (BOULLANGER, Malt., brass., 1934, p. 141). []. 1res attest. a) 1715 « action de retourner » (Décl., 22 oct., Tarif ds LITTRÉ: retournage de bateau), b) 1842 « action de retourner des boyaux » (Ac. Compl.), c) 1871-72 « action de soumettre de nouveau une pièce au tour » (Almanach Didot-Bottin, 4e col. ds LITTRÉ Suppl. 1877), d) 1927 cout. (affiche à Paris en 1927 d'apr. GALL. 1955, p. 352: retournage de pardessus), 1929 (MONTHERL., loc. cit.), e) 1934 brass. (BOULLANGER, loc. cit.); de retourner, suff. -age. 2. Retourneur, -euse, subst. [Corresp. à supra I] a) ) P. iron. Garde-malade, infirmier. Autant voudrait être caniche d'aveugle (...), culotteur de pipes, retourneur d'invalides, promeneur de chiens convalescents (GAUTIER, Jeunes-Fr., Contes humoristiques, 1839, p. 311). ) Au fém. Couturière qui retourne les vêtements. Une retourneuse d'habits (Lar. 19e). b) Subst. masc., brass. Appareil utilisé pour retourner automatiquement l'orge en germination. La technique de la germination [de l'orge] est variée. Elle s'effectue soit sur aire, soit dans des cases munies de retourneurs mécaniques ou dans des tambours tournants [germination pneumatique] (Industr. fr. brass., 1955, p. 7). [], fém. [-ø:z]. 1res attest. a) XVe s. « celui qui retourne, qui revient » (Gloss. lat.-fr., ms. Montpellier, H 110, f ° 221 v ° ds GDF.: Redius, retourneur ou messagier), attest. isolée, b) 1770 « celui qui retourne, ressasse (des idées, des paroles) » (GRIMM, Corresp., Paris, Buisson, 1812, IIe part., t. 1, p. 169: des retourneurs d'idées et de paroles), attest. isolée, c) 1839 p. iron. (GAUTIER, loc. cit.), d) 1875 « personne qui retourne les habits » (Lar. 19e), e) 1934 brass. (BOULLANGER, Malt., brass., p. 138); de retourner, suff. -eur2.
BBG. — GALL. 1955, p. 352 (s.v. retournage). — QUEM. DDL t. 16, 32. — SANKOFF (G.), THIBAULT (P.). L'Alternance entre les auxil. avoir et être en fr. parlé à Montréal. Lang. fr. 1977, n ° 34, pp. 99-100.

retourner [ʀ(ə)tuʀne] v.
ÉTYM. Fin XIe, returner; returnar, 842; de re, et tourner.
———
I V. tr.
1 a Tourner de manière que l'une des extrémités ou l'une des faces vienne à la place qu'occupait précédemment l'extrémité ou la face opposée; tourner à l'envers, dans le mauvais sens, dans le sens inhabituel. Renverser. || Retourner un tableau, un portrait contre le mur. || L'image d'un objet apparaît dans un miroir comme si l'objet avait été retourné (la droite et la gauche étant inversées). || Retourner un matelas. || Retourner un morceau de viande sur le gril. — ☑ Fig. Retourner qqn sur le gril (cit. 4).
1 On la laissa donc toujours couchée, ne la tirant de ses draps que pour les soins de sa toilette et pour retourner ses matelas.
Maupassant, Contes de la Bécasse, « La folle. »
(1680). || Retourner un domino.Retourner une carte : la placer sur la table de manière qu'on puisse en voir la figure (spécialt après la distribution, la couleur de la carte retournée indiquant alors quel sera l'atout pour la partie qui s'engage. Retourne). || Retourner carreau, trèfle.Impers. et intrans. || De quoi retourne-t-il ? Il retourne pique.
(XVIIIe). Cour. De quoi il retourne : de quoi il est question; ce qu'il s'agit de faire; quelle est la situation.
2 — Savez-vous de quoi il retourne ? dit-il à Julien; ce maître de poste est un fripon. Tout en me promenant, j'ai donné vingt sous à un petit polisson qui m'a tout dit.
Stendhal, le Rouge et le Noir, II, XXIII.
3 Vous verrez tout de suite de quoi il retourne. Pas drôle tous les jours, je vous en fous mon billet.
G. Duhamel, Salavin, VI, VII.
Retourner le foin, le fourrage vert, pour le faire sécher (→ aussi Faner, cit. 1; moyette, cit.).(1660). || Retourner la terre : la travailler de manière à enfouir la couche superficielle et à exposer à l'air la couche profonde. Fouiller (supra cit. 3), remuer (supra cit. 3), verser (vx). || Retourner la terre avec une bêche ( Bêcher), avec une charrue. Labourer. || Retourner un champ (→ Davantage, cit. 3).Retourner du trèfle, du gazon.
4 (…) il revint causer, peu à peu familier et obligeant, si bien qu'une après-midi, il ôta la bêche des poings de Lise pour achever de retourner un carré.
Zola, la Terre, II, III.
5 Sous ce geste décisif de leur maître, la qualité religieuse de leurs âmes se révéla, comme une terre retournée par le soc de la charrue laisse voir ses profondeurs.
M. Barrès, la Colline inspirée, VI.
(Même sens). || Retourner la salade. Fatiguer, touiller.
Fam. Mettre sens dessus dessous. || Retourner la maison : y mettre tout sens dessus dessous (en fouillant, en cherchant partout); → Jamais, cit. 29.
b (1669). Mettre la face intérieure à l'extérieur. || Retourner un sac. || Retourner ses poches. || Vent qui retourne un parapluie (cit. 4).
Retourner un habit : le refaire en mettant l'envers de l'étoffe à l'endroit ( Retournage). || Vêtement qu'on peut retourner. Réversible. || Retourner un manteau usagé, un col de chemise défraîchi.
Loc. fig. Retourner sa veste : changer brusquement d'opinion, de position, de parti. Renier (ses opinions, ses idées), virer (de bord); → Tourner casaque; faire volte-face.
6 Écoute : « Comme la France me semble avoir fait l'impossible pour écarter la catastrophe, je vous prie de m'incorporer, par faveur spéciale, dans le premier régiment d'infanterie qui partira pour la frontière ! » Et voilà ! Oui, mon petit ! Voilà comment on retourne sa veste ! Notre Gustave Hervé, directeur de la Guerre Sociale ! Notre Gustave Hervé, qui proclamait qu'aucune patrie n'a jamais mérité qu'on verse pour elle une goutte de sang ouvrier ! (…)
Martin du Gard, les Thibault, t. VIII, p. 37.
Fam. Retourner qqn : le faire changer d'avis, d'attitude. || On l'a retourné comme une crêpe, comme un gant (supra cit. 12). || Elle s'est laissé facilement retourner.
Changer complètement, absolument. || Retourner une situation : rendre bonne une situation critique (ou inversement). || Il a su retourner la situation en sa faveur ( Retournement).
c Fam. Causer une violente émotion à (qqn), faire une profonde impression sur qqn. Bouleverser, émouvoir, troubler (→ fam. Mettre sens dessus dessous, mettre en révolution). || Cette nouvelle l'a tout retourné.
7 « Alors, tu pars cette après-midi ? » Il dit : « Oui, par le train de cinq heures ». « Bon sang ! dit sa femme, je suis toute retournée, je n'aurai jamais le temps de tout te préparer ».
Sartre, le Sursis, p. 93.
d Modifier (un élément du langage, phrase, syntagme, mot…) par la permutation de ses éléments. Intervertir, renverser. || Retournez cette maxime, elle restera vraie.Retourner un mot ( Verlan).
8 Marie, qui voudrait votre nom retourner,
Il trouverait aimer : aimez-moi donc, Marie,
Votre nom de nature à l'amour vous convie.
Ronsard, Second livre des amours, I, IX.
9 En fait d'arts, de musique surtout, il faut retourner le proverbe et dire : « Mieux vaut goujat enterré qu'empereur debout ».
Berlioz, Beethoven, p. 16.
REM. La forme habituelle du proverbe est : « Mieux vaut goujat debout (cit. 12) qu'empereur mort ».
2 (XVIIe). Diriger dans le sens inverse.Vieilli. Tourner en arrière. || Retourner la tête, pour regarder derrière soi (→ Côte, cit. 9).
10 (…) ils entendirent à quelque distance derrière eux du bruit et des cris; ils retournèrent la tête, et virent une troupe d'hommes armés de gaules et de fourches qui s'avançaient vers eux à toutes jambes.
Diderot, Jacques le fataliste, Pl., p. 514.
Orienter, diriger dans le sens opposé à la direction antérieure. || Le meurtrier retourna ensuite l'arme contre lui-même.Fig. || Retourner sa haine contre qqn : la reporter sur qqn.
Retourner contre : utiliser contre (l'adversaire) des armes, ses propres armes. || Retourner contre l'ennemi les canons qu'on lui a pris.Retourner un argument contre son adversaire.
3 Tourner de nouveau. || Tourner et retourner un objet entre ses doigts pour l'examiner (cit. 7). || Retourner un objet sur toutes les coutures.
11 Tiens ! une lettre (…) Il la tourne, la retourne, la parcourt du bout des yeux sans comprendre, la repousse dans le tiroir (…)
Alphonse Daudet, Quarante ans de Paris, XXIII, VI.
12 Jean-Marie apporte cette soupe, et Yves est là qui tourne, retourne sa cuiller, n'ayant plus l'air de se rappeler par quel bout ça peut bien se prendre.
Loti, Mon frère Yves, LXIII.
Fig. Retourner le couteau, le poignard (cit. 5) dans le cœur de qqn, dans la plaie (cit. 7). Remuer.Par métaphore (→ Rapport, cit. 22).
(Avec le v. tourner).Fig. Tourner et retourner une idée, une pensée, etc. : l'exprimer de plusieurs manières, la présenter sous ses différents aspects (→ Misérable, cit. 14); l'examiner (cit. 4) longuement, y réfléchir continuellement. || Écrivain qui tourne et retourne en son esprit une phrase imparfaite (→ Raturer, cit. 1). || Tourner et retourner un projet dans son esprit. Ruminer (fam.).
13 (…) sans cadre précis d'études, seul et trop libre, tournant et retournant dans son cœur l'insoluble problème, il avait dû vivre dans une exaltation, dans une angoisse insoutenables.
Martin du Gard, les Thibault, t. IV, p. 101.
Vieilli. || Tourner et retourner qqn : prendre différents biais, user de toutes les ruses possibles pour lui faire dire ce qu'on veut savoir. Sonder (fig.). || Retourner un accusé.
14 (…) pendant la durée de cette longue instruction, pendant sept semaines, j'ai vu l'accusé tous les jours, je l'ai interrogé, pressé, questionné, et, comme disaient les anciens parlementaires, « retourné » dans tous les sens.
Hugo, Choses vues, 1846, Attentat de Lecomte.
4 (1819). Renvoyer. || Retourner un effet de commerce à qqn. Retour (I., B., 2.). || Retourner une lettre, une marchandise, etc. Réexpédier. || Éditeur qui retourne à l'auteur un manuscrit jugé inacceptable. Refuser (→ aussi Injouable, cit. 2).
15 David Séchard serait venu payer son effet, le trois mai, ou le lendemain même du protêt, messieurs Cointet frères lui eussent dit : « Nous avons retourné votre effet à monsieur Métivier ! » quand même l'effet se fût encore trouvé sur leur bureau. Le Compte de retour est acquis le soir même du protêt.
Balzac, Illusions perdues, Pl., t. IV, p. 922.
Retourner une injure, une critique à qqn : lui appliquer la même injure, lui adresser la même critique qu'on en a reçue (→ Fossoyeur, cit. 4). — ☑ Fam. et iron. Retourner son compliment à qqn : répondre à une parole désagréable par une autre, répondre du tac au tac (cf. Rendre coup pour coup, rendre la pareille, rendre la monnaie de sa pièce…).
———
II V. intr.
1 (XIVe). Le sujet de l'énonciation se trouve hors du lieu dont il est question. Aller de nouveau (dans un lieu où l'on est déjà allé). || Retournerez-vous à Biarritz cette année pendant vos vacances ? || Je ne suis plus jamais retourné chez lui depuis cette discussion (→ Remettre les pieds).
REM. Dans cet emploi, retourner se conjugue avec l'auxiliaire être; on rencontre cependant des exemples avec avoir dans la langue classique : || « J'ai retourné depuis à Versailles » (Mme de Sévigné, 425, 7 août 1675).
Fig. et vx. || Retourner sur… : repenser à, reparler de. Revenir (sur). || « Je ne puis retourner sur ce passé sans une grande tendresse et une grande douleur » (Mme de Sévigné, 405, 7 juin 1675). Vx. || Retourner à…, suivi de l'inf. : recommencer à. || « C'est ce qui fait que je retourne encore à vous envoyer une de ces lettres » (Mme de Sévigné, 1019, 23 avr. 1687). — ☑ Fam. et vieilli. N'y retournez plus : ne commettez plus cette faute, cette erreur (→ N'y revenez plus). Cf. Molière, George Dandin, III, 7; Mme de Sévigné, 778, 2 févr. 1680.
2 (Mil. XIIe). Revenir sur ses pas, aller en arrière. Aller (s'en aller). (→ Faire demi-tour, supra cit. 2; rebrousser chemin; refluer). ☑ Retourner sur ses pas (1. Pas, cit. 24).Retourner en arrière (cit. 9).Par métaphore. || Aussi loin que je retourne en arrière (cit. 15) à travers ces souvenirs.Absolt. (Vieilli ou littér.). || Allez, vous pouvez retourner.
3 (1080). Aller au lieu d'où l'on est venu, à l'endroit où l'on demeure habituellement, où l'on devrait être normalement (et qu'on a quitté). Revenir.REM. À la différence de revenir, retourner implique que le locuteur n'est pas dans le lieu où on retourne. On dira retournez chez vous, il retourna chez lui, mais revenez chez moi, il revient chez moi (où je suis). — Retourner à son logis, dans son appartement (cit. 2). Regagner, réintégrer, rentrer. || Retourner chez soi (→ 1. Cave, cit. 2; malheur, cit. 43). || Retourner à sa place. || Retourner à son poste (→ Intempestif, cit. 1). || Déserteur qui refuse de retourner à la caserne. Rejoindre (supra cit. 5). || Retourner chez, vers qqn (→ Aller retrouver).
16 (…) les soirées dans le pavillon du fond du jardin, se terminant par cette phrase de Flaubert : « C'est le moment de retourner à Bovary ! » phrase qui faisait naître dans l'esprit de l'enfant l'idée d'une localité, où son oncle se rendait la nuit.
Ed. et J. de Goncourt, Journal, 23 avr. 1885, t. VII, p. 29.
17 Le lendemain mardi était le jour du départ, le dernier jour que le pèlerinage national devait passer à Lourdes, et sans doute les pèlerins profitaient goulûment des heures, revenaient de la Grotte, y retournaient en pleine nuit, tâchaient de violenter le ciel par leur agitation, sans besoin aucun de repos.
Zola, Lourdes, 5e journée, I.
18 Il était revenu à la Paix comme le paysan retourne au village, comme le mineur, après sa journée de travail, retourne à la surface de la terre.
Sartre, Situations I, p. 202.
Vx. || Retourner de… : revenir de. || « Une autre fois qu'il retournait des jeux olympiques » (Racine, Diogène, traduction).
Retourner, suivi d'un inf. || « Et puis est retourné plein d'usage et raison Vivre entre ses parents le reste de son âge ! » (cit. 2, Du Bellay). || Il est retourné chez lui prendre son parapluie.
4 (Fin XIIe). || Retourner à : retrouver (son état initial); redescendre à (un stade antérieur d'une évolution, d'un développement). || Retourner à l'état animal (cit. 4), à la vie sauvage (→ Jugeote, cit. 1).Spécialt. S'anéantir, se perdre dans la substance dont on est issu; revenir à l'état où l'on était avant d'être appelé à l'existence. || L'homme est né de la terre et il retournera à la terre (→ Matérialisme, cit. 6).Retourner au néant. || Rien ne vient de rien, rien ne retourne à rien (→ Émaner, cit. 3).
19 Vous mangerez votre pain à la sueur de votre visage, jusqu'à ce que vous retourniez en la terre d'où vous avez été tiré : car vous êtes poudre, et vous retournerez en poudre.
Bible (Sacy), Genèse, III, 19.
Se remettre à (une activité), suivre de nouveau (une ligne de conduite qu'on avait abandonnée), adopter de nouveau (une croyance ou une doctrine qu'on avait rejetée), aimer de nouveau (une personne), etc. Revenir (fig.). || Retourner à son ancien métier. || Converti qui retourne à sa première religion (→ aussi Héritier, cit. 13). || Retourner à Dieu : se convertir (après s'être éloigné de la religion).Retourner à ses premières amours.
20 (…) tout d'un coup, elle lui demanda ce qu'elle ferait, si Lantier venait rôder autour d'elle; car, enfin, les hommes sont si drôles, Lantier était bien capable de retourner à ses premières amours.
Zola, l'Assommoir, VI, t. I, p. 239.
On finit toujours par retourner à ses vieilles habitudes (→ Qui a bu boira). — ☑ (Par allus. à l'image biblique du chien qui « retourne à ce qu'il avait vomi »). Retourner à son vomissement : retomber dans ses vices, ses erreurs. Vomissement.
Spécialt. Aborder de nouveau un sujet dont on s'était écarté. || Retourner à son propos (→ Faculté, cit. 2). || Retournons à nos moutons.
5 (Sujet n. de chose). Fig. et vx. Être répété, rapporté à qqn. || « Voilà bien des folies que je ne voudrais dire qu'à vous… Je vous prie que cela ne retourne jamais » (Mme de Sévigné, 372, 19 janv. 1674).Retourner sur, à… : retomber, être reporté sur. || « Et souvent la perfidie Retourne sur son auteur » (cit. 3, La Fontaine). || « Les louanges qu'on donne au vaincu retournent à la gloire du vainqueur » (Racine, Première préface d'Alexandre).
6 Dr., cour. Être restitué à; redevenir la propriété de (→ Faire retour à; revenir à).
21 (…) elle s'était fait expliquer comment la maison et la terre retourneraient à sa sœur, si elle mourait avant d'avoir un enfant (…)
Zola, la Terre, V, III.
tableau Verbes exprimant une idée de mouvement.
——————
se retourner v. pron.
ÉTYM. (V. 1175).
1 a (Passif). Être ou pouvoir être retourné (→ ci-dessus, I., 1.). || Se retourner comme un gant (cit. 12).
b (Réfléchi). Changer de position en se tournant dans un autre sens, dans le sens inverse. || Se retourner sur le dos. || La voiture s'était retournée, les roues en l'air. Capoter.Se tourner et se retourner dans son lit (→ Endroit, cit. 8; et aussi potion, cit.).
22 Et l'humanité tout entière m'a paru comme un malade qui se retourne dans son lit pour dormir — qui cherche le repos et ne trouve même pas le sommeil.
Gide, les Nourritures terrestres, IV, IV.
2 a Tourner la tête en arrière; faire un demi-tour (supra cit. 1). Volter (vx). || Se retourner pour embrasser qqch. du regard (→ Cabinet, cit. 6). || Il est parti sans se retourner. Regarder (derrière soi). || Se retourner pour appeler, pour voir qqn (→ Discrètement, cit. 1; fringuer, cit. 4). || On se retournait quand elle passait, sur son passage (→ Grelot, cit. 1).Se retourner vers qqn pour lui parler (→ aussi Mot, cit. 33).
23 Gervaise, maintenant, traînait ses savates, en se fichant du monde. On l'aurait appelée voleuse, dans la rue, qu'elle ne se serait pas retournée.
Zola, l'Assommoir, XI, t. II, p. 182.
b Infléchir sa marche; se diriger dans un autre sens. || Après avoir enfoncé le centre de l'ennemi, la cavalerie se retourna contre son aile droite. Rabattre (se).
c (V. 1150, se retourner vers Dieu). Fig. Se rapprocher de nouveau de qqn; avoir finalement recours à une personne ou à une chose. || Lassé de la société des hommes, il se retourna vers Dieu.Nous serons peut-être obligés de nous retourner vers cette solution.
d (XXe). || Se retourner contre… : lutter contre ceux qu'on a eus auparavant comme alliés ou contre une chose qu'on avait préconisée, soutenue (→ Persécuteur, cit. 4).(En parlant d'un moyen, d'une arme). Être utilisé contre qqn qui s'en était d'abord servi; nuire après avoir été utile. || Ses procédés se retourneront contre lui.Se reporter sur. || Sa haine s'est retournée contre…
24 Jupiter se retourna contre ses alliés, ainsi qu'il en va souvent dans les coalitions, et il continua la lutte contre les Titans ses cousins.
Émile Henriot, Mythologie légère, p. 112.
25 Si jamais cette puissance de jugement et de condamnation qu'elle tourne contre autrui devait se retourner contre elle-même, qu'elle souffrirait !
F. Mauriac, la Pharisienne, IX.
e Dr. Exercer une action récursoire contre une personne physique ou morale afin de reporter sur elle les charges d'une faute ou d'un dommage dont on est responsable civilement.
3 (XVe). Absolt, fam. User de ruses, changer de ligne de conduite afin de s'adapter à des circonstances nouvelles, de résoudre une difficulté imprévue (→ Espagnolisme, cit. 1). || Un homme qui sait se retourner ( Habile). — ☑ Fam. Ne pas laisser à qqn le temps de se retourner : le harceler, lui ôter le temps de réfléchir, de décider, de riposter (→ Épistolier, cit. 3).
4 (V. 1050). || S'en retourner : repartir pour le lieu d'où l'on est venu. || Adieu (cit. 5), je m'en retourne en mon séjour sauvage. || S'en retourner chez soi. Revenir (→ Mercenaire, cit. 6).Absolt. S'en aller, repartir après être venu. Partir; → Moucharder, cit.; précipice, cit. 2. || « Elle s'en est retournée » (Académie). || Il s'en retourna mécontent (cit. 1). — ☑ Fig. S'en retourner comme on est venu, sans avoir rien obtenu, sans avoir rien fait.
26 Je m'en retournerai seule et désespérée !
Racine, Iphigénie, IV, 4.
27 Landry ne voulut pas écouter cette proposition-là; il ne fit que se désespérer et s'en retourna à la Priche dans un état qui aurait fait pitié au plus mauvais cœur.
G. Sand, la Petite Fadette, XXIX.
——————
retourné, ée p. p. adj.
1 Qui est disposé dans un sens inverse du sens normal. || Épileptique dont les membres sont retournés. Tordu (→ aussi Présenter, cit. 1).Qui a été mis à l'envers, renversé. — ☑ Loc. fam. Avoir les bras retournés. Retourne (II.).
Fig. Qui s'exerce dans le sens inverse du sens habituel, qui se présente sous l'aspect contraire à l'aspect attendu.
28 Les éreintements ne sont d'ailleurs le plus souvent, dans leurs revues (des jeunes gens), que de grandes amours retournées.
F. Mauriac, le Jeune Homme, VI.
2 Qui est retourné, revenu à son point de départ, à son état antérieur (→ Pleuvoir, cit. 5).Fig. || Végétation retournée à l'état sauvage (→ 1. Lis, cit. 3).
DÉR. Retour, retournage, retourne, retournement, retourneur.

Encyclopédie Universelle. 2012.